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2000. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 15, observations concernant la maniere dont les pieces dramatiques étoient représentées sur le théatre des anciens. De la passion que les grecs et les romains avoient pour le théatre, et de l’étude que les acteurs faisoient de leur art et des récompenses qui leur étoient données » pp. 248-264

Seneque le pere dit dans l’avant-propos du premier livre de ses controverses : que les jeunes gens de son temps faisoient leur plus sérieuse occupation de ces deux arts. […] On peut voir dans le troisiéme chapitre de l’onziéme livre de Quintilien, que par rapport à tout genre d’éloquence, les anciens avoient fait de profondes refléxions sur la nature de la voix humaine, et sur toutes les pratiques propres à la fortifier en l’exerçant.

2001. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’insurrection normande en 1793 »

L’insurrection normande en 179333 I Ce sont des miettes pour l’Histoire que ce livre, mais les miettes de la vérité sont encore quelque chose, et en fait d’histoire il ne s’agit pas de faire le fier ; il faut tout ramasser. […] Eh bien, ce sont les souvenirs de cette lointaine et première époque de sa vie que Vaultier avait écrits avec un détachement de tout, avec une absence de prétention si rare, que cela est presque de l’originalité dans ce temps où les grenouilles de l’individualisme crèvent dans tous les livres pour se donner des airs de bœuf insupportable !

2002. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Avant-propos de la septième édition »

Avant-propos de la septième édition Par Henri Bergson Ce livre affirme la réalité de l’esprit, la réalité de la matière, et essaie de déterminer le rapport de l’un à l’autre sur un exemple précis, celui de la mémoire. […] Mais, comme nous l’annoncions d’abord, nous ne traitons la question de la matière que dans la mesure où elle intéresse le problème abordé dans le second et le troisième chapitres de ce livre, celui même qui fait l’objet de la présente étude : le problème de la relation de l’esprit au corps.

2003. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Des principes qui tendaient à élever la faiblesse, à rabaisser l’orgueil, à égaler les rangs par les vertus, devaient donner à l’éloquence un mélange de force et de douceur ; enfin, l’étude et la méditation des livres sacrés, répandirent souvent sur ces discours une teinte orientale, inconnue jusqu’alors aux orateurs de l’empire ; d’un autre côté, le mépris d’une vaine gloire, l’absence des passions, l’impression que l’orateur faisait souvent par la seule idée du Dieu dont il était le ministre ; enfin, la persuasion qu’entre les mains de la divinité tous les instruments sont égaux, durent ou retarder, ou affaiblir les progrès de ce genre d’éloquence. […] Ce discours, singulier dans sa forme, est en même temps un panégyrique, un sermon, un catéchisme, une profession de foi, un discours de métaphysique et d’éloquence, un mélange de la philosophie de Pythagore, de celle de Platon et de la doctrine de nos livres sacrés : Constantin y est représenté partout comme vainqueur de l’idolâtrie.

2004. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLe entretien. L’homme de lettres »

Ces livres avaient servi à sa gloire. […] Son exemple m’a été plus utile que celui de nos prétendus sages ; et ses paroles, si simples, m’en ont plus appris que tous les livres des philosophes. […] La religion même sourit à ce livre. […] car le livre n’eût pas plutôt paru qu’il eut deux éditions immédiates et jusqu’à cinquante contrefaçons en deux ans ? […] Jamais livre n’eut un pareil succès.

2005. (1923) Paul Valéry

L’Introduction à Vinci a précédé de trois ans ce livre de M.  […] Mais Valéry, dans sa préface au livre de M.  […] Chacun des trois livres a son indépendance, comme trois cercles, non tangents, mais concentriques. […] Ce livre si difficile, si peu intelligible en apparence, est respecté. […] Il lui était alors arrivé de lire le petit livre de Ribot, et il le condamnait avec vivacité.

2006. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

» Saint-Victor me disait ces jours-ci, — et il est tout là : — « Quel temps, où l’on ne peut plus lire un livre !  […] Et l’on va dans une absence de soi-même, semblable à celle de l’enfant, à la lecture de ses premiers livres, l’on va par les grands espaces et les grandes aventures de l’impossible, héros d’une fiction d’une heure. […] » Hugo vient s’asseoir à côté de moi, et m’entretient de mes livres, qu’il veut bien me dire avoir été des distractions de son exil. […] au milieu de la dévastation qui a fait rage en ce pauvre logis, dans un coin, sur une chaise, la seule restée intacte, est posé à plat, entr’ouvert, un vieux livre à tranche rouge, le livre tel qu’il a été laissé par le propriétaire, après sa dernière lecture. […] Le maître boucher pérore, au milieu d’un cercle de femmes : « C’est 40 francs la livre, pour le filet et pour la trompe… Oui, 40 francs… Vous trouvez cela cher… Eh bien !

2007. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

C’est lire le Livre. C’est lire le Livre et la Loi. […] C’est-à-dire le livre des baptêmes. […] Ou plutôt il était du livre même, il était le livre même de la création. […] Les lettrés étaient des livres.

2008. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Du livre de M.  […] — Revenons au boulevard et au livre de M.  […] Mais j’ai dit qu’à côté il y a dans le livre de M.  […] Il y a dans le livre de M.  […] C’est un livre maître à écrire.

