Il faut donc que le Génie de l’Élégance s’en console ! […] À cette heure, le génie de Balzac n’est discuté par personne. […] il est, de plus, un génie épique dans le rire, c’est-à-dire là où l’épopée est le moins possible. […] Nous savons que tous ces capuchons étaient le génie, la vertu et la civilisation du monde ! […] Il peut encore se révéler dans nos esprits sous des aspects qui achèveraient l’idée qu’on a de son génie.
Coïncidant avec un Génie, Génie du christianisme, Génie de Port-Royal, Génie d’un peuple (souvenez-vous du Tableau de la France de Michelet), d’une littérature ou d’un homme, on peut l’appeler critique d’intuition ou de sympathie. […] Homme de génie il s’est expliqué sur le génie avec génie. […] Le génie, le genre, le Livre. […] Brunetière a repris ce Génie. Taine a écrit un Génie de la Littérature anglaise, Lemaître un Génie de Racine.
Il ne voulait rien devoir qu’à l’ascendant de son nom et de son génie. […] Cette conception-là, seule, est un coup de génie. […] Génie, I, v, 12 ; Martyrs, l. […] Génie, I, v. 7 et 12, Itinéraire, I, éd. […] Génie, II, VI, 10.
Une preuve de plus de cette vérité qu’en tout temps j’ai infatigablement proclamée : c’est que s’il est possible encore qu’une âme basse ait quelque talent, il est impossible qu’elle ait du génie ! Or, Balzac en avait, du génie, et du plus créateur. […] et elle a jeté sur la tête de tout le monde le poids d’un génie écrasant, qui a écrasé ceux qui le niaient ou qui voulaient le diminuer. […] Rapport douloureux avec un autre homme de génie, avec un grand romancier comme lui ! […] le génie qui voit et qui juge se retrouve toujours dans l’amoureux !
Quoi qu’il en soit, le génie critique, dans tout ce qu’il a de mobile, de libre et de divers, y a grandi et s’est révélé. […] Ce génie, dans son idéal complet (et Bayle réalise cet idéal plus qu’aucun autre écrivain), est au revers du génie créateur et poétique, du génie philosophique avec système ; il prend tout en considération, fait tout valoir, et se laisse d’abord aller, sauf à revenir bientôt. […] Le génie critique n’a rien de trop digne, ni de prude, ni de préoccupé, aucun quant à soi. […] Cette distraction limite le génie critique. […] Ses mœurs n’étaient pas moins respectables que son génie.
Il aimait le mot net, l’emporte-pièce de la propriété du terme, et de plus il sentait le génie grec, ce vigneron au bonnet de laine grise, et le génie gaulois, et il aurait voulu les faire tenir tous deux sous ce bonnet. C’est qu’en effet ils y pouvaient très bien tenir, ces deux génies, et y faire une union charmante, comme cette traduction d’Hérodote par Pierre Saliat peut nous le prouver aujourd’hui. […] La langue qu’écrit l’homme d’un temps l’imprègne et le pénètre de son génie et lui communique une saveur que rien, quand on n’écrit pas cette même langue, ne peut remplacer, Notez-le bien : en matière de traduction, le génie de la langue importe bien plus que le génie individuel dont se trouve doué le traducteur. […] Seulement, il savait bien cette magnifique langue du seizième siècle, qui semble avoir été creusée et arrondie comme une coupe pour y recevoir le génie grec, épanché de l’amphore maternelle, et il y reçut celui d’Hérodote, qui, lui aussi, était le génie grec avec une date, — une date après laquelle il n’y a rien de cette force de chêne en pleine terre, de cette grâce fruste et de cette naïveté ! En effet, le génie personnel d’Hérodote a été doublé par la langue qu’il a parlée.
M. de Vigny, non plus, ne portera jamais sur le front de son génie cette couronne de rides qui, plus tard, ira si bien, par exemple, au front chenu et grandiose de M. […] On a de lui quelques pages de prose, je le sais ; et les admirateurs de son génie disent qu’il aurait pu devenir ce grand miroir clair qui foudroie, comme celui d’Archimède, et qu’on appelle un historien. […] Alfred de Vigny, le fond incommutable de son génie, l’âme qui a rayonné, — pressentiment ou souvenir, — dans tout ce qu’il a écrit et tout ce qu’il écrira jamais, s’il écrit encore ! […] Quelle lassitude de vivre, âme dépareillée, dans l’éternel célibat du génie ! […] Il était classé ; mais ne croyez pas que l’inspiration de son génie l’ait abandonné, parce qu’elle ne pouvait pas le porter plus haut.
Le Génie ne décourage pas le Génie. Le génie métaphysique de Saint-Bonnet (car son talent va jusque-là) n’a pas eu peur du génie historique et politique de de Maistre sur un sujet, — catholique en ceci encore qu’il admet et que même il appelle toutes les compétences de l’esprit. […] Nonobstant cette nécessité, cependant, quand on fait un livre sur la question d’infaillibilité, de mêler, dans une mesure inévitable, la philosophie à l’histoire, il n’en est pas moins vrai que cette question immense est assez spacieuse pour les deux genres de génie : le génie des faits et le génie des idées, et qu’elle répond aux deux plus grandes inclinations de la pensée. […] Voilà cet homme, qui avait le génie de l’âme, plus rare que le génie de la pensée, quoique le génie de la pensée, il l’eût aussi. […] Le mot de Shakespeare, que Saint-Bonnet, — ce penseur par lui-même, — assez fort pour pouvoir se passer de lire (Malebranche ne lisait pas), n’a peut-être pas lu dans Shakespeare, a été redit par son génie et à la manière du plus religieux et du plus métaphysique des génies.
comment se peut-il que les nations n’y soient jamais restées fidèles, et que le génie seul en ait accompli les conditions ? […] Le genre humain hérite du génie, et les véritables grands hommes sont ceux qui ont rendu leurs pareils moins nécessaires aux générations suivantes. […] Les événements du hasard, ceux qu’aucune des puissances de la pensée ne peuvent soumettre, sont cependant placés, par la voix publique, sur la responsabilité du génie. […] Si les Romains sont insensibles à l’éloquence de Cicéron, son génie nous reste ; mais où, pendant sa vie, trouvera-t-il sa gloire ? […] Le génie, qui sut adorer et posséder la gloire, repousse tout ce qui voudrait occuper la place de ses regrets mêmes ; il aime mieux mourir que déroger.
On le sait, ce génie, dès qu’il se tourna vers les arts, aima l’Italie, en étudia, en imita la poésie. […] Ne plaît-elle pas au génie anglais dans son studieux travail, comme dans son libre essor ? […] Et cependant ce n’était pas encore la poésie anglaise donnant l’image la plus rapprochée du génie lyrique des peuples libres. […] Un autre temps et un autre génie devaient donner à l’Angleterre l’idée, ou du moins la forme artificielle, mais vivante encore, de l’enthousiasme lyrique. […] Shakespeare, avec son merveilleux génie pour tout peindre, ne fut pas le poëte courageux qui se charge de flétrir le vice et la mollesse.
Quoi qu’il en soit, maintenant l’allégorie est épuisée, et le génie de l’antiquité cesse de régner dans la poésie. […] C’est le génie pittoresque qui a succédé au génie statuaire. […] Le génie romantique et le génie pittoresque sont deux frères qui viennent succéder au génie statuaire et au génie classique, vieux monarques dont nous devons encore honorer les cendres augustes quoique nous ne vivions plus sous leurs lois. […] En un mot, le génie classique est usé comme toutes les autres traditions. […] Par la restitution spéculative du Jupiter Olympien de Phidias, il comble en quelque sorte, dans la pensée, l’intervalle que l’interruption des traditions avait laissé entre les productions du génie statuaire et celles du génie pittoresque.
C’est pour Louis XIV que le grand Corneille, déjà vieux, composa, avec son génie qui agrandissait tout, un demi-volume de vers qu’on ne lit plus. […] Il ne s’agit ici que des hommes qui flattaient avec génie. […] Occupé de l’éclat de son règne, il confia l’espérance du règne suivant à la vertu et au génie. […] Luxembourg, qu’il n’aimait pas, le força, par son génie, à l’employer. […] Louis XIV, armé de la souveraineté, commandait à des hommes qui lui devaient en tribut leur sang et leur génie.
Aucun écrivain n’a plus mérité que Corneille le titre de génie créateur. […] Le génie de Corneille, qui s’était cherché pendant dix années, s’est enfin trouvé. […] Cette première révélation du génie intéresse singulièrement. […] Où Corneille a tout son génie, c’est plus qu’un homme, c’est la Muse même de la tragédie ; sitôt que le génie l’abandonne, c’est à peine l’habileté incertaine d’un tragique de profession. […] Telle fut l’influence du goût espagnol sur le génie de Corneille.
Chez un peuple qui n’est pas libre, ou ne l’est qu’à moitié, jamais le génie de l’éloquence n’a paru qu’avec l’éclat du gouvernement ; et les grands orateurs y marchent à la suite des généraux, des ministres et des grands hommes d’état. […] La jalousie des Florentins, qui a disputé sa cendre, n’a pu enlever ce monument à Rome ; et si sa patrie jouit de son tombeau, Rome, où il a exécuté la plupart de ses chefs-d’œuvre, jouit de son génie. […] Ailleurs, on loue le souverain ; son caractère ou son génie fait le sort de sa nation. […] En attendant, sois le génie de ta patrie, tandis que ta poussière sacrée dort avec celle des rois, et qu’elle daigne honorer leurs tombeaux. » C’est avec cet enthousiasme que les Anglais louent leurs grands hommes. […] Le génie du czar Pierre, qui a porté les semences de tous les arts en Russie, y a fait naître aussi l’éloquence.
Ce n’est pas là du tout le cas de Molière ni celui des grands hommes doués, à cette mesure, du génie qui crée. […] Riccoboni a eu le bon esprit de sentir que le génie de Molière ne souffrait pas de ces nombreux butins. […] Il a bien accordé à Molière d’avoir le génie du burlesque, mais en un sens prosaïque, comme il eût fait à Scarron, et en préférant de beaucoup le génie fantastique et poétique du comédien Le Grand. […] Ils ne gouvernent pas leur génie selon la plénitude et la suite de la liberté humaine. […] Le génie de Molière est désormais un des ornements et des titres du génie même de l’humanité.
On y sent renaître par intervalle le beau génie de la Grèce antique. […] Louons un homme de génie par la vérité, non par les systèmes. […] C’est un genre faux, agréablement touché par un homme de génie. […] C’est une longue déclamation, où brillent quelques éclairs de génie. […] Mais il n’en reste pas moins un génie créateur.
Le poëte trouve la région où son génie peut vivre et se déployer désormais ; le critique trouve l’instinct et la loi de ce génie. […] L’état général de la littérature au moment où un nouvel auteur y débute, l’éducation particulière qu’a reçue cet auteur, et le génie propre que lui a départi la nature, voilà trois influences qu’il importe de démêler dans son premier chef-d’œuvre pour faire à chacune sa part, et déterminer nettement ce qui revient de droit au pur génie. […] Génie loyal, plein d’honneur et de moralité, marchant la tête haute, il devait se prendre d’une affection soudaine et profonde pour les héros chevaleresques de cette brave nation. […] Entre son génie et son bon sens, il n’y avait rien ou à peu près, et ce bon sens, qui ne manquait ni de subtilité ni de dialectique, devait faire mille efforts, surtout s’il y était provoqué, pour se guinder jusqu’à ce génie, pour l’embrasser, le comprendre et le régenter. […] Avant de dire un mot de sa vieillesse et de sa fin, nous nous arrêterons pour résumer les principaux traits de son génie et de son œuvre.
Thiers rétablit partout dans le reste de cette histoire l’équilibre et même la supériorité fréquente du génie des campagnes en faveur de Davout. […] La diplomatie se mêle à l’adulation des deux côtés ; on se sacrifie l’Angleterre, on se partage en secret le monde européen ; le génie grec dans l’empereur Alexandre et le génie italien dans l’empereur Napoléon luttent de souplesse et de séduction après avoir lutté d’héroïsme. […] Génie audacieux et sûr dans la guerre, génie hésitant et timide dans les congrès, Napoléon, ici comme partout, n’a que des demi-résultats après de complètes victoires. […] Thiers, ici aussi sévère que le destin, prend en pitié l’homme politique et commence à douter du génie au spectacle de tant de démence. […] Thiers dans sa théorie contre le style, et le génie d’écrire est-il donc inutile au génie de raconter ?
Elle a beau se renouveler chaque jour, elle n’est pas pour cela plus compréhensible… Pourquoi le Génie ne se juge-t-il pas ? […] … Le Génie voit tout, excepté lui, et c’est ainsi qu’il préfère tant de choses inférieures à son trésor, pour lui seul invisible. […] Nous voulons croire, même dans l’intérêt de son génie, qu’il l’adorera. […] » Mais Heine, lui, a dans le génie autant de cœur que de cerveau, si même il n’en a davantage. […] Un jour, Henri Heine, dans sa floraison de jeunesse, écrivit, comme s’il eût senti les murmures en lui de cet horrible mal sous lequel il devait succomber, que « tout homme de génie était nécessairement malade et même que le génie n’était qu’à ce prix », et les gens qui se portaient bien trouvèrent la chose insolente et lui en firent la guerre.
Le génie de Sparte est le génie héroïque par excellence, tel qu’il se constitue par la première révolte du guerrier contre le prêtre. […] Qu’est-ce, en effet, que tout génie et toute vertu ? […] Le talent s’acquiert ; le génie est fatalement donné. […] On ne dit plus, alors, d’un personnage, qu’il a tel ou tel génie, mais qu’il est un homme de génie. […] Alors le génie grec se personnifia dans un homme.
Il est permis de croire qu’en mourant Walter Scott n’emporte pas de grande pensée inachevée ; son génie s’était épanché à l’aise et abondamment ; il avait assez dit pour sa gloire et pour nos plaisirs ; quoiqu’il n’eût que soixante-deux ans, il est mort plein d’œuvres et il avait rassasié le monde. […] Que ces disparitions réitérées, ces coups mystérieux qui frappent comme à dessein des groupes révérés, des génies au faîte, les derniers chefs d’un mouvement accompli ; que tous ces coups soient autant d’avertissements religieux aux générations nouvelles pour se hâter, pour se serrer dans les voies où elles marchent et où elles n’ont bientôt plus de guides qu’elles-mêmes ! Les grands hommes ne leur manqueront pas, elles peuvent le croire ; l’âge brillant des poëtes n’est peut-être pas fermé encore ; l’infatigable humanité n’a peut-être pas épuisé tous ses génies ; mais, en laissant à la Providence le soin de susciter les génies en leur temps, les générations nouvelles, en présence de ces tombes glorieuses dont elles sont appelées à sceller les pierres, doivent y contracter le saint engagement de ne pas s’arrêter dans la route de la civilisation et des lumières bienfaisantes, de rester probes, sincères, amies de tout progrès, de toute liberté, de toute justice. […] Ces sortes de génies, qui ont le don de s’oublier eux-mêmes et de se transformer en une infinité de personnages qu’ils font vivre, parler et agir en mille manières pathétiques ou divertissantes, sont souvent capables de passions fort ardentes pour leur propre compte, quoiqu’ils ne les expriment jamais directement. […] Il n’en a pas été ainsi de Scott, qui, pour être de la même famille, ne possédait d’ailleurs ni leur vigueur de combinaison, ni leur portée philosophique, ni leur génie de style.
Peut-être aussi le génie a-t-il manqué aux poëtes dans ce siècle si fécond en hommes supérieurs, à moins que la servitude d’une double imitation n’ait fait avorter le génie dans des jeux d’esprit. […] Ce grand homme marque un autre changement, qui n’est peut-être que la conséquence du premier : c’est la prédominance du génie latin sur le génie grec dans la littérature française. […] Nous sommes les fils des Latins ; là est la cause principale de la préférence que nous donnerons toujours au génie latin. […] Beaucoup même le regardent comme le premier ouvrage de génie, dans l’ordre des temps ; ce serait juste, s’il n’y avait d’écrivains de génie que ceux qu’on lit. […] Les érudits en goûtent la nouveauté, et y admirent tant de tours et d’expressions conformes au génie de notre pays, et qui datent de Montaigne.
Comment se dénoua le génie de la nation ? […] Arrive l’homme de génie ; il a une langue à lui. […] Remarquons d’abord l’intime analogie entre le génie hébraïque proprement dit, et le génie oriental. […] On peut chercher dans leurs vers quelques traces de ce nouveau contact du génie d’Europe avec le génie oriental. […] C’est un génie studieux, autant que créateur.
Le génie et la tâche de ce siècle sont de retrouver et de réunir les titres de famille de l’intelligence humaine. […] La vertu d’un grand artiste, c’est son génie. […] On se sent en présence d’une volonté puissante conforme à une destinée, ce qui est la marque du génie. […] Certes, c’était là une entreprise digne de son génie, quelque colossale qu’elle fût. […] Les épidémies de cette nature passent et le génie demeure.
Ils devaient retrouver le génie du frère passant à travers l’âme de la sœur, et s’attendrissant au passage. Le génie de Guérin, ce grand poëte naturaliste, embrasse le monde avec ses horizons et ses paysages. […] Les filles de Milton voyaient l’orbe du génie paternel se coucher sur leurs têtes, dans un horizon orageux. […] Seulement son génie d’expression sembla hériter et doubler de cette vie que la douleur tarissait en elle. […] Eugénie de Guérin n’eut jamais l’ombre de cette tache dont le génie même, chez les femmes, peut mourir.
C’est vrai, — mais cela flambe de génie. Et d’où qu’il vienne, — le génie dans la femme est toujours ici la question. […] Pour nous autres catholiques, il est vrai, son génie est spécial et, théologiquement parlant, surnaturel ; mais pour ceux-mêmes qui ne sont pas catholiques, le génie, dans un autre sens, est surnaturel encore… Celui de la sœur Emmerich ne vient ni de son organisation physique, ni de ses facultés. […] Abîme d’ignorances, l‘un sur l’autre, avec le génie et la sainteté, tout au fond !! […] On l’expliqua longtemps contre Emmerich, dont les visions seules font le génie, en insinuant que ce génie n’était pas uniquement le sien.
