La critique ne vise plus qu’à expliquer l’œuvre artistique ou littéraire : analyser les éléments qui la composent, rapporter chacun d’eux à son origine et trouver le pourquoi de leur combinaison : faire exactement la part des circonstances biographiques, de l’esprit du siècle, des dispositions de la race, isoler le plus possible ce résidu qui est plus grand dans les plus grandes œuvres, ce je ne sais quoi où l’on aboutit toujours, et qui est le génie individuel et inexpliqué. […] Rien n’est plus faux que certain rationalisme dans la critique religieuse, et c’est une puérile entreprise que de ramener les légendes merveilleuses des mythologies aux proportions des événements purement humains. […] Tite-Live amenant à la vraisemblance les fables des origines romaines, Voltaire expliquant Mahomet et Jésus-Christ et la Bible, sont plus éloignés de la vérité et de la saine critique, que l’âme simple qui croit et incline, sa raison.
. — Toutes mes critiques n’empêchent pas qu’il y ait chez M. […] Bernard Lazare Si les élégiaques déshonoraient les petits oiseaux, comme a dit un ingénieux critique, il (François Coppée) sut déshonorer mieux que cela, et sur le tombeau de la sensiblerie, il sut faire pousser les plus fameux tubercules. […] En lisant les appréciations de la critique sur son dernier drame, j’étais frappé de ce que beaucoup d’entre elles exprimaient ou supposaient de réserves, disaient ou ne disaient pas, en constatant, du reste, ce grand succès, le plus grand de ses vingt-cinq dernières années.
Bref il fait œuvre estimable d’historien ; même les qualités de perspicace, de connaisseur, aussi d’écrivain, qui lui sont nécessaires feraient de l’archéologue le plus désigné des critiques si sa familiarité avec, les œuvres anciennes ne le rendait un peu indulgent jusqu’aux plus inutiles copistes qu’il aime pour les originaux évoqués à sa mémoire érudite, conséquemment un peu sévère aux novateurs, et si ses habitudes scientifiques de travail complet où les œuvres sont étudiées non seulement morphologiquement, mais dès leurs genèses et jusqu’à leurs influences, ne lui interdisaient presque la besogne hâtive et jetée de la chronique salonnière. […] Le plus louable critique, en ce sens, demeurera Huysmans, qui, il y a douze et quinze ans, sonnait la gloire d’artistes qu’on croit trop, ici ou là, avoir découverts hier… Ces bons écrivains pratiquent la bonne méthode ; avec le minimum de préjugés, ou avec des préjugés qui me plaisent, ils disent le sentiment qui devant tel tableau les retint ; leur dire vaut par la délicatesse de leur tact, et la grâce de leurs racontars les plus philosophes intercalent quelques théories d’ensemble, intéressantes puisqu’ils sont intelligents. […] J’avais accepté d’écrire « un Salon », mais à la vérité les jugements que j’allais avancera la légère ne me parurent point, sur mes notes, différents de ceux des critiques indulgents aux modernes ; et par où j’en différais j’étais trop mal ferme en mes impressions pour être sûr d’avoir raison contre eux.
Il importe de distinguer entre les procédés intellectuels du psychologue et du critique et ceux de l’artiste. […] Le psychologue ou l’esprit critique constate alors seulement l’existence de ces réalités, maintenant inventées, les nomme et les classe. […] Les conceptions bovaryques sont donc fréquentes à toutes les époques de civilisation avancée : elles s’y montrent tributaires d’un défaut de critique.
L’indépendance des idées ne nous déplaît pas ; mais, à la place de notre contradicteur, nous n’aimerions pas sentir peser sur nous le démenti de tous ces grands hommes. « Mais, dira-t-il, la critique littéraire n’est pas affaire d’autorité, et que prouve l’opinion de tous ces gens réunis ? […] D’autres critiques nous ont également reproché de ne point mentionner la Bible. […] C’est ainsi qu’il a évité la description banale, incolore, la description générale, qui est haïssable, contre laquelle nous protestons à notre tour et que nous appelons « un genre faux », parce qu’elle constitue précisément alors ce faux naufrage » et ce « faux déraillement », que nous répudions aussi énergiquement que certains critiques, mais dans un tout autre sens.
Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues19, à proprement dire, qu’on lui doit. […] Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guères que la lettre morte de son talent et de son âme ; mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé.
