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2351. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LES JOURNAUX CHEZ LES ROMAINS PAR M. JOSEPH-VICTOR LE CLERC. » pp. 442-469

Si en effet l’on parvient à démontrer que, dès les premiers siècles de Rome, le grand pontife traçait chaque année dans sa maison, sur une table blanchie, les faits mémorables ; que ces tables sur bois ou sur pierre ne furent jamais complétement détruites, qu’elles échappèrent à l’invasion des Gaulois, et qu’elles purent être consultées par les historiens à qui l’on doit le récit de ces premiers âges, il en résulte qu’il n’y a pas lieu de tant douter sur les origines, ni de tant attribuer que l’a fait Niebuhr à l’imagination populaire, aux chants nationaux et aux légendes épiques.

2352. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

Il se croit les droits de la Providence parce qu’il a un sentiment et un plan dans son imagination.

2353. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Verlaine tenait ce renseignement de Baju lui-même, mais je soupçonne fort ces voyages d’être un produit fertile de l’imagination·du jeune pince-sans-rire.

2354. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

L’observation y fait un contrepoids heureux à l’imagination, mais l’utilité du réalisme est soumis à la condition qu’il sache se subordonner.

2355. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

On dirait, en lisant les œuvres d’imagination de nos jours, qu’il n’y a que le mal et le laid qui soient des réalités.

2356. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

J’écris pour les historiens, et je me crois plus obligé à une exactitude scrupuleuse que si j’étais historien moi-même ; or il est de fait que je n’ai trouvé aucun document historique sur le personnel de madame de Maintenon à l’âge de quarante-cinq ans ; mais comme j’aime autant qu’un autre à me la figurer agréable, j’emprunterai ici la peinture que madame de Genlis en a faite : j’aimerais à la croire vraie, quoique je sois eu droit de la regarder comme un ouvrage d’imagination.

2357. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

L’Etna fut le titre de son dernier drame : autre rêve qui saisit l’imagination.

2358. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Ce rêve de son imagination, elle ne le réalisa au complet que lorsque M. du Maine eut acheté Sceaux des héritiers de M. de Seignelay au prix de 900 000 livres, et qu’elle en eut fait son Chantilly, son Marly et son Versailles en miniature (1700).

2359. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Dangeau trouvait même que son ami, qui avait pour point de départ une certaine incrédulité légère, allait vite en besogne, et qu’avec sa vivacité d’imagination il passait vite sur les intermédiaires, toujours en deçà ou au-delà.

2360. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

avec une vive et amoureuse douleur de ses infidélités passées, et avec tout le respect et le religieux tremblement que mérite votre souveraine majesté. » De talent, d’imagination proprement dite, il ne saurait en être convenablement question, en appréciant un écrit de cette simplicité.

2361. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

La jeunesse a été en proie à des tristesses extraordinaires, aux fausses douceurs d’une imagination bizarre et emportée, au mépris superbe de la vie, à l’indifférence qui naît du désespoir : une grande maladie s’est manifestée sous mille formes diverses.

2362. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Si on ne lisait qu’une ou deux de ces lettres et sans y faire grande attention, on pourrait dire que cette mobilité de Voltaire est très naturelle à un homme d’esprit et d’imagination comme lui, qu’il n’est pas maître de la retenir, et qu’il n’y faut voir qu’une erreur de ses nerfs.

2363. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Les génies de contemplation et d’art font de même, car la contemplation prétendue n’est qu’une action réduite à son premier stade, maintenue dans le domaine de la pensée et de l’imagination.

2364. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

L’historien Augustin Thierry (1795-1856), Normalien, secrétaire de Saint-Simon, grand lecteur de Chateaubriand et de Walter Scott, défenseur de la Révolution de 1830, s’est penché sur l’histoire de l’Angleterre féodale (Histoire de la conquête de l’Angleterre par les Normands, 1825), avant se consacrer à la France mérovingienne dans un ouvrage qui, par son style mêlant érudition et imagination, eut un large succès en dehors du cercle des spécialistes (Récits des temps mérovingiens, 1840).

2365. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

La foi excommunie l’imagination.

2366. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

La fatuité naïve et l’orgueil inhérent à tous ceux qui composent d’imagination, leur font regarder la critique comme une besogne inférieure.

2367. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

IV, chap. 15] Le Dante a répandu quelques beaux traits dans son Purgatoire ; mais son imagination, si féconde dans les tourments de l’Enfer, n’a plus la même abondance quand il faut peindre des peines mêlées de quelques joies.

