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1021. (1889) Derniers essais de critique et d’histoire

Nulle idée de la justice. […] Les idées sont contagieuses, surtout les idées trop simples qui s’autorisent à force de promesses et qui érigent en droits les besoins. […] Il faudrait un George Sand pour traduire nos idées dans leur langue. […] Et puis j’étais tourmenté d’une idée saugrenue que je n’ai pas osé vous écrire. […] — En second lieu, quelle idée a-t-il de la famille et de la patrie ?

1022. (1888) Impressions de théâtre. Première série

Delaunay à l’idée que nous nous faisons aujourd’hui d’Alceste. […] voilà qui ne répond guère à l’idée que nous nous faisions de lui. […] Cela me suggère des idées dont j’ai honte. […] Je ne sens en moi qu’un vague grouillement d’idées banales ou d’idées confuses. […] … C’est drôle, je ne puis pas me faire à cette idée-là ! 

1023. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

Il y a une autre sorte de propriété du langage qui consiste non plus dans le rapport en quelque sorte théorique de l’idée et du mot, mais dans le rapport du mot à l’intelligence des gens auxquels on s’adresse. Si votre lecteur ignore le sens du mot dont vous vous servez, si ce mot n’évoque pas en autrui l’idée qui pour vous lui tient par un rapport nécessaire et universel, la propriété de votre expression ne lui donne pas la clarté, et dans ce cas, trop de justesse nuit : on se fait mieux entendre en parlant improprement, Ovide exilé parmi les Scythes disait : « C’est moi qui suis le barbare ici, puisque je ne me fais pas comprendre. » La plus belle harangue en beau langage latin ne valait pas alors pour lui trois mots de jargon scythe tant bien que mal assemblés, plus ou moins écorchés. […] La propriété du langage n’est plus absolue alors : elle est relative ; le mot propre est celui qui éveille le mieux dans l’esprit du lecteur l’idée de l’objet que l’écrivain veut désigner, et un à peu près que tout le monde entend, vaut mieux alors qu’un terme exact, que nul ne saisit. […] Fontenelle disait de ses Entretiens sur la pluralité des mondes : « Je ne demande aux dames, pour tout ce système de philosophie, que la même application qu’il faut donner à la Princesse de Clèves, si on veut en suivre bien l’intrigue, et en connaître toute la beauté. » Dans un dialogue de Diderot, le philosophe Crudeli, au moment d’entamer une discussion sur les matières les plus ardues avec la Maréchale, qui n’avait jamais lu que ses heures, répond à ses inquiétudes en disant : « Si vous ne m’entendiez pas, ce serait bien ma faute » ; et il fait toute sa démonstration en transposant dans le langage d’une femme ignorante les idées des plus obscurs métaphysiciens, sans que, dans cette conversion, la profondeur perde ce que gagne la clarté.

1024. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 169-178

Telle est l’idée qu’on peut se former de M. […] Il ne faut pas croire au reste, que cette obscurité vienne du fond des matieres ; un esprit sage ne doit pas les traiter, quand il n’est pas capable de les éclaircir, & l’esprit net & méthodique sait rendre tout sensible : c’est ainsi que Bacon, Mallebranche, l’Auteur des Mondes, M. l’Abbé Condillac, ont trouvé moyen de mettre leurs idées à la portée de tout lecteur. […] N’y remarque-t-on pas une confusion d’idées indigestes, communes, extravagantes, & par-dessus tout, un style froid, dur, rebutant ? […] Sera-t-il croyable qu’en se laissant aller à l’intempérance des idées, en prétendant annoncer la vérité dans des accès de délire, en faisant hurler la raison d’un ton d’énergumene, en étalant des maximes gigantesques, en combattant les sentimens reçus, en se parant d’une morgue plus burlesque que philosophique ; sera-t-il croyable que M.

1025. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Platon, et Aristote. » pp. 33-41

Représentons-nous, dans Platon, un homme simple, modeste, frugal, de mœurs austères, bon ami, citoyen zélé ; mais très-mauvais politique ; aimant le bien, & voulant le procurer aux hommes ; parlant toujours d’eux, & les connoissant peu ; aussi chimérique dans ses idées, que notre vertueux abbé de Saint-Pierre, ou le célèbre misanthrope Génevois. […] Platon a l’imagination vive, abondante, fertile en inventions, en idées, en expressions, en figures ; donnant mille tours différens, mille couleurs nouvelles, & toutes agréables, à chaque chose : mais, après tout, ce n’est souvent que de l’imagination. […] Aristote ne voulut plus se conduire que par lui-même, par ses principes & ses idées. […] Aristote ne se rebuta point, & ne fut que plus animé contre ceux qui s’opposoient à l’établissement de ses idées.

