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1195. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos » pp. 123-135

Qu’y a-t-il d’intéressant et de surprenant dans les sacrifices de Laïs à Vénus Aphrodite et dans l’adoption de cette jeune fille par le vieil Eupatride Léontidès, que nous raconte Debay avec les airs d’un homme qui a découvert des merveilles et qui a un morceau de la toison des Argonautes dans sa poche ? Y a-t-il rien de plus naturel et de plus vulgaire que la position de Laïs quand elle eut hérité des grands biens de son Eupatride, et quand, riche, belle et courtisane, elle conviait à ses repas les hommes les plus célèbres de son temps et faisait bavarder, après boire, toutes ces pauvres sagesses, doublement enivrées ? […] Le mot méprisant d’Oxenstiern : « On ne sait pas combien il faut peu de génie pour gouverner les hommes… » est bien plus vrai quand il s’agit de ces dominations inférieures que les femmes exercent sur nous. […] Or Ninon, femme de qualité d’ailleurs, était bel-esprit et vantée par les hommes qui se piquaient de beau langage. […] Telle elle était, — rien de plus, — et ce fut suffisant pour lui constituer un empire auquel travaillèrent les hommes et les femmes : les hommes, vaniteux et sensuels, les femmes, curieuses, curieuses de voir cette maîtresse de tout le monde, et la regardant comme les sauvages regarderaient un beau fusil.

1196. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Armand Hayem »

Il marche intrépidement sur ce nuage, avec la confiance d’un homme qui compte sur le miracle d’une science absolue. […] il a écrit, sans que la plume lui tombe des mains : « L’homme suffit à l’homme. Il a la religion de l’homme. » C’est du Hegel pur… ou impur ! […] C’était un tableau où rien n’eût été oublié des mœurs du temps par un homme que son temps n’eût pas enivré, et qui aurait manié avec énergie le mordant poinçon de Chamfort. […] Elles ont donné des systèmes d’un jour dont aucun s’est resté debout, et des hommes de génie parfaitement inutiles à la vérité.

1197. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’arbitrage et l’élite »

Que cela soit une grande chose, il n’est pas permis d’en douter, car véritablement les grands hommes doivent conduire le monde. […] Quelle que soit sa science et son indépendance, le pur homme de droit pourra manquer de cette largeur d’esprit ; qui est indispensable pour remplir cette fonction suprême. […] Non plus les jurisconsultes professionnels, mais les quelques hommes supérieurement conscients et géniaux que possède chaque nation, philosophes, poètes et savants. […] Les hommes d’élite ne sont-ils point les représentants réels des peuples ? […] Le spectacle de la réunion d’hommes illustres, venant apporter chacun à l’œuvre commune leur part de pensée et d’humanité, serait en lui-même d’une incomparable fécondité.

1198. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Elle honora ce galant homme qui ne recherchait point les honneurs. […] Paul Déroulède agit en homme de cœur. […] Maurice Maeterlinck est un homme de génie. […] Cet homme lui en imposait. […] Ce sont deux hommes fort dissemblables.

1199. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (3e partie) » pp. 81-152

Voilà l’homme ! […] Vous, madame, vous conservez les mêmes sentiments pour les hommes, dans quelque situation qu’ils soient. […] On croyait sérieusement alors qu’Alfieri était mort grand homme. […] Cet homme vivait solitaire entre ses livres, sa plume et ses chevaux, signe de noblesse. […] le grand citoyen, le grand homme !

1200. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre II. Le comique de situation et le comique de mots »

Il ne constate pas, à l’aide du langage, certaines distractions particulières des hommes ou des événements. […] Ainsi la création poétique exige un certain oubli de soi, qui n’est pas par où pèche d’ordinaire l’homme d’esprit. […] Tout poète pourra donc se révéler homme d’esprit quand il lui plaira. […] À qui l’homme d’esprit a-t-il affaire ? […] Prudhomme est l’homme des phrases toutes faites.

1201. (1914) Une année de critique

Les hommes vivent côte à côte et ne se connaissent pas. […] Un homme qui a la foi fournit un spectacle étonnant. […] quel homme charmant ! […] Que reste-t-il d’un homme tombé vivant dans leurs mains ? […] L’homme de M. 