2368. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

Ou il rapportera toute la connaissance humaine aux principales facultés de notre entendement, comme nous l’avons pratiqué dans l’Encyclopédie, rangeant tous les faits sous la mémoire ; toutes les sciences sous la raison ; tous les arts d’imitation sous l’imagination ; tous les arts mécaniques sous nos besoins ou sous nos plaisirs ; mais cette vue qui est vaste et grande, excellente dans une exposition générale de nos travaux, serait insensée si on l’appliquait aux leçons d’une école, où tout se réduirait à quatre professeurs et à quatre classes : un maître d’histoire, un maître de raison, une classe d’imitation, une autre de besoin.

2369. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Notaire aux besicles d’or, commis d’huissier éclatant dans son habit trop étroit, sous-préfet à l’allure administrative, — tous ces gens dont on s’est servi pour mettre l’imagination à la porte de la littérature, ne m’ont jamais séduit que médiocrement

2370. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Le Danton de l’Histoire est un titan populaire, horrible et sublime, le génie déchaîné de la Force, un Capanée monstrueux de la Carmagnole, en qui l’imagination terrifiée des historiens a triplé l’audace, parce qu’un jour où il n’y avait rien à craindre il avait répété, en trois hurlements, qu’il en fallait.

2371. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Il y a peut-être moins d’imagination — je puis l’accorder, bien que j’en doute fort — chez l’adolescent, mais il y a moins de vérité chez le garçon.

2372. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre IV. Le rêve »

L’imagination du dormeur qui s’éveillé ajoute parfois au rêve, le modifie rétroactivement, en bouche les trous, qui peuvent être considérables.

2373. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

C’est le prestige, c’est le cortège d’honneurs dont un haut personnage reste entouré dans notre imagination qui nous empêche de l’assimiler aux autres hommes, et de les tenir, eux et lui, pour des unités comparables.

2374. (1894) La bataille littéraire. Septième série (1893) pp. -307

Elle n’était pas, comme sa mère, une grande liseuse ; l’envolée continue de son imagination lui suffisait ; et, tout de suite, elle s’ennuyait aux histoires inventées. […] Les « Censeurs sévères » qui affirment que rien n’est beau hors l’ennuyeux, garderont peut-être rancune à l’auteur de la Confidence d’une aïeule de ce mouvement de jeunesse, de cette gaîté qu’ils affirment chose de mauvais goût ; je ne suis pas de leur avis et je tiens pour certain que tout livre d’imagination qui n’émeut pas par son charme, ses tendances gaies ou dramatiques, n’est point un livre. […] M. de Tocqueville constate cet état d’esprit : C’était le temps où toutes les imaginations étaient barbouillées par les grosses couleurs que Lamartine venait de répandre sur ses Girondins. […] Combien un tel livre laisse derrière lui ceux qui ne vivent que par l’imagination, et quelle littérature, quelle éloquence d’artiste consommé vaudra jamais le cri chaud et vivant poussé par l’homme, l’animal blessé ! […] Il arrive cependant qu’un très grand prophète, un véritable fils de Dieu se manifeste aux siens d’une manière sensible et à l’état de veille, afin de les mieux persuader en frappant leurs sens et leur imagination.

2375. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Il est là, ce danger, dans cette incapacité à sortir de soi, qui aboutit, par le resserrement de la vision sociale, à un tarissement de l’imagination. […] Ce que le lecteur achète, quand il paie au comptoir du libraire un exemplaire du Père Goriot, des Trois Mousquetaires, des Misérables, c’est la pensée du romancier, c’est son imagination, c’est la sécrétion mentale de son génie, c’est son effort. […] Il reste donc que le Crédit intellectuel serait institué en définitive pour les seuls littérateurs d’imagination : poètes, romanciers et auteurs dramatiques. […] Un médecin, par exemple, aiguisera en lui le sens de l’observation, et diminuera le sens de l’imagination. […] Son imagination lui montrait ces grands hommes, et qu’il admirait avec l’enthousiasme de la seizième année, penchés, à son âge, sur les mêmes besognes, assujettis aux mêmes disciplines.

2376. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Alphonse Daudet, que par parenthèse l’Académie française paraît quelque peu oublier, est un des rares romanciers qui, doués d’une féconde imagination, ont toujours tenu à honneur de n’écrire que d’après nature. […] Dans le premier cas, j’aurais à gronder Hélène de me croire si enfantinement jaloux ; — dans le second cas… » Ici son imagination s’arrêtait, prise au dépourvu. […] … » Ce n’est là que le commencement de ce supplice, dont l’imagination du pauvre homme augmente les détails, détails admirablement décrits par M.  […] Ma nullité avec les gens du monde dépasse toute imagination. […] Je me demandais intérieurement par quels chemins mystérieux, par quelles aventures de cœur et d’imagination, cette femme avait pu passer pour venir, des rivages de la mer du Nord, jusqu’au versant des Montagnes Rocheuses, être la cinquième femme d’un mormon, et quels regrets de la terre natale, des fiords et des sapins de la Norvège se cachaient derrière cette physionomie placide et résignée.