2009. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Jamais avec aucune d’elles je n’ai même fait ce banal échange de cartons par où l’on remercie de l’envoi d’un livre ou d’un article. […] Donc il importe de souligner le genre où se classe le livre qu’on lui vient proposer. […] Je reviens à cette forme particulière de la lutte pour la vie qu’est un livre imprimé. […] Et d’ailleurs ne serait-ce pas la condamnation même d’un livre qu’il exigeât trop de préliminaires ? […] Il songeait aux jeunes hommes de son âge, tout fiévreux d’ambition et d’amour, à ceux qui veillaient, courbés sur des livres, à ceux qui pressaient des femmes pâmées dans leurs bras.

2010. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Il accouple la poésie au calembour. « Le génie de l’Angleterre, dit-il à la fin de son livre sur Cromwell, ne plane plus les yeux sur le soleil, défiant le monde, comme un aigle à travers les tempêtes ! […] Heine se moque de ses émotions au moment où il s’y livre. […] Il veut être raffiné et original tout à son aise ; il est chez lui dans son livre et portes closes ; il se met en pantoufles, en robe de chambre, bien souvent les pieds en l’air, parfois sans chemise. […] Carlyle passe sa vie à exprimer et à imprimer la vénération et la crainte, et tous ses livres sont des prédications. […] Sitôt qu’un homme a un sentiment profond, une conviction forte, son livre est beau.

2011. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Pope dédie son poëme à mistress Arabella Fermor avec toutes sortes de révérences ; la vérité est qu’il n’est pas poli ; une Française lui eût renvoyé son livre en lui conseillant d’apprendre à vivre ; pour un éloge de sa beauté, elle y eût trouvé dix sarcasmes contre sa frivolité. […] J’ouvre au hasard, et je tombe sur le début du second livre ; un orateur, un écrivain de l’école de Buffon serait ravi d’admiration en voyant tant de trésors littéraires amassés dans un si petit espace. […] Le premier vers résume tout le livre précédent, et le second résume tout le livre présent ; c’est une sorte d’escalier qui conduit d’un temple à un temple, régulièrement composé de marches symétriques et si habilement placées, que de la première on aperçoit d’un coup d’œil tout l’édifice qu’on quitte, et que de la seconde on aperçoit d’un coup d’œil tout l’édifice qu’on va visiter. […] Le lecteur n’est guère ému, ni moi non plus ; il pense involontairement ici au livre de Pascal, et mesure l’étonnante différence qu’il y a entre un versificateur et un homme. […] (Alma, livre II.)

2012. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIIIe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (1re partie) » pp. 5-96

Qu’il y avait loin des orages incessants du mont Aventin de Paris en 1848, à ce cabinet recueilli, dans une rue éloignée du centre, sans autres ornements que ses livres et ses dictionnaires, comme la tente d’un guerrier qui n’a de parure que ses armes ! […] Peut-être verrait-on encore, dans le dix-septième livre de Diodore de Sicile, ces reproches faits par Hermolaüs à Alexandre, si la grande lacune de ce livre ne tombait pas précisément à l’endroit où il devait être question du meurtre de Clitus et de la conjuration qui causa la perte de Callisthène. […] Mais, avant d’examiner celle d’Aristote, et en fermant le livre dans lequel je viens de l’étudier, une réflexion me frappe et me confond : c’est l’antiquité prodigieuse, ou plutôt c’est la presque éternité de cette science. […] Voici l’analyse raisonnée de sa Politique : trouvez mieux, et étonnez-vous que ce livre, bien supérieur à Rousseau et à Montesquieu, ait été recueilli il y a tant de milliers d’années comme l’évangile infaillible de la politique. […] Nous qui, dans une vie déjà longue, avons pu compter dix à douze révolutions d’empires, et qui avons même attaché involontairement notre nom à la dernière de ces convulsions sociales pour la modérer en la conseillant, il nous est impossible de ne pas nous élever à la plus haute admiration en lisant ce beau livre.

2013. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DE LA MÉDÉE D’APOLLONIUS. » pp. 359-406

exécute bien vite ce que tu viens de nous promettre ; et ne t’irrite pas ainsi, ne te mets pas en colère contre ton enfant, car il changera par la suite. » La rivalité de Junon et de Vénus, au premier livre de l’Énéide, a certes plus de grandeur ou de gravité, et elle domine tout le poëme ; mais ici les scènes d’un ton moins élevé, qui interviennent comme ressort secondaire, ont beaucoup de grâce ; elles sont d’un jeu habile, ingénieux, et tout le sérieux de la passion va se retrouver dans les effets. […] On se rappelle que Virgile, au livre premier de l’Énéide, a trouvé l’ingénieux moyen de déguiser l’Amour sous les traits d’Ascagne, que son père envoyait vers Didon. […] Nous entrons ici avec Médée dans le dédale des contradictions charmantes que Virgile a si bien décrites chez sa Didon ; nous allons y marcher de plus en plus, et, pour qui sait par cœur son quatrième livre de l’Énéide, les réminiscences jailliront à chaque pas. […] Ovide, dans le discours qu’il prête à Médée, au livre vii de ses Métamorphoses, a rendu avec élégance, avec esprit, ces alter natives ; c’est à elle qu’il fait dire ce mot, devenu proverbe : ….. […] Virgile aussi a montré, en un des plus beaux passages du ive livre, l’impuissance des devins ; c’est quand Didon perd sa peine à consulter les oracles des Dieux et à interroger les entrailles des victimes : Heu vatum ignaræ mentes !