1202. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

C’est quelquefois le moyen de faire faire aux hommes plus qu’ils ne peuvent. […] Cet homme-là était trop philosophe pour être longtemps un général selon le génie de la nation. […] Il n’est pas homme à se priver d’un compliment. […] J’ai ouï dire qu’il n’y a que ces trois petits points dans mon procès ; or c’est bien assez pour faire juger un homme pendable. […] Lui qui sait comment on mène les hommes, il indique donc très naïvement et assez gaiement à Chamillart de quelle manière il conviendrait de le mener lui-même, et à quelle fumée d’ambition il est le plus homme à se laisser prendre.

1203. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Placés entre ces deux partis exclusifs, la position des hommes comme moi a été très-difficile et très-perplexe. […] De ce côté aussi, il était homme à n’y pouvoir aller que d’un pied. […] J’ai l’intention de continuer ce que j’avais déjà commencé à Tocqueville cet été, avec beaucoup d’entrain et de plaisir, qui était un récit de ce que j’avais vu dans la révolution de 1848 et depuis, choses et hommes. […] Je suis l’homme du monde le moins propre à remonter avec quelque avantage contre le courant de mon esprit et de mon goût ; et je tombe bien au-dessous du médiocre, du moment où je ne trouve pas un plaisir passionné à ce que je fais. […] Ne dois-je pas admirer qu’étant, en somme, peu sympathique à l’homme, vous ayez su être si équitable envers ses œuvres ?

1204. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Jamais langue plus belle, plus riche, plus fine, plus libre, ne fut parlée par des hommes de plus d’esprit et de meilleure race. […] Il est l’homme de la conversation à huis clos et des aparté pleins d’agrément. […] Un homme de qualité qui aurait ce talent serait tenté d’être un pur homme de lettres. […] Elle a ressemblé plutôt à un homme qu’à une femme. […] L’homme aimable et docte qui, sur un point, différait d’avis avec M. 

1205. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Le pédant, et à sa suite le savant, l’homme spécial est écarté […] Tous ces détails, toutes ces circonstances, tous ces supports et compléments de l’homme sont en dehors du cadre classique. […] La différence prodigieuse qui sépare les hommes de deux siècles ou de deux races leur échappe376. […] Ce seul petit détail montre la différence des deux conceptions de l’homme. […] Mais ailleurs, notamment dans la Religieuse, il est homme de parti et donne une impression fausse.

1206. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Cet oubli d’un homme de goût marquait bien le déclin commencé du style. […] Bien des choses adviennent aux hommes contre leur attente et pour leur déplaisir ; et quelques-uns aussi, après s’être aheurtés à d’affreuses tempêtes, ont vu tout à coup le mal se changer pour eux en souverain bonheur. […] Mais de telles ressemblances, dont nous parlerons ailleurs, n’étaient prises peut-être qu’au trésor inépuisable des sentiments humains, et à ces rencontres du génie, perpétuelle révélation que Dieu donne à l’homme. […] Ni les chevaux ne sont vites, ni les hommes ne sont adroits, que pour fuir devant le vainqueur. » Est-ce Pindare, est-ce Bossuet, qui parle ainsi ? […] l’homme, rêve d’une ombre6 ! 

1207. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

Dans tout pays où la science serait apprécie pour elle-même, où le caractère des hommes serait honoré pour ce qu’il vaut, où l’on aimerait mieux entrer en controverse, s’il y avait lieu, avec l’homme de mérite que de l’apostropher et de l’injurier, où l’on ne procéderait point en idées comme en tout par accès et par fougues, par sauts et par bonds, il n’y aurait pas eu tout ce bruit, et nous irions entendre M.  […] Renan fut envoyé au collège Stanislas et y passa une quinzaine en compagnie de l’abbé Gratry, cet homme d’esprit et de talent, mais dont les méthodes ne pouvaient avoir sur lui aucune prise. […] Il lui en coûta de se séparer des choses comme des hommes. […] Aussi sa sérénité d’homme d’étude et de savant, même en son plus grand redoublement de labeur, ne fut-elle jamais troublée. […] Renan, qui n’était homme à s’emprisonner dans aucun sens, se tourna du côté des Académies, et il fit bien.

