/ 1980
1386. (1890) L’avenir de la science « III » pp. 129-135

Des vues, des aperçus, des jours, des ouvertures, des sensations, des couleurs, des physionomies, des aspects, voilà les formes sous lesquelles l’esprit perçoit les choses 41. […] De là la couleur individuelle de toutes les philosophies, et surtout des philosophies allemandes.

1387. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Ce sont des légèretés de peinture à la colle, des transparences d’aquarelle, une touche voltigeante et pareille à un rayon de soleil sur de l’écaille, toutes les couleurs qu’aime Rembrandt, jusqu’à celles qu’il tire de la fermentation et de la moisissure des choses, ainsi que des fleurs de pourriture et des phosphorescences de corruption. […] Chandellier : c’était le grand dérideur de Gavarni, qui nous raconte, en riant encore aux larmes, qu’un jour Mme Hercule se plaignant d’un échange qu’elle avait fait d’un gril et d’une guitare, contre une fausse queue qu’on lui avait assurée être de la couleur de ses cheveux et qui n’en était pas, au milieu de mille lazzis, Chandellier prenant la queue des deux mains et l’enjambant, se mettait à galoper frénétiquement autour de la chambre, ainsi qu’un enfant monté sur un cheval de bois.

1388. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre neuvième. Les idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Les successeurs d’Hugo »

Le poète se reconnaît à ce qu’il rend aux mots la vie et la couleur, à ce qu’il les associe de manière à en faire le développement d’un mythe ; le poète est, selon le mot de Platon, μνθλογιχόϛ ; c’est donc à bon droit qu’on a placé au premier rang, parmi les dons du grand poète, la puissance mythologique 236. […] C’est charmant, pas bien réel ; les vraies couleurs, les vraies nuances ont des dégradations infinies que le pinceau de Coppée, quoique délicat et menu, ne semble pas bien fait pour rendre ; mais, par contre, ce pinceau est léger autant qu’habile, et fin comme l’esprit même du poète244.

1389. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Mais il n’est plus qu’une ombre, un reflet de lui-même, sans corps qui le soutienne, et d’où la couleur, d’où la vie se retirent insensiblement. […] de plus haut en couleur que la Ballade de la grosse Margot ?

1390. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le Roman de Renart. Histoire littéraire de la France, t. XXII. (Fin.) » pp. 308-324

L’un d’eux, Charuel, change de couleur à cette idée, et déclare honni celui qui ne maintiendra pas la cause du duc légitime (Charles de Blois)e, et qui s’en ira sans donner de coups d’épée. — « Cette chose m’agrée, dit Beaumanoir ; allons à la bataille, ainsi qu’elle est jurée. » Il revient à Bombourg, qui lui représente encore que c’est folie à lui d’exposer ainsi à la mort la fleur de la duché ; car, une fois morts, on ne trouvera jamais à les remplacer. — « Gardez-vous de croire, répond Beaumanoir, que j’aie amené ici toute la chevalerie de Bretagne, car ni Laval, ni Rochefort, ni Rohan et bien d’autres n’y sont ; mais il est bien vrai que j’ai avec moi une part de cette chevalerie et la fleur des écuyers… » Bombourg reprend la bravade et l’invective.

1391. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Nouveaux voyages en zigzag, par Töpffer. (1853.) » pp. 413-430

ne pouvant l’être par les couleurs, il ouvrira la voie aux autres, il indiquera les chemins ; il dira, comme un guide, les sentiers escarpés qui mènent au point de vue réputé désespéré et inaccessible ; il esquissera ce que d’autres peindront, et, à chaque pas de plus que fera la peinture sincère à la conquête de ces rudes Alpes, il applaudira au triomphe.

1392. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — I. » pp. 19-35

Quand il parle de la Fête-Dieu, du Saint-Sacrement ou de la Vierge, chevalier naïf de l’ordre de Dieu, il n’a pas seulement le saint nom gravé sur la poitrine, il porte au bras les rubans et les couleurs.

1393. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — I. » pp. 279-295

Entre tous ceux qui l’ont loué, je prendrai le moins connu aujourd’hui, mais qui me semble avoir parlé de lui le plus naturellement et sans oublier de mêler aux couleurs quelques légères ombres : Avant de dire ce qu’il a fait pour la nature, disait le médecin Lafisse dans un éloge de Vicq d’Azyr prononcé en 1797, voyons ce qu’elle fit pour lui.

1394. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — I. » pp. 343-360

C’est l’âge des illusions ; c’est le temps où la nature puissante grave des traits profonds, mais où en même temps elle peint avec des couleurs si douces et si chères.

1395. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Le seul Racan, par la fusion de l’harmonie et de la couleur, a retrouvé le charme et le je ne sais quoi d’enchanté.

1396. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Tout me devient d’une même couleur triste ; toutes mes pensées tournent à la mort.

1397. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — I » pp. 39-56

Il faut un intervalle pour s’en remettre et pour qu’il soit possible de se figurer l’original sous d’autres couleurs.

1398. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance diplomatique du comte Joseph de Maistre, recueillie et publiée par M. Albert Blanc » pp. 67-83

Pourquoi donc, quand on est un esprit essentiellement distinguée et brillant, aller prendre tant de soin pour se déguiser en couleurs de carnaval ?

1399. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Après le témoignage de force et d’intrépidité qu’il venait de donner, il reprit son discours avec la même douceur qu’auparavant ; il peignit l’amour des hommes et toutes les vertus avec des traits si touchants et des couleurs si aimables que, hors les officiers du temple, ennemis par état de toute humanité, nul ne l’écoutait sans être attendri et sans aimer mieux ses devoirs et le bonheur d’autrui.

1400. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Il n’y eut donc, au lendemain de Juillet 1830, que des instincts et des passions dans le peuple et dans la jeunesse, et des déclamateurs à la Chambre parmi les députés de cette couleur.

1401. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir a l’histoire de mon temps. Par M. Guizot »

Ce fut, à s’en tenir à l’intérieur de la lice et à ne pas regarder aux conséquences du dehors, un tournoi des plus satisfaisants, un assaut brillant et des mieux conduits : d’un côté, tous les princes de la parole, tous les chefs de file des nuances de l’opposition et des couleurs même les plus contraires, avec un major-général plus actif, plus infatigable que ne le fut jamais le prince Berthier, et qui allait donnant le mot d’ordre dans tous les rangs15 : ce mot d’ordre, c’est qu’on n’avait pas le gouvernement parlementaire dans sa force et dans sa vérité ; car remarquez que, tant qu’on a eu en France ce gouvernement, ceux mêmes qui le regrettent le plus hautement aujourd’hui niaient qu’on le possédât tel qu’il devait être et allaient criant partout : « Nous ne l’avons pas ! 

1402. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Biot. Essai sur l’Histoire générale des sciences pendant la Révolution française. »

Il se moque en passant d’une des belles descriptions du Génie du christianisme, description arrangée et symétrique, j’en conviens, dans laquelle l’auteur nous montre, pendant une traversée de l’Océan, le globe du soleil couchant qui apparaît entre les cordages du navire, — la lune, à l’opposite, qui se lève à l’orient, — et vers le nord, « formant un glorieux triangle avec l’astre du jour et celui de la nuit, une trombe brillante des couleurs du prisme… » M. 

1403. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Louis XIV et le duc de Bourgogne, par M. Michelet »

L’historien reconnaît, en effet, ses bonnes intentions, sa tendre pitié pour le peuple et toutes ses vertus chrétiennes, mais il marque en même temps les étroitesses et les limites d’esprit de ce vénérable enfant, et il trouve, pour peindre le contraste de cette manière d’être individuelle avec les vertus publiques et les lumières étendues si nécessaires à un souverain, des expressions qui se fixent dans la mémoire et des couleurs qui demeurent dans les yeux.

1404. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Or, je défie de répandre une telle couleur sur des tableaux de notre temps, quelque tragiques que soient les époques que nous reproduisons. » C’est là un post-scriptum à joindre désormais à la célèbre préface du XIIe volume, c’est un dernier éclaircissement que je suis fier d’avoir provoqué et heureux de produire.

1405. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

On m’avait prévenu que les brigands, pour ne pas être aperçus de loin, ne portent, au rebours de leurs compatriotes honnêtes gens, que couleurs ternes.

1406. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite.) »

Chaque lecture est comme une liqueur qui se teint de la couleur et s’empreint de la saveur du vase où on la verse.

1407. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre. »

Il embrassa toute la littérature allemande, passée et présente ; il y marcha à pas de géant, peignant tout à grands traits, d’une manière rapide, mais avec une touche si vigoureuse et des couleurs si vives, que je ne pouvais assez m’étonner ; il parla de ses ouvrages peu et avec modestie, beaucoup des chefs-d’œuvre en tout genre de la France, des grands hommes qui l’avaient honorée, du bonheur de sa langue, des beaux génies qui l’avaient maniée, des littérateurs présents, de leur caractère et de celui de leurs productions ; enfin, j’étais un Français qui était allé pour rendre hommage au plus beau génie de l’Allemagne, et je m’aperçus bientôt que M. 

1408. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite.) »

Et à ce propos de redingote verte, il affectionnait ce genre de couleur qui le faisait appeler le comte Vert, d’un nom cher aux amis de l’antique Savoie.

1409. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. (suite et fin.) »

Ton verre a réfléchi, dans leurs vives couleurs, La force et la beauté, sans rien conserver d’elles.

1410. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les cinq derniers mois de la vie de Racine. (suite et fin.) »

Ce n’est plus la question classique ou romantique, si vous le voulez ; il s’agit de bien autre chose que d’une cocarde, que des coupes et des unités, — des formes et des couleurs — il s’agit du fond même et de la substance de nos jugements, des dispositions et des principes habituels en vertu desquels on sent et l’on est affecté.

1411. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Préface »

On vint lui contester le droit, à lui sénateur, d’écrire dans un journal qui n’avait ni couleur ni attache gouvernementale.

1412. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Les Funérailles du général Foy présentent dans le début une grande confusion de sentiments et de couleurs.

1413. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Jean-Baptiste Rousseau »

Boileau en est la preuve : il imite, il traduit, il arrange à chaque instant les idées et les expressions des anciens ; mais tous ces larcins divers sont artistement reçus et disposés sur un fond commun qui lui est propre : son style a une couleur, une texture ; Boileau est bon écrivain en vers.

1414. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

La faible couleur est si passée, que le discernement n’y prend plus.

1415. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Il fallait rendre au meurtre ses épouvantables couleurs ; il fallait faire horreur du sang et de la mort ; et la nature ne permet pas que la sympathie s’exerce tout entière au dehors de nous.

1416. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

L’étiquette tombe par lambeaux, comme un fard qui s’écaille, et laisse reparaître la vive couleur des émotions naturelles.

1417. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre II. Rapports des fonctions des centres nerveux et des événements moraux » pp. 317-336

Tout ce que nous savons des molécules cérébrales, ce sont les sensations de couleur grisâtre, de consistance mollasse, de forme, de volume, et autres analogues que, directement ou à travers le microscope, à l’état brut ou après une préparation, ces molécules suscitent en nous, c’est-à-dire leurs effets constants sur nous, leurs accompagnements fixes, leurs signes, rien que des signes, des signes et indices d’inconnues. — Il y a donc une grande différence entre les deux points de vue.

1418. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Et là, ce sont bien des chefs-d’œuvre, les premiers du lyrisme moderne, qui s’épand en toutes formes, et, négligeant les factices distinctions de genres que seule la spécialisation rigoureuse des mètres maintenait chez les anciens, met la même essence, la même source d’émotions et de beauté dans l’ode et dans le sonnet, dans l’hymne et dans l’élégie : ces chefs-d’œuvre se constituent par l’ample universalité des thèmes, et par l’intime personnalité des sentiments : c’est de l’amour, de la mort, de la nature que parle le poète, mais il note l’impression, le frisson particulier que ces notions générales lui donnent, la forme et la couleur par lesquelles se détermine en lui leur éternelle identité.

1419. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre III. Madame de Staël »

Ne lui demandons ni couleur ni énergie sensible, ni rythme expressif, ni forme en un mot ; mais une parole agile, souple, claire qui forme d’ingénieuses combinaisons de signes, qui dégage avec aisance des idées toujours intéressantes, souvent nouvelles ou fécondes, voilà ce que Mme de Staël nous offre : son style, c’est de l’intelligence parlée.

1420. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Sa mise en scène, à quelques détails près, a le grand mérite d’être expressive, de traduire, donc de renforcer le sentiment, l’idée, la couleur de la pièce.

1421. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « La comtesse Diane »

Ce récitatif est sans doute au rôle parlé ce que sont au rôle mimé les costumes étranges et splendides : il lui donne une couleur et une saveur d’exotisme.

1422. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Alphonse Daudet  »

. : « De quelle couleur est le papier de sa chambre   Bleu, madame, avec des guirlandes  Vraiment !

1423. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

C’est le premier Tartuffe seul qui vit pour les foules, justement parce qu’il n’est qu’une trogne haute en couleur, aux traits simplifiés et excessifs, une tête de jeu de massacre.

1424. (1899) Le préjugé de la vie de bohème (article de la Revue des Revues) pp. 459-469

Presque tous les vrais artistes ont été pauvres au début de leur carrière ; mais ils se sont toujours arrangés pour travailler, payer leurs couleurs ou leur marbre avec l’argent que Marcel dépense chez Momus, et ils ont toujours considéré cette pauvreté comme un état transitoire d’où il fallait sortir à force de labeur, et qui avait cette belle conséquence morale de leur faire comprendre les dessous navrants de la mêlée humaine et d’éprouver la solidité de leur conviction et de leur talent.

1425. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Oscar Wilde à Paris » pp. 125-145

S’accoutrer de velours et de dentelles, afficher des couleurs criardes est contraire aux principes du dandysme formulés par Brummel qui enseigne : « Le véritable dandy ne doit jamais se faire remarquer. » Barbey d’Aurevilly, qui le savait puisqu’il a écrit sur Brummel26, n’en a pas tenu compte.

1426. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Légendes françaises. Rabelais par M. Eugène Noël. (1850.) » pp. 1-18

Ce dernier, Bernardin de Saint-Pierre, dont le talent chaste, idéal, volontiers rêveur et mélancolique, semble le moins d’accord avec l’esprit de Rabelais, l’a pourtant saisi à merveille par le côté sérieux que nous indiquons, et il a dit de lui dans une page mémorable et qui n’est pas toute chimérique, bien que trop simple de couleur et trop embellie : C’en était fait du bonheur des peuples, et même de la religion, lorsque deux hommes de lettres, Rabelais et Michel Cervantes, s’élevèrent, l’un en France, et l’autre en Espagne, et ébranlèrent à la fois le pouvoir monacal et celui de la chevalerie.

1427. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Qu’est-ce qu’un classique ? » pp. 38-55

Fontanes, en son temps, paraissait un classique pur à ses amis ; voyez quelle pâle couleur cela fait à vingt-cinq ans de distance.

1428. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Le maréchal a cette faculté de s’imprégner très vite de l’esprit et de la couleur des lieux, du génie des races.

1429. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Or, il y a un royaume des sons comme il y en a un de la couleur et de la lumière ; et ce royaume magnifique où s’élèvent et planent les Haendel et les Pergolèse, comme dans l’autre on voit nager et se jouer les Titien et les Rubens, Franklin n’est pas disposé à y entrer : lui, qui a inventé ou perfectionné l’harmonica, il en est resté par principes à la musique élémentaire.

1430. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre III. Le Bovarysme des individus »

On sait le prix qu’il attachait à ses travaux de naturaliste, de physicien ou de chimiste : dans l’un des entretiens avec Eckermann, il déclare qu’il donnerait tout son œuvre pour sa seule théorie des couleurs qui, depuis, a été reconnue fausse.

1431. (1889) Méthode évolutive-instrumentiste d’une poésie rationnelle

  Ces choses dites rapidement, qu’il me soit permis de montrer que cette forme nouvelle de l’expression de l’idée, l’Instrumentation poétique, enferme et perd en elle tous les modes d’art : Elle est l’éloquence, évidemment : plastique pour la variété la plus ordonnée des rythmes : picturale, parce que (nous avons négligé de le dire au long) le moins de hasard a été établi aussi pour la coloration à attribuer aux voyelles, que la généralité des vues maintenant, c’est un fait scientifique, distingue nettement de telle ou telle couleur : musicale parce qu’elle est le sens enfin trouvé du langage, qui, scientifiquement, est musique, et qu’elle est l’immatérialité des instruments de la musique proprement dite : Elle est, au gré de la pensée qui la conduit et la mesure, la plus complète et intime possibilité de mouvement intellectuellement exprimé.

1432. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse psychologique »

Ces dispositions sensuelles de l’intelligence auront ailleurs pour effet, d’accroître énormément les facultés d’expression de la couleur et, par suite, de ne faire concevoir les objets que représentés se fondant en certaines formes verbales, en un certain style de peinture.

1433. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

On ne cesse de la représenter sous les couleurs les plus fausses, tantôt comme une simple philosophie du sens commun, tantôt comme la restauration surannée de la métaphysique d’un autre siècle, tantôt comme la théologie des séminaires moins les miracles.

1434. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Observations générales, sur, l’art dramatique. » pp. 39-63

Pourvu qu’on conserve le caractère du lieu, il est permis de l’embellir de toutes les richesses de l’art ; les couleurs et la perspective en font toute la dépense : cependant il faut que les mœurs des acteurs soient peintes dans la même scène, qu’il y ait une juste proportion entre la demeure et le maître qui l’habite, qu’on y remarque les usages des temps, des pays, des nations.

1435. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

Rubens et Le Brun ont trouvé moïen d’y répresenter par le moïen de ces fictions mixtes, des choses qu’on ne concevoit pas pouvoir être renduës avec des couleurs.

1436. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « I »

Ne leur dites pas surtout que la couleur existe ; que la forte description s’obtient rarement du premier coup ; qu’on réalise par le travail des surprises et des créations de mots ; qu’il y a enfin un art réfléchi de la perfection, un relief voulu des images, des chocs d’antithèses louables, une force, une cohésion, une structure, qui constituent toute une science du travail.

1437. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

C’est par l’intensité prodigieuse de l’accent que ce livre échappe au reproche d’uniformité dans la couleur.

1438. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre VII. Le cerveau et la pensée : une illusion philosophique »

3° L’idée que, pour passer du point de vue (idéaliste) de la représentation au point de vue (réaliste) de la chose en soi, il suffit de substituer à notre représentation imagée et pittoresque cette même représentation réduite à un dessin sans couleur et aux relations mathématiques de ses parties entre elles.

1439. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre V : M. Cousin historien et biographe »

On ne sait plus ce qu’est devenue la raison raisonnante ; des formes, des couleurs se tracent sur le champ décoloré où la pensée abstraite ordonnait ses syllogismes ; on aperçoit des gestes, des attitudes, des changements de physionomie ; peu à peu le personnage ressuscite ; il semble qu’on l’ait connu ; on prévoit ce qu’il va faire, on entend d’avance le cri de sa passion blessée ; on ne le juge pas, on l’aime ou le hait, ou plutôt on sent avec lui et comme lui ; on quitte son siècle, on devient son contemporain, on devient lui-même.

1440. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VII : Théorie de la raison par M. Cousin »

Cette pierre n’est rien en dehors de la forme, de l’étendue, de la dureté, de la couleur, des propriétés physiques et chimiques qu’elle possède.

1441. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre VIII : M. Cousin érudit et philologue »

Par exemple, il s’est fort réjoui d’avoir découvert les noms des religieuses, compagnes de Mlle de Bourbon au couvent des Carmélites ; il a cru introduire le public dans l’intérieur d’un couvent, en lui apprenant l’âge, la condition, la date de la mort et de rentrée de toutes les abbesses et de toutes les prieures, en transcrivant des biographies inédites composées au couvent, lesquelles, en leur qualité de biographies pieuses, ne renferment que des éloges vagues et des anecdotes édifiantes ; toutes choses qui ressemblent à l’histoire comme une boîte de couleurs ressemble à un tableau.

1442. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXII. »

« L’enthousiasme t’appelle ; et, tandis qu’il chante dans son brillant essor, à l’œil des cieux il déploie ses ailes aux mille couleurs.

1443. (1920) Impressions de théâtre. Onzième série

La comédie débutait, comme la peinture, par des figures immobiles, peintes dans les mêmes poses, avec les mêmes couleurs. […] La jeune fille ne portera pas de bijoux ; elle ne se parfumera pas ; elle n’aura que des robes de simple drap, et tout unies, comme en portait la sainte Vierge… Car les filles de Denys de Syracuse refusèrent les bijoux que leur envoyait leur père ; car la vestale Claudia fit parler d’elle parce qu’elle aimait trop la toilette ; car les Romains, après la seconde guerre punique, défendirent aux femmes de porter des bijoux et des robes de couleur ; car Aristote et Caton l’Ancien…, etc. […] Surtout on sent dans ses vers la joie et l’orgueil de vivre, l’amour des belles formes et des belles couleurs, la sérénité, la confiance en l’homme et cette fierté sublime qui gonfla le cœur d’Athènes après Salamine. […] Et toute la partie pittoresque de la tragédie est d’une couleur vigoureuse ou charmante. […] Ce qui est plus sensible, à mon avis, c’est un manque général de souplesse et de liaison dans le dialogue, et c’est le « haché » de ce style ; la période poétique est rare, difficile et courte ; et trop de phrases s’interrompent sur des points de suspension… Mais enfin, parmi ces maladresses et ces indigences, la force est incontestable, et, souvent, une sombre couleur à l’espagnole.

1444. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Les mots les plus comuns et qui reviènent souvent dans le discours, sont ceux qui sont pris le plus fréquemment dans un sens figuré, et qui ont un plus grand nombre de ces sortes de sens : tels sont corps, ame, tête, couleur, avoir, faire, etc. […] Un mot pris dans un sens métaphorique perd sa signification propre, et en prend une nouvèle qui ne se présente à l’esprit que par la comparaison que l’on fait entre le sens propre de ce mot, et ce qu’on lui compare, par exemple, quand on dit que le mensonge se pare souvent des couleurs de la vérité : en cette phrase couleurs n’a plus sa signification propre et primitive ; ce mot ne marque plus cette lumière modifiée qui nous fait voir les objets ou blancs, ou rouges, ou jaunes, etc. : il signifie les dehors, les aparences ; et cela par comparaison entre le sens propre de couleurs et les dehors que prend un home qui nous en impose sous le masque de la sincérité. Les couleurs font conoitre les objets sensibles, elles en font voir les dehors et les aparences : un home qui ment, imite quelquefois si bien la contenance et les discours de celui qui ne ment pas, que lui trouvant les mêmes dehors, et pour ainsi dire, les mêmes couleurs, nous croyons qu’il nous dit la vérité : ainsi come nous jugeons qu’un objet qui nous paroit blanc est blanc, de même nous somes souvent la dupe d’une sincérité aparente, et dans le tems qu’un imposteur ne fait que prendre les dehors d’home sincère, nous croyons qu’il nous parle sincérement.

1445. (1889) La bataille littéraire. Première série (1875-1878) pp. -312

Tout lui paraissait éteint et de la couleur des choses au lendemain d’une ivresse. […] Émile Zola écrit, et quelle que soit la fable qu’il ait à raconter, quel que soit son cadre, il y fait entrer tout ce qu’il a de couleur et d’observation sur sa palette. […] Elles retrouvèrent un petit chapeau de peluche, à longs poils, couleur marron ; mais il était tout mangé de vermine. […] Les quadrilles commençaient à se vider, les verres de couleur à pâlir. […] Elle a des lèvres d’une couleur de feu ravissante, avec lesquelles on peut boire du thé sans les laisser sur la tasse.

1446. (1924) Critiques et romanciers

» S’il ne l’avait pas aimée, serait-il un si grand écrivain, si habite et si attentif, non seulement à ses idées, mais encore à ses phrases, à la couleur et à la musique de ses mots ? […] Il se fie à son humeur et, quelquefois, serait content de croire, et de vous faire croire, que la saison, la couleur du ciel, le hasard des journées a déterminé son opinion. […] La vérité est dans les nuances : Mirbeau la peint toute en couleurs ; et, les nuances, il les dédaigne, comme des signes d’hésitation, de lâcheté. […] Il n’est pas l’un de ces pessimistes forcenés qui peignent la vie des plus sombres couleurs. […] Estaunié n’approuvait-il plus ce dénouement dès l’année suivante : sa bonne Dame finit mieux que son petit Deschantres et le roman garde jusqu’à la fin la même couleur grise ou, du moins, tâche de la garder.

1447. (1894) Critique de combat

Ce régent d’Alfanie partage ce préjugé bourgeois et français que tout est perdu, pour peu qu’apparaisse sur la voie publique un chiffon dont la couleur n’est pas réglementaire. […] Il l’avait passée à la couleur romantique : vous raccommodez, vous, à la dernière mode du jour. […] Hugo, dans sa façon de voir la lumière, les couleurs ou les formes, les origines de sa faculté créatrice. […] Comment rendre en quelques pages ce fourmillement de vie et de couleurs, cette infinie variété d’aspects, ce perpétuel mélange du gracieux et du grandiose, du doux et du terrible ? […] Un des reproches les plus bizarres qu’il fasse aux républicains de toute couleur, c’est de n’avoir pas su donner à la France un chef militaire.