Gilbert a rendu aux lettres, à la critique et à l’histoire, n’est pas l’édition de Vauvenargues, à proprement dire, qu’on lui doit. […] Quand on n’a que le livre d’un homme, on n’a guère que la lettre morte de son talent et de son âme, mais quand on étudie l’un et l’autre à la lumière d’une correspondance ou d’une autobiographie, on en tient réellement la lettre vivante, et la Critique peut hardiment se prononcer. […] La renommée qu’il doit à Voltaire tombera en miettes devant la Critique qui le touchera d’un doigt ferme, comme un vieux tableau pulvérisé.
Victor Hugo, — l’Incomparable, — à qui la Critique, dont la fonction est de mesurer tout le monde et de ne déifier personne, ose comparer un jeune homme qui, sans lui, ne serait pas, — et encore est-ce bien sûr ? […] Dans ce roman, le meilleur de son œuvre, Victor Hugo mêle la critique d’art au drame, comme dans ses autres romans il mêle à son drame la critique sociale, avec cette brouillonnerie indifférente et ce mépris de l’unité qu’il a en tout, ce majestueux Monsieur Sans-Gêne, qui se croit souverain et qui, tout en proclamant l’art pour l’art, a toujours fait de la littérature la servante de ses idées et de ses ambitions. […] » On ne l’entend pas ici, mais on le lit… et ce n’est qu’à la réflexion et quand on a refermé ce livre, comme on referme une solfatare, que le sens critique revient au lecteur qui le juge pour ce qu’il vaut, c’est-à-dire comme un tour de force exécuté dans le faux par un talent qui pouvait s’y tuer et qui n’en meurt pas, — du moins de cette fois, car on ne jouerait pas longtemps impunément à ce jeu.
Quand il parut, il y a quelques mois, et qu’attiré par ce titre que je m’obstine à trouver très-piquant et plein de promesses, je lus cette platitude qui voulait avoir de la pointe, je me laissai aisément persuader qu’il ne fallait attacher sur chose de cet ordre la cocarde d’aucune critique. […] Et maintenant que nous avons signalé le traquenard de son titre, nous n’ajouterions rien de plus sur le livre et sur son auteur, s’il n’y avait pas une question plus importante que l’auteur et son livre, et que ce livre impose à la Critique l’obligation de poser. […] ne craignons pas de l’affirmer, si la Critique, oubliant ses devoirs, n’intervient pas avec une cruauté salutaire et ne donne pas son coup de balai vengeur à cette dépravante littérature, non-seulement l’instinct littéraire, mais aussi l’instinct moral dans l’appréciation des œuvres de l’esprit, seront avant peu, tous les deux, entièrement perdus.
Portraits, ses Pages de critique et de doctrine. […] On le loue, on le critique, ce livre de salon, dans les salons, et on ne l’imite pas. […] Un de nos meilleurs critiques, M. […] Pour la critique d’avant Sainte-Beuve, un ouvrage de littérature était fonction d’un genre. […] Il secouait les philosophes par sa critique pénétrante et impitoyable.
Le critique a le devoir de les signaler à l’attention des foules. […] voilà quelques-unes des étiquettes que plusieurs critiques essayèrent de coller sur le nom de Renan. […] Jeune homme, ce n’est pas ainsi qu’on fait de la critique littéraire. […] Pour fonder la critique, on parle de tradition et de consentement universel. […] Mais ici, le ton est si personnel que la critique perd ses droits.
… Il faut que la critique soit extrêmement attentive, inquiète et complaisante. […] La critique peut aider à l’institution de l’ordre. […] La critique doit affirmer l’autonomie de la littérature. […] Et comme il sied à la critique de garder, en ses jugements, une prudente, une tremblante modestie ! […] Et il est alors le critique le plus avisé.
Des idées, cet esprit critique a passé aux sentiments. […] Eux aussi, l’esprit d’analyse et de critique leur a déchiqueté l’âme, et ils veulent réparer cette précoce usure. […] Le critique des Portraits est déjà né. […] Il justifiait ses critiques par des vues toujours ingénieuses et neuves, souvent profondes. […] De là les violences de sa critique, — violences qui nuisirent à son autorité.
