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1162. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

— Un autre poëte, moins docte, plus facile et souvent aimable, Ulric Guttinguer, connu de nous pour avoir chanté autrefois notre lac, et qui vient aussi de rassembler ses vers en un seul volume sous ce titre : Les Deux Ages, cite, dans sa préface que nous avons sous les yeux, un passage de Jules Lefèvre, en l’accompagnant d’éloges qui prouvent au moins que tout n’est pas épine dans le sentier : il accorde sans hésiter à son confrère non-seulement la conscience poétique noble et puissante (ce qui n’est que juste), mais encore le génie intime et pénétrant. — Nous ne nous chargeons que de noter en courant : les Aristarques de l’avenir décideront.

1163. (1875) Premiers lundis. Tome III «  Chateaubriand »

Qu’il y ait eu de l’arrangement et de la symétrie jusque dans le désordonné des peintures ; que les paysages soient tout composites, et ne se retrouvent nulle part, avec tout cet assemblage imaginatif, dans la nature même et dans la réalité ; qu’à côté de ces impossibilités d’histoire naturelle, il y ait des anachronismes non moins visibles dans les sentiments ; qu’il y ait des effets forcés et voulus ; que, sous prétexte d’innovation, l’auteur moderne ait sans cesse des réminiscences de l’Antiquité ; qu’il parodie souvent Homère et Théocrite en les déguisant à la sauvage, tout cela est vrai ; et il est vrai encore que les caractères de ses deux personnages principaux ne sont pas consistants et qu’ils assemblent des qualités contraires, inconciliables, tenant à des âges de civilisation très différents.

1164. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

Il arrive qu’un sentiment violent, agitant toute l’âme, ébranlant à la fois tous les ressorts de l’intelligence et du cœur, arrache à un homme un cri sublime, qui fait l’admiration des âges et justifie le célèbre dicton.

1165. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Cependant ce n’est pas là le défaut le plus commun dans les écoles et dans les lycées : les élèves, en général, y développent leur esprit en sens contraire de la nature ; ils y prennent des défauts qui ne sont pas de leur âge.

1166. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 3. Causes générales de diversité littéraire. »

Le grand lien qui unit, le fort principe qui soutient malgré tout la société, jusqu’à l’âge moderne, la foi religieuse, provoque du xiie au xvie  siècle le riche épanouissement des compositions dramatiques.

1167. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les Zutistes » pp. 19-27

On touche ici la bigarrure des esprits et la diversité d’un âge caméléon.

1168. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVI, les Érynnies. »

Contemporaines du Talion des âges primitifs, elles en représentaient la férocité.

1169. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

L’intérêt que peut inspirer une princesse expirant à la fleur de son âge semble se devoir épuiser vite.

1170. (1887) La Terre. À Émile Zola (manifeste du Figaro)

Jeune, il fut très pauvre, très timide, et la femme, qu’il n’a point connue à l’âge où l’on doit la connaître, le hante d’une vision évidemment fausse.

1171. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Le jeu est plus nécessaire aux enfants qu’à l’âge mûr ; dès maintenant il y a un certain nombre d’hommes positifs pour lesquels l’art est un véritable enfantillage : l’humanité future ne leur ressemblera-t-elle pas ? […] L’épopée disparaît avec l’âge de l’héroïsme individuel ; il n’y a pas d’épopée avec l’artillerie. […] Tout en goûtant l’art propre à notre époque et à notre milieu, nous restons capables d’admirer les idées et les œuvres d’un autre âge. […] Mais les mythes des anciens âges ne peuvent plus être pris au sérieux dans l’âge de la science. […] Aurait-on pu empêcher un Mozart, un Haydn, un Rossini même, d’entendre, dès l’âge de dix ou douze ans, ses voix intérieures, de chanter comme l’oiseau et de composer d’instinct sonates ou opéras ?

