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876. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Plan, d’une université, pour, le gouvernement de Russie » pp. 433-452

L’instruction adoucit les caractères, éclaire sur les devoirs, subtilise les vices, les étouffe ou les voile, inspire l’amour de l’ordre, de la justice et des vertus, et accélère la naissance du bon goût dans toutes les choses de la vie. […] Mais, dira-t-on, telle est la diversité des caractères qu’il faut, à ceux-ci montrer la difficulté plus grande, à ceux-là, moindre qu’elle ne l’est. […] Ils n’en sont que plus intolérants et plus brouillons ; ils le sont ou par caractère, ou par ambition, ou par intérêt, ou par hypocrisie. […] Peut-on être un grand poëte sans la connaissance des devoirs de l’homme et du citoyen, de tout ce qui tient aux lois des sociétés entre elles, aux religions, aux différents gouvernements, aux mœurs et aux usages des nations, à la société dont on est membre, aux passions, aux vices, aux vertus, aux caractères et à toute la morale ? […] Je suppose que celui qui se présente à la porte d’une université sait lire, écrire et orthographier couramment sa langue ; je suppose qu’il sait former les caractères de l’arithmétique, ce qu’il doit avoir appris ou dans la maison de ses parents ou dans les petites écoles.

877. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — Post-scriptum » pp. 154-156

Il y a ôté tant qu’il a pu le mordant et le caractère. […] « Tout le caractère énergique de la race a disparu. — Ailleurs, et au hasard, veut-on un autre exemple : Voici le vrai texte : J’ai cherché d’où j’aimais Don Quichotte et à le relire vingt fois dans ma vie, ainsi que plusieurs autres romans : c’est que j’aime les mœurs qu’ils dépeignent.

878. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

. — L'Ultramontanisme de Quinet a été fort sévèrement et fort judicieusement jugé par Lerminier dans la Revue des Deux Mondes ; Lerminier qui a, lui aussi, en son temps, connu les ivresses de la popularité et qui en a eu ensuite les déboires, était en mesure de faire la leçon à Quinet là-dessus : tout le détail de cet article et les remarques sur cette érudition confuse et fougueuse ont beaucoup d’à-propos et un grand caractère de raison. […] Je ne sais qui a dit qu’il était plus véritablement de l’école d’Horace que M. de Lamartine : ce n’est que vrai. — D'ailleurs, il est le rhapsode triomphal du Midi et y remporte des succès qui semblent fabuleux de loin, mais qu’explique le caractère de ces populations en même temps que celui du poëte.

879. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Carle Vanloo » pp. 183-186

Il me semble que la jeunesse, l’innocence, la gaieté, la légèreté, la mollesse, un peu de tendre volupté devaient former leur caractère. […] Si un homme qui fait bien aujourd’hui et mal demain, est un homme sans caractère ou sans principes, que faut-il dire du goût de celui qui associe dans un même cabinet des choses si disparates ?

880. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Taraval » pp. 282-283

L’enthousiasme, l’ivresse et la souffrance affectent les mêmes parties du visage ; et le passage de l’un de ces caractères contigus à l’autre est facile. […] Outre les dessins dont j’ai parlé, il y en a d’autres de ce dernier artiste, à la sanguine et sur papier bleu, qui sont jolis et d’un bon crayon, il y a de l’esprit et du caractère.

881. (1890) Nouvelles questions de critique

Ou, en d’autres termes, le classicisme s’est trompé d’abord sur le caractère unique, inimitable de l’œuvre de génie. […] Quel est donc ce caractère ? […] Mais il n’est question que de son œuvre, sur le caractère de laquelle il me faut d’abord avouer que je ne partage pas la façon de penser de M.  […] Puisque la valeur de l’œuvre se mesure exactement au nombre et à la profondeur des caractères durables qu’elle exprime, — de moment, de milieu et de race, — le problème n’est plus pour l’artiste que de traduire, avec autant de fidélité qu’il le pourra, le plus et les plus profonds de ces caractères. […] Il y a d’ailleurs aussi ce qu’on appelle des espèces douteuses, qui même le sont d’autant plus que l’on en connaît mieux les caractères.

882. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre III. Services locaux que doivent les privilégiés. »

On les trouve nuisibles sans qu’ils soient méchants ; le mal vient de leur situation, non de leur caractère. […] Depuis cent cinquante ans, une sorte d’attraction toute-puissante retire les grands de la province, les pousse vers la capitale, et le mouvement est irrésistible, car il est l’effet des deux forces les plus grandes et les plus universelles qui puissent agir sur les hommes, l’une qui est la situation sociale, l’autre qui est le caractère national. […] On y accourt, et l’on y puise  D’autant plus que l’endroit est agréable, disposé à souhait et de parti pris pour convenir aux aptitudes sociables du caractère français. […] Ainsi partout ils ont dépouillé le caractère vénéré de chef pour revêtir le caractère odieux de trafiquant. « Non seulement, dit un contemporain94, ils ne donnent pas de gages à leurs officiers de justice, ou les prennent au rabais ; mais ce qu’il y a de pis, c’est que la plupart aujourd’hui vendent leurs offices. » Malgré l’édit de 1693, les juges ainsi nommés ne se font point recevoir aux justices royales et ne prêtent pas serment. « Qu’arrive-t-il alors ? […] Séparés du peuple, ils abusent de lui ; chefs nominaux, ils ont désappris l’office de chefs effectifs ; ayant perdu leur caractère public, ils ne rabattent rien de leurs avantages privés.

883. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre I. De l’action »

Ce n’est donc pas tout de concevoir des caractères en poëtes ; il faut concevoir aussi en poëte l’action qui les manifeste. […] De la même façon qu’il a composé des caractères ; le domaine seul est différent, l’art et ses lois n’ont pas changé. […] Quelques traits nouveaux vont achever la séduction et compléter le caractère. […] Ce sont les étrangers qui ne connaissent de nous que les caractères généraux et l’ensemble indistinct. […] Elle ne nous apprend rien de son caractère ni de son histoire.

884. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIIe entretien. Littérature latine. Horace (1re partie) » pp. 337-410

Il l’honorait par adulation d’un vice qu’il n’avait pas ; il sacrifiait son caractère à sa fortune. […] César jugeait comme nous de ces différents caractères attribués aux différents tempéraments des hommes de son temps. […] La grâce et la mollesse, caractère des écrits d’Horace, ne pouvaient avoir leur place dans un sujet didactique ; les préceptes dénués de descriptions et d’épisodes n’appartiennent pas à la poésie, mais à la pédagogie. […] C’est ce caractère d’homme aimable, de charmant convive et d’hôte de bonne compagnie qui lui conserve une place de choix dans nos bibliothèques. […] L’amabilité peut se définir le don d’aimer et d’être aimé ; ce don se révèle dans les œuvres d’un écrivain comme dans son caractère ; il n’est pas le génie, mais il est le charme, cette qualité indéfinissable qui est le génie de l’agrément ; le don de plaire, ce don de plaire qu’on n’a jamais pu définir parce qu’il est divin, est bien rarement compatible avec l’austérité de l’esprit, du caractère et des œuvres d’un homme.

885. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

. — Faut-il prouver tout d’abord que les mêmes caractères se retrouvent dans les phénomènes politiques et les phénomènes littéraires d’une même époque ? […] Si nous regardons maintenant la littérature, nous allons y découvrir les deux mêmes caractères. […] Voilà pour le premier caractère constaté ; voici pour le second : rien de plus facile à relever dans la littérature d’alors que le rapprochement brusque de deux éléments contraires. […] Quand la littérature n’est pas ainsi émasculée par la volonté de fer d’un maître absolu, elle prend, du moins, sous un régime de compression, des caractères particuliers. […] Ces caractères permanents du goût populaire se reflètent dans le succès des deux écoles littéraires les plus bruyantes et les plus fécondes de notre siècle.

886. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Son drame — non pas toujours, mais quelquefois — évite la vivacité de l’action, s’attarde à de longs récits, s’étale en de vastes développements de caractères ou de passions, s’idéalise par la recherche des symboles jusqu’à devenir irréel, et n’en est pas moins poignant au point de vue du peuple pour lequel il a été conçu, n’en doit pas paraître moins admirable au critique loyal qui fait la part des nationalités. […] Et, comme nous avons vu Beethoven préservé contre cette tendance, dans l’art, par la puissante impulsion de sa nature, ainsi nous lui reconnaissons encore la même force, également vaillante à le détourner, dans sa vie et son caractère, de toute tendance frivole. […] Pourtant, son œuvre demeurait encore, ainsi, dans une sphère inférieure, fortement marquée d’un étroit caractère local. Mais dans quelle sphère la pouvait-on emprunter, cette Mélodie de la Nature, qui devait porter un caractère noble, universel, éternel ? […] Et nous voyons encore le Maître, avec la Volonté ordonnatrice déjà indiquée, trouver cette mélodie sans sortir de la musique, comme de l’Idée du monde ; car, en vérité, ce n’est point le sens des paroles qui nous émeut lorsqu’apparaissent les voix humaines, mais seulement le caractère même de ces voix humaines.

887. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre premier. La sensation, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. La sensation »

Ces sensations enveloppent, encore aujourd’hui, des formes d’émotion agréable ou pénible ; seulement, la vivacité du plaisir et de la douleur s’y étant émoussée peu à peu, elles ont acquis un caractère plus voisin de l’indifférence, une physionomie moins affective et plus représentative. […] Et ces caractères, outre le mouvement qu’elles supposent, les rapprochent de ce que l’on nomme forces. […] L’intensité, caractère essentiel de la force considérée au point de vue philosophique, est donc primitivement un caractère de l’activité appétitive, de la volonté (au sens le plus général de ce mot), et secondairement un caractère de la passion, de la sensation. […] Nous admettons volontiers que le plaisir et la peine constituent le caractère dominant des sensations originaires, qui étaient surtout organiques et, en quelque sorte, physiologiques, tandis que celles des cinq sens sont plutôt physiques. Mais le plaisir et la peine, comme tels, n’épuisent pas le contenu de la conscience ; il y a en effet quelque caractère, quelque qualité, par laquelle une sensation agréable ou pénible se distingue d’une autre.

888. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Il est resté fidèle à la vérité des événements et des caractères, tels que les lui indiquaient Tite-Live et l’histoire. […] Georges est intéressant et vrai, mais ce n’est pas un caractère, ou du moins c’est un caractère de drame plutôt que de comédie. […] Ce n’est là qu’une question secondaire, accidentelle, un vernis de couleur locale jeté sur une passion et un caractère, mais qui n’est à vrai dire ni le caractère ni la passion. […] Entre ces hommes si différents par le caractère, le génie et la destinée, je saisis pourtant une ressemblance générale. […] De là le caractère si différent de ces deux Révolutions qui se sont suivies, et ne se sont pas ressemblé.

889. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le buste de l’abbé Prévost. » pp. 122-139

Aujourd’hui il s’agit d’une image plus modeste, mais chère à tous, du buste de l’abbé Prévost, et la cérémonie de cette inauguration, qui a eu lieu à Hesdin le dimanche 23 octobre dernier, a présenté le caractère d’une fête de famille, qui allait bien au souvenir du romancier plus aimable et plus touchant que solennel. […] Le buste avait été placé pour ce jour en dehors de l’hôtel de ville, dont le caractère primitif a dès longtemps disparu sous les restaurations diverses, mais qui a conservé de son ancien style une espèce de tribune en saillie à deux étages et avec dôme : c’est ce qu’on appelle la Bretèche, terme fort en usage dans les coutumes d’Artois pour désigner « le lieu où se font les cris, publications et proclamations de justice ». […] Dans la seconde forme et la rédaction définitive, le chevalier annonce simplement qu’il est revenu aux inspirations de l’honneur ; le caractère de l’homme du monde y est observé sans rien de plus. […] Mais, si huit mois d’éloignement et de silence peuvent vous paraître une satisfaction suffisante, je me flatte, monseigneur, que votre bonté achèvera de se laisser toucher en considérant que mon caractère est tout à fait exempt de malignité, que, dans plus de quarante volumes que j’ai donnés au public, il ne m’est rien échappé qui soit capable d’offenser, et que l’accident même qui fait mon crime n’a été qu’un aveugle sentiment de charité et de compassion pour un malheureux camarade d’école que j’ai voulu secourir dans sa misère après l’avoir aidé longtemps de ma propre bourse… M. le curé de Saint-Sulpice et Mlles de Raffé du Palais-Bourbon, qui l’ont assisté aussi à ma recommandation, ne me refuseront pas ce témoignage.

890. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. (Tome XII) » pp. 157-172

Au moment le plus critique de l’expédition, et lorsqu’il s’agit de savoir si après des mois d’attente au fond du Portugal devant les lignes inexpugnables de Torrès-Vedras, sans secours reçus, on passera ou non le Tage, et à quel parti on s’arrêtera, il y a un déjeuner chez le général Loison à Golgao, où, dans une sorte de conseil de guerre amical, on a en présence et en action la physionomie, le caractère et les idées des principaux chefs consultés par Masséna : c’est un récit des plus piquants, et qu’il n’eût tenu qu’à l’historien de rendre plus piquant encore ; mais M.  […] Le caractère destructif et ruineux de notre lutte prolongée en Espagne est parfaitement décrit et rendu sensible. […] Je sens toute l’exagération de cet éloge sous le rapport des talents ; mais je ne serai jamais au-dessous par la vérité de mon caractère, par la noblesse de mes sentiments, par ma tendre affection pour mon frère… Dans la position où je suis, il me faut une confiance absolue, Sire ; si je ne l’ai pas, la retraite absolue, comme vous le voudrez. […] Prenez les historiens les plus divers de ton et de caractère, « Thucydide, Xénophon, Polybe, Tive-Live, Salluste, César, Tacite, Commynes, Guichardin, Machiavel, Saint-Simon, Frédéric le Grand, Napoléon » ; ces hommes si diversement supérieurs et si grands historiens chacun dans son genre, ont tous en commun une qualité principale et la plus sûre de toutes, et cette qualité, c’est l’intelligence.

891. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Braves chevaliers, prodiguant leur vie sur les champs de bataille, il semble pourtant qu’un caractère de douceur et de modération ait été le trait distinctif de la famille : selon la remarque de M.  […] Le père de Bonstetten, qu’on désignait du nom de sa charge le trésorier de Bonstetten, ne démentait pas en lui ce caractère ; c’était un homme instruit qui, dans sa jeunesse, avait étudié en Allemagne sous le philosophe Wolf, et il s’occupa avec sollicitude de l’éducation de son fils. […] Il avait vingt-quatre ans, d’aimables dehors, de la naissance ; il parlait l’anglais avec facilité et aimait même à l’écrire : « Car cette langue, disait-il, se prête à tout, au lieu qu’en français il faut toujours rejeter dix pensées avant d’en rencontrer une qu’on puisse bien habiller. » Il y contracta tout d’abord d’étroites amitiés, y vit le grand monde, fut présenté à la cour, et, ce qui nous intéresse davantage, fut admis, à Cambridge, dans l’intimité du charmant poète Gray. « Jamais, disait-il, je n’ai vu personne qui donnât autant que Gray l’idée d’un gentleman accompli. » Nous avons un récit de ces mois de séjour à Cambridge, par Bonstetten, qui s’est plu à mettre en contraste le caractère mélancolique de Gray avec la sérénité d’âme de son autre ami, le poète allemand Matthisson, qu’il posséda plus tard chez lui comme hôte en son château de Nyon, dans le temps qu’il y était bailli. […] Gray avait de la gaieté dans l’esprit et de la mélancolie dans le caractère.

892. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Cela est-il bien conforme au caractère présumé des chefs signalés par Polybe et au génie de ces guerres violentes ? […] Il est vrai que l’auteur, au lieu de faire Mâtho doucereux, s’est appliqué à garder à son amour un caractère animal et un peu féroce. […] Dans toute cette visite à des magasins souterrains, le but de l’auteur n’est pas de montrer le caractère d’Hamilcar, il n’a voulu que montrer les magasins. […] Si l’on voulait personnifier en lui le type du grand marchand très-dur, il ne fallait pas que ce côté fût pris et taillé en charge aux dépens du reste du caractère.

893. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Entretiens sur l’architecture par M. Viollet-Le-Duc »

Ce qui l’est moins, ce qui m’a le plus, je ne dirai pas étonné, mais choqué, c’est que les hommes considérables qui n’avaient certainement pas voulu pousser à cette résistance devenue du désordre, qui cependant, et très involontairement sans doute, n’y avaient pas nui, ne se soient pas tenus pour avertis, ne se soient pas arrêtés aussitôt après ces manifestations d’un assez mauvais caractère, et qu’ils aient cru devoir continuer publiquement la polémique engagée, en gens non informés et prétextant d’ignorance, comme si de rien n’était. […] Les palais nous semblaient assez maussades, insignifiants ; les églises, ou de misérables baraques en brique et sapin mal bâties, ou des amas de formes d’architecture les plus monstrueuses ; les ruines antiques… la plupart d’une mauvaise époque, des édifices cent fois remaniés et ayant perdu leur caractère. […] Charles Nodier, Victor Hugo, avaient énergiquement tonné contre la bande noire ; des savants positifs, les antiquaires de Normandie, M. de Caumont, Auguste Le Prévost, un si bon et si aimable esprit, décrivaient et remettaient en honneur les monuments, églises, restes d’abbayes et de moutiers, de leur riche province ; pionniers utiles, ils amassaient des matériaux pour un futur classement complet qui se ferait d’après l’observation comparée des caractères. […] Viollet-Le-Duc s’avance jusqu’à penser que l’édifice romain, en général, n’aurait guère plus de beauté, ne ferait guère plus d’effet, si on le suppose complètement restauré, et qu’il gagne plutôt peut-être à la ruine, puisque c’est par là encore que s’atteste le mieux son double caractère dominant, solidité et grandeur ; mais il maintient que ce serait le contraire pour les Grecs qui, eux, tenaient si grand compte dans tout ce qu’ils édifiaient des circonstances environnantes et des accessoires : « Le Romain est peu sensible au contour, à la forme apparente de l’œuvre d’art : ses monuments composent souvent une silhouette peu attrayante ; il faut se figurer la masse restaurée des grands monuments qui appartiennent à son génie pour reconnaître que, la dimension mise de côté, cette masse devait former des lignes, des contours qui sont bien éloignés de l’élégance grecque.

894. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Édouard Lefebvre, ne se faisait point illusion sur le caractère de la reine : il savait combien était profonde son aversion pour la France, quelle témérité elle portait dans la direction de sa politique ; mais elle était mère : il pensait qu’à ce titre elle pourrait se laisser toucher. […] Ce serait bien peu connaître les hommes de son état que de ne pas voir que toutes ces confidences et ces conversations mystérieuses sont dans leur caractère et ne sont que des ruses. » Le refus formel que fit le Pape d’adhérer au pacte fédératif et à la ligue italienne mit fin à la mission de M.  […] C’est une de ces natures françaises, nobles et loyales, qui par leurs qualités mêmes s’entendent et s’accommodent le mieux avec le caractère allemand. […] Il embrassa toute la littérature allemande, passée et présente ; il y marcha à pas de géant, peignant tout à grands traits, d’une manière rapide, mais avec une touche si vigoureuse et des couleurs si vives, que je ne pouvais assez m’étonner ; il parla de ses ouvrages peu et avec modestie, beaucoup des chefs-d’œuvre en tout genre de la France, des grands hommes qui l’avaient honorée, du bonheur de sa langue, des beaux génies qui l’avaient maniée, des littérateurs présents, de leur caractère et de celui de leurs productions ; enfin, j’étais un Français qui était allé pour rendre hommage au plus beau génie de l’Allemagne, et je m’aperçus bientôt que M. 

895. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

La bohème est une tare d’esprit et une dégradation de caractère ; la bohème n’est imposée à aucun être par les circonstances. […] Si quelqu’un doit être expert en attitudes simples et naturellement nobles, en nuances du cœur et de l’esprit, en charme, en propreté de tenue et de caractère, en goût sûr et sobre, c’est l’être qui, éloigné de tout sport brutal, de tout négoce et de toute violence, sert des intérêts abstraits, fait de la pensée et de la plastique sa principale étude. […] Il n’en fera ni un fonctionnaire, ni un magistrat, ni un prêtre, ni rien de professionnel : il ne lui enlèvera point son caractère d’exception. Il en fera uniquement l’homme qui passe, indifférent aux lieux, aux langages et aux foules, qui passe porteur d’une âme plus pure, d’un caractère plus beau, d’une éloquence et d’une charité plus altières, l’homme qui détient le secret des lois et des méthodes psychologiques, les raisons du cœur humain, les analogies et les idées générales de la société, l’homme qui, parmi les actifs du domaine transitoire, médite les vérités permanentes et les définit à travers les fluctuations de leurs formes.

896. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Lazare repousse cette définition : « Un miracle est tout phénomène qui sort des lois que nous connaissons actuellement », parce qu’elle donnerait un caractère surnaturel à, par exemple, la production par Franklin de phénomènes électriques. Mais il suffit de comprendre par surnaturel l’inexplicable ; tout fait nouveau serait donc provisoirement miraculeux, puis perdrait son caractère de prodige dès l’explication scientifique trouvée. […] Bérenger, que son caractère littéraire et philosophique ferait plutôt un conducteur. […] Vingt « meneurs », dont la puissance est énorme, et dont ce livre nous dit le caractère, la valeur, la doctrine et l’influence.

897. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

L’adversité va achever de nous développer le caractère du maréchal Marmont et nous confirmer dans l’idée que nous en avons pu prendre. […] Avant la fin de la soirée, le duc de Reichstadt s’approcha une seconde fois du maréchal, et, très prudent et circonspect de caractère comme il était, il lui dit qu’il serait bon peut-être, avant de commencer, d’en dire un mot à M. de Metternich. […] Marmont, ramené lui-même à ces temps de splendeur et d’enivrante espérance, lui en exprimait avec feu l’esprit ; il lui parlait de son père, comme il l’avait vu, comme il l’avait aimé alors ; il ne craignit pas d’entrer dans les détails de nature et de caractère : il lui disait que son père avait été bon, avait été sensible, avant que cette sensibilité se fût émoussée dans les combinaisons de la politique ; il lui disait, comme il l’a dit depuis à d’autres, et avec une larme : « Pour Napoléon, c’était le meilleur et le plus aimable de tous les hommes, le plus séduisant, le plus sûr en amitié ; mais l’homme privé était tellement chez lui l’instrument de l’homme politique, que tout ce que l’on a dit de lui, tout ce que j’ai souffert moi-même de l’homme politique, tout cela se concilie avec le sentiment que j’exprime. » Et il avait deux traits singuliers qu’il aimait à citer comme indice et preuve de cette sensibilité première, et si bien recouverte ensuite, de Napoléon. […] La puissance de Méhémet Ali en Égypte était alors l’objet de l’attention des politiques et de la curiosité du monde : c’est par cette étude faite de près et sur les lieux, que le duc de Raguse termina ce voyage, et qu’il put dire en se rendant toute justice : Il est dans mon caractère de prendre un vif intérêt à ce qui a de la grandeur et de l’avenir.

898. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Le nu délabrement des galetas, les maisons sordides, où sur l’ombre puante des escaliers claquent des portes pendantes, les entrées subites d’inconnus par des seuils béants, les cafés lumineux où, sous le jet des gaz et la vapeur traînante des alcools, s’exacerbe la virulence des maniaques, les hôtels borgnes qui logent entre des draps froids les dormeurs d’une dernière nuit, la toux hoquetante des phtisiques, le souffle nocturne du vent dans des cimes pliantes, — sont les vues et les bruits dont le caractère vaguement redoutable emplit encore d’appréhension des lieux plus sûrs, les rues, les appartements, les bureaux. […] Il hait et écarte les beaux diseurs, les intelligents, les habiles, les hommes bien élevés qui pensent et sentent selon les formulaires et laissant à d’autres la peinture de l’être social, il descend à tout ce qui est resté de franc et de brut dans la lie des villes ou des caractères. […] De même encore, une intelligence peu développée en tant qu’intelligence, à qui les sens portent sans cesse des impressions discontinues, sera en peine d’imaginer l’idée de développement, soit dans un récit, soit dans un caractère, et concevra de préférence le suspens d’une histoire et la stabilité d’une âme. […] De là, si l’on amplifie ces aptitudes au degré où elles deviennent géniales, le merveilleux dessin de ses personnages ; de là surtout leur caractère charnel, farouche, violent, brutal et inintelligent, que Dostoïewski dut découvrir latent dans sa nature fruste d’homme plus animal que spirituel.

899. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Hippolyte Babou »

Ils veulent des pièces de résistance, et comme ils ne lisent pas en général pour des raisons très littéraires, mais pour passer le temps, quand ils sont oisifs, et pour se distraire, quand ils sont occupés ; comme ce ne sont pas des questions pour eux dans un livre que la profondeur des caractères ou la beauté du langage, ils se détournent naturellement de ce qui est fin, est susceptible de dégustation, pour se retourner vers ce qui est gros et peut s’avaler comme une pâtée… Alors les nouvelles, qui sont des romans concentrés, doivent être, en raison de leur concentration même, d’un très rare et d’un très difficile succès. […] Homme d’observation sur place ou sur souvenir, — c’est du moins ainsi qu’il s’est donné et qu’on l’accepte, — l’auteur des Païens innocents n’a point cette force d’invention qu’eut Balzac dans ses nouvelles les plus courtes, mais il est vrai de dire qu’il s’applique à peindre des milieux beaucoup plus que des caractères. […] Babou n’a pas appuyé beaucoup sur ce caractère, mais ses traits sont si justes et si pénétrants à la fois que nous avons eu quelque chose d’aussi réel qu’un portrait pris sur le vif d’un homme, et qui sait ? […] » que Babou oppose une sœur, mademoiselle Bénigne, vieille chrétienne charmante, comme l’autre est païen, qui dit, quand il fait grand vent : « Les saints soufflent » ; qui, pour peindre le caractère joyeusement tonitruant de son frère, dit encore : « Dieu est bon, quoiqu’il tonne ! 

900. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Sa vie et son caractère. […] Je ne dis point de son caractère. […] En somme il forme très peu son caractère. […] Mais nous avons plusieurs caractères. […] Son caractère.

901. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre IV. La langue française au xviie  »

Or, dans cette culture attentive de la langue française, l’idée directrice à laquelle obéissent plus ou moins consciemment les précieux, est l’effet d’un rationalisme instinctif : elle consiste à ne pas traiter les mots comme des formes concrètes, valant par soi, et possédant certaines propriétés artistiques, mais comme de simples signes, sans valeur ni caractère indépendamment de leur signification. […] Un dernier caractère de la langue des précieux est à remarquer : ils parlent comme les livres, en belles phrases littéraires. […] L’abondance des termes de chasse, de blason et de guerre marque le caractère aristocratique de cette société, mais les termes techniques y font si absolument défaut, qu’un académicien, Thomas Corneille, se hâte de faire imprimer la même année un Dictionnaire des Arts et des Sciences, en même format.

902. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

C’est qu’enfin de ces 480 pages, souvent insignifiantes et souvent ennuyeuses, on en pourrait extraire une centaine qui sont déjà d’un rare observateur, ou qui nous fournissent de précieuses lumières sur la formation du caractère et du talent de Stendhal. […] Il relit un de ses cahiers, il en est content et il ajoute : « Il y a quelquefois des moments de profondeur dans la peinture de mon caractère. » Il vient de prendre une leçon de déclamation : « J’ai joué la scène du métromane avec un grand nerf, une verve et une beauté d’organe charmantes. […] où il mettra toutes les locutions de Rabelais, Amyot, Montaigne, Malherbe, Marot, Corneille, La Fontaine, etc. » Quelques-unes de ses opinions littéraires sont intéressantes et déjà révélatrices soit de son caractère, soit de son talent futur.

903. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

La valeur littéraire du volume est médiocre : non seulement nous n’avons pas un livre, mais encore, parmi les nombreux personnages inventés, aucun ne montre la solidité organique d’un caractère. […] La philosophie des frères Margueritte, guère moins hésitante que les caractères qu’ils essaient de créer, reste aussi banalement moyenne que leur écriture. […] L’auteur nous y montre en acte « l’effroyable stupidité des maritimes », leur caractère avili par « de longues années passées dans la servitude » et par « les galons acquis un à un et payés d’obéissance anéantie ».

904. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Ouvrez où vous voudrez ce livre de Louis XVI et sa Cour, et voyez si partout l’écrivain, l’écrivain dont nous avons parlé au commencement de ce chapitre, ne fait pas descendre l’expression comme la lumière sur les côtés les plus ravalés de ce caractère tout à la fois inerte et brutal, sur cet homme épais, tout physique, qui oubliait son métier de roi dans des métiers mieux faits pour lui ! […] Il y a l’homme d’esprit, il y a l’homme politique, l’homme politique sceptique quelquefois dans l’histoire où, excepté l’action du caractère et de la main, il y a tant de choses qui pourraient ne pas être et qui sont indifféremment là ou là ; mais, par-dessus ces divers hommes, il y a le peintre de plume, l’écrivain d’imagination et de style, l’anti-Genevois, l’anti-Sismondi ! […] Mais ce qui donnera le caractère à ce livre, qui est une galerie, ce sont les portraits.

905. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Benjamin Constant »

Ce n’était ni une femme d’esprit, ni une femme de caractère qui trouve en elle quelque chose de ferme à quoi s’appuyer. […] Mais le caractère de cet amour funeste était une immense platitude et une infatigable mendicité. […] Le caractère supérieur de ces Lettres, c’est justement leur brûlante pureté.

906. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

Seulement, si le caractère sacerdotal, qui est pour nous le grand caractère de son livre, n’était pas tenu pour ce qu’il est par les têtes de linottes littéraires, elles seraient pourtant bien obligées, les charmantes cervelles ! […] Langue sans nom d’humilité volontaire, que Vincent, ce grand artiste en abaissements, s’était faite, et dont il nous a donné toute la rhétorique dans un seul précepte ravissant : « Entre deux expressions, — disait-il, — retenez toujours la plus brillante pour en faire un sacrifice à Dieu dans le fond de votre cœur, et n’employez que celle-là qui, moins belle, ne plaît pas tant, mais édifie. » L’humilité est, je crois, en effet, le caractère de sainteté de Vincent de Paul encore plus que l’amour ; personne, même parmi les saints, n’a eu cette soif de bassesse ; personne n’a dit comme cet homme : « Donnez-moi encore ce verre de mépris ! 

907. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Le caractère du portrait d’Alfred de Vigny, en ses Œuvres posthumes, est ce que les Anglais appellent : the pensiveness, et que nous, qui n’avons pas la richesse étoffée de leur langue, nous sommes obligés de traduire par un affreux barbarisme : la pensivité… N’étaient-ce pas les soldats du philosophe Catinat qui rappelaient, avec leur tact de soldats : le Père La Pensée ? […] et cette pièce : La Flûte, digne d’un André Chénier devenu profond, et, pour mieux dire, enfin, tous les vers de ce recueil qui y sont marqués du double caractère fatal et stoïque de cette Muse nouvelle d’Alfred de Vigny : Qui fend l’air de son front et de ses seins altiers ! […] Il y a dans ces Poèmes d’Alfred de Vigny, réunis sous ce nom général de : Destinées, des morceaux qui n’ont pas ce double caractère que je tiens surtout à signaler, et qui se rapprochent de la première manière de l’auteur, mais concentrée, mûrie, calmée ; d’une couleur moins vive, mais certainement d’un dessin plus fort : La Jeune Sauvage, La Maison du Berger, et surtout L’Esprit pur, poésie cornélienne, l’exegi monumentum du poète, dans laquelle, se mesurant à ses ancêtres, gens d’épée dont il raconte admirablement la vie de cour et d’armes : Dès qu’ils n’agissaient plus, se hâtant d’oublier : il se trouve plus grand de cela seul qu’il a mis sur son casque de gentilhomme : Une plume de fer qui n’est pas sans beauté !

908. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Madame Sand et Paul de Musset » pp. 63-77

Elle et Lui, Lui et Elle, ne sont point, en effet, à ce qu’il paraît, deux études de nature humaine désintéressées et sévères, mais — dit le scandale — deux actes personnels d’un caractère acharné, deux horribles accusations dont l’une a pour visée de déshonorer un homme mort, l’autre de déshonorer une femme vivante. […] Déjà, et bien avant que Paul de Musset n’opposât à l’Elle et Lui de madame Sand la foudroyante réplique de Lui et Elle, ce premier roman d’Elle et Lui avait été compris, interprété, commenté, expliqué, et on en avait reconnu, ou du moins on avait cru en reconnaître et les sentiments, et les caractères, et les situations ! […] L’esprit, qui emporte la pièce par le mordant de l’expression, marque profondément de son caractère ce livre, qu’on trouvera cruel.

909. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Jules Sandeau, dont on parle beaucoup, et à laquelle les œuvres immorales des romanciers contemporains ont fait un repoussoir superbe, sa moralité n’a pas plus de caractère et de vigueur que son talent. […] Sandeau dans sa Renée de Penarvan, les dernières palpitations, dans un grand caractère, de toute une race qui ne s’abaisse ni devant les hommes ni devant le temps. […] Donc, pour nous résumer, œuvre médiocre, vulgairement écrite, nulle de couleur et de caractère, nulle de conviction quelconque, convenable en décence, mais sceptique, avec deux ou trois situations, que l’auteur a trouvé le moyen de gâter encore, voilà l’œuvre à propos de laquelle on a dit que M. 

910. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Deux romans scandaleux » pp. 239-251

Elle et Lui, Lui et Elle ne sont point, en effet, à ce qu’il paraît, deux études de nature humaine, désintéressées et sévères, mais, — dit le Scandale — deux actes personnels d’un caractère acharné, deux horribles accusations dont l’une a pour visée de déshonorer un homme mort, l’autre de déshonorer une femme vivante. […] Paul de Musset n’opposât à l’Elle et Lui, de Mme Sand, la foudroyante réplique de Lui et Elle, ce premier roman d’Elle et Lui avait été compris, interprété, commenté, expliqué, et on en avait reconnu, ou du moins on avait cru en reconnaître et les sentiments, et les caractères et les situations ! […] L’esprit qui emporte la pièce par le mordant de l’expression marque profondément de son caractère ce livre qu’on trouvera cruel.

911. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Leur caractère et leur marche sont trop opposés : l’une est scrupuleuse et lente ; l’autre, hardi et rapide : l’une pèse sur les détails, l’autre saisit les résultats ; l’une amasse des faits, l’autre combine des idées : l’une, enfin, se défie de la pensée et craint l’imagination ; l’autre a le besoin de créer, et n’est riche que de ce qu’il invente. […] De là vient leur caractère inégal et sauvage, mais jamais froid, et surtout jamais servile. […] Leurs ouvrages seront une espèce de production équivoque, qui ne tiendra à rien, ne peindra rien, et restera à jamais sans caractère et sans couleur.

912. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « PAUL HUET, Diorama Montesquieu. » pp. 243-248

Huet, exposés à la galerie Colbert, et dans tous un même caractère nous a frappé, à savoir l’intelligence sympathique et l’interprétation animée de la nature. […] — Qu’une inscription dans une langue étrangère, copiée par un scribe qui ne la comprend pas et qui a laborieusement imité les caractères inintelligibles pour lui, est misérable, gauche et forcée !

913. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bornier, Henri de (1825-1901) »

. — À la suite de ces poésies lyriques, parmi lesquelles se détache encore l’hymne éclatant à la mémoire de Paul de Saint-Victor, se placent des poèmes philosophiques qui ont aussi leur grande valeur, d’un symbolisme profond et d’une émotion communicative ; quelques-uns m’ont rappelé, avec une langue plus moderne, certaines inspirations très heureuses d’Émile Deschamps, qui présente quelques analogies avec notre poète, ne serait-ce que par un caractère commun dans leur talent, caractère de conciliation et de transaction.

914. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Gabriel Ferry »

Le tempérament, le caractère, sont tout le talent de certains hommes ; mais constituent-ils, à eux seuls, cette merveille et ce mystère que l’on appelle le talent ? […] Ses romans, qui n’attestent ni profondes études sur la nature humaine ni intuitions nouvelles sur les passions ou les caractères, défient l’analyse et la désespèrent.

915. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XII. Des panégyriques ou éloges des princes vivants. »

Chez un ancien peuple, il y avait une loi qui ordonnait de graver sur un monument public, toutes les grandes actions que faisait le prince ; on élevait une colonne dans le temple, on la montrait au prince le premier jour de son règne, et on lui disait : « Voici le marbre où l’on doit graver le bien que tu feras ; voilà le burin dont on doit se servir ; que la postérité vienne lire ici ton bonheur et le nôtre. » D’abord on n’y grava rien que de vrai ; un prince eut le malheur de ne faire aucun bien à ses peuples, il mourut sans qu’un seul caractère fût tracé. […] Pour suivre notre plan, nous allons tâcher de les faire connaître, indiquant rapidement et le nom des écrivains et le caractère des ouvrages ; c’est une branche de littérature qui mérite son coin dans l’histoire philosophique des hommes.

916. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

L’escalier couvert de droite contribue beaucoup à l’aspect bizarre de la scène ; aucune régularité, aucun caractère de conséquence en aucun point. […] Mais la musique surtout donne le caractère à cette scène ; nous y reviendrons dans le chapitre qui lui sera consacré. […] Tel se présente à nous ce personnage de Kundry, avec l’évolution de son caractère, partant de la sauvagerie démoniaque pour arriver à la sainteté la plus pure. […] Jamais l’exaltation, dans aucune œuvre, n’a eu un aussi grand caractère qu’à ce moment de repentir, de terrible frayeur, où Parsifal tombe à genoux. […] Quand il apparaît au troisième acte, fatigué de son voyage d’épreuve, couvert d’une armure noire, le heaume fermé et la lance inclinée, un nouveau caractère s’est imprimé en lui.

917. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

Je conçois donc la défiance de notre héroïne ; mais nous allons voir bientôt son joli petit caractère s’affecter, se contourner et tomber dans la mièvrerie chimérique. […] Des actions véreuses, des valeurs de pacotille, des paperasses illisibles de procès suspects ne suffisent pas, au théâtre, pour diffamer un caractère à ce point. […] Augier, mollement conçue, vaguement agencée, faible de ressorts et de caractères, s’est sauvée par les détails. […] Mais, chose étrange, ce personnage, si flambant au premier acte, va pâlissant et se décolorant de scène en scène : il a trompé le public ; ce n’était que le masque d’un caractère. […] On ne pouvait mieux rendre un de ces caractères banaux et douceâtres dans lequel il y a du miel, comme il y a de la boue dans les chemins vicinaux.

918. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VIII : Hybridité »

En tout cas, si l’on suppose à la plupart de nos animaux domestiques une semblable origine, il faut, ou cesser de croire à la stérilité presque universelle des croisements entre espèces animales distinctes, ou considérer la stérilité, non comme un caractère indélébile, mais comme un phénomène contingent que la domesticité peut faire disparaître. […] Certains hybrides, au lieu de présenter des caractères intermédiaires entre leurs parents, comme c’est le cas le plus général, ressemblent toujours beaucoup plus à l’un d’eux ; et de tels hybrides, bien que si semblables extérieurement à l’une des souches pures dont ils proviennent, sont si souvent frappés d’une stérilité presque absolue, que les exceptions à cette règle sont des plus rares. […] D’autre part, il est évident que dans la formation artificielle des variétés domestiques les plus tranchées, la sélection de l’homme ne peut agir que sur les caractères extérieurs, mais n’a jamais et ne peut avoir pour objet de produire des différences cachées dans les fonctions du système reproducteur. […] Quand les métis et les hybrides les plus féconds se reproduisent pendant plusieurs générations, on constate dans leur postérité une variabilité excessive ; mais on pourrait citer quelques exemples, soit d’hybrides, soit de métis, qui ont gardé pendant longtemps l’uniformité de caractères. […] Conséquemment, des réversions soudaines au type parfait de l’un ou de l’autre parent doivent être plus fréquentes chez les métis descendus de variétés qui se sont souvent produites, soudain et parfois à demi monstrueuses dans leurs caractères, que chez les hybrides descendus d’espèces déjà anciennes, et formées lentement et naturellement.

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