1026. (1761) Salon de 1761 « Peinture — M. Pierre » pp. 122-126

La fuite en Egypte est traitée d’une manière Tableau de 5 pieds piquante et neuve ; mais le peintre n’a pas su de haut sur quatre de large. tirer parti de son idée. […] C’est qu’il n’a pas senti la richesse de son idée. […] Ces idées sont trop petites. […] C’est la pauvreté d’idées qui fait employer ces faux accessoires.

1027. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 3, que le merite principal des poëmes et des tableaux consiste à imiter les objets qui auroient excité en nous des passions réelles. Les passions que ces imitations font naître en nous ne sont que superficielles » pp. 25-33

Je ne prétends pas soutenir que les premiers peintres et les premiers poëtes, ni les autres artisans, qui peuvent faire la même chose qu’eux, aïent porté si loin leur idée, et qu’ils se soïent proposé des vûës si rafinées en travaillant. […] Le massacre des innocens a dû laisser des idées bien funestes dans l’imagination de ceux qui virent réellement les soldats effrenez égorger les enfans dans le sein des meres sanglantes. Le tableau de Le Brun où nous voïons l’imitation de cet évenement tragique, nous émeut et nous attendrit, mais il ne laisse point dans notre esprit aucune idée importune : ce tableau excite notre compassion, sans nous affliger réellement. […] Nous serions plusieurs jours avant que de pouvoir nous distraire des idées noires et funestes qu’un pareil spectacle ne manqueroit pas d’empreindre dans notre imagination.

1028. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Avis du traducteur » pp. -

Rendre sensible cette unité, telle devait être la pensée de celui qui au bout d’un siècle venait offrir à un public français un livre si éloigné par la singularité de sa forme des idées de ses contemporains. Il ne pouvait atteindre ce but qu’en supprimant, abrégeant ou transposant les passages qui en reproduisaient d’autres sous une forme moins heureuse, ou qui semblaient appelés ailleurs par la liaison des idées. […] Nous avons abrégé ce morceau, en élaguant toutes les idées qu’on devait retrouver dans la Science nouvelle, mais nous y avons ajouté de nouveaux détails, tirés des opuscules et des lettres de Vico, ou conservés par la tradition.

1029. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Les idées sortent des livres, s’animent, courent les rues. […] Une révolution est ainsi un tournant dans l’histoire des idées d’un peuple. […] Napoléon rêvait pour les idées une sorte de blocus continental ; défense leur était faite de circuler. […] Mais ceux qui gardent un peu plus de fierté ou qui ont des idées et ne veulent ni les taire ni les trahir, que feront-ils ? […] Le passé, comme le présent, change d’aspect à la lumière des idées dominantes.

1030. (1910) Rousseau contre Molière

D’abord ce prompt détachement du moi tient de l’étourderie, de l’homme qui a la tête à l’évent et qui n’a pas de suite dans les idées. […] Le Malade imaginaire ne pouvait pas entrer dans la suite des idées de Rousseau songeant à Molière. […] Beaucoup d’hommes de votre classe sont dans ces idées. […] Il était auteur comique, et quelle idée se faisait-on alors et se faisait-il lui-même de la comédie ? […] Elle signifie que Rousseau obéit à ses deux idées à la fois.

1031. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

L’action allégorique que Guillaume de Lorris avait entrepris de déduire, devient, entre les mains de Jean de Meung, une sorte de roman à tiroirs, roman philosophique, mythologique, scientifique, universitaire, ou, pour parler plus justement, roman encyclopédique : car cette seconde partie du Roman de la Rose est en effet une encyclopédie, une somme, comme on disait alors, des connaissances et des idées de l’auteur sur l’univers, la vie, la religion et la morale. […] Abailart, Jean de Salisbury, André le Chapelain, Guillaume de Saint-Amour : ses livres de chevet, où il puise sans cesse des idées, des sujets et des cadres de développement, sont la Consolation de Boèce, le De planctu naluræ du scolastique Alain de Lille, l’Art d’aimer et les Métamorphoses d’Ovide. […] Il est aisé de suivre l’enchaînement des idées de Jean de Meung et de voir comment tout son système a pu s’attacher à la fiction du Jeune Homme amoureux de la Rose. […] Et notre poète a le droit en vérité d’ouvrir le ciel à ceux qui vécurent en ce monde selon son commandement : malgré le cynisme de son langage et parfois de ses idées, il prêche une haute et sévère morale ; il a su tirer toutes les vertus de son naturalisme. […] Au milieu des déductions arides et de la scolastique subtile, soudain l’analyse tourne en synthèse, et les idées se dressent sous nos yeux, réalisées, incarnées, individuelles.

1032. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Il y a une fatalité dans le premier hasard qui vous en dicte l’idée. […] Cette chose qui fait autour de lui le respect et une disposition des autres à s’incliner sous ses idées : c’est le caractère. […] Dans Madame Bovary, je n’ai eu que l’idée de rendre un ton, cette couleur de moisissure de l’existence des cloportes. […] Une idée ! […] Joubert tourne des idées comme on tourne du buis… Ah !