1172. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Mais, plus on me lira, plus on se convaincra qu’une sorte d’unité relie mes choses premières à celles de mon âge mûr : par exemple les Paysages tristes ne sont-ils pas, en quelque sorte, l’œuf de toute une volée de vers chanteurs, vagues ensemble et définis, dont je reste peut-être le premier en date oiselier ? […] Et puis, il va si loin parfois, l’amour physique, dans nos têtes d’âge mûr, quand nos âges mûrs ne sont pas résignés, y ayant ou non des raisons. […] l’âge mûr a, peut avoir ses revanches et l’art aussi, sur les enfantillages de la jeunesse, ses nobles revanches, traiter des objets plus et mieux en rapport, religion, patrie, et la science, et soi-même bien considéré sous toutes formes, ce que j’appellerai de l’élégie sérieuse, en haine de ce mot, psychologie. […] Je vis un homme d’âge moyen, d’un visage chevalin, nez fort, barbe pointue, cheveux rares, châtain, aux yeux d’une très grande douceur, mais observateurs et comme matois de Normand. […] J’entends parler de ceux à qui leurs excès, bien de leur âge et de leur intransigeance, charmante au fond, avaient valu de la part de tels critiques qui ne les valaient pas les épithètes de Décadents et de Symbolistes...

1173. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre I. Les personnages »

Ce sont de nobles vers que ceux où il représente « le malheureux lion, languissant, triste et morne, estropié par l’âge, pouvant à peine rugir, et cependant attendant son destin sans faire une seule plainte. »41 Ce lion « chargé d’ans » et qui pleure « son antique prouesse », mais qui souffre et meurt sans rien dire, et à qui l’insulte seule arrache un gémissement, est héroïque comme un personnage de Corneille. […] Il apporte une consultation en forme ; le dévot est devenu médecin, pose des principes, disserte, démontre :49 « le prince ne manque que de chaleur, le long âge en lui l’a détruite », mais il y a un beau secret pour « réparer la nature défaillante. » Et là-dessus savourant tous les mots, surtout le plus atroce, il ajoute : D’un loup écorché vif appliquez-vous la peau     Toute chaude et toute fumante. […] 78 Il regarde les jambons de son hôte, demande leur âge, loue leur mine, « les reçoit, et de bon coeur, déjeune très bien, comme aussi sa famille, chiens, chevaux et valets, tous gens bien endentés. » Cela l’égaye et il s’humanise, il daigne causer, juger, entrer dans les questions intimes. […] Le malheureux lion, languissant, triste et morne, Peut à peine rugir, par l’âge estropié. […] Le long âge en vous l’a détruite.

1174. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

Elle est là, à côté de moi, avec sa belle et charmante tête, dans laquelle, avec l’âge, s’accuse, de jour en jour, un peu plus le type de la mulâtresse. […] — Quel âge as-tu ? […] On aurait dit toutes les corruptions et toutes les canailleries de Paris, filtrées dans ce petit monstre de l’âge de la première communion ; oui, dans cet enfant, où tout le mal, tout le vice d’une capitale de deux millions d’âmes, s’apercevait, comme en une effrayante miniature. […] Il me déplaît, cet homme, gras, frais, poupin, la figure en lune de lanterne magique, le teint d’enfant de chœur, la mine sans âge, et où le labeur effrayant de sa production n’a pas mis d’années, il me déplaît enfin avec son air d’enfant prodige sur un corps d’homme fait. […] Une maison où mon frère vient passer ses vacances depuis 1833, et où je l’accompagne depuis l’âge de dix-huit ans.

1175. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXIIe entretien. Sur le caractère et les œuvres de Béranger » pp. 253-364