2014. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

« Mandez-moi si mes vieux livres sont bien en ordre sur les tablettes et si mes onze volumes de saint Chrysostome y sont ; voyez-les de temps en temps pour en enlever la poussière. […] Les avis de l’imprimeur sont ordinairement des éloges qu’ils se donnent à eux-mêmes ; et l’on scellerait à la chancellerie des privilèges fort éloquents, si leurs livres s’imprimaient avec privilège. » Ces outrages à ses seconds pères étaient d’autant plus impardonnables que ces solitaires étaient en ce moment en suspicion et en persécution devant la cour, et que l’injure littéraire pouvait se transformer contre eux en sévices du gouvernement. […] Les bienfaits du roi, qui se renouvelaient sous la forme de gratification littéraire à chacune de ses pièces, et qui se convertirent bientôt après en une pension de 2, 000 livres, somme considérable pour le temps, donnaient une grande aisance à la famille. « Il est juste », écrivait-il à cette époque, « que l’auteur laborieux tire de son travail une rémunération légitime. » Le roi ajouta à cette aisance des gratifications annuelles s’élevant de 500 jusqu’à 1 000  louis pendant huit ans et plus, une charge de gentilhomme ordinaire de sa chambre avec une nouvelle pension de 4 000 livres, et enfin la charge à la fois politique et littéraire d’historiographe de son règne et de ses campagnes, avec Boileau, son collègue et son ami. […] Il ferma l’histoire profane, Sophocle, Euripide, Sénèque, tout ce monde fabuleux, olympien, païen, dans lequel il avait jusque-là paganisé son génie ; il ouvrit les livres sacrés pleins d’un autre ciel, d’une autre histoire, d’un autre style ; il ne souffla pas, pour les rallumer, sur les charbons éteints du trépied et du lyrisme grecs, mais il prit hardiment les charbons vivants dans le foyer du tabernacle juif et chrétien pour en réchauffer son âme ; il s’inspira de ce qu’il croyait et non de ce qu’il imaginait ou de ce qu’il imitait.

2015. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XVIII. »

Un de ces hymnes, qu’il cite dans son livre du Pédagogue comme une leçon à donner aux néophytes, se rapproche un peu de la simplicité monotone de nos litanies : « Frein des jeunes chevaux indociles197, aile des oiseaux qui ne s’égarent pas dans leur vol, vrai guide des enfants, pasteur des brebis royales, réunis tes fils innocents, pour qu’ils louent dans leur piété et chantent avec candeur de leur bouche ingénue le Christ conducteur de l’enfance ! […] et, dans ce livre saint et pur, nourris ton âme de paroles inspirées ; car là tu entendras les ministres de la vérité annonçant la vie future avec la voix même de Dieu. » Ailleurs, s’agit-il pour Grégoire de Nazianze, pour le prêtre missionnaire, l’évêque persécuté, de quelque effort à tenter, d’un voyage à faire, l’invocation à Dieu sera plus ardente encore ; elle rappellera toutes les traditions miraculeuses dont s’animait contre la tyrannie des princes et contre la corruption des hommes cet âge héroïque du christianisme. […] Sa parole se teignit davantage de l’empreinte des livres saints ; son âme s’attacha tout entière à son culte nouveau ; et le pur enthousiasme de la vertu chrétienne se réfléchit bientôt dans ses vers, en même temps que cette vertu pratiquée excitait son courage à braver les menaces d’un préteur romain, pour la défense de son Église et de son peuple. […] « Du milieu des flots tumultueux de la vie, attirez vers la pure lumière mon âme ramenée, qui s’est remplie de vos livres inspirateurs, et qui possède en elle la gloire de cette douce éloquence, consolatrice de la pensée. […] faites jaillir sur moi, des livres saints, un rayon de pure lumière, et dissipez le nuage, afin que je discerne le Dieu immortel et l’homme, que le démon, auteur du mal, ne me retienne pas à jamais sous les flots du Léthé, loin du séjour des bienheureux, et qu’une punition cruelle n’enchaîne pas dans les liens de la vie mon âme tombée sur les froides ondes de la naissance, où elle ne veut pas errer plus longtemps.

2016. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Il me restait encore un de ces livres, je ne pouvais le mieux placer que dans vos mains ; j’aurais voulu y joindre Éloa, mais elle n’existe plus, même chez moi. […] « Je ne résiste pas à ce besoin que j’ai de vous parler de votre beau livre, et en vérité, comme je ne cesse de causer avec vous tous les jours depuis que je suis à la campagne, je puis aussi bien continuer par écrit cette douce conversation. […] et ensuite je m’enferme avec vous ou bien je vous emporte sous une allée où je marche tout seul, et je frappe sur le livre et je jette des cris de plaisir à me faire passer pour fou. […] Je m’étonne souvent que lorsqu’il paraît de ces sortes de livres, il ne se fasse pas entendre un grand cri de toute la France, comme d’un seul homme qui dirait : Ah ! […] ou quelque chose de ce genre… » Et moi, en songeant que ceci s’adressait à moi-même et à un livre de critique assez neuf sur un point, mais d’un intérêt très-circonscrit, je suis tenté de m’écrier à mon tour : Assez !

2017. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

V Ainsi rassuré par sa propre voix, comme l’homme qui marche dans les ténèbres, David semble, dans l’ode suivante, s’abandonner en paix à des contemplations philosophiques, semblables à celles qui assaisonnent du sel sacré des maximes les livres de Salomon, son fils, ou des poètes persans d’une autre époque. […] « Si le pervers ne se repent pas, Jéhovah tend son arc et vise. » Il paraît ici que le poète, justifié et vengé, se complaît à chanter un cantique de reconnaissance, et l’on retrouve, avec quelques images plus suaves, les images grandioses du livre de Job dans cet hymne. […] » XIX Le quatrième livre commence par une ode imitée de Moïse, qui semble récapituler toute la sagesse des ancêtres et toutes les vanités de la vie humaine en dehors de Dieu. […] XXVIII Au moment où j’allais fermer le livre pour rejoindre le camp de ma caravane, que j’avais planté de l’autre côté de la ville, en dehors de la porte de Bethléem, un air de flûte lointain et mélancolique se fit entendre à ma droite sur une des collines nues et déchirées des monts d’Arabie qui encaissent la vallée de la mer Morte. […] C’est se déchirer comme un livre, Pour jeter ses feuillets aux vents !

