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1206. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Sur l’idéal de la liberté chez les Grecs, sur leurs philosophes, sur leurs poètes même et sur Homère dont il interprète la mythologie par le côté principalement moral, il a des pages senties qu’il n’aurait jamais écrites avant 1670, avant de s’être retrempé, pour son préceptorat du Dauphin, aux vives sources de l’ancienne littérature profane.

1207. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « La civilisation et la démocratie française. Deux conférences par M. Ch. Duveyrier »

La nature étudiée, attaquée par tous les points, poursuivie dans ses détails, embrassée dans ses ensembles, décrite, dépeinte, admirée, connue ; — ce qui reste de barbarie cerné de toutes parts ; — les antiques civilisations rendues de jour en jour plus intelligibles, plus accessibles ; — le contact des religions considérables amenant l’estime, l’explication et jusqu’à un certain point la justification du passé, et tendant à amortir, à neutraliser dorénavant les fanatismes ; — une tolérance vraie, non plus la tolérance qui supporte en méprisant et qui se contente de ne plus condamner au feu, mais celle qui se rend compte véritablement, qui ménage et qui respecte ; — au dedans, au sein de notre civilisation européenne et française, un adoucissement sensible dans les rapports des classes entre elles, un désarmement des méfiances et des colères ; un souci, une entente croissante des questions économiques et des intérêts, ou, ce qui revient au même, des droits de chacun ; le prolétaire en voie de s’affranchir par degrés et sans trop de secousse, la femme trouvant d’éloquents avocats pour sa faiblesse comme pour sa capacité et ses mérites divers ; les sentiments affectueux, généreux, se réfléchissant et se traduisant dans des essais d’art populaire ou dans des chants d’une musique universelle : — tous ces grands et bons résultats en partie obtenus, en partie entrevus, les transportent ; ils croient pouvoir tirer de cet ordre actuel ou prochain, de cette conquête pacifique future, un idéal qui, pour ne pas ressembler à l’ancien, n’en sera ni moins inspirant, ni moins fécond.

1208. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

La tête d’une société est bien malade quand elle prend pour son idéal de pareils Don Juans, dont le vice surtout est contagieux.

1209. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « GLANES, PÖESIES PAR MADEMOISELLE LOUISE BERTIN. » pp. 307-327

Alfred de Musset, que s’il jetait souvent à la face du siècle d’étincelantes satires comme la dernière sur la Paresse, que s’il livrait plus souvent aux amis de l’idéal et du rêve des méditations comme sa Nuit de Mai, il serait peut-être en grande chance de faire infidélité à son groupe, et de passer, lui aussi, le plus jeune des glorieux, à l’auréole pleine et distincte154.

1210. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 15 janvier 1887. »

… »   Et la Nuit les serrait dans ses flots harmoniques ; Les sources chantaient sous des dômes d’arbres verts Mystérieusement ; d’idéales musiques   Leur inondaient le cœur, tombant des deux ouverts … Et les Amants disaient ; « Que résonnent tes glas, Nuit rédemptrice, ô Mort !

1211. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre XI. Quelques philosophes »

Il écrit du philosophe : « La danse est son idéal, son art particulier, et finalement aussi sa seule piété, son culte »… Son Zarathoustra « ne s’avance-t-il pas comme un danseur » ?

1212. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

D’autre part, la représentation, demeurant tout idéale, n’est point adéquate à la réaction qu’elle provoque : il y a donc excès de réaction par rapport à la représentation ; c’est cet excès, selon nous, qui constitue la tension du désir.

1213. (1899) Psychologie des titres (article de la Revue des Revues) pp. 595-606

Toute religion, étant de la catégorie de l’idéal et du mystérieux, affectionne les mots et les tournures de langage propres à frapper l’imagination.

1214. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Des Mémoires de Sterne, esprit personnel et pourtant rayonnant, microcosme, à facettes irisées, d’un monde qu’il teignait des suaves couleurs de l’Idéal sans lui ôter les siennes si souvent ternes, quand elles ne sont pas cruelles et sombres ; des Mémoires de Sterne auraient complété le Tristram, comme les admirables Memoranda, mutilés si lâchement par Moore, complètent le Juan de Lord Byron.

1215. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre III. Les explications anthropologique, idéologique, sociologique »

Combien la réalité nous laisse loin de cette connaissance idéale, ce n’est que trop évident.

1216. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Il conçoit la plus haute des beautés idéales, mais il n’en conçoit qu’une. […] Contre les fluctuations du dehors, il trouvait son refuge en lui-même ; et la cité idéale qu’il avait bâtie dans son âme demeurait inexpugnable à tous les assauts. […] Dans toute son éducation et dans toute sa jeunesse, dans ses lectures profanes et dans ses études sacrées, dans ses actions et dans ses maximes, perce déjà sa pensée dominante et permanente, la résolution de développer et dégager en lui-même l’homme idéal. […] On n’apercevait point encore le Faust panthéiste et la vague Nature qui engloutit les êtres changeants dans son sein profond ; on n’apercevait plus le paradis mystique et l’immortel Amour dont la lumière idéale baigne les âmes rachetées.

1217. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

Il resterait aussi à ramener les lois de l’association à des lois physiologiques, le mécanisme psychologique au mécanisme cérébral qui le supporte : mais nous sommes bien loin de cet idéal. […] Comme il y a un élément musculaire dans nos sensations, spécialement dans celle de l’ordre le plus élevé, toucher, vue, ouïe, cet élément doit, d’une façon ou d’une autre, trouver sa place dans la sensation idéale, dans le souvenir. » Depuis cette époque, la question de la nature des images a été étudiée sérieusement et avec fruit, et résolue dans le même sens26. […] Chez ceux qui n’appartiennent pas au type moteur, par conséquent les plus défavorables à notre thèse, il y a un état d’audition idéale ou de vision idéale : l’œil, quoique fermé, s’attache à des objets imaginaires.

1218. (1883) Le roman naturaliste

Si, par hasard, nous inventons en dehors et au-dessus de la réalité présente, dans le monde idéal du rêve et de la poésie, vous nous accusez de combiner l’imaginaire avec le fantastique. […] Nous avons besoin d’un peu d’idéal. […] En vain protestez-vous ; et en vain appelez-vous les grands mots à votre aide : « l’amour de la littérature pour elle-même » ; le culte de « l’art pour l’art », « la religion de l’idéal » ! […] Votre idéal reste toujours un peu bas, comme votre culte un peu matériel, comme votre littérature un peu grossière, parce que vous donnez aux questions de forme et de métier plus d’importance qu’elles n’en devraient avoir. […] Cet idéal, assurément, n’est ni très noble ni très élevé.

1219. (1910) Études littéraires : dix-huitième siècle

Son idéal n’est pas bien haut, et on peut dire qu’il n’a pas d’idéal ; mais il semble avoir voulu prouver, et par ses paroles et par son exemple, quelle bonne règle morale ce serait déjà que l’intérêt bien entendu, avec un peu de bonté, qui serait encore de l’intérêt bien compris. […] Marianne est exquise de délicatesse ; voici une dame qui a la passion du désintéressement, en voici une autre qui est l’idéal même. […] Sauf en Orient, toutes les monarchies ont des lois, puissances idéales, limitatives du prince, protectrices du citoyen. […] « Il ne s’agit pas de faire une révolution comme du temps de Luther ou de Calvin, mais d’en faire une dans l’esprit de ceux qui sont faits pour gouverner. » Son idéal, c’est Frédéric II ; non pas encore : Frédéric accueille et recueille les Jésuites ; son vrai idéal, c’est Catherine II. […] Ce qu’il paraît concevoir comme idéal de civilisation est peu engageant.

1220. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

. —  Conception de l’homme idéal. […] Il soupire après l’idéal, appelle une inconnue, et tombe amoureux de l’actrice en question, femme de trente-deux ans, perroquet de théâtre, ignorante et bête à plaisir. […] le monde imaginaire ne suffit pas aux âmes blessées, et le désir de l’idéal, pour s’assouvir, se rabaisse enfin jusqu’aux êtres de la terre.

1221. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Vendredi 14 août En enlevant à l’humanité toute religion d’un idéal quelconque, je crains bien, que ce prétendu gouvernement de la fraternité prépare aux malheureux des temps futurs, des concitoyens à l’égoïsme impitoyable, aux entrailles de fer. […] Soudain sous ces grands arbres — spectacle charmant — a débouché, pour la danse, en plein air de la nuit, une queue interminable de danseurs et de danseuses, marchant deux à deux, avec des allures un peu théâtrales : — les filles coquettement provocantes dans cet idéal costume arlésien, qui donnerait à défaut de beauté, de la joliesse aux plus laides. […] Ses demi-asseyements sur une fesse, une jambe repliée pour jouer du piano, ses fumeries de cigarettes à l’instar des lorettes de Gavarni ; enfin toute cette mimique de fille, et jusqu’à la merveilleuse composition de cette toilette de campagne, idéale toilette de cocotte avachie.

1222. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Le plan de la profondeur est celui de l’ardeur même : l’esprit de vérité s’accroît ainsi de la dimension idéale. […] En 1900, deux jeunes revues : Die Aktion et Der Sturmbg , entraînaient une jeunesse fatiguée et lassée vers un nouvel Idéal. C’est là qu’une phalange de jeunes écrivains cherchèrent ce qu’il leur fallait : une nouvelle forme, un nouveau style, un nouvel idéal !

1223. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

On le croyait distrait lorsqu’il était occupé à gravir les hauteurs de la pensée, à descendre dans les abîmes des origines, etc. » Dans ce portrait idéal, tracé à distance et au point de vue des années condensées, il ne faudrait pas chercher un renseignement biographique précis. […] Il y songea dès 1811, et il est à croire que, dans sa pensée primitive, l’amour sans bonheur de la pieuse Antigone et du généreux Hémon devait consacrer sous une forme idéale et antique les sentiments dont il était plein : « L’amour et le malheur ont été une même chose pour eux : pour eux la mort et l’hymen devaient aussi être une même chose. » Mais peu à peu, et quoiqu’à le bien entendre ce fonds personnel soit encore ce qui anime le reste, la pensée du poëte se généralisa, s’agrandit, et, chemin faisant, recueillit des impressions successives.

1224. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

. — Étant donnés les hommes qui vivent autour de nous, nous sommes frappés d’une certaine forme générale qui leur est propre ; nous remarquons à un plus haut degré, tantôt chez l’un, tantôt chez l’autre, les signes extérieurs de telle qualité ou disposition bienfaisante pour l’individu ou pour l’espèce, agilité, vigueur, santé, finesse ou énergie93 ; nous recueillons par degrés tous ces signes ; nous souhaitons contempler un corps humain en qui les caractères que nous jugeons les plus importants et les plus précieux se manifestent par une empreinte plus universelle et plus forte, et, s’il se trouve un artiste chez qui ce groupe de conditions conçues aboutisse à une image expresse, à une représentation sensible, à une demi-vision intérieure, il prend un bloc de marbre et y taille la forme idéale que la nature n’a pas su nous montrer. — Enfin, étant donnés les divers motifs qui poussent les hommes à vouloir, nous constatons que l’individu agit le plus souvent en vue de son bien personnel, c’est-à-dire par intérêt, souvent en vue du bien d’un autre individu qu’il aime, c’est-à-dire par sympathie, très rarement en vue du bien général, abstraction faite de son intérêt ou de ses sympathies, sans plus d’égard pour lui-même ou pour ses amis que pour tout autre homme, sans autre intention que d’être utile à la communauté présente ou future de tous les êtres sensibles et intelligents. […] J’ai fait cette analyse en détail dans La Philosophie de l’art et dans L’Idéal dans l’art.

1225. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Charles Dickens »

L’œuvre de Dickens n’étant pas, par excellence, une œuvre de réalisme descriptif, mais bien une déformation émue du spectacle social, formule un jugement sur ce qui est aimable ou détestable dans le monde, aboutit à fonder une sorte de morale pratique qu’il sera intéressant de connaître, qui n’est ni la morale de ce temps, ni celle du pays où Dickens est né, et qui donnera des lumières complètes sur ses inclinations et son idéal. […] La morale de Dickens élaborée en système ou réduite à ce que l’auteur l’a faite, à quelques aspirations vers un état de bonté et de simplicité inoffensives, à quelques condamnations précipitées de ce qu’il y a de dur dans l’homme et la société, est fausse et inutile comme toutes celles qui sont issues de vœux, d’un idéal, de plus de générosité que d’expérience.

1226. (1856) Cours familier de littérature. I « IVe entretien. [Philosophie et littérature de l’Inde primitive (suite)]. I » pp. 241-320

et quand la contemplation extatique de l’Être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité ; enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache, sur l’aile de son imagination, du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer ; quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle, et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille ; comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux ; comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion à sa suprême puissance, saisit l’artiste. […] Elle le voit dans ses rêves ; elle s’entretient nuit et jour avec ses compagnes des perfections idéales de Nala.

1227. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De la dernière séance de l’Académie des sciences morales et politiques, et du discours de M. Mignet. » pp. 291-307

Jeune, c’était un mélancolique sincère et un amant passionné de l’idéal.

1228. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Bossuet. Lettres sur Bossuet à un homme d’État, par M. Poujoulat, 1854. — Portrait de Bossuet, par M. de Lamartine, dans Le Civilisateur, 1854. — I. » pp. 180-197

Un Dieu, un Christ, un évêque, un roi, — voilà bien dans son entier la sphère lumineuse où la pensée de Bossuet se déploie et règne : voilà son idéal du monde.

1229. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

Bailly a beau faire, on ne peut se détacher de l’esprit de son tempsk : il rêve et place un xviiie  siècle idéal à l’origine des choses, il en fait sa mesure de jugement, et là où il ne le retrouve plus, il dit qu’il y a eu décadence.

1230. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Il y a un moment où, dans son désir de s’élever au beau et au sévère grandiose, il semble près de sortir de sa théorie et d’en adopter une autre, celle d’un idéal qu’on puise en soi-même et que l’artiste, pareil à Phidias, fait descendre comme d’un Olympe pour agrandir ou ennoblir la réalité.

1231. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Prince de Scythie, incomparablement beau et valeureux, fidèle à sa princesse Statira et rival auprès d’elle ou même successeur d’Alexandre, il offre l’image d’un vrai chevalier et l’idéal d’un parfait galant.

1232. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — II » pp. 268-284

Arriver ainsi à la formule générale d’un esprit est le but idéal de l’étude du moraliste et du peintre de caractères.

1233. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — I » pp. 417-434

Il a exprimé, dans une page heureuse et que je veux citer, l’idéal de l’éducation libre comme il l’entendait et comme il avait commencé de la recevoir : On croit la jeunesse indomptable, parce qu’on se fait une fausse idée de l’autorité.

1234. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Essais de politique et de littérature. Par M. Prevost-Paradol. »

Son culte, son idéal, c’est le gouvernement parlementaire ; son ennemi, c’est le pouvoir absolu.

1235. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

Un grand prince, de nos jours, est allé choisir par goût et a traduit l’Idéal de Schiller, le poète magnanime.

1236. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourg, par M. Michelet. (suite.) »

honneur au chimérique et décevant Fénelon, trop agréable au contraire, et qui se fait trop beau jeu dans son idéale Salente !

1237. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Ils charmaient les travaux des longues journées par de doux entretiens, par les récits de la patrie absente. » Voilà l’idéal heureux d’Halévy, son Décaméron de l’Art.

1238. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Les autres, se faisant un idéal plus sage, Dans les goûts de leur caste et les jeux de leur âge Philosophiquement limitent leurs désirs, Sur un mode amphibie alternent leurs plaisirs, Et, dans le frais bourbier où se pavane une oie, Clapotant, barbotant, s’en donnent à cœur-joie.

1239. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

Il y a bien, au fond, un peu du souvenir de Mâtho dans ces redoublements d’inquiétude et d’exaltation de la jeune fille, qui se croit, comme beaucoup de ses pareilles, plus idéale et plus mystique qu’elle ne l’est : il y a pour elle, derrière le voile si ardemment invoqué, autre chose encore que la déesse.

1240. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Le président Hénault, qui avait dans l’esprit l’idéal de l’abrégé chronologique, se déclare ouvertement pour lui, et ne peut se défendre à son sujet d’une sorte d’enthousiasme.

1241. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Je trace un idéal dont je suis bien sûr qu’approchaient plus ou moins et que réalisaient en partie bon nombre des estimables et essentiels rédacteurs des Relations extérieures d’autrefois : il en est peut-être même encore aujourd’hui qui leur ressemblent.

1242. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Frotté plutôt qu’imbu de romantisme, il avait gardé un reste de poésie d’Empire ; le fond de son cœur était à Parny, je l’ai dit, et à Millevoye, pour l’élégie : les premières odes de Victor Hugo, si classiques encore, étaient son idéal et ses colonnes d’Hercule dans le lyrique.

1243. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Gisors (1732-1758) : Étude historique, par M. Camille Rousset. »

Vauvenargues nous a offert par lui-même, et dans la personne de son ami Hippolyte de Seytres, l’idéal d’un jeune militaire dévoué à son roi, à sa patrie, à ses devoirs, amoureux de la gloire dans l’âge des plaisirs, et sachant associer au culte moderne de l’honneur quelque chose de la vertu telle que l’entendaient les Anciens.

1244. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

A cela près pourtant, tout était bien et aurait continué de l’être, si, le moment de ferveur passé, le poëte, revenant à ses goûts secrets, avait quitté une arène où il ne s’était jeté que par élan ; si, rentrant en quelque sorte dans la vie privée, il avait osé redevenir lyrique, comme il l’avait été d’abord, avec ses impressions personnelles, affections douces, mystérieuses, pudiques, écloses et nourries sous un ciel idéal, dans le calme des bocages sacrés, ou parmi les danses des guerriers et des vierges.

1245. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Tout s’y tient avec art, rien n’y jure et ne sort du ton ; dans cet idéal complet de délicatesse et de grâce, Monime, en vérité, aurait bien tort de parler autrement.

1246. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Un jeu aussi hardi serait choquant chez d’autres ; mais, la nature l’ayant pétrie de peu de matière et lui ayant donné l’aspect d’une princesse chimérique, sa grâce idéale et légère sauve toutes ses audaces et les fait exquises.

1247. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

A l’action dans la vie correspond, dans l’art, le souci de l’idéal, M. 

1248. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Apparemment, l’idéal masculin de Dorine, c’est un beau mousquetaire ou, comme nous disons aujourd’hui, un garçon coiffeur ou un ténor.

1249. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

Il s’extasia sur ses soixante mille vers qu’il déclarait n’être qu’un « long effort vers le plus pur idéal ».

1250. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

Et là-dessus, au sujet de cette distribution des conditions dans la société, et en faveur d’une certaine inégalité nécessaire, qu’il oppose à je ne sais quelle égalité idéale et chimérique, Turgot dit des choses qui sembleraient en vérité s’adresser bien moins à Mme de Graffigny qu’à nos écrivains socialistes du jour : « Liberté !

1251. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame la duchesse d’Angoulême. » pp. 85-102

C’est là le cadre de cette destinée de douleur et de sacrifice, sur laquelle l’Antiquité eût versé aussitôt la poésie et l’idéal, mais qui ne nous laisse entrevoir qu’une beauté intérieure, à demi voilée, comme il sied au christianisme.

1252. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Mais je laisse vite cet aperçu et ce présage qui serait un anachronisme en ce qui est de Madame et du charme tout idéal des commencements (1661).

1253. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Dans ces pages de Ducis, on sent comme la saveur de la solitude ; il y avait un idéal de chartreux au fond de l’âme de ce tragique ; il y avait même quelque chose de plus doux : « Vous êtes, écrivait-il à Talma en 1809, vous êtes dans la force de votre âge, de votre talent et de votre gloire.

1254. (1903) Zola pp. 3-31

Jamais homme n’avait à ce point méconnu l’idéal des hommes. » Si Zola a tant déplu aux délicats et à ce qu’on appelait, au xviie  siècle, « les honnêtes gens », pourquoi, ce qu’on ne peut nier, a-t-il eu tant de succès auprès de la foule ?

1255. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

Ils savent que l’éducation est un moyen tout-puissant de contraindre les enfants à se concevoir, dans leurs rapports avec le monde extérieur, avec les hommes et avec les idées, selon l’idéal qui leur aura été apprêté et distribué dans la notion.

1256. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Th. Dostoïewski »

Mais avec sa vision lointaine, abstrayant aux choses la notion d’origine, et n’en ressentant que l’impression brute et le choc émotionnel instinctif, concentré donc en soi et forcé de recourir, quand il lui faut expliquer, à l’introspection de son âme et aux règles idéales de la mécanique spirituelle, transporté cependant d’horreur et d’amour pour ces êtres ainsi aperçus à la fois par le dehors et par leur fonds charnel de bêtes, il semble que Dostoïewski soit à la fois un psychologue idéaliste à la Stendhal, et un être barbarement sociable aimant des hommes le contact de la peau, l’attouchement du souffle et l’âcreté de l’odeur.

1257. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Paragraphe sur la composition ou j’espère que j’en parlerai » pp. 54-69

Et puis l’un est pur et simple imitateur, copiste d’une nature commune ; l’autre est, pour ainsi dire, le créateur d’une nature idéale et poétique.

1258. (1912) L’art de lire « Chapitre IV. Les pièces de théâtre »

Remarquez que, dans la comédie, qui n’a pas ou qui n’est pas tenue d’avoir les mêmes préoccupations artistiques, le même idéal sculptural, il est assez rare qu’un groupe de trois personnages occupant le théâtre en même temps soit présent à nos yeux.

1259. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Gustave Droz » pp. 189-211

Mais pour un artiste qui se sent, est-ce là l’idéal du succès ?

1260. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

Elle n’a pas été inutile, cependant ; elle n’a point passé stérilement sur la terre : elle y a donné à qui saura le chercher l’exemple de l’amour des lettres dans son pur et noble idéal ; elle y a relevé le culte de l’art, la statue de la grande poésie.

1261. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Non que son idéal d’un roi de droit divin, gouvernant un pays libre, eût de quoi effaroucher ma passion de lettré pour les grandeurs monarchiques de l’ancienne France, ni que j’eusse, hélas ! à opposer un idéal à son idéal. […] Laissons à Cicéron qui croyait s’y pourtraire en pied, quoiqu’il s’en défende, son orateur idéal. […] En considérant ce qu’un tel résultat avait demandé d’observation intense et de patience, de logique serrée et fine, de hardiesse et de prudence, d’ardeur à examiner et de circonspection à décider, j’y pris l’idée d’un travail auprès duquel le travail des faiseurs de livres n’était que l’honnête effort de gens cherchant l’idéal et n’arrivant qu’à l’a peu près. […] N’a jamais raffermi ni redressé le mien ; C’est qu’en ce jeu de vers où sa muse s’escrime, Où l’on cherchait l’idée, on se heurte à la rime ; C’est que, pour moi, lecteur libre, et non pas féal, Hernani d’Othello recule l’idéal ; Qu’aux endroits les plus beaux, de mes sens resté maître, Je discerne en Hugo le paraître de l’être ; C’est qu’il ne compte point dans mes douze Grands Dieux ; Que, par-delà son ciel, je vois de plus hauts cieux ; C’est qu’il le sait de loin, n’ayant pas pu m’en taire.

1262. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

En général, Horace est moins goûté de la jeunesse : il faut avoir vécu pour apprécier la justesse de sa morale ; il faut avoir pris les leçons souvent amères de l’expérience pour se faire l’élève de cette sagesse pratique, où la prudence et la modération deviennent la règle de la vie et l’idéal de la vertu… » Ce genre de conseils est sans utilité pratique. […] Ils contiennent tout l’art, tout l’idéal, toute la vérité humaine. […] Baragnon est tout à fait remarquable : Dieu, qui régit monarchiquement l’Univers, qui disposa notre corps sous la domination d’un chef, qui à la tête de la première société humaine plaça le père comme un roi, et à la tête de l’Église un infaillible monarque, a voulu nous signifier par cette politique suprême que la perfection du gouvernement réside dans la monarchie et qu’une nation peut être dite raisonnable, juste et prospère, à proportion qu’elle se règle sur cet idéal. […] En tout cas, la fadeur de Mme Dacier défigurait Homère bien plus que la brutalité de Leconte de Lisle ; car, s’il y a dans Homère la noblesse, la délicatesse, la grandeur, la profondeur des caractères, le récit, l’âme, l’idéal, il y a aussi un réalisme, une crudité, une violence de peinture qui ont frappé tous les critiques, en tête desquels le précurseur Vico, qui insiste longuement sur le côté barbare, brutal et sauvage d’Homère. […] Ces oppositions sont excellentes, parce qu’elles représentent exactement les idées, les possibilités, l’idéal que chacun se forme d’une bonne conversation.

1263. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

S’il appelait à son aide les principes de liberté absolue, s’il voyait dans l’accomplissement de ses vœux la consécration d’une sagesse supérieure à toutes les institutions factices qui gouvernent les sociétés, il serait déclamatoire et non pas idéal. […] J’ai entendu chuchoter autour de moi quelques amis empressés, qui admiraient, dans les Enfants d’Édouard, le développement idéal et simultané (disaient-ils) de deux sentiments très beaux à coup sûr, mais, à mon avis, complètement absents de la pièce, pour peu qu’on exige l’élan et la naïveté. […] Le sujet, qui se trouve à l’origine de toutes les histoires et de toutes les poésies, qui domine toutes les cosmogonies et toutes les religions, qui se montre dans les mahaghavias de l’Inde, dans l’Évangile et le Coran, dans Faust et dans Manfred, dans Marlowe et dans Milton, l’idée première et féconde d’Éloa, qui a traversé déjà, sans s’appauvrir ou s’épuiser, tous les âges de l’humanité, avait besoin, pour intéresser un public causeur et dissipé comme le nôtre, du charme des détails et de l’exécution ; or, ce drame dont la scène et les acteurs n’ont pas un seul élément de réalité, dont l’exposition, la péripétie et le dénouement n’ont qu’une vérité idéale et absolue, ce drame intéresse d’un bout à l’autre, comme le Paradis perdu et le Messie. […] Puisqu’il n’a prétendu reproduire et développer aucun événement authentique, puisqu’il a pris au-dedans de lui-même, dans les profondeurs de sa pensée, le modèle idéal qu’il voulait copier, nous n’avons qu’une manière de le juger, et, malheureusement pour nous, cette manière unique, inévitable, en même temps qu’elle est la plus haute de toutes, est aussi la plus difficile dans ses applications. […] Telle est, réduite à sa simplicité idéale, à ses proportions, à sa logique primitives, la nouvelle tragédie de M. 