1208. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la tragédie chez les Anciens. » pp. 2-20

Cet homme un jour rencontra un bouc qui faisait du dégât dans ses vignes, et l’immola à son bienfaiteur, autant par intérêt que par reconnaissance. […] Un homme ne peut soutenir longtemps une violente agitation ; la colère a ses emportements, la vengeance a ses fureurs ; mais leurs derniers éclats sont de peu de durée. […] Les passions vives et courtes sont donc les vrais mobiles propres à animer le théâtre ; car si ce que je viens de dire est vrai dans la nature, le spectacle qui en est une imitation, doit s’y conformer d’autant plus, que les passions, fussent-elles feintes, se communiquent d’homme à homme d’une manière plus soudaine que la flamme d’une maison embrasée ne s’attache aux édifices voisins. […] Comment donc précautionner l’homme contre des maux inévitables ? […] Mais croira-t-on que ces grands hommes aient travaillé sans dessein ?

1209. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Nièces de Mazarin » pp. 137-156

Le cardinal de Mazarin est sans contredit le premier homme de son époque. […] Il est des hommes qui passent obscurs dans la vie, et qui seraient grands si l’occasion historique leur venait. […] Il juge les femmes qu’il peint en homme que la bonne compagnie ne trouble point, parce qu’il la connaît. […] Il a l’expression de la physionomie d’un homme qui désapprouve par une nuance et châtie dans un demi-mot. […] Chez cet homme si sensuel, en qui la chair pouvait tout engloutir, ce fut elle qui, la première, éveilla le sentiment et la pensée.

1210. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Il lui donne l’air d’un homme frappé, ahuri. […] Mais quel homme de théâtre que ce Molière ! […] l’homme de bien, vous m’en voulez donner ? […] qu’un homme eût mieux fait l’affaire. […] Il faut la voix d’un homme pour ces mots brûlants, la main d’un homme pour ces caresses tendres, les yeux d’un homme pour ces regards noyés de désir.

1211. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

L’Homme Moderne est en progrès. […] ma chère amie, quel homme ! […] quel homme terrible ! quel homme impossible ! […] un homme charmant, un cœur !

1212. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Voilà l’homme qui a créé et formé celui que nous avons. […] Il n’était pas homme à plier sous le faix. […] Pauvres hommes ! […] Édélestand du Méril, seul en France, était parfaitement au courant ; mais il l’était au point de paraître un homme d’Outre-Rhin lui-même. […] Comme il n’est pas docteur, dès qu’il se rencontre un cas grave, il ne décide de rien sans appeler un homme de l’art ayant diplôme.

1213. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

L’Art, selon lui, ne serait qu’un moyen de transmission entre les hommes. […] Si elles ont, dans le cours des siècles, exercé une incontestable action sur l’éducation morale des hommes, elles n’ont fait, en cela, que rendre aux hommes ce qu’elles en avaient reçu. […] Dans cet état, nous dit Nietzsche, non seulement l’homme renoue l’alliance avec l’homme, mais la nature elle-même, hostile ou soumise, célèbre de nouveau sa réconciliation avec ce fils prodigue. […] « Ici une haine jaillit ; qui l’homme hait-il ? […] Son esthétique s’arrête à ce scepticisme d’homme dégoûté de tout.

1214. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre V. Moralistes. — La Bruyère. »

On reconnaît ceux du bel âge de la France à la fermeté de leur style, au peu de recherche de leurs expressions, à la simplicité de leurs tours, et pourtant à une certaine construction de phrase grecque et latine qui, sans nuire au génie de la langue française, annonce les modèles dont ces hommes s’étaient nourris. […] Quand l’auteur des Caractères, voulant démontrer la petitesse de l’homme, dit : « Vous êtes placé, ô Lucile ! quelque part sur cet atome, etc. », il reste bien loin de ce morceau de l’auteur des Pensées : « Qu’est-ce qu’un homme dans l’infini ? […] Aucun homme n’a su donner plus de variété à son style, plus de formes diverses à sa langue, plus de mouvement à sa pensée. […] Il croirait sans doute que les nouveaux esprits forts sont des hommes très supérieurs aux écrivains qui les ont précédés, et que devant eux, Pascal, Bossuet, Fénélon, Racine, sont des auteurs sans génie.

