/ 3085
764. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Quand je lis la théorie de la tragédie par Hegel, je suis frappé d’admiration, comme en lisant l’Antigone ; mais quand je lis la théorie de la tragédie par M.  […] Mais on ne sera point lu, et l’on déplorera l’indifférence du siècle en matière de philosophie.

765. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

J’ai lu quelques volumes de la correspondance de Mme de Maintenon, et la vie de cette excellente dame par La Beaumelle ; et j’aime assez celle nature arrangée, compassée, comptant tous ses pas, et gardant toutefois un certain laisser aller gracieux dans le langage et dans les manières. […] Lisez les contes de Perrault, sans dédain, et les légendes populaires, les vies des saints sur lesquelles n’ont pas travaillé des hommes d’esprit ; lisez Homère.

766. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Musset, Alfred de (1810-1857) »

Théodore de Banville Je voudrais le montrer non tel que l’a dessiné Gavarni en cette lithographie exquise où le dandy-poète, déjà fatigué de la lutte, pâli par les veilles, ferme à demi ses yeux et regarde tristement le fantôme de la vie ; — mais fier, charmant, jeune, beau comme dans le médaillon où David nous conserva l’image de son enfance adorable, et tel qu’il apparut à cette soirée chez Charles Nodier, où il lut pour la première fois les Contes d’Espagne et d’Italie, et d’où il sortit célèbre. […] L’invention chez lui n’était pas des plus fortes ; vous retrouvez dans toutes ses œuvres les traces de bien des auteurs, Shakespeare, Byron, Calderon, Schiller, puis Boccace, La Fontaine, Régnier, Ronsard, Marivaux, Béranger et tous nos vieux conteurs ; ce qui faisait dire à une femme d’esprit : Quand je lis M. de Musset , je crois toujours avoir lu cela quelque part.

767. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Régnier, Henri de (1864-1936) »

Camille Mauclair À Pise, au Campo-Santo, attardé devant les fresques de Benozzo Gozzoli, si Shelley avait pu lire, au retour, les Poèmes anciens et romanesques, Tel qu’en songe ou les Contes à soi-même, il eût cru retrouver sa propre vision écrite là dans une nuit d’inconscience ; car, si le poète dont je parle présentement a, seul et sans effort dans notre époque d’art, recréé les grandes traditions décoratives de la pure beauté florentine, il n’y enclot pas une beauté froide, mais la souffrance passionnée de son âme d’outremer. […] On goûte plus de joie à le relire qu’à le lire pour la première fois. […] Il sait les affinités mystérieuses par où lu nature éternelle répond à notre cœur fragile.

768. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 151-168

Il ne faut que le lire, pour sentir l’énorme distance qui existera toujours entre lui & ceux qui prétendroient flétrir ou lui ravir ses lauriers. […] Ceux qui ne seroient pas capables d’en juger par eux-mêmes, n’ont qu’à lire l’excellent Parallele qu’on a fait de ces deux Poëmes, inséré dans les Opuscules de M. […] Qu’on lise les Mémoires de sa vie ; on y applaudira à la générosité de ses bienfaits, répandus sur les Littérateurs qu’il se croyoit obligé d’attaquer dans ses Ecrits ; on y apprendra qu’il a été le bienfaiteur de Liniere, qui ne cessoit de déclamer contre lui ; qu’il donna des secours à Cassandre, dont il estimoit peu les talens ; qu’il se réconcilia avec Perrault, en oubliant ses calomnies ; qu’il rendit justice à Boursault, en reconnoissant son mérite qu’il avoit trop méconnu ; qu’il conserva au célebre Patru sa Bibliotheque, en l’achetant plus cher qu’il ne vouloit la vendre, & en lui en laissant la jouissance ; qu’il osa refuser le paiement de la pension que lui faisoit Louis XIV, en disant à ce Prince, qu’il seroit honteux pour lui de la recevoir, tandis que Corneille, qui venoit de perdre la sienne, par la mort de Colbert, se verroit privé de ses bienfaits : ce qui valut à ce dernier un présent de deux cents louis ; qu’il eut un grand nombre d’amis dans les rangs les plus élevés, comme parmi les plus célebres Littérateurs de son temps, & qu’il les conserva toute sa vie.

769. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

Remontant aussi haut qu’on puisse remonter dans une pareille histoire, l’abbé Huc, qui a lu sur son sujet tout ce qu’on peut lire en Chine ou ailleurs, discute avec beaucoup de compétence la légende syriaque et grecque de saint Thomas l’apôtre évangélisant les Indes, et montre, sans l’affirmer positivement cependant, que le Christianisme a pu pénétrer des Indes en Chine presque au même moment où il faisait son apparition dans le monde occidental. […] … Quand on l’a lu, n’est-on pas tenté de désespérer ?

770. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XIV. M. Auguste Martin »

Louis-Auguste Martin, l’auteur de plusieurs ouvrages que je n’ai pas lus, que je n’ai pas besoin de lire, celui-ci me suffisant pour juger l’homme qui doit être, j’en suis sûr, de la plus profonde unité. […] Et d’ailleurs, il n’a donc lu aucune histoire » pas même celle de la Chine, ce moraliste chinois de M. 

771. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Mistral. Mirèio »

Il faut, en effet, que cette œuvre soit d’une sincérité bien profonde pour résister, dans l’imagination de ceux qui la lisent, à de pareilles révélations ! […] Il faut le lire et le lire tout entier pour en avoir une idée, impossible à donner, par des citations isolées, qui ne seraient jamais que des démembrements de sa pensée ou de sa forme.

772. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Corneille »

Milton, aveugle et pauvre comme Corneille, moins heureux par ses filles, qui furent mauvaises, paraît-il, comme nous venons de le dire au chapitre précédent, que Corneille par ses enfants, vécut la dernière partie de sa vie entre l’orgue dont il jouait et la Bible qu’on lui lisait. […] Les esprits médiocres et ignorants qui sont de tous les siècles et qui ne lisent que quand tout le monde lit, le servum pecus des âmes basses et des sots qui est le public, avaient pris pour Évangile littéraire le Commentaire de Voltaire et s’étaient taillé un petit Corneille de rhétorique dans le grand. […] Il faudra tout lire de Corneille.

773. (1903) Propos de théâtre. Première série

C’est la meilleure manière de le lire, et lu ainsi, il est infiniment intéressant et curieux. […] Je le donne comme original et digne d’être lu de près. […] Lisez le livre de M.  […] Régnier avait lu tout ce que l’on pouvait lire sur Tartuffe et sur l’interprétation de Tartuffe. […] On peut, à la grande rigueur, se passer de l’avoir lu ; mais l’avoir lu n’est point dommage.

774. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « LEOPARDI. » pp. 363-422

Le docte éditeur lut plus tard le travail manuscrit de Leopardi et en tint compte dans l’édition de Rome. […] L’Odyssée le tente ; pour être plus à l’aise en son entreprise, il n’a pas lu les deux premiers chants publiés à cette date par Pindemonte, et il marche seul et ferme en présence de son modèle, s’appliquant à en reproduire et presque à en calquer les traits de couleur et de caractère. […] Lui-même, en 1817, il publia un essai de traduction en vers du second livre de l’Énéide qu’il admirait entre tous les autres, et qu’il ne lisait jamais sans larmes. […] Le caractère de l’ironie socratique n’a jamais été mieux analysé et défini qu’au début de ce petit traité, digne d’être lu après Platon154. […] Car, vous le savez, je n’ai pu lire moi-même ces pages que je vous offre, et il m’a fallu, pour les corriger, me servir des yeux et de la main d’autrui.

775. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVe entretien. Alfred de Vigny (2e partie) » pp. 321-411

Je dis tout de suite : — J’aurai le temps de te lire, va ! […] mon cher, je le tenais à la main depuis un quart d’heure que je ne pouvais pas encore lire. […] « Ce fut la première fois de ma vie que je lus au fond d’un vrai cœur de soldat. […] Le récit est touchant, nous vous conseillons de le lire et de le faire lire à ce peuple plus inconsidéré que cruel. […] J’appris qu’il était mieux, et peu de jours après je lus la nouvelle de sa belle et douce mort dans les journaux.

776. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Des personnes religieuses la lisent avec édification, et des curieux qui l’ont plusieurs fois lue y trouvent chaque fois de nouveaux documents sur le mécanisme de nos facultés et de nos passions. […] Il suffit pour en être certain d’avoir lu les livres et les journaux qui se publient en Allemagne depuis trente ans. […] Un jour, à Biarritz, il avait lu une de ses Nouvelles devant l’impératrice. […] Pour qui sait lire ces lettres, il y est gracieux, aimant, délicat, véritablement amoureux, et, qui le croirait ? […] Au bout de quelques semaines, on découvrit avec étonnement que son débit s’était ralenti, que ses vices de prononciation avaient disparu, qu’il lisait mieux, puis, qu’il lisait bien.

777. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Quoi qu’il en soit, après la guerre de Sept Ans, une des premières choses qu’il fit dans sa retraite fut de lire Bayle, et Frédéric lui écrivait à ce sujet (22 avril 1764) : Je ne vous plains point d’être en compagnie avec Bayle ; c’est de tous les hommes qui ont vécu celui qui savait tirer le plus grand parti de la dialectique et du raisonnement. […] Il semble qu’on ait tout dit à l’honneur des lettres et pour célébrer la douceur dont elles sont dans les différentes circonstances et aux différents âges de la vie ; il y a longtemps qu’on ne fait plus que paraphraser le passage si connu de Cicéron plaidant pour le poète Archias : « Haec studia adolescentiam alunt, senectutem oblectant… », Frédéric nous offre une variante piquante à cet éloge universel des lettres et de l’étude ; il va jusqu’à prétendre, sans trop de raffinement et d’invraisemblance, que toutes les passions (une fois qu’elles ont jeté leur premier feu) trouvent leur compte dans l’étude et peuvent, en s’y détournant, se donner le change par les livres : Les lettres, écrit-il au prince Henri (31 octobre 1767), sont sans doute la plus douce consolation des esprits raisonnables, car elles rassemblent toutes les passions et les contentent innocemment : — un avare, au lieu de remplir un sac d’argent, remplit sa mémoire de tous les faits qu’il peut entasser ; — un ambitieux fait des conquêtes sur l’erreur, et s’applaudit de dominer par son raisonnement sur les autres ; — un voluptueux trouve dans divers ouvrages de poésie de quoi charmer ses sens et lui inspirer une douce mélancolie ; — un homme haineux et vindicatif se nourrit des injures que les savants se disent dans leurs ouvrages polémiques ; — le paresseux lit des romans et des comédies qui l’amusent sans le fatiguer ; — le politique parcourt les livres d’histoire, où il trouve des hommes de tous les temps aussi fousaf, aussi vains et aussi trompés dans leurs misérables conjectures que les hommes d’à présent : — ainsi, mon cher frère, le goût de la lecture une fois enraciné, chacun y trouve son compte ; mais les plus sages sont ceux qui lisent pour se corriger de leurs défauts, que les moralistes, les philosophes et les historiens leur présentent comme dans un miroir. […] Faut-il rappeler qu’il voulut consacrer cette mémoire si chère par un éloge ou oraison funèbre qu’il composa et qu’il fit lire dans son académie de Berlin le 30 décembre 1767, jour anniversaire de la naissance du jeune prince ? Il y montre qu’il avait lu Bossuet et qu’il cherchait à l’imiter ; on y sent un écho, une répétition du cri déchirant : « Madame se meurt ! […] Mais la vraie oraison funèbre, la page immortelle (autant qu’une page humaine peut l’être), c’est cette lettre qu’on vient de lire, écrite dans l’effusion de la douleur par un roi qui ne veut être qu’un homme, un homme affligé, et avec des expressions non cherchées et naïves, dignes par leur tendresse de la jeune et aimable figure qui a disparu.

778. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Certes, si on lisait avec un peu d’attention et de critique, si l’on se donnait la peine de comparer et de raisonner à propos de lectures auxquelles on ne demande qu’une heure de distraction et de délassement, on arriverait à une conviction personnelle très motivée, et qui dispenserait (au moins pour soi, simple lecteur) de beaucoup d’autres recherches. […] C’est là une douairière qui a au moins entendu parler du comte Joseph de Maistre, qui s’est fait lire quelques-unes de ses Soirées, et qui a connu Mme de Krüdner. […] Il faut lire dans les prétendus mémoires le dédaigneux et insolent chapitre qui commence d’une façon toute triomphante : « Écoutez le récit d’un désastre à faire pâlir… », et qui finit par ces mots jetés d’un ton leste : « Et voilà ce qu’il est convenu d’appeler la banqueroute du prince de Guemené ». […] Elle lisait moralistement (c’est son mot), en raisonnant et en extrayant de tout une moralité applicable. […] À propos de je ne sais quel ouvrage de l’avocat Target, qu’on disait excellent : « Je le crois, mais je ne le saurais lire, disait-elle : je suis si frivole que j’aime le style, et si bête que j’aime la justesse.

779. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Ne lui demandez pas de se soigner, de se relire : « Mes affaires et mes amis, dit-il, ont besoin de moi, et le peu de temps qu’on me laisse est mieux employé à composer qu’à m’appesantir sur des révisions de style… Si je me contraignais pour me rendre méthodique, je suis certain que je serais moins lu encore que je ne le serai dans toute la pompe de la négligence et des écarts2. » Dans la Théorie de l’impôt, qui est censée une suite à l’entretiens ou discours tenus et prêchés à Louis XIV par Fénelon, cet éloquent prélat parle le plus rébarbatif des langages ; il dira que « l’honneur, ce gage précieux dont le monarque est le principal et presque le seul promoteur, a comme toute autre chose, son acabit ou son aloi nécessaire ». […] Il est vrai qu’on se fait une réputation et qu’elle impose au grand nombre, mais c’est l’acheter chèrement, et il est encore plus pénible de la soutenir ; et, quand il n’y aurait d’autre désagrément que de lire tous les mauvais livres qui s’impriment, afin d’en pouvoir raisonner, et d’entendre tous les jours de sottes discussions, ce serait encore trop pour moi… Il me serait fort agréable d’avoir de la réputation, si elle venait me chercher ; mais il est trop fatigant de courir après elle, et trop peu flatteur de l’atteindre, lorsqu’elle coûte tant de soins. […] Je suis bien loin d’être raisonnable ; depuis deux ans je n’ai pas lu un quart d’heure tous les jours, j’entends un jour portant l’autre. […] Elle n’a pas toujours été aussi grande, mon cher Mirabeau ; il y a eu des temps où j’ai lu ; mais ces temps-là sont un point dans ma vie. […] Toutefois, sur cette protestation de son peu d’étude et de lecture, Mirabeau n’est pas dupe et n’est crédule qu’à demi : « Vous ne lisez point, me dites-vous, et vous me citez tous les mots remarquables de nos maîtres ; cela me rappelle Montaigne qui soutient partout qu’il craint d’oublier son nom tant il a peu de mémoire, et nous cite dans son livre toutes les sentences des anciens. » — S’il convie son ami à s’ouvrir à lui, il lui donne largement l’exemple et ne se fait pas faute de se déclarer.

780. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite.) »

Mme de Boufflers avait fait une pièce, une espèce de tragédie ou de drame en cinq actes et en prose, qui ne fut point imprimée, mais qu’elle lisait à ses amis. […] Peu après avoir fait lire sa pièce au président Hénault, Mme de Boufflers reçut au jour de l’an, pour étrennes mystérieuses, un cachet gravé représentant « l’Amitié tenant l’Amour enchaîné. » C’était une galanterie du président. Jean-Jacques, lui, ne fut pas si aimable ; consulté sur la pièce, il crut y voir de la ressemblance avec une pièce anglaise qu’il avait lue traduite, et il le dit crûment, donnant même à entendre qu’il devait y avoir plagiat. […] C’est dans la Correspondance de Garrick, publiée en Angleterre, dans une lettre qui lui vient de France, que je lis les observations bien fines, et d’un bien grand sens, d’une femme de mérite, connue par ses succès au théâtre et dans les lettres, Mme Riccoboni ; ces réflexions qu’elle adressait à Garrick trouveront accès, j’en suis sûr, auprès de tous les bons esprits, des cœurs doux, indulgents et modestes : « La rupture de M.  […] Je ne crois pas avoir à m’excuser auprès de mes lecteurs pour leur avoir donné ici tant de pages qui ne sont pas de moi et qui sont de meilleurs que moi ; comme la plupart étaient inédites ou peu connues, j’imagine qu’on aura pris, à les lire, quelque chose du plaisir que j’ai eu moi-même à les rassembler.

781. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers (suite et fin.) »

« La gracieuse beauté qui aime à connaître, — et qui ne craint point la neige inclémente du Nord ; — qui force son accent poli à se plier — aux sons plus rudes de l’idiome britannique, — lira sa louange dans tout climat — où la Presse pourra parler et où les poëtes chanteront. » Mme d’Usson avait aussi son petit couplet. […] C’était le moment où Rousseau était en passage à Paris, avant d’aller en Angleterre ; Horace Walpole fit, un soir, en rentrant de chez Mme Geoffrin, cette plaisanterie cruelle de la prétendue lettre d’invitation du roi de Prusse à Jean-Jacques, qui courut bientôt Paris et toute l’Europe, et où on lisait entr’autres ironies : « Si vous persistez à vous creuser l’esprit pour trouver de nouveaux malheurs, choisissez-les tels que vous voudrez ; je suis roi, je puis vous en procurer au gré de vos souhaits. » Walpole se raillait de Rousseau et le traitait en pur charlatan ; il se représentait aussi Mme de Boufflers comme ambitieuse elle-même d’être enlevée jusqu’au Temple de la Renommée en s’accrochant à la robe de l’Arménien philosophe. […] Grimm nous apprend que ces vers, lus dans la société de Mme de Polignac, furent généralement trouvés détestables : des jours toujours sereins, mauvaise consonnance ; — en interrompt la course, est-ce la course des plaisirs ou la course de la source ? […] Il mourut, en effet, cinq jours après, et ce ne fut pas lui, sans doute, qui lut la réponse. […] Les Mémoires de l’abbé Morellet (tome II, pages 129 et suiv.) sont à lire sur l’emprisonnement de ces « pauvres dames » de Boufflers et sur le dévouement qu’elles inspirèrent à de courageux amis.

782. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

Coulmann a une nature morale assez riche, et c’est assurément un homme d’esprit ; mais son pinceau est mou ; on voit bien qu’au collège il se plaisait à lire en allemand les romans d’Auguste Lafontaine auxquels il avait collé un titre d’ Histoire romaine pour mieux tromper le maître d’étude. […] Presque tout ce qui a plu, à vingt ou trente ans de distance, demande à être lu avec de la bonne volonté. […] Coulmann, dit Suzanne ; on me l’a remise au moment où nous montions en voiture, et je ne vous l’ai pas donnée devant le monde, sachant que vous vous plaisez à lire en particulier les lettres que vous attendez avec impatience. » Dix ans plus tôt j’aurais rougi de cette remarque ; hier, j’en sus gré à Suzanne. Nous lûmes vite, bien vite, la lettre, ensuite nous la relûmes… » C’est là comme un joli début d’élégie en prose. […] Cette histoire est la comédie du genre : celle de Magalon en est le drame… » En lisant cette lettre de Mme Sophie Gay, ne croirait-on pas lire déjà un piquant feuilleton de sa fille ?

783. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Et puis l’opinion de M.de Loménie est une autorité en matière de biographie ; ses notices, si modestement comme ncées il y a quelques années, ont fait leur chemin ; elles sont lues partout, et elles le méritent. […] Il est très-permis alors de pénétrer dans les coulisses de cette scène où l’acteur tout le premier vous a introduit, et de lire, s’il se peut, avec l’impartialité du moraliste, sous le masque, de tout temps très-mal attaché, de celui que la popularité proclama un grand citoyen, et qui fut seulement un esprit supérieur et fin, uni à un caractère faible et à une sensibilité maladive. […] Mais il semble vraiment n’avoir pas bien lu. […] Au moment où elle se croyait remise en possession, la voilà jouée sous main par les lus daveugles mouvements ; et il ne lui reste alors d’autre ressource, pour se venger des tours qu’on lui joue chez elle et des affronts journaliers qu’elle subit, que de s’en railler et de se railler de tout, avec légèreté et bonne grâce, s’il se peut, avec un sourire d’ironie universelle : triste rôle, qui fut celui que l’histoire attribue à ce Gaston d’Orléans, à la fois spectateur, complice et fin railleur de toutes les intrigues qui se brisaient et se renouaient sans cesse autour de lui. […] « Je ne vous parlerai pas d’affaires publiques, parce que je ne lis et ne vois aucun journal.

784. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

C’est ainsi que l’Idéal, qui est un livre tout plein de bons sentiments et où même les sermons abondent, lu à la campagne, dans un milieu paisible et patriarcal, m’a fait passer d’agréables heures. — M. d’Artannes, un gentilhomme qui a toutes les vertus et beaucoup d’expérience et d’esprit, se fait le mentor d’une fillette et s’applique à former son esprit et son cœur. […] Et quoi de plus déplaisant d’ailleurs que tel ouvrier qui a lu ou que tel bourgeois à moitié lettré et à moitié intelligent ? Par contre, c’est parmi ceux qui ne savent pas lire que l’artiste a le plus de chance de trouver des paysans originaux et de grande allure, et c’est moins dans la Touraine ou l’Ile-de-France que dans les provinces reculées, mieux défendues contre les « bienfaits de la civilisation »  Et pourtant il faut bien qu’une sélection se fasse, que les classes dites supérieures soient entretenues et rajeunies par celles d’en bas. […] Même quand on n’est pas capable d’apporter dans cet exercice l’imagination drue, robuste, copieuse, qui sauve et soutient les Contes drolatiques de Balzac, ces contes sont encore agréables à ceux qui les écrivent, et d’aventure à ceux qui les lisent, et c’est le cas des Histoires du vieux temps de M.  […] On a l’illusion, lorsqu’on n’est pas un grand philologue, de lire un texte du moyen âge sans être arrêté par les perpétuelles difficultés des textes authentiques ; on goûte le charme combiné de la mièvrerie de la forme et de la simplicité des sentiments ; et, comme il est convenu que le moyen âge est naïf, comme son langage nous paraît tel (peut-être parce qu’il est en général plus lent et plus empêtré que le nôtre, ) on savoure de bonne foi cette naïveté.

785. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

On ne connaît pas le premier Fontenelle, ce qu’il était en fait de goût originel et instinctif, quand on n’a pas lu ces lettres du précieux le plus consommé et le plus rance. […] Mais que l’on comprend bien, après avoir lu cet ouvrage de Fontenelle, les épigrammes de Racine, de Boileau, de Jean-Baptiste Rousseau, sur son compte ! […] Lisez tout ce portrait, suivez cette conversation du Cydias-Fontenelle que La Bruyère nous fait si bien voir tel qu’il était alors dans la société, avec ce premier vernis de la jeunesse et dans tout le lustre de son apprêt naturel, déjà lui-même au complet pour la patience et l’accent, nullement pressé de parler et d’interrompre, attendant paisiblement que chacun ait jeté son feu, puis débitant gracieusement alors, et avec un demi-sourire, des contradictions et des paradoxes que La Bruyère estime des impertinences, qui pourraient bien être souvent des vérités, ou du moins qui pourraient y conduire, ce que La Bruyère ne dit pas. […] Pourtant, avant de prononcer tout à fait contre La Bruyère, je prierais qu’on voulût bien lire, au tome premier des Nouveaux mélanges de Mme Necker, l’extrait d’une conversation de Mme Geoffrin sur Fontenelle. […] Au tome XX, p. 58, des Œuvres de Frédéric le Grand (1852), dans la correspondance de Darget et du roi, on peut lire une gaudriole en vers de Fontenelle, âgé de quatre-vingt-quinze ans

786. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Le duc de Lauzun. » pp. 287-308

« L’embarras de me trouver un bon gouverneur engagea mon père, dit-il, à confier cc soin à un laquais de feu ma mère, qui savait lire et passablement écrire, et que l’on décora du titre de valet de chambre, pour lui donner de la considération. » Notez déjà ce tour d’esprit et d’ironie plaisante : ce sera celui de Lauzun. […] Il lisait et écrivait continuellement pour Mme de Pompadour, qui usait de ses petits talents. […] Il lisait avec cela beaucoup de romans qui ne contribuaient pas à lui régler l’esprit. […] Vu et lu aujourd’hui sur le papier, ce genre d’esprit, bien qu’agréable, paraît assez mince : porté brillamment alors par un homme beau, brave, généreux, à grandes manières, cela avait toute sa valeur, et tournait les têtes. […] Dans une lettre signée de lui, qui fut insérée au Moniteur du 27 mars 1818, il disait : Le duc de Lauzun, dont j’étais l’ami, avait écrit ses Mémoires ; il me les avait lus.

787. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

À côté des pages denses et serrées de M. de Bonald, j’ai lu quelques pages de Bossuet, dans le même ordre d’idées absolues : La Politique tirée de l’Écriture. […] Mais ce qui est à lire, c’est le Discours préliminaire, où tout M. de Bonald se trouve avec son système. […] Cette phrase de M. de Bonald peut se lire au tome X des Œuvres in-8º, qui est le tome premier des Mélanges littéraires, politiques et philosophiques (Paris, 1819), p. 258. […] De Maistre a lu Catulle comme l’avait lu Fénelon, et il en citait un jour quelques vers dans une lettre à Bonald ; celui-ci en paraît un peu étonné : « Vous m’avez fait dire les plus jolies choses par Catulle, répondait-il, et, si je n’en avais vu le nom au bas, ayant un peu oublié ce grave auteur, j’aurais cru les vers de vous, tant ils sont faciles et agréables. »

788. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

Il semble qu’à travers ses traductions on lise dans sa physionomie, et qu’on l’aime comme s’il nous avait donné ses propres pensées. […] On dit que le soir, faute d’avoir de quoi acheter une lumière, il lisait à la lueur des charbons embrasés : on a raconté la même chose du jeune Drouot, lisant, enfant, près du four de son père. […] Il est difficile d’essayer un jugement sur les ouvrages d’Amyot et de les apprécier au vrai sans avoir à la fois sous les yeux les textes et les traductions : mais non, prenons celles-ci, comme on l’a fait presque toujours, comme des écrits originaux d’un style coulant, vif, abondant, familier et naïf, qui se font lire comme s’ils sortaient d’une seule et unique veine. […] J’ai voulu relire la pièce la plus grave qu’on a écrite contre Amyot, et que je ne trouve pas du tout à mépriser : c’est le Discours de la traduction, par M. de Méziriac, qui fut lu à l’Académie française à la fin de l’année 1635, et dont Amyot fait tous les frais. […] Racine lisait Amyot à Louis XIV, et, à force d’adresse, il le lui faisait goûter.

789. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Buffon, malade de sa dernière maladie, se faisait lire l’introduction, et, deux jours avant sa mort, il dictait à son fils une lettre adressée à Mme Necker, et dans laquelle il remerciait magnifiquement l’auteur. Buffon n’a rien écrit ni rien lu depuis ce moment, et ce fut l’honneur du livre de M.  […] Son livre est rempli de vues élevées ou fines, mais sous forme un peu compacte ; il est fait pour être lu et médité par des hommes de pensée et de réflexion plutôt que par l’ordinaire du public ; il n’a rien qui se détache ni qui frappe ; l’auteur continue d’être abstrait, tout en sentant que l’abstrait ne prend point et n’est pas le plus court chemin pour arriver à l’effet qu’il désire. […] Et à ceux qui voulaient des images douces, Chateaubriand avait, à pleines mains, à en offrir de telles, de charmantes et de parlantes toujours : on lut le chapitre « Des rogations », et l’on pleura. […] Cet écrit, peu lu, équivaut à une confession.

790. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Rivarol » pp. 245-272

Léonce Curnier est le receveur général du département du Gard ; mais il n’a pas reçu grand-chose en fait de talent littéraire… À lire son livre de critique sur Rivarol, je le crois un fameux comptable ! […] Mais que, dans ce redoutable Sagittaire il y eût un historien, et précisément l’historien qui frappa tant Burke, la première fois qu’il le lut, que du coup il l’appela : « tacite », c’est là, n’est-il pas vrai ? […] Je viens de lire ces pages concentrées, calmes et profondes, où l’éloquence toujours un peu tribunitienne du journaliste ne s’est pas montrée une seule fois, où l’homme de parti n’a pas poussé une seule fois de ces cris familiers aux partis. […] on se demande ce qu’il aurait dit du Tacite de Burke, s’il avait lu Rivarol. […] Qui n’a lu ses Mémoires, personnels et passionnés ?

791. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Qui ne l’a pas lue, ne peut avoir l’idée de cette incroyable préface ; mais le ridicule a ses droits si sacrés en France que, cette idée, nous voulons vous la donner. […] Mais pour en convenir tranquillement après avoir lu cette préface, il faut s’être nettoyé, débarbouillé et essuyé des emphases de M.  […] Quand je le lis, il me semble voyager dans un pays de montagne, et quelle montagne ! […] Lisez son grand fragment sur la Médiocrité, dont j’ai parlé déjà, et qu’il haïssait… Elle l’aura fait souffrir, sans doute. […] … Mais lisez surtout le fragment sur Voltaire, Voltaire, que de Maistre, cette perfection de bourreau justicier, avait pourtant si bien exécuté qu’on pouvait ne plus toucher à ce cadavre.

792. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Cette histoire est à lire tout entière dans Tillemont. […] Un jour (et c’était pourtant avant l’heure la plus brillante du règne), Chapelain, homme instruit, sinon poète, fut surpris par Ménage et Sarasin sur le roman de Lancelot, qu’il était en train de lire. […] Le jour que Raynouard alla pour la première fois à la Bibliothèque impériale pour y compulser les manuscrits provençaux, ce fut Fauriel (il se trouvait là par hasard) qui lui montra à lire, à déchiffrer les premières lignes du premier manuscrit. […] Benjamin est de ce nombre ; il ne fera jamais rien qui soit digne de son esprit… » J’ai voulu vous lire tout le passage, qui est piquant. […] Guizot alors ministre et qui le connaissait si bien, de débiter de vive voix ou de lire par cahiers ce qu’il hésitait à considérer comme définitivement écrit et comme digne d’être imprimé en corps d’ouvrage.

793. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

« Il lisait enfin avec passion, comme la plupart des enfants, toutes ces féeries dont les catastrophes, plus ou moins dramatiques, les font tant pleurer ! […] …” « Mon père, enthousiasmé des Chinois (peut-être à cause de leur longévité comme peuple), lisait alors les gros livres des jésuites missionnaires qui ont décrit la Chine les premiers ; il annotait aussi de précieuses éditions de la Bible qu’il possédait, livre qui, en tout temps, causa son admiration. […] … « “J’ai fait cette nuit un rêve délicieux ; je lisais Tacite que tu m’avais envoyé ! […] Qu’on lise mon avant-dernier numéro de mes Conseils au peuple ! […] Il était religieux comme sa mère et sa sœur ; la solitude et le bonheur le ramenaient à Dieu. — Lisons maintenant ce grand moraliste.

794. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre onzième »

Il veut lire le billet ; c’est à sa gourmandise qu’Emile devra de savoir lire. […] Lira qui voudra cette scène plus indécente mille fois que ces plaisanteries du jour des noces, dont se plaint avec raison Rousseau, et dont on embarrassait alors si cruellement la pudeur des nouveaux mariés. […] Nous voilà bien avertis que nous allons lire une apologie. […] L’orgueil propre à notre siècle, l’esprit d’utopie que les révolutions y ont déchaîné, font encore des croyants au Contrat social, même parmi les gens qui ne le lisent pas. […] Lire Jean-Jacques Rousseau sera toujours chercher une tentation.

795. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Mme Michelet est là, qui nous déclare aimablement qu’elle se fait une fête de lire notre roman, se plaignant qu’il y ait trop peu de livres qu’on puisse lire sans application, et disant qu’elle a vainement cherché de quoi lire, hier au soir, dans toute la bibliothèque de son mari. […] Alors je me suis dit : Eh bien, je ne vais plus lire de livres, je vais en faire, moi aussi ! […] Deux heures avant sa mort, il s’est fait lire les Contes philosophiques de Voltaire. […] Aujourd’hui je lis dans un journal, la fondation d’un jury pour la dégustation des huîtres. […] Tout nous blesse, tout nous taquine les nerfs : ce que nous voyons, ce que nous lisons, ce que nous entendons.

796. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Le succès d’un roman provincial est toujours de bon aloi puisqu’il ne résulte que du charme que l’on éprouve à lire une copie de la saine réalité. […] « Il a lu des livres, beaucoup de livres ; et, miracle ! […] J’avais lu ses premiers vers (Mme Bartet les possède). […] Conseillons donc au public de lire, aux heures de lassitude, Tendres Ménages ou Mon Amie Nane de P. […] Malicieusement observerait-on — d’autant plus qu’ils sont jeunes — que beaucoup parmi ceux dont nous avons parlé ont souvent beaucoup lu et beaucoup trop retenu.

797. (1883) Le roman naturaliste

On n’a pas sitôt fini de lire son dernier roman que le suivant a déjà paru. […] et pourquoi, si je lis la Maîtresse, de M.  […] Il produit beaucoup, il pense quelquefois, il n’a jamais lu ; cela se voit. […] et pénible à lire, mais non pas immorale. […] Tout le monde, — je prendrai du moins la liberté de le supposer, — a lu la Foire aux vanités et tout le monde a lu David Copperfield.

798. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIIe entretien. Littérature latine. Horace (2e partie) » pp. 411-480

Si vous lisez cela en latin, chacun de ces vers est une flèche empennée à pointe de diamant tombée du carquois d’un Amour ou d’une Diane des bois sacrés de Castalie. […] Si vous pouviez lire l’ode en latin, vous sentiriez la mélancolie et la gravité sinistre jusque dans le mètre des vers ; ce sont des voix de poitrine qui gémissent en chantant. […] Quiconque a lu cette ode vraiment pindarique ne peut refuser à Horace les ailes de Pindare, si le voluptueux Romain avait voulu livrer plus souvent ses ailes légères au souffle du lyrisme politique ou du lyrisme sacré. […] XII Lisons encore. […] Lisons : chaque vers est une pierre milliaire de la voie Appienne qui mène de Rome en Apulie.

799. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLVIIIe Entretien. Montesquieu »

Il y lut plusieurs écrits sur l’Histoire naturelle, et entre autres morceaux historiques, une dissertation sur la politique des Romains dans la religion, prélude d’un de ses chefs-d’œuvre. […] J’avais, il est vrai, lu souvent dans l’inimitable Correspondance de Voltaire, quelques phrases très-succinctes et presque très-dédaigneuses sur ce prétendu Esprit des Lois, qu’il appelait avec raison, comme son amie madame du Deffant : De l’esprit sur les lois. Mais je pensais que la gravité du sujet avait peut-être rebuté l’esprit si charmant, quoique si solide, de Voltaire, et qu’il ne fallait pas demander à un homme universel, — réputé léger, — un jugement sur un magistrat — réputé érudit. — Je m’étais réservé de lire à fond Montesquieu quand j’en aurais le temps et de me faire une idée juste de l’Aristote de la France. […] ai-je dit avec le Corrége. » XI Maintenant je vais lire avec vous. […] Ne lisez Montesquieu que l’histoire à la main.

800. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

« La seule chose qui est favorable à M. de Blainville, ajoute Dangeau, c’est qu’il aura la queue de son manteau plus longue d’une aune que celle de M. de Sainctot ; et ainsi les charges ne sont pas égales, mais elles ne sont pas subordonnées. » Il semble à quelqu’un de spirituel avec qui je lis ce passage, que Dangeau, cette fois, a été à une ligne près de trouver cela ridicule, mais qu’il n’a pas osé. […] Assez d’autres chercheront dans le journal de Dangeau tel ou tel fait particulier ; très peu de monde aura la patience de le lire d’un bout à l’autre comme on lit un livre. […] Le roi nous a dit qu’il n’avait jamais vu une si belle relation, et qu’il nous la ferait lire. » Les éditeurs ont eu l’heureuse idée de nous faire le même plaisir que Louis XIV à ses courtisans, c’est-à-dire de nous donner le texte même de la relation de M. de Luxembourg, conservée au Dépôt de la guerre, et de laquelle s’étaient amplement servis les historiens militaires du règne ; mais dans sa première forme et dans son tour direct, elle a quelque chose de vif, de spirituel, de brillant et de poli qui justifie bien l’éloge de Louis XIV, et qui en fait de tout point une page des plus françaises. […] Je ne me souviens point que les Romains en aient vu un tel ; car leurs armées n’ont guère passé, ce me semble, quarante ou tout au plus cinquante mille hommes ; et il y avait hier six vingt mille hommes ensemble sur quatre lignes. » Il faut lire toute cette description.

801. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Jusqu’à vingt-quatre ans, il n’avait lu avec plaisir, nous dit-il, que les écrivains du jour, Michelet, Janin, Mme Sand, etc., et il les admirait ou les goûtait assez confusément. Le premier livre qui le tira de ce pêle-mêle, en lui donnant un terme de comparaison, et qui l’initia à la littérature classique, ce fut Gil Blas, qu’il vit entre les mains d’un ami ; le livre, à peine lu, le dégoûta à l’instant « de la faconde moderne, du roman d’intrigue, du roman de thèse, du roman de passion, et de tout cet absurde et de toute cette emphase qu’il avait tant aimés. » Ce prompt effet du naturel et du simple sur un esprit ferme et né pour le bon style est rendu à merveille. […] Ce sont de ces choses qui me causent une vraie douleur quand je les lis chez M. Veuillot, et que je les rencontre à côté de tant de jugements fermes, sagaces, bien frappés : tel est dans ce chapitre le jugement sur Hugo et sur Musset, en six lignes qui disent tout. — Entre les classiques français qu’il se mit à lire régulièrement, il n’en est aucun auquel il fut plus redevable qu’à La Bruyère ; il l’étudia à fond, tour et style.

802. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Pour les Mémoires de la grande Mademoiselle, on a découvert que ce qu’on lisait depuis plus d’un siècle était détestable, et M.  […] Consentez-y seulement, levez-vous et faites quelques pas, souffrez qu’on retourne un peu, à votre insu, ce lit de repos sur lequel vous la lisiez ; et quand vous vous y remettrez, un peu contrarié d’abord, vous trouverez bientôt la lecture, je l’espère, meilleure même qu’auparavant et plus savoureuse. […] Qui lira en jugera. […] On ne peut rien détacher en ce genre ; lisez tous ces charmants endroits dans le livre (tome II, pages 149 et 173), mais surtout ce passage où elle nous expose et nous étale si plaisamment, si crûment, la satiété, le dégoût et la profonde nausée d’une nature repue et gorgée de plaisirs.

803. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

lisez mes Xénies… Écrivain allemand, martyr allemand ! […] Gœthe a encore parlé aujourd’hui avec admiration de lord Byron : « J’ai encore lu, m’a-t-il dit, son Deformed transformed, et je dois dire que son talent me semble toujours plus grand. […] Lisant une des histoires quelconques de Napoléon qu’on publiait alors, il fait cette remarque, si justifiée depuis : « Le héros n’en est pas diminué ; au contraire, il grandit à mesure qu’il devient plus vrai. » Il essaye de lire Bourrienne, et le livre bientôt lui tombe des mains : « Cela », dit-il, « tiraille des brins à la frange et aux broderies du manteau impérial, déposé d’hier, et cela croit par là devenir quelque chose !  […] Il les associait encore dans une lettre écrite à Zelter vers le même temps : « Si tu ne les connais pas déjà, je te conseille de lire le théâtre de Clara Gazul et les Poésies de Béranger.

804. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

La Cour de Sceaux, même en son meilleur temps, fut toujours un peu arriérée sans doute, cantonnée dans son vallon, fermée aux lumières et au souffle du dehors, obstinément cartésienne par M. de Malezieu ; mais ce Malezieu était un homme de savoir, nourri de premières études très fortes, qui lisait Sophocle dans le texte, et chaque jour il passait là, dans ce cercle de la princesse, des personnes du premier ordre par l’esprit : Voltaire, Mme du Châtelet, Mme du Defland ; Mlle de Launay, ce témoin exquis qui fait loi devant la postérité, y était en permanence. […] J’ai lu tout ce qu’on nous en a dit et ce qu’on nous en montre ; cela ne donne nullement envie d’y avoir vécu. […] La réponse à une semblable question est déjà faite : il n’est pas un de ceux qui nous ont lu jusqu’ici qui ne sache à quoi s’en tenir. […] Trois ou quatre jours auparavant, le maréchal de Belle-Isle, ministre de la guerre, ayant reçu un courrier du comte de Clermont, qui n’apportait que des détails sur la position de l’armée, jugea pourtant devoir en rendre compte immédiatement au roi ; il le trouva dans la cour du château, déjà en carrosse, prêt à partir pour le pavillon de Saint-Hubert, et il n’hésita pas à faire arrêter le carrosse pour donner les lettres à lire : « Cela dura un demi-quart d’heure, nous dit M. de Luynes, et fit un spectacle, car il n’est pas ordinaire de voir un secrétaire d’État, ni qui que ce soit, faire arrêter les carrosses du roi, et c’est peut-être la première fois que cela est arrivé, au moins depuis longtemps. » Une victoire, en effet, eût été un grand soulagement après une aussi triste campagne, et, sans réparer les fautes, elle les eût couvertes ; l’honneur du comte de Clermont eût été sauvé.

805. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Si l’on me disait qu’on vient de découvrir un almanach de tous les fonctionnaires romains en telle année, j’accueillerais la nouvelle avec sang-froid et je prierais qu’on me dispense de le lire. […] Lisez l’étude sur le Pèlerinage de Charlemagne, où il établit la date, l’origine et le sens de la vieille chanson : vous y verrez ce qu’il peut y avoir d’intérêt dans ces menues besognes. […] Les chansons, les fabliaux, les farces, les mystères, dont l’excellent et sec Boileau méprisait la grossièreté et que d’ailleurs il ne lisait pas, nous les lisons, un peu vite parfois et en dissimulant quelque ennui ; mais aussi nous y découvrons souvent, dans une phrase, dans un vers (et tout le reste en bénéficie), des merveilles de grâce, de finesse, d’émotion, de poésie, une malice exquise, ou bien une tendresse, une piété qui nous vont à l’âme.

806. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Les journaux à tirage trop faible pour exiger ce droit léonin relèguent en des colonnes de troisième page, bien après les informations politiques et tout juste avant les faits divers, des critiques qu’on ne va pas lire, et que rédigent des personnes n’ayant à ce rôle d’autre aptitude que leur bonne volonté. […] Jadis, il lisait son critique, et achetait de confiance les livres qu’il recommandait, en sorte qu’un homme lettré, maître d’un feuilleton périodique, pouvait faire du bien à des gens de talent et même leur ouvrir un avenir. […] Et la réclame payée ne le tue pas, car, même si les gens se doutent que l’éloge qu’ils lisent a coûté deux cents francs, ils ont encore un certain respect instinctif. […] Il ne faut pas quelqu’un pour engager le public à les lire — car ici la réclame suffit.

/ 3085