Sur le caractère et les œuvres de Béranger I Nous avons laissé Béranger jeune, pauvre, cherchant son talent en lui-même, et cherchant sa voie dans le monde, indécis comme tout homme l’est à cet âge sur ses propres opinions, rêvant un poème épique national et monarchique, attendri sur les destinées tragiques des Bourbons, célébrant le rétablissement du culte d’État dans sa patrie, applaudissant à l’inauguration providentielle d’une dynastie militaire sur un trône recrépi de gloire et de force ; en un mot nous avons laissé ce jeune homme faisant tout ce que M. de Fontanes, M. de Chateaubriand, M. de Bonald auraient pu faire pour la restauration poétique du passé : disons mieux, nous l’avons laissé ne sachant pas ce qu’il faisait, écolier du hasard ébauchant les thèmes de l’inexpérience et de l’imagination. […] Un fermier riche et de son âge, Qu’elle espérait voir son époux, La quitta, parce qu’au village On riait de ses cheveux roux. […] » reprit-il en me serrant la main dans ses deux mains. « Je m’en irai plus content si je vous laisse, vous et ce qui vous appartient, dans le repos et dans la sérénité des derniers jours. » XXXVI La femme âgée qu’il venait d’ensevelir s’était appelée Lisette dans sa folle jeunesse, elle s’était appelée madame Judith dans son âge mûr ; on a cru qu’on pouvait l’appeler tout bas du nom du poète dans sa vieillesse : je l’ignore ; c’était une femme de quatre-vingts ans passés, d’un port d’impératrice déchue, d’une conversation contenue, mais très distinguée et très fine, à la hauteur de tout esprit et de toute âme. « Je ne suis pas la rose, mais j’ai habité avec elle. » On voyait que Béranger, Manuel, Chateaubriand, Lamennais, Hugo, Michelet, Benjamin Constant, Thiers, Mignet et cent autres, Lebrun, Havin, homme d’élite, avaient passé par cette chambre qui précédait celle du solitaire, salle d’attente de cette royauté de l’esprit et de la bonté qu’on venait saluer dans Béranger. […] Cela veut dire : Je suis encore le peuple français. » XL Élevons un mausolée à cet homme de notre chair et de notre sang, à cet homme qui personnifie si bien nos faiblesses dans son âge de faiblesse, nos vertus dans son âge de vertu !

1176. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre II. La parole intérieure comparée à la parole interieure »

Nous reconnaissons que la suppression de l’image tactile est une acquisition de l’âge, un effet de l’habitude, que chez l’enfant, l’image tactile et l’image sonore sont deux phénomènes naturellement associés ; mais cette association n’est pas inséparable : l’attention dissocie lentement les deux éléments en se portant exclusivement ou presque exclusivement sur l’image sonore144. […] D’ailleurs, à l’âge où l’esprit peut s’observer, la perception externe se fait sans tâtonnement et sans effort ; depuis longtemps, le monde extérieur a été créé par notre pensée, et, quand nous l’affirmons, nous ne faisons plus que le reconnaître ; depuis longtemps, les signes de l’extériorité nous sont à tel point familiers que nous les interprétons constamment à notre insu ; l’habitude est enracinée en nous d’externer certaines classes de nos états ; nous la suivons sans la connaître, esclaves aveugles de notre passé. […] C’est ainsi que les vieillards se répètent à leur insu ; on reconnaît leurs paroles, eux-mêmes ne les reconnaissent pas ; le même phénomène se produit à tout âge, mais il est moins fréquent et moins sensible avant la vieillesse. […] 19 (Racine, Mithridate Enfin, si, dans le langage littéraire, le cœur parle si souvent, c’est sans doute qu’il suggère, qu’il inspire des pensées, comme une bouche étrangère et persuasive, mais c’est aussi que ses suggestions se traduisent immédiatement en parole intérieure ; il est donc implicitement question de la parole intérieure dans la locution : « si le cœur vous en dit », et dans les vers suivants164 : L’âge me conduisait où le cœur me disait. […] citation inexacte du début de l’Eglogue au roi sous les noms de Pan et Robin de Marot (1539), condensant les v. 3-4 : « Sur le printemps de ma jeunesse folle, / Je ressemblais l’arondelle qui vole, / Puis çà, puis là : l’âge me conduisait / Sans peur ni soin, où le cœur me disait. » 21.

1177. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Je trouvai le plus aimable petit vieillard que la tradition oubliée dans un coin de Paris eût pu préserver pour être au besoin consulté par les hommes d’un autre âge. […] Je dois à un examen plus attentif des questions sociales, à l’âge, à l’expérience, des sentiments plus justes sur la société politique, qu’elle soit républicaine ou monarchique. […] Ma mère, élevée dans le palais même de Saint-Cloud et dans la familiarité des enfants du prince, du même âge qu’elle, avait des occasions quotidiennes de voir le duc d’Orléans (avant que la Révolution l’eût encore entraîné et souillé dans ses excès), et de le voir entre la princesse sa femme et ses enfants, dans ces intimités caressantes qui donnent la grâce de la nature aux heureux pères d’une nombreuse famille, dans les palais comme dans les chaumières.