1264. (1940) Quatre études pp. -154

Mais le plus admirable dans son cas est son accord parfait, son accord idéal, avec son temps, son milieu, son pays : son noble pays, si beau, si grand, et sans comparaison possible le premier de tous. […] We struggle by multiform combinations among the things and thoughts of time, to attain a portion of that Loveliness whose very elements perhaps appertain to eternity alone… « Par des combinaisons multiples, nous luttons au milieu des choses et des pensées qui sont de l’ordre du temps, pour atteindre une portion de cette Beauté dont les éléments véritables appartiennent peut-être à la seule éternité… » Comme on pourrait rêver, si on était délivré de la considération de l’espace et de la durée, rêver à la rencontre idéale d’Edgar Poe et de Baudelaire ! […] L’art, outre sa partie idéale, a une partie terrestre et positive… Il a, pour ses créations les plus capricieuses, des formes, des moyens d’exécution, tout un matériel à remuer. […] La substance chevelue Par les ténèbres élue Ne peut s’arrêter jamais, Jusqu’aux entrailles du monde, De poursuivre l’eau profonde Que demandent les sommets25… Ces morts apparentes, ces changements, ces transmutations, cette volonté obstinée à survivre, nous voudrions essayer de les suivre, dans leur cycle idéal. […] Il importe qu’il ait des maîtres, et qu’à un moment donné il se sépare d’eux ; qu’il fasse de multiples gammes, mais sans les confondre avec la musique idéale qu’elles sont seulement chargées de préparer ; qu’il se livre à toute sorte d’exercices, non pour eux-mêmes, mais pour qu’ils lui procurent la maîtrise des mots, des images, et des sons.

1265. (1929) Dialogues critiques

Ils n’ont pas les mêmes moyens de réalisation, ils ne suivent pas les mêmes rites, ne professent pas les mêmes concepts, mais ils honorent le même idéal essentiel et servent le même dieu. […] Elles méprisent l’assassin qui travaille pour un vil souci d’argent, et respectent celui qui sert un idéal.

1266. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Balzac était digne de se comprendre ainsi lui-même et de se mesurer tout entier devant Dieu et devant sa sœur en 1820 ; il avait tout en lui : grandeur de génie et grandeur morale, immense aristocratie de talent, immense variété d’aptitudes, universalité de sentiment de soi-même, exquise délicatesse d’impressions, bonté de femme, vertu mâle dans l’imagination, rêves d’un dieu toujours prêts à décevoir l’homme…… tout enfin, excepté la proportion de l’idéal au réel ! […] De 1833 à 1848, c’est sa moisson ; retiré tantôt dans une solitude anonyme de Paris ou des environs, affectant quelquefois un certain luxe pour imiter Walter Scott, et doubler ainsi à l’œil le prix de ses propres œuvres, il se bâtit à Ville-d’Avray une maison en apparence idéale, qui s’écroule bientôt après comme un rêve.

1267. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Si, au contraire, l’idéal de la poésie française est dans le mélange du génie national et du génie ancien, le Roman de la Rose, qui est un faible pas de la poésie française vers cet idéal, doit être regardé comme un progrès.

1268. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Nous voulons qu’ils étudient les écrits de Wagner ; qu’ils apprennent à voir en lui plus qu’un simple musicien, un profond penseur ; qu’ils subissent ainsi l’influence de cet homme dont l’effort principal (quoique peu connu) a été de montrer que l’art est la chose la plus sainte, et le théâtre un lieu où peuvent vivre de la vie intense de l’art les plus profondes passions et les émotions les plus cachées, Y a-t-il au monde quoi que ce soit qui puisse influencer plus salutairement un artiste que le spectacle de cette vie virile tout entière vouée à un idéal, et de ce prodigieux effort vers la réalisation de cet idéal ?

1269. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Alors la princesse, comme si on lui arrachait ce à quoi elle tient le plus dans la vie : ses illusions, l’espèce d’idéal qu’elle aime à se faire non tout à fait des gens, mais des choses humaines ; la princesse pousse des cris d’horreur devant cette proclamation de matérialisme, de scepticisme. […] * * * — L’idéal du roman : c’est de donner avec l’art, la plus vive impression du vrai humain, quel qu’il soit.

1270. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Après le dîner, on a fait, sur un tas de feuilles de papier, les plans d’un hôtel idéal, que la princesse ne construira jamais, mais qu’elle aime à bâtir en imagination, avec les imaginations de ses amis. […] Elles flottent et sourient en votre pensée rêveuse, ces effigies vagues et noyées dans la demi-teinte, ainsi que des types poétiques, des incarnations idéales de la femme du Directoire, de l’Empire, de la Restauration.

1271. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1887 » pp. 165-228

C’était dans un paysage idéal du Midi, un déjeuner, le lendemain d’un mariage, entre la femme, le mari, et un ami. […] Et Rodin est plaisant à entendre conter les batailles, qu’il a eu à livrer, pour le faire tel qu’il le voyait, les difficultés qu’il a rencontrées, à se faire permettre par la famille, de ne pas adopter l’idéal conventionnel, qu’elle se faisait de l’écrivain sublime, de son front à trois étages, etc., etc., enfin à rendre et à modeler le masque qui était le sien, et non celui qui avait été inventé par la littérature.

1272. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIIe entretien. Littérature italienne. Dante. » pp. 329-408

L’amour fut aussi le premier chant de cet enfant, dans l’âme duquel la passion idéale était éclose avant l’âge des passions terrestres. […] Ainsi cette beauté se transforma pour lui en un type idéal qui remplissait son imagination et qui devait la faire se dilater et s’épancher au dehors.

1273. (1857) Cours familier de littérature. IV « XIXe entretien. Littérature légère. Alfred de Musset (suite) » pp. 1-80

Aussi, à dater de ce premier poème applaudi avec frénésie par une jeunesse saturée d’idéal et ennuyée de platonisme, Alfred de Musset se déclara-t-il de plus en plus le poète des sens contre les poètes de l’âme. […] si je t’avais lu, je t’aurais adressé la parole, je t’aurais touché la main, je t’aurais demandé ton amitié, je me serais attaché à toi par cette chaîne sympathique qui relie entre elles les sensibilités isolées et maladives pour lesquelles la température d’ici-bas est trop froide, et qui ne peuvent vivre que de l’air tiède de l’idéal de la poésie et de l’amour, cette poésie du cœur !

1274. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Les peintres se jettent dans cette mitologie, ils perdent le goût des événements naturels de la vie ; et il ne sort plus de leurs pinceaux que des scènes indécentes, folles, extravagantes, idéales, ou tout au moins vuides d’intérêt. […] Et puis les deux figures, surtout celle-cy, ont un caractère domestique et commun qui ne convient guère à des natures idéales, abstraites, simboliques, qui devroient être grandes, exagérées et d’un autre monde ; une femme qui compose, n’est pas la poésie ; une femme qui médite, n’est pas la philosophie.

1275. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

Ou nous les comprenons tous dans la même image, et il faut bien par conséquent que nous les juxtaposions dans un espace idéal ; ou nous répétons cinquante fois de suite l’image d’un seul d’entre eux, et il semble alors que la série prenne place dans la durée plutôt que dans l’espace. […] Mais la plupart des esprits ne procèdent pas ainsi : ils alignent les sons successifs dans un espace idéal, et s’imaginent compter alors les sons dans la pure durée.

1276. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Tout en s’ennuyant de ne rien faire, le prince de Ligne a son quartier à Iassy ; il y voit les boyards et les femmes des boyards, les belles Moldaves, les indolentes Phanariotes, les Grecques à demi asiatiques qu’il décrit avec leur grâce, leur nonchaloir et leurs danses : « On se fait des mines, on se sépare presque, on se retient, on s’approche, je ne sais comment ; on se regarde, on s’entend, on se devine, on a l’air de s’aimer… Cette danse-là me paraît fort raisonnable. » On y voit les jolies femmes de Iassy recevant le ton de Constantinople et préoccupées de l’idéal de beauté turque, qui consiste à être grasse et à avoir du ventre.

1277. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

Ce n’est point contre l’auguste mémoire de Louis XIV que s’élevait Massillon dans les portraits qu’il traçait d’un monarque père du peuple et bienfaisant : il ne faisait que proposer en quelque sorte une transformation, une transfiguration pacifique et plus humaine de Louis XIV, dans cet idéal adouci d’un grand roi.

1278. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

Elle dépouille ce grand siècle de l’idéal, elle l’en dépouille trop ; elle irait presque jusqu’à le dégrader si l’on n’écoutait qu’elle.

1279. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Fénelon, qu’on a pu accuser avec raison d’être quelquefois chimérique, et qui a eu un coin de poésie et d’idéal que, dans sa jeunesse du moins, il transportait volontiers dans les choses humaines, se garde tout à fait de ce penchant lorsqu’il juge et qu’il exhorte le duc de Bourgogne.

1280. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

D’Aubigné voyait dans ce dévouement et cette vaillance une preuve du bon droit : « Il arrive peu souvent, pensait-il, que l’injustice ait les meilleures épées de son côté, parce que c’est la conscience qui émeut la noblesse et la porte aux extraordinaires dépenses, labeurs et hasards. » D’Aubigné, si on l’avait pressé, eût peut-être été dans l’embarras de fixer ce beau temps où l’épée de la noblesse était toujours pour le parti le plus juste ; dans les souvenirs de la fin de sa vie, il confond involontairement ce temps idéal avec celui de sa jeunesse, le bel âge pour tous : quand il devint vieux, il ne fut pas des derniers à crier à la décadence.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Il y a quelque égoïsme et bien de la superbe dans ce portrait si méprisant du monde, mis en regard de cette sorte d’insensibilité mi-sceptique et mi-stoïque qu’il caresse et qui est son idéal secret.

1282. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Henri IV écrivain. par M. Eugène Jung, ancien élève de l’École normale, docteur es lettres. — II » pp. 369-387

Entre les divers propos que le président Groulard a recueillis de la bouche de Henri IV, il en est un qui le peint bien dans son bon sens, dans son peu de rancune, et dans sa connaissance pratique et non idéale de l’humaine espèce.

1283. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Ce sacrifice même leur est doux ; cette manière d’être, qui mène souvent à bien des renoncements et des dangers, leur est chère : c’est là leur idéal d’honneur et de bonheur, elles n’en veulent point d’autre.

1284. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — I » pp. 57-75

Ils avaient fait ce quon appelait sous l’Empire de bonnes études ; ils étaient gens du monde, quelques-uns militaires, pressés d’ailleurs de produire, et dignes de se perfectionner par l’étude sans en avoir les loisirs ni les instruments ; mais ils avaient une certain flamme au cœur et une ardeur d’idéal qui ne s’est pas encore éteinte chez tous, et qui fait l’honneur de ces générations rapides dont les individus isolés se survivent ; il y avait eu je ne sais quel astre ou quel météore qui les avait touchés en naissant.

1285. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Il se compare à Clément Marot, poète et valet de chambre également, et qui s’est mal trouvé en Cour des accusations et calomnies de ses ennemis ; mais Sénecé n’a pas d’ennemis, il n’a pas été calomnié ; à lui, il ne lui est arrivé qu’un accident bien simple : une mort de reine l’a dégagé d’une domesticité honorifique, d’une chaîne dorée ; il est retombé dans son ordre et dans sa classe : c’est assez pour son malheur, pour son incurable ennui, car le bonheur le plus souvent dépend pour nous de ce premier cadre idéal dans lequel l’imagination, dès la tendre jeunesse, s’est accoutumée à placer et à découper la perspective flatteuse de la vie.

1286. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — I » pp. 356-374

Frédéric, qui depuis longtemps a renoncé à l’idéal, et qui se contente en tout, faute de mieux, des à peu près, réplique à son frère et lui déclare, en vertu de l’expérience, que la perfection n’existe pas, que les meilleurs des humains, ce sont les moins vicieux : Vous m’envoyez, lui dit-il, dans les cabanes des pauvres chercher la vertu ; mais les hommes qui les habitent sont-ils sans passions ?

1287. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — II » pp. 435-454

En vain son ami Muller le prêche à son tour, essaye de le piquer d’honneur, de le rappeler à la vertu, comme disent les Italiens, à l’idéal, comme disent les autres, à la religion de l’art, à la spéculation et à l’accomplissement d’une œuvre immortelle : Pourquoi, mon ami, vous consumer dans une oisiveté pleine de fatigues ?

1288. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

., etc. » Voilà l’idéal d’un Racine fils.

1289. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. Suite et fin. » pp. 73-95

L’écrivain pittoresque aurait même pu, dans un ou deux chapitres, nous livrer à l’état de rêve ou d’idéal rétrospectif sa reconstruction architecturale et morale, restitution imaginaire, mais devenue par là même plus plausible, puisqu’il n’aurait rien affirmé.

1290. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

ce seul nom cependant est si beau, et la chose en elle-même si digne d’envie ; elle est si chère à ceux qui l’ont adoptée à l’heure où l’on croit et où l’on aime, et qui sont restés fidèles à ce premier idéal trop souvent brisé ; elle a été tellement notre rêve à tous, notre idole dans nos belles années ; elle répond si bien, jusque dans son vague, aux aspirations des âmes bien nées et trouve si bien son écho dans les nobles cœurs, qu’on hésite à venir y porter l’analyse, à la vouloir examiner et décomposer.

1291. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. »

se peut-il que cet exemple, en sens inverse, soit devenu bien plutôt attrayant et contagieux pour une partie de la jeunesse nouvelle ; que ce soit précisément au mauvais côté des souvenirs d’une époque qui en offre de si louables, que de jeunes esprits aillent se rattacher de préférence en vertu de je ne sais quel faux idéal rétrospectif ?

1292. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Ce pays idéal, il l’eût placé chez les Sauvages plutôt que de s’en passer.

1293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Anthologie grecque traduite pour la première fois en français, et de la question des anciens et des modernes, (suite et fin.) »

Eugène Véron ; lui, il a placé hardiment son idéal au berceau même de la Grèce, à l’époque printanière de cet épanouissement mythologique que les philosophes, avant et après Socrate, ont raillé, méconnu, blasphémé ou interprété à contre-sens, et qu’il prétend, au contraire, ressaisir plus intelligemment et pouvoir réhabiliter dans une large mesure.

1294. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il y a mieux : ce parfait état de société, cet ordre idéal et simple que M. de Girardin a en vue, je le suppose acquis et obtenu, je l’admets tout formé comme par miracle : on a un pouvoir qui réalise le vœu du théoricien ; qui ne se charge que de ce que l’individu lui laisse et de ce que lui seul peut faire : l’armée n’est plus qu’une force publique pour la bonne police ; l’impôt n’est qu’une assurance consentie, réclamée par l’assuré ; l’individu est libre de se développer en tous sens, d’oser, de tenter, de se réunir par groupes et pelotons, de s’associer sous toutes les formes, de se cotiser, d’imprimer, de se choisir des juges pour le juger (ainsi que cela se pratique pour les tribunaux de commerce), d’élire et d’entretenir des ministres du culte pour l’évangéliser ou le mormoniser… ; enfin, on est plus Américain en Europe que la libre Amérique elle-même, on peut être blanc ou noir impunément.

1295. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Il nous faut des maîtres plus sensibles qu’instruits, plus raisonnables que savants, qui dans un lieu vaste et commode, hors des villes, hors de l’infection de l’air qu’on y respire et de la dépravation des mœurs qui s’introduit par tous les pores, soient les égaux, les amis, les compagnons de leurs élèves ; que toute la peine, que tout le travail de l’instruction soit pour le maître, et que les enfants ne se doutent même pas qu’ils sont à l’école ; que dans des conversations familières, en présence de la nature et sous cette voûte sacrée dont le brillant éclat excite l’étonnement et l’admiration, leur âme s’ouvre aux sentiments les plus purs ; qu’ils ne fassent pas un seul pas qui ne soit une leçon ; que le jour, la nuit, aux heures qui seront jugées les plus convenables, des courses plus ou moins longues dans les bois, sur les montagnes, sur les bords des rivières, des ruisseaux ou de la mer, leur fournissent l’occasion et les moyens de recevoir des instructions aussi variées que la nature elle-même, et qu’on s’attache moins à classer les idées dans leur tête qu’à les y faire arriver sans mélange d’erreur ou de confusion. » Vous voyez d’ici le tableau idéal et enchanteur de toutes ces écoles primaires et rurales de la République française, où chaque enfant serait traité comme Montaigne, Rabelais ou Jean-Jacques ont rêvé de former et de cultiver leur unique élève.

1296. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Mais ces comparaisons idéales clochent toujours par quelque côté, et elles ne sont vraies qu’un moment.

1297. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

» — « Le bon sens ou les habitudes d’un peuple d’agriculteurs sont bien plus près des plus hautes et des plus saines notions de la politique que tout l’esprit des oisifs de nos cités, quelles que soient leurs connaissances dans les arts et les sciences physiques. » — « Les grandes propriétés sont les véritables greniers d’abondance des nations civilisées, comme les grandes richesses des Corps en sont le trésor. » Il ne cesse d’insister sur les inconvénients du partage égal et forcé entre les enfants, établi par la Révolution et consacré par le Code civil : « Partout, dit-il, où le droit de primogéniture, respecté dans les temps les plus anciens et des peuples les plus sages, a été aboli, il a fallu y revenir d’une manière ou d’une autre, parce qu’il n’y a pas de famille propriétaire de terres qui puisse subsister avec l’égalité absolue de partage à chaque génération, égalité de partage qui, un peu plus tôt, un peu plus tard, détruit tout établissement agricole et ne produit à la fin qu’une égalité de misère. » Il trace un idéal d’ancienne famille stable et puissante, qui rappelle un âge d’or disparu : « S’il y avait, dit-il, dans les campagnes et dans chaque village une famille à qui une fortune considérable, relativement à celle de ses voisins, assurât une existence indépendante de spéculations et de salaires, et cette sorte de considération dont l’ancienneté et l’étendue de propriétés territoriales jouissent toujours auprès des habitants des campagnes ; une famille qui eût à la fois de la dignité dans son extérieur, et dans la vie privée beaucoup de modestie et de simplicité ; qui, soumise aux lois sévères de l’honneur, donna l’exemple de toutes les vertus ou de toutes les décences ; qui joignît aux dépenses nécessaires de son état et à une consommation indispensable, qui est déjà un avantage pour le peuple, cette bienfaisance journalière, qui, dans les campagnes, est une nécessité, si elle n’est pas une vertu ; une famille enfin qui fût uniquement occupée des devoirs de la vie publique ou exclusivement disponible pour le service de l’État, pense-t-on qu’il ne résultât pas de grands avantages, pour la morale et le bien-être des peuples, de cette institution, qui, sous une forme ou sous une autre, a longtemps existé en Europe, maintenue par les mœurs, et à qui il n’a manqué que d’être réglée par des lois ? 

1298. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. (Suite et fin.) »

Assujettir le corps aux exercices qui fortifient aussi l’âme, ne point le dépouiller de ses vêtements en présence des astres du jour ou de la nuit, n’y jamais introduire d’aliments impurs, le tenir toujours exempt de toute souillure, surtout ne pécher « ni par pensée, ni par parole, ni par action » ; pratiquer le repentir après la chute ; élever ses enfants ; ressembler, en un mot, à son bon Génie ou Fervers, type et représentation idéale de chacun, telle est la prière que le Persan adresse à Ormuz, « qui est toute pureté et toute lumière, esprit universel et source de toute vie. » Toujours, chez M. 

1299. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

En convenant qu’il doit y avoir du vrai, gardons-nous pourtant de nous faire un Talleyrand plus paresseux et moins lui-même qu’il ne l’était : il me paraît, à moi, tout à fait certain que les deux Mémoires lus à l’Institut en l’an V, si plein de hautes vues finement exprimées, sont et ne peuvent être que du même esprit, j’allais dire de la même plume qui, plus de quarante ans après, dans un discours académique final, dans l’Éloge de Reinhard, traçait le triple portrait idéal du parfait ministre des affaires étrangères, du parfait directeur ou chef de division, du parfait consul : et cette plume ne peut être que celle de M. de Talleyrand, quand il se soignait et se châtiait.

1300. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Sans s’attendre à le trouver parfait, ce qui ne serait pas seulement de la simplicité, mais de la folie, on se figure qu’entre lui et le type idéal qu’on s’en est formé d’après les maximes spéculativement admises, il existe au moins quelque analogie.

1301. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre I. François Rabelais »

En somme, les deux livres expriment l’idéal d’un homme né dans le peuple, échappé du cloître, enivré de liberté et de science.

1302. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Et ainsi, jusque dans la conception morale que semble exprimer la dernière partie du roman, Lesage ne dépasse pas le possible et le réel : on ne saurait dire que Gil Blas soit un idéal ; il arrive à être à peu près la moyenne d’un honnête homme, après avoir été un peu au-dessous.

1303. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre II. L’éloquence politique »

Il a vu que la Révolution ne pouvait se sauver que par une translation de propriété qui intéresserait des milliers d’individus à garantir l’ordre nouveau : mais les biens du clergé vendus, les privilèges de la noblesse supprimés, l’égalité civile et politique établie, la liberté assurée, la royauté devenue constitutionnelle, Mirabeau fut content ; il ne s’occupa plus que de conserver cet ordre qu’il estimait conforme au gouvernement idéal ; et comme pour le fonder il avait fallu vaincre la royauté, tout son soin tendit à fortifier la royauté.

1304. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Pierre Loti »

Et ce futur grand écrivain s’assigne un idéal de vie de plus en plus différent de la vie de l’écrivain et du littérateur de profession.

1305. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

Leur patriotisme ici n’est pas en cause, encore qu’ils fussent excusables de céder aux séductions de l’idéal pacifiste en vogue.

1306. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Ce fut à qui se chercherait en pays étranger quelque patrie idéale ; on s’échappa par toutes les frontières.

1307. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

S’il faut absolument adapter un nom propre au portrait peut-être idéal de cette précieuse, pourquoi ne prendrait-on pas celui de mademoiselle de Scudéry ?

1308. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XIII »

Entre l’idéal qui transfigure et le pessimisme qui diffame la nature humaine, il y a un milieu que le drame et la comédie ne doivent pas dépasser.

1309. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Bernardin de Saint-Pierre, en certains tableaux, nous en offre l’idéal.

1310. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

Nourri dès l’enfance dans l’idéal des conjurations et des guerres civiles, il n’était pas fâché de s’essayer à les réaliser pour avoir ensuite à les raconter comme Salluste, et à les écrire.

1311. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. de Lamartine. (Les deux premiers volumes. — Pagnerre.) » pp. 389-408

En effet, M. de Lamartine, avec son talent idéal, avec son optimisme à la fois naturel et calculé, quand il serait propre à être historien, l’était-il à être l’historien de la Révolution française en particulier ?

1312. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mémoires et correspondance de Mallet du Pan, recueillis et mis en ordre par M. A. Sayous. (2 vol. in-8º, Amyot et Cherbuliez, 1851.) — II. » pp. 494-514

Comme rien n’offre moins d’obstacles que de perfectionner l’imaginaire, tous les esprits remuants se répandent et s’agitent dans ce monde idéal.

1313. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Cette Amarante, malgré son nom idéal, n’est point une Iris en l’air.

1314. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

La sienne fut complète, droite et simple, presque idéale dans sa continuité.

1315. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Cousin, un jour, traçait ainsi le plan idéal d’une vie d’homme de lettres : « Un monument et beaucoup d’épisodes. » Le monument, il considère sans doute qu’il l’a fait dans sa traduction de Platon, et il en est aux épisodes.

1316. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

C’est le sentiment vif de cette incomparable et idéale agonie qui lui inspira un Dialogue entre Platon et Fénelon, où celui-ci révèle au disciple de Socrate ce qu’il lui a manqué de savoir sur les choses d’au-delà, et où il raconte, sous un voile à demi soulevé, ce que c’est qu’une mort selon Jésus Christ : Ô vous, qui avez écrit le Phédon, vous, le peintre à jamais admiré d’une immortelle agonie, que ne vous est-il donné d’être le témoin de ce que nous voyons de nos yeux, de ce que nous entendons de nos oreilles, de ce que nous saisissons de tous les sens intimes de l’âme, lorsque, par un concours de circonstances que Dieu a faites, par une complication rare de joie et de douleurs, la mort chrétienne, se révélant sous un demi jour nouveau, ressemble à ces soirées extraordinaires dont le crépuscule a des teintes inconnues et sans nom !

1317. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Monsieur Étienne, ou une émeute littéraire sous l’Empire. » pp. 474-493

Il y avait dans La Fontaine un idéal de sensibilité, de poésie, de sincérité, de fierté et d’indépendance, je ne sais quelle chose légère et sacrée qui dépasse trop les qualités estimables, mais ordinaires, du metteur en scène de Joconde.

1318. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Oui, oui, il y a là de la fougue, de l’audace, de l’imprudence, enfin du dévouement à un certain idéal mêlé d’un peu de folie, d’un peu de ridicule… un journal, en un mot, dont la singularité, l’honneur, est de n’être point une affaire.

1319. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre I : La politique — Chapitre II : Philosophie politique de Tocqueville »

La principale erreur des partisans passionnés de la démocratie est de considérer cette forme de société comme un type absolu et idéal qui, une fois réalisé ici-bas, donnerait aux hommes le parfait bonheur.