1033. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

dont cette idée a été la fantaisie, qui l’a prise ou plutôt s’est laissé prendre par elle, et n’a pu s’en débarrasser qu’en la jetant dans un livre. […] L’auteur aujourd’hui peut démasquer l’idée politique, l’idée sociale, qu’il avait voulu populariser sous cette innocente et candide forme littéraire. […] C’est là qu’un jour en passant il a ramassé cette idée fatale, gisante dans une mare de sang sous les rouges moignons de la guillotine. […] Il a pour toute idée dont la nudité vous révolterait des déguisements complets d’épithètes et d’adjectifs. […] Nous comptons développer ailleurs, sur cette matière, le système d’idées que nous croyons applicable.

1034. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre III : Examen de la doctrine de Tocqueville »

D’ailleurs l’idée fondamentale de la démocratie, c’est la souveraineté populaire. […] Le christianisme avait résolu la difficulté en transportant cette idée dans l’ordre religieux. […] Pour y arriver, il ne faut point laisser diminuer l’idée de l’homme et du citoyen, et c’est en quoi il faut applaudir à la pensée générale qui a inspiré M. de Tocqueville, tout en corrigeant quelques-unes de ses pensées particulières. […] Tout ce qui relève de nos jours l’idée de l’individu est sain ; tout ce qui donne une existence à part à l’espèce et grandit la notion du genre est dangereux. […] C’est en se plaçant au même point de vue qu’il attaque la doctrine du fatalisme historique, trop répandue à cette époque, et défend contre elle l’idée de la responsabilité des nations.

1035. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Le Braz, qui sait son affaire, nous en avertit — dans les idées que nous nous faisons de la race armoricaine. […] Il est un faible devenu neurasthénique par suite des circonstances et en proie à l’idée fixe toujours plus tyrannique et à la peur (soit peur de l’idée fixe elle-même, soit peur générale, indéterminée, panphobie) toujours plus torturante. […] Tout cela, parce que nous n’avons pas dans l’esprit cette idée inconcussible. […] Il suffit d’une question d’Armande pour que l’idée fixe reparaisse ! […] Vous n’avez pas idée de cette tête d’affreuse canaille rampante et tortueuse.

1036. (1905) Études et portraits. Portraits d’écrivains‌ et notes d’esthétique‌. Tome I.

Il se fit, d’instinct, le porte-voix des idées de sa génération. […] Cette ignorance doit nous décider à suspendre notre jugement, si nous tenons à être justes, même à l’égard des personnes dont les idées répugnent le plus, à nos idées. […] Le monarque et l’élite incarnaient l’idée commune à la nation. […] Ce n’est pas dans la vérité des idées exprimées. […] Il invente ses idées en me parlant.

1037. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — I »

On était dans un siècle d’analyse et de destruction, on s’inquiétait bien moins d’opposer aux idées en décadence des systèmes complets, réfléchis, désintéressés, dans lesquels les idées nouvelles de philosophie, de religion, de morale et de politique s’édifiassent selon l’ordre le plus général et le plus vrai, que de combattre et de renverser ce dont on ne voulait plus, ce à quoi on ne croyait plus, et ce qui pourtant subsistait toujours. […] Diderot, bon qu’il était par nature, prodigue parce qu’il se sentait opulent, tout à tous, se laissait aller à cette façon de vivre ; content de produire des idées, et se souciant peu de leur usage, il se livrait à son penchant intellectuel et ne tarissait pas. […] Avant d’avoir lu ces lettres, et malgré notre goût bien vif pour tous ses autres ouvrages, il manquait quelque chose à l’idée que nous nous formions du grand homme ; de même qu’on ne comprendrait pas Mirabeau tout entier si l’on ne connaissait aussi ses lettres écrites à la Sophie qu’il aimait. Ce serait pour nous une trop longue, quoique bien agréable tâche, de rechercher dans ces volumes et d’extraire tout ce qu’ils renferment d’idées et de sentiments par rapport à l’amour, à l’amitié, à la haute morale et à la profonde connaissance du cœur ; au spiritualisme panthéistique, véritable doctrine de notre philosophe ; à l’art, soit comme théorie, soit comme critique, soit enfin comme production et style.

