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655. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Montesquieu nous le laisse à chercher, au risque de ne le trouver pas et, en attendant, de décider de la chose à la légère. […] Et pourquoi l’y chercherais-je au prix que d’Alembert y met, à force de lectures « répétées et opiniâtres ?  […] Montesquieu connaissait son lecteur ; il lui avait appris tout le premier à chercher dans les livres le plaisir sans la peine. […] Mais le plaisir de Montesquieu, si l’on songe où il l’a cherché, est plutôt d’un stoïcien que d’un épicurien, et pour rappeler sa comparaison de Rollin avec une abeille, lui aussi est une abeille qui a bien mérité de prendre sa part de son miel. […] Il donne les raisons des lois ; il en laisse chercher la morale à l’hésitation du lecteur.

656. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

On n’y va pas chercher la vérité littéraire et la durée. […] Le théâtre de l’esprit encyclopédique, ce sont les salons, — je ne veux pas dire les cafés, invention du dix-huitième siècle ; — ce sont ces salons présidés par des Phrynés honoraires, où, sous prétexte de chercher les principes nouveaux, on se débarrassait des devoirs ; où, dans le plus grand relâchement des mœurs, on poursuivait la destruction des abus ; où, croyant s’éclairer, on ne faisait guère que s’entre-corrompre. […] J’ai peur qu’un homme qui a cherché si loin le bien à faire n’ait pas fait tout le bien qui était à sa main. […] Ni les ardeurs combattues de Didon, ni les langueurs d’Épicharis n’ôtent du prix à la peinture de Virginie perdant la sérénité et le sourire, gaie tout à coup sans joie et triste sans chagrin, n’osant plus arrêter ses yeux sur ceux de Paul, se dérobant à ses caresses qu’autrefois elle cherchait, s’éloignant de la maison, fuyant dans la solitude pour éviter Paul et ne s’y trouvant que plus en sa présence ; puis revenant auprès de sa mère, « pour lui demander un abri contre elle-même », et se dérober dans son sein à l’image aimée dont elle n’ose plus parler. […] Sans doute, beaucoup de ces pages qui ont ébloui nos pères sont aujourd’hui ternies, comme certains tableaux où, pour avoir trop cherché l’effet de la fresque, l’artiste a manqué les tons solides de la peinture à l’huile.

657. (1890) L’avenir de la science « XXII » pp. 441-461

Qui n’a senti, à certains moments de calme, que les doutes qu’on élève sur la moralité humaine ne sont que façons de s’agacer soi-même, de chercher au-delà de la raison ce qui est en deçà et de se placer dans une fausse hypo-thèse, pour le plaisir de se torturer ? […] Chercher au-delà et douter des bases de la nature humaine, c’est s’agacer à dessein, c’est s’irriter la fibre sensible pour le plaisir équivoque qu’on trouve à se gratter. […] La morale est aussi absente du monde d’insectes qui s’agite dans une pièce d’eau, et pourtant quel ravissant intérêt à voir ces gyrins dorés, qui tournent au soleil, ces salamandres qui courent au fond, ces petits vers qui s’enfoncent dans la vase pour y chercher leur proie. […] Chercher, discuter, regarder, spéculer, en un mot, aura toujours été la plus douce chose, quoi qu’il en soit de la réalité 198. […] Ce n’est pas à eux de révéler à l’humanité la loi qu’elle cherche.

658. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — I. (Dialogues inédits.) » pp. 1-28

Mirabeau n’en profita dans les premiers temps, et aux heures qu’il n’employait pas à l’étude, que pour chercher quelques distractions auprès d’une personne assez vulgaire, appartenant à la classe moyenne, et qui ne nous est connue que sous le nom de Belinde. […] Vous êtes prisonnier d’État, vous vous perdriez si vous alliez chercher une affaire loin des lieux où vous êtes relégué ; vous me perdriez moi-même ; on croirait que vous avez reçu le prix de ce service dangereux, et que j’ai été assez vire pour l’exiger. […] Alla-t-il chercher Montperreux, ou employa-t-il quelque autre moyen ? […] Pourtant des bruits vagues commencent à se répandre parmi les gens de la maison, et il devient urgent de lui chercher un autre asile. […] Ou plus loin qu’ils le virent, le cocher, chef de la bande, dit à la marquise : « Vous voyez bien, madame, qu’il y avait quelqu’un. » Mais Mirabeau vient à leur rencontre d’un air à les faire repentir de leur obstination ; et voilà que commence une de ces scènes de haute comédie et de théâtre où il était passé maître : « Que venez-vous chercher ici ? 