. — Critique et apologie. — Genre de talent. […] L’ennemi était en forces ; l’Électeur de Bavière, avec un corps considérable de troupes, ayant joint le duc de Savoie, Catinat n’eut plus qu’à se tenir sur la défensive, et il parut, dans le reste de cette campagne, « prendre continuellement la leçon de ses adversaires et ne régler ses mouvements que sur les leurs. » C’est ainsi, du moins, qu’en jugeaient les critiques sévères. […] Je crois que M. de Feuquières pourra bien jouer des siennes et faire valoir des sentiments fondés sur des raisons bonnes pour ceux qui ne voient pas les choses… » Je ne me fais pas juge entre Catinat et Feuquières, ce serait une grande impertinence ; je ne me fais point le défenseur de Feuquières, ce n’est point mon rôle, et il y aurait à ceci de l’impertinence encore et, qui plus est, de l’injustice ; mais enfin, pour voir le double côté de la question, pour l’envisager à sa juste hauteur et la dégager autant que possible des personnalités dont elle est restée masquée jusqu’à ce jour, qu’on veuille supposer un instant ceci : il y a dans l’armée de Catinat un militaire, incomplet dans la pratique, mais d’un génie élevé, qui a, dès 1690, l’instinct et le pressentiment des grandes opérations possibles sur cet admirable échiquier de la haute Italie ; ce militaire, à tout moment, conçoit ce qu’on pourrait faire et ce qu’on ne fait pas ; il blâme, il critique, il raille même, il hausse les épaules, il est ce qu’on appelle un coucheur, et ce qu’on appelait alors être incompatible : tel était Feuquières, qui à des vues supérieures joignait, il faut en convenir, une malignité particulière. […] Mais on n’en est plus à deviner après cela quelles pouvaient être ses réponses aux critiques de Feuquières : si l’on prend la peine de chercher celles-ci dans les Mémoires de leur auteur, on aura sous les yeux les pièces du procès, et surtout (car c’est le seul point qui nous intéresse aujourd’hui) l’on verra nettement dans quelle catégorie de capitaines, dans quelle école et quelle famille d’hommes de guerre il convient de ranger Catinat. […] Il est difficile de ne pas être de l’avis de Feuquières dans la double critique qu’il fait de cette campagne, la première remontant à Louis XIV, la seconde s’adressant à Catinat qui se tint trop longtemps sur des hauteurs près de Pignerol et ne rayonna pas assez vivement.
La Chanson d’Antioche et la Chanson de Jérusalem (lre moitié du xiie siècle) donnent l’histoire peu scientifique et nullement critique, mais rien que l’histoire de la première croisade. […] C’est l’homme des circonstances critiques, qu’on met à l’avant-garde ou à l’arrière-garde, et qui fera toujours tout son devoir. […] Parla, il a convaincu tout le monde, et légitimé l’expédition : les croisés qui aimaient mieux aller à la croisade contre les Infidèles, ont tint par suivre ; les lecteurs, avant ces méticuleux critiques de nos jours, n’ont pas raisonné. […] Le jugement, la critique, la recherche des documents et le contrôle des témoignages y font trop défaut : ce ne sont pas des œuvres de science. […] Aussi, en toute circonstance critique, quand sa nef est en danger, ou quand l’armée est inquiète du sort du comte de Poitiers, Joinville a le remède : trois processions feront l’affaire, et avant la troisième, la nef sera au port, le comte aura rejoint l’armée.
En un mot, s’il n’était pas un homme d’État, j’oserais dire qu’il a en lui tout ce qu’il faut pour être, en toute matière, un excellent et consciencieux critique. […] Broussais, et de l’Othello traduit par M. de Vigny, honoreront la critique littéraire des dernières années de la Restauration. […] Je ne me permettrai d’exprimer qu’une seule critique pour la manière dont ces articles sont conçus et composés. […] « Avant d’employer un beau mot, faites-lui une place », a dit un critique excellent. […] À ces morceaux de critique, de premier ordre d’ailleurs, et si dignes de haute estime, il faut joindre l’Éloge du savant orientaliste M. de Sacy, prononcé par le duc de Broglie à la Chambre des pairs le 27 avril 1840, très bel éloge, très grave, religieux de ton, sobrement orné, et de tout point conforme au sujet.
Critique, qui avez l’honneur d’être pour la postérité du moment un nomenclateur, un secrétaire, et s’il se peut, un bibliothécaire de confiance, dites-lui bien vite le titre de ces volumes qui méritent que l’on s’en souvienne et qu’on les lise ; hâtez-vous, le convoi s’apprête, déjà la machine chauffe, la vapeur fume, notre voyageur n’a qu’un instant. […] Voilà l’erreur ; et c’est parce qu’il n’a pas le goût assez sûr pour discerner à l’instant ces nuances, que Marmontel n’est pas un véritable artiste, ni même un critique du premier ordre. […] La critique, au reste, n’a pas épargné Marmontel. […] Il serait injuste de renfermer tout Marmontel (hors des Mémoires) dans ses articles de critique, et de n’y pas joindre, dans un genre tout différent, un très petit nombre de Contes moraux où il fait preuve d’invention et d’une spirituelle analyse. […] Marmontel modeste, occupé, goûté, s’étant réduit sciemment à des genres secondaires, « à des genres d’écrire dont on pouvait sans peine, disait-il, pardonner le succès », vivait heureux et était même assez sage pour mépriser les critiques qui, de tout temps, l’avaient de loin harcelé.