2018. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Les critiques mêmes de profession, pour peu qu’ils fussent élégants, ne s’informaient pas assez à l’avance de tout ce qui pouvait donner à leur jugement des garanties d’exactitude parfaite et de vérité ; on en sait plus qu’eux aujourd’hui sur bien des points dans les sujets où ils ont passé ; on a sous la main toutes les ressources désirables ; sans parler de la biographie, la bibliographie, cette branche toute nouvelle, d’abord réputée ingrate, cette science des livres dont on a dit « qu’elle dispense trop souvent de les lire », et que nos purs littérateurs laissaient autrefois aux critiques de Hollande, est devenue parisienne et à la mode, presque agréable et certainement facile, et le moindre débutant, pour peu qu’il veuille s’y appliquer deux ou trois matinées, n’est pas embarrassé de savoir tout ce qui concerne le matériel des livres et le personnel de l’auteur dont il s’occupe pour le moment. […] Si le temps, ce grand dévorateur, fait disparaître le souvenir de bien des faits, et anéantit avec les témoins les explications véritables, il est aussi, à bien des égards, le grand révélateur ; il fait sortir d’autres soudains témoins de dessous terre, et livre bien des secrets inespérés. […] De cette disposition bien avouée et convenue entre nous, de ce que, tout en profitant de notre mieux des instruments, un peu onéreux parfois, de la critique nouvelle, nous retiendrons quelques-unes des habitudes et les principes mêmes de l’ancienne critique, accordant la première place dans notre admiration et notre estime à l’invention, à la composition, à l’art d’écrire, et sensibles, avant tout, au charme de l’esprit, à l’élévation ou à la finesse du talent, vous n’en conclurez pas, messieurs, que nous serons nécessairement, à l’égard des livres et des écrivains célèbres, dans la louange monotone, dans une louange universelle.

2019. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Le vice de l’ouvrage n’est pas dans tel chapitre en particulier, il est dans la monotonie du sujet et le peu d’art qui m’a empêché de combattre cette monotonie naturelle : on ne peut juger un semblable défaut qu’en lisant le livre d’une haleine. […] Les qualités du lendemain, celles que l’écrivain conserve et déploie dans ses livres, il les possédait, et c’est en cela seulement qu’il a l’avantage. […] La grande réputation, que vous estimez le plus précieux bien de ce monde, est plus assurée aujourd’hui par des livres tels que les vôtres, qu’elle ne peut l’être par la tribune. […] Achevez donc d’abord votre livre, ce sera là un signe providentiel… » En s’exprimant de la sorte, M. 

2020. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Un trait du caractère de M. de Balzac, c’est, aussitôt qu’il écrit la première page d’un livre, d’avoir tout de suite trente autres volumes en idée devant lui, et de rêver ainsi des séries indéterminées qui doivent, en se rejoignant, former une œuvre immense106. […] Plus il sent le prix du bonheur, moins il croit que sa maîtresse puisse le lui facilement accorder ; d’ailleurs, peut-être se livre-t-il trop entièrement à son plaisir, et craint-il de n’en point donner. […] Quoi qu’il en soit, Claës se livre, à partir de ce moment, à la recherche de l’absolu, ce qui veut dire pour lui la transmutation des métaux et le secret de faire de l’or ; il s’y oublie, il s’y acharne ; il tue de chagrin sa femme ; il s’y ruine, ou du moins il s’y ruinerait, si l’imagination du romancier ne venait sans relâche au secours de cette fortune qui se fond dans le creuset, et si la fille aînée de Claës ne réparait à temps chaque désastre, comme une fée qui étend coup sur coup sa baguette d’or. […] Nul doute que, si M. de Balzac avait connu ce petit écrit, il n’eût donné à son livre le cachet de réalité qui y manque, et ne se fût garanti de beaucoup d’à peu près qui sont faux.

2021. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

C’est à la recherche de ce but que ce livre est destiné. […] Montesquieu, dans son sublime ouvrage sur les causes de la grandeur et de la décadence des Romains, a traité, tout ensemble, les causes diverses qui ont influé sur le sort de cet Empire ; il faudrait apprendre dans son livre, et démêler dans l’histoire de tous les autres peuples, les événements qui sont la suite immédiate des constitutions, et peut-être trouverait-on que tous les événements dérivent de cette cause : les nations sont élevées par leur gouvernement, comme les enfants par l’autorité paternelle. […] C’est à cette époque où le cercle des jouissances est parcouru, et le tiers de la vie à peine atteint, que ce livre peut être utile ; il ne faut pas le lire avant ; car je ne l’ai moi-même ni commencé, ni conçu qu’à cet âge. […] Enfin, si le temps et l’étude apprenaient, comment on peut donner aux principes politiques assez d’évidence pour qu’ils ne fussent plus l’objet de deux religions, et par conséquent des plus sanglantes fureurs, il semble que l’on aurait du moins offert un examen complet, de tout ce qui livre la destinée de l’homme à la puissance du malheur.