1178. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Depuis Charles Martel, le vainqueur des Sarrasins, jusqu’à Louis III, le vainqueur des Normands15. tous les Pépins, les Charles et les Louis, selon le mot du poète saxon16, ont été chantés concurremment avec les Clotaires et les Thierrys de l’âge précédent. […] Nous sommes donc réduits à ressaisir, par une divination délicate, l’âme et les membres épars de l’épopée perdue au milieu de toutes les inventions dont la fantaisie romanesque de l’âge suivant l’a surchargée et dénaturée. […] Le xve  siècle mit donc en prose les narrations versifiées, et le passage fut achevé de la forme épique des âges primitifs à la forme du roman moderne.

1179. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Si bien qu’en cet âge de trouble et de misère, l’Université, sous son vêtement ecclésiastique, sous les privilèges de ses clercs et de ses docteurs, abritera la raison indépendante, pour lui permettre d’atteindre le temps où elle pourra jeter bas la défroque scolastique et se risquer hors de la rue du Fouarre ou du Clos-Bruneau. […] L’âge de l’inspiration épique, et même chevaleresque est passé. […] Mais le xive  siècle est un âge prosaïque : la prose est dans les âmes, et voilà pourquoi la littérature en prose est la plus riche et la plus expressive.

1180. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Quand il eut cinquante ans et qu’il eut passé l’âge d’être décemment amoureux, il jeta le masque, et s’en donna de persifler les amoureux. […] On les retrouve encore, ces deux sentiments généraux, dans les deux œuvres capitales sur lesquelles s’achève l’indécise époque par où le moyeu âge rejoint la Renaissance : dans les œuvres de Villon et de Commynes. […] L’ignorance et l’incurie de Boileau et de Voltaire ne sont pas imputables à l’humanisme ; elles n’ont fait que suivre nécessairement l’ignorance et l’incurie moins pardonnables du dernier âge scolastique et féodal.

1181. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

Eux les naturels et les simples, pour qui aucune grandeur n’excédait la stature humaine, et qui, dans l’âge même de leurs monarchies héroïques, voyaient les rois d’Homère traités par leurs guerriers comme des compagnons couronnés. […] « Ô Fidèles entre les fidèles, vieillards de la Perse, vous qui êtes du même âge que moi, de quel malheur le royaume est-il affligé ? […] Mais jamais, moi régnant, la Perse ne subit un pareil échec… Certes, sachez bien ceci, ô mes égaux par l’âge, nous tous qui nous sommes transmis cet empire, jamais nous n’avons attiré sur lui de si grands malheurs. » Le Chœur, remis de son trouble, s’enhardit à l’interroger : — « Ô roi Darius, quel augure tirer de tes paroles ?

1182. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

L’antique querelle des deux âges éclate ; barbes grises contre cheveux noirs ; on discute, on dispute ; les vieillards sont pour les vieux ; les jeunes sont pour Eschyle. […] Le gigantesque théâtre eschylien était comme chargé de surveiller le bas âge des colonies. […] On sait par les didascalies que les Perses furent représentés sous l’archonte Ménon, les Sept Chefs devant Thèbes sous l’archonte Théagénidès et l’Orestie sous l’archonte Philoclès ; on sait par Aristote qu’Eschyle osa, le premier, faire parler deux personnages à la fois ; par Platon, que les esclaves assistaient à ses pièces ; par Horace, qu’il inventa le masque et le cothurne ; par Pollux, que les femmes grosses avortaient à l’entrée des Furies ; par Philostrate, qu’il abrégea les monodies ; par Suidas, que son théâtre s’écroula sous la foule ; par Élien, qu’il blasphéma ; par Plutarque, qu’il fut exilé ; par Valère-Maxime, qu’un aigle le tua d’une tortue sur la tête ; par Quintilien, qu’on retoucha ses pièces ; par Fabricius, que ses fils sont accusés de cette lèse-paternité ; par les marbres d’Arundel, la date de sa naissance, la date de sa mort et son âge, soixante-neuf ans.