L’esprit de critique est un esprit d’ordre ; il connaît des délits contre le goût et les porte au tribunal du ridicule ; car le rire est souvent l’expression de la colère, et ceux qui le blâment ne songent pas assez que l’homme de goût a reçu vingt blessures avant d’en faire une. On dit qu’un homme a l’esprit de critique, lorsqu’il a reçu du ciel non seulement la faculté de distinguer les beautés et les défauts des productions qu’il juge, mais une âme qui se passionne pour les unes et s’irrite des autres, une âme que le beau ravit, que le sublime transporte, et qui, furieuse contre la médiocrité, la flétrit de ses dédains et l’accable de son ennui. […] Suit une critique qui semblait amère et excessive alors, et qui n’est que trop justifiée aujourd’hui. […] Il y a le commencement et le pressentiment d’un grand écrivain novateur tel que Chateaubriand a paru depuis, d’un grand critique et poète tel qu’André Chénier s’est révélé : par exemple, il critique Delille tout à fait comme André Chénier devait le sentir.
C’est dire que derrière le plus petit fait avancé dans ces pages, derrière le moindre mot, il est un document que nous nous tenons prêts à fournir à la critique. […] Préface de l’Histoire de la société pendant le Directoire (1855)37 L’histoire de la Société française pendant la Révolution, n’a qu’à se louer du public et de la critique : le public l’a lue ; la critique en a parlé. […] François Barrière, qui, dans le Journal des Débats les a payés de deux années de veilles, et qui a bien voulu donner à leur travail historique l’autorité d’une critique compétente et presque d’un témoignage contemporain. […] Le public et la critique ont bien voulu nous tenir compte de notre travail : nous les en remercions.
Aussi l’histoire nous montre-t-elle l’effet civilisateur des arts sur les sociétés, ou parfois, au contraire, leurs effets de dissolution sociale. « Sorti de tel ou tel milieu, le génie est un créateur de milieux nouveaux ou un modificateur des milieux anciens. » L’analyse des rapports entre le génie et le milieu permet de déterminer ce que doit être la critique véritable. […] De plus, la qualité dominante du vrai critique, c’est cette même puissance de sympathie et de sociabilité qui, poussée plus loin encore et servie par des facultés créatrices, constituerait le génie. […] Il y a souvent, dit-il, chez les esprits trop critiques, un certain fond « d’insociabilité » qui fait que nous devons nous défier de leurs jugements comme ils devraient s’en défier eux-mêmes. Le « public », m’ayant pas de personnalité qui résiste à l’artiste, entre plus facilement en société avec lui, et son jugement est souvent meilleur, par cela même, que celui des critiques de profession. […] Les sociétés modernes ont un esprit critique qui ne peut plus tolérer longtemps le mensonge : la fiction n’est acceptée que « lorsqu’elle est symbolique, c’est-à-dire expressive d’une idée vraie. » La puissance de l’idéalisme même, en littérature, est à cette condition qu’il ne s’appuie pas sur un « idéal factice », mais sur « quelque aspiration intense et durable de notre nature ».
De même qu’en politique le vrai libéral veut la liberté non-seulement pour lui-même, mais encore pour ses adversaires, de même dans l’ordre de la pensée et de la foi on ne peut être assuré de posséder la vérité qu’à la condition de lui avoir fait subir toutes les épreuves de la critique. […] Affirmer un fait sur un témoignage quelconque, sans critique et sans examen, est contraire à toutes les lois de la logique. […] Ceux-là critiquent tout le monde, mais ils ne veulent pas qu’on les critique. […] Elle convient aux apologistes aussi bien qu’aux critiques et aux adversaires, car nul n’oserait avouer qu’il croit à la religion sans avoir de bonnes raisons, et qu’il choisit telle raison plutôt que telle autre sans savoir pourquoi. […] Sans doute si le texte a le sens que l’on dit, il faut dès lors cesser d’examiner et substituer tout à coup la croyance à la critique ; mais cela n’est vrai que pour ceux qui lui donnent ce sens ; pour ceux-là seulement il serait impie de continuer à examiner.