1038. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

Les grands administrateurs et hommes d’État qui ont une idée de bon sens ou de génie à faire prévaloir et qui y réussissent, n’évitent pas pour l’ordinaire l’inconvénient d’insister sur toutes les parties de cette idée, et de la pousser, du moins en théorie, jusqu’à des extrémités qu’elle ne comporte pas. […] On a vu quelles saines idées il a su remettre en vigueur dans le gouvernement de son pays ; mais on ne peut disconvenir qu’il ne poussât théoriquement un peu loin les conséquences de son excellente réforme républicaine, ou plutôt qu’il n’en restreignît les maximes à une simplicité trop élémentaire. […] Plus tard la lecture d’O’méara le fit un peu revenir sur l’idée médiocre qu’il avait conçue des facultés politiques du héros. […] Dans une lettre de février 1815, adressée à M. de La Fayette, on voit en abrégé toute l’opinion de Jefferson sur les événements de notre Révolution, avec les changements qu’y avait apportés l’expérience ; il y rétracte son ancienne idée d’un accommodement possible en 89 ; il croit reconnaître, avec M. de La Fayette, que la France de 91 était mûre pour la constitution qu’on lui avait faite, si on n’avait voulu la pousser encore plus avant, au-delà de la monarchie.

1039. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi Sous le nom de névropathie cérébro-cardiaque127, le docteur Krishaber décrit une maladie dans laquelle on voit très bien comment se fait et se défait l’idée du moi. […] Mais, comme presque toujours la maladie arrive brusquement, l’effet est immense ; on ne peut mieux comparer l’état du patient qu’à celui d’une chenille qui, gardant toutes ses idées et tous ses souvenirs de chenille, deviendrait tout d’un coup papillon avec les sens et les sensations d’un papillon. […] D’ailleurs l’idée d’une hémorragie cérébrale ne me préoccupait pas beaucoup ; je me crus plutôt empoisonné ; je le crus même si bien, que je traçai à la hâte quelques mots sur une feuille de papier, indiquant ce que j’éprouvais et craignant de ne plus pouvoir donner des renseignements quelques instants après. […] Les lunettes les plus foncées ne me suffisaient plus ; je les mis doubles, et finalement j’eus l’idée de noircir mes lunettes avec du noir de charbon… Constamment il m’a semblé que mes jambes n’étaient plus à moi ; il en était à peu près de même de mes bras ; quant à ma tête, elle me semblait ne pas exister… Il me semblait que j’agissais par une impulsion étrangère à moi-même, automatiquement.

1040. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre V. Des trois ordres de causes qui peuvent agir sur un auteur » pp. 69-75

Il a des aptitudes, des prédispositions, des virtualités de sentiments et d’idées. […] Qui niera que la maladie, l’âge, la vieillesse ne modifient fréquemment et d’une façon profonde nos idées, nos sentiments, notre humeur ? […] Et pourtant des observateurs à déductions précipitées 23, remarquant que des écrivains d’une même époque ont laissé des œuvres très différentes d’idées, de formes, de caractères, en ont conclu que l’influence de ce milieu-là était capricieuse et fugace, qu’elle n’existait pas pour un grand nombre de talents notables et pour la plupart des génies suprêmes. […] Est-ce que l’apparition d’un poème ou d’un roman, pour peu qu’il remue des idées, ne suscite pas de violents conflits d’admiration et de colère ? […] Que d’idées, que de sensations et de sentiments entrent ainsi dans l’homme par tous les pores !

1041. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — L’orthographe, et la prononciation. » pp. 110-124

Dès 1531, quelques écrivains François tentèrent également de réformer notre orthographe, d’après l’idée du Trissin ; mais ils ne réussirent pas mieux que lui. […] On les combattit encore ; mais enfin leurs idées commencèrent à prendre. […] Se moquant également de l’usage reçu, de l’inutilité & des inconvéniens d’une trop grande innovation, & de l’habitude des yeux qu’un pareil changement blesse, il ne s’est embarrassé que d’établir ses idées singulières, de réaliser ses rêves sur le néographisme, de mettre un accord parfait entre l’orthographe, & la prononciation. […] Comme l’auteur se doutoit bien de la peine qu’on auroit à le lire, il eut l’attention de faire écrire souvent, dans une même page, les mêmes mots suivant l’usage ordinaire, & suivant ses nouvelles idées. […] L’impossibilité de sçavoir comment il faut prononcer la pluspart des mots latins, & les idées, à cet égard, des modernes latinistes mirent autrefois en combustion l’université de Paris & le collège Royal.

1042. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Pour dieu, mon ami, détournez-vous de ce coin, ne regardez ni ces enfans de M. de Voyer , ni M. de Sanscey , ni cette figure de la magnificence, dont Pajou n’a pas la première idée, ni cette sagesse ; tout cela est d’une insupportable médiocrité. […] Je vois que ces soldats placés sur le fond qui tiennent la couverture levée feront une belle masse ; ils attendent sans doute que Pélopidas soit expiré pour la lui jetter sur le visage ; et je ne nie pas que cette idée ne soit simple et sublime. […] En général la multitude des acteurs nuit à l’effet de la scène, cette abondance est vraiment stérile ; on n’y a recours que pour suppléer à une idée forte qui manque. […] Quand l’idée est absurde, j’ai peine à parler du faire. […] Cet artiste a de l’idée.