1183. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Il lui est accordé d’avoir des enfants jusqu’à un âge où évidemment il ne peut plus espérer de les voir en état de se faire leur propre destinée. […] Les hommes eurent souvent aussi deux noms : on retrouve, à un certain âge de la société, ces doubles noms affectés de prérogatives ou des significations différentes, dont l’un est le nom d’un être connu dans le ciel, et dont l’autre est le nom du même être connu sur la terre. […] Quoi qu’il en soit, une langue ne vient à être bien comprise et parfaitement analysée qu’à un âge très avancé de la société ; encore y a-t-il peu d’hommes qui parviennent à cette profondeur de l’analyse.

1184. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Heureuse jeunesse qui se poursuivit avec toute sa force et toute son intégrité dans l’âge mûr ! […] Je lisais tout cela à haute voix ; et avec ce ressouvenir des premières années où l’on eût la foi vive et entière, avec ces sentiments sérieux et rassis que l’âge nous rend ou nous donne, et aussi avec ce goût d’une littérature apaisée, qui est désormais la mienne en vieillissant, je trouvais ce discours aussi excellent de forme que de fond, beau et bon de tout point.

1185. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

monsieur, vous ne nous aviez pas préparés à ce langage-là. » La suite du compliment de M. de Noyon répond de tout point au début : Entrons, dit-il, dans notre sujet et remarquons les âges différents de l’Académie française, — née sous les auspices du cardinal duc de Richelieu fondateur ; — élevée par les soins du chancelier Séguier conservateur ; — fortifiée des doctes écrits de mon prédécesseur ; — consommée et comblée de toute la gloire de Louis le Grand son auguste et magnifique protecteur ; — ouvrages dignes de leurs auteurs ! […] s’écriait-il aussitôt ; son air charmant et majestueux se répand sur toutes ses actions ; sa maison royale emprunte quelques rayons de sa gloire ; son âge est mûr et parfait ; le travail infatigable lui est devenu naturel… Son amour extrême pour nous sacrifie toutes ses veilles à notre repos, et s’il abrège et méprise le temps du sommeil, c’est parce qu’il le passe sans nous… Ne vous étonnez pas, messieurs, du zèle de ce discours : chaque mot est un trait de flamme… Cela paraissait ridicule, dit de ce ton, même alors, — surtout alors62.

1186. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Les tons menaçants dont il s’habille conviennent au ciel libre, au paysage nu, à la chaleur puissante qui l’environne ; il est vivant comme une plante ; seulement il est d’un autre âge plus sévère et plus fort que celui où nous végétons. […] Je n’ai donné que la partie purement pittoresque : les pages qui suivent et où l’auteur s’emparant des notions géologiques, expose et ressuscite les révolutions de ces contrées durant les âges antérieurs à l’homme, sont d’une extrême élévation et d’une vraie beauté ; la conclusion est d’une humilité mélancolique, mêlée d’un sourire, pour la race humaine éphémère.

1187. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — III — Toujours Vauvenargues et Mirabeau — De l’ambition. — De la rigidité » pp. 38-55

Il mourut peu après, en 1761, à l’âge de trente-sept ans. […] Il y arrive, à l’éloquence, dans sa lettre du 22 mars 1740, non sans avoir passé par quelques lenteurs ; car il résume assez longuement les espèces de conférences morales qu’il tient avec le chevalier : ces conversations pour former un parfait honnête homme sont un peu sermon pour nous, comme elles l’étaient probablement pour son impatient élève ; puis tout à coup, à propos des lectures qu’il lui voudrait voir faire, entre autres celle des Vies de Plutarque, il s’enflamme et se laisse emporter : C’est une lecture touchante, j’en étais fou à son âge ; le génie et la vertu ne sont nulle part mieux peints ; l’on y peut prendre une teinture de l’histoire de la Grèce, et même de celle de Rome.

1188. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Née trente ou quarante ans avant la nouvelle duchesse de Choiseul, elle s’amuse à intervertir les rôles et les âges, à la confondre avec son homonyme, et à dire au duc et à la duchesse grand-papa et grand-maman, de même qu’eux, en parlant d’elle, la traitent de petite-fille. […] Dans un âge si avancé, elle a conservé ardente, comme au premier jour, la soif de bonheur, et elle ne sait aucun moyen de se désaltérer.