Il a publié une Histoire légendaire de sainte Élisabeth de Hongrie, où il y a de belles pages, mais aucune critique, même relativement parlant. […] Ce dernier est tombé définitivement au xvie siècle, et il s’en est suivi une anarchie devant laquelle se sont essayées toutes les philosophies critiques et subversives.
— Ce même n° de la Revue des Deux Mondes peut montrer combien l’invention devient rare et combien la critique est obligée de se replier et de vivre sur soi : ce sont des amis qui se prennent à parti et s’analysent : Lerminier sur Quinet, Rémusat sur Jouffroy, Sainte-Beuve sur Daunou. — Nous faisons cette remarque, non point pour nous plaindre, car nous nous accommodons très-bien de ces judicieux et ingénieux retours, mais il est impossible de ne pas voir que la critique, qui a besoin de pâture et qui ne trouve guère où fourrager, se replie en pays ami.
Elle fit une critique sanglante de tout ce qu’auparavant elle avoit admiré le plus. […] Et guidera Folie l’aveugle Amour, & le conduira par tout où bon lui semblera ; &, sur la restitution de ses yeux, après en avoir parlé aux Parques, en sera ordonné. » Clémence de Bourges mêla dans toutes ses critiques beaucoup de personnalités.
Ce n’est pas que je regrette de ne l’avoir pas fait plus tôt, parce que, si je m’étais battu une ou deux fois, je suis bien certain que la critique ne friserait pas l’insulte, ainsi qu’elle le fait parfois avec moi. […] À cet âge, en littérature généralement les injures s’arrêtent, et il en est fini de la critique insultante. […] C’est chez nous l’incomparable Molière, et Dieu sait que presque tout son théâtre, ses scènes célèbres, ses mots que tout le monde a dans la mémoire, c’est presque toujours un vol, vol dont les critiques lui font un mérite, mais moi, non. […] cette critique d’Hennequin, comme elle n’est pas faite pour un cerveau français, et comme le mot de mon frère, sur Feuillet : Feuillet, le Musset des Familles, m’en apprend plus sur le talent du romancier de l’Impératrice, que quarante-cinq pages de critique scientifico-littéraire. […] Il passe à la critique théâtrale, mais ses éreintements sont entremêlés de tant de demandes de loges pour des femmes légères, qu’au bout de quelques mois, il avait fâché le journal avec tous les directeurs de théâtre.
Sur le théâtre classique, sa critique est étonnamment révélatrice. […] Tant Weiss est un critique créateur et tant il souffle de pensée aux œuvres qu’il aime ! […] Nous le verrons tout à l’heure, et cela nous aidera à éclaircir le cas de l’audacieux critique. […] Germain qu’une critique un peu sérieuse. […] Mais cette unique critique, ce n’est point en mon nom que je la fais.
La voix publique étant unanime, il dut renoncer au théâtre pour toujours, et il ne résista pas à l’avis de la critique. […] Est-ce que, par hasard, le traducteur et le critique ne seraient qu’une seule et même personne ? […] Nous aurions eu sur la seconde moitié du dix-huitième siècle un livre où la critique sociale aurait tenu autant de place que la critique philosophique où poétique, un livre qui fût devenu plus familier aux hommes du monde qu’aux gradués des Universités. […] Quand la critique eut désigné du doigt le mérite incontestable du recueil, le public se rangea sans répugnance à l’avis de la critique ; puis tout fut dit, ou, pour parler plus nettement, tout fut oublié. […] La critique européenne, et en particulier la critique française, n’ont pas encore secoué leurs vieilles habitudes.
Le jugement fut des plus sévères, si sévère même, que quelques vers échappèrent seuls à la critique. […] Ce préjugé, l’ingénieux et satirique Despréaux l’avait fait admettre, et les jugements du critique parurent longtemps sans appel. […] C’est une critique des plus amusantes des manières affectées, du langage ridicule et des modes outrées. […] Ses comédies sont une critique agréable des ridicules de son siècle. […] A la fin du repas, il lui poussa quelques critiques amères sur la pièce, le mettant au défi de les rétorquer.
Si le roman s’emploie à nous montrer ce que nous sommes, la critique s’emploie à nous montrer ce que nous avons été. […] Un acte d’action extérieure ne suffit pas à nos critiques ! […] Or, en dépit des protestations de maints critiques, la gloire du tragique continue à participer de la gloire de Port-Royal. […] Il : L’Âge critique (1911-1912), Gallimard, coll. « Bibliothèque des Idées », 1986, p. 140. […] La pièce a été créée par Lugné-Poe le 9 mai 1901 ; mal accueillie par la critique et le public, elle ne fut jouée qu’une fois.