1448. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

« Nous avons pris des Anglais les annuités, les rentes tournantes, les fonds d’amortissement, la construction et la manœuvre des vaisseaux, l’attraction, le calcul différentiel, les sept couleurs primitives, l’inoculation. […] — La Mort de César, 1735 ; — et l’idée de la tragédie « sans amour ». — De quelques nouveautés introduites par Voltaire au théâtre français. — Les sujets de pure invention. — L’extension du lieu de la scène et le développement de la couleur locale : — Zaïre et le monde musulman ; — Alzire et l’Amérique ; — L’Orphelin de la Chine et le monde asiatique. — Les souvenirs nationaux ; — et, à ce propos, de l’influence de la Henriade sur la tragédie du xviiie  siècle. — L’abus des procédés romanesques dans la tragédie de Voltaire ; méprises et reconnaissances [Cf. à cet égard encore le théâtre de Crébillon]. — Du pathétique de Voltaire ; — et s’il mérite les éloges qu’on en a faits [Cf.  […] La tragédie gréco-romaine ; — et qu’il est étonnant qu’elle n’ait pas tiré quelque profit de cet effort vers la vérité de l’histoire ; — et la fidélité de la couleur locale. — L’Hypermnestre de Lemierre, 1758, et son Idoménée, 1764. — Le Timoléon de La Harpe, 1764. — L’Œdipe chez Admète, de Ducis, 1778. — Le Philoctète de La Harpe, 1783, et son Coriolan, 1784. — Le Méléagre de N.  […] Montégut, Souvenirs de Bourgogne], — sa froideur en présence de quelques-unes des grandes scènes qu’il a décrites ou imaginées ; — et on pourrait être tenté de dire que ces critiques se compensent ou s’annulent. — Mais il est plus vrai de dire qu’elles se concilient ; — et que le style de Buffon, parce qu’il est naturellement ample, — et qu’il s’égale sans effort aux plus grands sujets, semble être un peu au-dessous de ce que nous en attendions dans ces sujets ; — ce qui est une raison pour que dans les moindres, — et notamment dans les descriptions, — nous le trouvions trop majestueux ; — et supérieur en quelque sorte à la dignité de son objet. — Il s’anime d’ailleurs quand il le faut ; — et, pour ne rien dire de ses qualités de nombre, d’exactitude et de couleur, — il a plus d’une fois atteint jusqu’au lyrisme [Cf. l’Histoire naturelle de l’homme] ; —  et plus d’une fois au ton de l’épopée [Cf. les Époques de la nature]. […] Qu’ils marquent tous les trois aussi trois moments de la rénovation du style ; — et, à ce propos, de ne pas oublier que les Études de la nature sont antérieures, pour leur composition, — à la publication des Confessions, des Lettres à M. de Malesherbes, et des Rêveries du promeneur solitaire. — Souplesse, précision et couleur du style descriptif de Bernardin de Saint-Pierre. — Que ce sont bien les objets qu’il décrit, et non pas du tout, — ou tout à fait secondairement, — les « états d’âme » qu’ils suscitent en lui. — Nouveauté, richesse, et « technicité » de son vocabulaire. — De la nature de son pittoresque ; — et qu’elle consiste surtout dans la fidélité d’une imitation ; — qui obtient des effets d’ensemble par des procédés de miniaturiste.

1449. (1900) Quarante ans de théâtre. [II]. Molière et la comédie classique pp. 3-392

L’auteur comique est un peintre de mœurs qui, au lieu d’étaler des couleurs sur la toile, montre la vie en action, et cherche à la montrer telle qu’elle est, avec les procédés spéciaux dont son art dispose. […] Comme il n’affecte d’autres prétentions que de peindre, sous ses vraies couleurs, la vie humaine, on le doit tenir quitte de tout, s’il s’est consciencieusement acquitté de sa besogne. […] Le mot fille, si nous n’y prenons garde, ne tardera pas à prendre une vilaine couleur. […] Tel récit qui vous semblait long s’anime et prend au feu de la rampe du relief et de la couleur. […] Son mérite sera d’amortir cette nuance, afin qu’elle ne crie pas avec les couleurs qui l’entourent.

1450. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Littré. »

Il faudrait bien peu pour donner à telle de ces pages de la couleur et de la flamme, de ce qui brille de loin ; mais ce peu eût sans doute paru de trop à l’esprit exact et consciencieux qui tient à ne pas excéder d’une ligne la limite du vrai. […] Sa fille, se précipitant sur le corps de son père et appelant les habitants et citoyens à la vengeance, devint si menaçante pour l’ordre d’alors que les autorités la firent arrêter. — Je ne regarde point en tout ceci à la couleur des opinions du père ; je ne vois que le courage de la fille.

1451. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Delille »

Les premiers vers qu’on a de Delille à cette époque, son ode à la Bienfaisance, qui concourut pour le prix de l’Académie française, son épître sur les Voyages, couronnée par l’Académie de Marseille, ses autres épîtres de collège, ne sont remarquables que par la facilité, l’abondance, une certaine pureté ; mais nulle idée neuve, nulle couleur originale. […] Nul doute que si un vrai et grand poëte se mettait en tête de nous traduire Virgile, Homère ou Dante, ou tel autre maître, il n’y réussît à force de temps et de soins, sinon pour la lettre stricte, du moins pour le sentiment et la couleur.

1452. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

Excepté à la poésie ou à l’éloquence, arts immatériels qui n’ont besoin que d’une parole ou d’une plume, il faut un matériel à tous les arts : des blocs de marbre au statuaire, des toiles, des couleurs au peintre ; mais au musicien, il faut un monde d’exécutants. […] Que penseriez-vous de la sculpture qui emprunterait les couleurs de la peinture pour rendre les divines formes de Phidias plus semblables aux figures de cire coloriées devant lesquelles s’extasie l’ignorante multitude de nos places publiques ?

1453. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXVe entretien » pp. 317-396

Mais, ce qui ne sera peut-être pas au goût de toute l’Europe, il prétend que les hommes ont trop de besoins et trop peu de force pour que le superflu des uns ne soit pas le nécessaire des autres ; en conséquence il peint le luxe des couleurs les plus odieuses, le montre partout comme l’écueil du bonheur public, et affecte de prouver, par les événements, que la décadence des mœurs, qui en est la suite nécessaire, a entraîné celle des deux dynasties Hia et Chang. […] Nous avons reçu d’eux, en science, en arts, en industrie, la soie, la porcelaine, la poudre à canon, le gaz, l’imprimerie, le papier, les couleurs, la boussole, importations récentes en Europe, sans date en Chine.

1454. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIIe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe » pp. 81-160

Blaze de Bury, écrivain de l’école ascétique, renfermé comme dans les cloîtres studieux de la religion littéraire, a publié, il y a douze ans, une complète étude sur le génie de Goethe et une incomparable traduction du drame de Faust ; nous nous en servirons, comme on se sert, dans les ténèbres d’une langue inconnue, d’une lumière empruntée qui fait rejaillir de tous les mots les couleurs mêmes de cette langue, ou comme on se sert, dans un souterrain, d’un écho qui répercute le bruit de tous les pas de ceux qui vous devancent dans sa nuit. […] Cet amour, peint avec les couleurs du Vicaire de Wakefield, ne fut qu’une distraction attachante pour Goethe et causa la mort de la pauvre Frédérique.

1455. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLIIe entretien. Vie et œuvres du comte de Maistre » pp. 393-472

Elles sont bordées d’un côté de quelques petites terrasses en étages qui dominent la plaine ou les eaux ; de larges figuiers y étendent leurs branches, qui ont la contorsion et la couleur de grosses couleuvres endormies. […] Un petit bois de châtaigniers sauvages toujours jeunes, parce qu’on les coupe toujours pour le chauffage de la métairie, la domine et la protège du vent du nord ; une petite cour pavée de cailloux de deux couleurs roulés par l’Aisse et arrosée d’une fontaine, comme dans les cours de village en Suisse ou dans le Jura, y coule, à petits filets, d’un tronc d’arbre creusé et verdi de mousse.

1456. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (3e partie) et Adolphe Dumas » pp. 65-144

« Vos tableaux de l’Orient, animés des couleurs de votre inépuisable palette, m’ont ramené, comme au temps de mes jeunes années, vers les rives du fleuve où Crithéis mit au jour le divin prodige ; vers ce Mélès qui m’a laissé apercevoir à peine quelques gouttes d’une eau limpide, arrêtée par les joncs et les cailloux de son lit ; puis sur ce siège d’Homère, où je me suis arrêté en récitant ses vers ; cette École du poète, autrefois l’honneur de Chios, maintenant colline abandonnée, témoin de l’incendie des flottes ottomanes et des désastres de 1823. […] XIV Çà et là, dans le dédale de ces sentiers, de ces jardins et de ces cours, on découvre de petites habitations de hasard, à un seul rez-de-chaussée, bâties en planches de rebut des démolitions, encore peintes des diverses couleurs des lambris auxquels elles ont appartenu dans les palais ; là vivaient, dans une retraite définitive ou provisoire, quelques solitaires estropiés qui ont acquis à bas prix ce petit coin d’espace entouré d’arbustes ou de gazons.

1457. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (2e partie) » pp. 161-239

J’avais trouvé un nid de ce gobe-mouche à couleur terne, accroché contre le mur, immédiatement au-dessus de l’espèce d’arche qui servait d’entrée à cette paisible retraite. […] « Les piverts ont deux couvées par saison ; aussi cette race joyeuse pullule-t-elle dans les forêts de l’Amérique, et vous ne pouvez faire une promenade sans entendre leurs cris perçants et le retentissement de leur bec sur l’écorce des arbres. » Telles sont les couleurs vives, variées, naïves, que la plume du naturaliste, aussi pittoresque que son pinceau, emploie pour commenter et expliquer les admirables planches qui composent son ouvrage.

1458. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

Depuis le mois de février jusqu’à la fin de mai, tous les jours nous ne vîmes passer que des régiments et des régiments : des dragons, des cuirassiers, des carabiniers, des hussards, des lanciers de toutes les couleurs, de l’artillerie, des caissons, des ambulances, des voitures, des vivres, toujours et toujours, comme une rivière qui coule et dont on ne voit jamais la fin. […] Puis, me posant la main sur la poitrine : « La conformation est bonne, dit-il ; toussez. » Je toussai le moins fort que je pus ; mais il trouva tout de même que j’avais un bon timbre, et dit encore : « Regardez ces couleurs ; voilà ce qui s’appelle un beau sang. » Alors moi, voyant qu’on allait me prendre si je ne disais rien, je répondis : « J’ai bu du vinaigre.

1459. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Les mœurs sont les couleurs des tableaux. […] Gœthe dans Weimar, Césarotti dans Vérone, Chateaubriand dans Paris, n’en ont-ils pas dérobé et multiplié les couleurs dans leurs œuvres ?

1460. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Dans son curieux livre des Fais et bonnes Mœurs du sage roy Charles, elle en donne une belle définition « Celle-là est poësie dont la fin est vérité, et le prûcez (moyen) doctrine revestue en paroles d’ornements delitables, et par propres couleurs. » Une femme qui avait, au commencement du quinzième siècle, une si noble et si juste idée de la poésie, était compétente pour critiquer le Roman de la Rose : Chrisrtine, d’ailleurs, rendit hommage au talent de Jean de Meung, bien parlant disait-elle, et moult grand clerc soubtil. […] Il s’ébahit « vu que c’est le meilleur poëte parisien qui se trouve, comment les imprimeurs de Paris et les enfants de la ville n’en ont eu plus grand soin. » II veut que les jeunes gens « cueillent ses sentences comme belles fleurs ; qu’ils contemplent l’esprit qu’il avait ; que de lui ils apprennent proprement à décrire. » Il l’estime « de tel artifice, tant plein de bonne doctrine, et tellement peinct de mille couleurs », que très-souvent il lui en fait des emprunts, et qu’il se paye, en le copiant, du soin de l’avoir édité.

1461. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre septième »

Combien ne s’est-il pas perdu de cet accent et de cette couleur sous les voûtes des églises qui entendirent Bourdaloue ? […] Le temps seul donne la science, les solides couleurs, la variété, l’abondance des traits qui permet la sévérité du choix.

1462. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre premier. Causes physiologiques et psychologiques du plaisir et de la douleur »

En revanche, les sens supérieurs connaissent moins la souffrance que la simple gêne : une dissonance, un coup de sifflet aigu, des couleurs discordantes, une lumière éblouissante, une odeur désagréable, ne sauraient produire une douleur de l’audition ou de la vision comparable en intensité à celle d’une blessure ou d’une brûlure ; la douleur même des yeux ou des oreilles n’est dans ce cas qu’une espèce de coup et de blessure superficielle. […] La jouissance actuelle, comme celle de beaux sons ou de belles couleurs, en tant que complète et considérée en elle-même, ne provoque pas le désir d’autre chose, elle est satisfaite de soi ; est-ce à dire qu’elle soit alors passive et liée à l’inertie ?

1463. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

vous, c’est encore autre chose que vous voulez… C’est du mouvement dans la couleur, comme vous dites… C’est l’âme des choses… C’est impossible… Je ne sais pas, moi, comme on prendra cela plus tard, et où on ira ! […] … ce n’est pas dans le dictionnaire… C’est une expression de peintre, ça… Tout le monde n’est pas peintre… C’est comme un ciel de couleur rose thé, rose thé… Qu’est-ce que c’est, une rose thé… » Et il répète une ou deux fois : « Rose thé », ajoutant : « Il n’y a que la rose, ça n’a pas de sens ! 

1464. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1872 » pp. 3-70

Le peintre aveugle lui disait, qu’éveillé, il n’avait plus la mémoire des couleurs ; mais qu’il la retrouvait dans les rêves de son sommeil. […] Et la douleur fuyante d’une sœur dépeignée, aux cheveux couleur de cendre, une douleur retournée vers le mur, avec le désespoir passionné et forcené d’une Guanamara, ajoutait encore à l’illusion.

1465. (1885) La légende de Victor Hugo pp. 1-58

III Madame Hugo n’aimait pas Napoléon, elle choisissait pour amis ses ennemis ; après la défaite de Waterloo, afin de fouler aux pieds la couleur de l’Empire, elle se chaussa de bottines vertes, ce simple fait caractérise la nature violente de ses sentiments9. […] Cependant les lettrés du xviie  siècle annonçaient que l’Adone effacerait à jamais le Roland furieux, la Divine Comédie et l’Iliade d, et des foules en délire promenaient des bannières, où l’on proclamait que l’illustre Marin était « l’âme de la poésie, l’esprit des lyres, la règle des poètes… le miracle des génies… celui dont la plume glorieuse donne au poème sa vraie valeur, aux discours ses couleurs naturelles, au vers son harmonie véritable, à la prose son artifice parfait… admiré des docteurs, honoré des rois, objet des acclamations du monde, célébré par l’envie elle-même, etc., etc. ».

1466. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre II. De la multiplicité des états de conscience. L’idée de durée »

A vrai dire, les différences qualitatives sont partout dans la nature ; et l’on ne voit pas pourquoi deux directions concrètes ne seraient point aussi marquées dans l’aperception immédiate que deux couleurs. […] Mais il vit parce que la durée où il se développe est une durée dont les moments se pénètrent : en séparant ces moments les uns des autres, en déroulant le temps dans l’espace, nous avons fait perdre à ce sentiment son animation et sa couleur.

1467. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — I. » pp. 195-212

On n’a peut-être pas assez rendu justice à son bon sens, à ses vues, à ses recherches ; sa vieille couleur du moins a parlé de loin et a souri ; il a été respecté de ceux qui savent peindre, de M. 

1468. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Le prince de Ligne. — II. (Fin.) » pp. 254-272

Mais, au milieu des couleurs brillantes dont il l’entoure, on saisit quelques ombres.

1469. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Ce qui aujourd’hui nous paraît surtout absent dans la traduction de Mme Dacier n’était point alors ce qui nuisait le plus à Homère, et, si elle avait mis à quelque degré dans son style de ces couleurs et de ces tons homériques que retrouvèrent plus tard, dans leur art studieux, André Chénier et Chateaubriand, il est à croire que de tels passages n’auraient point paru les moins gais à ces chevaliers à la mode dont nous avons des copies chez Regnard ou chez Dancourt, à ces jolies femmes de Marly que la duchesse de Bourgogne guidait au jeu et au plaisir, ou à ces esprits ingénieux et froids que Fontenelle initiait à la philosophie.

1470. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Œuvres complètes de Buffon, revues et annotées par M. Flourens. » pp. 55-73

Dans son article du cheval, par lequel il débute dans ses histoires particulières d’animaux, il accorde un peu à la phrase, à la couleur ; il fait les chevaux sauvages « beaucoup plus forts, plus légers, plus nerveux que la plupart des chevaux domestiques ».

1471. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Agrippa d’Aubigné. — I. » pp. 312-329

Quand on a beaucoup lu ces auteurs du xvie  siècle et des précédents, après qu’on a rendu justice à toutes les qualités de couleur, d’abondance, de franchise, de naïveté ou de générosité première qu’ils ont volontiers ; après qu’on a payé un tribut de regret sincère à ce qui s’est, à cet égard, retranché depuis et perdu, il reste pourtant une qualité qui est nôtre, qui est celle de tout bon écrivain depuis Pascal, et qu’on arrive à goûter, à estimer, j’ose dire à bénir de plus en plus ; qualité bien humble et bien essentielle, imposée désormais aux médiocres comme aux plus grands, et que Vauvenargues a appelée le vernis des maîtres, je veux parler de la netteté.

1472. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sylvain Bailly. — II. (Fin.) » pp. 361-379

On conçoit d’ailleurs ces dissidences naturelles et cette sorte d’antipathie instinctive entre une école scientifique tout analytique et précise, et une autre qui ne se refusait ni l’éclat ni les couleurs ; mais d’Alembert se laissait emporter à ses préventions personnelles lorsqu’il disait à propos des systèmes de Bailly et de Buffon qu’il associait dans sa pensée : « Supplément de génie que toutes ces pauvretés ; vains et ridicules efforts de quelques charlatans qui, ne pouvant ajouter à la masse des connaissances une seule idée lumineuse et vraie, croient l’enrichir de leurs idées creuses… » Dans la familiarité de la correspondance et lorsqu’il n’est point retenu par le public, d’Alembert s’abandonne souvent ainsi à des injustices presque injurieuses, dites d’un style assez commun.

1473. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — I. » pp. 409-426

Or, cette personne qui revient quelquefois dans ses lettres, disciple de Corinne à beaucoup d’égards, surtout par les prétentions à l’enthousiasme, et qui paraît avoir été peintre, si ce n’est poète, il ne put jamais, malgré son esprit et son mérite, parvenir à la goûter : Ma foi, mon cher, écrivait-il à un ami, malgré son amabilité (affectée bien souvent), je lui trouve si peu de naïveté, de vrai sentiment, de jugement raisonnable, qu’elle est bien loin d’aller sur ma piquée… Elle nous fait des compliments si exagérés souvent, qu’il est impossible de ne pas voir qu’ils ne sont que dans sa bouche ; et puis, enfin, on voit le caractère des gens dans leur peinture ; je trouve qu’elle n’a pas l’ombre de sentiment, pas d’expression, pas de vérité bien souvent dans la couleur ; pour le dessin, elle ne s’en doute pas : et elle veut mettre à tout cela une touche-homme… Ma foi, je la juge violemment, tu diras.

1474. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Préface pour les Maximes de La Rochefoucauld, (Édition elzévirienne de P. Jannet) 1853. » pp. 404-421

Quelqu’un qui l’avait écouté pendant tout un semestre, et qui était plus attentif à l’homme qu’à ce qu’il débitait, fit de lui le portrait suivant, pris sur nature : Pancirole professe, il est heureux ; sa joue s’enfle plus qu’à l’ordinaire ; sa poitrine s’arrondit, la couleur noir-cerise de sa joue est plus foncée et plus dense ; il jouit.

1475. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Santeul ou de la poésie latine sous Louis XIV, par M. Montalant-Bougleux, 1 vol. in-12. Paris, 1855. — I » pp. 20-38

Santeul était plus enflé, du Périer plus modeste ; il se voyait en celui-ci une certaine couleur d’antiquité, laquelle, à y bien regarder, se découvrait avec bien plus d’éclat dans les poèmes de Petit ; et ce dernier était de plus un esprit orné et imbu de toutes sortes de lettres… Quant à Santeul et à du Périer, si le hasard me les amenait parfois (et il ne me les amenait que trop souvent), tout à l’instant chez moi retentissait du bruit de leurs vers ; et comme le premier surtout, se tenant, comme on dit, sur un pied, faisait mille vers à l’heure et coulait plein de limon, vous l’auriez exactement comparé à ce Camille Querno dont s’amusait le grand pape Léon X ; qui obtint de lui le titre et les insignes d’archipoète, et qu’on saluait comme décoré d’une couronne de choux, de pampre et de laurier.

1476. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Une autre fois, jouant sur le nom de lionne qu’on donnait à Mlle Paulet à cause de la couleur de ses cheveux, il écrivait de Ceuta en Afrique (où réellement il était alors), et signait « Léonard, gouverneur des lions du roi de Maroc ».

1477. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Cependant, l’office de l’art est-il de ne vouloir pas consoler, de ne vouloir admettre aucun élément de clémence et de douceur, sous couleur d’être plus vrai ?

1478. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

L’un accepte et comprend les choses comme elles sont dans la nature et dans l’humanité ; il prend, sans les disjoindre (car tout cela se tient, se correspond et, pour ainsi dire, se double), le rat et le cygne, le reptile et l’aigle, le crapaud et le lion ; il prend le cœur à pleines mains, tel qu’il est au complet, or et boue, cloaque ou Éden, et il laisse à chaque objet sa couleur, à chaque passion son cri et son langage.

1479. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite) »

Je sens qu’au fond je suis indisciplinable… Je ne peux ni sentir sur parole, ni écrire d’après autrui… » Poète, il n’aspire qu’à manifester la nature dans ses ouvrages en vers, et il ne s’aperçoit pas qu’il ne la manifestera jamais plus pleinement, avec plus de couleur et de chaleur, qu’à ce moment même où il en forme le dessein et où il en parle ainsi.

1480. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Il a souvent exprimé l’âme et le génie de tels paysages naturels avec des couleurs et une saveur d’une âpreté vivifiante.

1481. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Il s’adressa dans sa haute et froide impartialité à toutes les nuances, à toutes les couleurs d’opinions qui s’étaient dessinées depuis 1789 jusqu’au 18 brumaire, sans en exclure aucune, au côté droit comme au côté gauche des diverses Assemblées qui s’étaient succédé : il convenait pourtant que les Constituants lui donnaient plus de mal que d’autres à réduire et à employer ; les Conventionnels lui en donnèrent moins : ils avaient été amenés à comprendre mieux que les premiers que la liberté n’est pas tout, que le salut public doit passer même avant les principes, et que dans la vie des nations il y a telle chose qu’on ne saurait supprimer, le gouvernement avec ses nécessités à certaines heures.

1482. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

Pour des choses neuves il n’a jamais d’expressions créées ; il n’a jamais la couleur qui saisit ni le trait qui grave.

1483. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Au reste, ces pages de M. de La Mennais sont merveilleuses de jeunesse d’imagination, de transparence de couleur et, par moments, de philosophique tristesse : « D’Antibes à Gênes, la route côtoie presque toujours la mer, au sein de laquelle ses bords charmants découpent leurs formes sinueuses et variées, comme nos vies d’un instant dessinent leurs fragiles contours dans la durée immense, éternelle. » Et plus loin, en Toscane, il nous montre çà et là, « à demi caché sous des ronces et des herbes sèches, le squelette de quelque village, semblable à un mort que ses compagnons, dans leur fuite, n’auraient pu achever d’ensevelir. » Mais à peine avons-nous le pied dans les États romains, quelques prisonniers conduits par les sbires du pape, comme il dit, font contraste avec cette simplicité naïve de foi que l’auteur s’attribue encore par oubli, ou qui du moins ne devait pas tarder à s’évanouir.

1484. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Parmi ceux de sa couleur première, il se pouvait vanter d’être le seul avec M. de La Mennais que la révolution de Juillet n’eût pas désarçonné.

1485. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Étienne, lui, n’était pas du tout du sanctuaire, et une illusion de son ingénieux panégyriste a été, à un certain moment, d’essayer de l’y rattacher, ou, lors même qu’il le rangeait définitivement dans la seconde classe, d’employer à le peindre des couleurs encore empruntées à la sphère idéale et qui ressemblent trop à des rayons.

1486. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Depuis Newton, l’on ne fait plus de système nouveau sur l’origine des couleurs, ni sur les forces qui font mouvoir la terre.

1487. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

La pensée jouit d’une liberté illimitée dans l’abstrait et dans le général, toutes les intempérances, toutes les aventures lui sont permises : dès qu’elle touche au réel, au concret, à la vie, elle reçoit forme et couleur des préjugés impérieux du siècle.

1488. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Nous trouvons là l’explication de tout ce qu’il y a d’espagnol dans Gil Blas, exactitude topographique, vérité historique, connaissance des mœurs, couleur locale.

1489. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre VI, « Le Mariage de Figaro » »

Toute sorte de tons et de couleurs, la comédie, la farce, le drame, la satire se succèdent et se heurtent ; nous sommes cahotés de Scarron à Marivaux, de Diderot à Voltaire579, et sur cette incohérente profusion de tous les effets et moyens scéniques, surnage toujours la personnalité de l’auteur.

1490. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre VI. Science, histoire, mémoires »

Sans dépense de couleur, sans collection de petits faits ni défilé d’anecdotes, avec le plus sobre usage des textes dont il extrait l’essence, il nous fait sentir la vie.

1491. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

La langue, dans tous ces écrits, est claire, et les tours en sont vifs ; on sent qu’elle raconte et qu’elle raille mais elle manque de variété et de couleur.

1492. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre premier. La contradiction de l’homme » pp. 1-27

Il suffit, pour reconnaître la fragilité de l’« humanité » dans l’homme, de se rappeler les excès où le pouvoir absolu conduisit jadis ceux qui l’ont exercé, ou les faits qui se passent de nos jours encore en temps de guerre, surtout quand les adversaires ne sont pas de même race et de même couleur, les massacres désintéressés, les pillages, les viols, ou bien les exactions, les violences exercées dans de lointaines colonies où la pression sociale n’arrive que bien atténuée.

1493. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

On peut dire par exemple que l’éther n’a pas moins de réalité qu’un corps extérieur quelconque ; dire que ce corps existe, c’est dire qu’il y a entre la couleur de ce corps, sa saveur, son odeur, un lien intime, solide et persistant, dire que l’éther existe, c’est dire qu’il y a une parenté naturelle entre tous les phénomènes optiques, et les deux propositions n’ont évidemment pas moins de valeur l’une que l’autre.

1494. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre V. La littérature et le milieu terrestre et cosmique » pp. 139-154

Stamboul, comme on disait par respect pour « la couleur locale »), sont au nombre des cités qui ont eu alors en France le plus d’adorateurs.

1495. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre III : Les Émotions »

Les harmonies de la vue sont plus frappantes encore : n’y a-t-il pas des harmonies de couleur ?

1496. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Les éloges de Cuvier, en regard de ceux de Pariset sur les mêmes sujets, font l’effet d’un dessin net, sévère, un peu maigre peut-être, mais qui repose de la diffusion des couleurs et qui satisfait l’œil de l’esprit19.