Le génie bouffe de l’Italie a fait un quolibet sur les traducteurs : traduttore traditore, et le quolibet est européen. […] Mais le revers de la médaille de tout succès pour le génie, c’est l’imitation qu’il fait naître, et on n’attendit pas même la mort de Cervantes pour l’imiter. […] Ainsi, Don Quichotte n’appartenait déjà plus au génie d’un homme. […] Comme les amoureux qui croient tenir des divinités dans leurs bras, il a cru tenir un homme de génie sous les caresses de sa plume. […] si les types créés par le génie pouvaient s’animer et se mouvoir sous la main du premier venu qui les aurait dérobés, comme un sac de marionnettes ?
la cause de ce déchet d’un livre médiocre, sur un homme de génie, par l’être qui devait trouver, pour en parler, des accents de génie dans le fond de son propre cœur, — oui, la cause de ce triste phénomène d’un livre, écrit et pensé comme l’eût écrit et l’eût pensé le premier bas-bleu venu, c’est uniquement le bas-bleuisme. […] Ce génie qui vous échappe déjà par en haut, de cela seul qu’il est un génie, vous échappe encore par tous les autres côtés, en raison de cette ondoyance de facultés, qui va du Childe-Harold au Don Juan. […] Le caractère de ce singulier génie, c’est d’être profond et mobile tout à la fois, — quelque chose comme un arc-en-ciel sur un gouffre… Or ce n’est pas le gouffre à sonder qui est difficile. […] Or qui sait si ce sombre et moqueur Byron, avec tout son génie, ne fut pas toujours, au fond, un enfant ? […] Byron, dans son génie, est un enfant de cette beauté-là.
. — La nature de l’art nous éclaire sur celle du génie. […] Taine, nous donnent, selon Guyau, le spectacle de trois sociétés liées par une relation de dépendance mutuelle : 1° la société réelle préexistante, qui conditionne et en partie suscite le génie ; 2° la société idéalement modifiée que conçoit le génie même, le monde de volontés, de passions, d’intelligences qu’il crée dans son esprit et qui est une spéculation sur le possible ; 3° la formation consécutive d’une société nouvelle, celle des admirateurs du génie, qui, plus ou moins, réalisent en eux par imitation son innovation. […] Les génies d’action, comme les César et les Napoléon, réalisent leurs desseins par le moyen de la société nouvelle qu’ils suscitent autour d’eux et qu’ils entraînent. […] Les génies d’art ne meuvent pas les corps, mais les âmes : ils modifient les mœurs et les idées. […] Dans l’être vivant, c’est le fond qui projette sa forme, pour transparaître en elle ; il en doit être de même dans l’œuvre du génie.
Il y mettait des bouquets de fleurs avec leur rosée, des parfums d’autel, et surtout cette petite flamme de lampe du génie qui y trembla toujours et qu’on craignait toujours de voir s’évanouir. […] C’était un génie sans exemplaire. […] Joubert a parlé de Platon comme un génie parent, exilé dans une langue éloignée. […] Il l’est pour Corneille, par exemple, quand Corneille, avec tout son génie, outre la nature humaine et échoue dans le déclamatoire. […] C’est ce génie de la clarté qui l’enleva, sur ses ailes de flamme, à cette métaphysique vers laquelle ses molécules platoniciennes allaient d’attrait.
Gœthe, en effet, cet habile, qui aurait le plus grand génie si le génie était jamais une résultante d’habileté ; Gœthe, ce savant metteur en œuvre, ce roué d’art, de moyens et de réussite, qui dans sa vie fut ce qu’il est toujours dans ses ouvrages : un homme d’effet calculé ; Gœthe, enfin, le puissant jeteur de poudre aux yeux, paraîtra, à ceux qu’il n’a pas tout à fait aveuglés, effroyablement diminué par les révélations d’Eckermann. […] La grandeur humaine, c’est toujours du caractère ou du génie. […] Et son génie, c’est le génie de Buffon : c’est de la patience. C’est le génie du comédien à froid de Diderot dans son Paradoxe du Comédien. […] Que Michel-Ange, qui ne l’était pas, lui, à quatre-vingts ans, l’eût été, rien d’étonnant, avec la fougue de ce génie qui devait tarir la force humaine, comme le soleil boit une flaque d’eau.
Nous aimons les Aristarques du génie. […] Génie mendiant qui vivait d’aumônes. […] On peut lui chercher des analogues, une parenté, une filiation intellectuelle ; et, comme tous les génies qui ne tombent pas du ciel, il en a une, mais il transfigure sa race en lui. […] … Selon nous, ce qui range à part le génie de Balzac parmi les autres génies contemporains et européens, c’est l’esprit, cette faculté perdue que je nommerais volontiers anti-dix-neuvième siècle, tant elle est rare à cette époque, même dans les talents réputés les plus grands ! […] De ce grand génie multiface qu’on appelle Balzac, il n’a vu presque qu’une facette.
La renommée des œuvres fut prompte à mûrir durant l’absence du poète ; la postérité commença vite pour lui : on le relut avec larmes et délices ; son nom devint cher et familier à tous ; on se montra presque facile à reconnaître le génie de celui qui était absent et qu’on ne voyait plus. […] Or, il arrive souvent que les hommes de génie qui commencent les révolutions dans l’art se lassent sitôt que leur œuvre individuelle est achevée ; il arrive qu’un matin ils ressentent pour eux-mêmes un soudain besoin de repos et désespèrent volontiers : que d’autres puissent jamais aller plus loin. […] il s’est exprimé sur tous points avec convenance et franchise ; il n’a manqué ni à ses convictions politiques ni à sa haute position littéraire, et, dès le premier jour, il a pris dans l’Académie, avec une noble aisance, la place que son génie lui assure partout. […] Cuvier, se levant aussitôt, a répondu que l’Académie n’avait jamais fait autre chose que d’accueillir tous les génies, toutes les illustrations, et il a énuméré à l’appui nos grands écrivains académiciens, depuis Racine jusqu’à Buffon, en omettant, je ne sais pourquoi, Molière, Diderot et Jean-Jacques ; il a prétendu qu’aucun novateur de vrai talent, aucun nova leur raisonnable n’avait été exclu de l’Académie et qu’en nommant M. de Lamartine, c’était précisément l’alliance du goût et du génie, la juste mesure de la nouveautés de la correction qu’on avait voulu reconnaître et couronner. […] Cuvier est un homme de génie lui-même ; arrivé à ces hauteurs de la science où elle se confond presque avec la poésie, il était digne de comprendre et de célébrer le poète philosophe qui, dans l’incertitude de ses pensées, avait plus d’une fois plongé jusqu’au chaos, et demandé aux éléments leur origine, leur loi, leur harmonie : Aristote pouvait donner la main à Platon.
Et d’abord nous voyons clairement que, quel que soit le génie d’un musicien, s’il n’a aucun instrument à sa disposition, pas même la voix humaine, il ne pourra nous donner aucun témoignage de son génie ; ce génie même n’aurait jamais pu naître ou se développer. […] En un mot, s’il n’y avait pas d’autres faits que ceux que nous venons de signaler, on pourrait conclure d’une manière à peu près sûre de l’instrument au musicien, comme du cerveau à la pensée, mesurer le génie musical par la valeur de l’instrument, comme les matérialistes mesurent le génie intellectuel par le poids, la forme, la qualité des fibres du cerveau. […] Ici le génie ne se mesure plus à l’instrument matériel. […] Dans tous ces faits, il est constant que le génie ne se mesure pas, comme tout à l’heure, par la valeur et l’intégrité de l’instrument dont il se sert. Le génie sera la quantité inconnue qui troublera tous les calculs.
Évidemment, s’il avait été un autre homme, il aurait pu combler, avec des affections fortes ou des vertus domestiques, cette solitude qui a fait pis que de dévorer son génie, car elle l’a dépravé. […] Le biographe d’Edgar Poe ne le dit pas et peut-être ne s’en soucie guère ; mais le silence de sa notice sur l’éducation morale, nécessaire même au génie pour qu’il soit vraiment le génie, genre d’éducation qui manqua sans doute à Edgar Poe ; et d’un autre côté, le peu de place que tiennent le cœur humain et ses sentiments dans l’ensemble des œuvres de ce singulier poëte et de ce singulier conteur, renseignent suffisamment, — n’est-il pas vrai ? […] Edgar Poe, le Bohême de génie, n’est après tout ni plus ni moins qu’un Américain, l’énergique produit et l’antithèse du monde américain des États-Unis ! […] Sa vie tout entière, à ce robuste et malade génie, fut, jusqu’à sa dernière heure, un délire et un tremblement ! […] Pour lui donner force à l’être pourtant, Dieu, après le génie qui est aussi une lumière pour le cœur, lui avait donné des affections domestiques.
Ces deux existences désormais n’en font qu’une, tellement qu’il est impossible d’écrire l’histoire du génie de l’un sans toucher au génie de l’autre. […] Scandale pour les uns, augure de génie pour les autres, bruit immense pour tous. […] Le génie a ses saisons comme la nature ; après la récolte, la stérilité. […] Le génie des lettres a ses vicissitudes comme l’épée. […] Le génie allemand est individuel et non national.
Heureux les hommes qui ne sont accusés que de l’ivresse inspirée par le charme, cette sorcellerie du génie ! […] Mais ce n’était là que la moitié du génie de Michel-Ange, la grandeur ; l’autre moitié de ce génie, la beauté, est à Florence. […] Quels temps pour le génie ! et que de génie, de grandeur, de sagesse, de lumière, de vertu même (car non loin de là mourut Socrate) pour ce temps ! […] Périclès avait voulu en faire autant un assemblage de tous les chefs-d’œuvre du génie et de la main de l’homme, qu’un hommage aux dieux ; ou plutôt c’était le génie grec tout entier, s’offrant sous cet emblème, comme un hommage lui-même à la Divinité.
Le génie ne pèse pas, il soulève. […] Ce ne sont pas les corps qui font naître le génie, c’est la nature ; ce ne sont pas même les corps qui reconnaissent, qui constatent, qui honorent le génie, c’est la postérité. Si vous voulez rabaisser, étouffer, absorber, persécuter même un homme de génie, faites-le membre d’un corps littéraire ou politique. […] Le génie n’est génie que parce qu’il est seul, et il est seul parce qu’il est génie. […] Le génie littéraire et oratoire de la France répondit à l’attente du monde.
Début d’un article sur l’histoire de César Il y a deux sortes et comme deux races de Césars ; les Césars par nature et par génie, et les Césars par volonté. […] Il parle, il dicte, il agit, et toujours avec la même supériorité aisée ; élégant, éloquent, prodigue, le premier au Forum ou dans les soupers, futur roi du genre humain ou roi des convives, il a le génie d’Alcibiade, mais il y joint une ambition constante et fixe qu’Alcibiade n’avait pas. […] On en a vu ainsi, sans une goutte du sang héréditaire dans leurs veines, sans un seul trait primitif du génie fondateur de la race, en devenir, à force d’application, de méditation et de culte, les dignes et légitimes héritiers. […] Ne leur demandez, cependant, aucune des diversités de génie qui distinguent le premier et divin César. […] Dans la paix en face des problèmes, là où il faut du génie, ils hésitent, tâtonnent, ils vont et viennent.
Quand chez ces derniers un homme a vraiment du génie il pousse, à sa façon, le cri du génie, et c’est le Dante quand le génie est mâle, et c’est Lamartine quand le génie est femelle. Mais dans le Dante comme dans Lamartine, — dans le Dante, l’encapuchonné, malgré les ailes d’archange exterminateur que le catholicisme a données à son génie ; dans Lamartine, malgré sa grâce molle et racinienne, — ne vous y trompez pas ! […] C’est le génie qui a manqué. […] Valéry Vernier serait donc suffisante alors qu’elle serait inférieure à ce qu’elle est, pour juger de Leopardi et de son prétendu génie. Comme invention, pensée et expression, il faut savoir le dire, ce génie est nul.
L’admiration n’est pas la moindre des insolences que la médiocrité, qui se permet tout, se permette envers le génie, lorsqu’elle croit pouvoir se mesurer avec des sujets plus grands qu’elle. […] L’histoire des grands hommes, qui, d’ordinaire, est une horrible lutte, contre les choses, la société et eux-mêmes, reçut de Bossuet cet éclatant démenti d’un bonheur égal au génie. […] Apôtre futur de Celui qui à douze ans enseignait dans le temple, il jaillit docteur par la force seule du génie, à l’âge où les autres jeunes gens ne sont que des bégayeurs de sciences apprises, mais non pénétrées. […] Bossuet et Fénelon adossés, appuyés l’un à l’autre, formeraient, ajoute-t-on, le génie complet, l’idéal du génie chrétien dans sa douceur et dans sa puissance. […] Au point où il a mené son histoire, Bossuet n’est encore qu’un grand sermonnaire, un grand controversiste, un prêtre de génie, mais un prêtre.
Et ce n’était pas pour le saint qui est au ciel et qui a laissé sur la terre des œuvres vivantes, lesquelles disent mieux ce qu’il fut qu’aucune plume d’homme ou de génie, ce n’était pas pour le saint qu’il fallait regretter cette lacune. […] un homme de génie dans le sens que les hommes respectent le plus. […] Le génie de Vincent de Paul faisant équation avec ses vertus ! C’est la première fois qu’on nous ait donné l’impression profonde, la notion claire, la mesure exacte de ce génie qu’on dédoublait et qu’on croyait déshonorer peut-être en l’appelant le génie du cœur, mais que voici aussi lumineusement prouvé que celui des génies de tête les plus incontestables, grâce au livre de l’abbé Maynard. […] Le cœur qui palpitait en lui ne lui ôtait pas la fermeté de son génie, de ce génie que Richelieu sentit, à travers les vertus qu’il n’avait pas, frère du sien.
On a de lui des vers adorablement touchants, où il dit de son génie « mon pauvre génie ! […] Après de tels langages, voilà Rousselot tenu, impérieusement tenu d’avoir du génie. Seulement, en supposant qu’il en eût, ce serait du génie de bien mauvais ton ; et il a raison, je pense comme lui, il faudrait décourager les jeunes gens d’en avoir comme cela. Mais a-t-il du génie ? […] … C’est terriblement auguste et complet, le génie !
Aristophane lui-même ne plaisanta point de cette hérédité ; et son fils Araros se fit applaudir, après lui, pour des comédies de la même école, sinon du même génie. […] Tant de motifs, le silence de Quintilien, comme celui d’Horace, ou plutôt le silence de toute l’antiquité, hormis Suidas, ne confirment-ils pas l’opinion si vraisemblable que le génie dorien de Pindare ne fut pas appelé à cette gloire nouvelle du théâtre, ouverte dans Athènes, et qu’il trouva plus près de lui, à Delphes, à Olympie, la seule inspiration qui, sur des tons variés, domina son génie ? […] L’antiquité ne nous en dit rien ; et nous voyons la prévention antibéotienne, à travers une autre langue, passer dans les vers d’Horace si charmé du génie de Pindare. […] Son génie avait combattu pour la Grèce ; et ses chants n’avaient cessé d’inspirer dès longtemps ceux qui venaient de vaincre pour elle. […] Ce jour-là, dans les fêtes d’Athènes, le génie de la liberté et de la poésie jetait, un siècle d’avance, les fondements de la grandeur d’Alexandre et commençait la conquête de l’Orient.
Là encore il a fait acte de génie créateur. […] Nul génie n’a été plus idéal et plus social à la fois. […] Ce fut un génie consolant. […] Il devait rejoindre la parla clairvoyance de son génie. […] A-t-elle contrarié le génie de Pétrarque ou de Milton ?
Soyons donc justes, et rendons gloire à la vérité et au génie. […] Que le génie est brillant dans sa naissance ! […] Tel est le premier effet du génie. […] Pourquoi faut-il que le génie transmette ses fautes aux générations futures ? […] L’histoire des bassesses est dégoûtante, elle répugne à la main qui trace l’histoire du génie.
… peut-être de manière à désarmer et à faire accepter sans horreur l’idée d’une publication qui a blessé en madame Heine des susceptibilités très nobles, mais qu’il aurait été plus digne du génie de son mari de ne pas écouter. Le génie de son mari, voilà ce que devait voir exclusivement madame Heine, parce que, dans le jugement de la postérité, Henri Heine, comme tous les poètes, ne comptera que par son génie, lequel ne sera pas détruit par une correspondance privée, même écrite sans talent, ce qui, pour un homme comme lui, serait le tort suprême. […] Car l’enthousiasme et l’ironie étaient les deux boulets ramés, l’un brûlant, l’autre froid, de son genre de génie, — l’enthousiasme, qui ne dure pas ! […] Pour faire le génie de Henri Heine, combien a-t-on broyé d’esprits ? […] Mais si nous mettions : Et vous, charme de Dieu, qui sait si le génie, etc.
Inspiration d’un génie divin ou œuvre d’un génie tout personnel, voilà à quoi se résume toute leur critique ; nulle idée de rapport avec la nature extérieure, la race ou la société à laquelle appartiennent les artistes. […] Cela tient avant tout au génie même de l’antiquité, génie essentiellement pratique et politique qui faisait de toute chose, science, art, religion, poésie, histoire, une institution d’État. […] La critique moderne y voit, à côté du génie propre de l’individu, le génie de la race, du peuple, de l’époque où est né l’orateur, le poëte, l’artiste, le romancier ; elle montre l’individu se nourrissant de la substance, s’inspirant de l’âme de ce génie, recueillant et méditant ses traditions, ses mœurs, ses idées, ses sentiments, tous les éléments de sa vie passée ou présente, pour les reproduire par une création véritable de son génie personnel. […] C’est que, tandis que le génie allemand est réaliste avec toute sa poésie métaphysique et sentimentale, le génie de notre France est essentiellement idéaliste. […] On peut admirer le génie triomphant par la force ; heureuse ou malheureuse, la vertu au service de la justice a toujours droit à la même estime.