1215. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre V : Règles relatives à l’explication des faits sociaux »

On y voit un produit des impressions que les grandes forces de la nature ou certaines personnalités éminentes éveillent chez l’homme, etc., etc. […] Serait-ce cette sorte d’instinct dont parle Comte et qui pousse l’homme à réaliser de plus en plus sa nature ? […] L’homme est donc naturellement réfractaire à la vie commune, il ne peut s’y résigner que forcé. […] C’est une œuvre d’art, une machine construite tout entière de la main des hommes et qui, comme tous les produits de ce genre, n’est ce qu’elle est que parce que les hommes l’ont voulue telle ; un décret de la volonté l’a créée, un autre décret la peut transformer. […] C’est ce qui arrive aux hommes d’État et, plus généralement, aux hommes de génie.

1216. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IV » pp. 38-47

Entre 1610 et 1620, la société de Rambouillet reçut un accroissement d’hommes illustres : savoir, Balzac, âgé de vingt-cinq ans, Chapelain, moins âgé d’un an que Balzac, Voiture, âgé seulement de vingt ans en 1618. […] Voltaire a dit avec justice de Balzac, que la langue française lui avait de grandes obligations : « Homme éloquent, dit-il, qui donna le premier du nombre et de l’harmonie à la prose. » Chapelain était un mauvais poète, mais il était homme d’honneur et de probité ; il possédait une érudition profonde et judicieuse ; il eut, le premier, l’idée du Dictionnaire de l’Académie française. […] Remarquons que ces nouvelles recrues en hommes de lettres et en hommes du monde ne déprécient pas plus que les premières l’hôtel de Rambouillet, et n’annoncent pas davantage les ridicules qu’on lui attribue. Ici je dois remarquer que l’accueil fait aux hommes de lettres par la marquise de Rambouillet ajouta sensiblement à la noblesse de leur condition. […] Dans la société de l’hôtel de Rambouillet, au contraire, l’homme de lettres était dégagé de ses liens personnels ; il n’était plus l’homme ou l’esprit d’un autre homme ; il était devenu maître à son tour de choisir, de placer, de graduer ses préférences entre les grands, comme précédemment les grands l’avaient été de choisir entre les gens de lettres.

1217. (1861) Cours familier de littérature. XI « Atlas Dufour, publié par Armand Le Chevalier. » pp. 489-512

Pour quelques centaines de villages qui feront battre pour leurs questions de couvents et de bazars des centaines de mille hommes européens s’entrégorgeant sur leur flotte et sur leur champ de bataille ? […] L’homme est petit par ce qu’il fait, il n’est grand que par ce qu’il pense ; ne mesurez pas le globe par son diamètre, mesurez-le par la masse de pensées qui en est sortie. […] Quels sont les deux ou trois grands hommes qui ont signalé leur existence dans ces régions, par ces hautes vertus ou par ces exécrables crimes qui font vénérer à jamais ou détester les prodiges de bien ou les monstruosités de mal qui honorent ou déshonorent notre espèce ? […] Quelle place occupent-elles aujourd’hui dans la mémoire des hommes ? […] Dufour et Le Chevalier a créé, pour abréger le globe et pour l’éclairer sur toutes ses faces, afin que les lieux racontent les choses, que les choses rappellent les hommes, que les hommes retracent leur histoire, que les cosmos soient contenus dans quinze ou vingt pages in-folio, et que ces quinze ou vingt pages, muettes jusqu’ici, mais rendues tout-à-coup plus éloquentes qu’une bibliothèque, soient devenues la photographie parlante du monde où nous passons sans le connaître, mais qui nous dira lui-même, pendant que nous passons, ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il sera ?