2377. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Dans le drame, dans le roman et jusque dans la poésie, c’est toujours ce même esprit essentiellement français, net, brillant et un peu positif, chez lequel l’observation l’emporte sur l’imagination, et l’ironie sur l’enthousiasme. […] L’imagination est impuissante à embrasser l’étendue d’une telle responsabilité. […] Mais quand l’artiste cherche à donner une forme précise et visible à une œuvre littéraire, il se met, de gaieté de cœur, en concurrence avec les tableaux, bien autrement merveilleux et variés, que fournit l’imagination de chaque lecteur. […] Tout cela est vrai, mais il ne nous vient jamais à l’idée que notre supériorité dans la méthode pourrait bien provenir un peu de notre infériorité comme imagination. […] Aussi est-il facilement la proie d’une jeune fille coquette et ambitieuse ; il l’épouse, et après quelques années d’un bonheur dont tout le secret est dans son imagination de mari amoureux, il découvre soudainement que sa femme le trompe.

2378. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

« Mais, monsieur de Crébillon, dit le procureur, je vous entends censurer, souvent avec raison, mais toujours d’une façon remplie d’imagination, les chefs-d’œuvre tragiques de nos deux grands maîtres. […] Et sans doute une silhouette amusante se fixait dans l’imagination de M. l’inspecteur, que cette dépense de zèle n’empêchait pas d’être un romancier toujours attentif34. […] La naissance obscure du fleuve, sa destinée inconnue, éveillaient, dans son imagination, des formes vagues, où apparaissait confusément le mythologique fantôme des nymphes et des naïades. […] Son imagination l’enveloppe d’un nuage doré qui dérobe à ses yeux toutes les vulgarités et toutes les platitudes.

2379. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Eugène Gandar »

Ces textes magnifiques, encadrés dans des promenades aux bords de l’Isménus et de Dircé, l’aidaient moins à reconstruire qu’à se figurer une Thèbes idéale approximative et suffisante pour l’imagination. […] Je voulais comprendre cette grande énigme d’Hamlet, de toutes les œuvres de Shakespeare la plus puissante et la plus étrange, celle qui s’empare le plus fortement de l’imagination, celle qui par instants heurte le plus non seulement la délicatesse du goût, mais la délicatesse du sentiment.

2380. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Ce n’est pas, comme dans Platon, l’imagination, c’est la raison divinement parlée, qui divinise par sa plume la morale. […] Alors Pison : — Est-ce par un dessein de la nature, nous dit-il, ou par une erreur de notre imagination, que, lorsque nous voyons les lieux où l’histoire nous apprend que de grands hommes ont passé une partie de leur vie, nous nous sentons plus émus que quand nous écoutons le récit de leurs actions ou que nous lisons leurs écrits ?

2381. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Cette pièce, où abondent l’observation la plus fine et l’imagination la plus farce, souffre de la plus déconcertante duplicité de ton. […] Il a l’imagination burlesque et tragique, un don remarquable de grossissement et de déformation caricaturale et souvent, par suite, de très belles colères contre des fantômes.

2382. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

Il a dompté les rythmes incomparables pour satisfaire aux exigences lyriques de sa grandiloquente imagination, et, séduit par l’intuitive harmonie de l’artiste qui vibrait en lui, accaparé des trésors de rimes merveilleuses. […] On en sort l’imagination éblouie par la richesse des couleurs, la sonorité d’un vocabulaire surabondant et la prodigieuse variété du spectacle ; — mais le merveilleux charme cesse avec le contact.

2383. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Chapitre II. De la reconnaissance des images. La mémoire et le cerveau »

Au contraire, le souvenir de la leçon apprise, même quand je me borne à répéter cette leçon intérieurement, exige un temps bien déterminé, le même qu’il faut pour développer un à un, ne fût-ce qu’en imagination, tous les mouvements d’articulation nécessaires : ce n’est donc plus une représentation, c’est une action. […] Dans un cas étudié par Wilbrand 21, la malade pouvait, les yeux fermés, décrire la ville qu’elle habitait et s’y promener en imagination : une fois dans la rue, tout lui semblait nouveau ; elle ne reconnaissait rien et n’arrivait pas à s’orienter.

