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1600. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Le langage mystique dont Pétrarque s’est servi dans la plupart de ses sonnets, en parlant de la femme qui régnait dans son cœur, a fait croire que son amour avait toujours été dégagé de toute pensée sensuelle ; c’est une erreur facile à réfuter. […] Milton ne serait pas une source moins féconde qu’Alighieri ; mais il ne faut pas croire que toutes les pensées qui nous ravissent, sous la forme poétique, nous raviraient sous la forme pittoresque : c’est une erreur trop accréditée, qui ne peut enfanter que des tableaux sans valeur. […] En parcourant ce volume où les redites coudoient les erreurs, il est impossible de ne pas se rappeler le conseil donné aux poètes par Boileau : il est trop évident que M.  […] Guizot d’avoir réfuté une erreur si généralement répandue. […] Je comprends très bien qu’on n’accepte pas son avis, qu’on ne résolve pas comme lui les questions posées depuis la convocation des États généraux ; mais je ne comprends pas qu’on le maudisse, qu’on le voue à la haine publique, car je crois qu’il est de bonne foi dans son erreur.

1601. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Homais, la Vérité dit en le voyant : Bravo, le libre penseur est dégagé de l’erreur ! […] Daudet veut absolument que l’erreur d’un seul académicien soit un soufflet appliqué sur la joue de l’Académie tout entière : n’est-ce pas une conclusion allant au-delà des prémisses ? […] Vérité en deçà de l’Équateur, erreur au-delà. […] — Pardonnez mon erreur, graves demoiselles fourvoyées !

1602. (1896) Hokousaï. L’art japonais au XVIIIe siècle pp. 5-298

A la dernière page de l’album, Hokousaï, avec son ironie habituelle, dit : « Si dans l’exécution des mouvements et des mesures il y a des erreurs, veuillez m’excuser.

1603. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Grant Allen, sans peut-être le savoir, tombe dans l’erreur de Kant : ce dernier, à force de séparer le beau de l’utile, finissait par l’opposer entièrement au rationnel ; il en venait à dire qu’une arabesque capricieuse est vraiment plus belle qu’une jolie femme, parce que nous concevons et imposons à tout visage humain un type de beauté trop nécessaire et trop raisonné. […] Nous sentons vaguement que le laid n’est pas fait pour vivre, que, dans la nature, les monstres tendent à disparaître sans se reproduire et ne sont que des erreurs passagères ; nous les supportons dans les œuvres d’art précisément parce que ces œuvres sont encore des fictions sans consistance, et que d’ailleurs on retrouve toujours la règle sous l’exception, la loi sous la monstruosité. […] L’erreur même a sa poésie. […] Ce serait évidemment une erreur de se figurer les sentiments humains, même les plus primitifs, comme invariables à travers les siècles.

1604. (1774) Correspondance générale

Déshonoré dans une société, dira-t-on, je passerai dans une autre où je saurai bien me procurer les honneurs de la vertu : erreur. […] Monsieur, J’ai l’honneur de vous réitérer que dans l’affaire de la demoiselle Desgrey et de ses frères, je suis de la plus rigoureuse impartialité ; mais comme cette qualité ne suffit pas pour être juste et que je ne me consolerais pas d’avoir induit un juge en erreur, quand même j’aurais été de la meilleure foi du monde, pour plus de sûreté je me suis adressé aux hommes de ma ville les plus honnêtes, les plus éclairés, et j’ai eu la satisfaction de voir que leur récit s’accordait exactement avec ce que j’avais pris la liberté devons écrire. […] L’opinion, ce mobile dont vous connaissez toute la force pour le bien et pour le mal, n’est à son origine que l’effet d’un petit nombre d’hommes qui parlent après avoir pensé, et qui forment sans cesse, en différents points de la société, des centres d’instructions d’où les erreurs et les vérités raisonnées gagnent de proche en proche, jusqu’aux derniers confins de la cité, où elles s’établissent comme des articles de foi. […] Diderot était encore alors dans l’erreur commune, puisqu’il inclinait à regarder Palissot comme étranger à cette pièce que, depuis, cet auteur a avouée et défendue avec chaleur.