1320. (1912) L’art de lire « Chapitre III. Les livres de sentiment »

Il se fait une âme très spéciale qui est composée de celle d’abord qu’il a apportée avec lui et qui tendait naturellement à l’idéal, de celle ensuite qu’il a tirée de ses livres favoris et qui raffine encore et renchérit sur les instincts primitifs ; il se fait ce qu’on appelle une âme romanesque.

1321. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

Il s’agit cette fois de savoir définitivement si la France de 1898 se considère, toujours comme la fille aînée de l’Église, ou au contraire si elle se suffit à elle-même pour se créer sa foi et son idéal ; il s’agit de savoir si le vote qui prosterne aux pieds du Saint-Père la France repentante et gémissante de ses péchés, doit faire plus longtemps obstacle à l’effort spontané des meilleurs vers l’indépendance et la conscience.

1322. (1908) Esquisses et souvenirs pp. 7-341

Ce poète a vécu dans une discordance qui était une parfaite harmonie : ses malheurs et ses fautes ne lui firent point transgresser la règle de l’Idéal. […] Et quant à cette blancheur éblouissante qui semble avoir frappé Stendhal, qui dira jamais tout son charme idéal et toute sa vertu philosophique ! […] Il y avait dans Mallarmé un faune certes ; je lui trouvai certain jour tout le geste et la grâce d’un tailleur pour dames idéal. […] — Un noble idéal est pour ce pays plus précieux que de bonnes finances… — Cependant… Un noble idéal nourri de bonnes finances… — Je sais, je sais. […] Car les nouvelles qui nous parvenaient de la guerre étaient encore douces à entendre et tout l’idéal de la Grèce palpitait d’espérance.

1323. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Telles étaient les générations d’alors, plus désintéressées du moins et plus enclines à l’idéal que celles d’aujourd’hui. […] Et des autres rédacteurs du Globe, auxquels on aurait pu penser pour cette députation idéale que j’imagine et qu’il me plaît de rêver par les figures qu’elle me rappelle et qu’elle ressuscite, M.  […] Bref, l’aimable et un peu romanesque savant suivit sa destinée, qui était d’être attaché à des femmes idéales sans que cela tirât à conséquence, et de diversifier passionnément l’une par l’autre l’étude et l’amitié.

1324. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Ces mêmes années de Montmorency, qui lui semblaient peut-être un peu gênées lorsqu’il en prolongeait le cours, lui offrirent en s’éloignant, et lorsqu’il les revoyait du sein des orages, une sorte de perspective idéale de la paix abritée et du bonheur. […] Il ne faut point appeler hauteur de la révolution ce qui ne serait que la région des vautours : restons dans l’atmosphère de l’humanité et de la justice. » Et ailleurs, après une description un peu idéale de ce que c’est que ce peuple tant invoqué : « Quant aux factions plus ou moins obscures, plus ou moins intrigantes, plus ou moins impuissantes, quant aux agrégations partielles qui agitent, qui divisent, qui assassinent, et que l’on s’obstine à nommer le peuple, elles ne sont pas plus le peuple que les marais ne sont la nature et que les reptiles ne sont l’univers. » Ce style de Daunou, si contenu d’ordinaire, si en garde contre les trop fortes images, s’élève donc involontairement en ces heures violentes et paraît comme porté un moment par le souffle des grandes tempêtes. […] Daunou consigne dans ce dernier mot ce vœu le plus cher d’une vie philosophique heureuse et non périlleuse, qui lui échappait souvent : c’était son idéal à lui.

1325. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Mémoires du général La Fayette (1838.) »

Chevalier et gentilhomme, La Fayette eut, autant qu’aucun, cet idéal délicat ; mais il arriva au moment où il allait y avoir confusion et transformation de l’idole de l’honneur en cette autre idole de la popularité, et il devança ce moment. […] Je serai pour mes amis plein de vie, et pour le public une espèce de tableau de muséum ou de livre de bibliothèque. » Jamais, sans doute, son cœur ne se sentit plus jeune ; les excès qui ont dégoûté de la liberté les demi-amateurs, étant encore plus opposés à cette sainte liberté que le despotisme, ne l’ont pas guéri, lui, de son idéal amour ; mais il apprécie la société, son égoïsme, son peu de ressort généreux. […] La conclusion, nullement politique, et toute morale, que j’en veux tirer, c’est que la réalisation d’un ordre rêvé est toujours inférieure à l’idéal, même le plus modéré, qu’on s’en faisait ; que les imperfections et les insuffisances, non-seulement des hommes, mais des principes, se font sentir et sortent de toutes parts le jour où le monde est à eux, et que nulle fin humaine, en aboutissant, ne répondra à la promesse des précurseurs.

1326. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

     Car sur ta route en vain l’âge à l’âge succède Les tombes, les berceaux ont beau s’accumuler L’idéal qui te fuit, l’idéal qui t’obsède     À l’infini pour reculer. […] Il ne s’est jamais fait scrupule de brutaliser notre optimisme, de meurtrir notre rêve d’idéal. […] Bien plus, par un tour original de la pensée, il fait entrer les plus belles parties du christianisme dans le judaïsme et ramenant l’église à la synagogue, il réconcilie la mère et la fille, dans une Jérusalem idéale. […] Ces dernières nous offrent cet intérêt particulier, qu’elles semblent avoir voulu exprimer l’inexprimable, dire l’ineffable, ce qui est précisément l’idéal de la poésie symbolique, le but de l’art nouveau et futur, à ce que j’ai pu comprendre en lisant M.  […] Et si l’on regarde à la morale de Julien, on est encore plus frappé de voir qu’un même idéal de pauvreté, de chasteté et d’ascétisme coule des sources alexandrines et des sources galiléennes.

1327. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Ce fut une idylle en pleine nature, et Graziella, c’est pour Lamartine à peu près ce que Mignon est pour Goethe : c’est comme une personnification de l’Italie ; on dirait l’image idéale de ces cités italiennes qui trempent leurs pieds dans la mer, qui secouent au vent leurs chansons et, dans l’atmosphère, leur chevelure embaumée, livrant ses parfums à la tiédeur d’un air bienveillant. […] Alfred de Musset le magnifie, il le représente comme un chercheur d’idéal, et c’est parce que cet idéal lui échappe sans cesse et qu’il ne peut pas renoncer à le poursuivre qu’il passe par toutes sortes d’expériences où il laisse sa beauté, son génie et sa dignité. […] L’idéal, en ce sens, c’est la Géométrie mise en vers.

1328. (1869) Philosophie de l’art en Grèce par H. Taine, leçons professées à l’école des beaux-arts

C’est la vérité pure qui les intéressait ; Platon voyant que les mathématiciens de Sicile appliquaient leurs découvertes aux machines, leur reprocha de dégrader la science ; selon lui, elle devait s’enfermer dans la contemplation des lignes idéales. […] Pendant quatorze siècles le modèle idéal a été l’anachorète ou le moine. […] III En effet, en tout temps l’œuvre idéale a résumé la vie réelle. […] Aristoclès, les sculpteurs d’Égine, Onatas, Kanachos, Pythagore de Rhégium, Kalamis, Agéladas, copiaient encore de tout près la forme réelle, comme Verocchio, Pollaiolo, Ghirlandajo, Fra Filippo, Perugin lui-même ; mais entre les mains de leurs élèves, Myron, Polyclète, Phidias, la forme idéale se dégage, comme entre les mains de Léonard, de Michel-Ange et de Raphaël.

1329. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Stello et le docteur Noir, qui représentent, comme vous savez, l’un le sentiment ou l’idéal, l’autre le raisonnement ou le sens du réel, et qui sont les deux aspects de la pensée de Vigny, devaient premièrement se livrer à des dialogues philosophiques comme dans le précédent ouvrage, secondement assister au roman d’un jeune philosophe qui se serait appelé Trivulce, ou Samuel, ou Emmanuel, ou Christian, troisièmement voir s’intercaler par un artifice quelconque dans l’histoire de ce jeune homme trois épisodes historiques, rappelant ceux de Gilbert, de Chatterton et d’André Chénier, et qui auraient eu trait non plus à trois poètes, mais à trois réformateurs religieux : l’empereur Julien, Mélanchton et Jean-Jacques Rousseau. […] Il a des idées exclusivement réalistes ; il n’habite pas un « chenil d’ivoire » ; il se moque de l’idéal ; c’est un esprit sain. […] Cette perfection a existé, dans le paradis terrestre, chaste éden, jardin des idées : mais Adam s’est ennuyé de cette splendide immobilité ; d’un geste, il a détruit la féerie idéale et fait naître la vie. […] Et voici qui semble transcrit d’après un tableau de l’Albane : … L’herbe indécise et molle des clairières, Qui ne peut sans fléchir supporter aucun poids, Flotte dans l’or limpide, et les nymphes des bois Qu’attire la lueur idéale et profonde, Sur le gazon léger enlacent une ronde. […] Vogüé réagit : « Ces défenses puériles, pour ne pas dire révoltantes, n’ont jamais été enfreintes depuis dix siècles ; elles contribuent plus que toute chose à donner un caractère étrange à ce coin de terre, mis hors la loi de nature aussi loin que la fureur ascétique peut la poursuivre. » Il ne dédaigne pas de nous apprendre que cette blancheur est purement idéale, attendu que la règle de saint Basile proscrit l’usage non seulement de la viande, mais des bains, et que les moines portent toute la barbe et ont la chevelure ramenée en nattes sous un haut cylindre d’un tissu grossier : car l’Église orientale a conservé l’antique croyance que le fer ne doit pas toucher la tête de ceux qui se vouent au Seigneur.

1330. (1890) Le massacre des amazones pp. 2-265

Mme Daudet est le fruit le plus exquis d’une vie à la fois mondaine et intelligente, la réalisation délicieuse d’un idéal connu. […] Elle s’arrête à cet idéal inférieur du patriotisme auquel Corneille s’amusa un jour comme à une curiosité historique, mais qui ne l’empêcha point de dresser ensuite de vrais héros, de vrais individus conscients : celui qui peut dire : Je suis maître de moi comme de l’univers, et cet admirable Polyeucte « au-dessus de quoi il n’y a rien ». […] Mais, en revanche, il n’y a qu’un idéal, le million ; qu’une récompense, le gain du million ; qu’une punition grave, la perte du million. […] Elle sait que les générosités de ses rêves écarteront d’elle « les embourgeoisés, cerveaux restreints, âmes réduites. » Elle dédie ses héroïsmes à ceux qui aiment l’idéal : « Poètes, amants, jeunesse, ceci est pour vous. » *** Catulle Mendès paraît échapper à la définition. […] C’est une loi inéluctable qu’un peuple opprimé considère comme idéale la situation du peuple oppresseur, réclame les biens vrais ou faux dont le tyran paraît jouir.

1331. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Le printemps est pour l’animal sauvage la saison idéale des amours, c’est-à-dire la saison nécessaire16. […] Manger de son semblable, c’est absorber une nourriture spécifique et, si l’on peut dire, idéale. […] Mais c’est manquer d’idéal. Répondons sans peur : le plaisir peut fort bien être un idéal, et très favorable au développement et à la grandeur de l’humanité. C’est l’avis du docteur A van Lint, qui vient de publier un livre intitulé bravement : le Plaisir, un idéal moderne.

1332. (1903) Le problème de l’avenir latin

La prétention à l’« idéalisme » — en prenant ce terme dans le sens d’anti-réalisme — l’appel perpétuel à l’« idéal » me semblent impliquer avant tout l’aveu qu’on est inférieur dans les choses réelles. […] Il n’y aura toujours parmi nous que trop de tendances ataviques vers l’idéal latin. […] Ainsi les meilleurs esprits préconisent la séparation de l’Eglise et de l’Etat : c’est là l’idéal de libération religieuse vers lequel tendent actuellement tous les radicaux. […] Ce n’est pas un plan idéal de rénovation que nous présentons : il est conçu en pleine réalité. […] De ce contact elle est sortie transformée, pourvue d’un nouvel idéal.

1333. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Ce qu’Ibsen prêche ailleurs, c’est l’amour de la vérité et la haine du mensonge, ce sont les droits de la conscience individuelle contre les lois écrites et de la grande morale humaine contre le pharisaïsme bourgeois ; c’est le rachat et la purification par la souffrance ; c’est, dans nos relations avec autrui, la miséricorde indépendante, le pardon de certaines fautes que le pharisaïsme, lui, ne pardonne pas ; c’est, dans le mariage, l’union parfaite des âmes, union qui ne saurait reposer que sur l’absolue sincérité des époux et sur l’entière connaissance qu’ils ont l’un de l’autre ; c’est enfin la conformité de la vie à l’« Idéal », un idéal où il entre beaucoup d’évangile, mais d’un évangile un peu orgueilleux et raisonneur, d’un évangile en perpétuelle insurrection contre les hypocrisies de la société humaine. […] Et ce mal, c’est au nom de l’Idéal qu’il le fera. […] C’est encore cela qui nous a le plus solidement liés l’un à l’autre. » Ainsi, meurtrière d’une part, immorale de l’autre, telle a été l’œuvre de la Vérité. — Je vous le disais bien que cette étrange comédie d’Ibsen « blaguait » le reste de son répertoire, et l’idéal, et la vie intérieure, et la morale absolue, et le tolstoïsme et, déjà, le desjardinisme, si j’ose m’exprimer ainsi. […] L’élément que la femme apporte se compose d’un idéal renversé, d’une dignité faible, d’une morale élastique, d’une imagination troublée par les mauvaises conversations, les mauvaises lectures et les mauvais exemples, de la curiosité de la sensation, déguisée sous le nom de sentiment, de la soif du danger, du plaisir de la ruse, du besoin de la chute, du vertige d’en bas et de toutes les duplicités que nécessitent les circonstances. […] Et voilà, paraît-il, le ménage idéal.

1334. (1890) Nouvelles questions de critique

Comme représentation de l’idéal du moyen âge, les hideuses sculptures des tours de Notre-Dame valent effectivement la frise du Parthénon en tant que représentation de l’idéal hellénique. […] Pellissier, c’est l’amère contradiction qu’il surprend entre l’idéal et la réalité. […] Sa grâce mêmes a quelque chose de cyclopéen. » C’est l’idéal d’Hugo que cet Eschyle, ou plutôt c’en est le portrait par lui-même. […] Je les appellerais volontiers idéalistes, si leur idéal ne me paraissait plutôt caractérisé par un manque de sens du réel que par une idée précise et définie de l’art ou de la vie, s’il ne relevait moins de l’observation que de la fantaisie, et si le souci de la vérité n’y tenait enfin trop peu de place. […] Taine, il y a plus de vingt ans, développait dans ses belles leçons sur l’Idéal dans l’art.

1335. (1913) Les idées et les hommes. Première série pp. -368

Je crois qu’il la voudrait anéantir (comme, par l’incendie, l’usine Fabrecé) et reconstruire plus largement, sur le patron d’un idéal plus commode, plus accueillant, plus moderne. […] Il a bien servi son austère idéal. […] Une tristesse écartée bravement, un effort souple de l’esprit, un zèle qui devient une coutume et qui garde sa spontanéité, l’invention d’un idéal pour une singulière existence : voilà leurs journées. […] Il réduisit l’amour à une sorte de sensualité farouche et dont il compliquait assidûment le détail, mais avec le soin minutieux de n’y mêler nul idéal. […] … La fierté qui l’avait enclos dans son difficile idéal d’art eut pour récompense la gloire et pour châtiment la misère.

1336. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — I. » pp. 234-253

Mais, à côté de cet idéal noble et fortifiant, il en avait un autre d’un tout autre genre et qui tenait d’une imagination un peu atteinte et gâtée en naissant de l’air du siècle : Qui est-ce qui sait, dit-il, que Bussy se battait à la tête de la cavalerie légère de France à la bataille des Dunes ?

1337. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — I. » pp. 431-451

Sans aller peut-être aussi loin que Montesquieu, qui voyait en Trajan « le prince le plus accompli dont l’histoire ait jamais parlé ; avec toutes les vertus, n’étant extrême sur aucune ; enfin l’homme le plus propre à honorer la nature humaine et représenter la divine » ; sans se prononcer si magnifiquement peut-être, et en faisant ses réserves d’homme pacifique au sujet des guerres et des ambitions conquérantes de Trajan, Gibbon plaçait volontiers à cette époque le comble idéal de la grandeur d’un empire et de la félicité du genre humain.

1338. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Ce dernier, dans sa conclusion, a dit avec un bon sens élevé qui l’honore : Enfin je ne puis lire les ouvrages de ce grand homme sans me dire à moi-même (en y désirant quelquefois, j’oserai l’avouer avec respect, plus d’élan à sa sensibilité, plus d’ardeur à son génie, plus de ce feu sacré qui embrasait l’âme de Bossuet, surtout plus d’éclat et de souplesse à son imagination) : Voilà donc, si l’on ajoute ce beau idéal, jusqu’où le génie de la chaire peut s’élever quand il est fécondé et soutenu par un travail immense !

1339. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Il a parlé quelque part de cette forme et de cette espèce de directeur à la mode et très goûté de son temps, « qui semble n’avoir reçu mission de Dieu que pour une seule âme, à laquelle il donne toute son attention ; qui, plusieurs fois chaque semaine, passe régulièrement avec elle des heures entières, ou au tribunal de la pénitence ou hors du tribunal, dans des conversations dont on ne peut imaginer le sujet, ni concevoir l’utilité ; qui expédie toute autre dans l’espace de quelques moments, et l’a bientôt congédiée, mais ne saurait presque finir dès qu’il s’agit de celle-ci » : directeur délicieux et renchéri, exclusif et mystérieux, dont Fénelon est le type idéal le plus charmant (le Fénelon de Mme Guyon et avant l’exil de Cambrai).

1340. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

Daru comme personnifiant en lui l’idéal de l’administrateur, a égalé et peut-être surpassé la page de Fontenelle, dans un cadre, en effet, plus vaste et tout autrement imposant.

1341. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le marquis de la Fare, ou un paresseux. » pp. 389-408

Tandis que le voluptueux Salluste cherche au commencement de ses Histoires à élever sa pensée et celle de ses lecteurs et à la fixer vers les choses impérissables, La Fare, moins ami de l’idéal et qui sépare moins ses écrits de ses propres habitudes, commence par une citation de Pantagruel.

1342. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Et comment aurait-il parlé, en même temps que de la nature, de ce qui donne à la vie privée son embellissement et tout son charme, des femmes qu’il aimait, mais qu’au fond il estimait assez peu, dont il décomposait et niait les plus naturelles vertus par la bouche de Ninon, et en faveur de qui, sous le nom de Bernier, et pour tout réparer, il se contentait de dire : « Maintenons dans les deux sexes autant que nous le pourrons ce qui nous reste de l’esprit de chevalerie… » Mais ce reste d’esprit de chevalerie qui, dès lors bien factice et tout à l’écorce, était bon pour entretenir la politesse dans la société, est loin de suffire pour renouveler et pour réjouir sincèrement le fond de l’âme, pour inspirer le respect et l’inviolable tendresse envers une compagne choisie, et pour former au sein de la retraite une image de ce bonheur dont le grand poète Milton a montré l’idéal dans ces divines et pudiques amours d’Adam et Ève aux jours d’Éden.

1343. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

Demandez donc à de telles âmes qui, dès la tendre jeunesse, ont logé en elles un si faux idéal, une si misérable forme de bonheur, d’avoir une grande ambition, de se tourmenter pour un noble but, et eussent-elles reçu de la nature des facultés supérieures et fortes, de les tourner vers de généreux emplois.

1344. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

On tirerait de ces lettres de quoi décrire dans le plus grand détail un idéal d’exil ministériel au xviiie  siècle ; Chanteloup, vu par les yeux de Mme de Choiseul ou par ceux du grand abbé, est un Éden.

1345. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Mais l’artiste, en présence de son temple idéal, ne fit que la statue du seuil ; il devait tomber dès les premiers pas.

1346. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Chassang, dans le Mémoire devenu tout un livre qu’il a composé à ce sujet et que l’Académie des inscriptions a couronné, s’attache, avec sa sûreté de critique, avec la science dont il use et dispose en maître, à suivre, à démêler et à démasquer le roman sous toutes les formes mythiques, historiques, allégoriques, morales, sous lesquelles il se glissait : la Cyropédie de Xénophon était déjà un roman qui tenait du Télémaque ; l’Atlantide de Platon n’était qu’une fiction de Salente, plus idéale et plus grandiose.

1347. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Les quatre moments religieux au XIXe siècle, (suite et fin.) »

Nous arrivons à une période moins idéale et moins heureuse ; je n’en exagérerai pas à plaisir les laideurs ni les dangers.

1348. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Chacun, quoi qu’il fasse, y porte son intérêt le plus fin, je veux dire son idéal secret, composé du moi subtilisé, quintessencié, poussé au plus haut degré et au sublime.

1349. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite) »

Il conçoit la plus haute des beautés idéales, mais il n’en conçoit qu’une.

1350. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le poète critique attribue même un peu trop à Homère quand, se souvenant à son sujet d’un mot d’Horace pour le réfuter, il dit que là où nous voyons une faute et une négligence, il n’y a peut-être qu’une ruse et un stratagème de l’art : « Ce n’est point Homère qui s’endort, comme on le croit, c’est nous qui rêvons. » Le beau rôle du vrai critique, Pope l’a défini et retracé en divers endroits pleins de noblesse et de feu, et que je rougis de n’offrir ici que dépolis et dévernis en quelque sorte, dépouillés de leur nette et juste élégance : « Un juge parfait lira chaque œuvre de talent avec le même esprit dans lequel l’auteur l’a composée : il embrassera le tout et ne cherchera pas à trouver de légères fautes là où la nature s’émeut, où le cœur est ravi et transporté : il ne perdra point, pour la sotte jouissance de dénigrer, le généreux plaisir d’être charmé par l’esprit. » Et ce beau portrait, l’idéal du genre, et que chaque critique de profession devrait avoir encadré dans son cabinet : « Mais où est-il Celui qui peut donner un conseil, toujours heureux d’instruire et jamais enorgueilli de son savoir ; que n’influencent ni la faveur ni la rancune ; qui ne se laisse point sottement prévenir, et ne va point tout droit en aveugle ; savant à la fois et bien élevé, et quoique bien, élevé, sincère ; modeste jusque dans sa hardiesse, et humainement sévère ; qui est capable de montrer librement à un ami ses fautes, et de louer avec plaisir le mérite d’un ennemi ; doué d’un goût exact et large à la fois, de la double connaissance des livres et des hommes ; d’un généreux commerce ; une âme exempte d’orgueil, et qui se plaît à louer, avec la raison de son côté ? 

1351. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

Elle n’y comptait probablement plus lorsque tout d’un coup, un beau jour, dans l’agitation des tempêtes publiques, et avec le rehaussement des vertus de citoyen, elle crut avoir trouvé son premier idéal agrandi en la personne de Buzot.

1352. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Une fois, dans ses courses du Jura et autour de son lac de Neufchâtel, Mme de Gasparin avec sa bande a l’occasion de visiter un couvent, celui des dominicaines d’Estavayer ; il est curieux pour nous de voir comme elle parle de ce qui fait l’idéal du bonheur selon Eugénie : ce lui est à elle et aux siens un épouvantail et un monstre.

1353. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Le xviiie  siècle comptait sans doute, ou plutôt ne se donnait plus la peine de compter une foule de pièces galantes, satiriques, badines, étincelantes d’esprit ; Voltaire y excelle ; les Saint-Lambert, les Rulhière, les Boufflers l’y suivaient à l’envi ; mais dans l’art sérieux, dans cet idéal qui s’applique aussi à ces formes légères, dans ce tour sévère et accompli qui achève la couronne de la grâce elle-même, qu’avait-on, depuis longtemps, à citer ?

1354. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE SÉVIGNÉ » pp. 2-21

Mademoiselle de Montpensier, du même âge que Mme de Sévigné, mais qui s’était un peu moins assouplie qu’elle, écrivant en 1660 à Mme de Motteville sur un idéal de vie retirée qu’elle se compose, y désire des héros et des héroïnes de diverses manières : « Aussi nous faut-il, dit-elle, de toutes sortes de personnes pour pouvoir parler de toutes sortes de choses dans la conversation, qui, à votre goût et au mien, est le plus grand plaisir de la vie et presque le seul à mon gré. » 8.

1355. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre I. La tragédie de Jodelle à Corneille »

En leur vrai sens, elles représentent le minimum de convention qu’on ne peut retrancher dans la représentation de la vie : on suppose que le plancher de la scène est un autre lieu quelconque du monde, mais toujours le même lieu, et que les deux heures du spectacle peuvent contenir les événements d’une journée : mais l’idéal où l’on tend, c’est de réduire la durée de l’action à la durée de la représentation.

1356. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

Cette réserve faite, les comédies de Marivaux se déroulent dans une société idéale, dans le pays du rêve : ce sont de délicates hypothèses sur l’âme humaine qu’il explique avec une étonnante sûreté.

1357. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

Il en fait la légende plutôt que l’histoire, malgré ses très sérieuses recherches : maudissant, invectivant, embrassant, bénissant, dressant au-dessus de tous ses ennemis, amis et serviteurs, la sainte figure du peuple, du peuple idéal, terrible, fécond et généreux comme la Nature, toujours grand et toujours pur, quoi qu’il fasse.

1358. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Renan, parlant aux jeunes gens, appelait « le paradis de l’idéal », c’est du moins ce qui y mène.

1359. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « M. Émile Zola, l’Œuvre. »

C’est un « caleçon » que l’Idéal propose à ces hercules et qu’ils ramassent en faisant des effets de muscles  Claude Lantier n’est pas seulement un artiste contesté et poursuivi par la malchance : c’est un martyr.

1360. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre IV. Ordre d’idées au sein duquel se développa Jésus. »

Mais la Galilée a créé à l’état d’imagination populaire le plus sublime idéal ; car derrière son idylle s’agite le sort de l’humanité, et la lumière qui éclaire son tableau est le soleil du royaume de Dieu.

1361. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre X. Les sociales »

Et l’idéal magnifique que Tailhade nous propose n’est pas difficile à atteindre.