1218. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre IV. Cause immédiate d’une œuvre littéraire. L’auteur. Moyens de le connaître » pp. 57-67

Si, en effet, on a reconnu dans les écrits d’un homme un style éclatant, riche en comparaisons et en métaphores, une grande fertilité de combinaisons dramatiques, une habileté remarquable à dresser en pied un être vivant ou à brosser un paysage à grands traits, déclarer après cela que cet homme est doué d’une forte imagination, c’est au fond répéter la même chose en d’autres termes. […] On connaît le mot de Joubert : « Le talent de Racine est dans son œuvre ; il n’y est pas lui-même. » Admettons que ce soit une boutade, excessive comme le sont souvent les boutades ; il n’en est pas moins vrai que l’homme tout entier n’est jamais dans ses discours et ses écrits, et que parfois l’homme réel n’y est qu’à demi. […] Mais, au moyen des ressources que fournit la psychologie, on peut déjà esquisser le caractère d’un homme. […] N’est-on pas allé jusqu’à noter les tics nerveux, les petites superstitions ou manies dont n’est pas exempt même un homme supérieur ? […] A cette sensibilité vive que nous avons constatée, il faut ajouter (et la contradiction apparente expliquera l’homme et l’auteur) une volonté fougueuse et faible.

1219. (1899) L’esthétique considérée comme science sacrée (La Revue naturiste) pp. 1-15

Solides statuaires des blocs sanguins et intégraux, ils modèlent l’inflexion des hommes selon la leur. […] Les hommes qui les ont prononcées ne sont-ils pas prêts à agir comme ils l’annoncent ? […] C’est par l’entremise des poètes que les hommes peuvent connaître Dieu. […] Et qui sait si nos odes lyriques ne deviendront pas quelque jour les chants des hommes ? […] Ce que nous voulons accomplir, peu d’hommes l’ont encore compris.

1220. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Sainte-Beuve explique qu’il ne peut juger une œuvre « indépendamment de la connaissance de l’homme même qui l’a écrite ». […] Taine explique que sa méthode est une sorte de dialectique qui consiste à remonter de l’œuvre littéraire à l’homme physique qui l’a produite, de cet homme physique à l’homme intérieur, à son âme ; puis aux causes même de cette constitution psychologique. […] Taine veut démontrer un point de méthode historique, prouver que toute une série de documents, négligés jusqu’ici, sont à consulter pour connaître les hommes du passé ou de ce temps. […] Sur le plan idéologique, les deux hommes se rapprocheront cependant à partir de l’Affaire Dreyfus. […] Eugène Melchior de Vogüé (1848-1910) : diplomate, homme politique et romancier, cet homme de lettres important de l’époque symboliste, élu à l’Académie en 1888, est connu pour avoir introduit l’œuvre de Tolstoï et de Dostoïevski en France avec son Roman russe de 1886.

1221. (1912) L’art de lire « Chapitre II. Les livres d’idées »

L’homme à idées étant, plus encore qu’un autre, un homme qui ne peut pas tout dire à la fois, se complète et s’éclaire en avançant et on ne le possède que quand on l’a lu tout entier. […] Vous apprenez assez vite que cet homme n’a qu’une passion : c’est la haine du despotisme. […] C’est en somme un assez bon homme. » Maître du procédé d’un auteur, vous pouvez toujours le retourner contre lui. […] De la part d’un homme si sagace, c’est une merveilleuse indulgence. […] J’ai connu deux hommes qui ne conversaient jamais que de Proudhon.

1222. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IX. L’abbé Mitraud »

Tant de mains que l’on croyait puissantes s’étaient blessées, comme des mains d’enfant, à pousser ce cerceau dans le vide, que nous nous demandions s’il fallait accuser la faiblesse maladroite des hommes ou la difficulté radicale du problème. […] Cette absence de théorie, — nous ne disons pas absolument : d’idées, — ce renvoi aux calendes grecques d’un second volume, cette discrétion d’un homme qui sait gouverner sa philosophie intérieure, car, s’il y avait un prix Montyon de la réticence, il serait gagné par M. l’abbé Mitraud, tout cela, qui aurait perdu un autre homme devant la Critique, ne s’est pas retourné contre lui. […] Ceux pour qui elle n’a pas le même timbre que pour nous ont bien reconnu l’homme qui s’annonçait ainsi, et tel est le secret de leur accueil et de leurs éloges ! […] Il a vu, à la vérité, passer à travers l’histoire des masses d’hommes, sous la lance de leurs conducteurs. […] Pour un homme qui, comme M. l’abbé Mitraud, doit avoir de la théologie et de la tradition dans la tête, le Droit a-t-il son expression ailleurs que dans les relations de la Famille ?