Nous arrêterons ici nos critiques, la suite de la doctrine dépassant désormais l’objet de la psychologie descriptive. […] De même sur la méthode : Bonald pratique à toute occasion, et sans aucun esprit critique, l’étymologie des significations [ch. […] [Maine de Biran (1766-1824) : la référence précise de l’Examen critique des opinions de M. de Bonald est le t. […] III, p. 279 (2e éd., 1875) Critique philosophique, 10 juin 1875, p. 308. […] Revue critique, 25 décembre 1875, p. 406, note.
» Le Journal des Débats montra moins d’indulgence3 ; ce journal, dans son premier brillant, avec son état-major critique au complet, était alors en tête de la réaction classique, et contribuait à réduire à l’ordre le mouvement d’insurrection littéraire qui s’essayait à la suite des révolutions politiques. […] Un critique d’un bon sens spirituel, M. […] Ç’a été volontiers de tout temps mon habitude et ma méthode de critique : je cherchais à m’effacer, à m’oublier ; je n’étais plus chez moi, j’étais chez un autre pour une quinzaine, ou mieux, j’étais cet autre même et l’on m’aurait pu prendre pour son second. […] J’acquis dans cette circonstance des lumières qui me furent très-utiles, sur l’esprit de parti, sur le peu de profit que tirent les vrais littérateurs et les esprits critiques à se mêler à des groupes politiques toujours plus ou moins intolérants ; car il faut, d’un côté ou d’un autre, se fermer des vues et consentir absolument à condamner des jours à son intelligence. […] Il s’écrie dans la préface des Tristes (1803) : « Lisez les belles pages de Gleïzès et de Ballanche, et ne dédaignez pas une ébauche de Michel-Ange parce que ce n’est qu’une ébauche, etc. » — Plus tard Nodier fit des articles sur Antigone (voir au tome Ier de ses Mélanges de Littérature et de Critique, page 267).
On peut être littérateur aussi, sans devenir un érudit critique à proprement parler ; le métier et le talent d’érudit offrent quelque chose de distinct, de précis, de consécutif et de rigoureux. […] Sa critique, c’est bien souvent une vraie guerre de guérillas, une Fronde qui fait échec aux grands corps réguliers de la littérature et de l’histoire. […] On aurait à multiplier les remarques de ce genre à propos de la critique de notre ingénieux et poétique érudit. […] Au tome Ier, page 205, et au tome II, page 429, des Mélanges de Littérature et de Critique de Charles Nodier, recueillis par Barginet (de Grenoble), 1820. […] Recueillis au tome II, pages 353 et suiv. de ses Mélanges de Littérature et de Critique, 1820.
Elle nous donne des romans pessimistes, des drames pessimistes, des poèmes pessimistes, des œuvres de critique pessimiste ; et déjà M. […] À cet égard, d’ailleurs, bien des critiques sérieuses leur avaient été faites depuis longtemps. […] Mais c’est un froid égoïste, qui ne peut que blesser le sentiment et inspirer de l’aversion. » Wagner fut bouleversé de cette critique. […] Non seulement il les convainquit, mais il put leur démontrer que leurs critiques mêmes étaient une preuve en faveur de sa conception première. […] 3° Tristan et Isolde, et la critique en 1860 et en 1865.
Et afin que ce que je dirai ici sur des hommes dont je suis un peu le collègue, comme membre de l’Académie française et de l’Institut, ne puisse étonner personne, je définirai ma situation en deux mots : Je suis critique, et, en avançant dans la vie, j’ai le malheur de sentir que je m’attache de plus en plus au vrai en lui-même et que je n’entre plus dans le jeu. […] Jouffroy (car, avec tout mon désir de le laisser en dehors de cette critique, je ne puis tout à fait l’omettre), Jouffroy n’avait rien du comédien et était sérieux ; il a fini par mourir de ce qui a fait vivre les autres. […] Il avait une langue pure, facile et pleine, une perception vive et pénétrante de la nature, un tour d’imagination assez romanesque, et un sentiment exquis de critique littéraire : il aurait pu se porter sur plus d’un sujet qui eût du corps, s’y reposer du moins et s’y refaire dans les intervalles de ses soliloques psychologiques trop prolongés. […] La rhétorique est proprement justiciable de la critique littéraire, et M.