1362. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

Puis, quand il a poussé à bout ses calculs d’ingénieur et de politique ; quand la population, dans ses diverses races, est tenue en échec ; quand il a régularisé l’inondation et organisé le désert, que tous les puits sont occupés, que pas un pied cube d’eau n’est perdu, alors seulement il lâche bride à son imagination ; il se retrace le beau idéal d’une Égypte bien gouvernée : Mais que serait ce beau pays, après cinquante ans de prospérité et de bon gouvernement ?

1363. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Il n’est pas épris d’un idéal qu’il veuille réaliser.

1364. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

je ne voudrais pas redevenir jeune, à la condition d’être élevée comme je l’ai été, de ne vivre qu’avec les gens avec lesquels j’ai vécu, et d’avoir le genre d’esprit et de caractère que j’ai ; j’aurais tous les mêmes malheurs que j’ai eus : mais j’accepterais avec grand plaisir de revenir à quatre ans, d’avoir pour gouverneur un Horace… Et là-dessus elle se traçait l’idéal de tout un plan d’éducation sous un homme éclairé, instruit, tel que l’était son ami Horace Walpole.

1365. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Dès aujourd’hui une conclusion me paraît incontestable : entre les divers portraits ou statues qu’il a essayé de donner de lui, M. de Chateaubriand n’a réussi qu’à produire une seule œuvre parfaite, un idéal de lui-même où les qualités avec les défauts nous apparaissent arrêtés à temps et fixés dans une attitude immortelle, — c’est René.

1366. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres et opuscules inédits de Fénelon. (1850.) » pp. 1-21

Fénelon aussi y prodigue trop les expressions volontiers enfantines et mignardes telles que saint François de Sales en adressait à sa dévote idéale, à sa Philothée.

1367. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ce que Chateaubriand est là dans ses écrits à l’état idéal, il l’était aussi plus ou moins dans la vie, auprès des femmes qu’il désirait et dont il voulait se faire aimer.

1368. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

En l’écrivant, Vauvenargues ne songeait certes pas à faire son portrait ; mais il se retraçait et se proposait son plein idéal à lui-même : Quand je trouve dans un ouvrage une grande imagination avec une grande sagesse, un jugement net et profond, des passions très hautes, mais vraies, nul effort pour paraître grand, une extrême sincérité, beaucoup d’éloquence, et point d’art que celui qui vient du génie, alors je respecte l’auteur : je l’estime autant que les sages ou que les héros qu’il a peints.

1369. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Mais quand Frédéric admirait dans Voltaire le grand poète par excellence, quand il voyait dans La Henriade le nec plus ultra des épopées, et qu’il la mettait bien au-dessus des Iliade et des Énéide, il prouvait seulement son manque d’idéal, et à quel point il avait borné de ce côté ses horizons.

1370. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

C’était là comme en toutes choses ce mélange de gloire et de modestie, de réalité et de sacrifice qui lui agréait tant, et qui composait son idéal le plus cher.

1371. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — II. (Suite et fin.) » pp. 421-440

Leur idéal d’avenir à toutes deux est différent et marque bien leur opposition de nature, bien que l’ambition peut-être ne soit pas moindre chez l’une que chez l’autre : La plus humble des deux n’est pas celle qu’on pense.

1372. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Ce qui distingue à jamais cette pastorale gracieuse, c’est qu’elle est vraie, d’une réalité humaine et sensible : aux grâces et aux jeux de l’enfance ne succède point une adolescence idéale et fabuleuse.

1373. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Le premier grand projet littéraire du jeune homme, cet idéal suprême qui ne prend bien qu’une fois dans notre imagination, comme le parfait amour ne prend peut-être qu’une seule fois dans notre cœur, se forma pour de Brosses sous le regard et sous l’influence du président Bouhier.

1374. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « L’abbé Barthélemy. — I. » pp. 186-205

L’abbé Barthélemy, par son mérite et par la nature du sentiment qui le liait à M. et à Mme de Choiseul, s’élève au-dessus de cette classe, ou plutôt il la personnifie à nos yeux dans un exemple supérieur et comme idéal.

1375. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

les conceptions descendraient et pleuvraient dru et menu ainsi que les neiges y tombent en hiver. » En ce moment saint François de Sales concevait l’idéal de la vie contemplative comme saint Anselme, et il l’exprimait naïvement comme Homère.

1376. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Le joli petit roman de Jehan de Saintré, où l’idéal chevaleresque se peint encore au début dans ce qu’il a de plus mignon, et qui prétend offrir un petit code en action de la politesse, de la courtoisie, de la galanterie, en un mot de l’éducation complète d’un jeune écuyer du temps, ce joli roman est rempli aussi de préceptes pédantesques, d’articles d’un cérémonial minutieux, et, vers la fin, il tourne tout à coup à la grossièreté sensuelle et au triomphe du moine selon Rabelais.

1377. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Le premier moment, nous l’avons vu, tout idéal et pur, est celui de la société de Remusberg, qui s’étend jusqu’à l’avènement au trône.

1378. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

» Ces orientaux donnaient, dans cette phrase, l’idéal de ce qu’ils cherchent chez la femme : un joli petit animal, qu’on enveloppe avec la caresse tombante d’une main.

1379. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Le vers de Victor Hugo, qui lui a servi de patron, a bien ses douze syllabes et, en dehors des deux césures après quatre et neuf, un accent très léger, mais que la diction peut fortifier, sur la syllabe traditionnelle : Chair de la femme || argile | idéale || ô merveille.

1380. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

[Victor Duruy] Le bon sens dans la poésie, la mesure dans l’idéal étaient les dons naturels qu’avait fortifiés, dans Émile Augier, une bonne instruction historique.

1381. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

Hors de moi, il n’y a que perdition et idéal ! 

1382. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

croyez-moi, ne méconnaissez pas ainsi le pur idéal que Dieu a mis dans votre âme !

1383. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

J’ai nié le critique complet, absolu, décisif, celui dont Macaulay, en se réduisant à n’être que critique, eût peut-être réalisé l’idéal ; mais je n’ai pas nié le critique fragmenté, inachevé, le critique par moments, par éclairs, par percées, qui est ici et qui est le vrai Macaulay de la Gloire et de la Postérité.

1384. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Saint-Bonnet » pp. 1-28

Ensuite, c’est que même sa métaphysique sort à brûle-pourpoint d’une théodicée, et qu’elle n’est, en dernière analyse, qu’une théologie, dans une époque qui n’admet plus Dieu et où le naturalisme le plus grossier est toute la réalité, en philosophie, et tout l’idéal, en littérature !

1385. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Lamartine, cet homme d’un idéal habituellement céleste, a eu des moments dans sa vie où il blasphéma et fut Richepin, et Richepin a été toute sa vie ce Lamartine-là.

1386. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Le Père de Gironde, sous-lieutenant de réserve au 81e d’infanterie, tué le 7 décembre 1914 dans la bataille d’Ypres, s’écrie : « Mourir jeune, mourir prêtre, en soldat, dans une attaque, en marchant à l’assaut, en plein ministère sacerdotal, en donnant peut-être une absolution ; verser mon sang pour l’Église, pour la France, pour mes amis, pour tous ceux qui portent au cœur le même idéal que moi, et pour les autres aussi afin qu’ils connaissent la joie de croire… Ah !

1387. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

La société guerrière idéale est celle qui agit le plus aisément comme un seul homme, celle par suite dans laquelle les ordres, vivement conçus par un centre cérébral unique, sont rapidement transmis jusqu’aux extrémités du corps social et immédiatement exécutés.

1388. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre X : M. Jouffroy psychologue »

Jouffroy classe tous les genres de plaisir désintéressé, les distinguant selon qu’ils sont produits par « l’association des idées, la nouveauté, l’habitude, l’expression, l’idéal, l’invisible72 », par la présence de l’unité et de la variété, par la vue d’un rapport d’ordre et de convenance, par la sympathie ; il montre les règles, les dépendances, les variations, les ressemblances, les différences de ces plaisirs, avec une abondance, un détail, une netteté, un soin que je n’ai vus dans aucun livre.

1389. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

À défaut de principes adoptés par avance, il se laissa entraîner à la manie des théories absolues et idéales propre aux mathématiciens… « Mon devoir, si je deviens un obstacle à son bonheur, est de me sacrifier. […] Il regardait autour de lui, cherchant l’idéal, le progrès, les moyens de se dévouer ; il voyait la triste Russie, bien froide, bien immobile, bien dure, tout ulcérée de maux anciens. […] Passion malheureuse s’il en fut et qui l’amène à vouloir tuer, puis à cravacher son bel idéal. […] Assurément l’idéal sans objet n’aura plus de prise sur ces âmes expérimentales et désabusées. […] Au contraire, ceux qui auront gardé cette maladie et ce tourment inutile de l’idéal auront lieu de souffrir beaucoup.

1390. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Il ne place pas l’idéal de la femme aussi haut que nos poètes germains ; il veut la femme simple, modeste, bienveillante, instruite, mais sachant ne pas se targuer de sa science ; en un mot elle doit, selon lui, être telle que la nature l’a créée : faite pour les joies du ménage et non pour briller en public. […] Les grandes comédies Il est trois œuvres où Molière me semble avoir atteint non seulement l’idéal qu’il se proposait, mais l’idéal même de ce qu’on a raillé sous le nom de grand art : c’est Le Misanthrope, Tartuffe et Dom Juan, ou le Festin de Pierre 32. […] Partout ailleurs il semble, en effet, que le génie de Molière soit retenu à terre, enchaîné par certaines préoccupations d’une sagesse bourgeoise, ennemi de l’idéal et se moquant de toute chimère, comme Sancho peut railler Don Quichotte. […] Toujours est-il que, pour Shakespeare comme pour Molière, l’idéal rêvé était le naturel.

1391. (1893) Alfred de Musset

C’était son propre rêve qu’il contait, dans les strophes étincelantes où il peint ce bel adolescent Aimant, aimé de tous, ouvert comme une fleur, que la divinisation de la sensation condamne à la recherche éperdue d’un idéal impossible, et qui en meurt le sourire aux lèvres, « plein d’espoir dans sa route infinie ». […] Elle s’était forgé, vis-à-vis de Musset, plus jeune de six ans, un idéal d’affection semi-maternelle qu’elle croyait très élevé, tandis qu’il n’était que très faux. […] Pagello s’associait à George Sand pour récompenser par une « amitié sainte » leur victime volontaire et héroïque, et tous les trois étaient grandis au-dessus des proportions humaines par la beauté et la pureté de ce « lien idéal ». […] Il semble qu’en remettant le pied dans cette ville gouailleuse, il ait eu un vague soupçon que le « lien idéal » dont tous trois étaient si fiers pourrait bien être une erreur, et une erreur ridicule. […] Il avait fait des efforts stériles pour se purifier de ses anciennes souillures au feu d’une passion qui était elle-même une violation de la règle morale, et à ses chagrins d’amour s’ajoutait le sentiment accablant d’avoir commis une erreur capitale, au jour solennel où l’homme choisit l’idéal qui sera sa raison d’exister.

1392. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

Parce qu’en art, voyez-vous, l’idéal, ce n’est pas la correction, qui n’est souvent que l’absence des défauts : une vertu parfaitement négative. […] Mais c’est que la scène est vraie d’une vérité plus haute, plus idéale. […] L’idée seule brille, de tout son éclat, indépendante des faits, comme une statue dont aucun voile ne dérobe aux regards la beauté idéale. […] Mounet est le Jupiter idéal qu’a rêvé Molière. […] Henriette est un idéal de bon sens ferme, et, quand il le faut, elle sent vivement.

1393. (1922) Gustave Flaubert

Comme bien d’autres hommes qui sont des faibles, comme Baudelaire, Flaubert cherchait dans l’amour, lorsqu’il l’éprouvait en son espèce supérieure et sa plénitude idéale, une protection et un bercement maternels : Soyez mère, Même pour un ingrat, même pour un méchant. […] Flaubert s’imagine qu’il pourra réagir contre cette tendance d’un genre, produire quelque chose qui donne autant l’impression du réel que les Martyrs donnent celle d’idéal. […] Flaubert a exprimé dans ce faible qu’est Frédéric la somme idéale de ses faiblesses. […] « La chaleur qu’il faisait, l’appréhension de l’inconnu, une espèce de remords et jusqu’au plaisir de voir, d’un seul coup d’œil, tant de femmes à sa disposition, l’émurent tellement qu’il restait sans avancer, sans rien dire. » Une Turque idéale, un groupe de possibilités d’amour et d’art, c’est aussi ce que Flaubert a eu de meilleur, c’est ce qu’ont de meilleur toutes les existences de ce genre. […] Et, si le « dépouillé » est l’idéal de la littérature, je ne trouve pas cela si ridicule.

1394. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

. — À présent, faisons intervenir le géomètre ; il ne trace qu’un triangle ; encore n’est-ce point de celui-ci qu’il s’occupe ni d’aucun autre triangle tracé ; son objet est un triangle quelconque ; il nous en avertit expressément ; la figure sensible n’est pour lui qu’un moyen de faire plus aisément une construction mentale ; ses yeux suivent sur le papier ou sur le tableau des lignes idéales auxquelles le tracé physique ne correspond qu’à peu près. Il complète sa construction mentale et sa figure sensible, en conduisant, par le sommet du triangle et parallèlement à la base, d’une part une ligne idéale, d’autre part un tracé physique entre lesquels il y ait aussi une correspondance grossière. […] Si, par quelque nécessité inconnue, les droites qu’on vient d’énumérer étaient et devaient être toujours infléchies, nos constructions mentales n’auraient pas et ne pourraient jamais avoir de correspondantes effectives ; l’espace réel aurait une ou plusieurs courbures que notre espace idéal n’a pas, et, pour que la courbure échappât forcément à nos observations, il suffirait qu’elle fût très petite.

1395. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Il y a eu des passions nouvelles : l’amour de Dieu considéré à la fois comme un idéal et comme une personne, la haine paradoxale de la nature, la foi, la contrition. […] Le héros amoureux, c’est l’idéal de tous les jeunes seigneurs, et c’est l’idéal du jeune roi. […] Être présent à la pensée des autres hommes et, comme nous disons aujourd’hui, « vivre dangereusement », voilà tout l’idéal de l’Alexandre de Racine. […] Ce n’est pas que le drame de Thomas Corneille ne dût être d’un agrément assez vif, non seulement par l’ingénieuse complication de la fable, mais par l’idéal romanesque qu’elle exprime. Peut-être que, si vous lisiez Timocrate, vous vous diriez, après l’avoir lu : « Que l’idéal de cette société est charmant dans son artifice !

1396. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Si nous réussissions à souhait et selon tout notre idéal, un bon nombre de ces articles médiocrement sévères et de ces portraits ne seraient guère autre chose qu’une manière de coup d’œil sur des coins de jardins d’Alcibiade, retrouvés, retracés par-ci par-là, du dehors, et qui ne devraient pas entrer dans la carte de l’Attique : cette carte, c’est, par exemple, l’histoire générale de la littérature, telle que la professait ces années précédentes et que l’écrira bientôt, nous l’espérons, notre ami Ampère, ou quelqu’un de pareil. […] Ce qu’il y a de plus clair à conclure, c’est qu’entre ce Mari sentimental de M. de Constant et cette Femme sentimentale de Mme de Charrière, l’idéal du mariage est très-compromis ; ce double aspect des deux romans en vis-à-vis conduit à un résultat assez triste, mais curieux pour les observateurs de la nature humaine.

1397. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Il n’en est aucun pourtant qui ait plus réfléchi que lui sur cet idéal, qui se soit plus appliqué à le définir, à en fixer les conditions, à disserter sur l’ensemble des qualités qui le composent, et à les enseigner en toute occasion. […] Ce que j’entends par là, ce n’est pas être dégoûté comme un malade, mais juger bien de tout ce qui se présente, par je ne sais quel sentiment qui va plus vite, et quelquefois plus droit que les réflexions. » « Il faut, si l’on m’en croit, aller partout où mène le génie, sans autre division ni distinction que celle du bon sens. » « Celui qui croit que le personnage qu’il joue lui sied mal ne le saurait bien jouer, et qui se défie d’avoir de la grâce ne l’a jamais bonne. » « Pour bien faire une chose, il ne suffit pas de la savoir, il faut s’y plaire, et ne s’en pas ennuyer. » « Ce qui languit ne réjouit pas, et quand on n’est touché de rien, quoiqu’on ne soit pas mort, on fait toujours semblant de l’être. » « La plupart des gens avancés en âge aiment bien à dire qu’ils ne sont plus bons à rien, pour insinuer que leur jeunesse étoit quelque chose de rare. » Cet honnête homme que le chevalier veut former, et qui est comme un idéal qui le fuit (car l’ordre de société que ce soin suppose se dérobait dès lors à chaque instant), lui fournit pourtant une inépuisable matière à des observations nobles, délices, neuves, parfois singulières et philosophiques aussi.

1398. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Quiconque a passé dans ses belles années par ces épreuves si difficiles à traverser, se reconnaît dans ces limbes du pur attachement jouissant de contempler ces Béatrices de l’amour idéal, mais interdites par la sainte amitié. […] « Je ne conçois pas, à cette distance où nous sommes, d’autre biographie de Virgile qu’une biographie idéale, si je puis dire.

1399. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Chacune de ces trois divisions a deux formes ; la forme primaire, vive ou réelle ; la forme secondaire, faible ou idéale. […] L’idéal de la société doit être un minimum de gouvernement et un maximum de liberté.

1400. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Ces dieux, qu’il chantait et qu’il adorait, le Grec sentait vaguement qu’il les avait faits, qu’il les avait tirés de sa conscience plus ou moins lucide des lois de la vie, qu’ils n’étaient en somme que les figures idéales des rêves de sa pensée et des éblouissements de ses sens. […] C’est à ce patronage qu’il doit sa forme idéale.

1401. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

Dans cette épître Sur la paresse, la seule que La Harpe ait distinguée, on voit Bernis au naturel, assez gracieux, mais sans force, sans élévation de but et sans idéal.

1402. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Malherbe et son école. Mémoire sur la vie de Malherbe et sur ses œuvres par M. de Gournay, de l’Académie de Caen (1852.) » pp. 67-87

Ne cherchons que le sentiment sincère dans sa plénitude, le calme, la tranquillité stable d’une vie heureuse, l’idéal d’une médiocrité domestique frugale et abondante : or, tout cela s’y exhale, et on en reçoit l’impression en le lisant.

1403. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — II. (Fin.) » pp. 513-532

C’était l’exemplaire idéal qu’il chérissait.

1404. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Ces sonnets, qui sont trop flatteurs pour que je les cite, m’en ont rappelé un du poète Keats qui exprime bien le même sentiment d’idéal, de vie intérieure et d’amitié, charme et honneur de la muse anglaise :   Sonnet imité de Keats, en s’en revenant un soir de novembre Piquante est la bouffée à travers la nuit claire, Dans les buissons séchés la bise va sifflant ; Les étoiles au ciel font froid en scintillant, Et j’ai, pour arriver, bien du chemin à faire.

1405. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

On sait du reste que Frédéric n’était pas le philosophe tout idéal et tout à la Marc Aurèle que les gens de lettres ses amis se hâtèrent de promettre un peu témérairement au monde quand il monta sur le trône ; mais il était réellement philosophe par goût, par bon sens, parce qu’il réduisait chaque chose à la juste réalité, et que, tout en faisant vaillamment son rôle et son métier de souverain, il se séparait à tout instant de cette destinée d’exception pour se juger, pour se regarder soi-même et les autres.

1406. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

On oublie que, par ces concours qu’elle ouvre à l’émulation des jeunes auteurs, l’Académie semble dire : « Jeune homme, avancez, et là, sur ce parquet uni, au son d’une flûte très simple, mais au son d’une flûte, exécutez devant nous un pas harmonieux ; débitez-nous un discours élégant, agréable, justement mesuré, où tout soit en cadence et qui fasse un tout ; où la pensée et l’expression s’accordent, s’enchaînent ; dont les membres aient du liant, de la souplesse, du nombre ; un discours animé d’un seul et même souffle, ayant fraîcheur et légèreté ; qui laisse voir le svelte et le gracieux de votre âge ; dans lequel, s’il se montre quelque embarras, ce soit celui de la pudeur ; quelque chose de vif, de court, de proportionné, de décent, qui fasse naître cette impression heureuse que procure aux vrais amis des lettres la grâce nouvelle de l’esprit et le brillant prélude du talent. » — Ainsi j’entends cet idéal de début académique, dont il ne se rencontre plus guère d’exemple.

1407. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

La céleste Roxandre, en ce temps-là, était l’objet de son admiration vraiment romanesque ; elle la voyait comme assise sur un trône idéal, et, dans la suite de lettres qu’elle lui adresse, on croirait par moments qu’elle parle à quelque impératrice de Constantinople ou de Trébizonde.

1408. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il y eut cette fois accueil sérieux, attentif, studieux, de l’enthousiasme même : miss Smithson, entre autres, ravissait tous les cœurs, et cette noble intelligence de Berlioz, qui vient de disparaître, soudainement frappée alors comme Roméo, voyait se réaliser devant ses yeux le premier objet de son idéal, la beauté véritable.

1409. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Sans prétendre sonder, à mon tour, le secret de cette destinée de poëte et mettre la main sur la clef fuyante de son cœur, il me semble, à voir jusqu’à la fin sa solitaire imagination se dévorer comme une lampe nocturne et la flamme sans aliment s’égarer chaque soir aux lieux déserts,  — il me semble presque certain que cette jeune Fille idéale, cet Ange de poésie, celle que M. de Chateaubriand a baptisée la Sylphide, fut réellement le seul être à qui appartint jamais tout son amour ; et comme il l’a dit dans d’autres stances du même temps : C’est l’Ange envolé que je pleure, Qui m’éveillait en me baisant, Dans des songes éclos à l’heure De l’étoile et du ver-luisant.

1410. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

On n’égalera jamais, dans le genre des beautés idéales, nos premiers tragiques.

1411. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIe entretien. Sur la poésie »

et quand la contemplation extatique de l’être des êtres lui fait oublier le monde des temps pour le monde de l’éternité, enfin quand, dans ses heures de loisir ici-bas, il se détache sur l’aile de son imagination du monde réel pour s’égarer dans le monde idéal, comme un vaisseau qui laisse jouer le vent dans sa voilure et qui dérive insensiblement du rivage sur la grande mer, quand il se donne l’ineffable et dangereuse volupté des songes aux yeux ouverts, ces berceurs de l’homme éveillé, alors les impressions de l’instrument humain sont si fortes, si inusitées, si profondes, si pieuses, si infinies dans leurs vibrations, si rêveuses, si extatiques, si supérieures à ses impressions ordinaires, que l’homme cherche naturellement pour les exprimer un langage plus pénétrant, plus harmonieux, plus sensible, plus imagé, plus crié, plus chanté que sa langue habituelle ; et qu’il invente le vers, ce chant de l’âme, comme la musique invente la mélodie, ce chant de l’oreille, comme la peinture invente la couleur, ce chant des yeux, comme la sculpture invente les contours, ce chant des formes ; car chaque art chante pour un de nos sens, quand l’enthousiasme, qui n’est que l’émotion de sa suprême puissance, saisit l’artiste.

1412. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Il n’y a pas précisément de progrès pour l’art ; il y a variation dans l’idéal.

1413. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre I : La loi d’évolution »

Ainsi Platon traçait sa république idéale sur le modèle des facultés de l’âme humaine.

1414. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IX, les mythes de Prométhée »

Il le modèle dans la glaise selon les lignes d’un type idéal.

1415. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Génie si positif pourtant dans le détail, son idéal, pour dernier terme, sortait hors du possible.

1416. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Beaucoup d’âme, beaucoup d’entrailles, une constante étude, un amour passionné pour son art, tout contribua à composer en elle cet idéal de grande tragédienne qui, jusque-là, ne paraît pas avoir été réalisé à ce degré.

1417. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Œuvres de Barnave, publiées par M. Bérenger (de la Drôme). (4 volumes.) » pp. 22-43

Il essaie, en cette circonstance désastreuse, de relever, de restaurer dans toute sa pureté cet idéal, si compromis, du roi constitutionnel inviolable et impeccable, que l’impétuosité de l’esprit français n’a jamais pu accepter ni se figurer, mais qu’il était honorable de lui offrir.

1418. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

Greuze est l’idéal de Diderot comme artiste ; c’est un peintre sincère, affectueux, de famille et de drame, touchant et honnête, à la fois légèrement sensuel et moral.

1419. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Sociabilité, finesse et moquerie, tels étaient les principaux traits de ce charmant esprit, qui y mêlait, dans la pratique, de cette bonté facile et de cette indulgence assez ordinaire à ceux qui n’ont point placé trop haut l’idéal de la nature humaine.

1420. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Dans un portrait idéal qu’il a tracé de La Femme qui ne se trouve point et qui ne se trouvera jamais, et où il s’est plu à réunir sur la tête d’une Émilie de son invention toutes les qualités les plus difficiles à associer et tous les contraires : Voilà le portrait, dit-il en finissant, de la femme qui ne se trouve point, si on peut faire le portrait d’une chose qui n’est pas.

1421. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Histoire des travaux et des idées de Buffon, par M. Flourens. (Hachette. — 1850.) » pp. 347-368

Donnez un motif, un ressort de plus à ce sage, donnez-lui « la gloire, ce puissant mobile de toutes les grandes âmes », faites qu’il se la propose comme un but éclatant qui l’attire sans le troubler, et vous aurez Buffon lui-même, Buffon qui, pour peindre le plus noble idéal de l’homme, n’a eu qu’à en saisir les traits en lui.

1422. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Publiciste, malgré ses hautes parties, je ne lui trouve pas les vrais signes du génie, qui sont l’ouverture d’instinct, le renouvellement de vue, la prescience et la découverte de vérités nouvelles : il n’a fait que rédiger et reconstruire, sous forme originale, idéale, et parfois bizarre, les doctrines du passé, sans admettre ni concevoir aucune des transactions et des transformations par où elles pouvaient se lier à l’avenir.