1189. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Pour cela, il ne faut que vouloir à votre âge ; continuez de chanter ; votre voix n’est pas celle de tout le monde… » Et comme il s’agit de vers, et que c’est à un rimeur qu’il a affaire, il ajoute, en appuyant sur la corde sensible : « Le bien que je vous ai dit de vos vers, ceux-ci viennent le confirmer. […] Et cette page encore (car aux incrédules il faut des preuves), ce début de lettre à Mme Cauchois-Lemaire, pour un autre anniversaire de naissance, le jour où il a ses 54 ans, un bel âge assurément : « J’ai à dîner, ce triste jour, quelques vieux amis, les seuls qui vous pardonnent de vieillir, parce qu’eux-mêmes ne sont plus jeunes.

1190. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

Admirablement bien élevé par un père d’apparence modeste, et qui, dans sa longue patience, recelait toutes les ambitions, dussent-elles n’éclater au complet et ne s’épanouir que dans la personne de ses enfants, Louvois, secrétaire d’État en survivance dès l’âge de quinze ans, nourri au sein des affaires, eut l’art, auprès de Louis XIV son aîné de bien peu, de se donner comme l’élève le plus disposé à profiter des leçons du maître, et qui n’aspirait qu’à le bien servir. […] Associé à la charge de son père dès 1662, à l’âge de vingt et un ans, et autorisé à signer comme secrétaire d’État, quelques années se passent avant qu’il siège au Conseil et qu’il s’impose avec tout son ascendant.

1191. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

Montaigne, retiré vers l’âge de trente-huit ans dans son château et dans sa tour seigneuriale, s’était amusé à tracer ou à faire tracer sur les poutres et chevrons supérieurs de la pièce qu’il appelait sa librairie ou bibliothèque quelques inscriptions morales et philosophiques, reproduisant les maximes ordinaires de sagesse qu’il tenait à avoir constamment devant les yeux. […] Voici, de tout le Journal, la page, selon moi, la plus caractéristique et la plus propre à nous faire juger de l’humeur excitée et charmante du voyageur excellent : « Je crois à la vérité, nous dit son secrétaire, que, s’il eût été seul avec les siens, il fût allé plutôt à Cracovie ou vers la Grèce par terre, que de prendre le tour vers l’Italie ; mais le plaisir qu’il prenait à visiter les pays inconnus, lequel il trouvait si doux que d’en oublier la faiblesse de son âge et de sa santé, il ne le pouvait imprimer à nul de la troupe, chacun ne demandant que la retraite, tandis que lui, il avait accoutumé de dire qu’après avoir passé une nuit inquiète, quand au matin il venait à se souvenir qu’il avait à voir ou une ville ou une nouvelle contrée, il se levait avec désir et allégresse.

1192. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

dans sa précipitation elle s’est trompée de boîte, et le bel amoureux, au lieu de devenir oiseau, se voit instantanément changé en âne, — le plus bel âne de Thessalie, l’Âne d’or, si vous voulez l’appeler ainsi, comme on dit l’Âge d’or, — un véritable âne pourtant, sauf qu’il garde sous ce poil et sous cette peau l’entendement d’un homme. […] Il est un âge pour ces fleurs d’or de l’imagination, pour ces productions spontanées du génie humain enfant ou adolescent.

1193. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Mais peu à peu elle comprit que l’âge fait changer l’expression de l’amour et que « les tendresses, les caresses, ce lait du cœur, s’en vont droit vers les plus petits » ; et elle se mit à aimer passionnément ce jeune frère […] « Maman, lui disait-elle plus tard, était contente de cette union, de cette affection fraternelle, et te voyait avec charme sur mes genoux, enfant sur enfant, cœur sur cœur, comme à présent. » Ces sentiments ne firent que grandir et se fortifier avec l’âge.