Il est inutile de nous attacher à développer les différens caracteres de son génie : une foule d’Ecrivains se sont empressés de les faire connoître, & nous ne pourrions que répéter ce qu’ils en ont dit. […] Il faut donc que son génie ait été doué d’une touche bien dominante, pour enlever ainsi l’universalité des suffrages ! […] Ses autres Pieces, quoique moins parfaites, seroient capables de faire un nom à quiconque eût eu assez de génie pour en être l’Auteur. […] On pourroit dire que son génie fut heureusement secondé par l’excès auquel tous ces genres de travers étoient portés de son temps. […] Que ceux qui osent occuper la Scène de leurs Productions, se rappellent que Regnard n’a chaussé le Brodequin, qu’après s’être formé sur Moliere ; que les Pieces qui ont été le plus généralement applaudies, n’ont mérité leur succès, que parce qu’elles retraçoient quelques foibles étincelles de son génie.
L’esprit français se relève par le génie et la tradition ; par le génie dans Montesquieu, Voltaire et Buffon ; par la tradition dans Lesage et Rollin. […] Ces deux forces réparatrices se personnifient dans Montesquieu, Voltaire et Buffon, chez qui la tradition est continuée et renouvelée par le génie ; dans Lesage et Rollin, chez qui le génie semble l’inspiration docile et le sentiment fidèle de la tradition. […] Ce qui, au dix-septième siècle, a fait défaut à l’histoire, c’est que l’idée même n’en pouvait venir à un homme de génie, non par l’effet de quelque défense de Louis XIV qui se fût aussi bien qu’Auguste accommodé d’un Tite-Live, mais par une loi des choses de l’esprit, qui faisait naître le génie de l’érudition avant le génie du récit, et les préparateurs de l’histoire avant l’histoire. […] Mais sa vraie vocation était un génie secret pour le roman de mœurs. […] L’image d’une abeille est la seule en effet qui caractérise l’aimable génie de Rollin.
Je n’y suis pas forcé par son génie, mais j’y suis forcé par son succès. Les deux volumes que voici n’ajoutent pas un iota à ce génie que j’ai suivi, reconnu, décrit et jugé tant de fois dans ses œuvres. […] Quand le rythme est manié avec ce génie, il donne l’inexprimable et rêveuse sensation que donne, en peinture, l’arabesque, exécutée par un génie égal. Victor Hugo est le génie de l’arabesque poétique. […] il faut aimer le génie jusqu’aux larmes.
Les œuvres inachevées du génie ont le bonheur d’être un éternel regret, et ce regret éternel les idéalise encore ! […] il était plusieurs par le génie, mais ces imbéciles d’Allemands ont cru qu’il était plusieurs en réalité. […] mais, après tout, vulgaires, jusqu’au moment de l’échafaud, où son sang fit pourpre à son génie. […] Toutes les cuisines sont laides à voir, même celle du génie. […] Le mérite et la faculté des grands et vrais poètes, c’est l’assimilation rapide, c’est, avec un rien, l’éveil du génie.
Prodigieux génie de Descartes, et de quels moyens il se sert pour assurer la liberté de son esprit. — § III. […] Prodigieux génie de Descartes, et de quels moyens il se sert pour assurer la liberté de son esprit. […] On n’a pas ce grand naturel à demi, ni par imitation ; on l’a tout entier, et on l’a de génie, comme Descartes. […] Sa métaphysique a inspiré deux hommes de génie. […] Descartes a eu la gloire d’apprendre aux Français leur véritable génie ; cette gloire durera tant que ce génie se souviendra de ce qu’il a été.
Cette amitié persuadait aux autres son génie. […] Corinne, punie de sa beauté et de son génie, expire de tristesse sous l’excès même des dons qu’elle a reçus de la nature. […] Cette lettre est un monument du dédain soldatesque du moment pour les suspects de génie et d’indépendance. […] Elle créait, au lieu de la monarchie classique et plagiaire des lettres grecques et latines, la république du génie. […] La religion, la liberté, l’amour, la vertu faisaient partie essentielle du génie.
Il est certain qu’il n’eut jamais d’autre guide que son propre génie, qui, créé pour le sublime, entraîné par cette vigueur, cette énergie & cette fécondité qui lui étoient si naturelles, le portoit de lui-même vers les plus grands objets, & la Tragédie seule pouvoit développer ses richesses, en lui présentant des sujets dignes de son activité. […] Les fautes échappées à son génie, dans cette Piece, prouvent combien ce même génie étoit en état de les proscrire ; & Cinna, les Horaces, Polieucte, Rodogune, devoient dans la suite en déployer toute la profondeur & toute l’étendue. […] Placer ses Héros dans des circonstances embarrassantes, les en tirer sans effort ; étonner le Spectateur par des sentimens, des réponses, des raisonnemens imprévus ; réunir à la fois l’élévation des pensées, la grandeur des images, la variété & l’énergie du style : tout cela n’étoit qu’un jeu pour un Génie devant qui les difficultés s’applanissoient d’elles-mêmes. […] Il est inutile de s’étendre davantage sur cet étonnant Génie ; ce n’est qu’à la représentation ou à la lecture qu’un homme de goût peut en saisir les nuances & en découvrir les riches beautés. […] Son génie, à l’exemple du Soleil, vint dissiper les brouillards qui enveloppoient le Théatre.
Personne n’a mieux parlé que lui de Voltaire même, ne l’a mieux défini et compris comme le type excellent et complet du génie français ; tâchons à notre tour de lui rendre la pareille en le comprenant, lui le type accompli du génie allemand. […] Il vit ce jeune homme ardent, enthousiaste, qui était emporté par son génie sans savoir le conduire. […] Puis, un incident heureux les ayant rapprochés, la fusion se fit, il prit insensiblement en main ce génie qui cherchait encore sa vraie voie. […] C’est un don rare et une preuve de génie aussi, il faut le reconnaître, que de savoir, à ce degré, apprivoiser les génies. […] Dans cette rencontre de deux génies égaux et frères à tant d’égards, et dont l’un juge l’autre, Beethoven conserve manifestement la supériorité morale.
pourquoi ne pas mettre en circulation jour par jour, pour ainsi dire, ce qui a instruit ou ému, ce qui a appris quelque chose sur l’état de la société ou sur la nature particulière d’un génie ? […] Il y a du Sophocle et du Bossuet dans son innovation, en même temps que le génie vierge du Meschacebé : Chactas a lu Job et a visité le grand Roi. […] Si l’on demeure à ce point de vue stérile, il n’est aucune raison pour se remuer davantage, et l’on cesse toute action confiante et suivie à l’âge même où le génie déploie la sienne. Mais le génie, lui, invente ; il se suscite de magnifiques emplois. […] Mirabeau, avec qui l’auteur a diné plusieurs fois, et qu’il a souvent entendu, est peint de génie à génie.
Le génie de la sculpture étrusque, mystère dans son passé, mystère à sa renaissance, apparaissait au monde comme un phénomène de l’esprit humain qui ne sera jamais expliqué. […] Le pape se plaisait à voir le génie du plus grand artiste de l’Europe travailler à sa propre immortalité. […] C’était le seul édifice, en effet, digne de contenir son génie. […] Le secret du génie d’un grand homme est le plus souvent dans son cœur. […] Son vingt-deuxième sonnet sur le Dante prouve que son culte pour le génie égalait son culte pour la beauté, ou plutôt, comme on le voit dans son adoration pour Vittoria Colonna, que le génie et la beauté n’étaient pour lui qu’un seul culte.
Qui ne sait pas l’écart de compas qu’il faudrait pour mesurer cet homme, qui va du génie à la plus grande âme, de la plus grande àme à l’esprit le plus séduisant, et chez qui toutes les qualités simplement aimables ne font pas croire, comme chez la plupart des autres hommes, à un affaiblissement dans la puissance ? […] Ce qui frappa surtout quand elles parurent, car son génie était connu et faisait trembler, ou du moins étonnait quand on ne tremblait pas, ce qui frappa en ces lettres inespérées, ce fut le père, non le père majestueux, quoiqu’il y fût aussi, le paterfamilias, Romain deux fois, de la Rome antique et de la Rome chrétienne, mais le père tendre comme une mère, le genre de père qu’avec la gravité d’un tel homme justement on n’attendait pas ! […] D’un autre côté, quand on aime ses enfants et qu’on a du génie, comme de Maistre, et de la tendresse dans le génie, on efface bien vite sous la vérité de ce qu’on écrit toutes les mignonneries de cette délicieuse Artificielle, de cette caillette, non pas d’esprit, mais de cœur, qui s’appelle madame de Sévigné ! […] Et, en effet, pour ce génie mystiquement politique, la souveraineté était un fait de l’ordre supranaturel et divin que les fautes, les excès, les aveuglements, les folies des familles dépositaires de cette chose — la souveraineté — ne pouvaient elles-mêmes jamais invalider, et contre laquelle tout ce qu’on faisait était, comme le dit Bossuet, nul de soi. […] C’est que Joseph de Maistre a encore plus le génie de l’esprit que l’esprit du génie.
Et non seulement il régnait sur eux et sur elles légitimement, de par les qualités de son génie, mais illégitimement aussi, de par les abus de ce même génie ; ce qui, dans notre monde en chute, est la grande et fatale manière de régner ! […] Il le fut également dans son génie et dans sa vie. […] Et cette grandeur n’est pas solitaire dans Ronsard ; elle y est accompagnée de la pompe d’imagination qui est l’attribut de toute jeunesse et de tout génie créateur dans la montée de son matin. […] Évidemment, c’est là un génie consanguin. […] Il y a dans ses Odes une ode à une simple fontaine, qui est bien tout ce qu’a pu écrire de plus surprenant un poète doué du génie du nombre.
C’est au génie à les résoudre, non aux poétiques à les éluder. […] C’est la même nature qui féconde et nourrit les génies les plus différents. […] Pour le génie, ce sont des instruments ; pour la médiocrité, des outils. […] Le goût, c’est la raison du génie. […] Le génie est nécessairement inégal.
Nous allons pouvoir goûter à loisir la sensation rare que donne le génie, — le plus grand bonheur pour la pensée ! […] Saint-Simon, avant qu’il eût la conscience de son génie d’écrivain, avait en lui, plus profondément que l’artiste, un ambitieux, dont l’ambition avait encore plus d’intensité que son génie, et c’est l’ambitieux qui, dans sa vie, doit expliquer tout ! […] Saint-Simon, avec tout son génie qui ne le dispensait pas d’avoir de l’âme, s’en tirera maintenant comme il le pourra ! […] C’est si bon pour la médiocrité de trouver des ridicules au génie. […] — est un chef d’œuvre, qui a pour les admirateurs et les adorateurs du génie l’intérêt immortel d’un chef-d’œuvre.
Sardanapale d’un nouveau genre, couronné des roses des succès d’un jour, le malheureux brûla son génie tout entier sur le bûcher du monde, fait, comme l’autre, de bûches entassées, ces sots que son esprit savait animer tous les soirs ! […] Il avait en lui deux génies fraternels : le génie de la conversation, qui a besoin des autres pour exister, et le génie littéraire, qui n’a besoin que d’étude et de solitude pour chercher son idéal et pour le trouver. […] C’est l’éloquence donnée à pur don comme la beauté, existant comme la beauté, et qu’il avait comme la beauté, cet homme à qui Dieu avait tout donné et qui n’ajouta rien aux dons de Dieu, fascinant mais lâche génie ! […] Il trouva le temps de vivre tête à tête avec sa pensée, de tirer de son cerveau et de son cœur tout ce qu’il y avait de génie, et de le verser dans des œuvres qui maintenant ne périront pas ! […] La gloire de Rivarol, qui avait certainement en lui le génie littéraire et avec, bien d’autres génies encore !
Remy de Gourmont C’était un jeune homme d’une originalité furieuse et inattendue, un génie malade et même franchement un génie fou. Les imbéciles deviennent fous et, dans leur folie, l’imbécillité demeure croupissante ou agitée ; dans la folie d’un homme de génie, il reste souvent du génie : la forme de l’intelligence a été atteinte et non sa qualité ; le fruit s’est écrasé en tombant, mais il a gardé tout son parfum et toute la saveur de sa pulpe, à peine trop mûre. […] Ce fut un magnifique coup de génie, presque inexplicable.
Son génie, en effet, commença par la grâce, ce don féminin qui est la jeunesse de l’esprit. […] Cette époque fut la véritable crise de ses croyances religieuses, de ses opinions politiques et de son génie. […] Il eut un troisième tort, c’est de se tromper sur la nature de son propre génie. […] Il chanta son lac dans des vers inspirés où le génie du paysage et le génie de la liberté se confondaient pour exalter son âme au-dessus d’elle-même. […] C’était le génie des supériorités en tout genre.
Avec cette tournure de génie, il devait être entraîné, même à son insu, vers l’étude du style oriental. […] Tous les génies sont frères et forment, à travers les espaces et les siècles, une famille rayonnante et sacrée. […] Son génie est un génie mâle, — car le génie a un sexe : Raphaël est un génie féminin, ainsi que Racine ; Corneille est un génie mâle. — Nul ne se rapproche davantage de la grandeur sauvage d’ […] Combien d’ennemis qui se rapprochent pour fêter d’un même élan le grand génie fraternel qui les domine ? […] Pour moi, je suis de ceux qui admirent simplement toute la marche du soleil et toutes les évolutions du génie.
Le génie était de transformer la poésie, non de l’imiter. Il manqua en ce point de vraie génie. […] Le sérieux, et par conséquent le religieux, manque à son génie. […] Il tente dans le Génie du Christianisme de faire une réaction contre son modèle. […] L’ennui est le mal du génie ; c’est l’état des grandes âmes ; c’est la sensation du vide dans l’homme.
Le génie se révèle en présence du génie. […] Disons pourquoi nous adoptons ces bases nouvelles dans l’appréciation des œuvres du génie. […] Il est peu d’hommes de génie qui n’aient eu à lutter contre l’infortune. […] Les hommes d’un vrai génie ne nous semblent pas naître au hasard sur la terre. […] « Mais, pour nous consoler, nous avons du génie.
Le Bovarysme passionnel ou le Génie de l’espèce : l’homme, en proie à la passion de l’amour, tandis qu’il croit assurer son bonheur personnel, accomplit le vœu de l’espèce. […] Le plus souvent, l’intérêt individuel est, à vrai dire, en antagonisme avec l’intérêt supérieur du Génie de l’Espèce. […] Tandis que le Génie de l’Espèce asservit les hommes, par l’attrait de la volupté, à perpétuer à travers l’écoulement des millénaires la médaille humaine, le Génie de la Connaissance a pour but et pour caprice de pénétrer les lois qui régissent l’univers. […] Il apparaît que tout cet effort, dirigé consciemment vers un but intéressé, a réalisé un objet différent, convoité par cet antre être que l’on nomme ici le Génie de la Connaissance. […] De même qu’avec la passion amoureuse, l’homme, croyant n’agir qu’en vue de son bonheur, remplit les desseins du Génie de l’Espèce, de même, avec la recherche scientifique, croyant améliorer les conditions de sa vie, il sert les vues du Génie de la Connaissance.
Satisfaire quelques besoins, comparer avec peine deux objets, voilà où se réduisent leur desir & leur curiosité : mais l’homme de génie ouvre à peine les yeux, qu’il reçoit à la fois une idée & un sentiment. […] Entouré des génies les plus rares, c’est à eux qu’il rend son hommage, & non aux idoles de la Fortune. […] Voilà le précipice ou conduisent les passions factices ; l’homme de génie les méconnoit, il n’a que celles de la Nature, toujours bienfaisante en elle-même. […] Semblables à ces Magiciens qu’on nous peint évoquant les paisibles habitans des tombeaux, ils sont fiers d’arracher l’homme de génie à sa retraite, & de le transporter dans des murs étonnés de le voir. […] L’homme de Lettres ne se refusera donc pas à la Société, lorsqu’elle ne pourra point effeminer son génie ?
Son génie a reçu de la réalité les plus beaux ébranlements. […] Il sut les dire avec génie. Mais, en outre, il était le seul qui eût du génie à ce moment-là, ou du moins qui eût un génie propre à charmer. […] Chateaubriand va pouvoir déployer son génie d’action. […] Il est clair que, pour exprimer tout cela, son génie propre excelle, et son génie propre suffit.
Son génie a besoin du vers. […] Mais il eût été plus sublime encore dans son intrépidité, et son génie y aurait gagné des accents qui auraient encore plus puissamment remué les âmes ! Quelque grandeur qu’on ait en soi, on gagne toujours quelque chose à être chrétien… Le Christianisme ajoute au génie comme il ajoute à la vertu, et M. […] Ce sont ses jours d’esprit, à la gloire… Je m’en vais même, ici, dire une chose qui fera trembler les moralistes, si elle ne les révolte pas, Est-ce parce que les vertus, le courage, l’héroïsme sont plus communs que le génie, que le génie les fait oublier ? […] Si nous ne l’avions pas, nous qui adorons le génie, la voudrions-nous au même prix ?
Havet dans ce clair-obscur étonnant, — plus étonnant que celui de Rembrandt, — qui s’appelle l’âme et le génie de Pascal. […] Ce n’est point là qu’il faut chercher la caractéristique, l’élément générateur de son génie. […] ce n’est plus l’art, c’est le génie ! […] Effrayant génie que Pascal ! […] S’il l’était, c’était de cette folie dont il faut avoir trois quarts avec un seul quart de raison, pour être un homme de génie, disait M.
Il y a ici-bas un pontife, c’est le génie. […] Le génie a tout ce qu’il lui faut dans son cerveau. […] Génie de caverne. […] Les génies sont une dynastie. […] Ces génies sont outrés.