Ginguené le premier se distingue bien méritoirement dans les études critiques sérieuses et suivies, qui vont s’ouvrir pour ne plus cesser. […] Dante y tient une grande place ; Ginguené l’analyse, l’explique, le loue ou le critique en toute connaissance de cause ; et, sans rompre ouvertement en visière avec la façon légère et irrévérente du xviiie siècle, il tend à la détruire par l’exposé même des faits, et à nous transporter peu à peu et comme par une montée unie dans l’intelligence de ce difficile poète. […] Aujourd’hui en France, l’étude critique de La Divine Comédie, inépuisable dans le détail, est fixée quant à l’ensemble et a comme donné son dernier mot. […] Ce que Vico avait dit ingénieusement de Dante considéré par lui comme une sorte d’historien idéal, une étude critique et une élaboration attentive de chaque ordre de faits l’ont vérifié rigoureusement et confirmé.
Pourtant, si je prends l’un de ses derniers Éloges, celui de Spontini, par exemple, il y a des endroits d’une belle et large critique ; les phases du talent de l’artiste y sont bien distinguées et déterminées ; tout cela a de l’ampleur et du mouvement, tout cela marche. […] Nul embarras : un désir de plaire assez marqué, mais justifié à l’instant même et de la meilleure grâce ; de la fertilité, de l’enjouement ; d’heureuses comparaisons prises dans l’art qui lui était le plus cher, dans la musique, et qui piquaient par l’imprévu et par l’ingénieux : — ainsi, dans la notice sur l’architecte Abel Blouët, la place de l’artiste au cœur modeste, à la voix discrète, comparée au rôle que joue l’alto dans un concert (« Un orchestre est un petit monde, etc. ») ; — des anecdotes bien placées, bien contées, des mots spirituels qui échappent en courant ; — ainsi dans la notice sur Simart, à propos des rudes épreuves de sa jeunesse : « Simart, après avoir été misérable, ne fut plus que pauvre et se trouva riche » ; — savoir toujours où en est son auditoire et le tenir en main et en haleine ; ne pas trop disserter, et glisser la critique sous l’éloge ; s’arrêter juste et finir à temps. […] « La Juive, a dit un critique, a été jouée entre Robert-le-Diable et les Huguenots : la postérité lui gardera cette place. » Mais pourquoi les contemporains ne la lui ont-ils pas mieux gardée ? […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.
prenez-le comme vous voudrez ; l’âge, du bonhomme, — un spirituel critique l’a baptisé très-heureusement le Bonhomme Jadis, — qui a tant goûté en son temps aux fruits d’amour et qui n’en est pas encore tout à fait sevré, permet de croire sur ce point à un léger et charmant radotage, à une confusion de souvenir bien excusable, au milieu des conseils pratiques excellents, mais un peu vagues, que ce vieux Nestor anacréontique est venu donner. […] Un critique distingué13 a récemment parlé d’une manière fort remarquable de ce livre de Daphnis et Chloé. […] Chassang, qui paraît être d’avis que c’est bien une méprise et qu’il n’y a pas de Longus. — Je dois dire pourtant que cette conjecture, dès longtemps émise par Schoell, et qui s’appuie d’une citation légèrement inexacte, a paru invraisemblable à l’excellent critique Frédéric Jacobs, et qu’elle le paraît également à un savant grec, philologues des plus précis et des plus sagaces, qui s’occuper en ce moment à donner à son tour une édition critique de la jolie pastorale, le docteur Piccolo.
Sainte-Beuve, à cause d’une critique de goût et toute littéraire qu’il contenait à l’adresse de M. l’évêque de Montpellier. […] Merci donc pour ce cri d’autrefois, dussé-je vous trouver injuste pour le critique trois fois indulgent, dont la sévérité habituelle a fléchi à mon égard. Mais vous, vous n’êtes pas un critique, vous êtes le frère aîné de cette jeune École à laquelle vous survivez. — Nos cœurs, du moins, s’entendent toujours, et le mien vous remercie. — Sainte-Beuve. » — Et ici une parenthèse et une note se rapportant au critique dont il vient d’être question dans la lettre : « Il s’agissait, dit en renvoi M.