1043. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « J.-J. Ampère ; A. Regnault ; Édouard Salvador »

À travers la fumée des usines et des locomotives, j’ai entrevu, pour les curiosités du savoir, quelques antiquités sur les bords de l’Ohio et sur le plateau mexicain ; pour les plaisirs de l’imagination, une poétique nature, la chute du Niagara, les palmiers des Tropiques. » Chateaubriand nous en avait donné quelque idée… N’importe ! […] Le dernier rayon crépusculaire de l’Orient est plus puissant sur tout ce qui pense que les aurores américaines, si pleines de jour et d’espérance qu’elles puissent être pour les dénicheurs d’idées ou de perroquets. […] Elles appartiennent à l’esprit de l’auteur, comme ses défauts à ses idées. […] Malheureusement, s’il est toujours écrivain et peintre, Édouard Salvador est aussi presque toujours un penseur plus ingénieux que solide, qui touche de l’Histoire en artiste, au profit d’intérêts et d’idées que nous ne pouvons accepter dans l’éclat de leur prétention. […] Et s’il n’y avait dans cette idée que l’influence d’un patriotisme exalté, nous ne relèverions pas une telle illusion ; nous la laisserions tomber d’elle-même… Mais le livre n’est, au fond, que l’expression éloquente, et par conséquent dangereuse, de cette forte tendance que Bonald, avec son génie positif, condamnait déjà il y a une trentaine d’années22, et qui consiste à sacrifier la France interne et agricole à la France externe et commerçante.

1044. (1896) Études et portraits littéraires

Les idées fermentaient comme ailleurs à cette altitude. […] Idée, non point notion scientifique, de formation tardive, mais idée première, idée type. […] Tout individu vivant tend à réaliser l’idée de son espèce. […] Le mot ni l’idée ne lui appartiennent d’ailleurs. […] Il craignait, a-t-on dit, de profaner l’idée au contact du fait.

1045. (1911) Études pp. 9-261

Bach prend les idées l’une après l’autre. […] Il ne faut plus l’appeler : idée. […] Une idée, c’est surtout plusieurs autres. […] Les idées de Gide demeurent dans son esprit. […] Avec toutes ses idées qu’il tient délicatement en jeu, il imite le monde.

1046. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre premier. — Une leçon sur la comédie. Essai d’un élève de William Schlegel » pp. 25-96

la même chose se passe dans la république des lettres : une cité nombreuse de poètes se contente d’exprimer un type inférieur, une idée abaissée de la comédie ; une cité de poètes d’élite cherche à réaliser le type absolu, l’idée normale de la comédie, et l’un d’eux a réussi. […] Telles sont les idées générales qui doivent soutenir et éclairer notre critique. […] L’idée ingénieuse de Plaute a été que les soins exagérés d’Euclion pour la conservation de sa marmite fussent précisément la cause de sa perte. […] Sa critique est fort juste, mais ses idées générales sur les rapports de la morale et de la comédie sont entièrement fausses. […] Elles veulent donner une idée et non représenter un individu.

1047. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (2e partie). Littérature de l’Allemagne. » pp. 289-364

Tâchons d’abord, malgré notre ignorance, d’en donner une idée à nos lecteurs. […] « Exposer dans des cours publics les idées qu’on croit nouvelles, m’a toujours paru le meilleur moyen de se rendre raison du degré de clarté qu’il est possible de répandre sur ces idées : aussi ai-je tenté ce moyen en deux langues différentes, à Paris et à Berlin. […] Cette marche des idées est diamétralement opposée à celle que je me propose de suivre. […] Il fallut les conquêtes d’Alexandre, qui éveillèrent tant d’idées de géographie physique, pour engager le débat relatif à cette problématique influence des climats sur les races d’hommes. […] Une idée qui se révèle à travers l’histoire en étendant chaque jour son salutaire empire, une idée qui, mieux que toute autre, prouve le fait si souvent contesté, mais plus encore incompris, de la perfectibilité générale de l’espèce, c’est l’idée de l’humanité.

1048. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

” Eh bien, grâce à ce brouillard, dont je vous parlais, le Slave en chasse-neige ne pense pas au froid, et chez moi l’idée de la mort s’efface et se dissipe bientôt. […] — « Des idées, non, des images seulement », reprend un autre. […] Et l’animal — bibelot, à la fois doré et locomobile, — l’égayait beaucoup, jusqu’au moment, où, tout à coup, il lui venait l’idée de faire sertir la tortue par un bijoutier. […] À cette idée sacrifiez beaucoup de choses, des désirs de mariage, des envies d’avoir, à votre chevet de mourant, une affection, une compagnie douce de la dernière heure. […] L’idée chez eux bronche, comme la parole chez d’autres.