« Buffon, disait Linné vers la fin de sa vie, n’a point recalé les bornes de la science, mais il sut la faire aimer ; et c’est aussi la servir utilement. » Cet éloge ne dit point assez sans doute : voyons-y du moins une sorte de réparation accordée par le prince des botanistes, par le naturaliste qui l’était de naissance et de pur génie, à celui qui l’était devenu par volonté et qui régna, lui aussi, du droit du génie et de la puissance. […] Lorsque Buffon, dans le cours de ses descriptions ou de ses considérations, rencontre quelqu’une de ces idées que Cuvier a appelées des idées de génie, et qui doivent faire la base de toute histoire naturelle philosophique, nous en sommes discrètement avertis. […] Isidore Geoffroy Saint-Hilaire s’est occupé avec étendue de Buffon ; une comparaison qu’il établit de l’éloquent historien de la nature avec Linné, et où il marque vivement les contrastes des deux génies, se termine en ces termes : Linné, un de ces types si rares de la perfection de l’intelligence humaine, où la synthèse et l’analyse se complètent dans un juste équilibre, et se fécondent l’une l’autre : Buffon, un de ces hommes puissants par la synthèse, qui, franchissant d’un pied hardi les limites de leur époque, s’engagent seuls dans les voies nouvelles, et s’avancent vers les siècles futurs en tenant tout de leur génie, comme un conquérant de son épée ! […] Isidore Geoffroy Saint-Hilaire voit le mérite de Buffon autre part encore : mais il me semble que Cuvier et M. de Blainville ne restreignaient point si fort ses titres à la reconnaissance de la postérité ; ils lui accordaient aussi des idées de génie soit en physiologie philosophique, soit pour les grandes distributions géographiques des êtres. […] On devrait toujours se demander, quand on admire si fort un génie du passé : « Qu’aurait-il dit de cette manière d’être admiré12 ?
On ne peut interdire à la nature de donner du génie à une femme, et, quand ce génie éclate en dépit de toutes les considérations sociales, il faut plaindre le mari, la famille, les enfants, mais il faut féliciter le siècle. […] La postérité a entendu battre leur cœur de femme et a pénétré malgré elles dans ce secret de leur génie qui n’était, comme il sied à des femmes, que le génie de leur amour. […] Il faut s’étonner seulement que tant de faveurs du sort n’aient pas étouffé le génie. […] Le génie n’est pas de la compétence de la société, il est arbitraire comme la nature. […] La femme, même la femme de génie, veut un piédestal plus rapproché des yeux et des cœurs.
Rousseau, etc. tous ces beaux génies, si dissemblables entre eux, qui ont fait de la prose française la plus spirituelle et la plus éloquente prose de l’Europe, comment Bernardin de St. […] Alfred de Vigny, sont des preuves de la prééminence du génie poétique ; d’un autre côté, J. […] Rousseau, lui-même, le génie de la prose, n’a pu produire que des vers faibles et sans chaleur. […] Villemain sur ce créateur de la tragédie moderne, et qu’ils voient comment le goût le plus pur se prosterne devant le génie. […] Le talent suit toujours le génie.
Cette mine, l’infini, cette extraction, un génie, quoi de plus formidable ! […] Un génie finit l’autre. […] Tel est le messie ; tel est le génie. […] l’incubation de l’abîme sur le génie, quelle énigme ! […] On n’aura plus de génies, — Ah !
voyons en elle le premier musée de l’Europe moderne ; n’en espérons pas ces élévations de génie qui tiennent à l’énergie des âmes, à la grandeur des vertus civiles. […] Selon le génie des prophètes hébreux, Dieu seul a tout fait, Dieu seul a paru. […] C’est là ce qui manque trop à l’amour mystique, par une erreur que ne prévient pas le génie même de sainte Thérèse. […] Le génie de Pindare brillait au premier rang, parmi ces astres retrouvés à l’horizon. […] Le génie propre de la langue et, sans doute aussi, l’éclair d’un sentiment vrai dissipaient cette fois le nuage, et laissaient paraître le poëte.
L’âge d’or du génie poétique de l’Angleterre fut aussi l’âge d’or de son génie social. […] Nature et matière, passion et humanité, esprit et génie, oh ! […] Ce génie existe-t-il ? […] mais quel génie il a ! […] Il n’y a pas de génie qui tienne, on ne badine pas ainsi.
Avec le génie, Eschyle a eu la vaillance ; il a agi ce qu’il a chanté. […] Ils disent qu’il buvait pour exciter son génie, que le vin était l’huile de ce feu sacré. […] Le génie scandalise volontiers les foules, sa haute religion offusque les superstitions inférieures. […] Sublimité et génie à part, l’innovation qu’il y porta équivaut à une création. […] Son génie n’est pas seulement extraordinaire, mais unique dans sa race et dans son milieu.
Nous avons des preuves de son génie. […] Ce génie est primordial. L’homme est un animal de génie. […] Mais si le génie surgit, on ne sait où le caser. […] Le génie du calcul n’est pas très rare.
D’un autre côté, la Critique, qui doit tenir compte de tout, n’a pas de pistolet à mettre sur la gorge pour forcer un homme à avoir du génie, et presque tous, quand nous n’avons pas du génie, nous commençons par l’imitation en toutes choses. […] En fantastique, le génie est presque de rigueur. […] il y a souvent de l’impertinence à écrire le mot fantastique sur ses œuvres lorsque l’on n’a pas de génie ; il y a toujours de l’imprudence, lorsqu’on n’est pas sûr d’en avoir. […] Est-ce là l’entêtement du génie ? […] En d’autres termes, sans être dans son genre un lord Byron, Erckmann-Chatrian a-t-il senti la vocation — cette tigresse qui dort parfois comme une marmotte — s’éveiller en lui sous le rude toucher de la Critique, et nous forcera-t-il à reconnaître qu’il a le génie fantastique, qui doit être le plus étonnant et le plus rare de tous les génies, puisque, ainsi que je l’ai avancé, il se permet tout, et que l’imagination, cette Rêveuse difficile, a toujours le droit de lui dire : Je m’y attendais ?
Ce qui lui appartient en propre, c’était le génie, si on entend par génie cette espèce de force intellectuelle qui déplace beaucoup d’idées et renverse toutes les traditions. Mais, dans tous les cas, c’était là un génie funeste, le génie qui fait trou, comme une bombe, dans tout ce qui est cohérent encore dans un peuple, et qui, prenant à rebours les instincts, les mœurs, les intérêts de la France, a faussé pour longtemps (pour toujours peut-être !) […] De tels génies devaient s’accueillir, se comprendre et s’arc-bouter ; car ils étaient l’un et l’autre la Révolution. […] Cochut cite, comme une opinion qu’il épouse, les paroles de Gautier sur Law dans l’Encyclopédie du Droit : « La conception de Law, malgré les vices originaires qui rendaient le succès impossible, malgré la témérité aveugle et les fautes graves qui rendirent sa chute si soudaine et si terrible, n’en atteste pas moins chez son auteur, outre un génie puissant et inventif, la perception distincte des trois sources les plus fécondes et jusque-là les plus ignorées de la grandeur des nations : le commerce maritime, le crédit et l’esprit d’association. » On a droit de s’inscrire en faux contre un tel jugement.
N’est-ce qu’un patoisant de génie ou réellement sait-il plus de français qu’il n’en faut pour traduire son poëme ? […] Le poète de Mirèio est un André Chénier, mais c’est un André Chénier gigantesque qui ne tiendrait pas dans les quadri où lient le génie du premier. […] Frédéric Mistral, qui n’entend nullement être un patoisant, et dont le génie d’expression était assez fier cependant pour avoir l’insouciance d’une question pareille, bête comme une personnalité, M. […] … Est-ce que partout où brille le Génie il ne se fait pas un langage avec les éléments les plus indociles et les plus ingrats ? Enfin, est-ce qu’il y a eu quelque part dans l’histoire des langues et des littératures autre chose que des patois, avant les œuvres du Génie ?
Triste génie que celui-là ! […] Saisset, — s’éleva le génie critique d’Aristote. […] … Et ces bizarreries parfois passaient jusque dans son génie. […] On aimerait en lui des marques de génie, mais d’un génie qui ne peut guère nous toucher. […] Le génie anglais, pour grand qu’il puisse être, demeure partout et toujours un génie positif et réaliste.
C’est là le caractère le plus visible de son génie. […] Il haïssait Paris, le désordonné Paris, dont les soupers faillirent tuer jusqu’au génie de Montesquieu, — et il le fuyait. […] Il ne s’est pas assez rappelé le sort de ces collaborateurs de Mirabeau, qu’on reprocha aussi à son génie… qui les a parfaitement dévorés ! […] Au fond, en effet, Buffon n’était pas, malgré des qualités de génie, un de ces Intuitifs qui sont les premiers en tout génie humain. […] Ensorcellement par la beauté, par la grandeur, par le charme, enfin, du génie, plus que par la vérité qu’on lui doit !
Rien ne montre mieux l’horizon poétique ouvert de toutes parts au poëte thébain, et les feux de génie qui sillonnaient le ciel de la Grèce. […] Comment ne pas marquer les différences et les beautés morales que le génie, aidé par le temps, ajoutait encore à cette poésie ? […] Il n’y eut que la Grèce pour offrir au génie cette éducation de la gloire assaillant les âmes, et ce spectacle du beau qui partout les environne. […] S’il en est ainsi dans le dialogue, cela est encore plus vrai du génie lyrique des deux poëtes. […] Ce génie est aussi parfois simple, populaire comme la voix de la foule.
Un grand mérite de cet illustre Ecrivain, c’est que le goût est chez lui le guide du génie. […] Ce n’est pas assez d’avoir un modèle ; il faut avoir son génie ou quelque étincelle de ce génie. […] Il fut le premier juge du génie du célébre Rameau. […] Il fut le premier qui connut le génie de sa langue. […] Il ne connoît pas ce beau désordre du génie qui est l’ame de la Poésie lyrique.
Et le génie permanent de la langue ? […] À la vérité, génie, ingenium, signifie nature. […] Le génie en monnaie n’est pas rare. […] Il a le plus de génie, il est le plus créateur. […] Loin de s’opposer au talent le génie en est donc le ferment.
On dit souvent : Faut-il sacrifier le génie au goût ? Non, sans doute ; mais jamais le goût n’exige le sacrifice du génie. […] Si l’on demande ce qui vaut mieux d’un ouvrage avec de grands défauts et de grandes beautés, ou d’un ouvrage médiocre et correct, je répondrai, sans hésiter, qu’il faut préférer l’ouvrage où il existe, ne fût-ce qu’un seul trait de génie. […] On pourrait pousser beaucoup plus loin ces développements ; mais il suffit de prouver que le goût, en littérature, n’exige jamais le sacrifice d’aucune jouissance : il indique, au contraire, les moyens de les augmenter ; et loin que les principes du goût soient incompatibles avec le génie, c’est en étudiant le génie qu’on a découvert ces principes. […] L’on ne peut se tromper sur ce qui est mauvais, tandis qu’il est impossible de tracer des limites aux diverses combinaisons d’un homme de génie ; il peut suivre des routes entièrement nouvelles, sans manquer cependant son but.
Section 11, des ouvrages convenables aux gens de génie et de ceux qui contrefont la maniere des autres Les hommes de génie qui sont jaloux de leur réputation ne devroient du moins mettre au jour que de grands ouvrages, puisqu’il ne leur a pas été possible de dérober leur apprentissage aux yeux du public. […] Comme on peut sans génie faire quatre ou cinq vers heureux, ou peindre assez bien une vierge avec l’enfant sur ses genoux sans être grand peintre, la difference du simple ouvrier et de l’artisan divin, ne se fait pas sentir dans des ouvrages si bornez, de la même maniere qu’elle se fait sentir dans des ouvrages plus composez, et qui sont susceptibles d’un plus grand nombre de beautez. […] Il faudroit avoir un génie presque égal à celui du peintre qu’on veut contrefaire, pour réussir à faire prendre notre ouvrage pour être de ce peintre. On ne sçauroit donc contrefaire le génie des grands hommes, mais on réussit quelquefois à contrefaire leur main, c’est-à-dire, leur maniere de coucher la couleur et de tirer les traits, les airs de tête qu’ils repetoient et ce qui pouvoit être de vicieux dans leur pratique. […] Un homme sans génie, mais qui a lû beaucoup de vers, peut bien, en arrangeant ses reminiscences avec discernement, composer une épigramme qui ressemblera si bien à celles de Martial, qu’on pourra la prendre pour être de ce poëte.
J'ai sous les yeux le livre de Lamennais intitulé : Les Amschaspands et les Darvands : ce sont les bons et les mauvais Génies qui se livrent la guerre en ce bas monde sous le regard d’Ormuzd et d’Ahriman, les deux puissances rivales. […] Les hymnes sont dans la bouche et sous la plume des bons Génies et font intermède à la correspondance très-suivie des mauvais. […] C'est un livre où les bons Génies disent tout le bien et les méchants Génies, tout le mal. Eh bien, en lui appliquant sa propre mesure, un mauvais Génie, un Darvand (ce serait moi), dirait ce que j’ai dit plus ou moins. Mais un bon Génie, un Amschaspand, aurait de quoi répondre : « A travers ce manque de goût et ces torrents d’invectives, il y a des restes de candeur, une sincérité incontestable bien que si muable en sa rapidité ; l’amour de l’humanité, de ce que l’auteur croit tel, y compense à ses yeux la haine pour quelques individus ; la fibre humaine vibre en certains endroits sous une touche dont très-peu sont capables.
Mais, avec du génie, on supplée à tout. […] Il avoit la première qualité d’un orateur, & sans laquelle toutes les autres ne sont rien ; le génie. […] Voilà de quels hommes, de quels génies dépendoit la destinée de la république d’Athènes. […] Les deux célèbres orateurs se préparent à faire assaut d’éloquence & de génie. […] On y admire l’élévation de son ame, la trempe de son génie.
Le Génie, comme le Char de triomphe sur lequel la Poésie, cette dupe de ses propres images, s’obstine si bêtement à le faire monter, soulève, en passant, la poussière des imitateurs. Or, le génie le plus grand du siècle est un romancier. […] Elle ne tient pas à être savante, — et quand elle sent la nécessité de le devenir, soit qu’il s’agisse de l’esprit général d’un peuple ou du génie particulier d’un homme, c’est que le peuple ou cet homme ont déjà largement vécu. […] C’est le privilège du génie, — quand il est absolu, — aussi bien dans les Lettres que dans les Sciences, de faire faire un pas aux esprits de leur temps, c’est-à-dire de leur donner des exigences de plus…. Non-seulement le génie du romancier crée des types, des situations, des caractères, des dénouements, et à sa manière, fait de la vie, comme Dieu, — de la vie immortelle, — mais ces types, ces caractères, ces situations sont des découvertes dans l’ordre de l’imagination et de l’observation combinées ; ce sont des faits qui doivent rester acquis à l’inventaire humain, comme les faits de la Science.
Nous avons essayé de rendre manifeste, par un type présent et familier pour nous, ce génie du poëte thébain si difficile à expliquer et à traduire : ajoutons-y quelques souvenirs de l’antiquité sur sa vie. […] Né cent soixante-quatre ans avant la naissance d’Alexandre, il appartenait à l’âge le plus florissant de la Grèce, aux commencements de cette époque, sans égale pour la durée comme pour la grandeur, qui va du génie d’Eschyle et de Sophocle au génie d’Aristote. […] Pausanias, en rapportant la remarque, n’ajoute rien, et n’affirme pas que le génie du poëte se retrouvât dans cette réminiscence de sa vieille parente. […] Nulle fiction semblable n’allait suivre la gloire de Sophocle ou de tel autre génie de la Grèce, devenue philosophe autant que guerrière et poétique. […] Son nom demeura consacré dans l’admiration de la Grèce, comme celui d’un de ses génies les plus grands et les plus rares, d’autant plus qu’Athènes elle-même, cette Athènes si renommée pour la poésie et l’éloquence, n’avait produit, selon Plutarque34, aucun poëte lyrique, mais seulement un faiseur obscur de dithyrambes, Cinésias, dont il cite le nom avec ironie.
Je veux, même dans ceux que le génie couronne, reconnaître et saluer les premiers d’entre mes semblables. […] Ce qui l’a frappé avant tout dans Mirabeau, c’est le contraste de cette jeunesse persécutée, flétrie, verrouillée, et de son merveilleux avénement politique ; c’est le contraste de cette vie si dure de tribune et de combats journaliers avec l’inauguration unanime d’un cercueil : ce qu’il a épousé tout d’abord dans Mirabeau, c’est la question personnelle94 du génie, du génie méconnu, du génie envié et du génie triomphant : « Grands hommes, voulez-vous avoir raison demain ? […] Il y a dans cette pensée de quoi tempérer humainement l’apothéose des génies. […] Lerminier a dit en parlant de Mme Roland : « Cette femme de génie “assujettie à un homme médiocre.” […] Roland, sans être un homme de génie, était un esprit rare et un plus rare caractère.
Mais les mœurs poétiques de la Grèce, sa passion des lettres et de l’éloquence, la variété croissante de son génie, durèrent plus d’un siècle après lui. […] Par là doit s’expliquer, à côté de l’admiration pour le génie, la faveur encore attachée longtemps au nom de Pindare, dans le changement des lois et des mœurs de la Grèce, et dans l’acheminement des esprits vers la soumission à un conquérant qui rendrait le nom grec maître de l’Asie. Aristote, préparant le génie d’Alexandre, ne dut pas sans doute moins recommander à son élève la poésie morale de Pindare que les chants belliqueux d’Homère. […] Les arts du dessin, que la domination d’un maître gêne moins, semblaient mieux garder leur génie ; et Alexandre était plus heureux à trouver des peintres, ou des statuaires que des poëtes dignes de lui. […] À mesure que s’étendait l’horizon de l’empire grec, et que le génie de la liberté se perdait dans l’unité de la puissance, la grande poésie, l’audace de l’imagination et l’ardeur de la passion durent insensiblement diminuer et disparaître.