1605. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

. — Erreur de l’école réaliste. […] Ce serait une erreur de penser ainsi, d’autant que, par suite de la révolution qui, vers la fin du siècle dernier, a modifié l’art des décorations et des costumes, la mise en scène de nos chefs-d’œuvre classiques est toute moderne. […] C’est même sans doute ce vers qui est cause de l’erreur. […] Quand, dans le jeu d’un comédien, un trait paraît contraire à la nature, on peut presque toujours être certain que ce trait a cependant été observé et pris sur la nature par le comédien, dont l’erreur a uniquement consisté à lui attribuer un caractère général qu’il n’avait pas, et par conséquent à évoquer aux yeux des spectateurs une image différant par excès de l’idée qui a pu se former dans l’esprit du plus grand nombre d’entre eux.

1606. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

Et tout d’abord j’avais été induit en erreur sur la date de la naissance.

1607. (1875) Premiers lundis. Tome III « Du point de départ et des origines de la langue et de la littérature française »

Quelles que soient les erreurs auxquelles son système l’a en traîné, l’œuvre de Raynouard n’en est pas moins celle d’un homme d’un éminent talent, si l'on ne veut pas lui concéder le génie. » Nous n’avons rien à ajouter après de tels suffrages.

1608. (1929) Dialogues critiques

Pierre Erreur !

1609. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIe entretien. Vie et œuvres de Pétrarque » pp. 2-79

« Cette juste honte est le fruit mérité de mes vaines erreurs.

1610. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Elle voit qu’on ne présente à l’empereur que des Mémoires écrits dans le style le plus savant et le plus relevé ; que ses édits et ordonnances sont des modèles de compositions ; qu’il reprend publiquement les gouverneurs de province des erreurs qui se trouvent dans leurs placets et les plus habiles docteurs des fautes qui leur échappent dans leurs ouvrages ; qu’il parle en maître dans des préfaces raisonnées sur les ouvrages qu’il fait faire et qu’il fait publier, et que tout ce qui sort de son pinceau est marqué au coin de l’immortalité.

1611. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (1re partie) » pp. 397-476

Platon fut revendiqué comme un précurseur de saint Paul, Homère comme un écho de Moïse, Socrate comme un martyr du christianisme latent et éternel sous les erreurs du polythéisme ; l’Église, rassurée désormais sur le danger de sensualiser la doctrine, appela hardiment tous les arts antiques à l’ornement et au prestige du culte nouveau.

1612. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Mon devoir consciencieux est de lutter à mort contre les iniquités, les humiliations, les calomnies, les avanies de toute nature dont la France me déshonore et me travestit en retour de quelques erreurs peut-être, mais d’un dévouement, corps, âme et fortune, qui ne lui a pas manqué dans ses jours de crise, à elle.

1613. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Erreur et préjugé que le temps rectifiera.

1614. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

C’était la liquidation d’un demi-siècle d’erreurs et de vérités.

1615. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIIe entretien. Littérature politique. Machiavel (2e partie) » pp. 321-414

Il y a, en effet, deux hommes parfaitement distincts dans un pape : celui qui ne distingue pas entre ces deux hommes dans un ne peut parler ni de l’un ni de l’autre avec bon sens et avec respect ; car, s’il attribue au pontife inspiré de Dieu les erreurs, les vices, les crimes de l’individu appelé pape, il offense Dieu, il est absurde et sacrilège envers la souveraine Sagesse ; et s’il attribue au pape, chef électif d’une république italienne, l’infaillibilité, la perpétuité et l’autorité du pape, pontife et oracle de Dieu, il offense la raison et la liberté, il sacre la tyrannie, il est sacrilège aussi envers l’espèce humaine.

1616. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

Mais il n’y est pas tombé sans soutien et sans amis pour le soutenir, et pour retourner sa tête sur son chevet à sa dernière heure, comme on l’a écrit par erreur ou par prétention à l’effet dans certains récits.

1617. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Que si j’y remarquai aussi des erreurs ou des déclamations, ce sont filles d’inexpérience et non de mauvaise volonté que je voulus également y laisser.