1194. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Saint Joseph, qui regarde l’enfant, est véritablement un homme de campagne, déjà sur l’âge ; la Vierge est une jeune femme de campagne aussi, belle, brune, un peu forte ; l’enfant, qui fait sécher les langes devant la cheminée, semble un enfant de la maison, sauf les ailes qui sont comme ajoutées ; le berceau qu’on voit sur le devant est un bers tout rustique et grossier. […] Ce joli chant, toutes les fois que je l’entends, air et paroles, me remet en souvenir quelqu’une des belles stances de Racan, ou je ne sais quel sonnet pastoral de Vauquelin de La Fresnaye, un écho de notre âge d’or gaulois.

1195. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

Son personnage principal, le duc Pompée-Henri de Joyeuse, un lion à la mode, beau, aimable, doué de tous les talents, un ténor et un virtuose comme on en a connu, — comme un Mario ou un Belgiojoso, — arrivé à l’âge de quarante ans, cette extrême limite de la jeunesse, à bout de ressources et de désordres, tout à fait ruiné, est appelé en Allemagne par un ancien ami de sa famille, un ami de sa mère, le comte Herman qui, en mourant, l’adopte et lui laisse par testament son immense fortune, à la condition de prendre son nom et de séjourner en Allemagne au moins une année. […] Je ne demande que la faveur de lui parler un instant ; pour l’obtenir, je m’adresserais à sa femme elle-même. » Noirmont n’insiste plus : il comprend qu’il vaut mieux pour Herman, puisqu’il faut tôt ou tard la rencontrer, revoir cette fois Pompéa, et à l’instant même, et livrer résolument le grand combat ; car c’est bien de ce côté que se présente la bataille rangée et que va être le fort du péril ; le reste n’est rien ou servira plutôt de diversion et de secours ; la coquetterie avec la future belle-sœur n’est qu’une escarmouche plus vive qu’effrayante, entamée à peine ; mais revoir Pompéa belle, jeune, ayant les droits du passé, dans la plénitude de la vie, à l’âge de vingt-six ans, avec ce je ne sais quoi d’impérieux et de puissant qu’une première douleur ajoute à la passion et à la beauté… le danger est là, danger d’une reprise fatale ; et, en pareil cas, mieux vaut affronter une bonne fois, qu’éluder.

1196. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

Lorsqu’il ne s’agit pas d’étudier pour gagner sa vie, et si l’étudiant est assez heureux pour que le Ciel lui ait donné des parents qui lui assurent du pain, je serais volontiers d’avis qu’on le laissât suivre la science pour laquelle il se sentirait le plus d’inclination ; et bien que celle de la poésie soit moins utile qu’agréable, du moins elle n’est pas de ces sciences qui déshonorent ceux qui les cultivent La poésie, seigneur hidalgo, est, à mon avis, comme une jeune fille d’un âge tendre et d’une beauté parfaite, que prennent soin de parer et d’enrichir plusieurs autres jeunes filles, qui sont toutes les autres sciences ; car elle doit se servir de toutes, et toutes doivent se rehausser par elle. […] L’intelligence du style et de la couleur propre à chaque temps et à chaque œuvre est une conquête de notre âge ; ce qui n’empêche pas, dans la multiplicité, quelque confusion.

1197. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Il y eut peut-être un moment où Virgile jeune, dans l’orgueil de ses vastes pensées, méditant une œuvre plus immortelle que Rome elle-même, se croyait au-dessus des lois de la critique et dédaignait de rien puiser qu’à la source directe de la nature ; mais quand il eut tout bien examiné des deux parts, il trouva que la nature et Homère, ce n’était qu’un. » Certes la poésie des seconds âges, des âges polis et adoucis, n’a jamais été mieux exprimée par un exemple.

1198. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Le duc de Noailles dont il est question ici et qui mourut comblé de jours, de considération et d’honneurs en 1766, à l’âge de quatre-vingt-huit ans, est celui que Saint-Simon a peint en traits saillants, terribles, très flatteurs aussi à bien des égards, exagérés sans doute sur quelques points ; mais cela précisément appelle la discussion et l’examen. […] Elles sont cependant les mieux établies, parce qu’elles ont toujours cheminé par la souplesse, l’assiduité, la complaisance, l’utilité aux plaisirs et la dévotion, suivant l’âge de nos rois.