2384. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Évidemment il se « vieillissait » pour mieux plaire à quelque belle… de, très probablement, son imagination. […] De quel amour, je dirais presque de quelle volupté, ne frémissent pas ces pages admiratives sur Chéret où renaissent, sous une forme tout aussi jolie, les miraculeuses imaginations du grand Affichier, s’il faut créer ce mot qui devient nécessaire. […] Le frère de cet André Chénier, qui dut aux modifications s’ensuivantes, c’est certain, cela, sa juste célébrité, Joseph Marie Chénier, Chénier, auteur correct de quelques bons écrits, secs d’ailleurs, peut-être partiellement injustement oubliés, s’insurgea, se démena, aidé par de plus subtils qui flairaient, dans l’exagération de l’œuvre vraiment géniale, jusqu’aux moindres taches, jusqu’au nez du Père Aubry incliné vers la terre, — qui n’exista jamais que dans leur imagination, tournée, elle, jusqu’à la basse caricature.

2385. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ainsi, écoutez : quant aux fantaisies, voyez le bonhomme Joyeuse dans le Nabab, vous avez sans doute compris que c’est tout à fait moi pour l’imagination. […] C’est un changement incompréhensible, involontaire, produit sans doute par le déplacement des molécules de l’imagination. […] On dira que, sauf deux ou trois exceptions, il n’y a pas eu d’exemple de femmes ayant fourni à l’art des personnalités considérables d’artistes comparables aux artistes hommes, oui, mais les hommes reçoivent dans une des plus magnifiques écoles du monde une éducation intelligente et grandiose ; pendant tout le jour ils sont entourés des beautés de l’Art, leur yeux ne reposent que sur lignes pures et couleurs éclatantes, ils respirent une atmosphère propre à ouvrir leur âme à l’inspiration et à développer les ailes de leur imagination qui doivent les porter vers le génie. […] C’est aux gens éclairés, aux artistes, aux disciples de l’art, qui ne voient que lignes pures et couleurs éclatantes, qui respirent une atmosphère propre à ouvrir l’âme à l’inspiration, à ce qui est puissant et beau, et à développer les ailes de l’imagination qui doivent porter vers le génie, c’est aux amis du progrès et de la justice qu’il faut faire appel.

2386. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Le côté romanesque a dû être sacrifié, bien qu’intéressant, mais que sont les imaginations humaines à côté de la grandeur des effroyables réalités de la nature ! […] Voici un livre bien autrement effrayant, bien plus sûrement impressionnant que toutes les imaginations d’Edgar Poea, car il s’agit de faits réels et constatés dans le livre des Possédés de la morphine, que M.  […] L’auteur est à l’âge où à la force d’une imagination très vive, vient se joindre la facilité d’apprendre et d’acquérir ; il reçoit de toutes parts et donne généreusement. […] Marcel Prévost vient au monde littéraire muni de deux précieuses et rares qualités : l’imagination et l’ordre ; l’une n’est pas moins intéressante que l’autre, et sans être grand prophète, je puis affirmer qu’elles ne peuvent qu’aider puissamment au succès du romancier. […] La description du cirque de Gavarnie, les problèmes de son origine dépassent tout ce qu’a pu supposer l’imagination humaine.

2387. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

La réunion d’un certain art et du naturel au sein de l’imagination la plus vive n’aura lieu que chez Mme de Sévigné ; et cet art encore plus insensible et qui n’est plus que du goût, joint au naturel le plus parfait et le plus continu, ne se rencontrera qu’une fois dans tout son complet, chez Voltaire.

2388. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ?

2389. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Mais ces imaginations trop confinées au seuil domestique, rétrécies d’horizon, qui n’avaient quasi rien vu qu’à travers les vitres d’une étude et en sortant des dossiers, prenaient aisément le change sur les couleurs, sur les tableaux, sur la matière et l’exécution de la poésie.

2390. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Malet lui avait conseillé avec une bonne grâce assez piquante de ne plus garder ses ouvrages en portefeuille, de peur que le public ne s’obstinât à lui en attribuer d’anonymes, où il trouverait de l’imagination, de la vivacité et des traits hardis.

2391. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Pour varier le ton, pour relever la matière et accidenter, si j’ose dire, le paysage, il n’avait pas à son service l’imagination, comme Montesquieu.

2392. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Toutes ces réflexions, je pourrais dire toutes ces agitations d’esprit, m’ont naturellement porté, dans la solitude où j’habite, à rechercher plus sérieusement et plus profondément l’idée-mère d’un livre, et j’ai senti le goût de te communiquer ce qui m’est venu dans l’imagination et de te demander ton avis.

2393. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Nous en sommes réduits aux témoignages produits par Jomini lui-même, et qui peignent en traits ardents son offense, l’injustice dont il se voit victime, et qu’il retourne en tous sens au gré d’une imagination blessée.

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