1497. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Je vous assure que c’est un agréable spectacle que d’en voir cent avec des vestes de toutes sortes de couleurs, des écharpes de soie tressée où pend un sabre auprès duquel le mien, que l’abbé de Marcillac a tant vanté, serait un canivet (petit couteau).

1498. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Pline le Naturaliste. Histoire naturelle, traduite par M. E. Littré. » pp. 44-62

Son livre VII, où il traite de l’Homme, commence par un tableau énergique, éloquent et sombre, où il semble se ressouvenir des couleurs du poète Lucrèce, et préparer la matière aux réflexions d’un Pascal.

1499. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Elle est maigre, comme il convient à son âge ; sa bouche fort vermeille, les lèvres grosses, les dents blanches, longues et mal rangées ; les mains bien faites, mais de la couleur de son âge.

1500. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Oui, sans doute, on le sent bien à la lecture, il a manqué quelque chose à cette éloquence ; cet œil ne lançait point d’étincelles ni d’éclairs ; cette voix n’avait point d’éclats sonores, ni de ce qui vibre à distance ; mais du moins un sentiment juste, équitable, pénétré, animait cette gravité douce et abondante ; une imagination tempérée y jetait plutôt de la lumière que de la couleur ; parfois la finesse et une certaine grâce d’ironie n’y manquaient pas ; l’humanité surtout, avec la justice, en était l’âme, et cet orateur au ton sage avait en lui toutes les piétés.

1501. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Regardez enfin dans cette autre niche : là, il n’y a décidément plus rien que de la pure poussière, dont la couleur même est un peu douteuse, à raison d’une légère teinte de rousseur.

1502. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Personne n’admire plus que moi la beauté des fresques évocatrices de Leconte de Lisle, personne autant que moi n’admire chez Banville un magnifique poète et un conteur presque unique dans toute littérature, car je ne connais qu’Edgar Poe dans une couleur d’images différente, pour avoir fait tenir dans quelques volumes de contes brefs autant de vie et autant d’idées.

1503. (1912) L’art de lire « Chapitre VIII. Les ennemis de la lecture »

Non seulement ils ne vont pas à la découverte, ce qui est un des plus grands plaisirs de la lecture, mais ils lisent dans un temps où, de quelque caractère durable que soit le livre et dût-il être immortel, il n’a plus sa nouveauté, sa fraîcheur, son duvet, sa concordance avec les circonstances qui, sans l’avoir fait naître, ont contribué du moins à sa formation et surtout lui ont donné en partie sa couleur.

1504. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Il n’a plus que la face anglaise, la couleur anglaise, le reflet anglais.

1505. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

« Si j’étais peintre, je voudrais — dit-il encore dans son journal — être un Raphaël noir : forme angélique, couleur sombre. » Mais en réalité il l’était, un Raphaël noir, ce lumineux !

1506. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

Étant donnés le climat, les aliments, le type héréditaire, l’espèce de gouvernement et de religion, l’aspect du sol et du ciel, on sait que cet amas de causes produit des gens d’imagination, ayant le don d’inventer et de contempler avec émotion de beaux systèmes de formes, de sons ou de couleurs.

1507. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIV : De la méthode (Suite) »

Le principal ornement de sa chambre est un bureau immense, je ne sais pas de quelle couleur, l’ayant toujours vu encombré de livres.

1508. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

Les Lusiades furent sauvées parce que Camoëns savait très bien nager, et le premier traité de Newton sur la lumière et les couleurs fut perdu, parce que son petit chien, Diamant, renversa un flambeau. […] La plus basse de la couleur qui tourne vaut mieux que la plus haute de la partie précédente… » Voilà, semble-t-il, un excellent commentaire du gloria victis, cette imprudente devise des chrétiens, des lâches et des maladroits. […] Il y a le bien et le mal ; et ces deux couleurs ne comptent aucun aveugle. […] Quelles réalités me donneront les saveurs que je rêve : ce fruit de l’Inde et des songes, le myrobolan, — ou les couleurs royales dont je pare l’omphaxen ses lointaines gloires ? […] C’est comme si, dans une foule de cent hommes, il y a dix hommes habillés de vert, et que les quatre-vingt dix restant soient habillés chacun d’une couleur particulière : c’est le vert qui domine ».

1509. (1899) Musiciens et philosophes pp. 3-371

Définir l’Art n’est point chose aisée, soit que l’on considère simplement ses manifestations extérieures, soit que l’on veuille analyser à fond la nature de l’activité créatrice, la faculté, propre à l’esprit humain de traduire ses sentiments au moyen de la parole, du son ou de la couleur. […] Inépuisable est la variété des aspects qu’on peut adopter, inépuisable la série des combinaisons artificielles de mots, de sons ou de couleurs au moyen desquelles nous exprimons ces multiples aspects. […] Dessin et couleur se produisent simultanément, et non plus séparément ; dans l’acte créateur, les deux procédés se trouvent spontanément unis. […] Ce sont deux mondes où tout diffère, la forme, la couleur, la composition, l’âme. […] La richesse en couleurs, en atténuations d’ombres, en secrets de lumière mourante, gâte tellement l’auditeur, qu’ensuite, tous les autres musiciens lui paraissent trop robustes. » Ici, le paradoxe touche vraiment à l’aberration.

1510. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Le voyez-vous se lever devant vous, l’essaim des figures françaises, toutes parées de vives couleurs que vous n’aviez pas aperçues ? […] Pourquoi avons-nous été si longtemps à nous apercevoir qu’Hérodote n’a pas l’imagination plus épique ni Tacite plus de couleur et de style que Saint-Simon ? […] Flaubert, qui a peint la luxure avec des couleurs si provocatrices ; M.  […] Flaubert, avec ses habitudes descriptives, jointes à un goût dominant pour les tons crus et les couleurs purement matérielles, ne saurait se passer de les accumuler. […] Dans ce dédale de rues, où l’on a choisi l’une des plus secrètes pour lui donner le nom du gai captif, des visages de toute couleur circulent avec des costumes de toute forme.

1511. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Que deviendraient tant de maximes sociales, tant de généralités abstraites, si les beaux-arts ne s’en emparaient pas pour les replonger dans la nature sensible, les rattacher aux sensations d’où elles dérivent, et leur redonner ainsi des couleurs et de la puissance ?  […] Lui, ancien oratorien, et prêtre, il consent, par l’ordre et dans l’intérêt de celui qu’il appellera un tyran et qu’il abhorre, à accabler, à envelopper d’un tissu historique très-équivoque, très-artificieux, le vieux pontife alors persécuté, spolié, prisonnier ; il réclame contre lui les rigueurs115 ; il termine ce livre anonyme, à fausses couleurs gallicanes, par les éloges les plus absolus du héros qu’il semble mettre au-dessus de Charlemagne116, et dont il recevra à ce sujet diverses sortes de récompenses : et tout cela, pour servir ses propres opinions, à ce qu’il croit, et pour satisfaire ses profondes rancunes. […] Victor Le Clerc, en le célébrant dignement pour cet ordre de travaux, a cru pourtant devoir remarquer ce que l’habile devancier omet systématiquement, se refuse tout à fait à raconter et à reproduire dans ses résumés, d’ailleurs si exemplaires, qui laissent seulement à désirer pour la couleur et pour l’esprit des temps.

1512. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre V. Swift. » pp. 2-82

Quand il veut peindre la pluie, il décrit « toutes les couleurs et toutes les puanteurs » des ruisseaux grossis, « les chats morts, les feuilles de navets, les poissons pourris », qui roulent pêle-mêle dans la fange. […] Une secte s’était établie, posant en principe que le monde était une garde-robe d’habits ; « car qu’est-ce qu’on appelle terre, sinon un pourpoint bariolé de vert, et qu’est-ce que la mer, sinon un gilet couleur d’eau ? […] Là-dessus toute difficulté s’évanouit ; les nœuds d’épaule furent prouvés clairement être d’institution paternelle, jure paterno, et nos trois gentilshommes s’étalèrent avec des nœuds d’épaule aussi grands et aussi pimpants que personne1005. » D’autres interprétations admirent les galons d’or, et un codicille ajouté autorisa les doublures de satin couleur de flamme.

1513. (1904) Zangwill pp. 7-90

Une raie de peupliers solitaires au bout d’un champ grisâtre, un bouleau frêle qui tremble dans une clairière de genêts, l’éclair passager d’un ruisseau à travers les lentilles d’eau qui l’obstruent, la teinte délicate dont l’éloignement revêt quelque bois écarté, voilà les beautés de notre paysage ; il paraît plat aux yeux qui se sont reposés sur la noble architecture des montagnes méridionales, ou qui se sont nourris de la verdure surabondante et de la végétation héroïque du nord ; les grandes lignes, les fortes couleurs y manquent ; mais les contours sinueux, les nuances légères, toutes les grâces fuyantes y viennent amuser l’agile esprit qui les contemple, le toucher parfois, sans l’exalter ni l’accabler. — Si vous entrez plus avant dans la vraie Champagne, ces sources de poésie s’appauvrissent et s’affinent encore. […] Le ciel et le paysage lui tiennent lieu de conversation ; il n’a point d’autres poëmes ; ce ne sont point les lectures et les entretiens qui remplissent son esprit, mais les formes et les couleurs qui l’entourent ; il y rêve, la main appuyée sur le manche de la charrue ; il en sent la sérénité ou la tristesse quand le soir il rentre assis sur son cheval, les jambes pendantes, et que ses yeux suivent sans réflexion les bandes rouges du couchant. […] La matière est chose toute relative ; elle n’est pas réellement ce qui est ; elle est la couleur qui sert à peindre, le marbre qui sert à sculpter, la laine qui sert à broder.

1514. (1903) Propos de théâtre. Première série

Elles sont un peu hautes en couleur et un peu chaudes de ton pour que je puisse les citer. — Dame ! […] Son récit a eu la couleur épique en même temps que le caractère de la personne qui le fait se révélait et s’accusait dans chaque vers. […] Elle est pleine d’hypocrisie et de fiel quand elle peint Clitandre à Philaminte sous des couleurs défavorables. […] Cela a une raison particulière au point de vue du ton et de la couleur du rôle, j’en parlerai une autre fois. […] C’est la grande originalité lyrique d’Athalie, c’en est la couleur biblique, c’en est l’inspiration rare et nouvelle.

1515. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Sous un excès de couleur, ce que l’on dissimule souvent, c’est que l’on n’a plus, si tant est qu’on l’ait jamais eu, l’instinct de la ligne. […] triomphe de la ligne à Florence, et triomphe de la couleur à Venise ! […] C’est ainsi que, dans certaine littérature, l’ordinaire office des images, comme on les appelle, et de la couleur, est précisément de faire illusion sur l’absence de la pensée. […] Qu’est-ce que des « couleurs amies » et qu’est-ce que l’art de les unir ? […] Et la ligne et la couleur, évidemment, leur parlent un langage qu’elles ne nous parlent pas.

1516. (1909) Nos femmes de lettres pp. -238

Est-ce la couleur des yeux, le galbe du visage, certains contours de physionomie qui soudain nous viennent avertir ? […] Quand ils furent mariés l’un et l’autre, pour que leur femme ne s’y pût tromper — ce qui aurait eu plus de conséquence — chacun portait une cravate de couleur déterminée. […] Choisis les parfums, Dika, tresse les roses, Mêle les couleurs. […] Ta royale jeunesse a la mélancolie Du Nord, où le brouillard efface les couleurs.

1517. (1898) Impressions de théâtre. Dixième série

Et la couleur en est bien du « Louis XIII » exaspéré. […] Il communique ainsi, je ne sais comment, au plus glacial des genres la couleur et la flamme. […] Il a, du latin, la ferme syntaxe, la précision un peu dure, la couleur en rehauts, la sonorité pleine et rude ; jamais de vague ni de demi-teintes. […] C’est de s’extasier sur la vérité de ses tragédies, sur son audace, sur sa violence secrète, et sur sa couleur. — Or cela est déjà dans Geoffroy. […] Brieux n’avait écrit avec cette précision, cette souplesse ni cette couleur.

1518. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

On risque alors de discuter à leur sujet, comme les deux chevaliers cités par Spencer se battaient pour la couleur d’un bouclier, rouge d’un côté, vert de l’autre. […] Remplacez ces diffuses causeries, magnifiques chez Scott, mais sans couleur chez vous, par des descriptions auxquelles se prête si bien notre langue. » Ouvrez maintenant la Comédie humaine. […] Nous croyons à la réalité du drame qui nous est conté, non seulement à cause de l’accent avec lequel il nous est conté, mais aussi parce qu’il a la couleur d’un temps. […] Un chaos de lignes et de couleurs, où il est seul à distinguer des formes, est le monstrueux résultat de ce passionné et funeste travail. […] Il le faisait avec un esprit infini, et cette couleur dans l’esprit qui donnait à sa conversation un éclat incomparable.

1519. (1892) Essais sur la littérature contemporaine

Je veux dire qu’on peut bien disputer si la couleur est une qualité des objets colorés ou une pure sensation des yeux ; mais, sensation des yeux ou qualité des objets, c’est tout un pour nous, il n’importe ; et, dans l’un comme dans l’autre cas, les choses se passent de la même manière. […] Plus d’une fois, j’ai pris plaisir à louer aussi dans ses vers une largeur, une franchise, une netteté d’exécution, un choix de marbres et de gemmes, — si je puis ainsi parler, — une précision de dessin et une intensité de couleurs qui manquent trop souvent à Vigny. […] Pareillement, tout art n’est qu’une symbolique, en tant qu’il exprime des idées abstraites par des images, et qu’il communique aux couleurs et aux formes une signification qu’elles n’ont point d’elles-mêmes. […] La « couleur » en est-elle pour cela plus authentique ? […] Ce que les couleurs et les lignes sont en effet dans les arts plastiques, ou les sons encore en musique, les mots le sont dans une langue, et, à plus forte raison, les « figures », les tours, la disposition des parties de la phrase.

1520. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Mézeray. — II. (Fin.) » pp. 213-233

On y apprend cette vieille France racontée dans son propre langage, avec ses propres images, ses plaisanteries de circonstance ou ses énergies naïves, et toutes ses couleurs familières, et non traduite dans un style modernisé.

1521. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Aujourd’hui, le genre de talent de Bourdaloue nous semble bien loin de prêter à de telles vivacités de couleurs, et, pour mieux essayer d’y pénétrer, je dirai d’abord l’effet assez général que cette éloquence produit à la lecture, et par quel effort, par quelle application du cœur et de l’esprit il est besoin de passer pour revenir et s’élever à la juste idée qu’il convient d’avoir de sa grandeur, de sa sobre beauté et de sa moralité profonde.

1522. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Dans le genre plus classique de Didon et d’Ariane, dans les romans du ton et de la couleur de La Princesse de Clèves, on prodigue moins les balles et les coups mortels, on a les plaintes du monologue, les pensées délicates, les nuances de sentiment ; quand on a poussé à bout l’un des genres, on passe volontiers à l’autre pour se remettre en goût ; mais, abus pour abus, un certain excès poétique de tendresse et d’effusion dans le langage est encore celui dont on se lasse le moins.

1523. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

De leurs sommets s’élevaient de grands jets d’écume qui se coloraient de la couleur de l’arc-en-ciel.

1524. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

Je ne fais qu’indiquer un portrait du général ministre Grumbkow, persécuteur odieux de Frédéric et de sa sœur : dans son duel avec le prince d’Anhalt, elle le montre effaré et tremblant, et rappelle toutes les autres preuves qu’il avait données de la même disposition, soit à la bataille de Malplaquet, où il était resté dans un fossé pendant tout le temps de l'action, soit au siège de Stralsund, où il s’était démis fort à propos une jambe dès le commencement de la campagne, ce qui le dispensa d’aller à la tranchée : « Il avait, conclut-elle, le même malheur qu’eut un certain roi de France, qui ne pouvait voir une épée nue sans tomber en faiblesse61 ; mais, excepté tout cela, c’était un très brave général. » Et ailleurs, montrant le roi son père qui ne s’accommodait pas des manières polies et réservées du prince héréditaire de Bareith, tout en le lui donnant pour mari : « Il voulait un gendre, dit-elle, qui n’aimât que le militaire, le vin et l’économie. » Certes, dans une société idéale où l’on se figure réunis les Caylus, les Hamilton, les Grammont, les Sévigné, les Coulanges, les Saint-Simon, les Staal de Launay, les Du Deffand, la margrave n’eut pas été hors de sa place ni dans l’embarras ; elle eût trouvé bien vite à payer son écho par maint trait d’esprit et de raillerie bien assénée, qui eût été applaudi de tous et de toutes, de même que son frère, en causant, n’était en reste de mots excellents ni avec Voltaire, ni avec personne ; mais à la lecture, et eu égard au genre et à la nature des tableaux, elle garde sa couleur étrange et son accent exotique.

1525. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le baron de Besenval » pp. 492-510

La vérité de couleur et de ton y est toute crue et sans mélange.

1526. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Divers écrits de M. H. Taine — I » pp. 249-267

Mais le roc qui vit à l’air depuis dix mille ans, où la lumière a tous les jours déposé et fondu ses teintes métalliques, est l’ami du soleil ; il en porte le manteau sur les épaules ; il n’a pas besoin d’un vêtement de verdure ; s’il souffre des végétations parasites, il les colle à ses flancs et les empreint de ses couleurs.

1527. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Quelque conteur de belle imagination y aura passé, y aura soufflé la vie et la couleur, aura rejoint les divers anneaux du récit, mais un conteur amusé et amusant, un vrai Milésien encore, soucieux avant tout de plaire, un digne habitant de cette cité qui avait pour devise : « Défense à personne céans d’être sage et sobre : sinon, qu’on le bannisse ! 

1528. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Soulié va plus loin, et supposant cet axiome admis et accepté : « Montrez-moi la chambre à coucher d’une femme, et je vous dirai qui elle est », il conclut, non sans quelque couleur de raison et selon qu’on aime à le croire avec lui : « C’est donc de Marie Cressé que Molière tenait son esprit élevé, ses habitudes somptueuses et simples à la fois, sa santé délicate, son attrait pour la campagne hors de Paris, et désormais la mère de Molière, restée inconnue jusqu’à ce jour, aura sa place bien marquée dans les commencements de la vie de son premier-né. » Voilà où peuvent conduire, à toute force, des inventaires bien lus et finement commentés.

1529. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Au fond, c’est bien la même dans les deux âges, sauf la couleur et le sourire.

1530. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Le mariage du duc Pompée : par M. le comte d’Alton-Shée »

J’ai souvent fait un rêve, ou plutôt (car la chose est irréparable) j’ai formé et senti un regret : c’est que parmi toutes ces générations qui se sont succédé dans notre France légère depuis tant de siècles, il ne se soit pas trouvé, à chaque génération un peu différente, un témoin animé, sincère, enthousiaste ou repentant, présent d’hier à la fête ou survivant le dernier de tous et s’en ressouvenant longtemps après ; lequel, sous une forme quelconque, ou de récit naïf, ou de regret passionné, ou de confession fidèle, nous ait transmis la note et la couleur de cette joie passagère, de cette ivresse où l’imagination eut bien aussi sa part.

1531. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

L’intelligence du style et de la couleur propre à chaque temps et à chaque œuvre est une conquête de notre âge ; ce qui n’empêche pas, dans la multiplicité, quelque confusion.

1532. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat. »

Un homme vain, fastueux, un roué habile, un ambitieux toujours aux aguets, allant à ses fins sous des airs d’extravagance, tout occupé de faire sa cour, à se trouver sur le passage du roi, à le lasser de son assiduité jusqu’au moment où il enleva la faveur ; à la guerre, un homme qui n’était pas embarrassé à se donner les honneurs des services d’autrui et à leur ravir leur part de récompense, comme il le fit pour Coligny dans cette croisade de 1664 en Hongrie ; pendant la paix, le plus effronté des courtisans et un somptueux flatteur en plein soleil et en place publique ; mais que dis-je et de quoi me mêlé-je avec mes couleurs délayées ?

1533. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

Comme le navire à la mer qui ne laisse de trace de son sillage que par les résidus de l’office surnageant à la surface des eaux, de même la caravane ne marque souvent son passage sur les sables que par les crottins de ses chameaux. » En lisant cette description du Sahara, je me dis que si d’autres, tels que les Fromentin, les Théophile Gautier, en eussent mieux reproduit l’éclat, la couleur, la lumière, M. 

1534. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « HISTOIRE de SAINTE ÉLISABETH DE HONGRIE par m. de montalembert  » pp. 423-443

Ainsi, dans ce style de couleur exacte et simple, le château de la Wartbourg ne devrait jamais être désigné, ce me semble, comme le centre du mouvement politique et administratif du pays : je n’aime pas non plus voir sainte Élisabeth jeter les bases de la vénération dont ces beaux lieux sont entourés.

1535. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « THÉOPHILE GAUTIER (Les Grotesques.) » pp. 119-143

Il a de la plume un vocabulaire très-raffiné et très-recherché, qui ressemble à une palette apprêtée curieusement et chargée d’une infinité de couleurs dont il sait et dont il dit les noms.

1536. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « CHRISTEL » pp. 515-533

Malgré sa faiblesse croissante, depuis quelques jours elle semblait mieux ; je ne sais quel mouvement de physionomie et de regard, plus de couleur à ses joues, avaient l’air de vouloir annoncer l’influence heureuse de la jeune saison.

1537. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIIe entretien. Tacite (1re partie) » pp. 57-103

Aussi les bibliothèques sont-elles pleines d’histoires médiocres, triviales, sans génie, sans philosophie, sans politique, sans couleur, sans pathétique, sans moralité, écrites par des annalistes de tous les pays ; enregistreurs de dates, de nomenclatures, de faits, ils tiennent la chronologie du monde, l’état civil des nations.

1538. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 193-236

puis, reconnaissant dans ses yeux la couleur des siens, et sur ses lèvres le rire gai et tendre d’Hyeronimo, elle le rapprochait de son visage et le baisait avec cette sorte d’ivresse que l’enfant à la mamelle donne à sa mère.

1539. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Il y a un sentiment fin et juste de la couleur, si l’on peut dire, des expressions et des langues dans la démonstration que Boileau entreprend ; mais la gaucherie de la forme est plus sensible que la vérité du fond, et l’on ne peut s’empêcher de sourire, quand on voit Boileau alléguer Thalès, Empédocle et Lucrèce, pour faire valoir la dignité de l’eau dans l’antiquité, quand il ne veut pas qu’Homère ait parlé du « boudin » : un « ventre de truie », à la bonne heure, voilà qui est noble ; ou quand enfin il aime mieux mettre aux pieds de Télémaque une « magnifique chaussure » que de «  beaux souliers », et maintient obstinément qu’il ne faut pas appeler «  cochons » ou « pourceaux » les animaux de nom « fort noble », en grec, dont avait soin le « sage vieillard » Eumée, qui n’était pas un « porcher ».

1540. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Mais ce que notre analyse ne donne pas, c’est la verve, la couleur de cette seconde partie.

1541. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre III. Comédie et drame »

La comédie plaisante se renferme dans la peinture des ridicules mondains : cette peinture est à l’ordinaire sans largeur et sans couleur, sèche, fine, spirituelle.

1542. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

J’ai cru voir à certains signes qu’il serait un excellent orateur populaire, doué de verve, de bonhomie et de franchise ; qu’il se guindait pour son auditoire de Notre-Dame ; que la sublimité, la couleur et les divers ornements oratoires de son style étaient quelque chose d’appris et de plaqué, et que, livré à sa vraie pente, il eût plus volontiers parlé comme un Père Lejeune ou un Bridaine relevé d’un peu de Bourdaloue.

1543. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Henry Rabusson »

Il était du petit nombre de ces oisifs parisiens qui retiennent des spectacles multiples auxquels les convie la mode, de ce long et ininterrompu défilé de tableaux, de statues, de morceaux de musique, de pièces de théâtre, de cérémonies et de fêtes, des couleurs, des sons, voire des idées, qu’ils cataloguent, au fur et à mesure, dans leur mémoire et dont l’ensemble constitue pour eux une mine féconde, inépuisable d’impressions et de souvenirs, lesquels, habilement mis en œuvre et adaptés aux exigences du moment, leur fournissent toujours à propos le thème inutilement cherché par tant d’autres… III Il y a apparence, après tout cela, que vous ne rencontrerez ici ni les grandes passions, ni les héroïsmes, ni les crimes, ni le romanesque tour à tour délicieux et tragique des romans de M. 

1544. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

Qu’est-ce que cela fait si, grâce à sa myopie, qui n’est qu’une vision intense des choses rapprochées, il nous fait, du monde où nous vivons, des peintures, éparses sans doute et fragmentaires, mais dont le relief et la couleur vibrante n’ont jamais, je crois, été égalées ?

1545. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

Un véritable artiste, un de ceux qui voient ce dont ils parlent, l’eût, selon son tempérament, précisé d’une épithète de forme, éclairé d’une épithète de couleur ou auréolé d’une épithète de lumière.

1546. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre V »

Ce sont des masques, ils en ont la grimace contrainte et les fausses couleurs ; et cherchez bien, ces masques-là ne recouvrent point des visages.

1547. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

Ainsi, sans prétendre éclaircir quelques obscurités d’allusion, nous tenons l’aveu essentiel : quand M. de Chateaubriand s’en allait au tombeau de Jésus-Christ pour y honorer le berceau de sa foi, pour y puiser de l’eau du Jourdain, et, en réalité, pour y chercher des couleurs nécessaires à son poème des Martyrs, le voilà qui confesse ici qu’il allait dans un autre but encore.

1548. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Ces plaisirs étaient purs, vifs, aimables ; ils suffisaient à parer le présent des plus douces, des plus riantes couleurs.

1549. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — III. (Suite et fin.) » pp. 242-260

Ce besoin d’activité et d’entreprises qui survivait encore chez lui à tant de mécomptes, le fit s’engager en mars 1792 dans une affaire qui avait couleur de patriotisme et qui l’abreuva d’ennuis.

1550. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Un caractère commun les unit tous trois : avec Buffon et Jean-Jacques la langue française, malgré ses conquêtes et ses accroissements pittoresques, restait encore en Europe : avec ces trois autres, Bernardin, Chateaubriand et Lamartine, par le luxe et l’excès des couleurs, elle est décidément en Asie.

1551. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — II. (Fin.) » pp. 246-265

Si Luynes avait vécu, la fortune de Richelieu s’ajournait pourtant et pouvait manquer : aussi, quand Luynes disparaît, quand il est emporté d’une maladie soudaine (14 décembre 1621) au milieu de cette campagne qu’il avait entreprise sans pouvoir la mener à fin, Richelieu a pour peindre sa mort, son caractère et sa personne, des traits de couleur et de passion que Saint-Simon, un siècle après, aurait trouvés.