2022. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Et vous vous rappelez ce que disait Montaigne de ceux qui critiquaient son livre : « Je veux qu’ils donnent une nazarde à Plutarque sur mon nez et qu’ils s’eschauldent à injurier Sénèque en moy. » Bien qu’il ne s’agisse plus ici que du tour général du style, prenez bien garde de donner une pichenette à Voltaire sur le nez de M.  […] Conclusion : mieux vaut lire une pièce que de la voir jouer, et mieux vaut lire des vers, un roman, un livre d’histoire, qu’une pièce de théâtre. […] La blague est un certain goût, qui est spécial aux Parisiens et plus encore aux Parisiens de notre génération, de dénigrer, de railler, de tourner en ridicule tout ce que les hommes, et surtout les prudhommes, ont l’habitude de respecter et d’aimer ; mais cette raillerie a ceci de particulier que celui qui s’y livre le fait plutôt par jeu, par amour du paradoxe que par conviction : il se moque lui-même de sa propre raillerie. […] Sarcey se décide enfin à nous donner ce livre qu’il nous doit et qu’il nous a promis : autrement, les méchants diront qu’il doute de la bonté de son œuvre critique, et cela me peinera, car je la sens bonne et solide comme son auteur.

2023. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — Y. — article » pp. 529-575

Pour justifier leurs déclamations anti-Chrétiennes, l'Auteur du Systême de la Nature, & celui du livre de l'Homme & de ses Facultés, prétendent, d'un côté, que le joug de la foi contredit & humilie la raison, &, de l'autre, que sa morale flétrit & endurcit le cœur : ils rejettent la Doctrine comme incroyable, & les préceptes comme impossibles. […] Un Sauvage, qui n’auroit lu que les Ouvrages de nos Philosophes, qui apprendroit par eux la licence qu’ils permettent, les vices qu’ils préconisent, les devoirs qu’ils proscrivent, les sentimens qu’ils dégradent, l’indépendance qu’ils affichent, & qui prendroit ces Ouvrages pour nos Livres religieux, pourroit avec raison avoir une fort mauvaise idée de la Morale Chrétienne. […] Nous savons qu'on rencontre parmi les vicieux & les criminels, des hommes persuadés de la vérité de la Religion : mais quelle différence entre l'homme qui manque aux devoirs de la Religion, en conservant dans son cœur le respect pour cette Religion même, & l'homme effréné, qui se livre par principe à ses passions, à sa perversité naturelle ou acquise, parce qu'il a déjà abjuré au dedans de lui-même la Religion qui combat ses mauvais penchans ! […] J'ai consulté les Philosophes, j'ai feuilleté leurs livres, j'ai examiné leurs diverses opinions : je les trouve tous fiers, affirmatifs, dogmatiques, même dans leur septicisme prétendu, n'ignorant rien, ne pouvant rien, se moquant les uns des autres ; & ce point commun m'a paru le seul sur lequel ils ont tous raison : triomphans quand ils attaquent, ils sont sans vigueur en se défendant.