Je vous remercie de ces belles heures que je viens de passer tête-à-tête avec votre génie. […] C’était le génie enfin : la nature même créant par sa créature. […] L’expression des sentiments généreux, où il avait trouvé son domaine, appartient uniquement au génie. […] Doué de tous les dons souverains, — beauté, poésie, éloquence, courage, sens profond de l’avenir, et, au-dessus du génie, la bonté, ce génie du cœur, — Lamartine est un des plus nobles êtres qui aient paru sous le ciel de France. […] Son génie se déploie dans l’harmonie et la lumière, avec cet élan doux et magnifique qui est le rythme naturel du lyrisme dans la poésie et dans l’art.
Homme de génie n’accuse point la Nature ; ne te plains point d’avoir reçu en naissant ce feu sacré qui te presse, te domine, te rend utile & cher à l’ Univers. […] Il se plaît dans les contrastes les plus frappans, dans les phénomenes les plus terribles qui font l’école du génie. […] Je ferois voir que le feu du véritable génie n’embrâsa presque jamais que des ames sublimes. […] Oubliez-vous qu’on ne pardonne pas à l’envieux, & au méchant même en faveur de son génie, & que le souverain mépris s’allie quelquefois à l’admiration des plus rares talens. […] L’éloge d’un homme de génie, n’est-il pas la plus douce récompense d’un autre homme de génie dites c’est mon frere qu’on admire, qu’on loue, qu’on persécute, je dois le consoler, le défendre, puisque les méchans le punissent d’être éclairé & vertueux ; pour jouir de l’estime de mes contemporains, il me faudra un jour passer par les mêmes épreuves.
Moi, je crois qu’on n’acquiert pas grand’chose dans l’ordre de l’intelligence et qu’on naît même ce qu’on doit devenir ; mais il n’en est pas moins vrai que Vigny, qui avait le génie poétique à fleur et à fond d’âme, n’avait qu’à fond d’âme le génie de la prose. […] Il y a enfin, comme partout, l’incapacité ou le génie, et la liberté qui choisit le bien ou le mal. […] Probablement c’est sa vertu, mais c’est certainement son génie, le génie d’Éloa, retrouvé partout dans son poète. […] Aucun Port-Royal n’a passé le crin du cilice à son génie. […] La rose blanche entr’ouverte de son génie livrait sa cruelle cantharide.
Les hommes de génie naissent à propos, pour exploiter toutes les parties de ce domaine conquis sur la barbarie. […] Les traducteurs y sont des hommes de génie, parce qu’ils égalent la langue française aux conceptions exprimées dans les langues anciennes. […] Marguerite a été comme le bon génie de son royal frère, et François Ier lui doit peut-être les plus solides de ses titres. […] Le plus ordinairement Marguerite n’a que le talent d’écrire d’un esprit bien doué, préparé par beaucoup de culture, mais auquel le génie a manqué. […] Si la prison ne l’inspire pas mieux que ce rude et naïf génie des carrefours, elle lui inspire des beautés nouvelles.
Le génie est inexorable. […] Le rayonnement du génie dans tous les sens, c’est là Shakespeare. […] Quant au génie, il est. […] C’est le panier percé du génie. […] Il n’est pas de génie qui n’ait des vagues.
Les autres trépassés se reposent, les morts de génie travaillent. […] La chair est nuage sur le génie. […] Être un vivant, et être un génie, c’est trop. […] En outre, il est plus haut comme génie. […] Un certain célibat, en effet, c’est tout le génie de l’Angleterre.
Les grands noms sont toujours de grandes raisons pour les petits génies. […] Le génie s’en empare & lui donne ce trait de lumiére qui rayonne dans tous les esprits. […] Dès qu’il paroît un homme de génie, un Descartes, un Lock, &c. […] Fontenelle me paroît bien supérieur, en génie, au Poète Rousseau, même du côté de la langue. […] Ce grand Poète avoit trop de génie pour eux.
Rathery a fort bien montré que, si à certaines époques de notre histoire les influences italiennes ont versé leur âme dans notre génie national, avant ces époques, assez modernes du reste, l’Italie, elle, était sous le coup de l’influence française et que la littérature des troubadours se réverbérait dans toutes ses inspirations. […] Sans remonter bien haut, dans le Jacques Cœur 4 de Pierre Clément, dont nous parlions récemment, nous nous rappelons un excellent chapitre sur la littérature du xve siècle qui prouve, avec une grande autorité, combien déjà au xve siècle le génie littéraire de la France avait de vie intime et de force, et avec quelle puissance il commençait, semblable au lion de Milton s’arrachant au chaos qui l’enveloppe encore, de se détirer des obscurités et des empâtements de sa native originalité. […] N’y avait-il donc pas à prendre la question dans un repli plus profond et à montrer que, malgré les différences d’idiome et les nuances de mœurs, ces toiles d’araignées dans lesquelles les petits observateurs sont arrêtés comme des insectes, il n’y a eu, à proprement parler, d’action d’une littérature sur une autre que parce qu’il y avait, au fond de toutes ces littératures, unité de génie et souche commune d’une même race d’esprits ? […] Ce qu’on nomme les influences italiennes, françaises, espagnoles, — et, tout circonscrit qu’il est à l’Italie, Rathery est bien obligé de parler aussi de celles-là, — n’est peut-être que les transpirations d’un même génie, — le génie latin, — exposé à différentes latitudes.
À vous, en qui brillent dans une si parfaite harmonie l’honnêteté, le génie, l’honneur, la beauté, la gloire ! […] C’est ce qui explique ces folies partielles où l’homme est génie d’un côté, démence de l’autre. Le Tasse, Gilbert, Rousseau, n’étaient que des fractions de génie. […] Le tort d’Alphonse était d’avoir traité pendant sept ans un délire de génie comme un crime vulgaire. […] Il a la conscience de ce qu’il vaut, et dans toute sa conduite il montre ce légitime orgueil qui est inséparable du génie.
Si le génie dramatique s’y entrevoit à peine, le grand écrivain en vers s’y révèle déjà tout entier. […] Le génie de Corneille avait quelque chose d’espagnol. […] Heureux le génie à qui il a été donné de l’exciter ! […] C’est là le style du génie ; il n’y en a pas d’autre. […] Si l’observation est du génie dans le poète comique, y a-t-il moins de génie à reconnaître la nature dans l’auteur qu’on lit qu’à la surprendre sur l’original qui passe ?
Ayant à parler d’une tragédie de Philoctète par Châteaubrun (mars 1755), il y relève tous les défauts, et surtout la fausseté, le manque absolu du génie. […] Son opinion a d’autant plus de poids qu’il sent plus profondément le génie des maîtres de notre scène, et qu’il les tient pour plus conformes au génie même de la société française. […] Grimm remarque de cet homme rare qu’il était « né sans génie ». […] Sur Montesquieu, Grimm s’exprime avec admiration et respect, mais en peu de paroles ; il le proclame un génie plein de vertu, et le salue à ses funérailles. […] Les qualités qui manquent à Voltaire pour être un historien véritable, il les sent également : En général, il faut un génie profond et grave pour l’histoire.
raison qui finement s’exprime ; Le goût n’est rien qu’un bon sens délicat ; Et le génie est la raison sublime. […] Elle a du vrai, si l’on n’use qu’avec à-propos, si l’on n’abuse pas de ce mot raison ; mais il est évident qu’on en abuse, et que si la raison, par exemple, peut se confondre avec le génie poétique et ne faire qu’un avec lui dans une Épître morale, elle ne saurait être la même chose que ce génie si varié et si diversement créateur dans l’expression des passions du drame ou de l’épopée. […] Turenne dans ses deux dernières campagnes, et Racine dans Athalie, voilà les grands exemples de ce que peuvent les prudents et les sages quand ils prennent possession de toute la maturité de leur génie et qu’ils entrent dans leur hardiesse suprême. […] Les vrais et souverains génies triomphent de ces difficultés où d’autres échouent ; Dante, Shakespeare et Milton ont su atteindre à toute leur hauteur et produire leurs œuvres impérissables, en dépit des obstacles, des oppressions et des orages. […] En fait de classiques, les plus imprévus sont encore les meilleurs et les plus grands : demandez-le plutôt à ces mâles génies vraiment nés immortels et perpétuellement florissants.
Ainsi vécut et mourut ce sage, dont l’œuvre, étouffée de son vivant, devait revivre après lui dans la gloire, le patriotisme et le génie d’Athènes. […] Le génie, comme le courage d’une noble race, est vivant et debout dans ces courtes élégies de Tyrtée. […] Longtemps après lui, l’âme belliqueuse répandue dans ses vers plaisait au génie d’Alexandre, et ce héros rangeait ses poésies parmi les lectures qui conviennent aux rois. […] À la même époque, les Romains, à la fois instruments et victimes du pouvoir absolu, connaissaient mieux la haine instinctive que ce pouvoir porte au génie des lettres. […] Les monuments de ce génie furent négligés et s’oublièrent, et sa renommée servit seulement de prétexte à des jeux frivoles de rhéteurs grecs.
Ce qui distingue la Poésie de l’Eloquence, c’est la fiction, la vivacité des figures, la hardiesse de l’expression, la richesse & la multiplicité des images, l’enthousiasme, le feu, l’impétuosité, les divers essors du génie. […] Les regles sont des obstacles au génie, & le génie sait s’élever au dessus des regles, sans cesser d’être ce qu’il est. […] Un tel dessein ne pouvoit naître que d’une ame sensible, & il falloit un génie supérieur pour le rendre aussi intéressant. […] Ce Discours est un vrai modele à proposer aux Orateurs Chrétiens, soit pour l’art d’appliquer sans affectation l’Ecriture Sainte, soit pour celui de savoir disposer, embellir & animer les Productions de leur propre génie. […] Il a fait encore des Dialogues sur l’Eloquence pleins de réflexions lumineuses, qui, prouvant son génie, ne sauroient convenir qu’à des génies aussi heureux que le sien.
Dieu lui avait donné le génie de la conduite des âmes, à ce pâtre qui n’avait chez son père à conduire qu’un vieux âne et trois maigres brebis. De bonne heure, ce génie l’emporta sur celui de la Contemplation et de la Prière, qu’il avait aussi, et en fit le Siméon Stylite du confessionnal, qu’il ne quitta, pendant toute sa longue vie, que pour dire sa messe, faire le catéchisme, et coucher une heure sur une planche. […] Je n’en aurais pas pour garants les promesses divines et les expériences de la vie, déposant toutes de l’efficacité de l’aveu pour ce cœur de l’homme qui étouffe toujours, que je n’en douterais plus après avoir lu les toutes-puissantes choses que je trouve dans le livre de l’abbé Monnin, et qui me consacreraient le Curé d’Ars comme un génie, si je n’avais pas bien plus que du génie pour l’expliquer ! […] La conscience, même à ce point de vue de la beauté, est aussi puissante que le génie, et, comme elle appartient à tous, il ne s’agit que d’y descendre pour en rapporter des choses qui équivalent à du génie et rétablissent l’égalité entre les hommes par la vertu… C’est là ce qui faisait du pauvre curé d’Ars (il faut bien le dire !) l’égal, pour le moins, de Bossuet, de Fénelon, de sainte Thérèse, et lui donnait sans cesse cet air de prophète qui ne vient aux plus grands génies qu’à force de regarder Dieu.
Joséphin Soulary fut un des plus acharnés de l’École, puisqu’il se moula en sonnets, tout entier, et qu’il ne permit pas d’autres manières de se produire à son génie. […] Faire grand dans la pensée et faire grand dans l’espace du même coup — car la langue, c’est l’espace, — voilà la condition absolue du génie. […] Il a (regardez-y et même vous n’avez pas besoin d’y regarder pour en être frappé) la fécondité, la force, la profondeur, la grâce, la variété dans l’inspiration et cette unité dans le sentiment qui fait l’originalité d’un homme et qui lui crée son moi poétique, mais dans quelle proportion a-t-il tout cela, si ce n’est dans celle qui étouffe, en le restreignant, le génie, le génie à qui la place est nécessaire et qui ne peut jamais se passer d’horizons ! […] à la perfection des choses petites, qui n’est qu’une réussite, un tour de force… ou bien d’adresse, cause d’une sensation très-vive et très-particulière, je le sais, mais qui ne donne pas la suffisante sensation qui nous dit : « Voici le génie ! […] Le génie dans les petites choses n’est plus le génie.
Ainsi, à ses propres yeux et aux yeux encharmés des hommes de son temps, elle était la réalité dont Mme de Staël avait fait le rêve, et elle était davantage encore, elle était les deux rêves à la fois de Mme de Staël, car elle avait le génie de Corinne et la beauté de Lucile Edgermond. […] Au lieu de cet être poétique dont la prétention n’avait pas fait sourire et qui avait l’émotion de la jeunesse, quoiqu’elle la prit un peu trop pour la palpitation du génie, Mme de Girardin devint une femme littéraire, surabondamment littéraire, noircissant infatigablement du papier, comme le font tous les hommes et toutes les femmes de ce temps de production facile. […] Les amis de son salon, qui, dans ce temps-là, il faut bien le dire, étaient les premiers esprits de France, se crurent obligés à faire du génie de ce talent — très relatif — et ils n’y manquèrent point ! […] Évidemment pour moi, Mme Delphine Gay aurait eu du génie, — le génie, par exemple, que ses amis, ses Séides de salon, lui ont attribué si longtemps, — que ce génie serait mort de son mariage. Seulement avait-elle du génie ?
Que n’a-t-on pas dit de ce génie sur le compte duquel on s’était tu si longtemps ! […] Le Dante fut donc, malgré la vocation de son génie, une espèce de franc-maçon, de carbonaro ténébreux, de socialiste par anticipation, qui avait son avancement d’hoirie sur le communisme moderne, lequel finira tous les poèmes et tous les mystères par d’éclatantes réalités. […] La gloire est plus faite pour tourmenter que pour éclairer nos esprits ; elle les force plus à s’occuper du génie qui l’a méritée qu’à le bien comprendre. […] Il a été résolu, attentif, voulant rester froid devant la tête de Méduse du Génie et son épouvantante beauté, et si son regard n’a pas été profond, il a souvent été juste. […] Magnier a raconté en quelques traits cette vie du Dante, dont on sait si peu de chose et dont pourtant on sait trop encore ; — car cet homme fut un égoïste énorme dont le génie peut-être était toutes les vertus.
Le silence, gardé deux siècles durant, sur l’un des plus fiers livres qu’ait produits non le génie d’un homme, mais le génie des hommes, était en vérité par trop honteux, et c’est être délivré de la honte que d’être autorisé à en parler aujourd’hui, sans qu’on vous jette une soutane sur la tête pour mieux enterrer vos admirations arriérées ! […] Quand le génie de l’invention s’éteint, le génie de l’histoire s’éveille, et c’est ce génie de l’histoire qui devra, dans un temps donné, ramener avec respect les yeux des philosophes officiels sur les idées et les systèmes honorés le plus longtemps de leur mépris. […] La gloire de celui qui fut appelé l’Ange de l’école, son influence inouïe sur un temps où la foi primait encore la raison, sa préoccupation perpétuelle et absorbante des intérêts de l’Église, et jusqu’à son genre de génie, qui ne fut vraiment original que par sa souveraine certitude et la toute-puissante clarté de son orthodoxie, furent une gloire, une influence, une préoccupation et un génie, essentiellement théologiques. […] Mais ce qu’il possède, c’est justement le bien des pauvres, c’est la tradition de l’Église, et, par l’étude théologique dont il a reporté les habitudes sur les choses de la philosophie, la précision et le génie de la formule, tellement claire, dit très heureusement M.
Milton est un génie unique, un prodige d’imagination. […] Il étoit sçavant, comme s’il ne lui suffisoit pas d’être homme de génie. […] Milton, quoi qu’on en dise, est toujours Milton, un génie supérieur à tous ses critiques, l’homme le plus fait pour aggrandir les idées des autres hommes. […] Un sçavant, hérissé de Grec, d’Hébreu & d’Arabe, entreprendre de triompher d’un génie tel que celui de Milton ! […] Il ne falloit rien moins que ces génies pour se mesurer avec Milton.
Que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. Ce que nous avons dit jusque ici a pu conduire le lecteur à cette réflexion, que l’incrédulité est la principale cause de la décadence du goût et du génie. […] Remarquez, au contraire, comment l’impiété et le génie de Voltaire se décèlent à la fois dans ses écrits, par un mélange de choses exquises et de choses odieuses. […] Cependant il est vrai que la majeure partie du génie se compose de cette espèce de souvenirs. […] Il avait foi en quelque chose qui n’était pas le Christ, mais qui pourtant était l’Évangile ; ce fantôme de christianisme, tel quel, a quelquefois donné beaucoup de grâces à son génie.
Reprenons la correspondance de Mozart, ce journal de son âme et de son génie. […] Le Don Juan du poète anglais n’est que la bouffonnerie du génie. […] Les génies précoces n’ont pas de soir ; ils ont tout donné le matin. […] Dieu est en haut, son génie montait toujours. […] Quand nous disons l’écho, nous ne prétendons pas dégrader le génie original de Rossini au rôle de répercussion du génie de Mozart ; Rossini c’est Mozart heureux, Mozart c’est Rossini grave.
Cette paresse pensive du génie de l’Allemagne se retrouve jusque dans sa constitution politique. […] Ce n’est pas le génie cependant qui manque aux Allemands, fortes têtes de la famille européenne, c’est l’emploi de leur génie ; ils jouent avec leur imagination comme des enfants avec leurs jouets. […] La terre est déjà un ciel pour ces figures de prédestinés de l’amour, du bonheur et du génie sans obstacles. […] La fréquentation de Herder mûrit de bonne heure le génie aussi philosophique que poétique de Goethe. […] C’est là la particulière puissance du génie de Goethe, puissance qui le fit accuser d’insensibilité.