1223. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Le Comte de Gobineau »

Il aurait pu déshonorer ces niaiseries, ces sensualités sentimentales, qui, pour être sentimentales, n’en sont pas moins des sensualités, et qui font qu’un homme qu’on veut faire admirer se décoiffe d’une couronne pour se couronner d’un jupon. […] Le diplomate, l’homme politique dominant l’artiste a-t-il cru faire une application heureuse du vieil axiome, qui n’en peut mais, de diviser pour régner ? […] le radicalisme intégral de cette misanthropie, qui ne tombe plus ici maigrement sur une société ou sur l’homme d’une société, mais sur l’humanité tout entière, et que dis-je ? […] Les diplomates, ces hommes de l’action, n’ont guères le temps, je crois, de s’asseoir dans leur rêve et de le réaliser comme les artistes qui ne bougent pas du fond du leur. […] c’est encore ici que sa misanthropie, qui le fait se retrouver si homme d’accent à quelques endroits de son livre, l’arrache à cette sirène dangereuse, mais qui, au moins, a le charme de n’être pas vulgaire, qu’on appelle la préciosité.

1224. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — III. La tête de mort »

C’était la tête d’un homme mort depuis sept ans : « Pourquoi cette tête-là est-elle ici ? […] Il dit au chef de village. « J’ai vu la tête d’un homme mort depuis sept ans. […] » Le chef envoie des hommes pour se rendre compte de la chose. […] On emmène l’homme. […] Et à l’homme : « Quand tu m’as questionnée en passant, que t’ai-je répondu ?

1225. (1940) Quatre études pp. -154

Car il y avait, là-bas, en Amérique, un homme qui avait été sa préfiguration. […] L’homme de sentiment, tout en rendant justice à ses qualités, trouve qu’il manque de génie. […] ce que Locke n’avait pas vu : ce désir, devenant passion, fait la supériorité de l’homme sur les animaux. […] Voltaire, Discours sur l’homme, 1739, v. […] Discours sur l’homme, vi.

1226. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Quels hommes j’ai perdus ! […] L’homme politique était alors tout à fait mûr et formé en lui. […] L’insolente et outrageuse bévue peut servir de leçon aux hommes dits pratiques et positifs, aux hommes du jour, pour ne point se hasarder sur le terrain des prédictions et des prévisions historiques. […] Cet homme n’est pas tout à fait sur la terre. — Je veux vous dire adieu. […] Quoiqu’il soit homme d’esprit et qu’il ait le goût et l’habitude du monde, je ne sais pourquoi il ne me plaît guère.

1227. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

» Est-il besoin d’être Aristide pour avoir connu l’ingratitude des hommes ? […] Nous ne sommes pas faits pour nous, mais pour les autres hommes, et même, ce que nous pouvons être, nous ne le devenons que par l’usage des autres hommes. […] XII ; — Niceron : Hommes illustres. t.  […] Bodin ; — Niceron, dans ses Hommes illustres, t.  […] iii] ; — et cependant ; 2º misère infinie de l’homme [Cf. 

1228. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.) »

Voilà bien l’homme avec son principe d’abnégation. […] Ne me vas-tu pas trouver bien moral pour un homme qui doit être enivré ?  […] On avait donné à Catinat pour servir sous lui depuis 1691 M. de Tessé, homme d’infiniment d’esprit et plus propre certainement à être habile négociateur que grand général. […] L’ennemi perdit 8000 hommes tués sur place, et au-delà ; nous en eûmes 2000 au plus hors de combat ; on prit 30 pièces de canon, 99 drapeaux et 4 étendards. […] Cela ne sied pas mal à des hommes d’un caractère antique.

1229. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Ce commerce mystique avait paru suspect aux hommes simples. […] Tout cela est d’un homme qui veut se mettre à couvert de Rome, sans avoir aucune vue du bien !  […] Tout le monde envie Bossuet comme écrivain ; qui voudrait lui ressembler comme homme ? […] Les hommes mouraient de froid. […] Comme un homme qui occupe ses loisirs, il entretient une correspondance étendue avec les hommes les plus considérables et souvent sur les affaires les plus épineuses ou les questions les plus ardues.