2024. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

C’est le Livre de la Loi qu’il faut couvrir, lorsque ceux qui en ont déchiré les pages à coups de fusil reçoivent des honneurs civiques. […]   A lui demandé commant il sapelloit A répondu quil senomoit André Chenier natife de Constentinoble âgé de trente et un ans demeurant à Paris rue de Clairy section de Brutus A lui demandé de quelle ané il demeuroit rue de Clairy A lui répondue depuis environ mil sept cent quatre vingt douze au moins A lui demandé quel son ses moyent de subsisté A lui répondu que de puis quatre vingt dix quil vie que de que lui fait son père12 A lui demandé combien que lui faisoit son père A répondu que son père lui endonnoit lorsquil luy endemandoit A lui demandé s’il peut nous dire a combien la somme quil demande à son pere par an se monte A repondu quil ne savoit pas positivement mais environ huit cent livre à mille livre par année A lui demandé sil na auttre chose que la somme quil nous déclare cy-dessus A repondu qu’il na pas d’auttre moyent que ce quil nous a déclarée A lui demande quelle manierre il prend son existance A repondu tenteau chez son père tenteau chez ses amis et tentot chez des resteaurateurs A lui demandé quel sont ses amis ou il va mangé ordinairement A répondu que cetoit chez plusieurs amis dont il ne croit pas nécessaire de dire lenom A lui demandé s’il vien mangé souvent dans la maison ou nous lavons aretté A repondu quil ne croyoit n’avoir jamais mangé dans cette maison ou il est aresté, mais il dit avoir mangé quelque foy avec les mêmes personnes apparis chez eux A lui demandé sil na pas de correpondance avec les ennemis de la République et la vons sommé de nous dire la vérité A repondu au cune A lui demandé sil na pas reçue des lettre danglaitaire depuis son retoure dans la République A repondu quil en a recue une ou deux ducitoyent Barthelemy àlorse ministre plénipotensiêre en Anglaitaire et nen avoir pas reçue dauttre A lui demandé à quelle épocque il a recue les lettre désigniés sy dessus sommé a lui denous les representés A répondue quil ne les avoit pas A lui demandé ce quil en àfait et le motife quil lat engagé à sendeffaire A repondu que ce netoit que des lettre relative à ses interrest particulier, comme pour faire venire ses livres et auttre effest laissé en Anglaitaire et du genre de celle que personne ne conserve A lui demandé quel sorte de genre que personne ne conserve et surtout des lettre portant son interest personnelle13 sommé de nous dire la vérité A répondu il me semble que des lettre qui énonce l’arrivé des effest désigniés cy-dessus lorsque ses effest son reçue ne son plus daucune valeure A lui representé quil nest pas juste dans faire réponse, dautant plus que des lettre personnelle doive se conserver pour la justification de celui qui à En voyé les effet comme pour celui qui les à reçue A repond quil persite à pensé quand des particulier qui ne mettre pas tant dexactitude que des maison de commerce lorsque la reception des fait demandé est accusé toute la correspondance devient inutisle et quil croit que la plus part des particuliers en use insy A lui représenté que nous ne fond pas des demande de commerce sommé à lui de nous répondre sur les motifes de de son arestation qui ne sont pas affaire de commerce14 A repondu quil en ignorest du faite A lui demandé pourquoy il nous cherche des frase et surquoy il nous repond cathegoriquement15 A dit avoir repondue avec toute la simplicité possible et que ses reponse contiene lexatte veritté A lui demandé sil y à longtemps quil conoit les citoyent ou nous l’avons aresté sommé a lui de nous dire depuis quel temps A repondu quil les connaissoit depuis quatre ou cinqt ans A lui demandé comment il les avoit conu A repondu quil croit les avoir connu pour la premiere fois chez la citoyene Trudenne A lui demandé quel rue elle demeuroit alors A repondu sur la place de la Revolution la maison à Cottée A lui demandé comment il connoit la maison à Cottée16 et les-citoyent quil demeuroit alors A repondu quil est leure amie de l’anfance A lui represanté quil nest pas juste dans sa reponse attendue que place de la Revolution il ny a pas de maison qui se nome la maison à Cottée donc il vien de nous déclarés A repondue quil entandoit la maison voisine du citoyent Letems A lui représentes quil nous fait des frase attandue quil nous a repettes deux fois la maison à Cottée A repondue quil a dit la vérité A lui demandée sil est seul dans lappartement quil occuppe dans la rue de Clairy nº quatre vingt dix sept A repondue quil demeuroit avec son père et sa mère et son frère ainée A lui demandée sil na personne pour le service Il y à un domestique commun pour les quatre qui les sere A lui demandée ou il étoit a lepoque du dix aoust mil sept cent quatre vingt douze A répondue a paris malade d’une colique nefretique A lui demandee sy cette colique le tient continuellement et sil elle tenoit le jour du dix aoust quatre vingt douze A répondue quil se rétablissoit a lors d’une attaque et que cette maladie le tiend presque continuellement depuis lage de vingt ans plus ou moins fortes A lui demandés quelles est cette malady et quelle est le chirurgient quil le traitoit alors et sy cest le même qui letraitte en core A repondu le médecin Joffroy latraitté au commancement de cette maladie et depuis ce temps jai suis un régime connue pour ses sorte de meaux A lui demandée quelle difference il fait d’une attaque de meaux ou de maladies.

2025. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Livre III. […] Ils apprennent la tenue des livres en partie double. […] Il est temps de rendre à César ce qui est à César et au livre ce qui est au livre.

2026. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

Un premier défaut déjà reproché au livre de la Démocratie, c’est que la vue de l’auteur y est constamment partagée entre deux objets différents qui, malgré quelques ressemblances essentielles, se refusent à entrer dans un même système : à savoir la démocratie en Europe et la démocratie en Amérique. Il est certain, il est évident que le problème qui agite M. de Tocqueville et qui l’a conduit aux États-Unis, c’est le problème de la démocratie européenne : c’est là même ce qui donne à ce livre sa grandeur, je dirai presque son pathétique, mais ce qui y répand en même temps une certaine obscurité. […] Par exemple, dans un des premiers chapitres, il montre que le trait fondamental de la démocratie américaine est l’absence totale de centralisation administrative, et dans le dernier livre de son ouvrage il soutient que cette sorte de centralisation est le plus grand mal des démocraties. […] Voyez l’intéressant livre de M. 

2027. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Bossuet, né à Dijon le 27 septembre 1627, d’une bonne et ancienne famille bourgeoise de magistrats et de parlementaires, y fut élevé au milieu des livres et dans la bibliothèque domestique. […] Mais le livre par excellence qui détermina bientôt le génie et toute la vocation de Bossuet et qui régla tout en lui, fut la Bible : on raconte que la première fois qu’il la lut, il en fut tout illuminé et transporté. […] On croirait lire un passage du livre des Pensées.

2028. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Guillaume Favre de Genève ou l’étude pour l’étude » pp. 231-248

Et toutefois, après qu’on a bien envié ce bonheur d’une étude libre, ornée, active et oisive, ayant à elle une belle galerie bâtie tout exprès, remplie de livres, décorée de tableaux, de statues, et en vue d’un lac magnifique, on reconnaît tout bas, à la manière même dont il a usé de ses dons et de ses avantages, qu’il y a autre chose à faire encore qu’à jouir ainsi ; que, si noble et utile qu’ait été son exemple parmi ses compatriotes et pour ceux, qui le consultaient de près, il n’a pas donné tout ce qu’il aurait pu, et qu’un peu de contrainte, un peu de nécessité ne nuit pas ; que c’est sous ces rudes conditions seulement que l’homme, moitié de bon gré, moitié à son corps défendant, tire de lui-même, de son foyer et de ses couches intérieures, tout l’art, toute l’industrie dont il est capable, et le peu d’or qu’il doit à tous. […] Lorsqu’il eut quitté la Suisse, il le tenait au courant de ses études qu’il allait diversifiant sans cesse ; il était d’un certain âge déjà lorsqu’il s’appliqua au sanscrit ; il s’occupait à la fois de la langue et des poésies provençales, mais le sanscrit au premier abord éclipsa tout : Voilà, écrivait-il de Paris à Favre en 1815 en lui parlant de livres indiens très rares qu’il avait fait acheter à Londres, voilà mes confessions en fait de folies érudites. […] Au retour d’un voyage d’Italie en 1823, il avait cinquante-trois ans, il avait fait bâtir pour ses livres dont le nombre augmentait chaque jour, pour ses quinze mille volumes, une élégante galerie dans sa villa de La Grange aux Eaux-Vives, sur la rive du lac ; il y avait fait transporter le beau groupe de Canova, Vénus et Adonis, qu’il venait d’acquérir à Naples.