1423. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

Vers ce même temps, une copie de La Conjuration de Fiesque, premier ouvrage profane de l’abbé de Retz, étant venue aux mains de Richelieu, celui-ci vit à quel point ce jeune homme caressait l’idéal du conspirateur et du séditieux grandiose, et il dit ces mots : « Voilà un dangereux esprit. » On assure qu’il aurait dit un autre jour à son maître de chambre, en parlant encore de lui, « qu’il avait un visage tout à fait patibulaire ».

1424. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Son idéal de monarque est Charles V.

1425. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — I. » pp. 1-22

Il y prend part de son bras ; il en jouit aussi avec l’intelligence d’un guerrier qui entre dans les calculs du chef et qui comprend avec enthousiasme ce genre d’idéal : une géométrie sublime et vaste qui ne se réalise à chaque instant que par l’héroïsme.

1426. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Michaud, de l’Académie française. » pp. 20-40

Il avait volontiers l’œil aux aguets, et n’était pas fâché de croire que la police surveillait ses démarches : cela le reportait à sa date idéale de Fructidor, à l’un des plus doux printemps de sa jeunesse.

1427. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

Un coup d’œil de divination perce comme un éclair dans cette phrase jetée en passant, et qui prédit l’émancipation de l’Amérique anglaise : « Je ne sais pas ce qui arrivera de tant d’habitants que l’on envoie d’Europe et d’Afrique dans les Indes occidentales ; mais je crois que, si quelque nation est abandonnée de ses colonies, cela commencera par la nation anglaise. » Je l’avouerai en toute humilité, dussé-je faire tort à mon sentiment de l’idéal, si l’on pouvait avoir dans toute sa suite ce journal de voyage de Montesquieu, ces notes toutes simples, toutes naturelles, dans leur jet sincère et primitif, je les aimerais mieux lire que L’Esprit des lois lui-même, et je les croirais plus utiles.

1428. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Pour donner idée de Colbert, il croyait nécessaire de tracer auparavant l’idéal d’un administrateur des finances, et il amenait cette sorte de description générale et abstraite, à l’aide d’une raison des plus subtiles : Pour faire admirer un grand ministre, quelque supérieur qu’il soit, il faut encore user d’adresse avec la faiblesse et la malice humaines ; il faut peut-être présenter ses qualités séparées de son nom et de sa personne ; car les plus grandes perfections cessent de nous étonner quand nous les contemplons dans un homme : le rapport physique que nous nous sentons avec lui détruit notre respect, et nous ne croyons point à la grandeur de ce qui nous ressemble.

1429. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Ivan Tourguénef »

Par des artifices simples, servant un génie psychologique singulièrement subtil, il dessine sur ses pages des individus aussi complètement organisés que les êtres réels dont les images se gravent dans notre cerveau ; la vraisemblance atteinte est telle, que ces fantômes d’un livre muet contraignent notre croyance, et finissent par produire en nous une illusion plus idéale mais aussi forte que celle qui enchaîne notre intérêt aux passions fictives d’un personnage scénique.

1430. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Doyen » pp. 178-191

Cette guirlande de têtes de chérubins qu’elle a derrière elle et sous ses pieds forme un papillotage de ronds lumineux qui me blessent ; et puis ces anges sont des espèces de cupidons soufflés et transparens ; tant qu’il sera de convention que ces natures idéales sont de chair et d’os, il faudra les faire de chair et d’os.

1431. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VII. Mme de Gasparin »

Talent d’expression, non de composition, l’auteur des Horizons prochains est un conteur de la plus extrême simplicité ; ses Nouvelles (presque sans événements) sont plutôt des études de têtes sur fond de paysage qu’autre chose ; seulement le paysage est si exubérant et si foisonnant, et ces belles têtes pâles, mourantes ou malheureuses, y portent si bien ou le nimbe de la sainteté ou l’auréole de l’idéal, que l’effet qui résulte de tout cela va parfois, — malgré les ténuités de femme qui s’y mêlent, — jusqu’à la grandeur.

1432. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Bref, la « fixation du zéro » devra être entendue dans ce qui va suivre comme l’opération réelle ou idéale, effectuée ou simplement pensée, par laquelle auront été marqués respectivement, sur les deux dispositifs, deux points dénotant une première simultanéité.

1433. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

De sorte qu’en définitive notre science tend toujours au mathématique, comme à un idéal.

1434. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Comment Platon, qui blâme dans le pathétique de la tragédie grecque une peinture de douleurs ou de crimes mauvaise pour les âmes, n’aurait-il pas eu quelque louange d’exception ou quelque regret marqué pour le poëte dont il aime d’ailleurs la gravité religieuse, et qu’il n’avait pas banni comme Homère de sa république idéale ?

1435. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

La Sylphide n’est pas seulement la périphrase décente de son adolescence, mais la femme idéale, projection de son désir, qu’il a cherchée à travers toutes les femmes réelles. […] Lord Nelvil figure l’aristocratie libérale d’Angleterre sous les traits idéaux qu’elle prenait facilement pour une Genevoise. […] Mais il y a cette différence que le moule tragique, l’idéal tragique, la personnalité de Corneille et de Racine écrasaient l’auteur, le réduisaient au rôle de copiste. […] Le poème de l’âme devient poétiquement humain parce qu’il est ici le poème de l’homme de l’âme, sous sa forme la plus élémentaire, ordinaire et simple, le préposé à l’âme dans chaque village, le curé de campagne, tel qu’il existe idéalement, — et l’âme en acte consiste dans la croyance en une existence idéale. […] La mort de Napoléon II le met en état de disponibilité politique, le rejette dans un napoléonisme idéal (comme Chateaubriand est resté émigré dans un légitimisme décoratif), le laisse pour plusieurs années très hostile à Louis-Philippe, qui lui rend le service d’interdire en 1832 le déplorable Roi s’amuse, et qu’il insulte dans des vers qui restent secrets.

1436. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Pour eux le modèle idéal s’est déplacé ; il n’est plus situé parmi les formes, composé de force et de joie, mais transporté dans les sentiments, composé de véracité, de droiture, d’attachement au devoir, de fidélité à la règle. […] Chez le prédicateur comme chez le poëte, comme chez tous les cavaliers et tous les artistes de l’époque, l’imagination est si complète qu’elle atteint le réel jusque dans sa fange, et l’idéal jusque dans son ciel. […] Le monde ineffable garde ainsi tout son mystère ; avertis par l’allégorie, nous supposons des splendeurs au-delà de toutes les splendeurs qu’on nous offre ; nous sentons derrière les beautés qu’on nous ouvre l’infini qu’on nous cache, et la cité idéale, évanouie aussitôt qu’apparue, cesse de ressembler au White-Hall grossier, édifié pour Dieu par Milton. […] Mais tout opprimés et insultés qu’ils étaient, leur œuvre se continuait d’elle-même et sans bruit sous terre ; car le modèle idéal qu’ils avaient érigé était, après tout, celui que suggérait le climat et que réclamait la race.

1437. (1929) Amiel ou la part du rêve

Il ne croyait pas avoir réalisé cet équilibre du sens configurateur et du génie intérieur, de l’esprit français et de l’esprit allemand, qui sert volontiers d’idéal à un Suisse de grande culture. […] L’idéal qu’il esquissait ne se réalisa que pour une faible partie. […] d’être initiée à la vie idéale par la pensée aimante, par l’amour intellectuel ? […] À la vérité, nous serions mieux à l’aise avec Amiel si, au lieu de vivre en un corps, il eût été pensé, créé par autrui avec les possibilités, l’idéal, les déchets d’autrui : un Bergeret, un Teste.

1438. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Ainsi, chose admirable, l’humanité tend à l’extinction de la misère dans la mesure même où elle tend au perfectionnement intérieur, et son salut spirituel et son salut économique ne font plus qu’un aux confins extrêmes de l’idéal. […] Son idéal, c’est la femme de luxe, la petite courtisane gentille et aimante, ou la femme du monde un tout petit peu courtisane ; c’est l’amour sensuel dans un décor d’élégance, avec de l’esprit, et, parfois, l’attendrissement d’une sentimentalité légère. […] Il y faudrait une société parfaitement oisive et sans besoins, un monde idéal de cours d’amour. […] des choses qu’on dit et qui ne tirent pas à conséquence… Tristan et Yseult paraissent ici, pour la « poésie » du sentiment, de la force de Léon Dupuis et d’Emma Bovary échangeant des phrases sur l’« idéal » dans la salle de la mère Lefrançois. […] Dans le fond, son idéal de charité reste aristocratique et seigneurial : c’est la création de grandes familles d’ouvriers analogues aux anciennes corporations, les classes dirigeantes étant investies d’une sorte de paternité, et les ouvriers ayant pour elles, en retour, des sentiments filiaux.

1439. (1883) Essais sur la littérature anglaise pp. 1-364

Emerson dit, à propos de la culture intellectuelle des Anglais et de leur penchant à rapporter les choses les plus idéales aux objets les plus familiers, qu’ils ressemblent à des fermiers qui viendraient d’apprendre à lire. […] Lorsqu’elle fait effort pour se le représenter elle le conçoit comme l’idéal du pédant et le peint à peu près avec les mêmes couleurs enfantines que certain personnage de Goethe employait pour peindre l’industrie. […] Au lieu de nous raconter comment il a été élevé, il s’est plu à nous tracer l’idéal d’éducation qui convient selon lui à un jeune gentilhomme, dans le second chapitre de ses mémoires. […] Il n’a pas fait de distinction entre l’amour physique et l’amour moral, entre la sensualité et la tendresse ; l’amour de Roméo et de Juliette a l’exigence de l’absolu, il prend l’être humain tout entier, corps et âme, idéal et réalité. […] L’auteur de Tristram Shandy marque vraiment la ligne imperceptible, la frontière idéale qui sépare deux ordres d’intelligences et de vie morale : après lui, le génie n’est plus ; avant lui, il n’est pas encore.

1440. (1925) Dissociations

Or, étant donné le milieu anglais, le dénouement est purement idéal, les Anglais, quels que soient le degré et la nature de leur intimité, ne se tutoyant jamais, comme tout le monde le sait, excepté l’auteur étourdi de ladite nouvelle. […] Les marchandises, quelle que soit leur unité de poids ou de quantité, ne se divisent pas par dix, comme l’exigerait ce système idéal, mais par deux, par quatre, par huit. […] Notre manière de le voir n’est pas la manière qui plaira le mieux aux générations à venir, dont l’idéal sera sans doute assez différent du nôtre.

1441. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Les plus attrayantes couleurs de notre idéal, par la suite, sont dérobées à ces reflets d’une époque légèrement antérieure où nous berce la tradition de famille et où nous croyons volontiers avoir existé. Mon idéal, à moi, quand j’avais un idéal humain, s’illuminait de bien des éclairs de ces années dont je n’ai pu recueillir que les échos. » Voici maintenant un dialogue amoureux.

1442. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre III. De la signification de la vie. L’ordre de la nature et la forme de l’intelligence. »

Nos inductions sont certaines, à nos yeux, dans l’exacte mesure où nous faisons fondre les différences qualitatives dans l’homogénéité de l’espace qui les sous-tend, de sorte que la géométrie est la limite idéale de nos inductions aussi bien que celle de nos déductions. […] Dans le second, il a pour type, pour limite idéale, et aussi pour fondement, la nécessité géométrique en vertu de laquelle les mêmes composantes donnent une résultante identique. […] Les lois de Kepler et de Galilée sont restées, pour elle, le type idéal et unique de toute connaissance.

1443. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

Il était en 89 à Strasbourg, dans un petit monde mystique comme cette ville en a eu à diverses époques ; il voyait tous les jours celle qu’il appelle sa meilleure amie, Mme Boechlin ; il formait le projet de se réunir encore plus entièrement à elle en logeant dans la même maison ; il venait même de réaliser ce projet depuis deux mois, en 1791 ; il allait entamer la lecture de Jacob Boehm et suivait tout un roman idéal, tout un rêve de vie intérieure accomplie, lorsqu’une maladie de son père l’appela à Amboise et le rejeta dans la réalité : Au bout de deux mois (de cette réunion dans un même logement), il fallut, dit-il, quitter mon paradis pour aller soigner mon père.

1444. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Il me semble que dans ces pages d’Argenson s’élève, et qu’après avoir donné l’idée de quelque homme de bien et de quelque Turgot ministre, il va jusqu’à embrasser l’idéal d’un Richelieu et d’un Pitt, d’un de ces puissants serviteurs du monarque, du public et de la patrie, et qui ne distinguent plus leur égoïsme personnel de la grandeur et de l’intérêt universel ; et il y oppose moins encore son propre frère que la race de ces hommes politiques du xviiie  siècle, qui avaient presque tous en eux du Maurepas, c’est-à-dire quelque chose de radicalement léger et frivole, de fat, de moqueur, de non sérieux, et, avec de l’habileté quelquefois et beaucoup d’esprit, le contraire du grand18.

1445. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Mais l’esquisse que j’aurais à tracer de lui donnerait une toute autre impression que l’idéal proposé par M. 

1446. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Schiller, en embrassant ce sujet avec ses idées absolues, son libéralisme exalté d’avant 93, son humanitarisme sans limite, féconda le tout et créa ce caractère idéal du marquis de Posa, qui parut bien dès lors à tout le monde d’un anachronisme trop manifeste pour un homme du xvie siècle, mais qui fut accepté néanmoins à la faveur de sa fougue vertueuse et d’un souffle de grandeur.

1447. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. »

On y voit, et je l’ai déjà dit, ce qu’il pense de la politique ; on n’y voit pas moins ce qu’il pense de cette philosophie essentiellement idéale et illusoire qui, sans tenir compte de la pratique humaine et de l’expérience, prétend que « le beau n’est que la forme du bon. » Et il a même, à ce sujet, une manière de parabole ou d’apologue assez remarquable.

1448. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

de désagrément ou de ridicule, — est désormais attachée au nom de l’austère Roland, depuis qu’on sait, à n’en pouvoir douter, l’infidélité idéale de sa femme et cette passion avouée pour Buzot.

1449. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Ce n’est que lorsqu’on a pénétré le Moyen-Age, sa philosophie, sa théologie, sa dialectique, son idéal amoureux ; ce n’est que lorsqu’on a aussi connu à fond la vie politique et poétique de Dante, qu’on a marché d’un pas plus sûr à travers les cercles et tout le labyrinthe du mystérieux poème, et qu’on a conquis, pour ainsi dire, l’admiration.

1450. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

C’était l’idéal du dieu Mars, terrible dans les combats, calme et froid dans les combinaisons, grand administrateur, chéri du soldat, il ressemblait en tous points au maréchal de Saxe.

1451. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Art, science et métier, le sang-froid dans l’extrême péril, la liberté du jugement et la fermeté d’action au fort du combat, l’ensemble et le concert des grandes opérations, l’à-propos et le pied à pied de la tactique, il avait rêvé d’unir toutes ces qualités et toutes ces parties ; — tout un idéal complet du savant capitaine et du brave.

1452. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Bernardin de Saint-Pierre offrit l’un des premiers le triste spectacle d’un talent élevé, idéal et poétique, en chicane avec les libraires.

1453. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

L’idéal est dans le choix, dans la délicatesse du trait et dans un certain ton humain et pieux qui s’y répand doucement.

1454. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Sans doute, dans le monde réel, il n’y a pas tant de millions ni tant de beaux colonels que cela ; mais cette comédie est l’idéal pas trop invraisemblable, le roman à hauteur d’appui de toute notre vie de balcon, d’entresol, de comptoir ; toute la classe moyenne et assez distinguée de la société ne rêve rien de mieux.

1455. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Ampère, en se livrant même éperdument à ces excursions lointaines et parfois presque sauvages, dut à l’espèce d’idéal poétique que caressa toujours son imagination, de ne jamais renoncer aux monuments des grands siècles, d’en garder le goût, et d’en maintenir le culte en lui avec une religion très-tolérante sans doute, pourtant très-sincère.

1456. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

L’alliance offensive et défensive de tous les gens de lettres, la société en commandite de tous les talents, idéal que certaines gens poursuivent, ne me paraîtrait pas même un immense progrès, ni précisément le triomphe de la saine critique.

1457. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Avoir vingt ans en 1800, à la veille de Marengo, quel idéal pour une âme héroïque !

1458. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIe Entretien. Chateaubriand »

est comme ces sortes d’arbres qui ne donnent leur baume pour les blessures des hommes, que lorsque le fer les a blessés eux-mêmes. » Et encore, pour exprimer qu’il n’est point de cœur mortel qui n’ait au fond sa plaie cachée : « Le cœur le plus serein en apparence ressemble au puits naturel de la savane Alachua : la surface en paraît calme et pure ; mais, quand vous regardez au fond du bassin, vous apercevez un large crocodile, que le puits nourrit dans ses eaux. » Les funérailles d’Atala sont d’une rare beauté et d’une expression idéale.

1459. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Il n’a pas l’imagination créatrice, qui donne une forme sensible à l’idéal, à l’immatériel, à ce qui n’est plus, n’est pas encore ou ne sera jamais.

1460. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre III. L’Histoire »

Geoffroy de Villehardouin61, Champenois, dont le nom se rencontre dans deux chartes de la comtesse Marie, la fine et noble dame qui inspirait Lancelot, nous met sous les yeux, en sa personne et par son récit, le monde réel en face du fantastique idéal que décrivait son compatriote Chrétien de Troyes.

1461. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Si l’on avait à imaginer quelque chef de bande idéal, le type même de l’aventurier et de l’homme de proie, c’est bien cette tête-là qu’on lui mettrait sur les épaules.

1462. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

S’il eût vécu en ce temps-là, Boileau l’eût peut-être rendu plus difficile sur la correction ; mais en retour il eût appris à Boileau un idéal de l’élégie et de l’idylle bien autrement aimable que celui de l’Art poétique.

1463. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Ce qu’il lui fallait pour peupler ses gracieuses montagnes, ses vallées exquises, ses bois clairsemés, ses fleuves exigus, ses détroits qu’un papillon traverse, et les mille anses de ses rivages où la mer se cisèle en s’y insinuant, c’étaient des myriades de divinités souples, plastiques, malléables, inégales de stature et de dignité, mais dont la plus haute ne dépasserait pas l’idéal de la taille humaine.

1464. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur de Broglie. » pp. 376-398

M. de Broglie eut en ces années (1828-1829) un véritable rêve d’homme de bien, de philosophe élevé qui croit à Dieu, à la vérité idéale et suprême, à la vérité et à l’ordre ici-bas, à la perfectibilité de l’esprit humain, à la sagesse et au progrès de son propre temps, au triomphe graduel et ménagé de la raison dans toutes les branches de la société et de la science, dans l’ensemble de la civilisation même : « N’en déplaise aux détracteurs officieux de notre temps et de notre pays, écrivait-il en 1828, tout va bien, chaque jour les saines idées gagnent du terrain ; l’esprit public se forme et se propage à vue d’œil. » Il s’agissait, dans ce cas, d’une simple pétition sur les juges auditeurs ; mais on sent la satisfaction généreuse qui déborde du cœur d’un homme de bien.

1465. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Ce petit prince, élevé tendrement par Mme de Maintenon, qui était comme sa vraie mère, avait été formé sur l’idéal de la fondatrice de Saint-Cyr.

1466. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

c’est là son idéal et son suprême bonheur.

1467. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Il y a ainsi en chacun de nous, pour peu que notre fonds originel soit bon, un être primitif, idéal, que la nature a dessiné de sa main la plus légère et la plus maternelle, mais que l’homme trop souvent recouvre, étouffe ou corrompt.

1468. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Mais, d’après ces seuls traits, on fait plus qu’entrevoir l’idéal qu’elle n’était pas fâchée de présenter de sa beauté, ou, si vous voulez, le correctif de sa laideur.

1469. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Mais ces défauts se rachètent ici plus aisément qu’ailleurs : le sujet l’inspire ; c’est élevé, c’est ingénieux ; et quand elle en vient à la considération du mariage dans la vieillesse, à ce dernier but de consolation et quelquefois encore de bonheur dans cet âge déshérité, elle a de belles et fortes paroles : « Le bonheur ou le malheur de la vieillesse n’est souvent que l’extrait de notre vie passée. » Et montrant, d’après son expérience de cœur et son idéal, le dernier bonheur de deux époux Qui s’aiment jusqu’au bout malgré l’effort des ans, elle nous trace l’image et nous livre le secret de sa propre destinée ; il faut lire toute cette page vraiment charmante : Deux époux attachés l’un à l’autre marquent les époques de leur longue vie par des gages de vertus et d’affections mutuelles ; ils se fortifient du temps passé, et s’en font un rempart contre les attaques du temps présent.

1470. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — II. (Suite.) » pp. 220-241

Quand on veut pourtant bien apprécier les qualités propres du talent de Beaumarchais, et ses limites du côté de la poésie et de l’idéal, il convient de lire, après ces scènes de la comtesse et de Chérubin, celles du premier chant du Don Juan de Byron, où ce jeune Don Juan à l’état de Chérubin engage sa première aventure avec l’amie de sa mère et la femme de Don Alfonso, avec Doña Julia.

1471. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Les générations d’aujourd’hui sont positives, sans rêverie, sans tristesse ; radicalement guéries du mal de René, elles ont en elles l’empressement d’arriver, de saisir le monde, de s’y faire une place, et d’y vivre de la vie qui leur semble due à chacun à son tour : générations scientifiques ou industrielles, peu idéales, avides d’application, estimables pourtant en ce que la plupart font entrer le travail dans leurs moyens et ne reculent point devant les études spéciales qui mènent au but.

1472. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Voltaire et le président de Brosses, ou Une intrigue académique au XVIIIe siècle. » pp. 105-126

Et il propose un petit contrat tout engageant et tout idéal.

1473. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Cette page me paraît le beau idéal dans le genre de la statistique48.

1474. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre premier. La solidarité sociale, principe de l’émotion esthétique la plus complexe »

— Rôle de la fiction : création d’une société nouvelle et idéale. — Le mouvement, comme signe extérieur de la vie et moyen de l’art. — Le but le plus haut de l’art est de produire une émotion esthétique d’un caractère social.

1475. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Scène froide et mauvaise, où la misère de l’idéal n’est point rachetée par le faire.

1476. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « V. M. Amédée Thierry » pp. 111-139

Thierry n’est pas fait pour la grande peinture historique et que l’idéal de ses personnages lui échappe ?

1477. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Nettement, l’expression idéale du génie qui a créé Séraphitus.

1478. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Pommier d’avoir complété par la caricature héroïque la tragédie de son sujet, on peut citer Dante, Michel Ange et plus bas Callot, les trois hommes de l’inspiration la plus idéale qui ait peut-être jamais existé.

1479. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

Or, le prêtre, hors nature et hors pensée, répond admirablement à cet idéal.

1480. (1911) Visages d’hier et d’aujourd’hui

Il ne la donna pas tout de go et il ne réalisa pas tout de suite son idéal. […] Son existence fut gouvernée par un idéal qui venait de l’Inde ancienne et lointaine, qui ne s’est point avili à passer par les artifices de la littérature et qui s’est épanoui dans la vérité contemporaine. […] C’est là un idéal négatif ; et, si notre activité ne devait que supprimer la souffrance humaine, le mieux et le plus expéditif comme le plus sûr serait de supprimer le monde. […] L’attitude est grave et sereine, d’une intelligente et juste énergie et d’une beauté idéale en même temps que matérielle. […] Triangles absolus, parallèles idéales et droites suprasensibles que nous contemplions dans le clair-obscur des entités vagues, M. de Freycinet les remplace par des triangles authentiques, des parallèles incontestables et des droites avérées.

1481. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

A tout prendre, comme presque tous les artistes, et comme la plupart des hommes qui se croient nés pour commander, son secret idéal est encore le despotisme intelligent. […] Le vrai tourment du mélancolique, qui est d’adorer l’idéal et de n’y pas croire, nul ne l’a si pleinement connu que lui, ni si constamment II lui était également impossible et de ne pas aimer la gloire et l’amour, le bonheur, la religion, et de croire à la gloire, à l’amour, au bonheur et à Dieu. […]  » L’espérance, comme toutes les croyances dont l’ensemble constitue l’idéal humain, est une des choses dont il sent douloureusement et la nécessité et l’inanité ; il la sent éternelle, et il la trouve lâche : « Pourquoi nous résignons-nous à tout, excepté à ignorer les mystères de l’Eternité ? […] C’est « Justice, Amour, Foi, Raison, Beauté, Idéal, Liberté, Droit. » Voilà qui est bien ; mais il faudrait définir un peu tout cela, d’une indication rapide au moins, parce que ce sont choses qui ne vont point de soi ensemble, et que les hommes ont quelquefois opposé la raison à la foi, le droit à l’idéal, la beauté & la raison, et la justice à l’amour ; d’où il suit que de cette ode il reste le souvenir d’un bel élan lyrique, mais non pas d’une idée d’ensemble. […] Nous sommes parfaitement las, nous, à notre époque, des mots généraux, très vibrants et très décevants, Justice, Droit, Idéal, Liberté.

1482. (1885) Les étapes d’un naturaliste : impressions et critiques pp. -302

II Chez Valera, nous avons trouvé ce que nous ne rencontrerons nulle part ailleurs, la foi mêlée au scepticisme : à la surface, le rire railleur, moqueur, frondeur, burlon, un peu voltairien, que pourtant le rictus n’enlaidit point de sa grimace : au fond l’esprit catholique dans toute sa largeur, prenant les hommes tels qu’ils sont, et les montrant tels que Dieu les a faits, bons et mauvais à la fois, avec leurs contradictions de tous les instants, leurs aspirations à l’idéal et au spirituel et leurs chutes vers le matériel, par la passion, disons le mot, par la convoitise de la volupté. […] L’idéal se rattache Comme une croix immense aux quatre angles des cieux. […] Quels ongles de faucon, quelles dents de tigresse Ont pu déchirer l’aile à ton pauvre idéal ? […] Il y a surtout, dans certains détails, une grâce et une fleur de poésie qui montrent que l’auteur est appelé à réussir dans le drame poétique et idéal dont Shakespeare a donné de si parfaits modèles. » Sauf cet intempestif rappel du grand nom de Shakespeare, je n’ai rien à retrancher de ce jugement, et Paul Gaussen semblait alors autoriser de brillantes espérances qu’une vie errante, et souvent attristée, l’ont mis hors d’état de justifier jusqu’à ce jour56. […] Son idéal, au temps de ses premières armes, fut de peindre uniquement ce qu’il connaissait bien, et, comme il croyait ne connaître que la montagne de Santander, il ne voulut peindre que cette province espagnole.