1199. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Ils ont commencé par l’excès, par l’abus ; ils ont abondé dans leur sens, ils ont beaucoup hasardé : mais bientôt ils ont tant vu et compulsé de pièces de ce xviiie  siècle qu’ils chérissent et où ils ont placé leurs origines, ils ont tant recherché et comparé de tableaux, d’estampes et d’images, tant recueilli de détails, tant colligé d’anecdotes, tant dépouillé de journaux, de correspondances, en finissant par les gros livres et par les ouvrages de poids, qu’ils sont devenus à leur tour des habiles, des peintres et témoins fidèles, des experts de première qualité dans la connaissance de cet âge si voisin de nous et si compliqué, si raffiné. […] Non-seulement ils aiment le xviiie  siècle par excellence, le nôtre, mais en général ils aiment tous les xviiies  siècles et les préfèrent décidément à ce que j’appellerai les xviies  siècles, c’est-à-dire aux âges d’un goût plus large et plus simple, d’une autorité plus légitime et plus établie.

1200. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La comédie de J. de La Bruyère : par M. Édouard Fournier. »

Chatel, le 23 novembre 1673 (à l’âge de 28 ans), l’office de trésorier de France au bureau des finances de Caen, et en jouit à partir du 1er janvier 1674. » Ce fut très-peu après cette espèce d’engagement qu’il fut placé, à la recommandation de Bossuet, auprès de M. le Duc pour lui enseigner l’histoire ; il ne garda pas moins son office de finance douze années durant, et il ne s’en démit qu’en janvier 1687. […] Intuition, induction, déduction, etc., sont permises en des choses plus graves, sinon plus sérieuses, par exemple en épigraphie — cet âge de pierre — de l’archéologie, — et Dieu sait si l’on y abuse de la faculté de voir, par la raison qu’on ne saurait voir mieux !

1201. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Nous voilà donc, embrassant par l’esprit et par l’étude, toute la série des âges qui ont précédé, nous faisant miroir le plus étendu et le plus varié qu’il est possible, reproduisant chaque chose à sa manière et à la nôtre ; une époque alexandrine et trajane au complet ; une espèce de musée de Versailles où tout a place, depuis les groupes mythologiques d’Apollon et de Latone jusqu’au bon maréchal de Champagne et à Boucicault ; une renaissance, encore un coup, par tous les points et sur tous les bords. […] Dès ce moment, études, voyages sur les traces de la sainte, manuscrits à consulter, renseignements et traditions populaires à recueillir, l’auteur fervent ne négligea rien ; il embrassa cette chère mémoire : il se fit le desservant, après des âges, de cette gloire séraphique oubliée.

1202. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

remy n’ait pas été à cette époque en âge de se former un avis ; on peut conjecturer, au ton dont il en parle, que cette supposition ne lui aurait pas déplu ; ce qui est bien certain, c’est que M. […] Il n’a pas voulu reconnaître que du Fénelon tout pur, venant à la fin du xviiie  siècle ou au commencement de celui-ci, n’aurait produit qu’un effet un peu lent ; qu’il y avait lieu, quand la peinture gagnait de toutes parts et allait s’appliquer à tous les âges, de ne pas laisser l’antiquité seule pâlir.

1203. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

l’âge mûr en son retard, s’il les rencontre, les accusera plus violents et plus amassés. […] Quoi qu’il soit devenu, et quoi qu’il fasse, il se ressouvient éternellement, du moins, de cette divine douleur de jeune fille, et, à ses bons et plus graves moments, sous cette neige déjà que le bel âge enfui a laissée par places à son front, il en fait le refuge secret de ses plus pures tristesses, et la source la plus sûre encore de ce qui lui reste d’inspirations désintéressées.

1204. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Chaque prophète a son hazar, ou règne de mille ans (chiliasme), et de ces âges successifs, analogues aux millions de siècles dévolus à chaque bouddha de l’Inde, se compose la trame des événements qui préparent le règne d’Ormuzd. […] Ces idées couraient le monde et pénétraient jusqu’à Rome, où elles inspiraient un cycle de poêmes prophétiques, dont les idées fondamentales étaient la division de l’histoire de l’humanité en périodes, la succession des dieux répondant à ces périodes, un complet renouvellement du monde, et l’avénement final d’un âge d’or 147.

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