1618. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXIXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (1re partie) » pp. 241-314

Je ne savais pas, j’étais inexpérimenté ; l’illusion, ce mirage des belles âmes, me possédait ; maintenant le temps a fait son œuvre, et il ne me reste de ces saintes erreurs que celle qu’il faut nourrir toujours, bien qu’elle m’ait souvent trompé : l’amour du mieux pour l’humanité. » III M. de Las-Cases à Sainte-Hélène, auprès de Napoléon, le capitaine Medwin, auprès de lord Byron en Italie et en Angleterre, furent chacun un de ces échos providentiels que le hasard ou la volonté place à côté de ces grands hommes pour répercuter à l’avenir leurs confidences fausses ou vraies, intéressées ou désintéressées, selon qu’ils voulaient parler à leur chevet ou parler, comme on dit, par la fenêtre.

1619. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Les hommes qui croient que l’esprit de déception et de supercherie est capable de ces prodiges sont dans l’erreur, ils méconnaissent la portée du génie humain ; les vraies beautés d’Ossian sont dans les mœurs plus que dans l’intelligence.

1620. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre sixième »

Voltaire qualifie sérieusement le Père de famille « d’ouvrage tendre, vertueux et d’un goût nouveau62. » Il y a de l’esprit dans tout ce que fait un homme d’esprit ; il doit y en avoir dans ces deux erreurs de Diderot et de son temps.

1621. (1890) L’avenir de la science « XV » pp. 296-320

Si l’histoire de l’esprit humain est la marche vers le vrai entre deux oscillations qui restreignent de plus en plus le champ de l’erreur, il faut bien espérer de la raison.

1622. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

S’il y avait une classe légalement définissable de gens qui ne pussent faire ce discernement, il faudrait surveiller ce qu’on leur dit ; car la liberté n’est tolérable qu’avec le grand correctif du bon sens public, qui fait justice des erreurs.

1623. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

De plus cette fin est parente des motifs do la détresse et de l’erreur.

1624. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Erreur de calcul : aux Thermopyles ils furent trois cents contre deux millions.

1625. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

« A l’état normal, dit-il, les sentiments vont toujours à leur vrai but ; les erreurs ne viennent que de l’état maladif surajouté à la nature par la civilisation.

1626. (1909) De la poésie scientifique

Stéphane Servant, que, après un premier article sur les origines du mouvement poétique, nous avertissions d’erreurs graves, en produisant dates et œuvres.

1627. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

» Et il nous répète plusieurs fois cette grosse erreur de notre livre, en en grossissant, de plus en plus, la faute.

1628. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Il le considère, le dégage et le restitue, avec une âme prise d’abord d’amour jusqu’aux moelles, puis déprise, inintelligente, déçue et dédaigneusement détachée, puis fuyant au loin et s’apaisant dans l’humilité d’une religion dont les doctrines concilient son amour avec son erreur.

1629. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

La première, au Roi, a des accents dignes de Virgile parlant la philosophie de Sénèque : ………………… En vain aux conquérants L’erreur parmi les rois donne les premiers rangs ; Entre les vrais héros ce sont les plus vulgaires ; Chaque siècle est fécond en heureux téméraires, Chaque climat produit ces favoris de Mars : La Seine a des Bourbons, le Tibre a des Césars !

1630. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Benjamin Constant et madame de Charrière »

C’est le même sol et le même théâtre ; ce sont d’abord les mêmes erreurs et les mêmes agitations, presque les mêmes idées, mais passées à une autre filière et reçues par un monde différent. » On peut se demander avant tout comment une influence aussi réelle, aussi sérieuse que l’a été celle de Mme de Charrière, n’a pas laissé plus de trace extérieure dans la carrière de Benjamin Constant ; comment elle a si complètement disparu dans le tourbillon et l’éclat de ce qui a succédé, et par quel inconcevable oubli il n’a nulle part rendu témoignage à un nom qui était fait pour vivre et pour se rattacher au sien. […] Comme explication nécessaire toutefois, comme image complète de sa situation malheureuse en ces années de Brunswick, il faut savoir que ce premier mariage qu’il venait de contracter si à la légère tourna le plus fâcheusement du monde ; que, dès juillet 1791, il en était à reconnaître son erreur ; qu’il résumait son sort en deux mots : l’indifférence, fille du mariage, la dépendance, fille de la pauvreté  ; que l’indifférence bientôt fit place à la haine ; qu’après une année de supplice, il prit le parti de tout secouer : « On se fait un mérite de soutenir une situation qui ne convient pas ; on dirait que les hommes sont des danseurs de corde. » Le divorce était dans les lois, il y recourut ; ce n’avait été qu’à la dernière extrémité : « Si elle eût daigné alléger le joug, écrivait-il, je l’aurais traîné encore ; mais jamais que du mépris !