1049. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon » pp. 105-120

Plus tard, la pension de Montmorency est transférée à Rueil, et Mme de Maintenon en fait son œuvre ; mais on était loin encore de l’idée de Saint-Cyr. […] Mme de Maintenon, qui a passé par toutes les conditions et par toutes les épreuves, qui a vu se former et s’évanouir autour d’elle tant d’égarements et de chimères, s’est confirmée de plus en plus dans l’idée qu’il n’y a encore rien de tel que le bon sens dans la vie, mais un bon sens qui ne s’enivre point de lui-même, qui obéit aux lois tracées, et qui connaît ses propres limites. […] Ainsi c’est bien Louis XIV qui, son attention une fois appelée sur l’idée de Saint-Cyr, trouve que Mme de Maintenon ne fait pas assez, et se charge d’instituer une œuvre qui durera autant que sa monarchie : Le roi, lit-on chez Dangeau (10 mai 1686), a voulu donner cent cinquante mille livres de rente en bénéfices, pour fonder l’établissement qu’il fait à Saint-Cyr des filles qui sont encore à Noisy, et pour cela Sa Majesté y a affecté l’abbaye de Saint-Denis et quelques autres bénéfices. […] Il a corrigé le chœur de Saint-Cyr et plusieurs autres endroits… — Quelques années après (1698), quand l’établissement fut en pleine prospérité, les charges s’étant trouvées supérieures aux revenus, il fut question de diminuer le nombre des demoiselles : mais le roi n’y voulut point entendre ; il n’aimait point à resserrer les idées qu’il avait une fois conçues et mises à exécution ; il maintint donc expressément le nombre de deux cent cinquante demoiselles qu’il voulait faire élever dans la maison, et pour qu’on les pût garder jusqu’à vingt ans, c’est-à-dire dans les années les plus périlleuses, il ajouta à la dotation première trente mille livres de revenu. […] C’est dans le livre même qu’il faut voir ces modèles complets qui ne restèrent point à l’état d’idée, et qui se réalisèrent avec plus ou moins de gravité et de douceur dans ces figures encore charmantes et légèrement distinctes sous le voile, Mme du Pérou, Mme de Glapion, Mme de Fontaines, Mme de Berval.

1050. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

Il n’y a dans Fanny que deux personnages en présence, et un troisième toujours présent en idée et qu’on ne voit en face qu’une seule fois : Roger qui a vingt-quatre ans, Fanny qui en a trente-cinq, et le mari de Fanny qui en a quarante. […] Elle naît en lui à une certaine heure, devient l’idée fixe, châtiment ou revanche, — une folie, une frénésie avec de courtes intermittences, et chaque fois elle reprend avec plus de violence et de fièvre, jusqu’à ce que tout l’être moral et physique y périsse anéanti et consumé. […] Tandis que l’artiste jeune et tout moderne nage à torrent dans le présent, y abonde, s’y abreuve et s’y éblouit, nous vivons de ces rapprochements qui reposent, et nous jouissons des mille idées qu’ils font naître. […] En ce moment, et pour motiver ma remarque, j’ai surtout en idée, comme contraste, un dîner et un souper. […] De plus sérieux contradicteurs, et plus désintéressés, soutiennent qu’il est pénible, à travers ce déploiement continu de force et de talent, d’être constamment obligé (soi, lecteur) d’avoir en perspective ce qui est l’idée fixe de ce malheureux et maniaque Roger, c’est-à-dire l’image toute matérielle d’un partage physique ; que c’est une fin peu digne d’un art aussi vivant et aussi expressif, que c’est un but peu en proportion avec une monodie aussi déchirante.

1051. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Mélanges scientifiques et littéraires, (suite et fin.) »

Son ambition, à lui, en se détournant de toute idée de fonction et d’action politique, s’était assigné un autre but. […] Les premières fois que j’eus l’honneur de causer avec lui, je crus m’apercevoir que, si on le laissait faire, il aimait assez la méthode de Socrate, c’est-à-dire à vous supposer quelque idée fausse que souvent vous n’aviez pas, et à se donner le plaisir de la réfuter en se faisant naturellement la belle part, — un peu comme Béranger. […] Sans être très neuf d’idées en causant ni très original là pas plus qu’ailleurs, il avait à l’occasion des mots fins et qui ont toute leur valeur et leur agrément dans la vieillesse. […] Il lui exprima son approbation, en ajoutant ces mots qui résument, ce me semble, à merveille le genre d’égards qui restent dus aux anciens noms historiques, dans la juste et stricte mesure des idées de 89 : « On vous doit, monsieur, les occasions de vous distinguer ; mais souvenez-vous bien toute votre vie qu’on ne vous doit que cela. » M. Biot était et demeura jusqu’à la fin un liseur infatigable ; on ne se fait pas idée de la quantité de livres de toutes sortes qu’il essayait et que quelquefois il dévorait d’un bout à l’autre.