1552. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Marguerite, reine de Navarre. Ses Nouvelles publiées par M. Le Roux de Lincy, 1853. » pp. 434-454

Il s’agit, chez Marguerite, d’un marchand, d’un tapissier de Tours qui s’émancipe auprès d’une autre que sa femme, et qui est aperçu par une voisine ; craignant que celle-ci ne jase, ce tapissier, « qui savait, dit-on, donner couleur à toute tapisserie », s’arrange de manière à ce que bientôt sa femme consente comme d’elle-même à faire une promenade au même endroit ; si bien que, lorsque la voisine veut ensuite raconter à la femme ce qu’elle a cru voir, celle-ci lui répond : « Hé !

1553. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1873 » pp. 74-101

C’étaient Delacroix, Musset, nous autres… Eh bien là, nous avons beaucoup bu de ce petit vin, qui a une si jolie couleur de groseille : ça n’a jamais fait de mal à personne. » Depuis quelque temps, la petite Jeanne porte sa cuisse de poulet à ses yeux, à son nez, quand tout à coup elle laisse tomber sa tête dans la paume de sa main, tenant toujours la cuisse à moitié mangée, et s’endort, sa petite bouche entrouverte, et toute grasse de sauce.

1554. (1897) Préface sur le vers libre (Premiers poèmes) pp. 3-38

Le sens des couleurs change, le sens de la cadence poétique change aussi ; insensiblement, sans doute !

1555. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Les artistes des siècles passés mieux connus, je rapporterais la manière et le faire d’un moderne, au faire et à la manière de quelqu’ancien la plus analogue à la sienne ; et vous auriez tout de suite une idée plus précise de la couleur, du stile et du clair-obscur.

1556. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Je ne parlerai pas de quelques inventions inconnuës aux anciens, et desquelles on connoît les auteurs, comme est celle de tailler le diamant qu’un orfévre de Bruges trouva sous Louis XI et avant laquelle on préferoit les pierres de couleur aux diamans.

1557. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Chez eux ils regardent comme les plus beaux et les plus belles ceux dont les traits du visage et la couleur de la peau se rapprochent le plus de la race blanche ».

1558. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Quoique cela semble incroyable aux reporters grossiers qui n’ont pas leur ténuité de sensation, ils affirment que la couleur des voyelles joue un rôle considérable dans la plupart des phénomènes psychiques.

1559. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Il procède, en écrivant, par traits pressés, entassés comme les faits de son érudition, et tout cela, je le veux bien, peut-être trop chargé, trop compacte, mais c’est, après tout, d’un relief et d’une couleur qui vous entre dans « l’œil de la pensée », comme dit Hamlet, et qui doit y rester.

1560. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre III : M. Maine de Biran »

Voyons la seconde obscurité : « Si la collection de tous les modes, de toutes les qualités sensibles étant brisée par l’abstraction, la substance imaginaire n’est plus rien ou n’a plus qu’une valeur nominale, la substance abstraite du mode dans ce point de vue intellectuel conserve encore la réalité qui lui appartient, à l’exclusion de toutes les apparences sensibles qui n’existent qu’en elle et par elle. » Je traduis : « Enlevez toutes les qualités sensibles de cette pierre, la couleur, la dureté, l’étendue, la porosité, la pesanteur, etc., et essayez de concevoir la substance intime : par l’imagination vous ne le pouvez, car la substance n’a rien de sensible ; par la raison vous le pouvez, car la substance est indépendante de ces qualités et leur survit. » L’idée est fausse, mais qu’importe ?

1561. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

… N’est-ce pas que si un Zeus disposait demain toutes ces couleurs et toutes ces formes en un grand cercle régulier au-dessus du soleil, nous nous écrierions comme le Fantasio de Musset : « Que ce soleil couchant est manqué ! […] Nous ne les disons beaux que quand ils ont des couleurs éclatantes (scarabées, etc.), et on sent bien que le mot « beau » a ici un tout autre sens et que c’est la couleur que nous trouvons belle et non la bête. […] Une tâche n’est pas belle, c’est une combinaison de couleurs, une phrase de couleurs, qui est belle. Quand nous disons d’une couleur qu’elle est belle, nous voulons dire sans doute qu’elle ferait dans une combinaison de taches, dans un tableau, que nous rêvons inconsciemment, un très bel effet. […] Les enfants, à la vérité, trouvent beau un son simple, belle une note unique, belle une couleur non combinée avec d’autres.

1562. (1927) Quelques progrès dans l’étude du cœur humain (Freud et Proust)

Il nous fournit en abondance ces prétextes, ces couleurs dont nous avons besoin de couvrir les petites turpitudes qu’il nous faut accomplir pour vivre. […] Il semble même que, sous ce rapport, les deux auteurs que nous comparons soient tournés vers des tâches radicalement antithétiques, Freud s’efforçant d’isoler le mécanisme pur de la conscience, avec le moins de référence possible à l’individualité, Proust n’ayant jamais assez de tons sur sa palette pour fixer la précarité des choses et des êtres, leur essence fugitive, la couleur qu’ils reçoivent de chaque moment du temps. […] Mais il se débat trop loin, trop confusément ; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l’insaisissable tourbillon de couleurs remuées ; mais je ne peux distinguer la forme, lui demander, comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m’apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s’agit. […] C’étaient de ces chambres de province qui, — de même qu’en certains pays des parties entières de l’air ou de la mer sont illuminées ou parfumées par des myriades de protozoaires que nous ne voyons pas, — nous enchantent des mille odeurs qu’y dégagent les vertus, la sagesse, les habitudes, toute une vie secrète, invisible, surabondante et morale que l’atmosphère y tient en suspens ; odeurs naturelles encore, certes, et couleurs du temps comme celle de la campagne voisine, mais déjà casanières, humaines et renfermées, gelée exquise, industrieuse et limpide, de tous les fruits de Vannée qui ont quitté le verger pour l’armoire ; saisonnières, mais mobilières et domestiques, corrigeant le piquant de la gelée blanche par la douceur du pain chaud, oisives et ponctuelles comme une horloge de village, flâneuses et rangées, insoucieuses et prévoyantes, lingères, matinales, dévotes, heureuses d’une paix qui n’apporte qu’un surcroît d’anxiété et d’un prosaïsme qui sert de grand réservoir de poésie à celui qui la traverse sans y avoir vécu. […] Jamais de couleurs voyantes, de cris exagérés.

1563. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

» Il suffit du reste de comparer son Avare à l’Aulularia de Plaute pour montrer comment il s’entendait à adapter sa propre couleur nationale à une donnée puisée en dehors de son temps et de son pays. […] Cette chambre est un ovale tronqué, boisé entièrement, le plafond n’a conservé aucune trace de l’apothéose qu’y peignit un élève de Philippe de Champagne, le décorateur d’une partie du Palais-Cardinal, et les dorures des panneaux ont disparu sous une couche de couleur grise. […] On a voulu le retoucher depuis, le pousser au noir, atténuer sa couleur ou la surcharger de repeints. […] Si j’ai droit de m’étonner de quelque chose, c’est qu’il l’ait laissé jouer ; elle présente, à mon avis, la dévotion dans des couleurs si odieuses ; une certaine scène offre une situation si décisive, si complètement indécente, que, pour mon propre compte, je n’hésite pas à dire que, si la pièce eût été faite de mon temps, je n’en aurais pas permis la représentation.” » Cet aveu ne prouve qu’une chose, c’est que l’ex-jacobin Bonaparte aimait moins la liberté que le Roi Soleil et le roi des dragonnades lui-même. […] On a décrit, dans le style judiciaire de pareils actes, les meubles en bois doré « à pieds d’aiglon feints de bronze » et recouverts d’étoffe verte ou aurore, le lit surmonté d’un dôme peint de « couleur d’azur », les guéridons, les tapisseries de Flandre et d’Auvergne, le linge en toile de Hollande, les serviettes de table en toile damassée, les tableaux, les miroirs, tout ce que l’auteur d’Élomire hypocondre reprochait avec tant d’envie à Molière : Ces meubles précieux, sous de si beaux lambris, Ces lustres éclatants, ces cabinets de prix, Ces miroirs, ces tableaux, cette tapisserie, Qui seule épuise l’art de la Savonnerie.

1564. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

En attendant que la nuit vienne, elle darde stupidement sur le soleil ses grands yeux ronds, couleur jaune d’œuf, avec une mince ligne noire cernée de vert sale, ses grands yeux ronds de hibou prévus par le poète. […] On dansa tant après avoir cueilli la fraise, Que la terre naguère en fleurs est nue et dure ; Le soir, un vent d’orage a brûlé la verdure, Le feuillage sur vous bruit couleur de braise ; Allez, la Belle, en d’autres bois cueillir la fraise, Telle ne revint plus, qui fut cueillir la fraise : Entendez-vous donc pas comme le fourré bouge ? […] Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles, Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs. […] Il y avait un tapis de couleur claire dans toute la maison. […] Mais félicitons-la de l’hommage, tardif à la vérité, rendu à Shakespeare dans Leicester Square, naguère si sordide avec son gazon grillé et son cheval de zinc, d’où l’un des Georges était tombé, et que des joyeux plaisants barbouillaient chaque nuit d’une couleur différente, parfois même avec des substances nauséabondes, aujourd’hui, après avoir dessiné un joli jardin dans le square, elle l’a orné d’une belle statue en marbre blanc de son premier poète et de son plus grand homme… Mais félicitons notre Paris, parfois si blâmable, si frivole, et sans cesse calomnié, de posséder une rue Milton, et une statue de Shakespeare.

1565. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Il est parfaitement insensible au charme propre de la poésie qui consiste à éveiller des sensations par la couleur et le son des mots. […] Deux actes de comédie sont consacrés à nous présenter, dans un décor aux couleurs vives et gaies, le milieu où se passera l’action, les personnages qui y seront mêlés. […] Une nuance, une forme, la couleur d’un papier, l’étoffe d’un meuble le touchaient agréablement Ou désagréablement. […] Par exemple, sur vingt-cinq personnes qui passent ici, il n’y en a peut-être pas deux qui voient la couleur du papier. […] Ce n’est pas en vain que de bonne heure il s’emplissait les yeux de la couleur et de la forme des choses : on s’aperçoit bien en le lisant qu’il est de ceux pour qui le monde extérieur existe.

1566. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome II

Virgile, qui chante un héros troyen, avait quelque intérêt à peindre des plus noires couleurs le destructeur de Troie : la férocité de Pyrrhus nous glace d’horreur dans l’Énéide. […] Certes, il n’y a rien de moins galant que les mœurs orientales ; des femmes esclaves et prisonnières, des amants despotes et tyrans, des messagers d’amour moins difformes encore et moins hideux par leur couleur que par leur honteuse dégradation. ; ce ne sont pas là des images flatteuses pour les aimables souveraines des pays civilisés de l’Europe ; mais si ces mœurs ne sont pas galantes, elles sont tragiques ; le danger toujours à côté du plaisir, la mort auprès du trône ; de grandes révolutions où l’amour joue un grand rôle, des passions plus ardentes parce qu’elles sont plus concentrées ; la nécessité de l’intrigue et du mystère, tout frappe l’imagination, tout inspire la terreur. […] Voltaire, dans ses plus beaux moments, lorsqu’il étale ses couleurs et fait la roue avec le plus d’orgueil, n’est riche, n’est véritablement paré que des plumes qu’il a dérobées à Racine, et qu’il mêle avec beaucoup d’art avec les siennes : et c’est ce Racine que Voltaire accuse de timidité et même de platitude ; mais, en orateur adroit, il fait précéder l’accusation d’une précaution oratoire, qui en affaiblit l’odieux. […] On dirait que les deux auteurs se sont donné le mot pour peindre leurs amants de couleurs absolument semblables : c’est la même ingénuité, la même sensibilité dans le dépit de la jeune personne ; c’est la même fougue dans la colère du jeune homme contre une infidèle qu’il aime toujours : son amour pour la fille éclate aux yeux de la mère, jusque dans les moments où, pour se venger, il feint de lui adresser ses vœux. […] On peut les comparer à deux sœurs jumelles, dont la taille et les traits sont parfaitement semblables, avec cette différence que l’une a le teint beaucoup plus frais et de plus belles couleurs que l’autre.

1567. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Cela est si bien imité, des trous, des fentes, la couleur, les pierres détachées, du vrai lierre qui couvre la moitié du vieux bâtiment ; c’est à s’y tromper, mais on ne s’y trompe point. […] Cette histoire toute romanesque a dans le détail une couleur bien anglaise, quelque chose de ce qu’Oswald, plus tard, reproduira un peu moins simplement à l’égard de Corinne ; et cette première Corinne, remarquez-le, esquisse ingénue de la seconde, a elle-même longtemps vécu en Italie.

1568. (1813) Réflexions sur le suicide

Les sauvages sont heureux seulement de vivre, les prisonniers se représentent l’air libre comme le bien suprême, les aveugles seraient prêts à donner tout ce qu’ils possèdent pour revoir encore les objets extérieurs ; les climats du midi, qui animent les couleurs et développent les parfums, produisent une impression indéfinissable ; les consolations philosophiques ont moins d’empire que les jouissances causées par le spectacle de la terre et du ciel. […] À ce souvenir un regret insensé de la vie s’empara de moi ; je me la représentai sous des couleurs auprès desquelles le monde à venir ne me paraissait plus qu’une abstraction sans charmes.

1569. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLVIe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers (3e partie) » pp. 249-336

La tragédie ne suffit pas ici pour fournir les couleurs au tableau, la comédie lui en prête ; Molière, Beaumarchais, Machiavel, Tacite semblent forcés de se réunir dans ces ténébreuses journées de Bayonne pour peindre un rôle où l’intrigue, l’hypocrisie, la violence et la trahison surpassent Alexandre VI, Tartufe et César dans un même acte diplomatique. […] Nudité d’expression, nudité d’ornement, nudité de son, nudité de forme, nudité de prétention, nudité de couleurs, hélas !

1570. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVe entretien. Ossian fils de Fingal »

Ce monument ne ressemblait à aucun autre ; les poëtes coloristes comptèrent une couleur de plus. […] Sa joue basanée a la couleur de mon arc.

1571. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Figurines »

Ce moine lointain dont la parole est dure et la voix tendre, fait songer à ces maigres figures des vitraux gothiques, dont les lignes sont sèches et la couleur suave, et qui baignent leurs contours rigides dans une belle lumière mystérieuse. […] Il a des détours et des recherches qui sont un délice ; il a le trait et il a la couleur.

1572. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Il est pourtant certain que pendant le combat romantique, et tandis qu’Hugo, poète de sentiment, de geste et de verbe, agitait glorieusement les lambeaux aux belles couleurs d’un vêtement vide où il prétendait enfermer la vie humaine, la pensée pure s’est recueillie pour l’avenir dans l’œuvre moins éclatante et peut-être plus durable du poète qui célébrait avec une extraordinaire clairvoyance l’avènement de l’esprit pur : Alfred de Vigny. […] Lui-même avouait son idéal : « un Raphaël noir, couleur sombre, forme angélique ».

1573. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

Son coloris est celui d’un grand Maître, & son expression prend toujours la couleur de sa pensée. […] Son Poëme est un tableau qui n’est pas piquant ni brillant en couleurs, mais dans lequel on trouve des sites & des incidens pittoresques.

1574. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Les esclaves sont noires et moitié plus petites que leurs maîtres, qui sont de couleur rouge, de sorte que le contraste est trop grand pour qu’aucune méprise soit possible. […] Smith a constaté qu’il existe entre les neutres des diverses espèces de Fourmis anglaises de surprenantes différences, soit sous le rapport de la taille, soit sous celui de la couleur, et que les types les plus tranchés sont quelquefois parfaitement reliés les uns aux autres par des individus de caractères intermédiaires choisis dans le même nid.

1575. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Ce fut une toilette, une vraie toilette doctrinaire ; et pour Shakespeare qui disparaissait sous cette expression à laquelle manquaient l’intrépidité de la couleur et la témérité de la vie, c’eût été une toilette de condamné à mort, si une traduction pouvait tuer Shakespeare, et si, dans la plus détestable de toutes, il n’y avait pas quelque chose qui résiste et qui dit qu’il y a là un immortel ! […] ce n’est pas parce que Roméo et Juliette est l’œuvre la plus fraîche de sentiment, la plus rose de couleur, la plus tendre dans sa mélancolie, que Shakespeare dut être nécessairement, quand il l’écrivit, jeune de l’ordinaire jeunesse des hommes.

1576. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « L’abbé de Bernis. » pp. 1-22

En ce qui était des vers en particulier, comme on venait de représenter pour la première fois La Métromanie (1738), Bernis donnait cours à ses réflexions : « Il est difficile d’être jeune et de vivre à Paris sans avoir envie de faire des vers. » Et de ce qu’on en fait avec plus ou moins de talent, il ne s’ensuit pas que ce talent entraîne avec lui toutes les extravagances qui rendent certains versificateurs si ridicules : Heureux, s’écriait-il avec sentiment et justesse, heureux ceux qui reçurent un talent qui les suit partout, qui, dans la solitude et le silence, fait reparaître à leurs yeux tout ce que l’absence leur avait fait perdre ; qui prête un corps et des couleurs à tout ce qui respire, qui donne au monde des habitants que le vulgaire ignore !

1577. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « De l’état de la France sous Louis XV (1757-1758). » pp. 23-43

Dans cette suite de confidences lamentables, un trait de ces lettres me fait sourire ; j’y vois comme le cachet et la couleur de l’époque, et aussi un reste de cette frivolité qui, chez Bernis, continuait encore de s’attacher même à l’homme public.

1578. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Lavallée a eu soin de placer aussi un portrait de l’illustre fondatrice, où revit cette grâce si réelle, si sobre, si indéfinissable, et qui, sujette à disparaître de loin, ne doit jamais s’oublier quand par moments la figure nous paraît un peu sèche ; il l’emprunte aux Dames de Saint-Cyr dont la plume, par sa vivacité et ses couleurs, est digne cette fois d’une Caylus ou d’une Sévigné : Elle avait (vers l’âge de cinquante ans), disent ces Dames, le son de voix le plus agréable, un ton affectueux, un front ouvert et riant, le geste naturel de la plus belle main, des yeux de feu, les mouvements d’une taille libre si affectueuse et si régulière qu’elle effaçait les plus belles de la Cour… Le premier coup d’œil était imposant et comme voilé de sévérité : le sourire et la voix ouvraient le nuage… Saint-Cyr, dans son idée complète, ne fut pas seulement un pensionnat, puis un couvent de filles nobles, une bonne œuvre en même temps qu’un délassement de Mme de Maintenon : ce fut quelque chose de plus hautement conçu, une fondation digne en tout de Louis XIV et de son siècle.

1579. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Il est à remarquer qu’en fait de style, à force de le vouloir limpide et naturel, Beyle semblait en exclure la poésie, la couleur, ces images et ces expressions de génie qui revêtent la passion et qui relèvent le langage des personnes dramatiques, même dans Shakespeare, — et je dirai mieux, surtout dans Shakespeare.

1580. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Cowper se reprochait fort la perte de ces années décisives qu’il comparait, en langage des champs, au temps des semailles ; on n’a plus tard des gerbes qu’à ce prix : « La couleur de toute notre vie, pensait-il, est généralement telle que la font les trois ou quatre premières années dans lesquelles nous sommes nos maîtres.

1581. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Le président Hénault. Ses Mémoires écrits par lui-même, recueillis et mis en ordre par son arrière-neveu M. le baron de Vigan. » pp. 215-235

douce, simple, m’aimant uniquement, crédule sur ma conduite qui était un peu irrégulière, mais dont la crédulité était aidée par le soin extrême que je prenais à l’entretenir, et par l’amitié tendre et véritable que je lui portais. » Mme Du Deffand est très bien traitée dans ces Mémoires, et s’y montre presque sans ombre, sous ses premières et charmantes couleurs ; mais la personne évidemment que le président a le plus aimée est Mme de Castelmoron, « qui a été pendant quarante ans, dit-il, l’objet principal de sa vie. » La page qui lui est consacrée est dictée par le cœur ; il y règne un ton d’affection profonde, et même d’affection pure : « Tout est fini pour moi, écrit le vieillard après nous avoir fait assister à la mort de cette amie ; il ne me reste plus qu’à mourir. » On raconte que dans les derniers instants de la vie du président et lorsqu’il n’avait plus bien sa tête, Mme Du Deffand, qui était dans sa chambre avec quelques amis, lui demanda, pour le tirer de son assoupissement, s’il se souvenait de Mme de Castelmoron : Ce nom réveilla le président, qui répondit qu’il se la rappelait fort bien.

1582. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Louis XVI avait de l’éloignement pour Frédéric, et il disait : « Frédéric a la plus mauvaise opinion des hommes. » II ne trouvait pas à faire le même reproche au prince Henri, qui avait une couleur de bienveillance et d’optimisme, et à qui une teinte de Greuze ne manquait pas.

1583. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « I » pp. 1-20

Chacun de ses rayons dans sa substance pure Porte en soi les couleurs dont se peint la nature ; Et, confondus ensemble, ils éclairent nos yeux, Ils animent le monde, ils emplissent les cieux… Ainsi cette excursion fort inutile de Voltaire dans les mathématiques, et qui allait devenir une fausse route, ne fut pas tout à fait perdue : elle lui servit du moins à composer cette belle épître2. — « Je suis bien malade, écrivait-il à Thieriot en août 1738, Newton et Mérope m’ont tué. » Ni l’un ni l’autre ne le tuèrent.

1584. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Œuvres de Vauvenargues tant anciennes qu’inédites avec notes et commentaires, par M. Gilbert. — II — Vauvenargues et le marquis de Mirabeau » pp. 17-37

Vous me l’avez dit assez souvent ; je n’y ai pas pensé quand il le fallait ; j’ai laissé prendre à mes étourderies la couleur des crimes, n’en parlons plus.

1585. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Quand il espère arriver par quelqu’un au ministère, ce quelqu’un (fût-ce le valet de chambre Bachelier) prend aussitôt à ses yeux une couleur de bon citoyen.

1586. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

L’église était resplendissante de dorures et divisée en quatre parties : le sanctuaire, surmonté d’une couronne soutenue par des colonnes de marbre de vingt-cinq à trente pieds de hauteur ; le chœur des chantres, garni de stalles en bois de chêne d’une rare beauté, avec des panneaux incrustés en bois de diverses couleurs, et des tableaux représentant la vie de saint Bruno ; le transept contenant d’un côté l’autel de la Vierge, de l’autre celui de saint Bruno, avec la statue en marbre blanc de ce bienheureux ; la nef, dans laquelle le public était admis une fois l’an, séparée du reste par une haute et magnifique grille, toute chargée de dorures.

1587. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

On ne savait si elle descendait au vôtre ou si elle vous élevait au sien, tant il y avait de naturel dans sa personne. » Vous avez lu Chateaubriand, vous venez de lire Lamartine sur le même sujet, en face du même modèle : vous voyez maintenant ce qu’une bienveillance sympathique peut ajouter de perspicacité de coup d’œil et de vérité de couleur, même au génie.

1588. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite et fin.) »

Dans ce dévouement même, il ne mit aucune affectation et ne voulut point y donner une couleur de sacrifice.

1589. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet (suite.) »

Un jour, à Verberie, comme il arrivait, selon son habitude, portant à la main un paquet très sommaire enveloppé dans un mouchoir de couleur, Chabanon qui, de la fenêtre, le voyait venir, lui cria : « L’abbé, tu arrives avec ton bagage ; tu viens donc ici pour trois ans ? 

1590. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Sir Henry Bulwer est un peu doux et poli dans ses appréciations, comme il sied à un Anglais qui a tant vécu dans la haute société française ; mais voici un de ses compatriotes qui est plus haut en couleur et plus mordant : ce jugement parut dans le Morning-Post, à l’époque de la mort de Talleyrand ; je crois qu’il ne déplaira pas à cause de quelques traits caractéristiques qu’on chercherait vainement ailleurs : « Lorsque Talleyrand, nous dit l’informateur anonyme, était ici engagé dans les protocoles, lui qui dormait peu, il avait coutume de mettre sur les dents ses plus jeunes collègues, et nous avons trop bien éprouvé qu’au temps de la quadruple alliance et en plus d’une autre occasion, ses yeux étaient ouverts tandis que lord Palmerston sommeillait.

1591. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN DERNIER MOT sur BENJAMIN CONSTANT. » pp. 275-299

Si jamais on publie ses lettres à cette Julie Talma dont il a tracé un si charmant portrait, je suis certain qu’elles seront charmantes elles-mêmes, et ici elles pourraient avoir, sans mentir en rien, les couleurs de l’attachement continu et du dévouement.

1592. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Jules de Glouvet »

Il s’est trouvé des gens (et j’en connais plus d’un) qui l’ont adorée comme une maîtresse et comme une divinité, passionnément et dévotement ; des fanatiques pour qui le meilleur plaisir ou même le plaisir unique a été le spectacle de la vie de la terre, de ses formes, de ses couleurs, de ses métamorphoses ; des initiés capables de passer une journée au bord de l’eau pour voir l’eau couler, ou sous les bois pour respirer la fraîcheur féconde, pour entendre le bruissement des feuilles et la palpitation des germes et pour boire des yeux toutes les nuances du vert ; capables d’y passer même la nuit pour y surprendre des effets de lune, pour assister à des mystères, pour s’enchanter de la féerie qui se lève dans les taillis aux heurts crépusculaires.

1593. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série «  Paul Bourget  »

quelle puissance de généralisation et à la fois quelle magie de couleur dans l’œuvre de ce poète-logicien !

1594. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Vraiment, en quoi tant de recherches érudites, tant de collections faites par des esprits faibles et sans portée, diffèrent-elles de l’œuvre du curieux qui assemble sur ses cartons des papillons de toutes couleurs ?

1595. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Deuxième partie. Ce qui peut être objet d’étude scientifique dans une œuvre littéraire — Chapitre VIII. La question de gout ce qui reste en dehors de la science » pp. 84-103

Les drames de Victor Hugo sont moins concentrés, moins élégants, moins simples, moins psychologiques que les tragédies de Racine ; ils ont, en revanche, plus de couleur, de mouvement, de vie extérieure.