1631. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

L’esprit aime à changer d’objet et d’action, — à agiter des idées, à faire mettre, à mettre au jour les choses ignorées ; il aime là la vérité, il aime l’erreur ; le mensonge ne lui déplaît pas toujours. — L’esprit est roi, il est le maître, il est maître absolu, il appelle la contradiction, il exècre l’esclavage, il se plaît à frôler les divers écueils où tombe, en s’agitant, la raison humaine ; il recherche avec rage tout ce qui brille, et tout ce qui chante, et tout ce qui se voit au loin ; il est fou de couleurs, fou de lumière et de fracas ; le demi-jour lui sied à merveille ; il ne hait pas le crépuscule ; si la nuit est profonde, il saura tirer parti des ténèbres ! […] Bossuet, lui-même, n’a pas de plus vives peintures, quand il s’écrie : « Ne me dites rien des libertins ; je les connais ; tous les jours je les entends discourir, et je ne remarque dans tous leurs dis cours qu’une fausse capacité, ou, pour parler franchement, une vanité toute pure ; et pour fond, des passions indomptables, qui, de peur d’être réprimées par une trop grande autorité, attaquent l’autorité de la loi de Dieu, que, par une erreur naturelle à l’esprit humain, ils croient avoir renversé à force de le désirer. » Don Juan n’a jamais été mieux représenté que dans ces paroles ; il est bien dans le nombre de ces impies qui blasphèment ce qu’ils ignorent, qui se corrompent dans ce qu’ils savent.

1632. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

Dans le legs que nous avons reçu de l’antiquité se trouve une collection, la plus riche que nous ayons, d’arguments captieux et de paradoxes ; leur subtilité eût trouvé la carrière étroite si elle n’avait poussé ses courses aussi bien du côté de l’erreur que du côté de la vérité. […] Essayez de traduire en bon grec un discours de Pilt ou de Mirabeau, même un morceau d’Addison ou de Nicole, vous serez obligé de le repenser et de le transposer ; vous serez conduit à trouver pour les mêmes choses des expressions plus voisines des faits et de l’expérience sensible30 ; une lumière vive accroîtra la saillie de toutes les vérités et de toutes les erreurs ; ce qu’auparavant vous appeliez naturel et clarté vous semblera affectation et demi-ténèbres, et vous comprendrez par la force du contraste pourquoi chez les Grecs l’instrument de la pensée, étant plus simple, faisait mieux son office avec moins d’effort.

1633. (1900) Molière pp. -283

Les erreurs de notre intelligence ne mériteraient qu’à peine ce nom d’erreurs, si elles ne causaient en nous qu’une perturbation pour ainsi dire abstraite, si elles n’influaient pas sur notre conduite et sur nos actions. […] Je ne le fais point plus doux qu’il n’est ; je ne revendique point pour lui le privilège du désintéressement et de l’innocence parfaite ; dans l’histoire de nos erreurs et de nos fautes, il a sa part, je ne la diminue point.

1634. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Si M. de Lamartine s’est trompé, il est curieux de voir comment il se trompe ; car l’erreur d’une intelligence comme la sienne est toujours féconde en enseignements. […] Il est trop facile de relever des erreurs si manifestes, pour que la clairvoyance devienne un sujet d’orgueil ; je serais heureux de n’avoir pas à les relever. […] Entre le point de départ et le point où nous sommes parvenus, il y a un tel espace, que nous avons presque oublié les destinées de la foi chrétienne pour ne songer qu’à la splendeur éphémère des empires, aux erreurs baptisées du nom de vérité qui se détrônent tour à tour avant de s’abîmer dans le néant.