1483. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

le public, souvent épars en d’oisives villégiatures, le public, désarticulé par la bicyclette et tiraillé par la passion du kodak ou du vérascope, ne peut plus déguster le nectar idéal qu’à petites gorgées. […] C’est le héros nouveau, d’accord avec l’idéal du siècle, d’accord avec l’humanité. » Poussé par sa vocation de critique d’art (et par sa pitié naturelle) vers le Salon des Refusés, vers les vies dolentes, vers les limbes où végètent les obscurs, M.  […] Dans cet artiste qui fut homme d’État, dans cet écrivain qui fut un chef populaire, dans ce poète qui fut un voyant, il reconnaissait ce qui est évidemment son propre idéal : l’union de l’éloquence et de l’honnêteté, de l’enthousiasme et de la sagesse, de la politique et des lettres. […] Ses affaires de famille ne vont pas mal… Il consent presque à voir, dans l’Église nationale de France, la forme morale et idéale de la patrie. […] Il connut l’idéal des uns et le rêve des autres : pour les hobereaux, Saint-Cyr, l’École forestière, l’École des haras ; pour les autres, être notaire, avoué, contrôleur, paperasser, financer, ergoter, s’habiller en noir… Un jour, en promenade, son voisin, Justin Ségol, fils d’un homme en blouse et d’une femme en coiffe, lui montra deux panonceaux, qui reluisaient au-dessus d’un vieux logis.

1484. (1906) L’anticléricalisme pp. 2-381

Louis XIV n’a jamais cessé d’être devant ses yeux et dans son esprit comme modèle et comme idéal. […] Si je proscris les moines, 1º c’est « parce qu’une société monastique donne à ses membres un idéal trop différent d’une société démocratique » ; 2º c’est parce que les moines « exercent sur l’enfant une pression qui est de nature à compromettre le développement normal de son esprit ». On lui répondait : Mais c’est une partie de leur enseignement que leur respect et leur culte pour l’idéal auquel ils sont soumis et qui est trop différent de la société démocratique ; et donc, quand même ils ne le voudraient pas, ils enseignent la contre-démocratie. […] Il détruira ce qui reste de la liberté d’enseignement et en arrivera à l’établissement pur et simple du monopole universitaire, qui est son idéal. Il détruira pièce par pièce la loi Briand considérée comme trop libérale et tenue pour seconde loi Falloux, et il réduira l’Église catholique à la situation qui était celle de l’Église protestante au xviiie  siècle, comme c’est aussi son idéal.

1485. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Il n’y a pas beaucoup d’idéal ou d’idéalisme dans l’Histoire comique de Francion, et il n’y en a guère davantage dans Gil Blas : il n’y a qu’un peu plus de décence. […] C’est en effet la grande originalité de la littérature espagnole que d’avoir sauvé, dans le temps de la Renaissance, et transmis plus tard au reste de l’Europe, à peu près tout ce qui méritait d’être sauvé de l’idéal du moyen âge. […] Jusqu’au milieu du xviie  siècle, c’est-à-dire jusqu’au temps où sa décadence commence, l’Espagne a entretenu l’idéal de son âge héroïque. […] Ce que n’avaient pu faire ni Calvin ni Luther : de ramener la vie chrétienne à l’idéal évangélique, ni la papauté, ni les jésuites ne l’avaient pu davantage ; — et l’esprit du monde avait vaincu celui de Dieu. […] C’est que le Discours de la méthode, qui parut en 1637, n’a modifié en aucune façon l’idéal d’art ou de style des écrivains contemporains.

1486. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

C’était surprise et joie de voir réalisée à l’improviste une forme de ce qu’il avait lui-même plus confusément rêvé, c’était de rencontrer sous cette forme légère un idéal déjà à demi connu. […] Mais les pages sur la jeunesse (1817), qui ouvrent les volumes de Mélanges, nous le représentent bien à cette date, dans sa lutte muette contre la société, aspirant à un idéal non encore défini, avec le sentiment d’une supériorité qui cherche son objet, avec une amertume d’ironie qui se retourne contre elle-même.

1487. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Voici cette délicieuse description qui le ramène à son idéal. […] Quoique complètement neuf à la poésie des sites, j’étais donc exigeant à mon insu, comme ceux qui, sans avoir la pratique d’un art, en imaginent tout d’abord l’idéal.

1488. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Louis Veuillot »

C’est qu’en effet l’idéal de la Révolution est la constitution de la société en dehors de la croyance à tout surnaturel, et même de la croyance en Dieu. […] Mais songez que ce traitement spécial  au cas où il vous plairait d’y voir une atteinte indirecte à la liberté de conscience  c’est dans un projet tout idéal que Veuillot le sollicite.

1489. (1902) Les poètes et leur poète. L’Ermitage pp. 81-146

il ne reste plus que Lamartine : Lamartine génie aisé et puissant, torrent d’harmonie, fleur d’amour, océan d’idéal. […] vous voulez désigner, je pense, non le plus grand à notre avis (ce serait Hugo sans aucun doute) mais celui qui exprime le mieux l’idéal intime, l’humeur, la sensibilité de tel d’entre nous.

1490. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Mais lorsque, pour son propre compte, il n’a plus fallu entrer dans des bonshommes connus mais être son bonhomme à soi-même, quand il a fallu sortir quelque chose du fond de soi et le planter dans l’âme d’autrui comme une flèche de feu, quand il a fallu être lyrique enfin, élégiaque, épique, grandiose, idéal en son propre nom, Gœthe est toujours demeuré court, et, qu’on me passe l’insolence de l’expression ! […] Mais figurez-vous un Balzac avec la puissance de vers de Byron, et devant un pareil idéal pensez un peu à Gœthe, qui voulut aussi être romancier !

1491. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Ce n’est pas la fraternité que les philosophes ont recommandée au nom de la raison, en arguant de ce que tous les hommes participent originellement d’une même essence raisonnable : devant un idéal aussi noble on s’inclinera avec respect ; on s’efforcera de le réaliser s’il n’est pas trop gênant pour l’individu et pour la communauté ; on ne s’y attachera pas avec passion. […] Il ne s’agit donc pas ici de la fraternité dont on a construit l’idée pour en faire un idéal.

1492. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Joseph de Maistre »

Le discours idéal qu’il prête (chap. […] Les hommes estimables viendront d’eux-mêmes se placer aux postes où ils peuvent être utiles…. » Voilà un idéal de 1814 et de 1815, une vraie idylle politique que j’aurais crue à l’usage seulement des crédules et des niais du parti. […] Admirateur passionné des femmes, il trouvait dans ce commerce pur une sorte de charme idéal pour sa vie austère ; il recherchait volontiers leur suffrage et se plaisait à cultiver leur amitié.

1493. (1923) L’art du théâtre pp. 5-212

Chaque art participant à cette idéale synthèse pourra, sous une main experte, demander soutien, point d’élan, accroissement, exaltation aux autres arts. […] Représentation idéale, mais aussi éloignée de la véritable que le monde intérieur du monde extérieur. […] Le dramaturge n’a rien fait quand il a fixé par la plume l’absolu toujours un peu relatif de son rêve, une compagnie idéale de personnages qui s’affrontent, s’aiment, se haïssent, vivent et meurent, selon son bon plaisir.

1494. (1842) Discours sur l’esprit positif

Or, la loi générale du mouvement fondamental de l’Humanité consiste, à cet égard, en ce que nos théories tendent de plus en plus à représenter exactement les sujets extérieurs de nos constantes investigations, sans que néanmoins la vraie constitution de chacun d’eux puisse, en aucun cas, être pleinement appréciée, la perfection scientifique devant se borner à approcher de cette limite idéale autant que l’exigent nos divers besoins réels. […] Ainsi, cette idéale prépondérance de notre humanité sur notre animalité remplit naturellement les conditions essentielles d’un vrai type philosophique, en caractérisant une limite déterminée, dont tous nos efforts doivent nous rapprocher constamment sans pouvoir toutefois y atteindre jamais. […] Les conditions préalables, tant recommandées par les premiers pères de cette philosophie finale, doivent là se trouver ainsi mieux remplies que partout ailleurs : si la célèbre table rase de Bacon et de Descartes était jamais pleinement réalisable, ce serait assurément chez les prolétaires actuels, qui, principalement en France, sont bien plus rapprochés qu’aucune classe quelconque du type idéal de cette disposition préparatoire à la positivité rationnelle.

1495. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

« un certain nombre de jeunes poètes, las de lire toujours les même horreurs, appartenant d’ailleurs à une génération plus désabusée que toutes les précédentes, d’autant plus avide d’une littérature expressive de ses aspirations vers un idéal dès lors profondément sérieux, fait de souffrance très noble et très hautes ambitions ») Ces citations, dont mille excuses ! […] L’approbation, d’ailleurs, chez Roger Marx ne va pas sans les critiques les plus courtoises mais les plus pénétrantes, parce que les plus sincères, les plus consciencieuses, d’un esprit tout indulgence au vrai Beau, mais toute sensibilité quand son idéal subit l’ombre même d’un froissement. […] leur grande figure et leur idéal, ces classiques-là osent se réclamer de Racine.

1496. (1925) Portraits et souvenirs

Ce que Villiers reprochait aux « modernes », c’était d’avoir tenté de supprimer dans l’homme ce qui constitue son patrimoine spirituel de Rêve, de Foi et de Croyance, pour le remplacer par le culte terrestre de l’Utile et du Réel, aux dépens de l’Idéal. […] Il en préféra l’Illusion idéale aux Réalités matérielles. […] Il y a en lui un moraliste et un idéologue, c’est-à-dire quelqu’un qui suppute les valeurs idéales et morales, les réprouve ou les accepte. […] Barrès est arrivé à substituer, peu à peu, à son idéal de jeunesse, une doctrine de maturité assez différente.

1497. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

Au fond, la Révolution française a tué la discipline de la nation, a tué l’abnégation de l’individu, entretenues par la religion et quelques autres sentiments idéaux. Et ce qui avait survécu de ces sentiments idéaux, notre premier sauveur, Louis-Philippe l’a achevé avec la phrase de son premier ministre : « Enrichissez-vous » ; et notre second sauveur, Napoléon III, avec son exemple et celui de sa cour, qui disait : « Jouissez. » Puis, quand toutes les religions désintéressées des âmes étaient mortes, on faisait, par le suffrage universel, du vote destructif et désorganisateur du bas de notre société, la véritable souveraineté française. […] Il rappelait que le monde idéal et fictif des Werther et des Charlotte, des Hermann et des Dorothée, avait produit les soldats les plus durs, les diplomates les plus perfides, les banquiers les plus retors ; il aurait pu ajouter les courtisanes les plus dévoratrices. […] Non, non, il n’y a plus, derrière ce mot République, une religion, un sentiment faux, si vous voulez, mais un sentiment idéal qui transporte l’humanité au-dessus d’elle et la fait capable de grandeur et de dévouement.

1498. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

« Un jour, comme je regardais dans un album le vague portrait d’une jeune fille, quelqu’un passa qui dit un nom… Ainsi je vous connus ; ayant entendu votre nom, ô vous, je vous rêvai. » Ainsi débute un poème à la gloire de cette femme de rêve que l’on retrouve, souvenir ou vision, « face adorable », en plusieurs autres pages où elle est le symbole de l’idéal, de l’inaccessible. […] » Alfred Vallette On a beaucoup célébré les mérites des fondateurs d’ordres religieux ; on a dit leur foi en l’idéal, l’enthousiasme de leurs rêves, la persévérance de leurs gestes d’espoir vers la gloire d’avoir vécu généreusement, leur prosternement devant l’infini, leur culte de cet art suprême, la charité, leur amour des formes nouvelles de l’activité sociale, leur génie à plier à leurs désirs la paresse humaine, la peur humaine, l’avarice humaine. De ces ordres, les uns se sont éteints, après avoir donné au monde ce qu’ils avaient de lumière ; les autres ont prolongé dans les siècles l’agonie lente qui étouffé doucement les institutions en désaccord avec les goûts de l’humanité ; d’autres enfin n’ont vécu qu’en pliant et en repliant leurs statuts selon les transformations si rapides et si déconcertantes de l’idéal éternel. […] Quant aux brillantes et éclatantes symphonies de couleurs et de lignes, quelle que soit leur importance pour le peintre, elles ne sont dans son travail que de simples procédés de symbolisation. » En son étude sur Gauguin, un an plus tard, il revint sur cette théorie, la développa, exposant, avec une grande sûreté de logique, les principes élémentaires de l’art symboliste ou idéiste, qu’il résume ainsi : L’œuvre d’art devra être : « 1° Idéiste, puisque son idéal unique sera l’expression de l’Idée ;  » 2° Symboliste, puisqu’elle exprimera cette idée par des formes ;  » 3° Synthétique, puisqu’elle écrira ces formes, ces signes, selon un mode de compréhension générale ;  » 4° Subjective, puisque l’objet n’y sera jamais considéré en tant qu’objet, mais en tant que signe d’idée perçu par le sujet ;  » 5° (C’est une conséquence) Décorative ― car la peinture décorative proprement dite, telle que l’ont comprise les Égyptiens, très probablement les Grecs et les Primitifs, n’est rien autre chose qu’une manifestation d’art à la fois subjectif, synthétique, symboliste et idéiste. » Après avoir ajouté que l’art décoratif est le seul art, que « la peinture n’a pu être créée que pour décorer de pensées, de rêves et d’idées les murales banalités des édifices humains », il impose encore à l’artiste le nécessaire don d’émotivité, en alléguant, seule, « cette transcendantale émotivité, si grande et si précieuse, qui fait frissonner l’âme devant le drame ondoyant des abstractions ».

1499. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Il y aura, je l’espère, un art moderne qui tâchera de consoler l’humanité vieillie, de la délivrer, de la hausser jusqu’à la conception de la vie idéale. […] S’il n’y a plus de jeunes filles, si le dernier refuge où allait notre désir d’idéal nous est enlevé, si nous voyons s’évanouir ce charme délicieux et cruel, tout cet inconnu qui flotte autour des fronts sans rides et des âmes sans tache, il faut maudire le trouble-fête qui est venu trop tôt jeter de la lumière dans les brumes dorées où se plaisaient nos songes. […] Pour l’oncle Sam, l’Éden idéal est celui où les élus n’auront qu’à presser un bouton pour boire à leur soif et manger à leur faim.

1500. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Après sa mort, ses admirateurs se sont faits plus rares, et on peut dire que la jeunesse d’aujourd’hui tourne complètement le dos à son idéal littéraire.‌ […] Heredia mettait en pratique l’idéal de travail et de perfection que Leconte de l’Isle s’efforçait d’imposer à la Poésie française. […] Et quant à cette blancheur éblouissante qui semble avoir frappé Stendhal, qui dira jamais tout son charme idéal et toute sa vertu philosophique ? […] Ce grand plaisantin était un homme d’idéal, qui écartait par ses éclats de rire les illusions et les rêves, comme on fait le moulinet avec sa canne pour éloigner les malfaiteurs. […] A la représentation, on les trouvait quelquefois impossibles, comme il est arrivé pour Smilis, une œuvre dont l’idéal dépasera toujours une simple salle de spectacle.

1501. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

Chacun d’eux est une action de cet homme idéal et général autour duquel se rassemblent toutes les inventions et toutes les particularités de l’époque ; chacun d’eux a pour cause quelque aptitude ou inclination du modèle régnant. […] Elle lui met devant les yeux, comme modèle et comme souveraine, une beauté idéale, souffrante, passionnée, tendre, au sourire terrible ou gracieux, parfois divin, mais maladive et boiteuse. […] Chacun offre à l’univers l’idéal qu’il se propose à lui-même.

1502. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Nous l’avons dit d’abord ; bien que poëte signifie faiseur, et que troubadour ou trouvère soit synonyme d’inventeur, jamais poëte ne fait ou n’invente que l’idéal des événements ou des croyances de son temps. […] L’historien de ce livre, qui en est aussi un des principaux personnages, nous offre dans ses actions la réalité de cette chevalerie, dont les romans du moyen âge ont tracé la peinture idéale.

1503. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

L’idéale beauté de Mme de Couaën, le charme de son imagination rêveuse et grande, de son esprit naïf et élevé, de son âme tendre et pure, ce quelque chose, en un mot, que rien ne définit, qui élève pour nous une créature au-dessus des créatures, nous fait trouver la terre indigne de la porter, et fait de l’amour une véritable religion. […] Cet amour que ne traverse jamais la pensée des liens sacrés qu’il outrage, cet amour que le jeune homme converti compte à peine encore au nombre de ses remords, et pour le souvenir duquel il demande un privilège à sa conscience, cet amour, dont il pare sa vie, et qui, entouré par lui d’une espèce d’auréole, apparaît presque comme une vertu dans le naufrage de sa vertu, n’y a-t-il donc aucun inconvénient à le peindre si idéal et si beau ? […] De cette hauteur passagère où l’avait élevé un amour idéal, il retombe vers la passion vulgaire ; il y entraîne Rachel avec lui ; elle pleurait sa gloire d’ange, elle pleure maintenant sa gloire de femme ; elle cherchait à fixer dans son âme un confus souvenir du ciel ; elle tâche maintenant d’oublier qu’il y a un Dieu et un Christ. […] Le sentiment ne se répandit jamais avec un abandon si tendre que dans les entretiens de Rachel et de son malheureux Joseph ; ni la corde des affections idéales ne vibra plus puissante et plus sonore, plus suave et plus attendrie, que dans les chants de ces femmes dont la tombe s’entr’ouvre à la voix des anges, et qui se reprennent à aimer en se reprenant à vivre. […] Si le berceau du christianisme n’est pas plus à Jérusalem qu’à Persépolis, et ses documents pas plus dans la Bible que dans le Véda, il est clair qu’il se réduit à ce qui constitue, en tout pays, la partie la plus spirituelle et la plus morale des religions ; et si on l’appelle encore christianisme, c’est parce qu’on juge à bon droit que c’est dans les enseignements du Christ que se trouvent plus pures et à plus forte dose les vérités de cette religion idéale, dont toutes les religions positives ne sont que des allégories.

1504. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — II. (Fin.) » pp. 180-203

Il semble y rêver pour la France dans un avenir idéal le gouvernement et le régime anglais, moins les passions et la corruption ; il se prononce contre les conquêtes et n’admet la guerre que dans les cas de nécessité ; il a, sur la milice provinciale, sur la liberté individuelle, sur le droit de paix et de guerre déféré aux assemblées, sur un ordre de chevalerie accordé au mérite seulement, et à la fois militaire et civil, sur l’unité du Code et celle des poids et mesures, sur le divorce, enfin sur toutes les branches de législation ou de police, toutes sortes de vues et d’aperçus qui, venus plus tard, seraient des hardiesses, et qui n’étaient encore alors que ce qu’on appelait les rêves d’un citoyen éclairé ; il est évident que M. de Lassay, s’il avait pu assister soixante ans plus tard à l’ouverture de l’Assemblée constituante, aurait été, au moins dans les premiers jours, de la minorité de la noblesse.

1505. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « De la tradition en littérature et dans quel sens il la faut entendre. Leçon d’ouverture à l’École normale » pp. 356-382

Jamais a-t-on mieux parlé de cette ville heureuse, ou rien de chagrin, de jaloux, de rigide et d’austère s’affligeait le regard et ne mortifiait la joie du voisin ; où l’on jouissait rien qu’à y vivre, à y respirer, à s’y promener, et où la seule beauté des bâtiments et des constructions, la beauté du jour et certain air de fête secouaient loin de l’esprit la tristesse72 ; où l’on aimait le beau avec simplicité et la philosophie sans mollesse, où la richesse était à propos et sans faste, où le courage n’était pas aveugle (comme celui du Mars fougueux), mais éclairé et sachant ses raisons (comme il sied à la cité de Minerve) ; véritable Athènes selon l’idéal de Périclès, sa création et son œuvre à lui, l’école de la Grèce (Ελλάδος Ελλάς Αθήναι), telle qu’il l’avait faite durant les longues années de sa domination personnelle et puissamment persuasive : car on a dans Périclès le type le plus noble et le plus brillant du chef populaire, d’un dictateur de démocratie par raison éloquente, par talent et persuasion continue.

1506. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Appendice. Discours sur les prix de vertu »

Elle réunit et ceux d’entre vous, Messieurs, qui, animés d’une certaine flamme, dont se préservent malaisément les esprits qu’a une fois touchés le génie des lettres, ne se contentent pas de vouloir le bien, et qui aspirent au mieux ; qui sans doute auraient tenu à réaliser d’un coup leur idéal de propriété intellectuelle, qui continuent d’y croire et de le contempler dans le lointain, mais qui en même temps ne sont pas assez excessifs pour dire : Tout ou rien, pour renoncer à ce qui est offert, à ce qui est possible, pour ne pas s’en tenir satisfaits d’ici à un assez long temps.

1507. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Évidemment, c’était un type, un noble exemplaire idéal qu’il eût été beau et glorieux de reproduire, en le renouvelant, même dans un cadre diminué et moins favorable.

1508. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Mais Virgile, par ce procédé complexe et d’une habileté exquise, atteint certainement à l’idéal de la poésie polie et civilisée.

1509. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Par là ce portrait me paraît plus touchant et plus édifiant encore que les plus belles figures de Port-Royal… Ceux qui aiment par-dessus tout ces révélations intimes, ce spectacle des plus humbles destinées individuelles où la poésie et l’idéal sortent de la réalité la plus positive, — ceux-là vous doivent une reconnaissance d’autant plus vive… Tant de gens ne s’inquiètent que de ce qui brille, de ce qui fait du bruit ou du tapage… » — « Une seule chose m’étonne, écrit quelqu’un (une main de femme, qu’une grande amitié a liée à Mme Valmore), c’est qu’on puisse faire un choix dans ces lettres si ravissantes de bonté, de sensibilité, d’ignorance de sa propre valeur qui donne tant de prix à ces richesses morales.

1510. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Son idéal pourtant à lui, c’était le temps de la régence d’Anne d’Autriche, avant la Fronde, de 1643 à 1648 : il a chanté cet heureux temps dans ses stances les plus passables : J’ai vu le temps de la bonne Régence… Sa pièce la plus jolie et la plus citée est la Conversation du Père Canaye et du maréchal d’Hocquincourt.

1511. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Il y a nombre de chapitres qui nous semblent l’idéal de la beauté théologique telle qu’elle resplendit en plusieurs pages de la Cité de Dieu ou de l’Histoire universelle, mais ici plus frugale en goût que chez saint Augustin, plus enhardie en doctrine que chez Bossuet, et aussi, il faut le dire, moins souverainement assise que chez l’un, moins prodigieusement ingénieuse que chez l’autre.

1512. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Resté célibataire par dévotion, vivant dans la solitude, éloigné de la société par l’effet de cette susceptibilité, quelquefois injuste, mais respectable, qui naît de l’attachement à un certain idéal de perfection et de simplicité du cœur qui rend l’esprit délicat et difficile ; disant chaque jour son bréviaire avec la régularité d’un prêtre ; marquant par des prières chacun des anniversaires inscrits au nécrologe de Port-Royal ; aimant Dieu comme on ne sait plus l’aimer ; ayant réduit sa vie ici-bas à ne plus être qu’une aspiration vers l’éternité : tel était ce vieillard en qui s’est éteint, il y a peu de mois, un des derniers jansénistes. » Dans ce même voyage d’Auvergne, M.

1513. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Elle s’est plu à rimer en les variant, à traduire çà et là en espèce de madrigal moral quelqu’une des maximes de La Rochefoucauld, dont l’esprit lui convenait fort : comme lui aussi elle avait vu périr son idéal dans la Fronde.

1514. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

De l’importance de la littérature dans ses rapports avec la vertu La parfaite vertu est le beau idéal du monde intellectuel.

1515. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

Quand Corneille et Racine, à travers la pompe ou l’élégance de leurs vers, nous font entrevoir des figures contemporaines, c’est à leur insu ; ils ne croyaient peindre que l’homme en soi ; et, si aujourd’hui nous reconnaissons chez eux tantôt les cavaliers, les duellistes, les matamores, les politiques et les héroïnes de la Fronde, tantôt les courtisans, les princes, les évêques, les dames d’atour et les menins de la monarchie régulière, c’est que leur pinceau, trempé involontairement dans leur expérience, laissait par mégarde tomber de la couleur dans le contour idéal et nu que seul ils voulaient tracer.

1516. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Nous faisons des abstractions et des généralisations précises, nous jugeons, nous raisonnons, nous construisons des objets idéaux.

1517. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIIe entretien. Poésie sacrée. David, berger et roi » pp. 225-279

« Ce gouvernement d’une république fédérative par une théocratie sacrée et centrale, continue le philosophe allemand, était le plus idéal des gouvernements.

1518. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Étant du xve  siècle, et profondément bourgeoise, l’œuvre manque manifestement d’élévation morale : elle est plutôt prosaïquement insoucieuse de l’idéal moral, qu’effectivement immorale.

1519. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Et l’idéal de Montaigne n’est pas la raideur dédaigneuse du stoïcien, c’est la brute résignation du paysan, qui ne se couche que pour mourir, et meurt sans se plaindre, comme les animaux.

1520. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Chacune de ses maximes est comme une piqûre d’épingle qui dégonfle l’idéal emphatique ou les aspirations surhumaines de l’âge qui finit.

1521. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

L’idéal serait donc d’avoir été neveu de curé.