1052. (1894) Propos de littérature « Chapitre III » pp. 50-68

Remarquons enfin ceci : les rapports de « valeurs », de tons lumineux, sont fixes, au lieu que le coloris nous apparaît variable et que ses différents états impliquent jusqu’à un certain point l’idée d’une succession dans la durée. […] Vielé-Griffin nous présente plus souvent son idée sans la parer de ce manteau magique : c’est une conséquence de l’état d’esprit qui lui fait aimer l’expression directe. […] L’immobilité de l’attitude, en niant toute idée de temps, garde à l’œuvre une grandeur qu’on peut alors sentir pérennelle et que certifie l’équation parfaite de la chose à exprimer avec le mode qui l’exprime. […] Mais elle n’a de signification ici que selon l’art et si l’on a songé à l’héroïsme, c’est uniquement pour les grandes et nobles lignes qui en accompagnent l’idée. […] Vielé-Griffin les déploie plus distinctement au milieu du poème qu’elles vivifient de leurs brises ; mais dans les nouveaux Cygnes comme dans les Épisodes, elles restent des décors pour une action ou une idée, ou bien elles sont l’impalpable manteau chatoyant dont peut s’envelopper une âme.

1053. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 13, qu’il est des sujets propres specialement pour la poësie, et d’autres specialement propres pour la peinture. Moïens de les reconnoître » pp. 81-107

Si quelques-uns de ses traits avortent, s’ils ne frappent point précisement à son but ; s’ils ne rendent pas exactement toute l’idée qu’il veut exprimer, d’autres traits plus heureux peuvent venir au secours des premiers. Joints ensemble, ils feront ce qu’un seul n’auroit pû faire, et ils exprimeront ainsi l’idée du poëte dans toute sa force. […] Il arrive même souvent que le peintre, en operant comme poëte, se suggere à lui-même comme coloriste et comme dessinateur des beautez qu’il n’auroit point rencontrées s’il n’avoit point eu des idées poëtiques à exprimer. […] Un autre porte le second doigt de sa main droite sur son nez, et fait le geste d’un homme qui vient d’être enfin éclairé sur des veritez dont il avoit depuis long-tems une idée confuse. […] Ils ont une idée de l’air du visage et des habillemens de ceux qui ont fait la plus grande figure dans ces tems-là.

1054. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Résolvez-le à votre idée. […] Sur ces épisodes et ces individus-là, le lecteur a son idée faite. […] Il apportait la même discrétion dans la défense de ses idées. […] Les grandes révolutions d’idées se font de la sorte. […] Cette Idée, c’était celle de la reconstruction nationale.

1055. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre XII. Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit »

Dernière et nécessaire opération, qui consiste à corriger ce que l’on a écrit Quand on a longuement médité un sujet, et qu’on a reconnu les idées qui lui appartiennent, quand on a distribué ces idées selon leur importance particulière et leurs rapports mutuels, quand enfin on a mis par écrit tout ce qu’on avait conçu, et bien exécuté le plan qu’on avait arrêté, a-t-on fini sa tâche, et ne reste-t-il qu’à se reposer dans la joie de l’effort qui vient d’aboutir ? […] Pour faire cette opération d’une main plus sûre, pour que l’œil ne soit pas troublé et prenne une vue exacte des choses, il sera bon d’attendre, après avoir écrit, que l’effervescence de la composition soit calmée, que l’esprit soit reposé, que d’autres occupations aient rafraîchi les idées et changé leur cours.

1056. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 285-288

Berruyer d’avoir affoibli la dignité des Ecritures par trop de délicatesse dans l’expression ; de s’être trop attaché à des idées particulieres sur la Chronologie, en rejetant ou en éludant les systêmes adoptés avant lui ; de s’être trop compu dans des descriptions que la gravité de la matiere exigeoit qu’on abrégeât ; d’avoir répandu quelquefois un air profane, où il eût fallu plus de décence & de simplicité. […] Trop d’enthousiasme pour les idées extraordinaires du P. Hardouin, son confrere & son maître ; trop de fécondité à trouver des raisons pour se séduire lui-même ; trop de fermeté, disons même trop d’opiniâtreté dans les sentimens qu’il avoit adoptés avec peu de précaution, ont répandu quelques nuages, non sur sa foi (car sa soumission en écarte toute idée désavantageuse), mais sur son discernement & sur sa prudence.

1057. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1823 »

Il a donc pensé que si l’on plaçait le mouvement de l’Ode dans les idées plutôt que dans les mots, si de plus on en asseyait la composition sur une idée fondamentale quelconque qui fût appropriée au sujet, et dont le développement s’appuyât dans toutes ses parties sur le développement de l’événement qu’elle raconterait, en substituant aux couleurs usées et fausses de la mythologie païenne les couleurs neuves et vraies de la théogonie chrétienne, on pourrait jeter dans l’Ode quelque chose de l’intérêt du drame, et lui faire parler en outre ce langage austère, consolant et religieux, dont a besoin une vieille société qui sort, encore toute chancelante, des saturnales de l’athéisme et de l’anarchie. […] La plupart des idées qu’il vient d’énoncer s’appliquent principalement à la première partie de ce recueil ; mais le lecteur pourra, sans que nous nous étendions davantage, remarquer dans le reste le même but littéraire et un semblable système de composition.