659. (1856) Les lettres et l’homme de lettres au XIXe siècle pp. -30

Mais sans aller chercher si loin nos titres de noblesse, jetons un coup d’œil rapide sur ce qu’a été jusqu’ici dans notre pays la condition des écrivains, afin de mieux comprendre ce qu’elle est, ce qu’elle doit être au xixe  siècle. […] La France donna alors le magnifique spectacle d’une nation tout entière qui cherche de bonne foi le vrai et le juste, et ne reconnaît en toute chose d’autorité que la raison. […] De tout temps les gens de lettres ont pu tirer de leurs travaux un légitime bénéfice : aujourd’hui ils y cherchent un revenu régulier, une fortune. […] D’autres, viveurs joyeux et splendides, ouvrent à certaines heures leur atelier d’écrivains : alors, s’ils osent être sincères, ils restent vulgaires et grossiers ; s’ils cherchent à élever leurs livres au-dessus d’eux-mêmes, ils demandent à leur imagination seule des pensées nobles qu’une vie sensuelle leur refuse. […] Faute de Corneille, Napoléon chercha à prendre Ducis : l’oiseau sauvage 5 sut échapper aux embûches bienveillantes du tout-puissant chasseur.

660. (1896) Matière et mémoire. Essai sur la relation du corps à l’esprit « Résumé et conclusion »

Je vais donc être obligé de chercher dans cette image que j’appelle mon corps, et qui me suit partout, des changements qui soient les équivalents, cette fois bien réglés et exactement mesurés les uns sur les autres, des images qui se succèdent autour de mon corps : les mouvements cérébraux, que je retrouve ainsi, vont redevenir le duplicat de mes perceptions. […] Elle implique, au contraire, une tension plus ou moins haute de la conscience, qui va chercher dans la mémoire pure les souvenirs purs, pour les matérialiser progressivement au contact de la perception présente. […] Mais on peut aller plus loin, et prouver, par l’observation encore, que jamais la conscience d’un souvenir ne commence par être un état actuel plus faible que nous chercherions à rejeter dans le passé après avoir pris conscience de sa faiblesse : comment d’ailleurs, si nous n’avions pas déjà la représentation d’un passé précédemment vécu, pourrions-nous y reléguer les états psychologiques les moins intenses, alors qu’il serait si simple de les juxtaposer aux états forts comme une expérience présente plus confuse à une expérience présente plus claire ? […] C’est en la subtilisant au contraire, c’est en la faisant tour à tour dissoudre en sensations affectives et évaporer en contrefaçons des idées pures, que nous obtenons ces sensations inextensives avec lesquelles nous cherchons vainement ensuite à reconstituer des images. […] Ainsi, par l’idée de tension nous avons cherché à lever l’opposition de la qualité à la quantité, comme par l’idée d’extension celle de l’inétendu à l’étendu.

661. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Ce galimatias d’un faux bel-esprit est le plus bel éloge de Racine : on y voit un fanatique de Corneille qui cherche à se défendre de l’admiration pour son rival par les plus misérables sophismes ; qui cherche un je ne sais quoi, et ne sait ce qu’il cherche ; qui demande du grand, tandis que le rôle d’Andromaque en est plein ; qui veut quelque chose de plus dans les passions et les sentiments, tandis qu’Hermione et Oreste sont, en ce genre, ce qu’il y a de plus sublime. […] Racine ne cherchait point à plaire à des esprits faux et frivoles, il n’était point à l’affût des modes ; il ne sacrifiait pas le bon sens et la vérité au ton du jour. […] Cherchez dans toutes les tragédies de Voltaire un coup de théâtre aussi frappant. […] Il chercha dans l’Écriture un autre sujet qui fut encore plus susceptible des grandes beautés tragiques, et il eut le bonheur de le trouver. […] Rien n’est plus suspect que l’érudition de Voltaire : ce n’est pas chez lui qu’il faut chercher la vérité, et c’est aussi ce que la plupart des lecteurs cherchent le moins ; on lit pour s’amuser, et non pas pour s’instruire.

662. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

Je crois que nos vilaines brumes du Nord seront le dernier horizon que chercheront mes yeux. […] Au rebours de la plupart de ses camarades, il chercha la réponse aux questions qui l’obsédaient non pas dans les beaux traités de M.  […] L’oiseau volète autour de l’arbre ; de ses petits yeux perçants, il cherche l’endroit où il commencera son rude travail. […] Le philosophe a cherché passionnément le mot de l’éternel mystère. […] Mais, loin de la cohue vociférante des foules, il a cherché une retraite propice aux rêves délicats et aux extases choisies.

663. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Ce sont sans doute des anecdotes dues à la malveillance de ses adversaires, qui cherchent à discréditer ou à ridiculiser ses protestations. […] C’est parmi eux sans doute que se recrutent ces politiciens félins, qui cherchent à réussir en triomphant de leurs adversaires et en collectionnant leurs papiers compromettants. […] Ce faux respect des morts aboutit quelquefois à des conséquences tout à fait contraires à celles que cherchent ceux qui prennent si maladroitement leur défense. […] Certes l’écrivain, de même que le savant, ne cherche pas, en principe, à faire une fortune avec ses livres. […] Chacun cherche à s’excuser, à accuser, à imposer sa sophistique par les moyens modernes de la publicité.