1230. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Le Petit Homme gris, de même, est très joli, très léger et très gai. […] » — « Oui, je l’ai, répondait l’homme d’esprit, mais j’aimerais mieux la rêver que la voir. » Ce mot-là, il l’a bien dit. […] Soyons hommes avant toute chose, et sachons ce que valent les hommes. […] Ici, l’homme d’esprit chez Béranger, l’homme prudent, celui qu’on peut appeler (sauf respect) une grande coquette, l’a emporté, on ne craint pas de le dire, sur le citoyen et même sur le poète. […] De lui on peut dire tout ce qu’on voudra, mais non pas qu’il est un homme calculé.

1231. (1840) Kant et sa philosophie. Revue des Deux Mondes

Or, toute révolution digne de ce nom est fille du temps et non d’un homme. […] Le résultat le plus certain de toutes les observations qui déjà ont été faites, c’est que l’homme du Midi, tout en étant au fond le même que l’homme du Nord, est cependant plus expansif, et que l’homme du Nord, au contraire, par l’effet même des impressions que les circonstances extérieures produisent sur lui, est plus facilement reporté vers lui-même et vit d’une vie plus intime.  […] S’il y a dans l’homme l’idée d’une loi supérieure à la passion et à l’intérêt, ou l’existence de l’homme est une contradiction et un problème insoluble, ou bien il faut que l’homme puisse accomplir la loi qui lui est imposée ; si l’homme doit, il faut qu’il puisse, et le devoir implique la liberté. […] Kant était le plus modeste et le plus circonspect des hommes ; mais l’esprit de son temps était en lui. […] Mais il n’appartient pas au même homme de commencer une révolution et de la finir.

1232. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Un homme de qualité déroge quand il fait mauvaise chère. […] On devient homme de ménage. […] Le rôle accepté détruit l’homme naturel. […] Le pauvre homme n’est plus un homme, mais un livre, et quel livre ! […] Le meunier répond comme Sancho, en homme qui sait les proverbes.

1233. (1846) Études de littérature ancienne et étrangère

Ces hommes, protégés par Tibère, devinrent le fléau de l’empire. […] Mais souvent l’homme de génie n’est pas deviné par les siens ; et souvent aussi l’homme qui écrit ne se doute pas de quoi la postérité serait curieuse. […] Louons un homme de génie par la vérité, non par les systèmes. […] C’est un genre faux, agréablement touché par un homme de génie. […] Cet homme est Byron.

1234. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

L’art est dans l’artiste, l’artiste est dans l’homme. […] Ce qui doit nous intéresser, c’est moins ce que fait l’homme que ce qui se passe dans l’homme : voici fondé le drame intérieur. […] Il connaît les hommes et les aime. […] Vous me direz qu’on pourra s’entendre sur l’homme. […] Tout l’homme, toute la terre, mais l’enfer et le ciel en plus.

1235. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Ne craignons point d’user de notre raison : elle est l’arbitre naturel de tout ce que les hommes nous proposent. […] L’homme n’est touché que de ce qu’il croit. […] L’orateur philosophe a déclaré formellement qu’Homere auroit mieux fait d’élever l’homme jusqu’aux dieux, que d’abaisser les dieux jusqu’à l’homme. […] On sçait la diverse oeconomie de l’histoire et du poëme, dans la peinture des hommes. […] Il y en a de triviales, comme celle-ci : les hommes n’ont pas tant de vigueur à jeun, qu’après avoir mangé .

1236. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Il fallait être bien homme pour créer cette expression ! […] J’ai cru curieux et intéressant de montrer, surpris dans la chaleur de la vie, cet homme dont on a fait un homme artificiel, esclave du convenu. […] Malheureusement pour l’optimisme si naturel à l’homme, M.  […] C’est un homme tout d’une pièce. […] Saint-Marc Girardin fut un homme de grand sens politique.

1237. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Homme politique ou ayant eu le malheur de se croire tel, il est proscrit. […] Pour le lire, il faudrait douze mille hommes » ; il ne faut pas cinq mille hommes pour lire les Contemplations ; mais il faut au moins cinq migraines. […] Incroyable absence de tact chez un homme de génie ! […] « Qui sait, ô grands hommes ! […] Qui gouverna les hommes à cette époque ?

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