1635. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Aussi n’y aurait-il pas lieu de réfuter le savant docteur, s’il s’était contenté de dire : « Un état réel de folie, de folie confirmée, peut s’allier aux manifestations les plus éclatantes de l’âme humaine, soit que cette folie se limite rigoureusement à certaines erreurs des sens, soit qu’elle offre un caractère de rêverie et d’extase, soit qu’elle consiste en des idées fixes ou convictions délirantes, soit enfin qu’elle revête les traits indécis de la mélancolie, du spleen, de l’hypocondrie, affections si communes chez les esprits d’élite. » Mais on contredit, à bon droit, le trop paradoxal docteur, lorsqu’il pousse sa thèse à outrance et qu’il lance des assertions comme celle-ci : « Toutes les fois que l’on verra les facultés intellectuelles s’élever au-dessus du niveau commun, dans les cas surtout où elles atteindront un degré d’énergie tout à fait exceptionnel, on peut être certain que l’état névropathique, sous une forme quelconque, aura influencé l’organe de la pensée, soit idiopathiquement, soit par voie d’hérédité… Ce qui revient à dire, — ajoute M.  […] Pour en finir avec le livre, très intéressant d’ailleurs, du docteur Moreau, il suffit de citer cet aveu, que lui-même, pressé par la force de la vérité et de la raison, laisse enfin échapper, et auquel nous avons fait allusion tout d’abord : « Ce serait, dit-il, commettre une grossière erreur que de chercher dans les seules conditions organiques dont nous venons de parler (névrose, scrofules, rachitisme, idiotie, excitation maniaque) la source du génie, ou seulement d’une certaine supériorité des facultés intellectuelles.

1636. (1914) En lisant Molière. L’homme et son temps, l’écrivain et son œuvre pp. 1-315

Il eût été beaucoup plus raisonnable et beaucoup plus sain de présenter la jeune fille comme se croyant amoureuse du sexagénaire parce qu’elle a pour lui de la sympathie et le vieillard comme l’avertissant de son erreur et de son imprudence, l’éclairant et finalement la mariant avec un sien neveu de vingt-cinq ans. […] De l’autre, qu’on connaît, la traitable méthode Aux faiblesses d’un peintre aisément s’accommode ; La paresse de l’huile, allant avec lenteur, Du plus tardif génie attend la pesanteur : Elle sait secourir, par le temps qu’elle donne, Les faux pas que peut faire un pinceau qui tâtonne ; Et sur celle peinture on peut, pour faire mieux, Revenir quand on veut, avec de nouveaux yeux. […] Mais la fresque est pressante, et veut, sans complaisance, Qu’un peintre s’accommode à son impatience, La traite à sa manière, et d’un travail soudain Saisisse le moment qu’elle donne à sa main : La sévère rigueur de ce moment qui passe Aux erreurs d’un pinceau ne fait aucune grâce ; Avec elle il n’est point de retour à tenter, Et tout au premier coup se doit exécuter ; Elle veut un esprit où se rencontre unie La pleine connaissance avec le grand génie, Secouru d’une main propre à le seconder Et maîtresse de l’art jusqu’à le gourmander, Une main prompte à suivre un beau feu qui la guide, Et dont, comme un éclair, la justesse rapide Répande dans ses fonds, à grands traits non tâtés, De ses expressions les touchantes beautés. […] De même encore ce qui pourrait surprendre quand il a vu Tartuffe les bras tendus pour embrasser Elmire, c’est qu’il soit convaincu, c’est que ses yeux soient dessillés, c’est qu’avec trois mots Tartuffe ne le remette pas au pas et dans son erreur, La première fois que vous avez lu Tartuffe vous vous y attendiez, et vous étiez à peu près sûrs que Tartuffe allait dire : « Mon dessein » était droit et sans qu’on s’en émeuve On peut entendre assez qu’il n’était qu’une épreuve Par où le ciel voulait qu’on se pût assurer Des vertus de Madame et les bien admirer, Ou découvrir un fond de cœur qui fût moins sage ; Et peut-être on eut tort, traversant mon ouvrage, D’empêcher sûrement que l’on sût jamais rien Et d’ôter toute preuve ou du mal ou du bien. […] Passe encore pour Célimène, puisque Philinte dit d’elle qu’elle a « l’humeur coquette », ce qui peut faire l’erreur et l’excuser ; mais Elmire n’est point coquette du tout.