Le génie n’était pas mort en Espagne, il sommeillait. […] N’avais-je pas respiré par tous les pores ce génie italien, avant même d’avoir respiré celui de ma propre patrie ? […] J’étais enivré avant d’avoir entrevu seulement un seul des monuments de cette capitale du génie moderne. […] Mais moi j’étais encore sous l’illusion de son caractère et de son génie ; c’était pour moi un Sophocle et un Tacite ! […] Je sentis que l’air même de cette contrée était littéraire, et qu’on pouvait lui enlever la liberté, mais jamais le génie.
Il a la force acquise de ces luttes nommées traductions, et, ce qui est plus intime et plus important que la lettre, le sentiment du génie de l’homme qu’il traduit. — Le traducteur ou plutôt les traducteurs du second volume, c’est un M. […] Mais s’il n’avait pas les maladies ou les affectations de l’esprit anglais, Macaulay dut en avoir les préoccupations de bonne heure, et ces préoccupations n’entravèrent pas seulement, mais changèrent entièrement le développement de son génie. […] D’ailleurs, Milton n’est pas seul sous le regard de son critique, qui nous fait comprendre son génie en lui donnant pour repoussoir le génie du Dante, c’est-à-dire en mettant, comme Michel-Ange à Saint-Pierre, une difficulté sur une difficulté. […] Enfin il fut créé baronnet comme Walter Scott, et pair d’Angleterre à moitié de sa vie, ce que ne fut pas ce vieux génie de Walter Scott, qui se coucha sans ce manteau dans la terre ingrate de son pays ! […] Les plus beaux génies, ces fleurs pourpres qui s’épanouissent dans le cerveau, ont leurs racines dans le sang de nos cœurs, et ce que les Livres Saints appellent : « le sel de la sagesse », n’est probablement que le sel des pleurs que nous avons répandus !
. — Génie anglais dans l’Inde. — L’évêque de Calcutta. […] Seulement, plus cette prééminence du génie français avait été grande et variée, plus le déclin parut d’abord irrésistible. […] Son art éclatant, mais non sans faux goût, n’arrêtait pas une décadence que précipitait, dans le cours du dix-huitième siècle, le génie même qui la rendait si piquante et si populaire. […] Rien de moins vrai que d’imputer à ce facile génie, à cet esprit si juste et si naturel, les torts de l’affectation et de la subtilité. […] Correct et gracieux génie, il a pour nous, dans une langue du Nord, tantôt l’élégante douceur de l’hellénisme, tantôt la simplicité naïve de quelques anciens chants de l’Église.
N’évoquerez-vous pas quelquefois le génie de la bienfaisance et de l’humanité sur les hommes malheureux ? […] Méditez donc sur l’âme et le génie de celui que vous voulez louer ; saisissez les idées qui lui sont propres ; trouvez la chaîne qui lie ensemble ou ses actions ou ses pensées ; distinguez le point d’où il est parti, et celui où il est arrivé ; voyez ce qu’il a reçu de son siècle, et ce qu’il y a ajouté ; marquez ou les obstacles ou les causes de ses progrès, et devinez l’éducation de son génie. […] Consultez les hommes de génie en tout genre, voyez les grandes compositions dans les arts. […] Les quatre siècles des arts, monuments de génie, sont aussi des monuments de bassesse. […] Non, le génie n’est pas fait pour trafiquer du mensonge avec la fortune ; il a dans son cœur je ne sais quoi qui s’indigne d’une faiblesse, et sa grandeur ne peut s’avilir sans remords.
De toute l’antiquité, Horace est pour nous le plus imposant témoin du génie de Pindare. […] Rien de tel ne se rencontre sous la domination d’Octave, ni dans le génie des temps où il a régné. […] Mais ce qui doit étonner la raison, c’est que des hommes nourris aux grandes traditions de la Grèce, de pénétrants et gracieux génies aient été les chantres de cette apothéose, aient consacré par leurs louanges ce que flétrissaient leurs maximes. […] Mais la faiblesse d’âme n’élève pas le génie. […] Après Horace, en effet, à peine verrons-nous briller quelque lueur du génie lyrique sous la forme païenne ; et il faudra le renouvellement, d’abord de la croyance, puis des races humaines, pour que, de siècle en siècle, se ranime la poésie.
Aucun extrême atteint dans aucune direction, et au génie méridional qui n’aspire qu’à l’amplification en tous sens ! […] C’est qu’un poète est l’expression sublime du génie de sa terre, par le génie de la langue d’icelle. […] Le génie du Midi vaincu a été mis en état d’infériorité jusqu’à ce que Nord et Midi ne fissent réellement plus qu’un. […] L’éclosion du génie est mystérieuse. […] Il n’y a visiblement dans tout cela que des caprices de la nature, qui sème le génie où elle veut.
Ce fut sa destinée, à cet homme qui avait réellement du génie, mais pour qui le génie fut toujours une force perdue, de mériter dix gloires pour une, et toutes ces dix, de les manquer ! […] Arrivés au sommet de leur renommée, heureux, applaudis, se faisant entre eux dans leurs livres tous les salamalecs de la camaraderie, qui n’est le plus souvent que l’hypocrisie de l’amitié, aucun d’eux ne s’est noblement retourné vers cet homme dont ils avaient vu à l’œuvre le génie, et qui les avait, avant qu’il fût chrétien, souvent inspirés ! […] Le magnanime, qui, le premier, a reconnu le génie de Stendhal, n’a pas vu celui de Brucker ! […] Et il n’avait pas que le génie de l’éloquence, il avait celui de la conversation, bien autrement rare que l’éloquence et bien au-dessus, malgré ce qu’en peuvent penser les badauds. […] C’est un chaos, mais qui, sur le papier devenu vivant, éclate du génie oratoire de Brucker !
génie musical admirable, merveilleux, unique ! […] On peut même reconnaître que, dans tout le développement ultérieur de son génie, Beethoven conserve plus de rapports avec Haydn qu’avec Mozart. […] Cherchons, maintenant, d’où est venu à Beethoven ce génie. […] Sa constitution physionomique exprime, pleinement, cette nature spéciale de son génie. […] Ainsi, le génie du Maître est, enfin, délivré de tout Non-Moi, vit, maintenant, en soi et pour soi.
On peut y apprendre la marche, les beautés & le génie de sa propre langue, & mieux encore que dans ce labyrinthe où nous jette l’étude de celle qu’on ne parle plus. […] La seule raison qu’il apporte de la rencontre des meilleures plumes en un siècle plutôt que dans un autre, ce sont les efforts & les succès réitérés des personnes de génie. […] Sa raison est que l’exécution d’une telle idée deviendroit le tombeau de l’imagination & du génie. […] Cet académicien, laborieux & estimable, s’est fait toute sa vie une étude du génie de notre langue encore naissante, informe & barbare. […] Le génie n’en seroit ni resserré, ni réfroidi.
C’est que le talent de cette femme qui a eu sa minute de célébrité ne fut pas assez grand pour l’arracher à cette triste et vulgaire condition de bas-bleu, dans laquelle reste toute femme égarée dans les lettres, qui n’a pas nettement du génie. Je ne serai pas plus dur que l’histoire qui l’atteste, en affirmant qu’il ne faut rien moins que du génie pour qu’une femme se fonde une réputation durable, en écrivant. […] … Or le génie, qui peut presque légitimer ce désordre d’une femme qui se jette dans l’abîme de la littérature, ce génie au nom seul duquel on peut remettre à la femme son péché, — son péché d’écrire, mortel à sa nature et à sa fonction sociale, — Mme Sophie Gay, — il faut bien en convenir, — ne Pavait point. […] Quoiqu’elle ait écrit bien davantage, elle était au fond très au-dessous de Mmes de Flahaut et de Duras, ses contemporaines, que les jeunes gens du temps, dans de jeunes journaux, ont appelées des femmes de génie, mais dont les œuvres, quand on les relit (et qui les relit ?) […] Quand La Bruyère peignait des Caractères, il aurait pu se dispenser d’avoir autant de coloris et de force picturesque qu’il en avait, et le prodigue génie, il ne s’en dispensait pas !
Mais le génie a bien des excuses pour effacer ses erreurs. […] Ce fut la première apparition de ce génie de la mélancolie à nos jeunesses. […] Sa Lettre était signée l’Auteur du Génie du Christianisme. […] Cependant, c’est encore avec René, la plus belle apparition du génie après la Révolution. […] c’est qu’ils ont affaire à un Génie.
Le génie est une révélation particulière de Dieu, pour exercer une influence plus immédiate sur les destinées humaines : malheur donc à celui qui abuse du génie ! […] Il avait l’imagination tournée du côté du génie espagnol ; et même le caractère romain ne lui était apparu qu’au travers du voile espagnol, car Lucain était de Cordoue. […] Si l’on se rappelle encore ce que j’ai dit sur le partage des langues entre les facultés humaines, on peut présumer que le génie de la langue celtique nous est resté malgré nous, et que si le génie de cette langue est celui qui s’applique à l’intelligence plus qu’à l’imagination, il en résulte que la langue française convient éminemment à l’âge actuel de l’esprit humain. […] Mais Virgile fit plus : il devança, sous ce rapport, le siècle où il vivait, rare prérogative des génies de l’ordre le plus élevé. […] Voilà pourquoi Jeanne d’Arc, qui ne réunit point, il est vrai, toutes les conditions de l’épopée, en a du moins qui auraient pu tenter un génie élevé.
Quoiqu’il fût né à Bâle, à quelques lieues de la frontière de France, nous ne connaissions pas plus Hebel que s’il avait été quelque poète norvégien ou danois, un de ces vaporeux génies des Fiords solitaires, comme il y en a, sans nul doute, de perdus, excepté pour Dieu seul, qui les écoute penser, dans ces pays silencieux où les neiges polaires semblent assourdir jusqu’aux pas de la Gloire, et où Byron mourrait sans écho comme Manfred ! […] Pendant que la prude Angleterre n’osait faire qu’un baronnet de Walter Scott et chicanait le titre de Lord à ce magnifique génie, qui ne chicanait pas, lui, à l’Angleterre, la gloire qu’il versait sur son écusson, Hebel, commandeur du Lion de Zœhringen, était revêtu de la dignité de prélat, la plus éminente dans la hiérarchie protestante, et pouvait siéger dans la Chambre haute du grand-duché. […] Burns, dont l’Écosse devrait être folle, s’il n’était pas vrai, l’amer proverbe qui dit que nul homme n’est prophète dans son pays est le génie le plus purement et le plus exclusivement écossais qui ait jamais existé, comme Hebel est le génie le plus allemand, et encore d’une certaine partie de l’Allemagne ! […] À la profondeur de son sentiment, à la teinte passionnée de ses superstitions, à la couleur de sépia répandue dans ses poèmes et qui rappelle la vieille « Aikie », la vieille enfumée, on reconnaît dans Burns cette virginité du génie que Dieu met sous la garde de l’ignorance pour les plus aimés de ses poètes, et que Hebel — littéraire d’habitude, de sentiment, d’horizon, comme La Fontaine lui-même, — n’avait pas. […] S’imagine-t-on bien ce qu’un pareil génie, sans réminiscence, et placé bien en face de la nature avec son observation pour toute ressource, serait devenu et aurait fait ?
L’hôpital n’est pas une preuve de génie. […] Combien longtemps nous l’avions attendu, celui qui serait notre vrai génie lyrique, notre vrai génie épique ! […] Église du génie, où chaque banc vaut l’autel ! […] Le génie d’un artiste peut tenir dans la main. […] Mais c’est au personnel génie de M.
Tant d’appareil stoïque aboutit bien vite à Delphine ; elle restera toute sa vie le génie le plus entraîné et le plus aimant. […] Nulle part, aussi visiblement que dans ces admirables pages, Mme de Staël ne s’est montrée ce qu’elle restera toute sa vie, un génie cordial et bon. […] Le génie fait sa langue… Qui ne sait que par Ennius et Lucrèce on attaquait Horace et Virgile ? […] Notons bien, à l’honneur de notre siècle, ces pieuses alliances des génies rivaux Goëthe et Schiller, Scott et Byron, Chateaubriand et Mme de Staël. […] Avec les années ce beau génie, sans s’affaiblir, est allé s’épurant.
Ce sont les artisans nez avec le génie de cet art, toujours accompagné d’un sentiment bien plus exquis que n’est celui du commun des hommes. Mais un petit nombre d’artisans est né avec du génie, et par consequent avec cette sensibilité ou cette délicatesse d’organes supérieure à celle que peuvent avoir les autres, et je soutiens que les artisans sans génie jugent moins sainement que le commun des hommes, et si l’on veut que les ignorans. […] La sensibilité vient à s’user dans un artisan sans génie, et ce qu’il apprend dans la pratique de son art, ne sert le plus souvent qu’à dépraver son goût naturel et à lui faire prendre à gauche dans ses décisions. […] Ainsi le sujet de l’imitation, c’est-à-dire, les évenemens de la tragédie et les expressions du tableau, font une impression legere sur les peintres et sur les poëtes sans génie, qui sont ceux dont je parle. […] Le sort des artisans sans génie est de s’attacher principalement à l’étude de quelque partie de l’art qu’ils professent, et de penser après y avoir fait du progrès, qu’elle est la seule partie de l’art bien importante.
Le génie est une entité comme la nature et veut, comme elle, être accepté purement et simplement. […] Pendant ce temps-là le génie continue son éruption. […] Écraser un peu ces pauvres génies, pourquoi pas ? […] Pour nous Shakespeare est un génie et non un système. […] Laissez les génies tranquilles dans leur originalité.
Le génie est chose divine. […] Voilà la qualité vraie de son génie. […] Lekeu avait conscience de son génie. […] Il ne peut y avoir un génie tous les ans. […] Ces génies de jeunesse sont en général élégiaques.
Son génie excessif aimait l’aventure. […] Son génie se croyait sans cesse en droit de demander des miracles, et, comme on dit, de mettre le marché à la main à la Fortune. […] Il y a un moment où la nature des choses se révolte et fait payer cher au génie lui-même ses abus de puissance et de bonheur. […] Génie si positif pourtant dans le détail, son idéal, pour dernier terme, sortait hors du possible. […] C’est l’avantage que gardent sur lui dans l’histoire les Cromwell, les Guillaume d’Orange, et ce génie combiné de Pitt et de Wellington, qui finalement l’a vaincu.
La jeunesse est la vie en sève ; c’est aussi le génie en fleur. […] Il est rare qu’on soit sans aïeux dans le génie comme dans la fortune. […] Si nous avions fondé l’école des larmes, deux écrivains d’un immense génie, mais d’une dépravation de cœur aussi prodigieuse que leur génie, avaient fondé l’école du rire. […] Laurent Pichat, que les commérages à demi-mot de l’ignorance et de la malveillance contre deux natures de génie. […] Il est remonté de cette perversion par le ressort vainement comprimé de son génie.
Cervantes n’est pas seulement un génie clair et net, c’est un génie littéraire et qui a fort en souci les résultats de ce genre. […] » Est-ce qu’on parle ainsi des beaux génies et des grandes intelligences ? […] Le génie du Don Quichotte est un génie léger, tout l’opposé de l’ironie âcre et concentrée de Swift et de ce spleen à couper au couteau. […] Ce besoin de transfiguration qui éclate et se consacre assez visiblement dans la sphère religieuse est le même que celui qui tend, dans l’ordre poétique, je ne dis pas à surfaire, mais à surnaturaliser les génies. […] Je trouve dans un livre récent, mélange de lumière et d’ombre, cette page charmante sur Cervantes qui y est classé parmi les premiers génies ; « L’Idéal est chez Cervantes comme chez Dante ; mais traité d’impossible, et raillé.
« Le rôle qu’il joua à cette armée prouva que, si beaucoup de généraux du second rang s’éclipsent au premier, un génie supérieur ne peut rien quand il est forcé de remettre aux autres le soin d’apprécier ses projets et de les exécuter. » Jomini. […] Vers la fin, l’orgueil du monarque s’attira un terrible vengeur et doué du génie de la Grande Guerre dans Eugène. […] Il devient évident que si la guerre a été le premier état naturel de l’homme barbare et sauvage, que si elle a été le triomphe et le jeu de quelques génies prééminents, l’élément nécessaire et l’instrument de grandeur des nations souveraines et des peuples-rois, la paix, avec tous les développements qu’elle comporte, est la fin dernière des sociétés humaines civilisées. […] Puységur donnait et compilait dans un Traité complet le résumé de son expérience, mais le génie était absent. […] Sans prétendre faire précisément de Frédéric un Bonaparte et sans lui imposer absolument la même méthode, Jomini, par cette supposition, donnait à mesurer entre eux la distance, la différence initiale et originale des génies, au point de vue militaire.
Après plus de mille ans de pensées ; de jugements, d’admiration, auxquels il a forcé le monde, Charlemagne n’a pas encore d’historien qui l’ait pris tout entier, de détail et d’ensemble, et nous l’ait véritablement montré ce qu’il fut ; Cromwell non plus, en Angleterre, — Cromwell, dont le profond génie tenta le génie pénétrant de Montesquieu. […] Des milliers de plumes, sous prétexte d’histoire, se voueront au service de sa renommée, mais il n’aura pas d’historien digne de son génie, qui le comprenne et qui le juge ; car, pour comprendre et juger le génie d’un homme, il en faut presque la moitié. […] Pour nous, l’auteur n’est pas seulement un Blackstone français, — qui a la science, le coup d’œil, la raison dernière de telle disposition de loi politique et civile, et qui, contrairement au Blackstone anglais, bref et complet, atteste ainsi le génie de la langue qu’il parle et le génie de la législation qu’il commente, — il est de plus historien sans qu’il y pense et sans qu’il veuille l’être, et voilà pourquoi nous en parlons. […] Conserver, en le modifiant, tout ce qui peut être sauvé du passé d’un peuple, c’est peut-être la seule ressource laissée pour manifester leur génie aux grands politiques des vieilles civilisations.