1596. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVII. Rapports d’une littérature avec les littératures étrangères et avec son propre passé » pp. 444-461

Toute époque teint de ses propres couleurs les hommes d’autrefois ; toute nation accommode et interprète à sa manière les écrivains qui ne sont pas de chez elle.

1597. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Augier a repris les couleurs que sa lymphatique Gabrielle lui avait fait perdre.

1598. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Adrienne Le Couvreur. » pp. 199-220

Vous êtes trop intéressée à sa guérison pour n’y pas travailler avec attention, mais vous l’êtes trop pour y réussir toute seule, et surtout en combattant son goût par autorité ou en me peignant sous des couleurs désavantageuses, fussent-elles véritables.

1599. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Aujourd’hui, par exemple, j’ai une robe de satin gris, parsemée de mouches couleur de rose… Placez une telle femme à son clavecin, chantant un air du Devin du village, ou bien mettez-la à sa table à écrire, ayant en face d’elle la collection rangée des Œuvres de Jean-Jacques et au-dessus le portrait de celui qui est le saint de son oratoire, et vous aurez vu Mme de La Tour.

1600. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Diderot, qui peint à la Rubens, a dit d’elle : « C’est une Flamande, et il y paraît à la peau et aux couleurs.

1601. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Je remarque toujours le goût noble et simple dont cette femme s’habille : c’était, ce jour-là, une étoffe simple, d’une couleur austère, des manches larges, le linge le plus uni et le plus fin, et puis la netteté la plus recherchée de tout côté. » Mme Geoffrin avait alors soixante et un ans.

1602. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Procès de Jeanne d’arc, publiés pour la première fois par M. J. Quicherat. (6 vol. in-8º.) » pp. 399-420

L’auteur, comme toujours, pousse à l’effet, il force les couleurs, il fait grimacer les personnages qui interviennent, il badine hors de propos ; il se fait gai, vif, fringant et pimpant contre nature ; il dramatise, il symbolise.

1603. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Fontenelle, par M. Flourens. (1 vol. in-18. — 1847.) » pp. 314-335

Totalement dénué de la forme poétique idéale supérieure et de cette richesse des sens qui en est d’ordinaire l’accompagnement et l’organe, il parle de la poésie en toute occasion comme ferait son ami La Motte, c’est-à-dire comme un aveugle des couleurs.

1604. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

En disant les mêmes choses que Bonald, Joseph de Maistre est hardi, impétueux, varié ; il semble presque un génie libéral par la verve et la couleur de l’expression ; il a des poussées et des sorties qui déjouent le système ; tandis que l’autre, vigoureux, subtil, profond, roide et strict, s’y renferme invariablement61.

1605. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le Brun-Pindare. » pp. 145-167

Le Brun, comme le peintre David son ami, trempa son pinceau à plaisir dans les couleurs sanglantes et livides.

1606. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Œuvres de Louis XIV. (6 vol. in-8º. — 1808.) » pp. 313-333

Des plumes incarnates et des rubans de la même couleur achevaient sa parure ; mais les beaux traits de son visage, la douceur de ses yeux jointe à leur gravité, la blancheur et la vivacité de son teint, avec ses cheveux qui alors étaient fort blonds, le paraient encore davantage que son habit.

1607. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Paul-Louis Courier. — II. (Suite et fin.) » pp. 341-361

Pour ce qui est de la Cour, toutes les fois qu’il a eu à en parler, il a fait aussi son tableau, un même tableau hideux, d’une seule couleur, gravé et noirci avec soin, sans compensation et sans nuance.

1608. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

Il y avait de l’innovation à la date où cela parut, de la couleur historique, de la simplicité de dialogue et de composition.

1609. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Pour maintenir en masse un mélange de variétés, même aussi voisines que le sont les Pois de senteur (Lathyrus odoratus) de diverses couleurs, il est nécessaire de les récolter chaque année séparément et d’en mêler la semence en proportion convenable ; autrement les essences les plus faibles décroissent rapidement en nombre jusqu’à disparition complète.

1610. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

J’ai cru pourtant devoir les conserver pour laisser au récit sa couleur locale encore qu’il y ait une incohérence apparente à mélanger dans un même conte des expressions ouoloves comme « tiéré »5 et soussou comme « kélé »6.

1611. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre v »

Et Lauterbourg, Niederbronn, Bionville, tout cela sous nos trois couleurs !

1612. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XI : M. Jouffroy moraliste »

Les habitudes de l’homme intérieur, ayant formé le philosophe, formèrent sa philosophie ; son système du monde fut produit par l’état de son âme ; sans le savoir ni le vouloir, il construisit les choses d’après un besoin personnel, Ce genre d’illusion est presque inévitable ; nous ressemblons à ces insectes qui, selon la diversité de la nourriture, filent des cocons de diverses couleurs.

1613. (1902) Propos littéraires. Première série

Il plongeait ses regards dans le vide ; il les emplissait d’espace, de lumière, d’air frissonnant, de lignes superbes, de couleurs merveilleuses. […] Les couleurs changeantes que les jeux de la lumière étendaient sur son glacier, donnaient à la lourde masse un aspect de figure inquiète, que transforment de puissantes émotions. […] Beaucoup moins de largeur, de vaste poésie épique et de couleur ; mais les véritables « mémoires de l’armée de Metz en 1870 » sont là. […] Il y là deux ou trois coins de page qui sont d’un vrai artiste. — Quatre ou cinq pages sur le Transtévère sont aussi d’une bonne couleur forte et solide, et font tableau. […] Nous admirons l’harmonie des couleurs ou l’élégance des lignes ; mais sans nous inquiéter de distinguer la moisson de blé du champ d’avoine, ni les chiens des moutons qu’ils gardent.

1614. (1892) La vie littéraire. Quatrième série pp. -362

Mais ce sont là des sujets infiniment délicats et beaucoup plus difficiles pour moi que la couleur et le tissu du style. […] Et toutes les scènes de l’Évangile sont ainsi teintées de couleur locale et de romantisme. […] C’était un de ces grands sacs d’étoffe grossière, teints de plusieurs couleurs, qui servaient aux voyageurs à serrer les matelas et les couvertures. […] Il a dit lui-même, dans un rythme rare qui lui est cher : Je naquis au bord d’une mer dont la couleur passe En douceur le saphir oriental. […] Quand ils priaient, leur corps s’élevait du sol à plus de dix coudées, et leur visage comme leurs vêtements prenaient une éclatante couleur d’or.

1615. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Ces dernières observations ont ensuite été le point de départ de nouvelles idées qui m’ont guidé pour faire des recherches relatives à la cause chimique du changement de couleur du sang glandulaire pendant la sécrétion. […] Or, en réfléchissant sur ce fait de rutilance du sang, j’essayai de l’interpréter avec les connaissances antérieures que j’avais sur la cause de la couleur du sang, et alors toutes les réflexions suivantes se présentèrent à mon esprit. La couleur rutilante du sang, dis-je, est spéciale au sang artériel et en rapport avec la présence de l’oxygène en forte proportion, tandis que la coloration noire tient à la disparition de l’oxygène et à la présence d’une plus grande proportion d’acide carbonique ; dès lors il me vint à l’idée que l’oxyde de carbone, en faisant persister la couleur rutilante dans le sang veineux, aurait peut-être empêché l’oxygène de se changer en acide carbonique dans les capillaires. […] D’ailleurs cette supposition était en opposition avec la couleur du sang. […] Je recueillis une première observation sur une modification spéciale de la couleur du sang.

1616. (1910) Victor-Marie, comte Hugo pp. 4-265

Ce fin du fin, ce fin profil, ce regard noble, assuré, nullement voyou, ce langage fleuri, ces lèvres amènes, ce veston démocratique mais fin, démocratique mais sobre, démocratique mais sévère, cette barbe bouclée, ardente blonde, flavescente ardescente, flavescente ardente rouge, bien taillée quadrangulaire descendante, diminuée descendante, secrètement rutilante, cette moustache non pas précisément, non pas vulgairement, non pas grossièrement conquérante, mais triomphante royale, presque de même couleur, ce long pantalon sociologue, ces manchettes républicaines, ce fin pli vertical du pantalon„ si également, si équitablement rémunérateur, ce fin parler haut allemand, ce teint de lys et de roses, il y faut renoncer. […] Cet osier flexible, au bout flexible, au bout vimineux, à l’extrémité viminale, à l’extrémité de couleur de plus en plus ardente, de plus en plus de sève et flexible jusqu’au bout ; encore comme tout mouillé intérieurement, dans sa sève même, dans sa sève qu’il garde, de l’eau de la rivière. […] De tous les noms hébreux que Hugo pouvait choisir pour couronner un vers, il faut avouer qu’il n’y en avait certainement aucun qui sonnât aussi bien, aussi beau que Jérimadeth, et surtout qui sonnât aussi hébreu ; qui fût à ce point du temps et du lieu, du pays ; aussi couleur locale et couleur temporelle. […]     Il faudrait avoir en typographie comme en géologie des couleurs pour marquer les différentes couches d’une telle construction, les assises ; la structure ; ce qui est primaire, secondaire, tertiaire ; ce qui est plan et ce qui est courbe ; ce qui est horizontal et ce qui plie ; les courbes de niveau et les courbes de terrain ; les isométries et les planimétries ; ce qui est du roc et ce qui est un humus, un dépôt, une courbe, une tourbe, une vase féconde. […] Nous aussi, à défaut de couleurs, nous avons nos hachures.

1617. (1897) Aspects pp. -215

S’ils ne travaillent plus, ils crèvent cependant que les caméléons du socialisme leur font voit des couleurs. […] Ses livres, ce sont des fresques brutales et barbares ; la couleur y est jetée par paquets, les lignes se renflent et exagèrent les contours ? […] Son style, à larges périodes, très puissant, parfois un peu embarrassé, possède des qualités de couleur tout à fait remarquables. […] Et le Coppée, antique savate d’où jute le patriotisme, aurait certifié que les couleurs du torchon tricolore pâlissaient. […] Quand je les aurai pris, je vérifierai la couleur de leurs ailes, puis je leur rendrai la liberté sans même leur demander leur secret.

1618. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Sans compter que M. de Balzac, esclave de la couleur locale, a cru devoir conserver à ses héros de l’espèce Nucingen leur baragouin et leur accent primitifs, et, pourvu qu’il s’y mêle un ou deux Auvergnats, on a, pendant tout le cours d’un roman de cinq cents pages, des dialogues à porte de vue et de patience, dans le genre de celui-ci : — C’esde fifre ça ! […] Mais ce qui était réservé à M. de Balzac et ce qui peut aider à fixer la valeur de son mysticisme, c’était de trouver, pour peindre cet amour mystique ou platonique, des couleurs d’une nature telle, que ses lecteurs, ses lectrices surtout, dussent en être plus troublés que par de licencieuses images. […] En voici quelques lignes : « Cette belle lady, si svelte, si frêle, cette femme de lait si brisée, si brisable, si douce, d’un front si caressant, couronnée de cheveux de couleur fauve et si fins, cette créature dont l’éclat semble phosphorescent et passager, est une organisation de fer… Son corps ignore la sueur, il aspire le feu dans l’atmosphère, et vit dans l’eau sous peine de ne pas vivre… »« Quelles oppositions avec Clochegourde (le château de madame de Mortsauf) ! […] Métempsycoses druidiques, attitudes sacerdotales, amours éventés, mièvreries familières de vieux lion forçant son talent, fausse naïveté, fausse sensibilité, fausse grandeur, faux éclat, faux esprit, voilà de quoi justifier nos rigueurs envers cette poésie des Contemplations, quand même il ne s’y mêlerait pas mille scories de style, mille superfétations de couleur, une foule de ces végétations parasites qui croissent dans les fentes des monuments en ruines. […] C’est entre ces deux extrêmes qu’est l’histoire vraie ; c’est en tenant un compte égal de ces deux grandes sources d’informations et de renseignements, en prenant à l’une la vivacité, la couleur, la vérité locale et humaine, à l’autre l’intelligence des faits jugés de haut et embrassés dans leur ensemble, que l’on arrive à donner une idée exacte et complète, à la fois sérieuse et attrayante, philosophique et pittoresque, de l’époque que l’on retrace.

1619. (1898) Introduction aux études historiques pp. 17-281

. — On peut examiner s’il y a un caractère commun à toutes les affirmations du document indiquant qu’elles proviennent toutes de gens ayant mêmes préjugés ou mêmes passions : en ce cas la tradition suivie par l’auteur est « colorée » ; la tradition d’Hérodote a une couleur athénienne et une couleur delphique. […] 2° La description même de faits matériels peut être une combinaison personnelle de l’auteur créée dans son imagination, les éléments seuls en sont sûrement réels ; on ne peut donc affirmer que l’existence séparée des éléments irréductibles, forme, matière, couleur, nombre. […] Instinctivement, on apprécie l’importance des faits à la quantité des documents qui en parlent. — On oublie la nature particulière des documents, et, lorsqu’ils sont tous de même provenance, on oublie qu’ils ont fait subir aux faits la même déformation et que leur communauté d’origine rend le contrôle impossible ; on conserve docilement la couleur de la tradition (romaine, orthodoxe, aristocratique). […] Le but est de « faire revivre des coins du passé » en des tableaux dramatiques, artistement fabriqués avec des couleurs et des détails « vrais ». Le vice évident du procédé est que l’on ne donne pas au lecteur le moyen de distinguer entre les parties empruntées à des documents et les parties imaginées, sans compter que la plupart du temps les documents utilisés ne sont pas tous exactement de la même provenance, si bien que, la couleur de chaque pierre étant « vraie », celle de la mosaïque est fausse.

1620. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

Les peintres voyagèrent pour imiter la couleur locale, et étudièrent pour reproduire la couleur morale. […] Et tel était ce large océan et cette côte plus stérile que ses vagues. » Profond sentiment germanique qui, allié à des émotions païennes, a produit sa poésie, poésie panthéiste et pourtant pensive, presque grecque et pourtant anglaise, où la fantaisie joue comme une enfant folle et songeuse avec le magnifique écheveau des formes et des couleurs.

1621. (1899) La parade littéraire (articles de La Plume, 1898-1899) pp. 300-117

Et quand un sourire de toi entre en moi. ce n’est pas le dessin seulement de la couleur de tes lèvres qui se peint sur l’eau fragile de mon âme. […] Il lui faudrait Ismène dont la joue Passe la neige et la couleur rosine Que le matin laisse sur la colline. […] Camille Lemonnier, se fait remarquer par sa puissance, sa fougue et son éclat ; et si nous ne prenions garde de nous attarder à ce jeu quelque peu démodé des parallèles, nous pourrions dire que ce qui charme chez l’un, c’est la délicatesse infinie des nuances, et que ce qui séduit chez le second, c’est la violence admirable de la couleur.

1622. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Marivaux. — I. » pp. 342-363

C’est ici que commence, à proprement parler, le roman : chaque événement va y être détaillé, analysé dans ses moindres circonstances, et la quintessence morale s’ensuivra : « Je ne sais point philosopher, dit Marianne, et je ne m’en soucie guère, car je crois que cela n’apprend rien qu’à discourir. » En attendant et en faisant l’ignorante et la simple, elle va discourir pertinemment sur toutes choses, se regarder de côté tout en agissant et en marchant, avoir des clins d’œil sur elle-même et comme un aparté continuel, dans lequel sa finesse et, si j’ose dire, sa pédanterie couleur de rose lorgnera et décrira avec complaisance son ingénuité.

1623. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

Necker présente quelques couleurs odieuses, et qu’on s’étonne de trouver sous la plume de M. de Meilhan : mais n’est-ce pas lui qui a écrit : « On dit souvent que ceux qui savent bien haïr savent bien aimer, comme si ces deux sentiments avaient le même principe.

1624. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — II » pp. 112-130

Le fait est que son frère s’étant dégoûté de cette place, et ayant obtenu l’intendance de Paris qui était un motif de congé, avait engagé son aîné à s’en accommoder à son défaut et nullement à son détriment : ce qui n’empêcha point qu’il n’y laissât ensuite donner une fausse couleur.

1625. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Apollon, pour faire valoir Amour, s’attache à dépeindre sous les plus laides couleurs celui qui y reste étranger et insensible.

1626. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

Au Caire, il a le cœur tout gros de fâcheuses réflexions en visitant le marché à esclaves, cet odieux marché, dit-il, « où de petits négrillons mâles et femelles sont par paquets rassemblés sur un mauvais carré de toile comme des pommes à cinq pour un sou, sans compter les hommes et les femmes de toutes couleurs qu’on tient dans des trous tout autour de cet infâme lieu, où, comme des rois, d’infâmes voleurs trafiquent de la chair humaine. » Mais, au sortir de là, c’est bien pis quand il entre dans la mosquée des fous, dont il décrit le spectacle horrible : « Figure-toi une cour de quarante pieds carrés, environnée de murailles prodigieuses de hauteur, qui laissent à peine entrer le jour ; dans l’angle, une petite porte de trois pieds de haut, barricadée de chaînes à travers lesquelles on passe avec peine.

1627. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

Son grand-père fut obligé de lui dire : « Tu l’auras quand je serai mort. » On rapporte cet autre mot très-probable du vieil empereur à la reine Éléonore : « Il me semble qu’il est très-turbulent ; ses manières et son humeur ne me plaisent guère ; je ne sais ce qu’il pourra devenir un jour. » Son gouverneur, don Garcia de Tolède, dans une lettre à l’empereur où il rend compte du régime et de l’éducation du prince, le montre en bonne santé à cet âge, « quoique n’ayant pas bonne couleur », peu avancé dans ses études, s’y livrant de mauvaise grâce ainsi qu’aux exercices du corps qui forment le cavalier et le gentilhomme, ne faisant rien en aucun genre que par l’appât d’une récompense, et en tout « très évaporé. » On insista beaucoup auprès de Charles-Quint, retiré à Yuste, pour qu’il y laissât venir quelque temps le jeune prince ; on espérait que l’autorité de l’aïeul aurait quelque influence sur lui pour le réformer et l’exciter.

1628. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Madame Roland, ses lettres à Buzot. Ses Mémoires. »

Ses couleurs étaient ravissantes, et elle avait le sourire sur les lèvres.

1629. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Deux nuits entières il lutta, les mains jointes, contre cette vision ; elle disparut enfin et le laissa meurtri, brisé, mais saintement humilié et persuadé qu’il avait choisi la bonne part13. » Voilà des miracles de la littérature exquise, de celle qui ne brille que par l’étendue et la rapidité des aperçus, la justesse heureuse des touches, les ménagements et le choix des couleurs et du langage.

1630. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

Ces pages-là, si vraies de couleur et de sentiment, sont surtout belles par la philosophie élevée ou elles aboutissent : cela commence par l’aquarelle et finit par le rayon d’Emmaüs.

1631. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Les différentes formes du mauvais goût, les modes bigarrées, les bruyantes écoles, y ont passé ; les fausses couleurs y ont fait torrent.

1632. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Scribe a toujours faits de l’histoire à la scène, lui donnent un trait d’exception de plus entre les autres auteurs plus ou moins dramatiques du jour, dont la prétention et la marotte sont d’observer la couleur dite locale, et de rester fidèles à l’époque.

1633. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

En procédant toujours par des faits précis plutôt que par développement rationnel ou effusion oratoire, et plutôt en traits qu’en couleurs, l’historien s’élève avec son sujet, et, à l’heure de l’immense catastrophe où la société s’abîme, il atteint à une véritable éloquence dans la forte étude qu’il nous ouvre de Grégoire de Tours, cet Hérodote de la barbarie.

1634. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Ces époques, en elles-mêmes si ingrates et si obscures, sont devenues désormais comme un champ-clos brillant où non-seulement les érudits, mais des écrivains éloquents, arborent leurs couleurs et brisent des lances.

1635. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Pierre Corneille »

Il y a peu de peinture et de couleur dans le style de Corneille ; il est chaud plutôt qu’éclatant ; il tourne volontiers à l’abstrait, et l’imagination y cède à la pensée et au raisonnement.

1636. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard, qui est peut-être choqué de ces deux duretés autant que nous, n’a pas besoin à son tour, pour nous toucher, de recourir aux couleurs outrées ni aux contrastes.

1637. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

C’est un étrange défilé de gens de toute nation, de tout costume, de toute couleur, qui viennent déposer en faveur de la raison.

1638. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Le doux esprit de cette princesse, ce parfum de délicatesse et de bonté dans des écrits plus aimables qu’éclatants, ces couleurs agréablement mélangées plutôt que vives, ces charmantes perfections dans un second rang, n’est-ce pas le genre de beauté de la marguerite ?

1639. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes décadents » pp. 63-99

Baju avait pour collègue notamment Théodore Chèze qui, dans un livre amer, L’Instituteur, a dit les rancœurs de sa profession, et le peintre Aimé Pinault, qui a publié des études remarquées sur la perspective et la théorie des couleurs.

1640. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

. — Mais le droit et la littérature ne se teignent pas seulement des mêmes couleurs sous l’influence des mêmes causes : ils agissent et réagissent l’un sur l’autre.

1641. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Il convient surtout d’analyser la couleur particulière à chacun des divers centres de réunion qui se sont, tour à tour ou simultanément, formés ou désagrégés.

1642. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Une chapelle bâtie et ornée à leur gré ressemble à une salle de théâtre, tant le bariolage des couleurs, l’éclat des marbres et des dorures, la profusion des statues sont calculés pour frapper et éblouir les yeux !

1643. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

La couleur dominante s’atténue peu à peu et, par une série d’insensibles transitions, il se trouve, au bout de quelque temps, que telle nuance effacée a pris la place et l’éclat de celle qui éblouissait les regards.

1644. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

Madame de Genlis parle aussi de l’élégance de madame de Maintenon dans son costume. « Toujours vêtue avec la même simplicité, ne quittant presque jamais sa modeste couleur favorite, la feuille morte, son costume était cependant d’une élégance particulière (historique).

1645. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

Ceci est ressemblant, tenez-vous-en pour sûr, autant que le portrait d’Hersent, où elle a cette écharpe bleu clair couleur de ses yeux. » C’est ainsi qu’elle est longtemps restée dans l’idée de ceux qui l’ont vue sous le rayon.

1646. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Énumérant toutes les jeunes personnes qu’elle-même avait à sa suite : « Nous étions toutes vêtues de couleur, dit-elle, sur de belles haquenées richement caparaçonnées ; et, pour se garantir du soleil, chacune avait un chapeau garni de quantité de plumes. » Cela nous la peint déjà, fière et de haute mine, grande pour son âge, ayant gardé du panache de son aïeul Henri IV toutes les plumes.

1647. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mirabeau et Sophie. — II. (Lettres écrites du donjon de Vincennes.) » pp. 29-50

Elles ont, pour la plupart, le faux goût, le faux ton exalté du moment, les fausses couleurs ;·le Marmontel et le Fragonard s’y mêlent, et, bien qu’exprimant un sentiment véritable, elles sont plus faites aujourd’hui pour exciter le sourire que l’émotion.

1648. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Il portait un habit de ville dont les boutons, en pierre de couleur, étaient d’une grandeur démesurée, des boucles de souliers également très grandes.

1649. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Mademoiselle de Scudéry. » pp. 121-143

Elle analyse tout, elle disserte sur tout, sur les parfums, sur les plaisirs, sur les désirs, sur les qualités et les vertus ; une fois même, elle fera des observations presque en physicienne et en naturaliste sur la couleur des ailes et le vol des papillons.

1650. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Voilà l’inépuisable mine dans laquelle il trouve ses preuves, ses comparaisons, ses exemples, ses transitions et ses images… Il fond si bien les pensées de l’Écriture avec les siennes, qu’on croirait qu’il les crée ou du moins qu’elles ont été conçues exprès pour l’usage qu’il en fait… Tout, en effet, dans un sermon, doit être tiré de l’Écriture, ou du moins avoir la couleur des livres saints ; c’est le vœu de la religion, c’est même le précepte du bon goût.

1651. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. Anecdotes. » pp. 123-144

Nous sommes devenus difficiles et de haut goût ; nous aimons les choses fortes, fortes en couleur, sinon en nature et en sentiment.

1652. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — II. (Fin.) » pp. 411-433

Voici donc un tableau général et en raccourci de l’aspect et du sol des États-Unis à la date où Volney les a visités, en 1797 ; pas un mot n’est à perdre ni à négliger : Telle est, en résumé, dit-il, la physionomie générale du territoire des États-Unis : une forêt continentale presque universelle ; cinq grands lacs au nord ; à l’ouest, de vastes prairies ; dans le centre, une chaîne de montagnes dont les sillons courent parallèlement au rivage de la mer, à une distance de 20 à 50 lieues, versant à l’est et à l’ouest des fleuves d’un cours plus long, d’un lit plus large, d’un volume d’eau plus considérable que dans notre Europe ; la plupart de ces fleuves ayant des cascades ou chutes depuis 20 jusqu’à 140 pieds de hauteur, des embouchures spacieuses comme des golfes ; dans les plages du Sud, des marécages continus pendant plus de 100 lieues ; dans les parties du Nord, des neiges pendant quatre et cinq mois de l’année ; sur une côte de 300 lieues, dix à douze villes toutes construites en briques ou en planches peintes de diverses couleurs, contenant depuis 10 jusqu’à 60 000 âmes ; autour de ces villes, des fermes bâties de troncs d’arbres, environnées de quelques champs de blé, de tabac ou de maïs, couverts encore la plupart de troncs d’arbres debout, brûlés ou écorcés ; ces champs séparés par des barrières de branches d’arbres au lieu de haies ; ces maisons et ces champs encaissés, pour ainsi dire, dans les massifs de la forêt qui les englobe ; diminuant de nombre et d’étendue à mesure qu’ils s’y avancent, et finissant par n’y paraître du haut de quelques sommets que de petits carrés d’échiquier bruns ou jaunâtres, inscrits dans un fond de verdure : ajoutez un ciel capricieux et bourru, un air tour à tour très humide ou très sec, très brumeux ou très serein, très chaud ou très froid, si variable qu’un même jour offrira les frimas de Norvège, le soleil d’Afrique, les quatre saisons de l’année ; et vous aurez le tableau physique et sommaire des États-Unis.

1653. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre sixième. La volonté — Chapitre premier. Existence de la volonté »

Nous croyons que le vert est réellement sur l’herbe, l’azur sur le firmament, les sept couleurs dans l’arc-en-ciel.