Un de nos amis les plus chers, qui, pour être romantique, à ce qu’on dit, n’en garde pas moins à Racine un respect profond et un sincère amour, a essayé de retracer l’état intérieur de cette belle âme dans une pièce de vers qu’il ne nous est pas permis de louer, mais que nous insérons ici comme achevant de mettre en lumière notre point de vue critique. […] Comment n’a-t-il pas deviné, se dit involontairement la critique questionneuse de nos jours, que l’emploi de ce style sincèrement dramatique, qu’il venait de dérober à Molière, n’était pas limité à la comédie ; que la passion la plus sérieuse pouvait s’en servir et l’élever jusqu’à elle ? […] il ne s’agissait que d’achever la fusion ; l’œuvre de réforme dramatique qui se poursuit maintenant sous nos yeux eût été dès lors accomplie. — C’est que, sans doute, dans la tragédie telle qu’il la concevait, Racine n’avait nullement besoin de ce franc et libre langage ; c’est que les Plaideurs ne furent jamais qu’une débauche de table, un accident de cabaret dans sa vie littéraire ; c’est que d’invincibles préjugés s’opposent toujours à ces fusions si simples que combine à son aise la critique après deux siècles. […] On remarquera que dans ses tours il conserve par moments des traces légères d’une langue antérieure à la sienne, et je trouve pour mon compte un charme infini à ces idiotismes trop peu nombreux qui lui ont valu d’être souligné quelquefois par les critiques du dernier siècle.
Il y a nombre de ces prix ou de ces accessits sur lesquels la critique de nos jours, qui n’a plus le sentiment de ces fautes et de ces demi-fautes, est tout à fait incompétente à prononcer. […] Une pareille inadvertance n’est fâcheuse que pour le critique qui y tombe. […] Il s’abandonnait à ses amis ; il ne s’irritait jamais des critiques du dehors ; il cédait outre mesure aux conseils du dedans ; dès qu’on lui disait de corriger, il le faisait. […] Un critique ingénieux l’a exprimé plus énergiquement que nous : « Millevoye a fait de charmantes choses, mais la force lui manque ; c’est Narcisse qui s’écoule en eau par amour. » 161.
Il faut que la Critique se tienne ferme ici… Parce que l’auteur, à la plume leste, de Monsieur et de Madame, devient père et qu’il se purifie au seul souffle de son enfant, il ne change pas de nature pour cela, et, je l’ai dit plus haut, sa nature est épicurienne. […] Gustave Droz ne pouvait avoir une conception plus élevée du sentiment paternel qu’il ne l’a eue dans ces pages émues, dont j’ai partagé l’émotion, et que je juge après l’avoir partagée ; mais cette conception qu’il ne pouvait avoir, la Critique ne devait pas moins la lui montrer… Je vais finir par une chose triste. […] C’est un romancier de passion et de mœurs, qui, dans la conception de sa première œuvre, a montré une force de tête sur laquelle la Critique n’avait aucun droit de compter. […] Aussi en a-t-il marqué l’imagination et le cœur de son héroïne, tout en la sauvant de la tache de l’adultère, de cette tache dernière qui fait se rejoindre toutes les autres et n’en fait plus qu’une seule de toutes, — et ceci, disons-le pour ceux qui creusent les choses et ne font pas de la critique à fleur de peau, ceci est réellement d’un Maître dans l’art des nouveautés et des inventions.
On les critique peu parce qu’on les lit moins. […] Oublions surtout qu’il existe un nombre bien grand d’œuvres romanesques qui ne méritent pas une critique moins sommaire. […] Ces observations, ces rapprochements que j’indique ici rapidement, et qui sont du domaine de la critique élémentaire, un lecteur véritable doit les faire, et un livre de mérite doit les provoquer. […] Veuillez me suivre dans ce domaine moins familier aux critiques superficiels, et où se rencontrent cependant les plaisirs les plus vifs d’un lettré, les originalités les plus fortes d’un écrivain.
La filiation de cette poésie jusqu’à nos temps les plus modernes, la tradition tour à tour naïve ou raffinée qu’ont exploitée dans l’Europe du Nord tant de talents célèbres, les nouvelles créations ou du moins les nouvelles théories sorties de cette libre étude, ont trouvé d’habiles interprètes et d’habiles critiques. […] On sait que Gray, déjà classiquement érudit, et plein du spectacle et des souvenirs littéraires de la France et de l’Italie, avait passé six années dans la lecture assidue des écrivains grecs, projetant une édition critique de Platon, puis de Strabon, philologue, métaphysicien, historien, géographe, et alliant la patience continue des recherches aux rares saillies de l’enthousiasme. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression. Ce chant fini, il se précipite du sommet de la montagne, et disparaît englouti par la rivière qui coule à ses pieds. » « Dans la réalité, dit le critique, ce plan était plus beau ; mais le poëte n’a pu le remplir, parce que les exemples d’élévation et de liberté dont il aurait eu besoin lui manquaient.