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511. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Pareillement enfin, dans la philosophie et la science, ils n’ont voulu cueillir que la fleur des choses. […] Selon d’autres, il est le plus jeune des dieux, car la vieillesse exclut l’amour ; il est le plus délicat, car il marche et se repose sur les choses les plus tendres, les cœurs, et seulement sur ceux qui sont tendres ; il est d’une essence liquide et subtile, car il entre dans les âmes et en sort sans qu’on s’en doute ; il a le teint d’une fleur, car il vil parmi les parfums et les fleurs. […] Thallo, la saison des fleurs, Karpo, la saison des fruits, honorées près de là, sont encore des noms de dieux agricoles. […] La vie, c’est donner sa fleur, puis son fruit ; quoi de plus ? […] Un rien, un arbre, une fleur, un lézard, une tortue, provoquent le souvenir de mille métamorphoses chantées par les poètes ; un filet d’eau, un petit creux dans le rocher, qu’on qualifie d’antre des nymphes ; un puits avec une tasse sur la margelle, un pertuis de mer si étroit que les papillons le traversent et pourtant navigable aux plus grands vaisseaux, comme à Poros ; des orangers, des cyprès dont l’ombre s’étend sur la mer, un petit bois de pins au milieu des rochers suffisent en Grèce pour produire le contentement qu’éveille la beauté.

512. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1867 » pp. 99-182

Des mémoires remplis uniquement par la femme qui semble avoir pris absolument possession de son moi : et un mélange de cynisme et de « petite fleur bleue ». […] Il reprend appuyant sur le trait : « Ce n’est pas le fruit, c’est la fleur !  […] * * * — Choses et gens : tout est ici, un peu comme l’odeur de la rue de Rome, où l’on ne sait pas trop ce que l’on sent, si c’est la m… ou la fleur d’oranger. […] Mais cette intelligence n’est-elle pas semblable au soleil purement artiste de Rome, qui ne fait que des fleurs et pas de légumes ? […] » crie Mariette, — et d’un canif qui fouille l’aisselle, il fait sortir quelque chose qu’on se passe et qui semble une fleur qui a senti bon : un petit bouquet planté par l’Égypte sous le moite du bras de ses mortes.

513. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

J’aime à fronder les préjugés gothiques, Et les cordons de toutes les couleurs ; Mais, étrangère aux excès politiques, Ma Liberté n’a qu’un chapeau de fleurs. […] Chargé de lauriers et de fleurs, Il brilla sur l’Europe entière. […] Ce sont des villageois qui parlent : Notre vieux roi, caché dans ces tourelles,     Louis, dont nous parlons tout bas, Veut essayer, au temps des fleurs nouvelles,     S’il peut sourire à nos ébats. […] Les nations, reines par nos conquêtes, Ceignaient de fleurs le front de nos soldats. […] Dans le premier de ces bas-reliefs, on le verra, dans la maison de sa pauvre tante, à Péronne, écoutant les leçons de la Providence par la bouche de cette seconde mère, leçons qui devaient lui remonter un jour au cœur comme ces sèves d’automne qui donnent les fruits à l’homme après que les fleurs folles sont tombées.

514. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

Les Fleurs du Mal, par M.  […] Buloz, avec ce titre : les Fleurs du Mal. […] Pour un vrai bouquet de fleurs, et pour un vrai paysage, quelle stupéfiante gamelle d’épinards au beurre rance et de choucroute avariée ! […] Sous les marronniers en fleur du Luxembourg, elle rêve de Bérangère, elle demande Bérangère à tous les échos d’alentour ; comme en ses plus beaux jours du parterre, elle rappelle sa bien-aimée : — Bérangère for ever ! […] C’est généralement l’inévitable destinée de ces héros de l’improvisation et de l’aventure, de disparaître avant le temps et de se sentir manger vifs en pleine jeunesse de l’âge, en pleine fleur du talent.

515. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pommier, Amédée (1804-1877) »

Romantique, il se permit toutes les excentricités du genre, enchérit même sur ses néologismes par de beaucoup plus téméraires, dignes de Du Bartas, tels que « le flot rumoreux extuant, les rocs fluctisonnants, les fleurs immarcescibles, etc… ».

516. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 412-415

Il paroît que cette anecdote n’a été imaginée que pour faire dire un bon mot, ou plutôt un mauvais rebus* au Cardinal de Richelieu : Quoi qu’il en soit, cette longue Paraphrase ne valoit pas un Evêché ; on n’y trouve par-tout que des fleurs d’or sur le Ciel étalées, des miracles roulans, de vivans écueils, & mille autres expressions semblables que le bon sens rejette, & que n’admit jamais la belle Poésie.

517. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Préface (1859) »

La joie, cette fleur rapide de la jeunesse, s’effeuille page à page dans le tome premier, qui est l’espérance, et disparaît dans le tome second, qui est le deuil.

518. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Elle croit à la vertu des hommes, à la joie de la lumière, à l’éternelle beauté du ciel, des eaux et des fleurs. […] On dirait qu’au lieu de vouloir assommer ses adversaires par des poids énormes, il songe à les griser de parfums en leur mettant sous le nez des feuillages et des fleurs. […] Il est entré dans les courtils clos d’aubépine et il a vu s’épanouir, parmi les fleurs des haies, sur les lèvres des jeunes filles, une moisson de mélancoliques et gracieux symboles, encore vierges et inconnus. […] Penker, qui le regardait mourir, les yeux pleins de larmes, vit alors sortir de sa bouche un moucheron grêle, aux ailes ténues, pareil aux éphémères que l’on voit tourbillonner les soirs d’été autour des sources… L’âme apparaît aussi sous la forme d’une fleur, d’une grande fleur blanche ; elle est plus belle à mesure qu’on s’approche d’elle, et s’éloigne quand on veut la cueillir. […] En tête de l’élégant livret où il a enfermé ces gentilles fleurs d’Orient, un peu décolorées, il a inscrit cette dédicace sur laquelle je ne veux pas le chicaner : ἸΩΣΗΠΩ ΜΑΡΙΑ ΑΦʹ ἙΡΕΔΙΑΣ.

519. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Est-ce qu’un naturaliste méprise une fleur d’être gonflée de poison ? […] Une brise passait, légère et molle, comme une caresse du printemps nouveau à ces fleurs. […] L’observateur se demande longuement : d’où cette fleur merveilleuse du talent est-elle éclose ? Est-ce malgré cette existence désorbitée, est-ce à cause d’elle que la fleur a grandi ? […] Le botaniste des esprits ne saurait expliquer la fleur sans nous montrer ces causes profondes.

520. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Et comme dans ce jeu où les Japonais s’amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d’eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s’étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M.  […] À l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 16 (N.  […] A l’ombre des jeunes filles en fleurs, p. 134. […] À l’ombre des jeunes filles en fleurs, I, 30. […] À l’ombre des jeunes filles en fleurs, I, 17.

521. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Nous avions des styles merveilleux, souples et nets, dépouillés, aptes à la logique, au bon sens lumineux qui est la fleur de notre race. […] Ni Valmont, ni Mme de Merteuil ne croient au spontané, ne cueillent les fleurs naturelles. […] Dans la cité de vos opinions, il amène ses guerriers si couverts de fleurs que vous les prenez pour des danseuses. […] Ô lectures premières et premiers contes, lait de l’esprit, source du fleuve fécond, joyeux réveils, cloches entendues et fleurs cueillies ! […] Mme Dargelle s’éprend du secrétaire de son mari, se l’avoue à peine, languit et meurt, pauvre fleur non respirée.

522. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gille, Valère (1867-1950) »

Son livre, Le Château des merveilles, — une série de poèmes jolis et musqués comme le nom de leur auteur, — apparaît comme une guirlande de fleurs minuscules pour une jolie fête de Lilliput.

523. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Villehervé, Robert de la = Le Minihy de La Villehervé, Robert (1849-1919) »

D’ailleurs, on me comprendra quand on aura lu le sonnet suivant, qui est une merveille : Quand nous serons vieux, étendus parmi D’antiques coussins à fleurs démodées, Nous échangerons nos vieilles idées En parlant tout bas d’un ton endormi.

524. (1856) Cours familier de littérature. I « Épisode » pp. 475-479

La nature servait cette amoureuse agape ; Tout était miel et lait, fleurs, feuillages et fruits, Et l’anneau nuptial s’échangeait sur la nappe, Premier chaînon doré de la chaîne des nuits !

525. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Le Moine » p. 321

La guirlande de fleurs qui descendait d’une épaule, jolie, mais peu selon la sévérité de l’art ; la coëffure moitié antique, moitié moderne.

526. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « François Villon, sa vie et ses œuvres, par M. Antoine Campaux » pp. 279-302

Il a pu naître sur les bords de l’Oise ; il n’y a certainement pas grandi : autrement, à défaut de son cœur, ses yeux en eussent gardé le souvenir, et ses rêves au moins lui eussent plus d’une fois rapporté le parfum des herbes et des fleurs de la rive natale. […] Et Charles qui, dans la fleur de sa jeunesse, faisoit trembler l’Italie ? […] Toujours, quand il sera question de la rapidité et de la fuite des générations des hommes qui ressemblent, a dit le vieil Homère, aux feuilles des forêts ; toujours, quand on considérera la brièveté et le terme si court assigné aux plus nobles et aux plus triomphantes destinées : Stat sua quaeque dies, breve et irreparabile tempus Omnibus est vitae… mais surtout lorsque la pensée se reportera à ces images riantes et fugitives de la beauté évanouie, depuis Hélène jusqu’à Ninon, à ces groupes passagers qui semblent tour à tour emportés dans l’abîme par une danse légère, à ces femmes du Décaméron, de l’Heptaméron à celles des fêtes de Venise ou de la cour de Ferrare, à ces cortèges de Diane, — de la Diane de Henri II, — qui animaient les chasses galantes d’Anet, de Chambord ou de Fontainebleau ; quand on évoquera en souvenir les fières, les pompeuses ou tendres rivales qui faisaient guirlande autour de la jeunesse de Louis XIV : Ces belles Montbazons, ces Châtillons brillantes, Dansant avec Louis sous des berceaux de fleurs ; quand, plus près encore, mais déjà bien loin, on repassera ces noms qui résonnaient si vifs et si frais dans notre jeunesse, les reines des élégances d’alors, les Juliette, les Hortense, ensuite les Delphine, les Elvire même et jusqu’aux Lisette des poètes, et quand on se demandera avec un retour de tristesse : « Où sont-elles ? 

527. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

quelqu’un de ses favoris à lui-même et des courtisans de Louise, quelque Olivier de Magny peut-être : « Celui qui ne tâche à complaire à personne, quelque perfection qu’il ait, n’en a non plus de plaisir que celui qui porte une fleur dedans sa manche ; mais celui qui désire plaire, incessamment pense à son fait, mire et remire la chose aimée, suit les vertus qu’il voit lui être agréables, et s’adonne aux complexions contraires à soi-même, comme celui qui porte le bouquet en main, donne certain jugement de quelle fleur vient l’odeur et senteur qui plus lui est agréable. » En un mot, qui aime, s’applique et s’évertue. […] Lorsque le rossignol, dans la saison brûlante De l’amour et des fleurs, sur la branche tremblante Se pose pour chanter son mal cher et secret, Rien n’arrête l’essor de sa plainte infinie, Et de son gosier frêle un long jet d’harmonie S’élance et se répand au sein de sa forêt.

528. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

que de fleurs ! Mais ce n’étaient que fleurs peintes et lustrées, printemps artificiel ; tout cela laissait froid et sans émotion, et ne s’adressait qu’aux lettrés. […] Le Cid est une fleur immortelle d’amour et d’honneur.

529. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Ce qu’il y a de vrais talents et d’avenirs cachés dans ces premières fleurs se dégagera avec le temps. […] Une corbeille de fleurs renversée offre l’emblème de la destinée de Millevoye, tombé de la veille. […] que de foin dans ses fleurs !

530. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Marguerite est le nom d’une fleur ; les poètes firent de la marguerite la reine des fleurs, et ce qui serait le plus souvent une fadeur de la flatterie était alors une image de sentiment. […] Les plus savants se souvinrent aussi de l’origine latine de ce nom, et firent une perle de celle dont les poètes faisaient une fleur.

531. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Le billet, en forme d’ode, à l’abbé de Chaulieu, est bien à l’adresse de cet esprit aimable, un peu poète et charmant dans ce peu, et ces fleurs du paganisme ne messiéent pas dans des vers au plus païen des abbés. […] Cependant, pour inventer, à la fin du dix-huitième siècle, parmi tous ces fades jeux d’esprit où achevait de s’énerver et de se perdre l’art des vers, une poésie jeune, fraîche, parfumée, qui nous transporte au milieu de vrais champs et nous ramène en nous-mêmes ; pour faire apparaître, parmi toutes ces fleurs de papier peint, un si charmant bouquet de fleurs naturelles, il fallait plus que les grands sentiments d’André Chénier, plus que sa raison supérieure ; il fallait ce qui peut s’appeler du même nom en religion et en poésie, il fallait la grâce.

532. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Théodore de Banville lui mit aux mains un bouquet de fleurs joyeuses. […] Verlaine apportait, pour ainsi dire, en ses mains ouvertes, un bouquet de fleurs nouvelles, odorantes et délicieuses. […] Tels furent donc un certain byzantinisme et un excès de subtilité, les principaux défauts des Poètes qu’on appelait Décadents, défauts plus apparents que réels et plus passagers que durables et que rachetait amplement, un ardent désir de nouveauté, l’espoir d’étendre le domaine de la poésie et de cultiver à l’ombre de la Tour d’Ivoire des fleurs singulières, rares et parfumées.

533. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Son esprit est net et ferme, observateur et sensé ; il est, comme celui de Mme de Maintenon, solide : mais ici la solidité se dérobe sous la fleur. […] On l’y voit belle longtemps, agréable toujours, unissant aux fleurs d’esprit d’une Mme de La Sablière la solidité de fonds d’une Mme de La Fayette, d’une conversation diverse et à propos assortie, tantôt sérieuse, tantôt enjouée, même ne haïssant pas les plaisirs de la table et y redoublant de saillies, y présidant en déesse comme l’Hélène d’Homère : Mme de Caylus, nous dit en cet endroit M.  […] Cette aînée de Saint-Cyr, cette sœur d’Esther, et qui ne se tint pas à ce rôle si doux, est comme la dernière fleur qu’ait produite l’époque finissante de Louis XIV, et elle ne s’est ressentie en rien de l’âge suivant.

534. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

je suis si faible et si changeante, que mes meilleurs désirs ressemblent à cette fleur des champs dont parle votre prophète-roi, qui fleurit le matin et qui sèche le soir. » Pour se préserver de ses rechutes, de ses faiblesses, « du doux poison de plaire à ce monde et de l’aimer », elle invoque un de ces coups de miséricorde qui affligent, humilient, et à la fois retournent vers Dieu une âme. […] Son fils, le comte de Vermandois, mourut à la fleur de l’âge (1683), atteint déjà et souillé par les vices de la jeune Cour. […] Elle n’eut dans le premier moment que des larmes ; dès qu’elle fut en état de répondre, la pénitente en elle reprenant le dessus, elle dit : « C’est trop pleurer la mort d’un fils dont je n’ai pas encore assez pleuré la naissance. » Sa fille, Mlle de Blois, qui épousa le prince de Conti, était un modèle de grâce ; c’est d’elle que La Fontaine a dit, pour peindre sa démarche légère et comme aérienne : L’herbe l’aurait portée ; une fleur n’aurait pas       Reçu l’empreinte de ses pas.

535. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Pour bien apprécier Mme Necker, qui ne fut jamais à Paris qu’une fleur transplantée, il convient de la voir en sa fraîcheur première et dans sa terre natale. […] Mlle Curchod, âgée de dix-huit ans, était donc, à cette date de 1758, une des fleurs et des merveilles de ce pays de Vaud que Rousseau allait mettre à la mode dans le beau monde parisien par La Nouvelle Héloïse. […] C’est dans ce monde que Mme Necker, encore jeune fille, acheva de se former en sa fleur première et qu’elle brilla.

536. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

C’était un jeune et brillant recteur, haranguant en latin dans toutes les occasions avec fleur et élégance. […] Dans une préface latine où, selon l’usage des modernes qui écrivent en latin, il cherchait un peu trop l’expression élégante, Rollin, opposant la manière de Cicéron à celle d’Aristote, avait parlé des fleurs de l’élégance cicéronienne (Tullianae elegantiae flosculis). […] Je n’ai point de ruches à miel ; mais j’ai le plaisir tous les jours de voir les abeilles voltiger sur les fleurs de mes arbres, et, attachées à leur proie, s’enrichir du suc qu’elles en tirent, sans me faire aucun tort.

537. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Et quand sur ce fond d’un paysage si neuf et si grand se détachent les deux plus gracieuses créations de figures adolescentes, et que la passion humaine y est peinte aussi dans toute sa fleur et dans toute sa flamme, il y a de quoi mériter à jamais de vivre, et de quoi couvrir bien des erreurs, des ignorances et des infirmités qui se trahissent ailleurs chez l’homme et dans son talent. […] Arrivé à l’île de France, il en décrit le sol et les végétaux avec détail et curiosité, mais sans joie et plutôt avec une sorte de tristesse : Il n’y a pas une fleur dans les prairies, qui d’ailleurs sont parsemées de pierres et remplies d’une herbe aussi dure que le chanvre. Nulle plante à fleur dont l’odeur soit agréable.

538. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

Voici un pot de fleurs vide sur une fenêtre : il n’a rien de beau. […] Repassez près de la fenêtre : le pot de fleurs renferme maintenant une plante, un modeste réséda dont l’odeur vous arrive. La plante vit, et son parfum est comme un signe de sa vie ; le pot de fleurs lui-même semble participer à cette vie et s’est embelli en s’embaumant.

539. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

L’antithèse de Shakespeare, c’est l’antithèse universelle, toujours et partout ; c’est l’ubiquité de l’antinomie ; la vie et la mort, le froid et le chaud, le juste et l’injuste, l’ange et le démon, le ciel et la terre, la fleur et la foudre, la mélodie et l’harmonie, l’esprit et la chair, le grand et le petit, l’océan et l’envie, l’écume et la bave, l’ouragan et le sifflet, le moi et le non-moi, l’objectif et le subjectif, le prodige et le miracle, le type et le monstre, l’âme et l’ombre ; c’est cette sombre querelle flagrante, ce flux et reflux sans fin, ce perpétuel oui et non, cette opposition irréductible, cet immense antagonisme en permanence, dont Rembrandt fait son clair-obscur et dont Piranèse compose son vertige. […] Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret. […] Voilà une fleur recommandable.

540. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXIV. »

Mais non : au milieu d’eux rien ne s’évanouit ; L’Orientale d’or, plus riche, épanouit Ses fleurs peintes et ciselées ; La Ballade est plus fraiche, et, dans le ciel grondant L’Ode ne pousse pas d’un souffle moins ardent Le groupe des strophes ailées. […] Ô vous dont l’âme est épuisée, Ô mes amis, l’enfance aux riantes couleurs Donne la poésie à nos vers, comme aux fleurs L’aurore donne la rosée ! […] Des couronnes de fleurs tombèrent aux pieds de l’auteur ; des sérénades la suivirent à sa demeure, et on la nomma la Melpomène castillane.

541. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Une pensée n’est guère autre chose qu’une fleur desséchée ; mais l’homme a péri et la fleur reste couchée dans son herbier ; elle est le témoin d’une vie disparue, le signe d’une sensibilité abolie. […] Mais disons-le seulement un fait, de même qu’une fleur est un fait, ou une averse ou un incendie. […] Les processions, les chants, les jonchées de fleurs, tout ce qui est fête, joie et prodigalité, voilà les formes de la religion normale. […] Je les aime ainsi, je l’avoue, n’ayant jamais demandé aux femmes que d’être de belles fleurs. Il y a des fleurs qui ont des yeux si doux !

542. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

En ta pensée Se dresse tout d’abord son image glacée : Tu vois d’avance au loin les bois découronnés, Dans chaque arbre un squelette aux longs bras décharnés ; Plus de fleurs dont l’éclat au jour s’épanouisse ; Plus d’amoureux oiseaux dont le chant réjouisse ; La Nature au linceul épand un vaste effroi. —  Pour toi quand tout est mort, ami, tout vit pour moi : Ce déclin que l’Automne étale avec richesse Me parle, à moi, d’un temps de fête et d’allégresse, Du meilleur des saints jours, — alors qu’heureux enfants, Sur les bancs de la classe, en nos vœux innocents, Les feuilles qui tombaient ne nous disaient encore Que le très-doux Noël et sa prochaine aurore.

543. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Meurice, Paul (1818-1905) »

Resté en France, il allait chaque année à Guernesey porter à l’exilé les nouvelles et les fleurs de la France.

544. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Ponchon, Raoul (1848-1937) »

Charles Frémine Toi qui soupes d’un rêve et d’une fleur déjeunes, Toujours l’âme à la joie et la lèvre au cruchon, Nul barde, dans la gloire et le respect des jeunes, Ne s’élance plus haut que toi, Raoul Ponchon.

545. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XV. Du Purgatoire. »

et certes, puisque les vents, les feux, les glaces prêtent leurs violences aux tourments de l’enfer, pourquoi ne trouverait-on pas des souffrances plus douces dans les chants du rossignol, dans les parfums des fleurs, dans le bruit des fontaines, ou dans les affections purement morales ?

546. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Restout le fils » pp. 284-285

Jusqu’à présent on ignorait que les pompons, les étoffes de Lyon à fleurs d’argent, les sirsaccas, fussent en usage chez les grecs : où est le costume et la sévérité de l’art ?

547. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Chaque génération de jeunesse prodigue ainsi sa fleur la plus délicate à ces entreprises anxieuses, contradictoires, toujours interrompues et renouvelées. […] Il y a dans les fleurs des couleurs brillantes et des beautés qui sont de véritables dégénérations déguisées. […] Soumet, Alfred, Victor, Parseval, vous enfin Qui dans ces jours heureux vous teniez par la main, Rappelez-vous comment au fauteuil de mon père Vous veniez le matin, sur les pas de mon frère, Du feu de poésie échauffer ses vieux ans, Et sous les fleurs de mai cacher ses cheveux blancs. […] voilà que je vous gronde, cher Sainte-Beuve, moi qui voulais seulement vous parler du bonheur de…, etc., etc. » L’intimité est constatée, ce me semble : j’étais, en 1835, parfaitement en mesure de risquer une théorie du talent de M. de Vigny autant que d’aucun autre talent contemporain ; s’il y avait embarras pour moi à son égard, c’était par excès de liaison bien plutôt que par insuffisance ; j’avais à ressaisir mon libre jugement, à le ravoir de dessous un monceau de fleurs : là était la difficulté, pas ailleurs ; c’est ce que je tenais avant tout à établir.

548. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Il décrit avec complaisance cette âme charmante que Gassendi appelait « la fleur la plus vive et la plus pure du sang. » Il « subtilise un morceau de matière, un extrait de la lumière, une quintessence d’atome, je ne sais quoi de plus vif et de plus mobile encore que le feu. » Il met cette âme en l’enfant comme en l’animal, et nous fait ainsi parents de ses bêtes. […] Cà et là pourtant des fleurs blanches sortent de l’écorce, avec un fin parfum d’aubépine. […] II Il l’a frayée du premier coup, toute grande, sans efforts ni recherches ; il y entrait naturellement, parce qu’il était rêveur, et il y avançait parce qu’il s’y trouvait bien. « Il était touché des fleurs, des doux sons, des beaux jours. » « Le monde entier pour lui était plein de délices. » Un ruisseau suffisait pour l’occuper et l’enchanter. « Que je peigne en mes vers quelque rive fleurie !  […] Il a tout senti, même l’humble beauté d’un potager rustique et l’agrément d’un jardin propret, bien entretenu, plein de plantes utiles « avec le clos attenant », avec la haie vive et verte, avec la bordure de serpolet et les fleurs bourgeoises, qui feront un bouquet à la ménagère.

549. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Le chant est aussi souvent la marque de la tristesse que de la joie : l’oiseau qui a perdu ses petits chante encore ; c’est encore l’air du temps du bonheur qu’il redit, car il n’en sait qu’un ; mais, par un coup de son art, le musicien n’a fait que changer la clef, et la cantate du plaisir est devenue la complainte de la douleur. » « Il ressemblait à une conque de nacre, contenant quatre perles bleues : une rose pendait au-dessus, tout humide : le bouvreuil mâle se tenait immobile sur un arbuste voisin, comme une fleur, de pourpre et d’azur. […] « Le 21 de ce mois que les Sauvages appellent la lune des fleurs, René se rendit à la cabane de Chactas. […] Le sacrifice commence à la lueur des flambeaux, au milieu des fleurs et des parfums, qui devaient rendre l’holocauste agréable. […] L’orgueilleux ruisseau s’applaudit d’abord de sa puissance ; mais voyant que tout devenait désert sur son passage ; qu’il coulait, abandonné dans la solitude ; que ses eaux étaient toujours troublées, il regretta l’humble lit que lui avait creusé la nature, les oiseaux, les fleurs, les arbres et les ruisseaux, jadis modestes compagnons de son paisible cours. » Chactas cessa de parler, et l’on entendit la voix du flammant qui, retiré dans les roseaux du Meschacebé, annonçait un orage pour le milieu du jour.

550. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Printanière, dans l’aube éternelle du rêve Et dans l’aurore assise, Elle tisse en rêvant Des choses qu’Elle sait, et sourit ; et, devant Elle, au gré de sa main agile, court sans trêve La navette laborieuse, et le doux vent D’avril emmêle ses cheveux qu’Elle soulève Et rejette sur son épaule ; et, relevant La tête, Elle fredonne un air qu’Elle n’achève… De l’ombre, Elle apparaît, comme en un cadre d’or : Derrière Elle l’azur et des plaines qu’arrose Un fleuve ; et, sur sa tête, un rameau de laurose Étend ses fleurs contre l’azur clair ; — et l’effort Du métier, comme un chant monotone et morose Se plaint très doucement : — on envierait le sort De celui qui baiserait la main qu’Elle pose Négligemment, parfois, et lasse de l’effort… Mais moi, la voyant rire en rappelant sans doute Quelque doux jour mort de sa joie un soir de mai, Je songeai que, peut-être, pour avoir aimé Son rire, d’autres ont repris la lente route Tristes d’un souvenir et le cœur affamé D’un mets où nulle lèvre impunément ne goûte. […] Des fleurs t’ont promis quelque chose, Car tu leur parlais comme on admoneste, Puis voici que tu devins rose En les effeuillant d’un si joli geste Qu’il en disait la cause. La mer où s’en vont tes regards en nacelles Te dit, elle aussi : « ton heur te coudoie », Que, te retournant, tu t’épeures et chancelles À me voir, là, tout près, sous les lilas frêles, — La mer, ou les fleurs, ou les hirondelles, Ou ton âme à toi, subtile en sa joie ? […] Cette manière de versifier, quand elle ne conduit pas à une sensualité vaine permet évidemment à l’instinct de s’épanouir en claires fleurs ; elle peut s’accorder souvent avec le talent et ils l’ont prouvé ; mais si elle favorise la naissance de mille compositions légères et charmantes, elle ne recèle pas assez de force vive pour s’ordonner en une œuvre décisive et grande.

551. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

C’est vraiment charmant cette petite et rustique maison japonaise du Trocadéro, avec son enclos de bambous, sa porte aux grosses fleurs sculptées dans un bois tendre, ses petits arbres en paraphes d’écriture, ses parasols, sous l’ombre desquels se remuent des volatiles minuscules, ses resserres en essences joliment veinées : tout ce goût et tout cet art décoratif dans une habitation des champs. […] Aujourd’hui, elle porte une robe rose, et sa longue et gracieuse personne fait un effet charmant dans la verdure foncée des chênes de la forêt en son marcher lent, en ses accroupissements légers, pour cueillir une fleur… Et la femme est, pour ainsi dire, toute vêtue de chasteté. […] Mardi 12 novembre Je ne sais quel charme ont les fleurs d’hiver, elles me semblent parées de quelque chose de joliment et délicatement souffreteux. […] Et le panneau encore une fois remis au feu et retiré mollet, l’artiste indique un tronc tortueux par un large appuiement, mais interrompu, mais cassé, et pique avec la plus grande attention, dans le vide, dans l’effacement, les petites fleurs rouges d’un cognassier du Japon, ne plaçant qu’au dernier moment la valeur noire de son dessin, la tache intense à l’encre de Chine du tronc de l’arbuste.

552. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — II. (Fin.) » pp. 330-342

Dans ces parties accessoires de son ouvrage, et où il se permet toutes sortes de fleurs de rhétorique et de licences oratoires, il laisse bien voir aussi le sentiment d’élévation et d’enthousiasme qu’il y porte ; et pour revenir à un rapprochement que bien des endroits justifieraient, il y a en lui, chroniqueur et historien, quelque chose d’un Froissart passionné. […] J’aurai, parmi les catholiques, ceux qui aiment la France et l’honneur. » Givry entre sur cette conclusion, ajoute d’Aubigné, et avec son agréable façon prit la jambe du roi, et puis sa main, dit tout haut : « Je viens de voir la fleur de votre brave noblesse, Sire, qui réservent à pleurer leur roi mort quand ils l’auront vengé ; ils attendent avec impatience les commandements absolus du vivant : vous êtes le roi des braves, et ne serez abandonné que des poltrons. » Cette brusque arrivée et la nouvelle que les Suisses venaient prêter leur serment mirent fin aux fâcheuses paroles, et Henri IV, coupant court à ceux qui hésitaient, n’eut plus qu’à faire acte de roi de France.

553. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « M. Viguier »

Il comparait spontanément les écrivains des diverses nations, il les rapprochait d’une manière inattendue et avec une sorte de recherche ingénieuse qui chez lui était naïve ; ce qui aurait pu sembler de la subtilité n’était que la fleur suprême du goût. […] Et en effet, pour qui l’a vu, ses grands yeux saillants, à fleur de tête, semblaient avides de regarder et comme naturellement voués à une continuelle lecture.

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