1654. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Je ne sais si je m’explique clairement ; le volume a pour titre : Album poétique ou la Nature et l’Homme et il a été publié à Cap-Haïtien par un magistrat de couleur, M. 

1655. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Le décor est ce vague pays du lied allemand, plus indéterminé que la Sicile ou la Bohème de Shakespeare, un pays bleu où les fleurs murmurent, où les oiseaux ne chantent que pour réjouir ou contrister l’âme des amoureux, où le ciel est couleur de leur humeur.

1656. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Vous voici dans le resplendissant jardin des Muses où s’épanouissent en tumulte et en foule à toutes les branches ces divines éclosions de l’esprit que les grecs appelaient Tropes, partout l’image idée, partout la pensée fleur, partout les fruits, les figures, les pommes d’or, les parfums, les couleurs, les rayons, les strophes, les merveilles, ne touchez à rien, soyez discret.

1657. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre II. Shakespeare — Son œuvre. Les points culminants »

Ces hommes ont blessé le genre humain dans ses génies ; ces misérables mains gardent à jamais la couleur de la poignée de boue qu’elles ont jetée.

1658. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Tous ces motifs sophistiques ont toujours été les jeux et les couleurs de la passion complaisante.

1659. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Mais puisque le poëte ne sçauroit faire faire cette besogne par d’autres, comme le peintre fait broyer ses couleurs, il nous convient d’en parler.

1660. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Une citation des deux frères était placée en exergue : « La parole, le son, la couleur, la forme, la ligne sont des moyens d’expression.

1661. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

On n’alla pas jusqu’à nier, de ressentiment, son talent, sa capacité, son érudition, mais tout cela manquait — disait-on et même croyait-on — de couleur, de vie, de charme, oh !

1662. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Il s’en tient aux superficies de la tradition, mais avec quel pinceau et quelle couleur il sait les reproduire !

1663. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — La rentrée dans l’ordre »

La rentrée dans l’ordre Lorsqu’une plante, dont une lourde pierre foulait la tige, se trouve délivrée de son fardeau, nous assistons au plus touchant des spectacles : peu à peu l’humble tige, qui semblait pour toujours perdue, se redresse, reprend de la vigueur et de la couleur, s’élève peu à peu, grâce à l’air libre, jusqu’à la vie normale.

1664. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre II. Réalité des idées égalitaires »

. — Tant il est vrai que sous les couleurs diverses des politiques et des morales, un même fond d’idées sociales transparaît.

1665. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

C’est ainsi, d’abord, que l’extension des cercles qui nous réunissent doit nous aider à embrasser l’idée qu’il existe une humanité dont tous, quelle que soit notre origine, notre couleur, notre situation, nous sommes également les représentants.

1666. (1829) Tableau de la littérature du moyen âge pp. 1-332

Les vieux monuments en langue espagnole montrent seuls à nu et avec une admirable vivacité de couleur cette vie chrétienne du moyen âge entremêlée à la vie arabe, cette ardeur religieuse, et en même temps cette tolérance née d’une sorte de générosité chevaleresque, et qui céda plus tard à la cruauté politique. […] Ces faits, volontairement écoutés, vous concevez sans peine combien la poésie des troubadours les embellissait et les animait de couleurs variées et nouvelles. […] Ils avaient involontairement communiqué à leurs récits quelque chose de la quiétude et du calme de la vie monastique ; et les historiens officiels de la monarchie absolue ajoutèrent, plus tard, à ces fausses couleurs, un ton d’étiquette et de gravité. […] Ce discours, ce récit mettent certainement les choses sous les yeux avec une vérité de couleur que nul art moderne ne saurait atteindre. […] De nos jours, un poëte d’un rare talent, et dont le talent est souvent attaqué, a jeté les vives couleurs de son style sur les souvenirs du moyen âge ; il s’est plu aux armoiries, aux combats, aux usages de ce vieux temps ; il en a blasonné ses vers.

1667. (1929) La société des grands esprits

Ne célébrait-il pas, dans Marius l’Épicurien, le « voyant pour qui les formes et les couleurs constituent la révélation... » ? […] « La couleur du Sanzio est tout autre que celle de Rembrandt, mais elle est précisément celle que réclame son inspiration. […] Autrement dit, la peinture ne serait que dessin et couleur, la musique que sonorité savante et agréable, la poésie résiderait uniquement dans le rythme et l’arrangement euphonique des mots. […] La poésie a ou peut avoir sa forme, sa couleur, sa musique propre. […] Quelle orgie de couleurs et de sonorités !

1668. (1901) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Deuxième série

Devant les hommes, peut être, si aisément dupes d’eux-mêmes et d’autrui, mon plaidoyer sauve les apparences ; mais j’avoue et confesse que, devant le Juge qui ne se paie pas de fausses couleurs, mon faible pour un livre de combat dont il vaudrait mieux, déplorer l’occasion qui l’a fait naître et souhaiter qu’il n’existât point, est le comble de l’égoïsme et de la vanité. […] Car si, voulant louer une tête puissante de Roybet, je disais, avec les badauds, qu’« elle sort du cadre » Je ferais de la peine à mon ami Smith, l’excellent artiste bordelais, qui soutient qu’un tableau ne doit jamais être une pure reproduction, si frappante soit-elle, de la réalité, mais une certaine interprétation de la nature, en même temps qu’un, concert de lumière et de couleurs où rien ne se détache du reste en un relief trop fort, où tout s’harmonise au contraire dans l’ensemble et se fonde délicieusement. […] Schopenhauer a illustré cette belle pensée des vives et fortes couleurs dont son imagination est coutumière : Le génie est à lui-même sa propre récompense ; car ce que chacun est de meilleur, il doit nécessairement l’être pour soi-même. […] Pourquoi certains hommes vivent-ils repliés sur eux-mêmes, enclins à la réflexion intime ou à la spéculation abstraite, et si peu attentifs aux choses extérieures que vous les voyez hésitants, incapables de répondre quand vous leur demandez le dessin ou la couleur du papier de leur salle à manger ? […] Nous faisons mieux encore : afin d’être d’abord compris, nous visons à l’ordre lumineux du discours, à la propriété rigoureuse des termes, à la clarté parfaite de l’expression ; afin de ne pas ennuyer le lecteur, nous faisons des économies savantes de mots ; afin d’animer les abstractions et d’avoir accès dans les intelligences par des idées sensibles, nous piochons consciencieusement la couleur, nous cultivons l’image et le trait.

1669. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

Mais, si ces mots expriment en même temps des idées ou des sentiments, peut-on les traiter comme on fait des couleurs ou des formes ? […] Il faut peindre avec des couleurs vraies comme les anciens, mais il ne faut pas peindre les mêmes choses. […] Après la distinction des époques et l’art de la traduire, c’est lui qui nous a enseigné la différence des lieux, en même temps qu’il nous apprenait les moyens de la rendre ; Que peut-être un excès de couleur et d’exotisme s’y mêle ; qu’il y ait trop de « micocouliers » dans son œuvre, et aussi trop de « rose », trop de « bleu », trop de « vert » ; que, comme tous les virtuoses, il se soit complu à faire étalage et parade de son talent, ce n’est pas aujourd’hui le point. […] Je ne vous rappelle que pour mémoire ces Lettres sur l’Histoire de France, où, dès 1820, en essayant de distinguer et de caractériser les époques de l’histoire nationale, de leur rendre à chacune sa physionomie, sa couleur, son accent individuel, Augustin Thierry, sur les traces de Chateaubriand, avait fait rentrer, pour ainsi dire, la vie avec le sang, dans cette chose morte qui était l’histoire de France d’Anquetil ou de Velly. […] Est-il grand, haut en couleur, est-il bien équilibré, comme Buffon, ou, au contraire, comme Pope, est-il malingre, chétif et contrefait ?

1670. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Malherbe »

La langue poétique gagna pourtant à l’effort ; elle y acquit une habitude plus élevée, plus d’images, plus de couleur ; les ardeurs de Ronsard laissaient une belle trace. […] André Chénier, qui admire ce tableau de la paix, plein et achevé, renvoie à cet autre tableau qu’en a tracé Tibulle, d’une couleur moins forte, également vrai et parfait dans son genre : Interea Pax arva colat.

1671. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

« Quand j’aurai chanté en moi-même et pour quelques âmes musicales comme la mienne, qui évaporent ainsi le trop-plein de leur calice avant l’heure des grands soleils, je passerai ma plume rêveuse à d’autres plus jeunes et plus véritablement doués que moi ; je chercherai dans les événements passés ou contemporains un sujet d’histoire, le plus vaste, le plus philosophique, le plus dramatique, le plus tragique de tous les sujets que je pourrai trouver dans le temps, et j’écrirai en prose, plus solide et plus usuelle, cette histoire, dans le style qui se rapprochera le plus, selon mes forces, du style métallique, nerveux, profond, pittoresque, palpitant de sensibilité, plein de sens, éclatant d’images, palpable de relief, sobre mais chaud de couleurs, jamais déclamatoire et toujours pensé ; autant dire, si je le peux, dans le style de Tacite ; de Tacite, ce philosophe, ce poète, ce sculpteur, ce peintre, cet homme d’État des historiens, homme plus grand que l’homme, toujours au niveau de ce qu’il raconte, toujours supérieur à ce qu’il juge, porte-voix de la Providence qui n’affaiblit pas l’accent de la conscience dont il est l’organe, qui ne laisse aucune vertu au-dessus de son admiration, aucun forfait au-dessous de sa colère ; Tacite, le grand justicier du monde romain, qui supplée seul la vengeance des dieux, quand cette justice dort ! […] Homère, dont la poésie divine n’est que le bon sens en relief, illustré par le génie du langage et de la couleur, aurait évidemment bien gouverné plus de peuples que les rêveries prosaïques de Platon n’en auraient corrompu et anarchisé.

1672. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Et cette familiarité n’est jamais plate ; cela est ailé, fluide, et, d’autres fois, d’une couleur délicieuse. […] C’est d’abord une matinée de Barras, avec beaucoup, presque trop de « couleur locale » et de détails anecdotiques artificieusement enfilés.

1673. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

La seule expérimentation, ici, est celle dont le romancier lui-même est le sujet, et qui permet aux lecteurs de dire qu’il a le cerveau fait de telle ou de telle manière, des yeux qui voient de telle ou telle couleur. […] En étendant, à la façon moderne, l’étude psychologique aux études physiologiques et aux études de milieux, le romancier a donné plus de couleur à sa peinture de l’âme humaine.

1674. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Joyeuse se prend à songer, et tout à coup le colosse… est très surpris de voir ce petit homme changer de couleur et le regarder en grinçant des dents avec des yeux féroces… En ce moment, M.  […] Nous ne tenons pas pour authentique le Théagès, dont l’auteur s’est emparé de ce mot […], et en a abusé pour donner à son récit plus de couleur et un caractère plus merveilleux ; mais le texte de l’Apologie l’autorisait du moins à s’en servir.

1675. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Mais aussi personne n’a soutenu que nous fussions libres, dans des conditions données, d’entendre telle note ou d’apercevoir telle couleur qu’il nous plaira. […] Bref, on dépouillera la matière des qualités concrètes dont nos sens la revêtent, couleur, chaleur, résistance, pesanteur même, et l’on se trouvera enfin en présence de l’étendue homogène, de l’espace sans corps.

1676. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Je n’y ai trouvé à remarquer, comme ton de l’époque, comme couleur du paysage familier aux héroïnes de quatorze ans, que ces paroles de Nanine : « Je parvins hier matin à aller au tombeau ; j’y versai un torrent de ces larmes précieuses que le sentiment et la douleur fournissent aux malheureux de mon espèce. […] Les trois nouvelles, publiées en 95, et composées dix ans auparavant, Mirza, Adélaide et Théodore, Pauline, ont tout à fait la même couleur que Sophie, et leur prose facile les rend plus attachantes. […] Voici quelques traits de celui de Zulmé par M. de Guibert : « Zulmé n’a que vingt ans, et elle est la prêtresse la plus célèbre d’Apollon ; elle est celle dont l’encens lui est le plus agréable, dont les hymnes lui sont les plus chers… Ses grands yeux noirs étincelaient de génie, ses cheveux de couleur d’ébène retombaient sur ses épaules en boucles ondoyantes ; ses traits étaient plutôt prononcés que délicats, on y sentait quelque chose au-dessus de la destinée de son sexe… » J’ai eu moi-même sous les yeux un portrait peint de Mlle Necker, toute jeune personne ; c’est bien ainsi : cheveux épars et légèrement bouffants, l’œil confiant et baigné de clarté, le front haut, la lèvre entr’ouverte et parlante, modérément épaisse en signe d’intelligence et de bonté ; le teint animé par le sentiment ; le cou, les bras nus, un costume léger, un ruban qui flotte à la ceinture, le sein respirant à pleine haleine ; telle pouvait être la Sophie de l’Emile, tel l’auteur des Lettres sur Jean-Jacques, accompagnant l’admirable guide en son Élysée, s’excitant de chacun de ses pas, allant, revenant sans cesse, tantôt à côté et quelquefois en avant.

1677. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre VI. Milton. » pp. 411-519

Que Shakspeare et les poëtes nerveux rassemblent un tableau dans le raccourci d’une expression fuyante, brisent leurs métaphores par de nouvelles métaphores, et fassent apparaître coup sur coup dans la même phrase la même idée sous cinq ou six vêtements ; la brusque allure de leur imagination ailée autorise ou explique ces couleurs changeantes et ces entre-croisements d’éclairs. […] Il prenait leur mythologie, leurs allégories, parfois leurs concetti487, et retrouvait leur riche coloris, leur magnifique sentiment de la nature vivante, leur inépuisable admiration des formes et des couleurs. […] Placé par le hasard entre deux âges, il participe à leurs deux natures, comme un fleuve qui, coulant entre deux terres différentes, se teint de leurs deux couleurs.

1678. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff » pp. 237-315

Son talent, neuf, original et délicat, quoique précis, répand sur ses descriptions et sur ses récits des formes et des couleurs qu’aucun artifice de composition n’aurait pu inventer. […] En été comme en hiver, il portait un paletot-sac en drap bronzé, avec de grandes poches entrebâillées sur les côtés. « J’aime cette couleur de bronze, disait-il, parce qu’elle n’est pas salissante » ; mais le drap qu’elle décorait était bel et bien taché. […] Il portait un pardessus dont la couleur noire se détachait sur un pantalon d’une nuance claire, une cravate noire, un gilet noir, des gants gris glacés ; à l’une des boutonnières de son gilet était suspendue une petite chaîne en or qui retombait dans une poche de côté, et de son habit et de son linge frais s’exhalait un doux arôme.

1679. (1907) L’évolution créatrice « Chapitre I. De l’évolution de la vie. Mécanisme et finalité »

Où il y a une fluidité de nuances fuyantes qui empiètent les unes sur les autres, elle aperçoit des couleurs tranchées, et pour ainsi dire solides, qui se juxtaposent comme les pertes variées d’un collier : force lui est de supposer alors un fil, non moins solide, qui retiendrait les perles ensemble. […] Le portrait achevé s’explique par la physionomie du modèle, par la nature de l’artiste, par les couleurs délayées sur la palette ; mais, même avec la connaissance de ce qui l’explique, personne, pas même l’artiste, n’eût pu prévoir exactement ce que serait le portrait, car le prédire eût été le produire avant qu’il fût produit, hypothèse absurde qui se détruit elle-même. […] Or, est-ce dans le premier sens qu’on prend le mot cause quand on dit que la salure de l’eau est cause des transformations de l’Artemia, ou que le degré de température détermine la couleur et les dessins des ailes que prendra une certaine chrysalide en devenant papillon ?

1680. (1923) Critique et conférences (Œuvres posthumes II)

Qu’on n’aille pourtant pas inférer de là que le Livre de Jade, sous couleur chinoise, est ce que l’on convient d’appeler « un livre parisien. » Il n’est, au contraire, pas possible d’être plus Chinois, dans l’acceptation finement excentrique et poétiquement précieuse du mot, que l’auteur ou le traducteur de ce délicieux ouvrage. […] On voit tout ce qui peut surprendre : Des hommes de toutes couleurs, Des oiseaux qui se laissent prendre Avec la main comme des fleurs. […] Qui n’a lu avec vertige et enchantement ce superbe chapitre des Misérables, l’année 1817, sorte de danse macabre d’événements déjà si loin et pourtant si près encore de nous, et qu’un Holbein plus génial que le vieil Holbein peignait d’une brosse si vigoureuse et de couleurs si ardentes, sur l’indestructible mur d’enceinte de son immense épopée ?

1681. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

L’aigle avec les couleurs nationales volera de clocher en clocher jusqu’aux tours de Notre Dame. » Cela doit se mesurer à son effet sur les « populations » et alors c’est grand comme cet espace de la carte de France que Michelet dans le Tableau voit se dérouler du haut du Jura. […] Rien de plus transparent que ce poème biblique, dont le début est d’une étonnante couleur orientale — sur la trahison de Marie Dorval. […] Rien de plus raisonnable, de plus sage, que son idée de l’ode, et son ambition, qui est d’un grand disciple : « Il a pensé que si l’on plaçait le mouvement de l’ode dans les idées plutôt que dans les mots, si, de plus, on en asseyait la composition sur une idée fondamentale quelconque qui fût appropriée au sujet, et dont le développement s’appuyât dans toutes ses parties sur le développement de l’événement qu’elle raconterait, en substituant aux couleurs usées et fausses de la mythologie païenne les couleurs neuves et vraies de la théogonie chrétienne, on pourrait jeter dans l’ode quelque chose de l’intérêt du drame, et lui faire parler en outre ce langage austère, consolant et religieux dont a besoin une vieille société qui sort encore toute chancelante des saturnales de l’athéisme et de l’anarchie. » Ces lignes de la préface de 1822 sont parfaitement lucides.

1682. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

D’avoir peint la vie sous des couleurs souvent si funestes, il n’en a pas moins des yeux ravis, une voix chaleureuse et les cheveux blancs sur cette tête, ce n’est pas le casque du temps ! […] À chacune d’elles il assignait une couleur particulière, et c’est ce jour-là que le mot « détourné de son devoir de signifier, naquit à une existence concrète ». […] Dans Fond de Cantine 124, Drieu jeta son adieu à la guerre ; il y développa ses thèmes, leur donnant, sinon de la couleur et du pittoresque, un tremblement et de l’ampleur, une angoisse plus accablante. […] Normalien, et n’ayant que trois jours, à Janson, fait fonction de professeur, ayant délaissé la rue d’Ulm et « les soixante bustes des grands hommes qui surent le mieux observer, Lavoisier, Cuvier ou Chevreul… », le voici pourvu d’une bourse de voyage ; on le retrouve à Munich, « ville avec des tramways bleus, des lions bouclés sur chaque borne et dont un large torrent, couleur d’absinthe, longe les musées »,à Berlin, à Heidelberg où, délaissant un mémoire sur les odes pindariques, il s’essaie à des descriptions sentimentales où pour la première et la dernière fois, il emploiera des expressions réalistes.

1683. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Barbier, en assombrissant les couleurs de sa pensée, a obéi à la nature du modèle qui posait devant lui ; il a été logique dans sa diversité. […] Pour donner à son livre une couleur historique, M.  […] Si la forme et la couleur, en traduisant le modèle humain, sont obligées, non pas de le reproduire, mais de l’expliquer en l’agrandissant, de le rendre intelligible tantôt en exagérant, tantôt en effaçant certaines parties, la parole, en se proposant une tâche analogue, ne peut se soustraire aux conditions que nous venons d’énoncer. […] Une fois résolu à chercher dans l’antithèse la source de toutes les émotions, sans se demander si l’antithèse a jamais ému personne, il devait se laisser entraîner vers l’antithèse la plus facile, c’est-à-dire vers le contraste des couleurs, vers la bure et la soie, la serge et le velours, les ténèbres de la prison et les palais illuminés. […] Il a disposé de la couleur et du mouvement avec une largesse toute royale.

1684. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Et, en effet, pour lui, bien différent d’un tel rustre, nulle part il ne se sentait plus à l’aise, ni mieux inspiré qu’au milieu du mouvement, de l’agitation, du tourbillon des élégances mondaines et des plaisirs aristocratiques ; à Saint-Ange, chez les Caumartin, à Vaux-Villars, chez la plus séduisante et la plus coquette des maréchales ; à la table des grands seigneurs et des rois philosophes ; dans la libre et nombreuse intimité des actrices à la mode ou des grandes favorites, roulant avec le torrent des courtisans dans les galeries de Versailles ou de Fontainebleau « comme un petit pois vert, nous dit Piron, dans son style haut en couleur comme un cru de Bourgogne, comme un petit pois vert à travers des flots de Jean Fesse149 » ; ou bien encore, aux jours de première représentation, quand il allait, comme le Gabriel Triaquero du roman de Lesage, « de loge en loge, présenter modestement sa tête aux lauriers dont les seigneurs et les dames s’apprêtaient à la couronner150 ». […] Et ainsi, tandis que les prosateurs, maintenant leur attention fixée sur le détail, perdent le sentiment de la ligne, les poètes, qui ne regardent plus au-delà de l’horizon des salons, perdent le sentiment de la couleur. […] Pour faire représenter la pièce, il fallut la protéger par des baïonnettes261. » Quatre ans plus tard, le Tippoo Sahib de M. de Jouy donnera le double scandale d’un sujet tragique emprunté à des événements presque contemporains et d’une recherche de ce que nous avons depuis appelé la « couleur locale », d’autant plus téméraire que M. de Jouy a vu l’Inde, connu Tippoo Saïb, et même combattu sous ses ordres. […] Ils ont pu les vanter, ils ont pu s’en servir ; toutefois ils n’ont guère emprunté de l’Angleterre, de l’Allemagne ou de l’Espagne que des couleurs pour leur palette et des motifs d’inspiration, des effets de style et des procédés de composition. […] Joignez-y cette invention de génie d’une prose nouvelle, capable de rivaliser avec la poésie non seulement d’éclat et de couleur, mais de nombre et d’harmonie.

1685. (1882) Hommes et dieux. Études d’histoire et de littérature

Je puis cependant la voir et la montrer aux autres en tous lieux, mais toutefois moins distinctement qu’en France. » Tel qu’il est, tel qu’il s’est peint de couleurs bilieuses et sanglantes, on l’aime et on l’admire ce bravo de génie. […] Quand le roi visita Lyon, avec la reine, à son retour d’Italie, la ville lui donna un ballet représentant la « Chasse de Diane », qui n’était que l’apothéose éclatante de la favorite. « Mme de Valentinois, — dit Brantôme, — que le roy servoit, au nom de laquelle cette chasse se faisoit, en fut très contente, et depuis en aima fort toute sa vie la ville de Lyon. » Au tournoi où Henri II tomba sous le coup de lance de Montgommery, — Diane avait alors soixante ans, — il portait encore ses couleurs. […] Mais ce sont des traits à emporter l’âme, des arabesques d’une richesse féerique, des phrases qui pleurent, comme si des voix de femmes se lamentaient entre les planchettes couleur d’or de l’instrument enchanté, des passages d’une soudaineté enthousiaste, qui tantôt enlèvent l’imagination en plein ciel et tantôt l’enfoncent dans les entrailles de la terre. — Je me souviens d’avoir entendu la Marche de Rakocy par un virtuose formé à leur école. […] Don Juan a déroulé des noms de toutes les couleurs, sur sa liste cosmopolite : il y en a même écrits de droite à gauche, à l’encre de Chine. […] La mère jure de tailler à son fils un gilet rouge dans la chemise sanglante de son père, pour qu’il porte, jusqu’à ce qu’il l’ait vengé, les couleurs du meurtre.

1686. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — II. (Suite.) » pp. 346-370

Et elle se justifie aussi sur les obscurités qu’on lui a reprochées ; puis elle revient au point essentiel et qui la pique : Mais je crois que l’ouvrage ne manque pas de style, c’est-à-dire de vie et de couleur, et qu’il y a, dans ce qu’on peut remarquer, autant d’expressions que d’idées… En vérité, ajoute-t-elle, comme pour s’excuser de sa louange, je me crois sûre que l’auteur et moi nous sommes deux ; femme jeune et sensible, ce n’est pas encore dans l’amour-propre qu’on vit.

1687. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — II. (Fin.) » pp. 98-121

Nous sommes comme Froissart ; cette variété de couleurs et de mouvement dans la plaine amuse la vue en attendant.

1688. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Mais ces imaginations trop confinées au seuil domestique, rétrécies d’horizon, qui n’avaient quasi rien vu qu’à travers les vitres d’une étude et en sortant des dossiers, prenaient aisément le change sur les couleurs, sur les tableaux, sur la matière et l’exécution de la poésie.

1689. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Les premières descriptions ou les premiers aperçus que M. de Tocqueville donne à ses parents et amis n’ont rien de sensiblement pittoresque : c’est judicieux, graduel, avec une part de réflexion toujours et des commencements de considérations ; même quand il nous décrit le pays neuf, les luttes de l’homme avec les forêts, les grands lacs, il n’a pas de bien vives couleurs ; la palette proprement dite, et comme nous l’entendons aujourd’hui, est absente.

1690. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [IV] »

Il est l’un de ceux qui seront le plus écoutés et comptés lorsque se fera l’histoire militaire critique définitive du premier Empire et de Napoléon ; car, malgré les larges et admirables pages publiées de nos jours et que nous savons, cette histoire, dépouillée de toute affection et couleur sentimentale quelconque, dégagée de tout parti pris d’admiration comme de dénigrement, ne me paraît pas écrite encore.

1691. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres mêlées de Saint-Évremond »

Il lui demande plus de vérité, de vraisemblance historique, d’observer le caractère des nations, de tenir compte du génie des lieux et des temps : peu s’en faut qu’il ne réclame en propres termes un peu de couleur locale.

1692. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Ainsi les ans, Poëte, te consolent, Et tes chansons encore une fois volent, Derniers essaims ; non plus du lourd frelon Purgeant leur ruche à force d’aiguillon, Non plus épris du sein pâmé des roses, Des vins chantants dont tu savais les doses, Des trois couleurs du siècle adolescent : L’esprit d’un siècle a ses métempsycoses, Cher Béranger, la sagesse y consent.

1693. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

., et les Progrès de la Révolution), possède au plus haut degré la beauté propre, je dirai presque la vertu inhérente au sujet ; grave et nerveux, régulier et véhément, sans fausse parure ni grâce mondaine, style sérieux, convaincu, pressant, s’oubliant lui-même, qui n’obéit qu’à la pensée, y mesure paroles et couleurs, ne retentit que de l’enchaînement de son objet, ne reluit que d’une chaleur intérieure et sans cesse active.