1637. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

La justice française n’est point diffamée dans la Bête humaine, elle est représentée telle qu’elle est avec ses qualités, mais aussi avec ses vices d’erreurs, de nonchalance, d’indifférence pour les intérêts qui résultent de son irresponsabilité. […] Peut-être, paraîtrai-je user d’une indulgence encore plus marquée pour moi-même ; peut-être, dans la longue série de monologues dont se compose tout livre, ai-je fait quelquefois, avec assez de résignation, la confession des autres, et moins volontiers la mienne, relevant surtout ce qui peut justifier mes actes, et plaidant les circonstances atténuantes des erreurs dont je ne saurais disconvenir.

1638. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Grave erreur, dont le premier châtiment est la peine de mort pour le roman, car, quoi qu’on en veuille dire, rien ne résiste à l’ennui, même les œuvres qui nous arrivent avec l’estampille de la Scandinavie. […] Ce sont les hommes, sans doute, qui nous coulent dans l’esprit cette erreur de la toute-puissance de l’amour, afin que nous ne les examinions pas de trop près. […] « Notre reconnaissance terminée, et cette fois sans qu’aucune erreur fut possible, nous revînmes au galop près du duc d’Aumale, et voici les paroles qui furent échangées dans cette scène demeurée historique : « — Monseigneur, dit Yusuf, c’est effrayant, mais il n’y a plus moyen de reculer.

1639. (1911) Études pp. 9-261

Nous découvrons ici l’erreur où l’engage son abstraction. […] C’est Lechy Elbernon qui leur inspire le crime : Lechy, la mutation personnifiée, le symbole de l’inconstance, du désordre, du dérèglement, de la désertion, du divorce ; actrice aux multiples visages, erreur et séduction : Et je m’en vais de lieu en lieu, et je ne suis pas une seule femme, mais plusieurs, prestige, vivante dans une histoire inventée90 ! […] Erreurs dont au reste la responsabilité pour une grande part incombe aux contemporains du poète.

1640. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Près de mourir, en 1804, elle écrivait à un ami particulier, à propos d’une visite importune et indiscrète qu’elle avait reçue : « Si vous croyez que M. et Mme R… pourront vous mettre au fait de nous, vous êtes dans l’erreur.

1641. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

La tragédie classique s’était bornée à représenter l’harmonie nécessaire et la collision accidentelle des idées morales, sur lesquelles se fondent les familles et les cités, et la comédie classique212, sans montrer ces vérités morales, mais en couvrant de ridicule les erreurs passagères qui sont leurs ennemies, n’avait honoré qu’elles encore, elles toujours, par cette espèce de sacrifice offert à leur divinité cachée.

1642. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

. —  Placé dans cet isthme de sa condition moyenne, —  sage avec des obscurités, grand avec des imperfections, —  avec trop de connaissances pour tomber dans le doute du sceptique, —  avec trop de faiblesse pour monter jusqu’à l’orgueil du stoïcien, —  il est suspendu entre les deux ; ne sachant s’il doit agir ou se tenir tranquille, —  s’il doit s’estimer un Dieu ou une bête, —  s’il doit préférer son esprit ou son corps, —  ne naissant que pour mourir, ne raisonnant que pour s’égarer, —  sa raison ainsi faite qu’il demeure également dans l’ignorance, —  soit qu’il pense trop, soit qu’il pense trop peu, —  chaos de pensée et de passion, tout pêle-mêle, —  toujours par lui-même abusé ou désabusé, —  créé à moitié pour s’élever, à moitié pour tomber, —  souverain seigneur et proie de toutes choses, —  seul juge de la vérité, précipité dans l’erreur infinie, —  la gloire, le jouet et l’énigme du monde.

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