1058. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Leur première idée est d’en venir aux injures, aux coups, de se satisfaire. […] Quelles sortes d’idées y naissent, et de quelle façon est-ce qu’elles y naissent ? […] Ils n’ont point d’idée de l’action progressive et unique. […] Quelle idée de l’amour ont-ils donc en ce pays ? […] Le plus grand des observateurs, Stendhal, tout imprégné des mœurs et des idées italiennes et françaises, est stupéfait à cette vue.

1059. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Malherbe s’était modelé sur la lyre d’Horace ; Corneille se forma sur l’idée du Romain et sur les beautés de Lucain et de Stace ; Racine eut tour à tour en vue Euripide et la Bible adoucie et francisée par Le Maistre de Saci. […] Voltaire a trop de rapidité et d’à-propos pour s’astreindre à un modèle ; il passe outre et sert hardiment, et sous toutes les formes, les lumières, les idées et les passions de son temps. […] David dessine plus correctement son idée et n’a rien de ce vague orageux et fécond. […] Maintenant, que l’idée lui soit venue, comme le prétend M.  […] Après le trouble que venaient de jeter les documents nouveaux dans l’idée qu’on se faisait d’elle, il était nécessaire de repasser sur les traits de son caractère et de dresser de nouveau son image.

1060. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère, le gros du public sérieux s’en peut faire une idée aujourd’hui par les excellents volumes qui divulguent, aux yeux de tous, les fruits de sa méthode et de ses recherches ; une entreprise ainsi produite fonde à l’instant ou confirme un nom. […] On pourrait aller plus loin que les accidents, et dire : Si une certaine folie n’est pas étrangère à l’homme, même à l’homme pris en masse, en vain on tirerait argument, pour la vérité nécessaire d’une idée, de son triomphe en de certains siècles. […] Ces religieux estimables ont la critique des textes, celle des dates et des noms ; mais la critique des idées ou du goût, ils ne s’en doutent que peu ou s’en abstiennent. […] Les discours préliminaires, du moins, qui sembleraient devoir contenir des idées générales et philosophiques, rassemblent certainement et résument avec utilité les principaux faits extérieurs du siècle et les vues les plus immédiates, mais rien au delà. […] Les continuateurs estimables de dom Rivet ont à leur tour vérifié et subi ce que Prévost appelait dès l’abord le malheur d’une si vaste entreprise, à savoir l’indiscrétion, l’infinité des matériaux, l’asservissement de l’idée et du goût sous la lettre.

1061. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

D’un autre côté, je ne puis dire non plus que je n’ai pas le droit de donner le nom de droites aux côtés des triangles non-euclidiens, parce qu’ils ne sont pas conformes à l’idée éternelle de droite que je possède par intuition. Je veux bien que j’aie l’idée intuitive du côté du triangle euclidien, mais j’ai également l’idée intuitive du côté du triangle non euclidien. Pourquoi aurai-je le droit d’appliquer le nom de droite à la première de ces idées et pas à la seconde ? En quoi ces deux syllabes feraient-elles partie intégrante de cette idée intuitive ? […] Ce continu possède un certain nombre de propriétés, exemptes de toute idée de mesure.

1062. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

La considération et l’estime ne se séparèrent jamais, pour elle, de l’idée de célébrité et de gloire. […] Je demande pardon aux lecteurs pour les qui, que, quand, en faveur de l’idée, qui est juste. […] D’abord, on n’avait alors aucune idée véritable du génie des divers temps et de la profonde différence des mœurs dans l’histoire. […] Quoi qu’il en soit, Mlle de Scudéry mérite qu’on rattache au sien une idée juste. […] Si donc il fallait conclure et répondre à la question posée au début, je rattacherais désormais au nom de Mlle de Scudéry l’idée, non pas du ridicule, mais plutôt de l’estime, d’une estime très sérieuse, et point du tout l’idée de l’attrait ou de la grâce.

1063. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Nulle idée ne lui paraissait plus vraie ou fausse mais vraie et fausse tour à tour ou tout ensemble. […] Il est la plus parfaite, et la plus complète figuration de l’idée. C’est cette figuration expressive de l’idée par le Symbole que les Poètes d’aujourd’hui tentèrent et réussirent plus d’une fois. […] Il n’y a plus de revue qui soit l’organe d’un groupement d’idées littéraires. […] Le mépris des idées, la confusion des intentions nous mènent plus sûrement à l’uniformité.

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