1694. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Apaisez en ce tableau quelques couleurs criardes ; arrivez, en éteignant, en retranchant çà et là, à une harmonie plus égale de ton, et vous aurez la plus touchante peinture domestique.

1695. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Mais, à mesure qu’il avançait, l’esprit qui domine dans ce livre augmentait aussi d’influence, et y donnait une couleur qui n’a pas été assez remarquée des critiques : n’y voyant que la lettre, ou faisant semblant, ils l’ont traité comme un pur ouvrage de littérature ancienne.

1696. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « M. MIGNET. » pp. 225-256

Ce détail infini des intentions et des motifs divers ne donne, selon lui, que le temps avec sa couleur particulière, avec ses mœurs, ses passions et quelquefois ses intérêts ; mais les circonstances déterminantes des grands événements sont ailleurs, et elles ne dépendent pas de si peu ; la marche de la civilisation et de l’humanité n’a pas été laissée à la merci des caprices de quelques-uns, même quand ces quelques-uns semblent les plus dirigeants.

1697. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « L’abbé Prévost »

Les conseils du Mentor à son élève, son souci continuel et respectueux pour la gloire de cet aimable marquis ; ce qu’il lui recommande et lui permet de lecture, le Télémaque, la Princesse de Clèves ; pourquoi il lui défend la langue espagnole ; son soin que chez un homme de cette qualité, destiné aux grandes affaires du monde, l’étude ne devienne pas une passion comme chez un suppôt d’université ; les éclaircissements qu’il lui donne sur les inclinations des sexes et les bizarreries du cœur, tous ces détails ont dans le roman une saveur inexprimable qui, pour le sentiment des mœurs et du ton d’alors, fait plus, et à moins de frais, que ne pourraient nos flots de couleur locale.

1698. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

. ; et puis, et puis, enfin jusqu’à ce qu’il eût appelé l’un après l’autre tous ses docteurs, qui témoignaient chacun à leur manière la satisfaction qu’ils avaient de la beauté et de la couleur de ce précieux et royal morceau.

1699. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Discours préliminaire » pp. 25-70

L’art d’observer les caractères, d’en expliquer les motifs, d’en faire ressortir les couleurs, est d’une telle puissance sur l’opinion, que, dans tout pays où la liberté de la presse est établie, aucun homme public, aucun homme connu ne résisterait au mépris, si le talent l’infligeait.

1700. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Les autres vivent un à un, sans analogie comme sans variété, leur existence est monotone, quoique chacun d’eux ait un but différent, et il y a autant de nuances que d’individus, sans qu’on puisse découvrir une véritable couleur.

1701. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre I »

À Clermont-Ferrand648, « il y a des rues qui, pour la couleur, la saleté et la mauvaise odeur, ne peuvent se comparer qu’à des tranchées dans un tas de fumier. » Dans les auberges des gros bourgs, « étroitesse, misère, saleté, ténèbres ».

1702. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

D’autres, qui prétendaient décrire le monde des réalités visibles, chargeaient leur tableau de tant de couleurs, altéraient ou grossissaient si fantastiquement toutes les formes, que la nature n’était plus que le prétexte et non le sujet de leur peinture.

1703. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Aussi, au formalisme compliqué des pratiques, aux exigences contre nature de la vie monastique, oppose-t-il, dans des vers d’une expression originale et forte, la sainteté laïque qui gagne le ciel, l’idéal de la vie chrétienne dans le monde, qui satisfait à la fois à l’Évangile et à la raison : Bien peut en robes de couleur Sainte religion fleurir : Plus d’un saint a-t-on vu mourir, Et maintes saintes glorieuses, Dévotes et religieuses.

1704. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il abstrait, il analyse, il condense ; dans cette manipulation, le réel, le sensible, la couleur s’évanouissent ; ce n’est pas seulement le dramatique qui fait défaut à cette histoire, malgré la prétention de Voltaire ; c’est cette sorte de résurrection du passé qui seule peut le faire connaître.

1705. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

La première histoire venue leur est bonne, pourvu qu’elle puisse se partager aisément en tableaux qui aient chacun sa signification et sa couleur.

1706. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre troisième »

Son style exact précis, vigoureux, manque de couleur et d’onction.

1707. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Appendice »

Vaudrait-il mieux engager avec eux ces misérables controverses où ils auraient l’avantage de soutenir le beau et le pur, et où j’aurais l’air de m’assimiler à ce qu’il y a de plus vil ; car l’antichristianisme a, dans ce pays, une couleur si détestable, si basse, si dégoûtante, qu’en vérité il y aurait de quoi m’éloigner, ne fût-ce que par modestie naturelle.

1708. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Dangereuse peut-être pour les enfants d’une petite ville encore à demi puritaine, parce qu’elle leur offrait des tableaux voluptueux de couleur assez chaude, la peinture de la passion qui brûle Julie et Saint-Preux devenait inoffensive, voire même bienfaisante à Paris, parce qu’elle ramenait la société frivole et débauchée de la grande ville à voir dans l’amour, non plus un passe-temps, non plus « la bagatelle », selon l’expression significative du moment, mais un sentiment grave et fort où le cœur a plus de part que les sens.

1709. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Mais laissons-les avec leur acharnement & leur partialité ; il y a longtemps qu’ils abusent des terme, qu’ils confondent les idées, & qu’ils s’efforcent de donner au mensonge les couleurs de la vérité : nous en avons dit assez, pour prouver qu’on peut être leur adversaire déclaré, sans être injuste ni partial.

1710. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Sachez donc que mistress Clarkson, quoique plus blanche que la blanche hermine, est une femme de couleur, fille d’une esclave qu’a remarquée son maître, « née de cette remarque », et vendue par son tendre père au marché de la Nouvelle-Orléans.

1711. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Fleury, d’un habit de couleur chamois, avec une vaste cravate qu’attachait un nœud d’une prétentieuse négligence.

1712. (1899) Le roman populaire pp. 77-112

Les sons, les couleurs, les jeux rares des syllabes cadencées ne peuvent tromper longtemps le cœur de l’homme.

1713. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre III. De la nature du temps »

S’il s’agit de couleur, par exemple, la conscience intervient sans doute au début de l’étude pour donner au physicien la perception de la chose ; mais le physicien a le droit et le devoir de substituer à la donnée de la conscience quelque chose de mesurable et de nombrable sur quoi il opérera désormais, en lui laissant simplement pour plus de commodité le nom de la perception originelle.

1714. (1892) Impressions de théâtre. Sixième série

Ses vers ne manquent ni d’énergie, ni de couleur ; mais ils manquent parfois de propriété dans les termes et très souvent d’harmonie. […] Elles nous en traduisent tout l’essentiel ; elles en rendent, avec une légère transposition de mœurs, le mouvement, le tour et la couleur générale. […] nos mains sont de même couleur ! […] Son sommeil même, où se détend sa volonté, resterait sans trouble, s’il n’y avait eu, à un moment, du sang sur ses mains, si elle n’en avait vu la couleur, senti l’odeur, perçu l’humidité. […] Elle permet au comte Galéas de Mantoue de se dire son chevalier et de porter ses couleurs.

1715. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Raison veut dire « bienséance », et respect de la couleur locale. […] Il faut donc être de son pays et même de son temps pour être un vrai classique, le naturel étant la première des qualités du grand écrivain, et cependant rien n’est plus contraire à l’esprit classique, rien n’empêche plus de devenir classique que d’avoir une trop précise couleur locale et que de dater. […] Il lui donne la couleur, l’éclat, le mouvement, avec ses contrastes vigoureux, son goût, un peu juvénile encore, mais d’une brillante fantaisie, pour les déguisements, ses coups de théâtre puissants et surprenants. Remarquez qu’en dehors même de ses œuvres proprement théâtrales, l’inspiration dramatique est sensible dans Notre-Dame de Paris, ce mélodrame sombre, encadré du plus étonnant décor qu’on ait jamais brossé, et tout pénétré de couleur locale. […] Il le dit quelque part : « Ce serait trahir le poète que d’étudier seulement dans son ouvrage la couleur des tableaux, le relief des portraits, le pathétique des sujets, le tragique des situations, l’éloquence du verbe imagé, la puissance du rythme.

1716. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

Vous ne croyez plus qu’il y ait de couleurs ! […] Vous aurez beau leur dire que les couleurs sont dans les yeux de ceux qui les regardent et non dans les objets ; les dames ne veulent point dépendre des yeux d’autrui pour leur teint ; elles veulent l’avoir à elles en propre, et s’il n’y a point de couleur la nuit, M. de M… est donc bien attrappé, qui est devenu amoureux de Mlle D.  […] Je ne crois pas qu’il y ait de livre, de livre célèbre, et justement célèbre, où l’antiquité nous soit présentée sous de plus fausses couleurs que dans le Télémaque ; non ! […] La vieillesse de Corneille. — Œdipe, 1659 ; Sertorius, 1662 ; — Sophonisbe, 1663 ; Othon, 1664 ; Agésilas, 1666 ; Attila, 1667 ; — Tite et Bérénice, 1670 ; Pulchérie, 1672. — De Corneille, peintre d’histoire ; — et de la fausseté du paradoxe de Desjardins dans son Grand Corneille historien. — La couleur locale dans l’œuvre de Corneille. — Que les défauts de ses dernières pièces se développent du même fond que les qualités de ses chefs-d’œuvre. — Qu’elles ne sont plus que plaidoiries et thèses. — Le machiavélisme des motifs [Cf.  […] Mesnard, Étude sur le style de Racine]. — Autres qualités du style de Racine ; — harmonie, mouvement, couleur, plasticité [Cf. 

1717. (1896) Écrivains étrangers. Première série

Aussi en a-t-il ressenti et traduit mille nuances délicates ; et d’un bout à l’autre de son œuvre, c’est comme un grand souffle d’amour qui nous entraîne, séduits, émus profondément, tandis que sans cesse se renouvellent, pour achever de nous charmer, les couleurs du décor et la musique des voix. […] Mallarmé nous a donné naguère une traduction excellente, reproduisant à merveille la couleur, le rythme et jusqu’à la mélodie de ces vers, les plus magnifiques, à mon gré, de tous ceux qui existent dans la langue anglaise. […] On ne saurait imaginer combien, dans leur texte, ces deux sonnets de Mme Lapidoth ont de couleur et d’accent. […] Voici, par exemple quelques petites scènes qui m’ont paru d’une couleur locale assez prononcée. […] Il tenait sa main droite enfoncée dans l’ouverture de son veston couleur de cendres : l’autre main reposait sur la table, fatiguée, desséchée, osseuse, une main de bois.

1718. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

La seule différence qui existe entre eux, c’est que, pour traduire le Divin qu’ils conçoivent, ils doivent se servir de symboles différents : le musicien de sons, le poète de strophes, d’images et de mots, le peintre de couleurs, le sculpteur de mouvements imprimés à l’argile, l’architecte de lignes. […] La poésie française s’est anémiée et décolorée ; pour lui rendre de la couleur et de la vigueur, remontons à ses origines.

1719. (1895) Hommes et livres

D’imagination assez calme en face du monde extérieur, il est très sensible aux couleurs, aux formes, au pittoresque des costumes, et les note volontiers, chez les autres comme chez lui. […] Plus exacts, s’ils avaient profité des travaux des érudits, nos historiens n’auraient peut-être pas eu plus de couleur. […] Aussi Énée, Didon, Alexandre, Achille, Priam, Panthée, Hérode, tous ces bonshommes sont vivants : la couleur en est un peu dure, le dessin sec et sommaire ; mais enfin ils disent ce qu’ils doivent dire, tout simplement, comme ils doivent le dire, au style près, avec leur caractère et dans leur situation. […] Les caractères des personnages de second plan sont plus arrêtés et d’une cohésion plus grande, peut-être seulement parce que chacun d’eux n’est attaché qu’à des aventures d’une couleur uniforme. […] Dancourt et Le Sage se tiennent plus près de la réalité, et comme ils aiment aussi les vives couleurs et le franc comique, ils descendent aux mœurs plus basses ou plus mauvaises.

1720. (1890) La bataille littéraire. Troisième série (1883-1886) pp. 1-343

Il appartient à la vie d’en dessous ; il va passer dans les plantes de pierre qui n’ont pas de couleur, dans les bêtes lentes qui sont sans forme et sans yeux. […] Zola a pris encore cette fois la nature brute et terrible pour modèle, et avec quelle vigueur de tons, quelle magistrale force de couleur il nous a peint des scènes de la vie cruelle ! […] À mesure qu’il descendait dans les zones couleur de plomb qui avoisinaient la mer, il devenait jaune, et son cercle se dessinait plus net, plus réel. […] Il était bien le même soleil, et au même instant précis de sa durée sans fin ; là, pourtant il avait une couleur très différente ; se tenant plus haut dans un ciel bleuâtre, il éclairait d’une douce lumière blanche la grand-mère Yvonne, qui travaillait à coudre, sur sa porte. […] Le rêveur évoque avec avidité les détails de la minute passée : la physionomie du lieu où elle s’écoula, le temps qu’il faisait, la couleur d’un ruban, le sens des phrases échangées.

1721. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

. — L’esprit est roi, il est le maître, il est maître absolu, il appelle la contradiction, il exècre l’esclavage, il se plaît à frôler les divers écueils où tombe, en s’agitant, la raison humaine ; il recherche avec rage tout ce qui brille, et tout ce qui chante, et tout ce qui se voit au loin ; il est fou de couleurs, fou de lumière et de fracas ; le demi-jour lui sied à merveille ; il ne hait pas le crépuscule ; si la nuit est profonde, il saura tirer parti des ténèbres ! […] Il faut vous dire que pour donner à leur drame la couleur de cette brillante époque, les auteurs ont eu la malencontreuse idée de ressusciter Roquelaure, ce bouffon dont les Anas ont recueilli les gravelures ; l’on voit donc au troisième acte ce Roquelaure apocryphe qui s’amuse à jouer avec les dames de la cour, à parler de l’enfant que le roi a fait à la duchesse de Roquelaure : il est duc et père, et voilà sa chaussure couverte de terre d’Espagne ! […] » Scène III. — Le théâtre représente les jardins de Fontainebleau illuminés en verres de couleur.

1722. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Les premières lettres de son Werther expriment cette disposition enivrée et enchantée avec un feu, une vie, un débordement d’expression que rien n’égale et que lui-même, vieilli, se reconnaissait impuissant à ressaisir : En vérité, disait-il en écrivant ses mémoires, le poète invoquerait vainement aujourd’hui une imagination presque éteinte ; vainement il lui demanderait de décrire en vives couleurs ces relations charmantes qui autrefois lui firent de la vallée qu’arrose la Lahn un séjour si cher.

1723. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite et fin.) »

Ben-Abou est un homme superbe ; il était monté sur une mule blanche et environné d’une vingtaine de jeunes pages de l’empereur, le fusil haut, la tête découverte, une longue tresse de cheveux courts pendant sur l’oreille gauche, et vêtus de robes de toutes couleurs ; les chevaux richement équipés : le tout formait un groupe éclatant.

1724. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

Sismondi, tout d’abord, et comme par précaution, le lui avait rendu quand il disait, — avant de le connaître personnellement, il est vrai, et sur la simple annonce de l’Histoire de France que Chateaubriand se proposait d’écrire : « J’ai une grande admiration pour son talent, mais il me semble qu’il n’en est aucun moins propre à écrire l’histoire : il a de l’érudition, il est vrai, mais sans critique, et je dirais presque sans bonne foi ; il n’a ni méthode dans l’esprit, ni justesse dans la pensée, ni simplicité dans le style : son Histoire de France sera le plus bizarre roman du monde ; ce sera une multiplicité d’images qui éblouiront les yeux ; la richesse du coloris fait souvent papilloter les objets, et je me représente son style appliqué aux choses sincères comme le clavecin du Père Castel, qui faisait paraître des couleurs au lieu de sons. » Sismondi ne voyait et ne prédisait là que les défauts.

1725. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

C’est le premier éclat simple (nitor), la lumière même de la pensée dans la parole, et que les grands esprits droits préfèrent à toute fausse couleur.

1726. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Et en effet, dans les vers latins tout remplis des réminiscences et des locutions d’Horace et de Virgile, il n’y a pas, il ne peut y avoir ces traits fins et caractéristiques, la cheminée de mon petit village , le clos de ma pauvre maison , l’ardoise fine, qui est la couleur locale des toits en Anjou, et ce je ne sais quoi de douceur angevine opposé à l’air marin et salé des rivages de l’Ouest.

1727. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

Il nous rend en vers gracieux les nuances et les parfums d’un beau jour naissant : L’aube duquel avoit couleur vermeille Et vous estoit aux roses tant pareille Qu’eussiez doublé si la belle prenoit Des fleurs le tainet, ou si elle donnoit Le sien aux fleurs, plus beau que nulles choses : Un mesme tainat avoient l’aube et les roses.

1728. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre deuxième. Les images — Chapitre II. Lois de la renaissance et de l’effacement des images » pp. 129-161

Quand, à la couleur et à la forme, nous prévoyons le goût d’une gelée de groseille, ou quand, les yeux fermés, sentant le goût de cette gelée, nous imaginons sa teinte rouge et le lustre de sa tranche vacillante, nous avons en nous des images avivées par la répétition.

1729. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Ils m’ont pris le bélier qui portait la clochette, dont la toison était couleur d’or, et la corne d’argent.

1730. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

L’archevêque se troubla à son aspect ; il rougit, pâlit, et, cherchant à gagner du temps, il balbutia je ne sais quelle excuse de sa démarche, disant à Petrucci que le pape lui envoyait par lui la permission d’un emploi pour son fils ; mais il était si embarrassé dans sa prétendue explication, que Petrucci observa qu’il changeait de couleur et qu’il jetait fréquemment des regards obliques vers les portes, comme s’il eût attendu le secours de quelqu’un.

1731. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Et merci, puisque tu m’as mis Parmi ceux, qui, de tes amis, N’auront pas reçu d’un commis Aux noires manches de lustrine Le volume à couleur citrine Qui fut l’honneur de sa vitrine.

1732. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

On y préfère la pleine lumière à la pénombre, les couleurs nettes et tranchées aux nuances douteuses.

1733. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Il est jaloux de la couleur des vêtements de tous ceux qu’il rencontre.

1734. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre dixième. »

Le maître du chien n’a ni âge, ni condition, ni fortune : le faible est pour le chien le seul puissant de ce monde ; le vieillard lui est un enfant aux fraîches couleurs, le pauvre lui est roi.

1735. (1911) La morale de l’ironie « Chapitre IV. L’ironie comme attitude morale » pp. 135-174

Il se borne trop à en changer le vernis et la couleur, et se flatte trop aisément d’être arrivé à la béquille idéale, à la béquille éternelle en méprisant les béquilles à la vieille mode qui ont jadis soutenu ses ancêtres.

1736. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

À mesure que les copies s’éloignent et se reproduisent en des copies plus imparfaites encore, les lacunes s’augmentent, les conjectures se multiplient, la vraie couleur des choses disparaît.

1737. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre VI. Premiers pas hors de Saint-Sulpice  (1882) »

L’affirmation que tout est d’une même couleur dans le monde, qu’il n’y a pas de surnaturel particulier ni de révélation momentanée, s’imposa d’une façon absolue à notre esprit.

1738. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Maintenant, en effet, une musique qui n’a de cet art que l’observance des lois très complexes qu’il se dicte, mais exprime d’abord le flottant et l’infus, confond les couleurs et les lignes du personnage avec les timbres et les thèmes en une ambiance plus riche de Rêverie que tout air d’ici-bas, déité costumée aux invisibles plis d’un tissu d’accords ; ou va l’enlever de sa vague de Passion, au déchaînement trop vaste pour un seul, le précipiter, le tordre : et le soustraire à sa notion, perdue devant cet afflux surhumain, pour la lui faire ressaisir quand il domptera tout par le chant, jailli dans un déchirement de la pensée inspiratrice.

1739. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Fantin-Latour a voulu encore être, par les procédés du dessin et de la couleur, un musicien : exprimer les spéciales émotions que valent désormais à nous suggérer, au moyen de leur seule combinaison, tels contours parmi telles nuances.

1740. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Quel fracas de formes et de couleurs !

1741. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

La distinction des génies objectifs et des génies subjectifs revient à la distinction de l’imagination et de la sensibilité ; chez les uns l’imagination, domine, chez les autres la sensibilité, nous ne le nions pas ; mais nous maintenons que la caractéristique du vrai génie, c’est précisément la pénétration de l’imagination par la sensibilité, et par la sensibilité aimante, expansive, féconde ; les talents de pure imagination sont faux, la couleur ou la forme sans le sentiment est une chimère.

1742. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

Qu’un vers ait une bonne forme, cela n’est pas tout ; il faut absolument, pour qu’il ait parfum, couleur et saveur, qu’il contienne une idée, une image ou un sentiment.

1743. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

On peut comparer son livre à une vieille Dame, respectable par sa vertu & par son grand âge, & qui avec cela se coëffe en cheveux, met des mouches, du rouge, & porte un mantelet blanc sur une robe couleur de rose.

1744. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Le héros est plus dans la main du poëte qui s’est affranchi du passé ; mais il y a peut-être aussi une couleur un peu moins réelle, parce que l’art ne peut jamais suppléer entièrement à la vérité, et que le spectateur, lors même qu’il ignore la liberté que l’auteur a prise, est averti, par je ne sais quel instinct, que ce n’est pas un personnage historique, mais un héros factice, une créature d’invention qu’on lui présente.

1745. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

C’était un descripteur et un analyseur et un disséqueur, à loupe, à pincettes et à scalpel, — et qui mettait au bout de sa description, de son analyse, de sa dissection, sa petite impression personnelle et la couleur de son esprit.

1746. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Oui, nous admirions dans cet esprit méridional, vibrant et sensible, dupe de la couleur et de la surface, amoureux de la forme ; comme un Phocéen, — mais ne la réalisant pas comme un Grec, — cette pérennité d’une idée vraie, cette impersonnalité du point de vue, qui est peut-être toute l’impartialité permise à nos chétifs esprits d’un jour !

1747. (1879) L’esthétique naturaliste. Article de la Revue des deux mondes pp. 415-432

Ils cèdent plus que de raison à cette tentation toute française de frapper fort quand on frappe sur les siens, et de forcer la couleur de la satire.

1748. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Le trottin de Paris, qui se fait pour une somme modique une toilette originale qu’elle porte avec goût, est une artiste ; le fruttivendolo, qui dispose avec amour et avec un sens très sûr des couleurs et des formes ses fruits et ses légumes, est un artiste.

1749. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Aussi ne faut-il pas s’étonner si Tibulle, malgré la sincérité des sentiments qu’il exprime, malgré la vivacité des émotions qu’il retrace, malgré le choix heureux des couleurs qu’il emploie, ne laisse pas dans nos cœurs une trace profonde. […] Tout entier au plaisir de suivre dans ses dernières conséquences sa double définition, il paraît croire que la peinture peut aborder tous les sujets, que la couleur peut lutter avec la parole. […] Il ne suffit pas en effet, pour développer le goût dont le germe peut se trouver dans notre intelligence, de voir, de contempler, d’analyser les œuvres accomplies : il faut encore assister à l’enfantement de la pensée qui veut se traduire par la forme ou la couleur. […] Le récit proprement dit, simple, austère ou paré de couleurs poétiques, le récit en lui-même semble répugner à son intelligence.

1750. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Et c’est bien chez Commynes de la psychologie, de l’étude morale, et non point de la recherche de couleur locale. La couleur locale, il costume, c’est dans Froissart qu’on les peut chercher. […] De là cet accent de vérité et cette couleur de réalité qui frappent tout d’abord et qui retiennent quand on lit Commynes. […] Ce sont couleurs de rhétorique cicéroniane. » Ceci n’est pas très spirituel, et c’est amusant, parce que c’est propos d’humeur gaillarde et réjouie ; ce n’est pas très spirituel et ce n’a pu tomber que de la plume d’un homme d’esprit.

1751. (1890) Dramaturges et romanciers

Lui aussi, il cherche à sa manière à ne relever que de l’expérience ; il exclut les données purement imaginatives comme étant arbitraires ; il proscrit la passion comme exagérant les objets et les représentant sous de fausses couleurs ; il ne veut amener l’émotion que par l’accumulation minutieuse des détails et des faits. […] Feuillet les détache adroitement de l’arbre et les leur présente d’assez près pour en faire admirer l’éclat et les couleurs et de trop loin pour leur permettre de mordre à la cendre dont ils sont pleins. […] Si Raoul était de substance chrétienne, Sibylle pourrait lui pardonner aisément toutes ses hérésies, car ces hérésies ne seraient plus qu’un stimulant pour leur intelligence et un aliment pour le feu dont ils brûlent également ; leurs âmes auraient des ailes de couleurs différentes, mais elles auraient le même vol et seraient soulevées des mêmes souffles. […] Je veux savoir avec précision quelles sont les circonstances de sa vie, les particularités de son caractère, ses habitudes physiques et morales, tout enfin, jusqu’à la nuance de sa chevelure et à la couleur de ses yeux. […] La plupart des sujets de ces légers croquis appelaient le trait sec du caricaturiste, le dessin outré de la charge, la rieuse insolence de la parodie, la pointe acérée de la satire, et voici, surprise charmante, que nous les trouvons revêtus des tendres couleurs de l’aquarelle et de la brillante poussière du pastel.

1752. (1914) Une année de critique

Il ne la revêt pas des couleurs de l’imagination ; il s’applique à la peindre minutieusement telle qu’elle est, car c’est la réalité qui l’intéresse, et non pas son imagination. […] André Hallays sait restituer à chacun d’eux sa forme et sa couleur. […] Ces vers sont de ceux devant lesquels on admettrait presque la théorie de Rimbaud sur la couleur des sons. […] Jusqu’alors, on connaissait l’auteur de Sixtine, c’est-à-dire un désespéré ironique et sensuel ; niant le monde extérieur au profit de la réalité des mots, de leur couleur, de leur sonorité, de leur parfum ; assez ami de la religion, non pas de la foi, mais du dogme, pour ce qu’il a de mystérieux et d’irréductible à la raison du vulgaire ; enclin à admirer les formes les plus récentes de l’art, en considération de l’effarement qu’elles causent au philistin ; bref, un homme tombant à chaque pas dans le péché d’orgueil, et complaisant à sa tristesse.