1522. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

L’idéal de notre littérature apparaît dès cette première moitié du xvie  siècle : c’est Rabelais quand il ne laisse pas sa raison au fond de la dive bouteille ; c’est Calvin, quand il n’allume pas le bûcher de Servet.

1523. (1890) L’avenir de la science « XVIII »

XVIII La fin de l’humanité, et par conséquent le but que doit se proposer la politique, c’est de réaliser la plus haute culture humaine possible, c’est-à-dire la plus parfaite religion, par la science, la philosophie, l’art, la morale, en un mot par toutes les façons d’atteindre l’idéal qui sont de la nature de l’homme.

1524. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Et l’art est justement fait pour en offrir de pareils, son rôle étant d’opposer aux réalités iniques de la vie l’idéal de la bonté et de la vertu.

1525. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Bussy-Rabutin. » pp. 360-383

Dans cette Histoire amoureuse des Gaules, Bussy s’est proposé Pétrone pour modèle et pour idéal ; il y a des moments où il ne fait que le traduire, et (chose étrange !)

1526. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

L’auteur avait déjà flétri en lui la fleur de l’idéal, et même celle de la volupté, s’il l’avait jamais connue.

1527. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

L’idéal seul est incorruptible.

1528. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre x »

Une heure grave arrive… il faudra marcher à la baïonnette… Si j’y reste, je demande une chose, c’est que le peu de forces consacrées qui était en moi puisse rejaillir sur ceux que j’ai aimés et qui m’ont aimé, sur tous mes compagnons d’idéal et de labeur.‌

1529. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Mais il faudrait entrer dans de tels détails sur la vie psychologique, sur la relation psychophysiologique, sur l’idéal moral et sur le progrès social, que nous ferons aussi bien d’aller tout droit à la conclusion.

1530. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Il sonne sur la lyre le nom du Christ ; et, aux accents de son luth à dix cordes, il fait lever de l’enfer les ressuscités. » Interprète passionné des autres chants de victoire ou de deuil semés dans les livres saints, pieusement charmé du Cantique des cantiques, où il ne voit que l’idéal d’un mystique amour, tout en le comparant pour les images et la poésie au brûlant épithalame de Théocrite sur les noces infidèles de Ménélas et d’Hélène, Bossuet semble plus épris encore de cette concise et poétique philosophie des Hébreux, de ces courts axiomes, de ces symboles parlants qui remplissent les livres de Salomon et ceux du fils de Sirach.

1531. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Juste conclusion du passage précédent, où certes il n’a été question ni de généralisation, ni d’abstraction, ni d’idéaux, ni de raison pure. […] De théories sur l’essence de l’art, sur les rapports du vrai et du beau et du bien, sur l’imagination, sur la raison, sur l’idéal platonicien, peu ou point. […] Il nous prescrit une vertu idéale. […] ………………………………………………………………… Là j’aurais contemplé l’avenir et la vie Sur le blanc piédestal de la sérénité, Sans effort surhumain, sans excessive envie, Heureux d’un idéal visible et limité. […] Diderot : « Il faut défendre tout écrit dangereux en langue vulgaire. » — Tout compte fait, malgré quelques phrases déclamatoires contre les « tyrans », les Encyclopédistes ont eu pour idéal le bon despote, le monarque absolu, ami des lumières et des philosophes, un Frédéric II ou une Catherine de Russie.

1532. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Qu’y a-t-il donc de plus barbare, ou de plus inhumain, — disent-ils, — que de vouloir ainsi passer, sur toutes les têtes, au nom d’un principe théorique et d’un idéal abstrait, le lourd niveau des mêmes définitions, des mêmes règles, ou des mêmes lois ? […] La « négation du vouloir-vivre » n’est en réalité que le terme idéal vers lequel tend, sans jamais y atteindre, la morale du pessimisme ; mais, en le proposant à l’homme, elle développe en lui tout ce qu’il y a de ressort et d’énergie pour l’action. […] Encore une fois, à tous ceux qui trouveraient cette doctrine trop dure, qui la trouveraient surtout étrange, je me contente de répéter que, puisque nous la retrouvons au fond de toutes les religions, il faut bien qu’elle soit la doctrine idéale où l’homme aspire depuis qu’il existe et qu’il a commencé de se connaître. […] Un grand peintre ou un grand romancier, un grand poète ou un musicien peuvent être et sont habituellement quelque chose de plus ; mais ce qu’ils sont avant tout, ce sont des exécutants ; ou, si l’on veut encore, ce sont les traducteurs pittoresques ou musicaux des sensations, du rêve, de l’idéal sonore ou coloré de ceux qui les admirent. […] Il en résultait une sorte d’universelle humanité ou d’univers humanisé dont le corps humain, dans ses proportions idéales, était le prototype.

1533. (1887) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Troisième série pp. 1-326

S’il a donc voulu dire que l’art classique, en raison de la hauteur même où il mettait son idéal, ne pouvait qu’enfanter des chefs-d’œuvre ou périr, nous ne sommes pas loin de nous entendre. […] L’idéal du sentiment et la charge de la caricature s’obtiennent par les mêmes moyens, c’est-à-dire par une altération également systématique des rapports vrais des choses. […] Ne nous étonnons pas non plus si les œuvres sorties, pour ainsi dire, de l’inspiration plus ou moins prochaine de Mme de Lambert offrent des traits frappants de ressemblance avec celles qu’avait autrefois dictées l’influence de Mme de Rambouillet, puisque l’influence de l’une et l’inspiration de l’autre s’efforçaient de diriger la littérature et les mœurs vers un même idéal social. […] Mais l’excuse de des Grieux, ce n’est pas la morale de son temps, — qui valait bien celle du nôtre, ne nous faisons pas d’illusions là-dessus, — c’est son amour ; et ce qui fait le prix de Manon Lescaut, c’est d’être une des plus parfaites peintures qu’il y ait, non pas assurément de l’amour idéal, mais au moins de l’amour absolu. […] Ôtez les prêtres et laissez dire ; avec cela, pour « la canaille », dont la pente autrement serait trop forte vers l’improbité, un Dieu « rémunérateur et vengeur » ; c’est toute la philosophie sociale de Voltaire, et son idéal ne s’est jamais élevé plus haut.

1534. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Mais le récit ne suffit point à exprimer le bonheur et le rêve ; il faut que le poëte aille192-A « dans les plaines qui s’habillent de verdure nouvelle, où les petites fleurs commencent à pousser, où les pluies bonnes et saines renouvellent tout ce qui est vieux et mort  » ; où « l’alouette affairée, messagère du jour, salue dans ses chansons le matin gris, où le soleil dans les buissons sèche les gouttes d’argent suspendues aux feuilles. » Il faut qu’il s’oublie dans les vagues félicités de la campagne, et que, comme Dante, il se perde dans la lumière idéale de l’allégorie. […] La servitude est si pesante, que, même dans son Testament de l’Amour, parmi les plus touchantes plaintes et les plus cuisantes peines, la belle dame idéale qu’il a toujours servie, la médiatrice céleste qui lui apparaît dans une vision, l’Amour pose des thèses, établit « que la cause d’une cause est cause de la chose causée », et raisonne aussi pédantesquement qu’à Oxford.

1535. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

Je le voyais souvent chez Mme la duchesse de Broglie, fille de Mme de Staël, et femme dont la beauté, la vertu, l’enivrement mystique et la piété céleste, devaient ravir le poète irlandais et faire croire à la sœur des anges que Vigny voulait créer pour type idéal des amours sacrés. […] Je ne la prierai point d’empêcher les peines de cœur et les infortunes idéales, de faire que Werther et Saint-Preux n’aiment ni Charlotte ni Julie d’Étanges ; je ne la prierai pas d’empêcher qu’un riche désœuvré, roué et blasé, ne quitte la vie par dégoût de lui-même et des autres.

1536. (1895) La science et la religion. Réponse à quelques objections

Il s’établit ainsi, dans la société catholique idéale, une circulation de perpétuelle charité. […] Mais elle en diffère surtout pour avoir placé dans le perfectionnement de l’individu l’idéal moral que M. 

1537. (1845) Simples lettres sur l’art dramatique pp. 3-132

Vous rappelez-vous, mon ami, avoir vu passer dans la demi-teinte projetée sur eux par les œuvres voisines, ces idéales et merveilleuses créations qui, comme les anges de Martinn, portent leur lumière en eux-mêmes : lampes d’albâtre que l’âme fait resplendissante à travers le corps. […] Engagée à la poursuite de son idéal qui fuit toujours devant elle, comme Ithaque devant Ulysse, elle donne tête baissée sur les écueils de la réalité, et tantôt se relève comme Ajax, superbe et blasphémant, pour reprendre sa course, et tantôt pleure et gémit comme une femme, et se roule si elle ne peut plus marcher.

1538. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Mais comment empêcher cette recherche inquiète et parfois hasardeuse du public dans le domaine idéal du livre ? […] Cela est unique ; c’est l’expression même de cette forme rêvée par Barrès, « qui sait des alanguissements comme des caresses pour les douleurs, des chuchotements et des nostalgies pour les tendresses et des sursauts d’hosanna pour nos triomphes, cette beauté du verbe, plastique et idéale, et dont il est délicieux de se tourmenter. ». […] Reconnaissez-vous les petites amies de Paulette, monsieur le journaliste, ces idéales jeunes filles, dont M.  […] L’Idéal, Le Forestier, Le Marinier, Le Père, Le Berger, etc.

1539. (1853) Portraits littéraires. Tome I (3e éd.) pp. 1-363

Il n’entre pas dans ma pensée de comparer le personnage de Manon aux figures idéales de Juliette, d’Ophélie, et de Desdémone ; Manon, malgré la sincérité de sa tendresse, malgré la profondeur de ses souffrances, ne peut lutter avec l’élévation et la pureté de ces poétiques héroïnes ; mais je crois qu’il serait difficile, sinon impossible, de construire avec le désordre et la débauche un personnage plus animé, plus poétique, plus digne de sympathie, que Manon. […] Hugo est demeuré très loin du modèle idéal qu’il avait accepté. […] L’amour maternel sous les traits d’une femme incestueuse et adultère, un aventurier entre l’alcôve royale et la hache du bourreau, l’amour chaste, idéal dans le cœur d’une femme qui vend ses caresses, telles sont les antithèses que M.  […] Je ne sais si le portrait de ces deux sœurs a été tracé d’après nature ; mais, réel ou idéal, il révèle une grande finesse d’observation.

1540. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Voltaire se rapproche de l’idéal du genre. […] Seulement, le bon Leroux considère l’État seul éducateur comme un idéal auquel il faut tendre ; mais non pas proclamer tout de suite. […] Cela, certes, n’est pas méprisable ; mais ce n’est pas un idéal d’une sublimité enivrante ou imposante. […] Maintenant si tel est « aux États » l’idéal des hommes, quel est, d’après ceux qui, évidemment, sont bien renseignés, l’idéal des femmes ? […] Le devoir lui est une gêne et l’accomplissement du devoir lui paraîtrait une abdication de son idéal.

1541. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. de Fontanes »

Une telle enfance menait naturellement M. de Fontanes à placer son idéal chrétien dans la religion de Fénelon. […] Mais, au moment où il reportait son regard vers l’idéal avenir, les orages s’amoncelaient et ne laissaient plus d’horizon. […] Le siècle d’Auguste eût été l’idéal ; mais, pour la gloire des lettres, ce siècle d’Auguste, en France, était déjà passé avec celui de Louis XIV.

1542. (1932) Le clavecin de Diderot

Des langues anciennes, à la maladie, à la mort, en passant par la littérature, l’art, l’inquiétude, les bars, les fumeries et les divers comptoirs d’échantillonnages sexuels, jusqu’ici, pour qui voulait faire son chemin, il s’agissait de se spécialiser c’est-à-dire, sur toute carte de visite réelle ou idéale, d’annoncer, à la suite de son nom, une virtuosité particulière. […] Il s’attaque aux murs, à tous les murs, et qu’on m’entende, les au propre et au figuré, murs de pierres idéales, d’idées pétrifiées, obstacles à la marche de l’homme, contraintes à son corps, outrages à son regard, défis à sa pensée. […] Il serait puéril de s’étonner de ces fraudes traditionnelles, qui sont la tradition elle-même, alors que nous avons vu comment, d’une science dont ils se crurent d’abord menacés, les messieurs de l’hygiène mentale ont fait une mine où puiser en faveur des impérialismes, idéaux putrides, obscurantisme, religions et leurs séquelles.

1543. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Il partait d’un point de vue tout idéal ; il rêvait des martyrs typiques.

1544. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Sainte-Beuve, dans tout ce qui précède, n’a eu d’autre idée que de dépeindre, avec des scènes qu’il trouvait toutes crayonnées, des cris inspirés et des traits d’après nature, le hideux spectacle de ce que, tout à l’heure, il nommait lui-même le cynisme des guerres civiles ; et par son appel final au triomphe de L’humanité parmi les hommes , et à un idéal avancé de civilisation, que nous ne paraissons pas près d’atteindre, hélas !

1545. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

À ce mouvement, à ces formes, à ces rimes inusitées jusqu’alors en poésie française, on est transporté par-delà, et l’on se prend à redire involontairement avec Lamartine dans ces stances de la première pièce de ses premières Méditations : Là je m’enivrerais à la source où j’aspire ; Là je retrouverais et l’espoir et l’amour, Et ce bien idéal que toute âme désire, Et qui n’a pas de nom au terrestre séjour… Du Bellay, gêné et comme empêché dès le début, n’a donné que la note : Que songes-tu, mon Âme emprisonnée ?

1546. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Le grand Florentin Farinata degli Uberti, ce type du magnanime orgueilleux, que Dante a placé dans son Enfer, n’a rien qui surpasse en idéal de grandeur les descendants et chefs successifs de cette lignée des Arrighetti qu’il put bien avoir en son temps comme rivale dans les factions civiles de Florence.

1547. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME ROLAND — I. » pp. 166-193

Excellent homme, empressé, exalté, un de ceux que la Révolution saisit du premier coup et enleva dans les airs comme des cerfs-volants, jusque-là d’une grande utilité domestique, l’idéal du famulus, il voulut plus tard agir et penser par lui-même et perdit la tête dans la mêlée, — c’est l’esprit que je veux dire ; car Marat, pour comble d’injure, Marat, son ex-confrère en médecine et qui l’avait apprécié sans haine, le fit rayer de la liste fatale, comme simple d’esprit81.

1548. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Hors de l’Orient sacré, je ne sais si l’on trouverait un grand exemple de ce double idéal confondu sur un même front, et si, pour se figurer dans sa pleine majesté un roi poëte, il ne faudrait pas remonter au Roi-Prophète ou à son fils.

1549. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Il avait été condamné en police correctionnelle pour son livre la Démocratie, parce qu’il y présentait et proposait l’idéal d’un gouvernement futur et libéral qui devait surgir avant la fin du siècle.

1550. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Elles supposent plus de spiritualisme, plus de devoir, plus de vertu dans le peuple que les autres gouvernements ; c’est ce qui fait qu’elles sont l’idéal des peuples et des sages.

1551. (1892) Boileau « Chapitre V. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » (Fin) » pp. 121-155

Puis il y a une hiérarchie des genres, mais chaque genre a son idéal, sa perfection propre, absolue en soi ; et pour juger d’un ouvrage, il ne faut pas le comparer à d’autres de genre différent, mais le rapporter seulement au type déterminé par la définition du genre.

1552. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Il croit remarquer qu’« on ne s’avise pas de peindre le beau idéal d’un cheval, d’un aigle, d’un lion », et ce privilège de l’homme, seul idéalisable, lui est une preuve de l’immortalité.

1553. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Mais, n’avons-nous pas depuis tantôt vingt ans, un art qui renie systématiquement l’Idéal, qui fait de la description matérielle son but immédiat, remplace l’étude de l’âme par la sensation, se racornit dans le détail et l’anecdote, s’inébrie de platitude et de vulgarité ?

1554. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

Il sentit que le temps était venu où l’image de la France, arrachée aux partis intérieurs et victorieuse de l’étranger, devait se réfléchir dans les lettres ; et il fournit aux quatre meilleurs esprits du temps, Charron, Malherbe, Régnier, saint François de Sales, un premier idéal.

1555. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

L’idéal effarouche des esprits jaloux d’une liberté de spéculation illimitée ; ils s’en défient comme d’une règle.

1556. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

L’esprit français, dans les monuments que je viens d’apprécier, c’est l’esprit humain sous la forme française ; il restait à le voir avec sa propre physionomie, non plus à la recherche d’un idéal littéraire, mais se prenant lui-même pour sujet unique de son étude.

1557. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Pétrarque, au contraire, qui n’a pas encore lu Homère, mais qui en possède un manuscrit en langue originale et l’adore sans le comprendre 74, a deviné l’antiquité ; il en possède l’esprit aussi éminemment qu’aucun savant des siècles qui ont suivi ; il comprend par son âme ce dont la lettre lui échappe ; il s’enthousiasme pour un idéal qu’il ne peut encore que soupçonner.

1558. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Ce qu’il y a de plus élevé dans la nature humaine et ce qu’il y a de plus bas, le réel et l’idéal, tout est confondu pêle-mêle.

1559. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

La statuaire grecque, par ses simplifications idéales, fait imaginer la guerre héroïque presque nue : pour tout costume et toute arme, elle lui donne un casque et une lance.

1560. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Elles l’encouragent, elles le consolent, elles lui présentent le tableau idéal d’une perfection qui rendrait la critique même l’égale des choses inventées, par la raison que dit encore La Bruyère : « Tout l’esprit d’un auteur consiste à bien définir et à bien peindre.

1561. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Le devoir de l’homme d’État n’est plus de pousser violemment les sociétés vers un idéal qui lui paraît séduisant, mais son rôle est celui du médecin : il prévient l’éclosion des maladies par une bonne hygiène et, quand elles sont déclarées, il cherche à les guérir47.

1562. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

… Comment ne se plierait-on pas à toutes les œuvres, pour en prendre souplement l’empreinte, quand on n’a ni idéal ni conviction qui vous arrêtent, et qu’on s’en va promenant sa curiosité flâneuse autour des œuvres et des hommes ?

1563. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Il fallait avoir ce que l’auteur n’a pas, — le sentiment de l’idéal et des réalités puissantes !

1564. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

à peu près tout son idéal.

1565. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Notre société française, notre société parisienne même, — la seule que nos naturalistes semblent connaître d’ailleurs, — n’est pas sans doute une perfection idéale, ni même relative.

1566. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Des différentes propriétés des unités sociales, nous n’avons retenu que leur faculté de former des masses, de s’agglomérer plus ou moins étroitement, de se mouvoir plus ou moins aisément ; mais croit-on que, sous le prétexte qu’une science idéale ne se nourrit que de quantité, nous réduisions toutes les différences des sociétés à des différences de nombres, et toutes les causes de leurs évolutions à des accroissements, condensations, ou déplacements de masses ?

1567. (1891) Impressions de théâtre. Cinquième série

Pendant vingt ans, elle a conformé sa vie à l’idéal chrétien du devoir, et cela dans des circonstances exceptionnellement douloureuses. […] Ou l’idéal chrétien, ou l’idéal païen ! […] Et tous deux alors, lui dans un sombre délire, elle avec une sorte de désespoir solennel, se tournent vers cet autre idéal si simple, vers l’idéal païen, vers la joie, vers le soleil. « Le soleil » c’est le dernier mot du drame. […] Mais c’est que l’auteur a voulu nous présenter, en-face de la réalité des vices de notre bourgeoisie, l’idéal de la vertu bourgeoise. […] L’amour-passion, l’amour-possession ferait l’effet d’un contresens dans le monde idéal évoqué par le poète.

1568. (1809) Tableau de la littérature française au dix-huitième siècle

On éprouve tout le charme de cette chaleur qui règne dans la région idéale de la philosophie ; en même temps, un esprit applicable se montre toujours à travers l’éclat des idées générales ou des peintures éloquentes. […] Beaucoup d’objets se sont présentés à lui sous un point de vue idéal, ont excité son admiration, et maintenant nous paraissent sous un tout autre aspect. […] Ainsi le rôle du Métromane est assurément conçu d’une manière idéale, et n’est pas une représentation de la nature. […] Elle se montre positive pour satisfaire le cœur par des pratiques journalières, et idéale pour les âmes préoccupées d’une sublime curiosité. […] Rousseau plaça ses personnages sur cette scène idéale, la seule où lui-même se plût à vivre.

1569. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Les nouveaux Classiques dont on se réclame volontiers, Baudelaire ou Gautier n’ont guère réussi qu’à égarer l’âme contemporaine vers un idéal d’apparences et d’exceptions. […] N’est-ce pas dans la préface de l’Archipel en Fleurs qu’il nous a confié son idéal de Poète ?

1570. (1895) Journal des Goncourt. Tome VIII (1889-1891) « Année 1891 » pp. 197-291

Samedi 4 juillet Dans une coupe à saké, en laque rouge, je trouve une petite Japonaise, d’après l’idéal de beauté rêvé par ce peuple : la femme ayant les cheveux noirs, du noir de la laque dont ils sont faits, et le visage ciselé dans un morceau de nacre, apparaissant en une blancheur transparente. […] Comme j’étais en arrêt devant une eau-forte de Whistler, Montesquiou me dit que Whistler est en train de faire deux portraits de lui : l’un en habit noir avec une fourrure sous le bras, l’autre en grand manteau gris, au col relevé, avec au cou un liséré de cravate, d’une nuance, d’une nuance qu’il ne dit pas, mais dont son œil exprime la couleur idéale.

1571. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre IV : Sélection naturelle »

Je ne puis entrer ici dans les détails nécessaires pour en prouver toute l’importance ; mais si nous parvenons, en un laps de temps assez court, à donner l’élégance du port et la beauté du plumage à nos Coqs Bantam, d’après le type idéal que nous concevons pour cette espèce, je ne vois pas pourquoi les femelles des oiseaux, en choisissant constamment, durant des milliers de générations, les mâles les plus beaux ou ceux dont la voix est la plus mélodieuse, ne pourraient produire un résultat semblable. […] Un éleveur choisit un but déterminé pour en faire l’objet de sa sélection méthodique ; et le libre croisement suffirait pour anéantir ses résultats acquis ; mais quand beaucoup d’hommes, sans avoir l’intention d’altérer la race, ont un idéal commun de perfection et que tous s’efforcent de se procurer les plus beaux sujets et de les multiplier, des modifications et des améliorations profondes doivent résulter lentement, mais sûrement, de ce procédé de sélection inconsciente, nonobstant une grande somme de croisements avec des sujets inférieurs.

1572. (1891) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Première série

Cet idéal de monarchie sans entraves, mais non sans devoirs, de nation organisée pour l’unité et la continuité, c’est en France que de Maistre le voit réalisé autant qu’il est possible. […] Le sacrifice, c’est le meurtre idéal, inspiré par la seule pensée de faire ce qui se doit, de s’associer à la loi suprême qui nous régit tous ; c’est un acte de foi au meurtre, c’est le sang versé comme une prière. […] Point de rêveries féodales, si fréquentes en son temps, point d’idéal de la vieille France placé dans les temps de la première ou de la seconde race. […] son idéal pour le présent, c’est bien « Louis XVIII couché dans le lit de Napoléon » ; c’est bien un pur souverain absolu. […] D’où il suit que de ses souffrances elle fait un personnage très réel et vivant, qui est elle-même, et de son rêve un personnage idéal qui reste de son pays, c’est-à-dire des nuages.

1573. (1894) La bataille littéraire. Sixième série (1891-1892) pp. 1-368

Seul, il lui continuerait l’éducation selon l’idéal de Valgraive. […] Veux-tu toucher le but, regarder l’invisible, L’innommé, l’idéal, le réel, l’inouï ? […] Il y a de tout dans Typhonia, dont l’auteur a voulu faire un microcosme et qui, pour parler juste, sans être tout un monde, contient un tohu-bohu de rêves faits de poésie et de philosophie, et d’un idéal toujours élevé, malgré l’étrangeté de leur forme. […] L’idéal qu’il décrit de l’épouse qui lui conviendrait est à peu près le portrait d’une fille publique. […] Les manières des individus représentent toujours un idéal quelconque ; en Angleterre, c’est la dignité ; en France, c’est la grâce qui est l’objectif. » Voilà qui est précieux à recueillir de la bouche d’un Anglais.

1574. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Le livre se compose d’une suite de lettres que deux amies éprises d’idéal s’écrivent l’une à l’autre ; toutes deux avaient juré de ne pas connaître d’autre amour que celui de l’art et de la patrie, mais la nature a parlé et toutes deux se sont mariées. […] Beaux, les nobles amants qui sans crainte ni doute, Vers le même sommet ont pris la même route, Dont le fier idéal n’est jamais abattu, Qui sentent leur amour pareil à la vertu, Et dont le cœur d’enfant peut se montrer sans voiles, Profond comme la mer, pur comme les étoiles !  […] La République, avant l’épreuve, apparaissait à ses fidèles comme un idéal de désintéressement, de justice et d’honneur, et l’immatérielle splendeur de leur rêve justifiait assez le culte farouche qu’ils lui avaient voué. […] Qu’on juge de ce que j’ai souffert, quand j’ai vu la nation qui m’avait enseigné l’idéalisme railler tout idéal ; quand la patrie de Kant, de Fichte, de Herder, de Goethe, s’est mise à suivre uniquement les visées d’un patriotisme exclusif, quand le peuple que j’avais toujours présenté à mes compatriotes comme le plus moral et le plus cultivé s’est montré à nous sous la forme de soldats ne différant en rien des soudards de tous les temps, méchants, voleurs, ivrognes, démoralisés, pillant comme du temps de Waldstein.” […] D’une part, nous nous figurions que ce capital immense était inépuisable, et nous l’avons-dépensé parfois avec une certaine prodigalité ; d’autre part, on nous eût persuadés difficilement que nous pouvions errer, que nous n’avions pas, dans notre marche capricieuse vers l’idéal, enchaîné la fortune, et que nous trouverions peut-être quelque déception au bout de quelque aventure.