Nous n’oublierons jamais l’atmosphère d’enthousiasme pour le génie qu’on respirait alors dans cette Athènes de l’Italie. […] Paturle, digne possesseur de ce reliquaire du génie (M. […] Apprécier le génie, c’est le génie aussi sous la forme de l’admiration. […] Le génie à ses commencements a besoin de larmes pour tremper la plume ou le pinceau dans la tristesse, cette vérité pathétique du cœur humain. […] On va voir ce qu’il désirait au-delà de ce que le génie et la destinée lui permettaient d’atteindre.
Son génie, ce génie qui nous paraît à distance si merveilleux de facilité et de fécondité, ce génie s’est débrouillé lentement, péniblement, si vous regardez les dates ; et, ce qu’il y a de pis, il s’est débrouillé loin du public de Paris, le seul pour lequel il soit doux de travailler, le seul qui puisse donner et donne la gloire en un jour, quelquefois en une heure. […] Eh bien, l’homme de génie peignant M. […] Mais, messieurs, quelle preuve de génie, d’avoir tiré de la mort même une comédie ! […] Un seul homme l’a fait, parce qu’il était seul à les voir, et, l’ayant fait, il avait du génie ; c’était une conception du génie, car le caractère le plus évident du génie, ce n’est pas toujours d’exprimer le moment et le milieu, c’est de devancer les siècles. […] Elles ont été, la colère surtout, un des stimulants les plus actifs de son génie.
Son œuvre est un poème, sa vie une poésie : en lui naissance, patrie, nature, génie, vie, amour, infortune et mort, tout est d’un poète. […] Ce phénomène du génie hérité, accumulé, croissant et enfin fructifiant dans un grand homme frappe l’esprit en étudiant, dans l’histoire ou dans la biographie, les origines morales des hommes supérieurs. […] C’est à Bologne qu’il chercha, avec l’instinct du génie, le sujet d’une épopée moderne égale aux grandes épopées nationales d’Homère et de Virgile, et qu’il trouva ce sujet dans les croisades. […] Renfermée et recueillie dans ses appartements et dans ses jardins hors de la ville, elle n’apparaissait qu’entourée du mystère de sa vertu et de son génie. […] La médiocrité sage, personnifiée dans Boileau, triompha comme toujours en France des nobles témérités du génie.
Crébillon a ce désordre intéressant auquel certaines théories complaisantes reconnaissent le signe et comme la fatalité du génie. […] Pour l’unité d’intérêt, il y est moins fidèle : c’est le plus difficile de l’art, et l’habileté n’y peut suppléer le génie. […] Voltaire, qui a eu du génie pour tant de choses, n’avait pas tout le génie que veut chaque chose. […] Un génie brillant, le feu de la poésie, les souvenirs de quelque amour de jeunesse, c’est assez pour créer Zaïre. Il fallait le génie profond et la tendresse de Racine pour faire parler un cœur de mère.
Mais ce poëte, si puissant de sève natale et de génie, s’est formé sous l’influence de l’âge philosophique des Grecs. […] Mais le raisonnement chez Lucrèce a retenu l’essor du génie. […] Cette condition seule peut-être a manqué pour donner dès-lors au Latium, dans un autre ordre de génie, une gloire égale à celle d’Homère. […] Mais le génie de Catulle et le caractère de son siècle se marquent surtout dans l’épilogue du poëme. […] Mais, pour le génie même, cette veine était étroite et bientôt épuisée.
Voyez, il semble avoir quelque chose de tout particulier dans l’esprit, à en juger par la manière dont il regarde le bleu du ciel. » C’est là Hoffmann, et lui-même nous a donné la clef de son génie. […] Les phénomènes singuliers et subtils dans lesquels se complaît le génie d’Hoffmann, lorsqu’il ne les tire pas d’un concours plus ou moins romanesque d’événements tout extérieurs, et lorsque la nature humaine et l’âme sont sur le premier plan, se rapportent plus particulièrement, comme on peut le penser, à ces âmes sensibles et maladives, à ces natures fébriles et souffrantes, qui peuvent en général se comprendre sous le nom d’artistes : ce sont elles qui font le sujet le plus fréquent et le plus heureux de ses expériences. […] Il sait l’artiste à fond, sous toutes ses formes, dans toutes ses applications, dans ses pensées les plus secrètes, dans ses procédés les plus spéciaux, et dans ce qu’il fait et dans ce qu’il ne fera jamais, et dans ses rêves et dans son impuissance, et dans la dépravation de ses facultés aigries, et dans le triomphe de son génie harmonieux, et dans le néant de son œuvre, et dans le sublime de ses misères. […] Zacharias Werner, Berthold, Kreisler, vous tous artistes de nos jours, au génie inquiet, à l’œil effaré, que l’air du siècle ronge ; inconsolables sous l’oppression terrestre, amoureux à la folie de ce qui n’est plus, aspirant sans savoir à ce qui n’est pas encore ; mystiques sans foi, génies sans œuvre, âmes sans organe ; comme il vous a connus, comme il vous a aimés ! […] Aussi, dès qu’il se borne à peindre l’art et les artistes dans ce moyen âge, où il y avait du moins harmonie et stabilité pour les âmes, quelque chose de calme, de doré et de solennel succède aux délirantes émotions qu’il tirait des désordres du présent ; depuis l’atelier de maître Martin le tonnelier, qui est un artiste, jusqu’à la cour du digne landgrave de Thuringe, où se réunissent autour de la jeune comtesse Mathilde, luth et harpe en main, les sept grands maîtres du chant, partout dans cet ordre établi, on sent que le talent n’est plus égaré au hasard, et que l’œuvre de chacun s’accomplit paisiblement ; s’il y a lutte encore par instants dans l’âme de l’artiste, le bon et pieux génie finit du moins par triompher, et celui qui a reçu un don en naissant ne demeure pas inévitablement en proie au tumulte de son cœur.
… Ne faudrait-il pas mettre la main sur le collet de son génie, et qui l’oserait ?… Son génie, qui fait trembler ceux qui l’admirent, n’a jamais en France, que je sache, été… même discuté. […] — le génie de Gœthe ? […] Shakespeare, après tout, ne fut qu’un sublime isolé de génie, qui ne savait pas ce qu’il faisait, qui avait le génie comme on a la respiration, mais Gœthe, qui le savait, lui ! […] Il connaît trop la force des choses admises, et qui est plus admis parmi les évidences indéniables que le génie de Gœthe ?
Ces Mémoires du duc de Luynes sont des papiers de famille comme ceux du duc de Saint-Simon, cette immense trouvaille historique qui a donné à la France un homme de génie de plus, un homme de génie aussi inconnu jusque-là qu’un crapaud dans un caillou ! […] L’expression de Saint-Simon semble pétiller de plus de génie naturel, de plus de génie de naissance, à travers son incorrection, insoucieuse et hardie ! […] Malheureusement, quand on a goûté à un homme de génie, on trouve que c’est si bon qu’on imagine en retrouver partout la saveur. […] Après le Tuffière de génie, nous avons eu le Jocrisse du talon rouge. […] Il y aura peut-être un jour dans la famille de Luynes quelqu’un qui osera prendre sur sa tête — une tête de génie… — de répondre à cette grande question !
pas l’étendue de ce Rabelais qui est aussi un historien à sa manière, et qui, à force de génie, est parfois aussi beau sur son fumier que Sardanapale sur ses fleurs ; mais il en a pourtant quelque chose. […] tandis que Carlyle, qui ne crée pas, mais qui raconte, et qui n’a qu’une goutte du génie de Rabelais, la verse insolemment, dans l’Histoire sérieuse et bégueule, sur des fronts qui se croient faits pour inspirer la terreur. — Et cette goutte du génie de Rabelais dans une tête anglaise, voilà son originalité ! […] Il a tous les traits du génie autochtone de son pays, et même les vices de ce génie. […] Mais la goutte du génie de Rabelais, qu’il a naturellement et qu’il n’imite point, le sauve de tout cela et reste le meilleur et le plus profond caractère de son talent. […] Carlyle, en effet, malgré ce vague que je lui reproche, est tellement possédé par le génie du pittoresque qu’il allait le chercher n’importe où, — dans les lieux les plus bas !
Il fallait une société comme la nôtre pour que les hallucinations de deux hommes mourant de leurs excès, l’un du delirium tremens, l’autre du tabès dorsal, devinssent des lueurs de génie, et pour que l’ivrognerie et ses songes prissent rang parmi les facultés et les produits de l’esprit humain. […] Il a décliné la discussion elle-même ; il s’est fait, avec une passion singulière, et dont nous dirons le mot tout à l’heure, le caudataire du soi-disant génie d’Hoffmann, et il l’a suivi ou précédé modestement dans de petites notes, attachées aux documents qu’il a recueillis. […] Des génies qui se portent bien, et non des malades comme Hoffmann, ont touché à ce côté mystérieux et profond de l’imagination et de la sensibilité. […] À ses yeux, le mérite d’Hoffmann, la preuve de son génie, c’est ce qu’il y a d’inexprimé et d’inexprimable dans ses écrits. […] Les Contes de Perrault sont une grande œuvre parce qu’il y a réellement de l’invention, malgré le style, dans cet ouvrage, et que le vers du poète est vrai : Perrault, tout plat qu’il est, pétille de génie.
elle y a attrapé son génie et sa gloire, et l’imagination qu’elle a trompée ne lui a jamais pardonné ! […] On ne peut pas dire précisément qu’il ait créé le roman physiologique, mais il lui donna le grand caractère que son génie donnait à tout, et par son exemple il imprima plus profondément la marque de cette influence du temps, à laquelle nul ne peut se soustraire sans s’appauvrir, à tous les romans qui suivirent les siens. […] Armand Pommier, l’auteur de La Dame au manteau rouge, était une de ces fulgurances incontestées qu’on appelle un homme de génie, La Dame au manteau rouge pourrait-elle être une grande œuvre humaine, malgré la monstruosité du sujet ? Le Génie a de si glorieuses manières de nous surprendre et de déconcerter nos prévisions ! […] Paul Féval a mis, pour n’en rien rapporter de grand, la main à ce plat, tendu à tout le monde, du somnambulisme, mais le somnambulisme, depuis Shakespeare, attend toujours l’homme supérieur qui l’emploiera avec la justesse et le surprenant dans le vrai qui est le secret du génie !
Au défaut de la fierté du caractère, on avait du moins le mérite du génie. […] La lecture assidue de ces grands hommes, et le génie qu’ils ont déployé en maniant leur langue, donna un plus grand caractère à la nôtre. […] Duperron, un de nos premiers orateurs, et qui passa pour un homme de génie, ne la connut pas. […] Peut-être même cette espèce de pente à l’exagération, tient-elle au génie de ceux qui font les premiers pas chez tous les peuples. […] Louis XIV, du fond de ses palais, animait tout ; ordonnait à ses sujets d’être grands, et le génie, cet esclave altier, debout au pied du trône, attendait ses ordres en silence pour lui obéir.
Il n’y a rien au-dessus du génie, et dans la sphère des Corneille et des Racine il y a des égaux, il n’y a pas de rangs. […] Rien ne sent plus son homme de génie que d’y avoir réussi. […] Mithridate doit personnifier la lutte de l’univers contre Rome, et le génie de la barbarie aux prises avec le génie de la civilisation. […] Cette qualité suprême n’appartient qu’aux génies du premier ordre. […] Génie du christianisme.
L’ignorance seroit également proscrite & l’émulation encouragée, le génie voulant toujours prendre son essor. […] quelle progression éloquente d’idées dans ce génie créateur, qui tira l’art de prêcher du chaos ! […] L’onction lui manque : on voit que sa vaste érudition avoit desséché son génie. […] Mais Chéminais est foible : ses productions sont celles d’un génie heureux, qui n’est point encore parvenu à sa maturité ; & sa mort l’a empêché de mettre la dernière main à ses ouvrages. […] On n’a presque rien fait imprimer de lui : mais ce qui nous reste est marqué au coin du génie.
Son Discours sur l’Histoire universelle est un chef-d’œuvre, qui réunit tout à la fois ce que le génie a de plus sublime, la politique de plus profond, la morale de plus sage, le style de plus vigoureux & de plus brillant, l’art de plus étonnant. […] Malgré les difficultés qui se présentoient dans un Discours dont le but est de développer le chaos des temps, de suivre, pour ainsi dire, pas à pas la marche de la Sagesse divine, de rapprocher les événemens pour en faire connoître les ressorts & le terme, de présenter enfin le tableau du genre humain dans sa naissance, dans ses erreurs, dans ses crimes, dans le progrès de ses lumieres, dans sa législation, dans la réformation de ses mœurs, dans les révolutions des Empires ; le génie de Bossuet est toujours égal au sujet qu’il embrasse, & embellit les objets que leur propre grandeur sembloit mettre au dessus de l’esprit de l’homme. […] Bien loin d’imiter ceux qui l’avoient précédé dans ce genre d’éloquence, son génie sut s’élever au dessus des sentimens vulgaires, & se tracer une route nouvelle. […] Du feu, de la vie dans les tableaux, de grandes idées dans les images, des mouvemens rapides dans les sentimens, des élans d’imagination qui étonnent, des traits sublimes dans le langage, qui séduisent, sont pour lui des ressorts familiers qui font éprouver à l’ame des secousses qui la maîtrisent, la captivent, l’arrachent à elle-même, & la remplissent de cet enthousiasme que le vrai génie peut seul communiquer. […] Il n’est pas étonnant que les Philosophes modernes aient fait leurs efforts pour associer à leur Secte un génie aussi supérieur.
C’est méconnaître à la fois le génie du premier Consul et le génie de M. […] C’est ce qu’il faisait à Paris, en affectant l’estime pour un génie de parole dont il méprisait au fond les doctrines. […] En faisant le bien, il avait obéi à son génie ; en le faisant, il en avait espéré le prix. […] Quel danger surtout dans une nation militaire, où chaque général peut être tenté du trône sans avoir le génie de s’y maintenir ? […] Génie militaire d’une grande portée, politique nul, caractère faible, incapable de porter sa gloire, M.
C’est une réparation qu’elle devait au génie de ce grand poëte, trop négligé en France, même au dix-septième siècle. […] Avec plus de génie, il eut imité de plus près un tel modèle. […] Mais de telles ressemblances, dont nous parlerons ailleurs, n’étaient prises peut-être qu’au trésor inépuisable des sentiments humains, et à ces rencontres du génie, perpétuelle révélation que Dieu donne à l’homme. […] Mais l’image entière, le tableau appartient à l’ordre de leur génie ; et c’est leur voix qu’on entend dans ces paroles de Bossuet. […] Un court fragment, que tous les traducteurs ont négligé, confirme ce souvenir et semble le salut d’entrée du génie venant frapper à la porte du temple et offrir son aide, pour la défense de la patrie commune.
. — Conjectures diverses sur les rencontres et les imitations du génie humain. — L’ode hébraïque. […] On sait quelle part la science historique et religieuse, et même la philologie du seizième et du dix-septième siècle, donnait au génie hébraïque dans la formation des peuples païens. […] Dans le silence du philosophe sur une telle révélation, quelques rencontres de génie, quelques formes d’imagination, ne suffisent pas pour affirmer ce commerce d’intelligence. […] Elle demeure aujourd’hui l’histoire et tout le génie de ce peuple, mort et vivant, à qui son culte sert de patrie. […] Gardons-nous cependant de conclure que son génie nous échappe, et que Bossuet lui-même, en la célébrant, ait admiré des contresens.
La liberté souffla un nouveau génie français. […] Mais le génie grossit tout. […] Il n’était pas assez simple de cœur et de génie pour moi. […] L’âme manquait aux mots, ce n’était que la draperie du génie. […] C’était la gloire, l’esprit, le génie, l’éloquence en foule.
Mais vous avez tort de tirer de ce sentiment si juste des propositions universelles et des règles absolues sur le caractère nécessaire du génie comique, et sur l’essence éternelle de la comédie. […] Quelle que soit la théorie que vous inventiez, nous ne serons pas longtemps à trouver un homme de génie et plusieurs chefs-d’œuvre pour la démentir. […] Tout fait a sa cause, et toute littérature, toute œuvre d’art est un fait dont il suffît de chercher, dont il faut sans passion chercher la cause dans les mœurs, les idées et les goûts de la société qui l’a produite, dans l’esprit du siècle qui l’a inspirée, dans le génie de la nation qui lui a donné son caractère général, dans le tempérament, les habitudes et la vie de l’auteur original qui lui a imprimé son cachet particulier. […] Taine, sorti de l’école historique, prétend réduire toutes les facultés d’un artiste à une seule faculté maîtresse, toutes les facultés maîtresses de tous les artistes d’un même peuple à une grande faculté générale qui sera, par exemple, le génie oratoire pour Rome, enfin les divers génies des peuples issus d’une souche commune à l’unité de la race, et ainsi, d’abstraction en abstraction, il raréfie la critique littéraire. […] Et puis, il a sa théorie du génie.
Malgré ses singularités, ses paradoxes ; ses erreurs, on ne peut lui disputer la gloire de l’éloquence & du génie, & d’être l’Ecrivain le plus mâle, le plus profond, le plus sublime de ce Siecle. […] Est-ce enfin au milieu d’une dégradation sensible & journaliere, qu’ils pourront prétendre au respect & à la gloire destinée à payer les travaux du génie & des talens ? […] L’Emile porte l’empreinte de la même tournure de génie ; ce sont les mêmes paradoxes, les mêmes erreurs, les mêmes beautés. […] Rousseau, un Auteur doué d’un génie fécond, mais versatil ; d’une imagination brillante, mais exaltée ; d’une ame sensible, mais trop sévere ; d’un esprit judicieux, mais bizarre. […] Il faut avouer que la Lettre de Rousseau est sans ordre, sans liaison, semée de digressions, quelquefois diffuse ; mais ce désordre est celui du génie, la lumiere & la chaleur s’annoncent par-tout.