1753. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Ces Portraits, dans lesquels je cherchais surtout la ressemblance et la fidélité par la mesure des dons naturels et du mérite, par le juste rapport des tons et des couleurs, étaient souvent une surprise pour le modèle lui-même qui avait posé sans s’en douter.

1754. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

D’autre part, les admirateurs de Louise la comparaient pour ce fait de jeunesse à Sémiramis ; elle-même a dit moins pompeusement et en rendant au vrai la couleur romanesque : Qui m’eût vu lors en armes fière aller, Porter la lance et bois faire voler, Le devoir faire en l’estour furieux, Piquer, volter le cheval glorieux, Pour Bradamante, ou la haute Marphise, Sœur de Roger, il m’eût, possible, prise.

1755. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

On avait insisté auprès de Charles Nodier, qui avait fort connu Désaugiers, pour qu’il retraçât cette physionomie si vivante et rassemblât à ce sujet ses souvenirs : les souvenirs, même en se composant et se confondant un peu selon la fantaisie de Nodier, en s’entremêlant de quelques folles couleurs, n’eussent été ici qu’un charme de plus et une manière non moins vive de ressemblance.

1756. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

Il part seul ; lui, il n’a d’autre but que de voir et de sentir, de s’inonder de lumière, de se repaître de la couleur des lieux, de l’aspect général des villes et des campagnes, de se pénétrer de ce ciel si calme et si profond, de contempler avec une âme harmonieuse tout ce qui vit, nature et hommes.

1757. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (2e partie) » pp. 305-367

Un coup de pinceau, comme un coup de hache, avec une couleur de sang, voilà tout.

1758. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

Certes, M. de Ruder eût été son Lamartine en peinture ; un habile burin lui aurait rendu cette figure qui n’a besoin ni de couleurs, ni de tons, ni de nuances pour passionner le regard.

1759. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

On cherche à savoir la couleur de leurs opinions, de leur religion et on songe à leur état de fortune.

1760. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

J’en voy qui ont changé de couleur et de teint, Hideux en barbe longue et en visage feint, Qui sont, plus que devant, tristes, mornes et pâles, Comme Oreste agité de fureurs infernales ; Mais je n’en ai point vu qui soient, d’audacieux Plus humbles devenus, plus doulx ni gracieux ; De paillards, continents de menteurs, véritables D’effrontez vergogneurs de cruels charitables De larrons, aumosniers ; et pas un n’a changé Le vice dont il fut auparavant chargé.

1761. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Les ignorants, les esprits dont l’appréhension est molle et lâche, pour parler comme lui, et qui ne reçoivent rien dans leur raison que par l’imagination, sont éblouis de ces vives couleurs qui peignent les idées, et qui intéressent, pour ainsi dire, les sens aux perceptions de l’intelligence.

1762. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Si tout est chant dans le premier, dans celui-ci tout est forme et couleur.

1763. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Une forte couleur monacale était le trait dominant de ce christianisme britannique.

1764. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Yseult marchait en tête sur un superbe palefroi, vêtue d’une longue robe couleur d’azur sur laquelle s’étalaient ses beaux cheveux blonds, un voile fin brodé d’or flottait autour d’elle et était retenu sur sa tête par sa couronne de reine, toute rayonnante de pierreries.

1765. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Alors retentit dans l’orchestre l’appel désespéré qui a traversé toute l’ouverture, et, au milieu de la tempête renouvelés, apparaît un navire, aux voiles couleur de sang, qui jette l’ancre avec un bruit formidable.

1766. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

Émanant de la religion, elle reçut ses premiers grands mouvements du catholicisme qui a gardé de l’antiquité la plasticité, et du moyen-âge la magnificence des couleurs, et se développa plus tard dans l’Allemagne protestante.

1767. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Puis, par la hantise des sensations chaudes, la musique fut menée à vouloir sortir de sa destination : elle tâchait maintenant à être une peinture, imitant les bruits naturels, les mouvements des corps, leurs couleurs.

1768. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Là où il fallait des couleurs tranchées et entières, il n’a mis que des nuances d’une discrète pâleur.

1769. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Il est composé de deux styles disparates : d’un style alors amoureux de Janin, celui du frère cadet ; d’un style alors amoureux de Théophile Gautier, celui du frère aîné ; — et ces deux styles ne se sont point fondus, amalgamés en un style personnel, rejetant et l’excessif sautillement de Janin et la trop grosse matérialité de Gautier : un style dont Michelet voulait bien dire plus tard, qu’il donnait à voir, d’une manière toute spéciale, les objets d’art du xviiie  siècle, un style peut-être trop ambitieux de choses impossibles, et auquel, dans une gronderie amicale, Sainte-Beuve reprochait de vouloir rendre l’âme des paysages, et de chercher à attraper le mouvement dans la couleur, un style enfin, tel quel, et qu’on peut juger diversement, mais un style arrivé à être bien un.

1770. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

En d’autres termes : quelques-unes de nos impressions ou de nos sensations, — telles la couleur de la rose, la saveur de la pèche, — peuvent avoir en nous, dans la constitution intime de notre organisme ou de notre intelligence, les raisons de leur diversité ; mais quelques autres ne les y ont pas, et, par exemple, ce n’est pas seulement en nous que la chaleur se transforme en mouvement.

1771. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

En ces rencontres donc, il faut trouver des couleurs pour obliger un homme à faire éclater tout haut sa passion, ou bien lui donner un confident avec lequel il puisse parler comme à l’oreille ; en tout cas, le mettre en lieu commode pour s’entretenir seul et rêver à son aise, ou enfin lui donner un temps propre pour se plaindre à loisir de sa mauvaise fortune.

1772. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

Le reste de leur habit consistait en une cape d’étoffe blanche, et, sur la tête, un petit chapeau à l’anglaise, de taffetas de couleur, avec un galon d’argent.

1773. (1913) La Fontaine « VI. Ses petits poèmes  son théâtre. »

Je les repais de vent, que je mets à haut prix ; Prends garde à ce qui peut allécher leurs esprits ; Sais toujours applaudir, jamais ne contredire ; Etre de tous avis, en rien ne les dédire ; Du blanc donner au noir la couleur et le nom ; Dire sur même point tantôt oui, tantôt non.

1774. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari, soit-il doublé d’Hegel, est de n’en avoir aucune, même en acceptant le dogme de la fatalité que devait lui donner la science, c’est-à-dire (entendons-nous) celle du daguerréotype, qui réfléchit tous les corps existants au soleil, sauf leur couleur, leur mouvement, leur bruit, en d’autres termes, leur son, leur parfum, leur lumière !

1775. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Ernest Feydeau » pp. 106-143

Enfin, description des changements arrivés au logis de Bruges pendant l’absence de Catherine, et finissant par la description du fumier, des poules, des cochons, véritable assomption de couleur locale flamande !

1776. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Je laisse à cette page curieuse sa couleur romaine, son accent à la Saint-Just, toute la sainte exaltation de ces jeunes hommes dévoués à la Révolution pour l’ordre et qui voyaient dans le salut de la France la première condition pour l’accomplissement de leur « nationalisme intégral ».‌

1777. (1888) La vie littéraire. Première série pp. 1-363

Mais alors pourquoi, dira-t-on, pourquoi notre poète chercha-t-il si loin, dans le nord Scandinave et dans l’antique Asie, des formes et des couleurs. […] Parce que sans doute ces couleurs et ces formes étaient les vêtements nécessaires de sa pensée et le vrai corps de son âme poétique. […] Je distingue précisément parmi cette postérité qui sort de l’Institut un joli visage coiffé d’un chapeau couleur du temps. […] Il vécut ivre de sons et de couleurs, et il en soûla le monde. […] Ordinairement je reste éveillé, l’esprit rempli de toutes sortes de pensées et d’inquiétudes ; puis Varzin se présente tout à coup, parfaitement distinct, jusque dans les plus petits détails, comme un grand tableau avec toutes ses couleurs.

1778. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Couleur jaune. […] La seconde remarque, c’est qu’il ne faut pas confondre l’adjectif avec le nom substantif qui énonce une qualité, comme blancheur, étendue ; l’adjectif qualifie un substantif ; c’est le substantif même considéré comme étant tel, Magistrat équitable ; ainsi l’adjectif n’existe dans le discours que relativement au substantif qui en est le suppôt, & auquel il se rapporte par l’identité ; au lieu que le substantif qui exprime une qualité, est un terme abstrait & métaphysique, qui énonce un concept particulier de l’esprit, qui considere la qualité indépendamment de toute application particuliere, & comme si le mot étoit le nom d’un être réel & subsistant par lui-même : tels sont couleur, étendue, équité, &c. ce sont des noms substantifs par imitation.

1779. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

La couleur locale le tentait fort : il s’y essayait à demi. […] Mohl, le savant orientaliste et mieux que cela, mieux qu’un savant, un sage : esprit clair, loyal, étendu, esprit allemand passé au filtre anglais, sans un trouble, sans un nuage, miroir ouvert et limpide, moralité franche et pure ; de bonne heure revenu de tout avec un grain d’ironie sans amertume, front chauve et rire d’enfant, intelligence à la Goethe, sinon qu’elle est exempte de toute couleur et qu’elle est soigneusement dépouillée du sens esthétique comme d’un mensonge.

1780. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Vous pressentez déjà qu’il ne se produira rien, et vous voyez, en effet, le liquide rester parfaitement transparent et la couleur bleue n’a pas varié. […] La liqueur est limpide et d’une couleur jaune brunâtre ; quand on ajoute environ un volume égal de ce réactif à un liquide renfermant de l’alcool, de manière à colorer nettement le mélange, il y a échauffement ; aussitôt la réaction se manifeste, et le liquide devient d’un beau vert-émeraude, tout en restant transparent. […] Cette bile noire, sécrétée en dernier lieu, ne paraît pas être absorbée sensiblement ; elle séjourne dans l’intestin, et on l’y retrouve encore plus ou moins épaissie et avec sa couleur brune, à l’époque de la digestion suivante, qui donne lieu de nouveau à la série des phénomènes que je viens de vous indiquer sommairement. […] Dans tous les flacons le sang s’étant rapidement coagulé, on mêla par agitation le sang avec le gaz, et le mélange avait une couleur très noire avec l’acide carbonique, très rutilant avec l’oxygène et rouge avec l’azote. […] Si l’on ajoute alors, sous le microscope, un peu de teinture d’iode, on voit que celles-ci se colorent fortement en jaune brun, tandis que la couleur des premières n’est que peu modifiée.

1781. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome III

Est-ce là le moment de faire un ridicule étalage des couleurs de la poésie ? […] Dix ans après la première représentation d’Œdipe, Voltaire, âgé de trente-cinq ans, envoya au père Porée, son ancien maître, un exemplaire de cette pièce, où j’ai eu soin, dit-il, d’effacer autant que j’ai pu les couleurs fades d’un amour déplacé que j’avais mêlées, malgré moi, aux traits mâles et terribles que ce sujet exige . […] Je ne sais s’il avait aussi effacé les couleurs un peu trop vives de cette philosophie antisacerdotale qui commençait à jeter un grand éclat, et dont les jésuites comme les jansénistes ne devaient pas être très flattés. […] On sait que des couleurs plus brillantes que solides ne supportent pas longtemps l’action de l’air et du soleil : cette chaleur, cette heureuse audace, cette vivacité d’imagination qui séduit dans les ouvrages de son bon temps, ne se trouve plus dans ce qu’il a composé vers l’âge de cinquante ans, c’est-à-dire, à cette époque où Racine enfanta ce chef-d’œuvre d’Athalie, ce prodige de poésie et d’éloquence où brille toute la vigueur de la jeunesse ; mais le style de Racine, pétri de raison et de goût, fondé sur la nature et sur la vérité, donnait bien moins de prise à la vieillesse que le clinquant de Voltaire. […] Les gens sensés se moquent d’une pareille chimère ; des jeunes gens sans expérience se flattent de pouvoir la réaliser : mais les connaisseurs admirent l’art de l’auteur, qui a su répandre une couleur de vraisemblance sur un événement aussi extraordinaire.

1782. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

Fléchier, dans ce portrait flatteur et qui a du ton de L’Astrée, insiste comme il doit sur la pudeur et la modestie qui fait le trait principal de la beauté célébréeag : Cette chaste couleur, cette divine flamme, Au travers de ses yeux découvre sa belle âme, Et l’on voit cet éclat qui reluit au dehors, Comme un rayon d’esprit qui s’épand sur le corps.

1783. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

Sous le ministère Villèle, l’Académie française avait pris, comme toutes choses, une couleur politique ; de très-légitimes choix y purent se faire sans doute sous la faveur royaliste, mais il y avait exclusion d’autres choix non moins légitimes, plus populaires, et c’était fâcheux pour l’Académie, ajoutons aussi pour la constitution sociale des lettres.

1784. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Rien de plus frais, de plus distinct et de plus net que cette peinture ; pas un trait n’y est vague ni de convention ; tout s’y anime et y vit aux regards, et y luit de sa juste couleur, ce qui fait que l’image est restée toute jeune, toute neuve et comme d’hier, dans un si vieux sujet.

1785. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

L’infirmité de l’esprit humain est telle que les impressions reçues des mêmes objets diffèrent selon les personnes, selon les âges et les moments : la forme ou le fond du vase fait la couleur de l’eau.

1786. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Il en résulta de bonne heure des crises fréquentes, passagères, que recouvraient vite les apparences de la santé et les couleurs de la jeunesse ; mais lui ne s’y trompait pas : « Je n’ai pas deux jours de bons sur dix (écrivait-il de Paris à M. 

1787. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

Talent unique, le plus rare en un siècle classique, le plus précieux de tous, puisqu’il consiste à se représenter les êtres, non pas à travers le voile grisâtre des phrases générales, mais en eux-mêmes, tels qu’ils sont dans la nature et dans l’histoire, avec leur couleur et leur forme sensibles, avec leur saillie et leur relief individuels, avec leurs accessoires et leurs alentours dans le temps et dans l’espace, un paysan à sa charrue, un quaker dans sa congrégation, un baron allemand dans son château, des Hollandais, des Anglais, des Espagnols, des Italiens, des Français chez eux469, une grande dame, une intrigante, des provinciaux, des soldats, des filles470, et le reste du pêle-mêle humain, à tous les degrés de l’escalier social, chacun en raccourci et dans la lumière fuyante d’un éclair.

1788. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

Nos yeux suivent complaisamment la ligne des collines qui découpent au hasard le bord du ciel ; nous jouissons de cette ondulation incertaine ; nous aimons le pêle-mêle des rondeurs qui diversifient la large campagne et la couleur changeante des nuages qui s’enfoncent et disparaissent à l’horizon.

1789. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

Si l’homme est naturellement propre aux plus larges conceptions universelles, en même temps qu’enclin à les troubler par la délicatesse nerveuse de son organisation surexcitée, on verra, comme dans l’Inde, une abondance étonnante de gigantesques créations religieuses, une floraison splendide d’épopées démesurées et transparentes, un enchevêtrement étrange de philosophies subtiles et imaginatives, toutes si bien liées entre elles et tellement pénétrées d’une séve commune, qu’à leur ampleur, à leur couleur à leur désordre, on les reconnaîtra à l’instant comme les productions du même climat et du même esprit.

1790. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Ce n’est point ce que la pensée se figure : un lac pétrifié dans un horizon terne et sans couleur ; c’est d’ici un des plus beaux lacs de Suisse ou d’Italie, laissant dormir ses eaux tranquilles entre l’ombre des hautes montagnes d’Arabie, qui se dentellent à perte de vue comme des Alpes sans neige derrière ses flots, au pied des monticules coniques ou pyramidaux, mais toujours transparents, de la Judée, royaume stérile du poète-roi.

1791. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIIIe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (4e partie) » pp. 1-63

Il entendit sans changer de couleur, de regard, d’attitude, les invectives lancées contre lui et le décret de sa déchéance.

1792. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIIe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (1re partie). Littérature scientifique » pp. 221-288

À chaque pas on croit trouver un produit nouveau, et, dans le trouble de son esprit, il arrive souvent que l’on ne reconnaît pas ceux qui sont le plus communément dans nos jardins botaniques et nos collections historiques. » Le brouillard de l’atmosphère lui voilait le fameux pic de Teyde à Ténériffe, que de loin déjà Humboldt s’était réjoui de contempler, et, comme ce rocher n’est pas couvert de neiges éternelles, il est visible à une distance prodigieuse, lors même que son sommet en pain de sucre reflète la couleur blanche de la pierre ponce qui le recouvre, d’autant plus qu’il est en même temps entouré de blocs de lave noire et d’une vigoureuse végétation.

1793. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 321-384

Tout à coup Hyeronimo s’aperçut que les feuilles de la vigne jaunissaient et rougissaient comme des joues de malade, avant que les raisins eussent achevé de rougir ; que les branches se détachaient des murs comme des mains qui ne se retiennent plus par les ongles à la corniche, et que les grappes, elles-mêmes mortes, commençaient à se rider avant d’être pleines, et ne prenaient plus ni suc ni couleur dans les sarments détendus.

1794. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Cela sortait de sa bouche sans chaleur, sans exclamation, sans style, sobrement, simplement, sans bruit, sans couleur, comme la lumière sort de la lampe quand on l’allume.

1795. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 65-128

Il ne m’avait pas fallu beaucoup de jours pour la priver et pour en faire l’innocente messagère entre la lucarne de ma chambre et la lucarne du meurtrier ; à toutes les pensées que j’avais, je lui mettais un nouveau fil à la patte, tantôt brun, tantôt rouge, tantôt blanc, comme mes pensées elles-mêmes, selon leur couleur ; puis je battais mes mains l’une contre l’autre pour l’effrayer un peu, afin qu’elle s’envolât vers Hyeronimo et qu’elle le désennuyât par ses caresses.

1796. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Je dénouai le brin de paille, je le baisai cent fois convulsivement, je le cachai dans ma poitrine, je baisai les ailes de l’oiseau, je lui donnai à becqueter tant qu’il voulut dans ma main et sur ma bouche remplie de graines fines, puis je détachai de mon corsage un fil bleu, couleur du paradis, j’en fis un collier à l’oiseau, et je le laissai s’envoler vers la lucarne du cloître, où l’attendait son ami le meurtrier !

1797. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIIe entretien. Madame de Staël »

Rousseau en était sorti pour étonner la société de ses invectives, et pour peindre la nature de couleurs neuves empruntées aux aspects, aux forêts, aux neiges, aux eaux de cette Tempé de l’Helvétie.

1798. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Mais la mort de Bègue est un récit d’un grand effet dans sa couleur grise, avec cette accumulation rapide de petits détails pressés d’une si exacte et précise notation : la vie paisible de Bègue dans son château de Belin, entre sa femme et ses enfants, l’ennui qui prend à la fin ce grand batailleur, sourde inquiétude, désir de voir son frère Garin qu’il n’a pas vu depuis longtemps, et son neveu Girbert qu’il n’a jamais vu, désir aussi de chasser un fort sanglier, fameux dans la contrée du Nord ; la tristesse et la soumission douce de la femme ; le départ, le voyage, la chasse si réelle avec toutes ses circonstances, l’aboi des chiens, le son des cors, la fuite de la bête, l’éparpillement des chasseurs, qui renoncent ; Bègue seul âpre à la poursuite, dévorant les lieues, traversant plaines et forêts et marais, prenant ses chiens par moments sur ses bras pour les reposer, jusqu’à ce qu’il se trouve seul, à côté de la bête morte, ses chiens éventrés, en une forêt inconnue, sous la pluie froide de la nuit tombante : il s’abrite sous un tremble, allume un grand feu, prend son cor et en sonne trois fois, pour appeler les siens.

1799. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il a le mot qui emporte pièce, la couleur crue, intense, le trait net, ferme, qui détache vigoureusement l’image.

1800. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « De l’influence récente des littératures du nord »

J’y veux trouver et j’y trouve une saveur, une couleur, un parfum… Et cela, certes, je ne l’invente pas toujours.

1801. (1912) Enquête sur le théâtre et le livre (Les Marges)

C’est précisément l’opposé du sincère labeur intellectuel qui expose, développe, analyse avec le rythme et la couleur d’un style qui est comme la marque individuelle, la signature même de l’écrivain.

1802. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

La réaction toutefois les entraîna trop loin ; la couleur religieuse manqua profondément à ce siècle.

1803. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

Gaston, un camarade de plaisir et d’insouciance, mademoiselle Olympe et son amant Saint-Gaudens, lequel Saint-Gaudens est un type de vieux viveur rendu avec un feu, une couleur, une énergie gouailleuse… il restera.

1804. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Additions et appendice. — Treize lettres inédites de Bernardin de Saint-Pierre. (Article Bernardin de Saint-Pierre, p. 420.) » pp. 515-539

Aimé Martin a exagéré et faussé les couleurs : « Dès le premier jour, s’écrie le biographe, M. de Saint-Pierre éprouva le double ascendant de son génie et de sa beauté ; elle devint aussitôt l’unique pensée de sa vie… » et autres phrases de roman.

1805. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Edgar Allan Poe  »

Elle détermine les choses, les scènes, les âmes, les plans, les théories et les idées Toute la configuration de l’île de Tsalal dans les Aventures est inventée, l’eau opaque, veinée, chatoyante et teintée qui coule dans ses ruisseaux, l’absence de blanc dans tout ce que touchent les naturels et l’horreur que leur inspire cette couleur, la stratification des roches et le plan des vallées.

1806. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Première leçon »

On croyait, il y a encore peu de temps, avoir expliqué la vision, en disant que l’action lumineuse des corps détermine sur la rétine des tableaux représentatifs des formes et des couleurs extérieures.

1807. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Alors ils auraient pu, avec toute leur science, trouver la raison de la filiation des langues et des transformations des mots lorsqu’ils passent d’une langue dans une autre ; ils auraient pu, après avoir remarqué que le son de la voix est un trait physiognomonique très important dans l’homme, peut-être le plus important de tous ; ils auraient pu, dis-je, remarquer combien est caractéristique aussi l’accent qui signale les peuples divers et qui anime leurs langues ; ils auraient pu remarquer qu’il y a des familles et des nations distinguées par l’analogie des sons de la voix comme par celle des lignes de la figure, ou des couleurs de la peau et par les habitudes des cheveux.

1808. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Taine » pp. 305-350

Certainement, il y a encore de grandes et vigoureuses qualités d’expression et de couleur dans le livre actuel de M. 

1809. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

quelle couleur ! […] On l’a bien vu dans le Journal des Goncourt, qui ont voulu et cru reproduire sténographiquement telles ou telles paroles d’un Renan ou d’un Taine, mais en ont donné une impression fausse, parce qu’ils n’ont pas compris ni rendu la couleur et l’atmosphère qui en précisaient la signification ou la portée. […] Renaissance de l’imagination et du lyrisme, découverte de la relativité humaine, de la couleur locale et historique, des diverses formes du beau, entière liberté de la pensée, abordant tous les grands sujets et repoussant toutes les restrictions dogmatiques, tels sont les caractères essentiels du romantisme, que Victor Hugo réalise tous avec une incomparable maîtrise. […] Albalat exagère un peu l’influence de Théophile Gautier sur Flaubert, laquelle n’était pas indispensable pour lui inspirer le culte de la couleur et du style pittoresque. […] La sensibilité à grand orchestre et haute en couleur n’était pas spontanée chez Barrès.

1810. (1910) Propos littéraires. Cinquième série

Il se dit, sans doute, que le sommeil de Booz est un tableau pittoresque, d’une belle couleur biblique, qui doit être plus développé qu’il ne l’est dans les deux premiers vers de cette strophe, qui doit être peint, qui doit être mis sous les yeux du lecteur. […] C’est cet e muet et la grande césure, le grand hiatus qu’il met dans le vers, qui donne toute sa couleur au vers et qui exprime par le son l’idée de recherche prolongée, patiente et profonde. […] Et, par conséquent, « quelles couleurs une nation qui a une pareille langue peut-elle donner à ses propres œuvres !  […] Ils ont tous, bon gré mal gré qu’en eût la maîtresse de maison, leur couleur et assez tranchée, et rien, par exemple, n’est plus amusant que ce salon de Mme Geoffrin, qui est un foyer encyclopédique, dirigé par une très bonne chrétienne. […] Cet article n’eût pas été de convenance le jour même des morts ; mais quelques jours après, alors que l’on peut parler de la mort avec une certaine… je ne dirai pas bonne humeur, mais enfin une certaine eutrapélie, et alors que la pensée a peut-être besoin de dissiper les sombres couleurs dont à ce propos elle s’est remplie, cet article est, ce me semble, à peu près opportun.

1811. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Avec ces pages vous bâtissez des châteaux de cartes d’idées comme avec la fumée de la cigarette vous faites monter des cercles couleur de rêve ; mais dans le langage populaire, qui est le vrai, roman ne signifie pas essentiellement un in-18, il signifie une histoire d’amour intéressante, et, pour la concierge, s’applique aussi bien à celle qui se passe au sixième de son immeuble qu’à celle qui se déroule dans le rez-de-chaussée de son journal. […] La première est maintenue dans une situation excentrique à l’égard de la France, qui l’ignore à peu près ; la seconde traverse la littérature française pour se jeter dans la littérature européenne tout en gardant la couleur propre de ses eaux ; la troisième, au contraire de la première, s’incorpore à la littérature française et lui apporte — modestement jusqu’ici — certains éléments protestants. […] Le bleu horizon teignit ces « sorties » à des couleurs que les littérateurs de 1894 ignoraient. […] Les Français, peuple logique, ne veulent pas savoir que la couleur du drap militaire a été changée. […] Mais une tablée de messieurs mûrs, chauves, ventrus, hauts en couleur, devant la carpe à la Chambord ou l’oreiller de la Belle-Aurore, nous plaît comme une image parfaite et une harmonie de la vie.

1812. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Ils parlent à la curiosité comme les Saxons parlaient à l’enthousiasme, et détrempent dans leurs longues narrations claires et coulantes les vives couleurs des traditions germaines et bretonnes : des batailles, des surprises, des combats singuliers, des ambassades, des discours, des processions, des cérémonies, des chasses, une variété d’événements amusants, voilà ce que demande leur imagination agile et voyageuse. […] Nulle splendeur, nulle couleur dans son récit : son style est tout à fait nu, jamais de figures ; on peut lire dix mille vers de ces vieux poëmes sans en rencontrer une.

/ 1980