664. (1890) L’avenir de la science « X » pp. 225-238

Je ne fais pas ici une de ces objections banales, tant de fois répétées depuis Montaigne et Bayle, et où l’on cherche à établir par quelques divergences ou quelques équivoques que certains peuples ont manqué du sens moral. […] On chercherait en vain dans cet éternel devenir l’élément stable, auquel pourrait s’appliquer l’anatomie. […] Il n’est plus lui-même lorsque, sortant de l’appréciation critique, il cherche à produire sur le modèle des œuvres dont il relève judicieusement les beautés. […] Nous nous cherchions et tu nous as révélés à nous mêmes. » Admirable dialogue de l’homme de génie et de la foule ! […] Il ne faut pas chercher d’autre sens à tant d’études dont le passé est l’objet.

665. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 novembre 1885. »

Comme penseur, il avait quelque chose du démon qui cherche à concevoir l’ange par la force de l’intellect, et qui, malgré ses étonnantes facultés soutire sous le poids de sa nature et aspire à la délivrance. […] Parsifal, ému de joie et de reconnaissance, — car pendant des années il avait vainement cherché à retrouver le chemin du Saint-Graal, — s’est rassis au bord de la source. […] Dans l’ensemble de l’œuvre, un art plus savant, plus cherché, avec moins de vigueur, d’inspiration spontanée. […] Et ce qui rend plus frappante l’analogie avec la philosophie de Schopenhauer, que Wagner ignorait lorsqu’il écrivit cette scène, c’est que Wotan cherche cette Volonté, qui est sienne, dans les rochers, qu’il l’évoque « hors des nocturnes fonds » de la terre. […] Il cherche à appliquer la théorie de l’évolution à tous les domaines de la pensée et à créer un système global qui relierait tous les domaines de la connaissance.

666. (1856) Cours familier de littérature. I « VIe entretien. Suite du poème et du drame de Sacountala » pp. 401-474

Voyez en moi un pauvre homme, qui, avec son filet et ses hameçons, cherche, au moyen de la pêche, à soutenir sa nombreuse famille. […] C’est en vain qu’il cherche le repos sur sa couche tourmentée, où, durant la nuit entière, il ne peut goûter un seul instant les douceurs du sommeil. […] C’est un enfant (mais un enfant qui déjà semble déployer la vigueur d’un homme) ; il se révolte contre deux jeunes filles de l’ermitage qui cherchent en vain à le faire obéir. […] En vain la conscience agitée se replie sur elle-même ; Bavahbouti va y chercher le crime et le remords, qu’il traîne au grand jour. Tel un guerrier redoutable arracherait aux profondeurs du sanctuaire le criminel qui voudrait y chercher un asile.

667. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre IV. Le mécanisme cinématographique de la pensée  et l’illusion mécanistique. »

Si l’on cherche la raison de ce fait, on la trouve précisément dans l’élément affectif, social et, pour tout dire, pratique, qui donne sa forme spécifique à la négation. […] Une fois en règle de ce côté, nous cherchons simplement à nous représenter le plan d’ensemble de chacun de ces mouvements complexes, c’est-à-dire le dessin immobile qui les sous-tend. […] Que si maintenant on cherchait à caractériser avec plus de précision notre attitude naturelle vis-à-vis du devenir, voici ce qu’on trouverait. […] Je vais donc me concentrer tout entier sur la transition et, entre deux instantanés, chercher ce qui se passe. […] La différence essentielle, originelle, doit donc être cherchée ailleurs.

668. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

Ils cherchèrent même à prouver qu’une telle conduite ne pouvait être que celle d’un hérétique. […] Molière chercha dans la tranquillité de son intérieur un remède à sa douleur. […] On en cherche en vain dans ses assertions. […] Il ne faut donc pas chercher à se dissimuler que Racine eût les plus grands torts envers son bienfaiteur. […] Son plus sûr moyen était donc de chercher à déguiser son style : c’est le parti qu’il prit en cette occasion.

669. (1884) La légende du Parnasse contemporain

Il y a tix ans gue che fus cherche, mon cher ! […] J’ai vu le moment où on allait le chercher à l’Odéon pour me venir tenir compagnie dans le cachot. […] à mystérieusement chanté dans une langue douce et claire comme un crépuscule toutes les amères angoisses de l’âme qui cherche l’amour, de l’esprit qui cherche le beau ? […] On cherchait, on voulait deviner, on se perdait en conjectures. […] Je la cherche, et bientôt, quand j’aurai dit : c’est elle.

670. (1900) Molière pp. -283

Il y a deux portions dans cette vie, la portion obscure et la portion glorieuse ; cherchez dedans un temps de bonheur : vous ne l’y découvrirez pas. […] Vous n’avez qu’à vous rappeler L’Avare, L’Étourdi, où il va chercher un dénouement à Alger, et maint autre exemple. […] Il y a bien des manières d’observer ; Molière ne cherche pas l’observation fine et subtile ; il n’essaye pas de fouiller les replis perdus du cœur humain : non, il suit une voie large, une grande voie. […] Si je voulais chercher l’explication des œuvres de génie, comme l’ont fait les Allemands, dans « la race, le milieu et le moment », je ne pourrais pas dire où il l’a pris, ce mot. […] Eh bien, vous verrez là Beaumarchais allant chercher Clavijo en Espagne pour le forcer à épouser Marie Beaumarchais : il y a là des débordements infinis de tendresse, desquels Dom Carlos n’éprouve rien.

671. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — P.-S. » pp. 38-40

L’évêque alla sur-le-champ chercher un de ses sermons et le lut. […] Il n’y a pas de fumée sans feu, et comme dit le proverbe du Midi : « Quelque chose il y a, quand le chien aboie. » Nier tout me paraît donc bien difficile ; j’ai cherché l’explication morale, à la fois la plus douce et la plus naturelle.

672. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Quant aux bancs des académiciens, les honorables membres y étaient fort irrégulièrement semés ; on cherchait beaucoup de fronts illustres qu’on n’y trouvera plus : la mort, depuis quelques mois, a cruellement sévi. — M. de Chateaubriand n’y était pas. […] Ils disent des banalités avec un air de finesse qui semble promettre ; on cherche, on attend, et rien n’arrive.

673. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Tel est l’effet magique de ces petits chefs-d’œuvre venus à leur moment : ils sont comme un miroir où chacun se reconnaît et apprend, pour ainsi dire, à se nommer ; on se fût cherché sans cela vaguement, bien longtemps encore, sans se bien comprendre ; mais voilà qu’on se regarde à l’improviste dans un autre, dans le grand artiste de la génération dont on est, et l’on s’écrie tout à coup : C’est moi, c’est bien moi ! […] L’auteur a cherché, sous ces beaux noms étrangers et chevaleresques, à consacrer et à immortaliser une flamme rapide de passion qu’il avait lui-même ressentie et exhalée à son passage dans ce délicieux Alhambra.

674. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Le monde est agité par l’inquiétude de chaque homme, et ces armées innombrables qui couvrent la surface de la terre, sont l’invention cruelle des soldats, des officiers, des rois, pour chercher dans la destinée quelque chose que la nature n’y a point mis, ou tout au moins, pour obtenir cette interruption momentanée de la durée successive des idées habituelles, cette émotion qui soulage du poids de la vie. […] La plupart des hommes cherchent donc à trouver le bonheur dans l’émotion, c’est-à-dire, dans une sensation rapide, qui gâte un long avenir : d’autres se livrent par calcul, et surtout par caractère à la personnalité ; mécontents de leurs relations avec les autres, ils croient avoir trouvé un secret sûr pour être heureux, en se consacrant à eux-mêmes, et ils ne savent pas que ce n’est pas seulement de la nature du joug, mais de la dépendance en elle-même que naît le malheur de l’homme.

675. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delavigne, Casimir (1793-1843) »

Delavigne… Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère ; le génie est inculte, violent, orageux ; il ne cherche qu’à se contenter lui-même et se soucie plus de l’avenir que du présent. […] Si j’en avais le loisir, je chercherais quelque détour pour vous faire entendre, sans vous le dire, que nous nous sommes fort ennuyés… C’est au point que cette impression d’ennui est à peu près tout ce que j’ai retenu de la pièce.

676. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fort, Paul (1872-1960) »

Si on le savait là, on s’éveillerait plus vite et le chercherait ; car le but est le supplice où l’on viole le droit d’asile du Christ houiller ci-devant ; les ouvrages de défense gourmands ne tolèrent une prémice de bonheur et avancent de la porte Sud. — Or, le guet se dégrade lui-même, belluaire pleurant devant le chrétien. […] Il y a là, il faut le dire, une abondance singulière et une vitalité puissante, toute la plantureuse confusion d’un esprit qui se cherche et s’exerce dans tous les sens, à travers les zigzags de toutes ses fantaisies, obéissant à des poussées disparates, à des intuitions subites, aux soubresauts d’une verve capricieuse, à tout ce que l’instant fait passer d’émotions, d’images et de rythmes en une âme extraordinairement vibrante et attentive, prompte à les saisir au passage et à en fixer la nuance, la forme ou le mouvement.

677. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1826 »

L’auteur de ce livre a le malheur de ne rien comprendre à tout cela ; il y cherche des choses et n’y voit que des mots ; il lui semble que ce qui est réellement beau et vrai est beau et vrai partout ; que ce qui est dramatique dans un roman sera dramatique sur la scène ; que ce qui est lyrique dans un couplet sera lyrique dans une strophe ; qu’enfin et toujours la seule distinction véritable dans les œuvres de l’esprit est celle du bon et du mauvais. […] Un écrivain qui a quelque souci de la postérité cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’individualité de son esprit.

678. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Qu’il s’agisse des contemporains ou de la postérité, vraiment, dès qu’on le cherche, on ne le trouve plus. […] L’explication que nous cherchons se trouve toute dans un ordre de faits bien moins relevé. […] Que tous les prix Montyon aillent chercher et trouver les plus dignes, cela est impossible, évidemment. […] Je constate simplement le fait, comme tous les autres du même genre, sans en chercher l’explication. […] Nous cherchons des synonymes ou d’autres tournures pour fuir les assonances qui désobligent l’oreille.

679. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

Cela, nous le chercherons si on nous le demande, mais sans passion. […] Ce que je cherche ne se confond nullement avec le pathétique. […] Je m’arrête, car je sens quelle mince querelle je cherche ici à M.  […] Quelle mauvaise querelle lui cherche Nisard ! […] cherchez des pierres !

680. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ce soir, j’ai cherché en vain. […] Vous auriez même pu me mettre au courant de tout, afin d’éviter à mon esprit la fatigue de chercher le vrai dans le cas où il le chercherait. […] Un aimable indigène est allé en chercher un à 12 heures de chemin de fer, c’est au moins gentil. […] Vous me prenez pour une bourgeoise qui vous prend pour un poète et vous cherchez à m’éclairer. […] Vous n’êtes pas l’homme que je cherche.

681. (1885) L’Art romantique

Que cherche-t-il ? […] Mais si, par hasard, quelqu’un malavisé cherchait, dans ces compositions de M.  […] Où il ne faut voir que le beau, notre public ne cherche que le vrai. […] Si vous méprisez mon avis, cherchez un autre secret. […] Vous cherchez à me désillusionner.

682. (1911) Psychologie de l’invention (2e éd.) pp. 1-184

La lecture du livre de Malthus sur le Principe de population, que Darwin avait entreprise pour se distraire, lui apporte enfin la solution cherchée. […] je recommence à chercher des idées dans des images ou plutôt à me concrétiser une idée encore vague, abstraite. […] Sardou a déduit toutes les conséquences de cette situation : il a cherché quels sont les événements qui devaient se passer avant et après la scène capitale. […] Si Poë a cherché un effet en écrivant son poème, il en a cherché un aussi en en racontant la genèse. […] Quelqu’un pousse des cris de désespoir : c’est Sarcey, que Jules Lemaître cherche à calmer.

683. (1926) La poésie pure. Éclaircissements pp. 9-166

Pourquoi tant chercher, répondent plusieurs, et parmi eux de hautes intelligences, l’auteur de variété, par exemple ? […] Elle cherchera, par exemple, à expliquer pourquoi M.  […] Ils cherchent la solution d’un conflit intérieur qui les tourmente, une sorte de libération. […] Si, après l’avoir cherchée, il la trouve tôt ou tard, c’est qu’il l’a vue, entrevue du moins, ou le bout de son écharpe, ou l’escarbouche qui noue ses cheveux. […] Le poète n’a pas commencé à se proposer une idée, un principe pour chercher ensuite le symbole qui l’envelopperait.

684. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1895 » pp. 297-383

une vilaine soirée, cette soirée dans l’émotion de l’incendie, et cependant j’ai fait tout de même dans cette soirée, les trente lignes sur les pointes-sèches d’Helleu, qu’il m’a demandées pour une exposition à Londres, et qu’il doit venir chercher dimanche. […] Alors il saute à bas de son lit, et cherche l’oubli de cette opération, dans le travail, la lecture, la mise de sa pensée, dans quelque chose qui la distrait de son idée fixe. […] Et il va me chercher un petit modèle en cire de sa Jeanne équestre : une Jeanne d’Arc nue, sur un cheval qu’il s’est efforcé de représenter le plus moyenageux qu’il est possible, et dans des proportions tout à fait mathématiques. […] Et surtout, il nous venait une horreur des grosses colorations, auxquelles j’avais un peu trop sacrifié, et nous cherchions dans la peinture des choses matérielles, à les spiritualiser par des détails moraux. […] Il lui était venu une paresse un peu dédaigneuse à chercher, à retrouver, à inventer — tout en imaginant un détail plus distingué que moi, quand il voulait s’en donner la peine.

685. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Cherchons d’abord quelle est la nature et l’origine de la première de ces deux associations. […] C’est même un trait assez typique des personnages woolfiens que de chercher un rempart intérieur dans une formule éventuellement littéraire. […] Il faut donc chercher une autre explication de son intériorité apparente. […] [Saint Augustin, Soliloques, Payot, « Rivages poche », 2010, Livre I, Première journée, 1, p. 27-28 : « Depuis longtemps je roulais mille pensée diverses ; oui, depuis bien des jours, je me cherchais ardemment moi-même, je cherchais mon bien, et le mal à éviter, quand soudain j’entendis une voix (était-ce moi-même ? […] Quinault pour l’opéra de Lully : « Je cherche en vain les paisibles forêts :/ Hélas !

686. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE RÉMUSAT » pp. 458-491

…Rentrée dans le monde quand nos troubles cessèrent, elle y rapporta sa bienveillance accoutumée, et chercha à jouir encore des biens qui ne pouvaient lui échapper. […] La sienne cherchait plutôt son appui dans la raison, et se dirigeait par l’effort au devoir. […] Les deux parts autrefois étaient sensiblement séparées ; on avait le sérieux, si l’on pouvait, dans le cabinet et dans la solitude ; on portait, on cherchait le frivole et le purement amusant dans le monde : il y avait lieu sans doute à un essai de transaction, de conciliation. […] A un certain moment, le jeune homme, qui lit Werther, se monte la tête ; le style de ses lettres s’échauffe ; cela va se gâter, quand tout à coup le père, au lieu d’arriver, envoie une de ses sœurs, une tante de la jeune fille, qui la vient chercher et comme enlever du soir au lendemain. […] L’imagination n’osait aller bien loin sur cet article, et nos souverains eux-mêmes s’efforçaient en vain de chercher ce qu’ils pouvaient permettre.

687. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

« Mais il vint un moment, et ce moment fut celui de la fuite du roi, sortant du royaume, protestant contre la volonté nationale, et allant chercher l’appui de l’armée et l’intervention étrangère, où l’Assemblée rentrait dans le droit rigoureux de disposer du pouvoir déserté. […] IV « Madame Élisabeth, insensible à la catastrophe politique, ne cherchait qu’à répandre un peu de sérénité dans cette ombre. […] C’est dans la prévision de cette journée de sédition normale que j’avais cherché un général républicain pour le mettre à la tête d’une armée de la capitale, et que je faisais approcher, jour par jour, les différents corps de cette armée de Paris, afin que son général, venu d’Algérie, la trouvât nombreuse et prête, sous sa main, au jour prévu. […] Je n’ai pas cherché là une honteuse popularité dans l’absolution du crime de la France. […] Les causes perdues ont des retours dont il ne faut souvent chercher les motifs que dans le sang des victimes odieusement immolées par la cause opposée.

688. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Magdalena et Fior d’Aliza alors, qui n’avaient jamais, plus que moi, pensé seulement qu’on pouvait nous abattre le châtaignier sur la tête, ne cherchaient pas de raisons, mais des supplications contre cet homicide. […] Je devins pierre comme la statue de la femme de Noé quand, au lieu de tomber sur ses belles tresses de soie blonde qui partaient du faîte de son front et qui se déroulaient jusque sur ses deux épaules, je sentis sous ma main une tête toute ronde et tout frais tondue, qui cherchait à se dérober à mon attouchement comme quelqu’un qui a honte et qui baisse le visage ; je crus rêver. […] Quand il me disait : Allons ici ou là, j’allais ; quand je l’appelais, il venait partout où j’avais fantaisie d’aller moi-même ; nous ne savions jamais qui est-ce qui avait pensé le premier, mais nous pensions toujours la même chose : à la source, pour puiser l’eau de la maison ; sur les branches, pour battre les châtaignes ; aux noisetiers, pour remplir lui sa chemise, moi mon corset de noisettes vertes ; au maïs, pour sarcler les cannes ou cueillir les grains jaunis par l’été ; à la vigne, aux figuiers, pour couper les grappes ou pour sécher les figues mûres ; à l’étable, pour traire les chèvres, pendant qu’il les tenait par les cornes ; dans le ravin, où il y a l’écho de la grotte, pour nous apprendre à remuer les doigts sur les trous du chalumeau de la zampogna, à chercher à l’envi l’un de l’autre des airs nouveaux dans l’outre du vent qui s’enflait et se désenflait de musique sous notre aisselle ; ici, là, enfin partout, toujours deux, toujours ensemble, toujours un ! […] CXXVIII Mais Hyeronimo, qui ne comprenait rien à mes changements, à mes silences et à mes éloignements de lui, paraissait lui-même malade de cœur et d’humeur, de la même fièvre et de la même langueur que moi ; à mon dépit, il semblait à présent moins me chercher que me fuir ; il ne me regardait plus en face et jusqu’au fond du regard comme auparavant ; il frissonnait comme la feuille du tremble quand, par hasard, il fallait que sa main touchât la mienne en jetant les panouilles de maïs dans mon tablier ou en retournant les figues dans le même panier sur le toit ; nous ne nous parlions plus que de côté, quand il fallait absolument se parler pour une chose ou pour une autre, et pourtant, nous ne nous haïssions pas, car, à notre insu, nous étions aussi habiles à nous chercher qu’à nous fuir, tellement qu’on aurait dit que nous ne nous fuyions que pour nous retrouver, et que nous ne nous retrouvions que pour nous fuir. […] Il dit enfin que, caché en silence derrière la porte, la main sur le loquet, il avait tout entendu de ma résolution de chercher les traces d’Hyeronimo, comme l’ombre celles du corps, et des résistances de mon père et de ma tante.

689. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Le problème posé devant Racine était donc celui-ci : d’une part, chercher à faire les pièces les plus agréables au public contemporain ; d’autre part, ne traiter que des sujets anciens ou étrangers… Puisque la voie n’était vraiment ouverte et libre que du côté de l’antiquité, la difficulté était de rendre cette antiquité intelligible et acceptable à la société du temps de Louis XIV et à la cour, qui donnait le ton. […] D’abord le récit de l’enlèvement de Junie, « La peinture de cet attentat a fourni au poète des vers d’un coloris charmant et romantique45. » Je relis le morceau et j’y cherche ce romantisme. […] On cherche comment. […] Je périrai, Doris, et par une mort prompte Dans la nuit du tombeau j’enfermerai ma honte, Sans chercher des parents si longtemps ignorés Et que ma folle amour a trop déshonorés, etc. […] Il est possible que ces solutions de continuité et ces trous, bien ménagés, donnent plus exactement l’impression de la réalité énigmatique ; mais on peut croire que ce n’est point un art inférieur que celui qui cherche à rendre la réalité plus claire et plus logique.

690. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Mme Desbordes-Valmore » pp. 01-46

Et cependant il cabotinait où il pouvait pour gagner son pain, à Lyon, à Bordeaux, à Bruxelles… Et chaque année, pendant trente ans, au temps des vacances, sa femme vient à Paris pour lui chercher un engagement qu’elle n’obtient jamais. […] où ma femme est-elle allée chercher tout cela ? […] Là-dessus, j’entre en méditation, et cherche à me figurer l’état d’esprit de ce mystificateur imbécile. […] Mais je me demande quel plaisir a cherché l’inconnu facétieux qui nous a trompés, M.  […] Je constatais qu’à travers tout une joie intérieure l’illuminait, et que le secret optimisme de cette martyre était renversant, et j’en cherchais les raisons… Mais il y en a d’autres que celles que je vous ai déjà dites ; et ce n’est pas seulement de l’excès même et de la continuité de sa déveine que lui vint son extrême sérénité.

691. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Il n’y a par conséquent, dans ces harmonies, qu’une tendance à la stabilité et c’est dans cette tendance seulement, rejetée d’accord en accord, que nous devons chercher le mouvement propre des harmonies soutenues. […] Son vers alors cherchait à s’objectiver ; plus chargé d’images qu’il ne le fut ensuite, il érigeait aussi des attitudes plutôt que des gestes, et la musique le tentait moins que les formes dans l’espace. […] Quelques littérateurs n’ont pas l’air, il est vrai, de s’en préoccuper beaucoup ; d’autres le cherchent dans un nombre plus ou moins constant de syllabes toniques et peuvent réaliser ainsi un art où l’élan fol de l’instinct n’exclut pas l’équilibre des proportions. […] Mais il est aussi atroce qu’inutile de chercher à avancer outre mesure l’aiguille de l’horloge en massacrant par la dynamite les amateurs d’opéra de Barcelone, et il n’est pas non plus nécessaire de déclarer que le goût seul du poète est la règle des vers. […] Griffin aux prises avec M. le préfet de police ; mais la querelle que je lui cherche ici n’est point nouvelle : il y a quelques années déjà, dans une étude sur Joies 26, je reprochais à la préface de ce livre de compter pour rien l’Harmonie.

692. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Comme on lui demande la sensation d’amour la plus vive, qu’il ait éprouvée dans sa vie, il cherche quelque temps ; puis il dit : « J’étais tout jeunet, j’étais vierge, avec les désirs qu’on a, lors de ses quinze ans. […] On m’a couché sur un divan de la salle à manger, les jambes en l’air, on m’a jeté de l’eau de Cologne à la figure, la princesse m’a été chercher son éventail aux abeilles d’or — et je suis revenu. […] Il veut faire un éleveur de roi, d’un fils de démocrate, que deux franciscains vont chercher dans un hôtel du quartier Latin, à l’escalier plein de filles en savates. […] Encore enfant, au temps des confitures, son père et sa mère le chargeaient d’aller chercher un pain de sucre, chez un distillateur de leurs amis, qui demeurait rue des Cinq-Diamants. […] Pendant la Commune, se trouvant fort désargentée, elle reprochait à son amant d’être la cause de sa misère, et celui-ci chercha, s’ingénia à trouver un moyen de gagner de l’argent.

693. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

La loi qu’ils cherchent le moins à éluder, c’est la loi du travail, du travail pour le gain ou public ou privé. […] C’est ainsi que cette femme cherche un ragoût à ses plaisirs, un décor à ses amours. […] Si les diables viennent chercher des âmes sur le champ de bataille, qu’ils les emmènent sur des civières. […] Wagner a cherché ses inspirations dans les légendes françaises et allemandes du Moyen-Âge. […] Il cherche : c’est son mérite et sa force ; il est séduit par toute doctrine nouvelle : c’est sa faiblesse.

694. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Duclos. — I. » pp. 204-223

Loin de chercher à la rendre facile et à la portée de tout le monde, il en fait une sorte d’escrime où il prend trop d’avantage ; on le quitte mécontent de soi et de lui, et ceux dont il a blessé la vanité s’en vengent en lui donnant la réputation de méchanceté, et en lui refusant les qualités solides du cœur et de l’esprit… M. de Forcalquier n’était fat qu’à moitié, il lui manquait un grain de présomption : « Il ne consulte son goût et ses lumières sur rien ; il adopte les lumières et les sentiments de ceux qu’il croit le plus à la mode et les plus confirmés dans le bel air. » Duclos fut sans doute un de ceux qui le dominèrent pour un temps et qui lui imposèrent dans les choses de l’esprit ; on en sait bien peu sur ce salon de l’hôtel de Brancas. […] Il cherche l’estime et non les récompenses. » Duclos, en effet, n’a point ce désir de gloire qui, en admettant dans le cœur un peu de vent peut-être et une légère fumée, le remue, l’exalte et élève quelquefois tout l’homme au-dessus de lui-même. […] On ne s’explique aujourd’hui le succès, même fugitif, de ses romans qu’en se souvenant qu’il y avait fait entrer beaucoup de portraits réels et qu’on les y cherchait, au risque peut-être de mettre au bas de chacun plus d’un nom à la fois. […] J’ai cherché, parmi les portraits dessinés qu’on a de lui, celui qui nous rend le mieux l’idée de sa personne : c’est un portrait dessiné par Cochin et gravé par Delvaux.

695. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Présenté au jeune roi, qui n’avait que six ans plus que lui, La Fare entrait dans le nouveau régime quand tout commençait et sous l’œil du maître ; il n’avait qu’à y tourner son esprit avec quelque suite pour se concilier la faveur : « J’oserais même dire que le roi eut plutôt de l’inclination que de l’éloignement pour moi ; mais j’ai reconnu dans la suite que cette impression était légère, bien que j’avoue sincèrement que j’ai contribué moi-même à l’effacer. » Doué d’un esprit fin et libre, d’un jugement élevé et pénétrant, il aima mieux être indépendant qu’attentif et flatteur, et ce n’est pas ce qu’on peut lui reprocher ; mais il devint évident par la suite qu’il prit souvent pour de l’indépendance ce qui n’était que le désir détourné de se retirer de la presse et de chercher ses aises. […] On a toute cette chronique par Mme de Sévigné : « Mme de Coulanges maintient que La Fare n’a jamais été amoureux : c’était tout simplement de la paresse, de la paresse, de la paresse ; et la bassette (jeu de cartes) a fait voir qu’il ne cherchait chez Mme de La Sablière que la bonne compagnie » (8 novembre 1679). Il la cherchait aussi dans le même temps chez Mlle de Champmeslé, comme on le voit par une lettre de La Fontaine à cette célèbre comédienne : « Mais que font vos courtisans ? […] Tandis que le voluptueux Salluste cherche au commencement de ses Histoires à élever sa pensée et celle de ses lecteurs et à la fixer vers les choses impérissables, La Fare, moins ami de l’idéal et qui sépare moins ses écrits de ses propres habitudes, commence par une citation de Pantagruel.

696. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — I » pp. 93-111

Pendant son ministère d’un peu plus de deux ans aux Affaires étrangères (novembre 1744-janvier 1747), il eut une bonne fortune qu’il ne cherchait pas. […] Ne lui demandons point d’ailleurs un idéal qui n’est pas son fait, — ni le véritable idéal qui ennoblit la condition humaine et cherche à lui donner toute la beauté dont on la croit susceptible à de certaines heures, — ni ce faux idéal qui ne s’attache qu’aux apparences et qui se prend aux illusions ou ne songe qu’à s’en décorer. […] Pour y parer, il voulut faire donner le pain directement aux garnisons ; mais les fours étaient rompus, et les munitionnaires ne cherchaient qu’à voler. […] Il cherchait de lui-même à se rendre utile ; il composait des mémoires sur les différentes matières qui étaient alors en litige, notamment sur les démêlés parlementaires si vivement excités dans l’affaire ecclésiastique de la Constitution ; lorsqu’il s’élevait une difficulté nouvelle, il arrivait quelquefois que le roi disait : « N’y a-t-il pas là-dessus un mémoire de M. d’Argenson ? 

697. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Et il lui cite l’exemple de Voltaire ; ne croyez pas que ce soit comme une preuve éclatante et rare de la gloire littéraire ; il le lui cite pour lui montrer le néant de cette gloire contestée et troublée des grands écrivains : « Je songe quelquefois à Voltaire, dont le goût est si vif, si brillant, si étendu, et que je vois méprisé tous les jours par des hommes qui ne sont pas dignes de lire, je ne dis pas sa Henriade, mais les préfaces de ses tragédies. » Racine, Molière, « qui sont pourtant des hommes excellents », n’ont pas été plus heureux pendant leur vie ; ils n’ont pas joui plus paisiblement de la renommée due à leurs œuvres : « Et croyez-vous que la plupart des gens de lettres n’en eussent pas cherché une autre, si leur condition l’eût permis ?  […] Mirabeau, d’un ton pressé et saccadé, répond des choses qui nous semblent assez sensées sur bien des points ; — sur Versailles : « Vous rougiriez, si vous connaissiez Versailles, du portrait que vous en faites ; tout ce qui est obligé d’y rester en pleure… Quelle idée d’aller chercher le séjour du vice et de la dégradation totale de tous sentiments, pour y paraître vertueux avec plus d’éclat !  […] , la perdit, quitta la France, et s’en alla chercher fortune en Allemagne à la petite cour de Baireuth, où il se remaria et devint chambellan et conseiller privé. […] De toute cette effusion éloquente, Vauvenargues ne prétend pas conclure qu’il faille que le chevalier de Mirabeau devienne un stoïcien, car c’est plutôt le contraire qu’il lui conseille ; il n’a fait qu’obéir à un impérieux souvenir, et sa plume, qui ne cherchait qu’une occasion, l’a emporté.

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