2029. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — I » pp. 1-17

En ce moment même il achève de lire ses Études de la nature et d’en savourer le charme : « C’est un de ces livres, dit-il, dont on voudrait qu’ils ne finissent pas. […] Ce livre dégage et illumine un sens que nous avons tous, mais voilé, vague et privé presque de toute activité, le sens qui recueille les beautés physiques et les livre à l’âme. » Et il insiste sur ce second travail de réflexion qui spiritualise, qui fond et harmonise dans un ensemble et sous un même sentiment les traits réels une fois recueillis.

2030. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Ce n’est pas la première fois qu’on livre à la publicité Joseph de Maistre diplomate. […] On s’emparait aussi de phrases étranges qui lui étaient échappées sur le pape à l’époque du couronnement ; était-ce pour faire une niche à l’illustre auteur du livre du Pape qu’on les publiait ? […] Cet esprit éminent, ardent, toujours en action, sobre, austère, chaste et fécond, enfermé dans son appartement, dans son étude ou son étuve, avec ses livres, ne dormant que trois heures au plus sur vingt-quatre, que voulez-vous qu’il fasse ?

2031. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

La chaleur était à peine tombée avec le soleil ; les oiseaux, déjà retirés et non encore endormis, annonçaient, par un ramage languissant et voluptueux, le plaisir qu’ils goûtaient à respirer un air plus frais ; une rosée abondante et salutaire ranimait déjà la verdure… Ici une de ces descriptions naturelles dont il a le premier dans notre littérature donné le parfait exemple, mais où il a été depuis surpassé par ses grands disciples, par Bernardin de Saint-Pierre, par Chateaubriand, par George Sand, tous bien autrement particuliers, nuancés et neufs, et qui ne se contentent pas de peindre la nature en traits généraux devenus trop aisément communsy ; — et il continue : À ce concours d’objets agréables, le philosophe, touché comme l’est toujours en pareil cas une âme sensible où règne la tranquille innocence, livre son cœur et ses sens à leurs douces impressions : pour les goûter plus à loisir, il se couche sur l’herbe, et appuyant sa tête sur sa main, il promène délicieusement ses regards sur tout ce qui les flatte. […] nous pourrons herboriser ensemble. » Le jeune homme est aux anges ; on prend jour, il herborise avec Rousseau, une première, une seconde fois et d’autres fois encore ; il devient son ami et gagne sa confiance au point que, lorsqu’il fallut quitter la rue Plâtrière pour Ermenonville, c’est lui que le philosophe chargea de vendre ses livres. […] Desjobert (c’était le nom du jeune homme) parle de cette masse de livres à un libraire, et, trouvant quelques difficultés, il pense qu’il est plus simple de les supposer vendus et d’envoyer une somme ronde.

2032. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’Impératrice Catherine II. Écrits par elle-même. »

Tout de suite je me fis chercher ces livres, qu’on eut de la peine à trouver à Pétersbourg alors ; et je lui dis que j’allais lui tracer mon portrait, afin qu’il put voir si je me connaissais ou non. » Elle écrivit, en effet, ce portrait sous ce titre : Portrait du philosophe de quinze ans ; l’ayant retrouvé bien des années après, elle ne put s’empêcher de s’étonner de la profondeur de connaissance d’elle-même qu’elle possédait alors. […] Pendant que le grand-duc joue avec ses valets, les exerce, change d’uniforme vingt fois par jour, dresse à grands coups de fouet une meute dans son vestibule, envoie à ses maîtresses en manière de cadeau des bonnets de grenadier ou des bandoulières comme le Cyclope amoureux offrait des oursins à Galathée, elle lit ; elle lit dans sa chambre, elle emporte même un livre dans ses parties de cheval, et, dès qu’elle a un moment à elle, elle en profite. […] Avant cette époque, je ne lisais que des romans ; mais par hasard vos ouvrages me tombèrent dans les mains ; depuis je n’ai cessé de les lire, et n’ai voulu d’aucuns livres qui ne fussent aussi bien écrits et où il n’y eût autant à profiter.

2033. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier. »

Il a eu pour premier répertoire et pour fonds l’excellent livre allemand de M. de Reumont sur la comtesse d’Albany, et il y a ajouté notablement par tout ce qu’il a trouvé dans la bibliothèque du Musée Fabre à Montpellier. […] Meurs, et tu le sauras. » J’aurais aimé à retrouver debout et en pied, dans le livre de M. Saint-René Taillandier, cet Alfieri qui est en fragments dans le livre de M. de Reumont.