1575. (1893) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Cinquième série

Mais si les prophètes n’ont pas annoncé le Christ, en ce cas Spinosa dit vrai, il n’y a pas eu de peuple « élu de Dieu » ; — et avec leur inspiration qui cesse d’être divine, c’est la Providence, puisque c’est Dieu lui-même qui se retire du monde, loin des affaires humaines, loin de la créature, dans la catégorie de l’idéal, disons : dans la région du rêve. […] Les politiques, les hommes d’action, eux, se rangent plus volontiers à l’hypothèse du Progrès, laquelle en effet à ce grand avantage de mettre dans l’humanité le principe de son mouvement et le terme idéal de son activité. […] Dans une morale entièrement détachée de la religion ou du sentiment de l’au-delà, de ce que l’on a jadis appelé « la catégorie de l’idéal », uniquement soumise aux exigences de l’intérêt social, il y aurait des temps de se dévouer, sinon de sacrifier, mais je craindrais qu’il n’y en eût d’autres aussi de mentir, de violer sa parole, des temps de prendre le bétail, et la femme, et la vie de son prochain.

1576. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Charles Magnin ou un érudit écrivain. »

Van Praet, avant l’invasion du grand public et l’irruption d’un peuple de lecteurs, était restée l’idéal de M. 

1577. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

On a l’idéal le plus charmant de cette disposition un peu artificielle dans le cadre du Décaméron de Boccace.

1578. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Farcy restait une bonne partie du jour dans un bois d’orangers, relisant Pétrarque, André Chénier, Byron ; songeant à la beauté de quelque jeune fille qu’il avait vue chez son hôtesse ; se redisant, dans une position assez semblable, quelqu’une de ces strophes chéries, qui réalisent à la fois l’idéal comme poésie mélodieuse et comme souvenir de bonheur : Combien de fois, près du rivage Où Nisida dort sur les mers, La beauté crédule ou volage Accourut à nos doux concerts !

1579. (1863) Cours familier de littérature. XV « XCe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (3e partie) » pp. 385-448

Sainte Thérèse chante plus qu’elle n’écrit : c’est le Pindare des femmes ; elle est sincère, mais elle est illuminée ; c’est le météore de l’amour pour l’idéal chrétien : un Dieu-homme expirant sur la croix !

1580. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

L’idéal est un pays où l’on se perd, comme les faits sont un pays où l’on s’embrouille.

1581. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Par elles, il pouvait ne travailler que pour lui, c’est-à-dire pour l’idéal qu’il avait conçu.

1582. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Il y a dans le cri de Kaïn une âpreté plus superbe, s’il se peut, que celle du poète de la Nature, et une espérance non plus forte, mais moins vague et plus voisine de son objet, que celle du Titan voleur de feu  La protestation du corps contre la douleur, du cœur contre l’injustice et de la raison contre l’inintelligible, devient, semble-t-il, plus ardente à mesure que l’industrie humaine combat la souffrance, que l’idée de justice passe dans les institutions et que la science entame les frontières de l’inconnu ; comme si l’homme, moins éloigné de son idéal, en subissait plus invinciblement l’attraction et se précipitait vers lui d’un mouvement plus furieux.

1583. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Les wagnériens puristes ne s’intéressent qu’aux représentations de Bayreuth, mais en France, la Revue wagnérienne sera amenée à encourager les projets wagnériens de qualité même s’ils ne correspondent pas à la représentation idéale dans une visée pédagogique.

1584. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Beethoven a construit l’opéra idéal, sacrant ce genre, comme il a sacré tous les genres.

1585. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Tous, de « leurs grands yeux bretons, malades d’idéal et de passion voilée », ils regardent, dans le verre plein, le paysage d’hier et l’émotion qui s’y attache.

1586. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IX. Le trottoir du Boul’ Mich’ »

Faguet, académicien, trouve idéal le mode de recrutement qui lui vaut des jetons de présence : il voudrait donc « une magistrature rétribuée par la nation, mais se recrutant elle-même ».

1587. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Je me suis appliqué à rendre le joli et le distingué de mon sujet et j’ai travaillé à créer de la réalité élégante ; toutefois — et là était peut-être le gros succès, — je n’ai pu me résoudre à faire de ma jeune fille l’individu non humain, la créature insexuelle, abstraite, mensongèrement idéale des romans chic d’hier et d’aujourd’hui.

1588. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

L’Homme qui Rit est fait du contraste de la passion idéale et de la passion voluptueuse ; les Misérables sont la lutte de l’individu contre la société, les Travailleurs de la Mer, celle de l’homme contre les éléments.

1589. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Feydeau décrit avec un amour de matérialiste, ne l’exhaussent pas du plus mince degré dans l’idéal de l’affreux….

1590. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Mais si ma vie ne doit pas répondre à l’idéal que je me suis proposé, le bon Dieu me fera la grâce de me reprendre à l’instant même où j’accomplirai un devoir utile… Pourquoi m’inquiéter ?

1591. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Appendices de, la deuxième édition »

Non moins paradoxales seront les conséquences si j’érige en horloge réelle, marquant cette heure pour un observateur réel, l’horloge tout idéale, fantasmatique, qui donne en perspective de Relativité l’heure du système en mouvement.

1592. (1928) Les droits de l’écrivain dans la société contemporaine

Chapitre premier Étrange époque que la nôtre où produire, produire n’importe quoi et le plus possible est devenu l’idéal suprême. […] Et cependant ces divers « entretiens » avec lui, qui ont paru en volumes22, qui nous l’ont montré dans l’intimité, dans le laisser-aller quotidien de sa robe de chambre23, n’ont en rien diminué véritablement l’homme qu’il a été, sauf pour les imbéciles qui s’étaient fait de lui une image conforme au sage idéal des manuels de morale primaire.

1593. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

. — « Moi, dit Sainte-Beuve, mon idéal, c’est des cheveux, des dents, des épaules et le reste… la crasse m’est égale… » Et comme il est question des élégants bonnets, que les femmes du monde se mettent la nuit, il dit : « Les miennes n’ont jamais mis de bonnet pour la nuit… je n’ai jamais vu qu’un filet… Après ça, je n’ai de ma vie passé une nuit avec une femme, à cause de mon travail. » Quelqu’un ayant fait une allusion aux femmes d’Orient, il témoigne une indignation farouche contre l’épilage des femmes de ces pays. […] Le sujet est la perte du pucelage d’un jeune homme avec une garce idéale.

1594. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

. : la nôtre représente fidèlement les hommes et leurs mœurs ; la leur représentait des êtres de raison et des corporations entières individualisées : la nôtre touche proprement les vices de la société ; la leur atteint figurément les abus de l’administration publique : la nôtre ne frappe que les ridicules ; la leur désigne les personnes, et les nomme : la nôtre a pour fondement le vrai et le vraisemblable ; la leur bâtit ses fables sur la bouffonnerie idéale et sur une invraisemblable parodie : la nôtre parle un langage direct ; la leur ne parle qu’à double sens et ne se fait entendre que par allusion. […] Les moyens mis en usage dans la Satire allégorique dialoguée concourent parfaitement à la fin qu’elle se propose. 1º Son but philosophique, comme nous l’avons dit, est de corriger les corporations, les factions et les sectes, êtres qui ne sont réels que collectivement ou qu’en idée ; 2º elle les personnifie en individus fictifs et sous des figures imaginaires ; 3º les actions de ces personnages chimériques sont invraisemblables comme eux et malignement bouffonnes, parce qu’elles sont la parodie d’actions folles ou méchantes ; 4º la fable offrira continuellement un double aspect ; un direct au sujet exposé sur la scène, et un indirect à l’objet allégoriquement raillé ; 5º conséquemment les discours auront deux sens, dont l’un s’appliquera aux passions du personnage théâtral, et l’autre aux vices ridiculisés des personnes ou des choses que l’on critique ; 6º les traits du dialogue seront comiquement outrés pour s’accorder avec l’exagération des masques ; 7º les caractères seront chargés pour se conformer au ridicule excessif des figures agissantes : et de tout cet ensemble de chimères risiblement extravagantes, que rien ne démentira dans la composition ni dans l’exécution, résultera une coordonnance régulière qui établira, par un burlesque concours de folies idéales, une sorte de vraisemblance suffisante. […] Mes fables sont composées non des éléments du raisonnable et du vrai, mais d’un idéal de folie et de convention. […] « Ne la méprisez plus. » L’idéal personnage s’explique à peu près en ces mots, et le sens de son discours doit vous paraître encore directement applicable aux mœurs de l’Europe. […] Je demande si l’on est en droit de soumettre notre faiblesse à des lois plus strictes que celles qui furent souvent trop sévères pour les grands maîtres, et si la petite quantité de leurs chefs-d’œuvre, où les trois unités purent s’adapter complètement, n’inclinait pas à faire présumer que leur application parfaite n’est qu’idéale et de pure théorie, ou du moins n’est pas toujours réelle et indispensable.

1595. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Naissance, richesse, beauté, grâce, majesté, intelligence, savoir, rien ne manque à l’idéale perfection de Florence Lascelles. […] Bulwer veut imiter Shakespeare, il faut qu’il renonce au mélange des vers et de la prose, et qu’il s’efforce de reproduire la grandeur et la beauté idéale de son modèle.

1596. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

quel changement des mœurs, ou du goût public, ou de l’idéal du drame et de la tragédie ? […] Car, en un certain sens, et pour bien des raisons, dont les unes se tireraient de sa définition ou de son objet même, et les autres de ce qu’elle doit toujours exprimer d’idéal, la tragédie n’a pas besoin d’être « nationale », ou, si vous l’aimez mieux, elle a des moyens à elle de l’être assez jusque dans les sujets romains, grecs, et bibliques. […] Mais le procédé qu’ils employaient tous, de parti pris et de propos délibéré, tantôt dans le sens du romanesque et du faux idéal, tantôt dans le sens du burlesque et de la caricature, c’était de s’écarter à plaisir de la nature et de la vérité. […] Sans eux la comédie ou le roman, la peinture même, — je veux dire la peinture de genre, — quelque chose de trop choisi, ont quelque chose de trop abstrait, et de plus irréel qu’idéal. […] Voyez plutôt les romans de Balzac… Mais si la question d’argent ne saurait être traitée au théâtre ni par la comédie, ni sans doute par la tragédie, — dont, en s’y mêlant, elle dégraderait l’idéale dignité, — que reste-t-il, Messieurs ?

1597. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Tout y est juste, poli, judicieux… » Fléchier n’eut jamais honte de jeter un regard en arrière vers le premier idéal poétique qu’il avait conçu et cultivé dans sa jeunesse.

1598. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

N’ayant pas devant les yeux de modèle idéal, ils ne se sentent pas amoindris.

1599. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

« Mais, au-dessus des phénomènes physiologiques qui m’affirment un principe vital organique, j’observe, dans une région supérieure de mon être, un autre ordre de phénomènes parfaitement distincts des précédents, les phénomènes psychiques, source de tout idéal en moi, qui m’affirment un autre principe.

1600. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVe entretien. Vie de Michel-Ange (Buonarroti) »

Phidias humanise l’idéale beauté, Michel-Ange la transfigure et la divinise.

1601. (1869) Cours familier de littérature. XXVII « CLXIIe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il me manquait quelque chose pour remplir l’abîme de mon existence : je descendais dans la vallée, je m’élevais sur la montagne, appelant de toute la force de mes désirs l’idéal objet d’une flamme future ; je l’embrassais dans les vents ; je croyais l’entendre dans les gémissements du fleuve ; tout était ce fantôme imaginaire, et les astres dans les deux, et le principe même de vie dans l’univers.

1602. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

N’est-il donc point au xve  siècle de ces sentiments généraux, qui font courir à travers une société, du haut en bas, une commune aspiration à quelque idéale et hautaine manière d’être ou d’agir ?

1603. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VIII, les Perses d’Eschyle. »

. — Le lointain faisait partie de son idéal, l’antiquité était la perspective de son art.

1604. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

[NdA] Toujours le même idéal qui se couronnera par La Chaumière indienne, mais ici nous l’avons à l’état de prose et avec le côté matériel, que Bernardin ne négligeait pas.

1605. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Mardi 22 janvier On se demandait dans un coin de notre table de Brébant, comment on pourrait remplacer, plus tard, dans la cervelle française, les choses poétiques, idéales, surnaturelles : la partie chimérique que met dans l’enfance, une légende de saint, un conte de fée.

1606. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Le cimeterre, c’est le sabre idéal.

1607. (1772) Éloge de Racine pp. -

Cet art que Corneille avait établi sur l’étonnement et l’admiration, et sur une nature souvent idéale, il le fonda sur une nature vraie et sur la connaissance du coeur humain.

1608. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Voilà, pour moi, le type même et l’idéal de la fable naturiste.

1609. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VI. L’effort intellectuel »

Ribot, un idéal, c’est-à-dire un certain effet obtenu, et l’on cherche alors par quelle composition d’éléments cet effet s’obtiendra.

1610. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Ou bien s’il témoigne de son respect et de sa sympathie pour les choses religieuses, pour les mensonges sacrés qui aident les hommes à vivre, qui leur présentent un idéal accommodé à la faiblesse de leur esprit, nous voulons y voir une raillerie secrète. […] Et l’amour de la mer, c’est « le désir de l’infini, de l’idéal irréalisable ». […] Du moment qu’elle est libre, le charme est rompu. « Jamais, dit-elle à l’étranger, je ne vous suivrai après ce qui vient de se passer. » Et à son mari : « Jamais je ne te quitterai après ce que tu m’as dit. » Wangel s’étonne : « Mais cet idéal, cet inconnu mystérieux qui t’attirait ?  […] A l’action dans la vie correspond, dans l’art, le souci de l’idéal. […] Meilhac : vous verrez que son idéal, et surtout depuis qu’il écrit seul, c’est bien la femme de luxe, la petite courtisane gentille et aimante ou la femme du monde un tout petit peu courtisane ; c’est l’amour sensuel dans un décor d’élégance parisienne, avec de l’esprit, et, parfois, l’attendrissement d’une sentimentalité légère… Oui, M. 

1611. (1902) Propos littéraires. Première série

Elle en fait sans songer à l’idéal. […] Rien au monde qui vaille l’impression de beauté nette, précise, achevée, absolument idéale, que donnent les dessins hardis et vigoureux des lignes des montagnes. […] C’est l’idéal des jeunes premiers. […] Voyez mon Sergines. » Dans tout roman contre les médecins, l’auteur a soin de placer un bon médecin, un médecin idéal et vénérable.

1612. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

L’homme est naturellement métaphysicien et orgueilleux ; il a pu croire que les créations idéales de son esprit qui correspondent à ses sentiments représentaient aussi la réalité. […] Les mathématiques représentent les rapports des choses dans les conditions d’une simplicité idéale. […] Les vérités mathématiques une fois acquises, avons-nous dit, sont des vérités conscientes et absolues, parce que les conditions idéales de leur existence sont également conscientes et connues par nous d’une manière absolue. […] Mais il y a là un double écueil à éviter ; car si l’excès des particularités est antiscientifique, l’excès des généralités crée une science idéale qui n’a plus de lien avec la réalité. […] Si en effet on voulait effacer la diversité que présentent les liquides organiques en prenant les moyennes de toutes les analyses d’urine ou de sang faites même sur un animal de même espèce, on aurait ainsi une composition idéale de ces humeurs qui ne correspondrait à aucun état physiologique déterminé de cet animal.

1613. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

On ne connaît les objets que successivement, sous des points de vue différents et divers ; ce n’est pas au commencement de ces sciences que l’on en possède une connaissance intégrale et complète, telle qu’une définition la suppose ; c’est à la fin, et comme terme idéal et inaccessible de l’étude. […] Dans chacun de ces domaines existait un type de perfection idéale, un roi : l’homme parmi les animaux, la vigne parmi les plantes, l’or pour les minéraux, le soleil pour les corps célestes.

1614. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

L’allégorie enveloppe les idées pour leur ôter leur trop grand jour ; des figures idéales, à demi transparentes, flottent autour de l’amant, lumineuses quoique dans un nuage, et le mènent parmi toutes les douceurs des sentiments nuancés jusqu’à la rose dont « la suavité replenist toute la plaine. » Cette délicatesse va si loin que dans Thibaut de Champagne, dans Charles d’Orléans, elle tourne à la mignardise, à la fadeur. […] Par ce mouvement intérieur, le modèle idéal est déplacé, et l’on voit jaillir une nouvelle source d’action, l’idée du juste.

1615. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Mais avant d’aborder le cosmopolite qui écrivit Dépaysements 20, l’Européen qui dirige la Revue de Genève, ce bulletin idéal de la Société des Nations21, fixons quelques points de l’activité proprement littéraire de M.  […] Ensuite, la Puritaine et l’Amour 23 pose un problème auquel M. de Traz ne cessera point de s’intéresser, celui de la personnalité ; l’héroïne du roman incarne un idéal ; on l’a chargée, en effet, d’une fonction qui consiste à être aux yeux de tous l’exemple de la vertu ; mais elle se découvre, et se sait bientôt différente, et M.  […] L’Orient apportera-t-il à l’Occident une valeur d’échange, un idéal neuf dont nous semblons manquer ?

1616. (1864) Études sur Shakespeare

Les scènes familières de la vie s’étaient seules offertes à sa pensée ; sa ville natale, la Galerie du palais, la Place royale, voilà où il place la scène de ses comédies ; les sujets en sont timidement empruntés à ce qui l’environne ; il ne s’est pas encore détaché de lui-même ni de sa petite sphère ; ses regards n’ont pas encore pénétré jusqu’aux régions idéales que parcourra un jour son imagination. […] Que l’action nous eût révélé les maux que traîne avec soi l’oppression ; que nous eussions vu Joad excité, poussé par les cris des malheureux en proie aux vexations de l’étranger ; que l’indignation patriotique et religieuse du peuple contre un pouvoir « prodigue du sang des misérables » fût venue légitimer à nos propres yeux la conduite de Joad ; l’action ainsi complétée ne laisserait dans notre âme aucune incertitude ; et Athalie nous offrirait peut-être l’idéal de la poésie dramatique, tel du moins que nous ayons pu le concevoir jusqu’à ce jour. Facilement atteint chez les Grecs, dont la vie et les sentiments peu compliqués se pouvaient résumer en quelques traits larges et simples, cet idéal ne se présentait point aux peuples modernes sous des formes assez générales et assez pures pour recevoir l’application des règles tracées d’après les modèles antiques.

1617. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Ce n’est pas que l’on soit idéal, extra-fin et nobilissime… C’est-à-dire je ne sais au juste… je ne me fie pas à mon jugement ; lorsqu’on est idéal je crois que je prends de la fadaise pour de la distinction, et quand on me semble énergique et extraordinaire, je crains que ce ne soit de la rusticité, du commun, du bourgeois. […] Un journal idéal où l’on pourrait dire par exemple qu’on aime la République et admire Gambetta, mais qui s’étonnerait qu’un homme aussi éminent laisse faire des inepties comme la dispersion des jésuites.

1618. (1911) Études pp. 9-261

Comme dans une rivière, autour d’un plongeon confus, les ondes à mesure qu’elles s’écartent se régularisent, de même le contour des choses, sitôt qu’il les quitte, retrouve les profils idéaux de la géométrie. […] Mais Pelléas est d’un certain idéal la réalisation trop parfaite, pour avoir à craindre la réaction de l’avenir. […] Au lieu de poèmes moraux, de méditations lyriques, de subtiles aventures imaginaires, toutes chargées de complexes significations, et où son âme seule se divisait entre des personnages idéaux, il écrit des romans258. […] On le voit préférer cette ardeur accablée qui nous dévore à la dureté impassible de l’idéal : Car j’eusse avec ferveur baisé ton noble corps, Et depuis tes pieds frais jusqu’à tes noires tresses Déroulé le trésor des profondes caresses, Si, quelque soir, d’un pleur obtenu sans effort Tu pouvais seulement, ô reine des cruelles !

1619. (1911) Nos directions

— comme d’ailleurs Balzac, en dépit de sa hâte à créer, saluait un peu de son idéal personnel dans les plus achevés et les plus lointains poèmes de Hugo. […] Mais nous arrivons là au point essentiel du drame, à ce qui en fait la valeur profonde, — comme en fait la valeur plastique, le dessin pur, — à sa nouveauté idéale, psychologique et morale, à Candaule. […] La comédie bourgeoise n’est pas tout le théâtre, et le drame néo-romantique ne saurait suffire éternellement à notre appétit d’idéal. […] … Que si devait triompher cependant ce « classicisme » décadent, formel et vide, aux dépens de notre idéal, — eh bien !

1620. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME GUIZOT (NEE PAULINE DE MEULAN) » pp. 214-248

Personne de réalité, de pratique et d’épreuves, elle ne se prêtait pas volontiers à la mise en œuvre de la douleur, et ne se laisssait pas contenir et bercer dans l’idéale région.

1621. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

Elle accompagnait souvent Mme la Princesse aux Carmélites du faubourg Saint-Jacques ; elle y passait de longues heures, qui se peignirent d’un cercle idéal en son imagination d’azur, et qui se retrouvèrent tout au vif dans la suite après que le tourbillon fut dissipé.

1622. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXVIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (2e partie) » pp. 417-487

 » Idéalité abstraite substituée à toute réalité pratique, et qui rend tout gouvernement impossible en le rendant purement idéal.

1623. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIVe entretien. Madame de Staël. Suite »

Dans le monde on se sent oppressé par ses facultés, et l’on souffre souvent d’être seul de sa nature au milieu de tant d’êtres qui vivent à si peu de frais ; mais le talent-créateur suffit, pour quelques instants du moins, à tous nos vœux ; il a ses richesses et ses couronnes, il offre à nos regards les images lumineuses et pures d’un monde idéal, et son pouvoir s’étend quelquefois jusqu’à nous faire entendre dans notre cœur la voix d’un objet chéri.

1624. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

La beauté idéale de la conception et la perfection des vers absolvaient le poète ; et, certes, la grandeur du tableau qui termine le premier acte des Burgraves aurait fait battre des mains à tout le peuple d’Athènes.

1625. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Cet idéal de l’éloquence, considérée comme l’art de persuader la vérité, le conduisait à Cicéron.

1626. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Déjà le platonisme avait été dans son principe un effort pour conduire la raison par la dialectique idéale ou si l’on veut idéique à la source même de l’être.

1627. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Puis Watteau fut le traducteur des tristesses élégantes : il dédia l’adorable tiédeur de ses dessins à des Andantes légers et doux, qui rappelleraient un idéal Mozart.

1628. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre III »

A vous les agrafes d’or, les pendants d’oreilles, les colliers ; à vous aussi les peignes et les couronnes sans défaut, les joyaux précieux montés en bagues… Il pleut des bijoux comme dans un rêve. » Donc, pour redescendre de ces hauteurs sur le plancher de la comédie du Gymnase, M. de Trélan et mademoiselle Caliste se complaisent un peu trop dans leur idéal de grenier en fleurs.

1629. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre II. La poésie lyrique » pp. 81-134

je maudis et redoute ton sort… Viens, regarde mes yeux : jamais plus les étoiles N’auront pour tes regards de regards accueillants ; Viens, touche mes deux mains : jamais tes doigts tremblants Du lointain idéal n’écarteront les voiles ; Que ta bouche goûte ma bouche !

1630. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Vatout, c’est l’idéal de l’esprit de dialogue du Gymnase, la pointe, le calembour du clerc de notaire spirituel. […] Dupin doit l’adorer ; car Vatout, c’est l’esprit de basoche qui se fait élégant : il doit être l’homme du monde idéal pour Dupin. — Un fonds d’idées très commun, mais en très belle humeur. — Il a tout l’esprit que peut comporter et concevoir la femme de l’agent de change ; c’est l’Hercule-Farnèse, l’Hercule-Boufflers de la finance, de la rue Laffitte, de la place Saint-Georges.

1631. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

On regarde à la table des volumes qui doivent être les plus clairs, l’Histoire de la Révolution française, par exemple, et l’on y lit ces titres de chapitres : « Idéaux réalisés — Viatique — Astræa redux — Pétitions en hiéroglyphes — Outres — Mercure de Brézé — Broglie le dieu de la guerre. » On se demande quelles liaisons il peut y avoir entre ces charades et les événements si nets que nous connaissons tous. […] Le héros y habite : « Il y vit1439 dans cette sphère intérieure des choses, dans le vrai, dans le divin, dans l’éternel qui existe toujours, invisible à la foule, sous le temporaire et le trivial ; son être est là, sa vie est un fragment du cœur immortel de la nature1440. » La vertu est une révélation, l’héroïsme est une lumière, la conscience une philosophie, et l’on exprimera en abrégé ce mysticisme moral en disant que Dieu, pour Carlyle, est un mystère dont le seul nom est l’idéal.

1632. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Les idées qu’apportaient ces jeunes hommes étaient conformes à l’idéal de toute une génération. […] Ces réclames en faveur d’un idéal patenté relèvent un peu trop des procédés du grand commerce, et ces estocades, posthumes ou non, rappellent fâcheusement certains épisodes des campagnes électorales.

1633. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

Il n’y aura plus d’idéal, de religion, de moralité. […] Homme à principes erronés, il gouverna une nation qui manquait de principes et qui mettait un idéal de prospérité romanesque à la place de la vraie civilisation ; le succès et la chance à la place du droit et de la justice. […] Si la chute de votre œuvre ne vous blesse que dans votre orgueil ou dans vos intérêts, si elle ne vous trouble pas dans votre idéal et dans vos convictions, si à la seconde représentation vous êtes prêt à modifier votre idée, votre développement ou votre conclusion pour complaire au public à qui vous prétendiez la veille apprendre quelque chose de nouveau, vous serez peut-être un homme de théâtre ingénieux, un imprésario adroit, un improvisateur habile ; vous ne serez jamais un poète dramatique. […] Il avait dix-neuf ans ; sa figure et sa taille étaient vraiment de lignée raphaëlesque, et offraient l’idéal du poète adolescent.

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