2034. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

On lit dans son Journal à cette date : « Le poëte sans fortune est le plus malheureux des hommes : la courtisane ne livre que son corps, libre de garder au fond du cœur les sentiments qui lui restent ; l’autre, au contraire, doit, pour vivre, livrer ses soupirs, ses émotions, les pensées qui lui sont chères, et jusqu’aux plus secrètes profondeurs de son âme, et cela à un public libre de noircir le tout de la plus injurieuse critique ou du mépris le plus insultant. » — C’est le Journal d’où sont tirées ces paroles si senties, qu’il serait curieux de connaître : on nous le doit. […] L’éducation de l’homme ne se fait pas au collège ni par les livres de morale ; quand elle ne s’est pas accomplie sous l’influence permanente et décisive du principe religieux, elle se fait par la souffrance. […] Soit que, pour les sceller dans un livre, vivants, J’exhume les hauts faits qu’ont emportés les vents ; Soit qu’il faille tailler l’histoire en épopée, Sire, voici ma plume : elle vaut une épée.

2035. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Son Lexique est un livre modèle et d’une méthode exemplaire. […] Ce livre, je puis le dire aujourd’hui sans embarras, est une imitation de Joseph Delorme. […] Nul livre n’exprime mieux une mode, une des formes maladives de l’imagination à un moment.

2036. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Nous avons dans le livre de M.  […] Les pitoyables résultats de ce manque d’amour-propre et de caractère sont assez étalés dans le livre de M.  […] Lui aussi, Gisors comme Pallas, s’il avait un vieux père que sa mort navrait, du moins il n’avait plus de mère : …….Tuque, o sanctissima conjux, Felix morte tua, neque in hunc servata dolorem, s’écriait le vieil Évandre. — Malgré le caractère tout historique du livre de M. 

2037. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LE COMTE MOLÉ (Réception à l’Académie.) » pp. 190-210

Ceux qui vous ont précédés dans la carrière y ont dirigé vos premiers pas… Vous ne sentez peut-être pas assez vous-mêmes tout le prix de ces biens que vous avez reçus ; croyez-en celui qui les regrettera jusque dans sa vieillesse, et dont l’enfance sans protection, sans guide, n’eut de leçons que celles du malheur. » — On s’étonnait un jour devant M. d’Andilly que son très-jeune frère, le docteur Arnauld, au sortir des écoles, eût pu produire en français un livre aussi bien écrit que celui de la Fréquente Communion. […] Le livre donne du respect pour la jeune intelligence qui l’a conçu. […] Exempt d’infirmités et de mélancolie, comme un ouvrier robuste, vers la fin de sa tâche, il s’endormit. » En cette renaissance de toutes choses, on reprenait quelques anciens livres oubliés ; Balzac redevint de mode un instant ; on en publia des pensées, on en causait beaucoup.

2038. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Rousseau avait probablement attrapé ces lambeaux de métaphysique, sinon dans le commerce d’Alcée, du moins dans les livres ou les conversations de son ami M. de Crousaz. […] Voilà comment on égale les prophètes sans les paraphraser ; qu’on relise la quatorzième des secondes Méditations ; qu’on relise en même temps dans les premières le dithyrambe intitulé Poésie sacrée, et qu’on le compare avec l’Épode du premier livre de Jean-Baptiste. […] Jean-Baptiste avait probablement oublié de relire le dixième livre de l’Odyssée, ou même, s’il l’avait relu, il y aurait saisi peu de chose ; car il manquait du sentiment des époques et des poésies, et s’il mêlait sans scrupule Orphée et Protée avec le comte de Luc, Flore et Cérès avec le comte de Zinzindorf, il n’hésitait pas non plus à madrigaliser l’antiquité, et à marier Danchet et Homère.

2039. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Fontaine, qui s’en défend pourtant, et donne le livre de B. […] (Privilège du 10 janvier 1549) ; Amours, et Odes (1. 5), 1552, 1553 ; Hymnes, 1555, 2e livre, 1556 ; Meslanges, 1555, 2e livre, 1559.

2040. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Une idée analogue fait l’actualité de six livres de la République qu’il donne en 1576. […] Autour de ces idées fondamentales, il groupa une théorie générale des formes diverses du gouvernement, de fortes études sur les progrès et les révolutions des États, des réflexions curieuses sur l’adaptation des institutions politiques aux climats, enfin de très libérales doctrines sur l’impôt et l’égale répartition des charges publiques : si bien que ce livre, sans éloquence, sans passion, pesant, peu attrayant, fonda chez nous la science politique, et ouvrit les voies non seulement à Bossuet pour la théorie de la royauté française, mais à Montesquieu pour les principes d’une philosophie de l’histoire. […] Le livre profitait du mouvement qui entraîne toujours l’opinion vers le vainqueur au lendemain de la victoire.

2041. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

M. de Montbel, dans le livre qu’il a consacré à la vie du duc de Reichstadt, en a déjà dit quelque chose. […] Il dédia ce petit livre à l’Armée, dans cette allocution où son âme respire : Je dédie mon livre à l’Armée.

2042. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Les regrets. » pp. 397-413

Il y a un mal terrible et rebelle à guérir, une maladie non décrite et qui n’a pas pris place encore dans les livres de médecine ; je l’ai peu observée directement, je l’ai entrevue toutefois, et je me la suis fait raconter par des témoins, et presque par des malades eux-mêmes : je puis en donner un léger aperçu que de plus experts compléteront. […] Un esprit bien fait, qui saura ces choses, et qui y joindra assez de latin pour goûter seulement Virgile, Horace et Tacite (je ne prends que ces trois-là), vaudra tout autant pour la société actuelle et prochaine que des esprits qui ne sauraient rien que par les livres, par les auteurs, et qui ne communiqueraient avec les choses réelles que par de belles citations littéraires. […] M. de Moncrif a quitté le poste où il avait huit ou dix mille livres de rentes pour suivre aux Ormes M. d’Argenson, qui n’en a pas quinze actuellement.

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