Ce mouvement rétrospectif, reconnaissant, réfléchi, qui nous fait revenir sur de grandes œuvres éclatantes ou replacer dans une juste lumière des ouvrages oubliés ou méconnus, doit être d’autant plus encouragé par la Critique qu’il n’est pas dans la nature du Génie français, lequel, en toutes choses, se porte en avant avec sa proverbiale furie, et mêle si joliment l’ingratitude à ses distributions de gloire. […] C’était un homme probe et cultivé, de naissance médiocre, mais de mœurs élevées, placé par la fortune de son génie en dehors de toutes les prétentions et de toutes les passions de son temps, ayant le pied, — un pied digne du talon rouge, — et l’œil, — un œil capable de tout embrasser, — dans les deux sociétés qu’on nommait alors la cour et la ville, et que sa vocation était d’observer et de reproduire. […] Il avait pendant neuf ans (nous disait-on) étudié amoureusement les beautés de cet écrivain et cohabité avec son génie. […] Voltaire, ce singe de Satan, qui a brisé le miroir de la Vérité en mille miettes, a dit avec son ineffable superficialité que la vie des hommes de génie n’est jamais que dans leurs écrits, et de bons esprits ont accepté cela comme un axiome. […] Mais nous avons besoin, nous qui voulons connaître et les procédés de composition des hommes de génie, et l’action de leur esprit sur leur société, et la réaction de leur société sur leur esprit, nous avons besoin qu’on nous dévoile le secret de leurs inspirations et la variété de leurs sources.
… Quoi de plus fini, de plus débordé, de plus dépassé que toutes ces théories qui, du temps de Lessing, régnaient sur la place ou l’encombraient, quand le Génie voulait passer ?… Le Génie ne passait pas beaucoup, il est vrai, à cette heure, nulle part. La France possédait encore le maigre Voltaire, plus maigre, comme génie dramatique, que sa statue de squelette par Pigalle. […] L’ignorance de Shakespeare complétait son génie. Ils ont prouvé, cette ignorance et ce génie, que pour faire du théâtre après Shakespeare il n’y avait plus d’autre théorie que d’imiter Shakespeare, — de faire comme lui… si on pouvait !
L’Antiquité grecque, son théâtre avec son génie et son style, mieux compris, ont donné les points nécessaires, les hauteurs essentielles pour les mesures comparées. […] Corneille procède de lui-même, quoique son génie, allumé au contact de la littérature espagnole, ait pu s’épurer à l’exemple des bienséances nouvelles, introduites par Rotrou. […] Il a raison, cherchant un génie simple et sublime qu’on lui a vanté, de s’étonner de ne rencontrer qu’un bel esprit compliqué, recherché, enflé, fastueux. […] Nous avons beau faire et beau dire là-bas nous ne sommes pas pris au sérieux poétiquement ; le génie des races s’y oppose. […] Si nous avions un seul homme, un seul génie dramatique à déléguer dans ce congrès universel, ce ne serait pas Corneille, ce serait Molière qu’il faudrait y députer.
Je suis loin de croire, à l’exemple de quelques éloquents philosophes ou orateurs, que dans une grande âme tout est grand ; il y a souvent bien du mélange : mais je dis en même temps qu’il y a dans toute organisation de génie une résultante totale qui se dégage et à laquelle il faut s’attacher. […] Somme toute, et quoi qu’il en soit de ces critiques de détail, le premier il a permis aux lecteurs curieux et patients de se faire une vaste idée, une idée continue (j’y insiste) du génie et de la force complexe de son héros. […] Il remplit avec un merveilleux génie d’organisation la première partie de sa tâche et ne prit aucun soin de remplir la seconde. […] » Il est permis de croire que la forme de son génie s’accommodait fort bien de cette nécessité et qu’au fond il en était bien aise. […] Lui, il joignait de plus à la passion le génie qui crée les moyens et qui organise : il fut contre nous le grand instigateur et directeur de la ligue des nationalités5.
Une si puissante action ne peut s’expliquer que par un grand génie, génie auquel ont manqué la sérénité, la pureté, le naturel, mais qui ne doit pas être classé au dernier rang des grands hommes. Il n’y a pas de rang pour un génie de cette sorte. […] Enfin comment veut-on que le génie soit soumis à des règles, puisque ces règles sont faites précisément après coup et d’après les œuvres du génie ? […] Chaque génie se fait sa poétique à lui-même. […] On imite les hommes de génie en inventant comme eux.
« Quant au peuple, il vous traite selon son génie. […] Il le déroba à l’Essai sur les Révolutions, et l’inséra presque en entier dans le Génie du Christianisme ; c’était plutôt le génie du déisme. […] L’Auvergne avait produit l’air, le génie du jeune homme la tristesse amoureuse des paroles. […] C’est la faiblesse de son génie, qui ne put s’élever jusqu’à la condensation du génie qui chante en vers. […] L’ébauche d’un impuissant n’est pas le génie d’un grand homme ; cette vérité triste fut l’éternel remords de Chateaubriand.
Mais c’est qu’il y avait en Buffon un génie qui allait se dégager et qui allait demander satisfaction à son tour : le génie du peintre, du poète, de celui qui avait besoin avant tout de grandes vues pour se donner carrière à les exprimer. […] Le génie de Buffon participe du poète autant que du philosophe ; il confond et réunit les deux caractères en lui, comme cela s’était vu aux époques primitives. […] Il attribuait le génie à la continuité de la pensée sur un même objet, et il voulait que la parole en sortît comme un fleuve qui s’épand et baigne toutes choses avec plénitude et limpidité. […] Le sentiment moral reste un peu blessé, au milieu de tous les étonnements qu’excite ce bel ouvrage, de le trouver si muet et si désert du côté du ciel. — Seul le Génie de l’humanité y domine et s’y glorifie dans une dernière page d’une perspective grandiose et superbe, bien que légèrement attristée49. […] Il souffrait qu’on parlât de lui et de son génie à bout portant, et il en parlait lui-même avec bonhomie, comme en parlait déjà son siècle et comme allait faire la postérité.
Je l’ai dit plus haut, il n’en avait point, de génie. […] Le génie donc donné à Diderot est un pur don. […] On ne sait pas un mot de ce qu’en son âme et conscience il était… On ne sait de lui que son génie, et son génie, c’est tous les personnages de ses drames, les uns après les autres. […] Les hommes de génie sont unitaires comme les grands gouvernements. […] En effet, il aima sa femme et sa fille, et il eut des maîtresses, tout en les aimant… Si le génie était une anarchie intellectuelle, Diderot pourrait prétendre à être un génie.
Il est donc bon pour le génie, il est méritoire pour la critique qu’elle ne tarde pas trop à le discerner entre ses rivaux et à le prédire à tous, dès qu’elle l’a reconnu. Il ne manque jamais de critiques circonspects qui sont gens, en vérité, à proclamer hautement un génie visible depuis dix ans ; ils tirent gravement leur montre et vous annoncent que le jour va paraître, quand il est déjà onze heures du matin. […] Lors même que la critique, douée de l’enthousiasme vigilant, n’aurait d’autre effet que d’adoucir, de parer quelques-unes de ces cruelles blessures que porte au génie encore méconnu l’envie malicieuse ou la gauche pédanterie ; lorsqu’elle ne ferait qu’opposer son antidote au venin des Zoïles, ou détourner sur elle une portion de la lourde artillerie des respectables reviewers, c’en serait assez pour qu’elle n’eût pas perdu sa peine, et qu’elle eût hâté efficacement, selon son rôle auxiliaire, l’enfantement et la production de l’œuvre. […] Il y a donc, en ce livre de notre grand poëte, progrès d’art, progrès de génie lyrique, progrès d’émotions approfondies, amoncelées et remuantes ; mais de progrès en croyance religieuse, en certitude philosophique, en résultats moraux, le dirai-je ? […] Assis dans sa gloire au foyer domestique, croyant pour dernière et unique religion à la famille, à la paternité, il accepte les doutes et les angoisses inséparables d’un esprit ardent, comme on subit une loi de l’atmosphère ; il reste l’heureux et le sage dans ce qui l’entoure, avec des anxiétés mortelles aux extrémités de son génie ; c’est une plénitude entourée de vide.
On se rappelle encore comment fut accueilli le glorieux précurseur de cette poésie à la fois éclatante et intime, et ce qu’il lui fallut de génie opiniâtre pour croire en lui-même et persister. […] Quant au génie pourtant, je ne saurais concevoir sur son compte de bien graves inquiétudes. […] Boileau, dans le cours de la touchante et grave amitié qu’il entretint avec Racine, eut sans doute le tort d’effaroucher souvent ce tendre génie. […] Schiller et Goëthe, de nos jours, présentent le plus haut type de ces incomparables hyménées de génies, de ces adoptions sacrées et fécondes. […] Milton, vieux, aveugle et sans gloire, se faisant lire Homère ou la Bible par la douce voix de ses filles, ne se croyait pas seul, et conversait de longues heures avec les antiques génies.
Lamennais, le grand écrivain et le prêtre écrivain, a toujours porté à la distance de ses livrés le masque éclatant et sombre de son génie ; mais le visage vrai, le visage humain qu’il y avait dessous, qui l’avait vu et qui jamais s’en était douté ? […] L’auteur de l’Essai sur l’indifférence, ce logicien ardent, cet esprit péremptoire, ce polémiste formidable qui vivait sous cette visière baissée de son génie, était, le croira-t-on ? […] Quand il traduisit l’Imitation et qu’il y oubliait son génie, il allait tout uniment au courant pour lequel il était fait, il suivait la pente de son âme et de son instinct. […] III Et cet esprit-là, c’est l’esprit même, — comme on dit en France, — l’esprit, un don, le plus précieux des dons intellectuels, le plus beau diamant qui puisse fermer la couronne du génie et que le génie n’a pas toujours à l’agrafe de sa couronne. […] On y verra, du moins, qu’il n’était pas, comme homme, le violent d’âme et de passion égoïste comme on l’avait fait, et que, comme talent, il n’était pas non plus uniquement le violent de couleurs, de mouvement et d’idées, dans lequel on a vu trop exclusivement son génie.
… Toutes choses aléatoires sur lesquelles il y a une décision à prendre avec ce coup d’œil qui est le génie de toute affaire, et qui implique, dans l’intérêt du libraire, la double force de la sagacité littéraire et de la sagacité du commerçant. […] La meilleure pierre de touche du génie est la pierre de son tombeau. […] Mais à cela près de cette nappe de lumière qu’un homme de génie versa, comme un Dieu bienfaisant, sur la tête d’un homme de talent trop obscur, Henri Beyle n’aurait été, aux yeux des hommes de son temps, qu’un dilettante supérieur d’art et de style, et non l’homme qui, dans cette première moitié du xixe siècle, devait, après Balzac, marcher à la tête des artistes, des observateurs et des écrivains. […] Assurément, l’auteur de la notice est trop exercé et trop compréhensif pour ne pas voir, du premier regard, ce qu’il y avait de véritablement grand dans Beyle : aussi marque-t-il bien la descendance de son génie, qu’il fait venir de La Bruyère et de Saint-Simon ; mais après ce large classement, après le rapport de famille spirituelle saisi avec la justesse d’un naturaliste de la pensée, on voudrait de Beyle, d’un si sérieux artiste, un portrait plus étudié et plus sévère. […] Il avait l’impartialité sereine d’un homme de génie qui en comprend un autre, et qui le dit simplement et grandement, en ajoutant pourquoi il l’admire.
On croit voir les ruines de Palmyre, restes superbes du génie et du temps, au pied desquelles l’Arabe du désert a bâti sa misérable hutte. […] Dans quelle partie de ses écrits le solitaire de Port-Royal s’est-il élevé au-dessus des plus grands génies ? […] « Qu’ont-ils vu, ces rares génies, qu’ont-ils vu plus que les autres ? […] Mais, en dérobant à ce rare génie la misère de l’homme, nous n’avons pas su, comme lui, en apercevoir la grandeur. […] Ce n’était pas par défaut de génie, sans doute, que ce Pascal, qui, comme nous l’avons montré, connaissait si bien le vice des lois dans le sens absolu, disait dans le sens relatif : « Que l’on a bien fait de distinguer les hommes par les qualités extérieures !
Le but du poète dramatique, quel que soit d’ailleurs l’ensemble de ses idées sur l’art, doit donc toujours être, avant tout, de chercher le grand, comme Corneille, ou le vrai, comme Molière ; ou, mieux encore, et c’est ici le plus haut sommet où puisse monter le génie, d’atteindre tout à la fois le grand et le vrai, le grand dans le vrai, le vrai dans le grand, comme Shakspeare. Car, remarquons-le en passant, il a été donné à Shakspeare, et c’est ce qui fait la souveraineté de son génie, de concilier, d’unir, d’amalgamer sans cesse dans son œuvre ces deux qualités, la vérité et la grandeur, qualités presque opposées, ou tout au moins tellement distinctes, que le défaut de chacune d’elles constitue le contraire de l’autre. […] Il l’a déjà dit ailleurs, le drame comme il le sent, le drame comme il voudrait le voir créer par un homme de génie, le drame selon le dix-neuvième siècle, ce n’est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille ; ce n’est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et divinement élégiaque de Racine ; ce n’est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique, de Molière ; ce n’est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire ; ce n’est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais ; ce n’est pas plus que tout cela, mais c’est tout cela à la fois ; ou, pour mieux dire, ce n’est rien de tout cela. […] S’il y avait un homme aujourd’hui qui pût réaliser le drame comme nous le comprenons, ce drame, ce serait le cœur humain, la tête humaine, la passion humaine, la volonté humaine ; ce serait le passé ressuscité au profit du présent ; ce serait l’histoire que nos pères ont faite confrontée avec l’histoire que nous faisons ; ce serait le mélange sur la scène de tout ce qui est mêlé dans la vie ; ce serait une émeute là et une causerie d’amour ici, et dans la causerie d’amour une leçon pour le peuple, et dans l’émeute un cri pour le cœur ; ce serait le rire ; ce serait les larmes ; ce serait le bien, le mal, le haut, le bas, la fatalité, la providence, le génie, le hasard, la société, le monde, la nature, la vie ; et au-dessus de tout cela on sentirait planer quelque chose de grand ! […] À l’homme qui créera ce drame il faudra deux qualités : conscience et génie.
Chênedollé, Charles-Julien Lioult de (1769-1833) [Bibliographie] Le Génie de l’homme (1807). — Études poétiques (1820). […] Chênedollé, dans le Génie de l’homme, a développé moins de philosophie, mais plus de talent poétique. […] Chênedollé est, en général, très correct ; il est toujours harmonieux et s’élève fort souvent aux plus hautes formes poétiques ; c’en est assez pour faire concevoir que c’est un poème didactique recommandable (Le Génie de l’homme) ; il faut avouer aussi qu’il participe au malheur de presque tous les poèmes didactiques modernes : il est extrêmement pénible à lire de suite. […] Mais la volonté qui est l’aile du génie manqua toujours à ce poète inquiet, chaste, platonique et précieusement timoré jusque dans ses hardiesses.
Les cris de l’enfer se font entendre et les mauvais génies nous attendent sur le seuil de mon cachot. […] Les chants populaires et les danses nationales leur découvrent-ils les mœurs et le génie d’une contrée ? […] Elle écrivait avec génie le non-sens du vulgaire. […] L’état de son âme est trop fidèlement et trop admirablement retracé par un écrivain de génie, M. […] Le génie, dans cette famille, semblait se perpétuer et se sanctifier par les femmes.
Mais enfin il l’a chanté avec des accents qui honoreraient un homme de génie. […] Dante n’avait pas besoin d’être un grand génie et un grand caractère. […] De nature et d’instinct, le génie de M. […] Qui vaincra, de la vérité du génie ou de la fausseté des opinions ? […] Hugo, qui doivent le plus le désarmer de son génie ?
La plus grande merveille du génie grec, c’est que ce feu, longtemps unique sur un seul point du monde, étincelait de plusieurs foyers, épars à courte distance et variés dans leur éclat. […] Par là, grâce à cette souple richesse de la nature morale, dans cet heureux pays, les proportions ordinaires du génie au nombre étaient absolument changées. […] Mais cette gloire poétique n’est plus qu’un symbole ; il ne reste de ce génie que quelques lettres éparses de l’inscription brisée sur son tombeau perdu. […] On dirait que Sapho était devenue pour l’imagination grecque un symbole où apparaissaient, à leur plus haut degré, la grâce, l’enthousiasme et le génie de la femme. […] Nous l’ignorons ; mais il nous reste à deviner dans de maladroites analyses ou à sentir dans un seul chef-d’œuvre le génie dont elle fut inspirée.
Des Auteurs sans génie, sans talent, sans étude, & tout à la fois ambitieux, vains, & tranchans ; les Littérateurs plus habiles dans les mysteres de l’intrigue, que dans ceux de la Littérature, qui, à la faveur des suffrages extorqués, prétendoient attirer les hommages qui ne sont dus qu’au Génie ; des importans du second ordre, qui, se croyant en droit de décider de tout suivant leur caprice, s’efforçoient de substituer un faux culte à celui des véritables Divinités du Parnasse. […] Celle où il décrit le passage du Rhin, ne réunit-elle pas tout ce que le génie poétique peut avoir de plus pompeux, de plus vif, de plus pittoresque ? N’en trouve t-on pas mille traits dans son Art poétique, où il a eu le talent de répandre les fleurs de l’imagination sur l’aridité des préceptes, d’enrichir les détails de quantité de traits, dont le moindre annonce l’Homme de génie ? […] Ce ne fut donc pas la malignité du cœur, la haine ou la vengeance qui enfanta ses Satires ; ce fut une équité inflexible, jointe à la vigueur du génie & au zele pour la gloire des Beaux-Arts. […] Moliere a plus de génie ; Regnard plus de vivacité : Destouches a pour lui la sagesse & la régularité.
D’ailleurs, elle est, de sa nature, quelque chose d’inférieur, et les choses inférieures ne méritent pas d’histoire… Certainement, si le diplomate est un observateur ou un écrivain de génie, il verra les choses et les dira comme le génie ; mais, alors, sa spécialité de diplomate sera débordée… La diplomatie ne sera pour rien dans sa supériorité d’aperçu et de style. Il ne sera qu’un heureux hasard, un homme de génie tombé dans la diplomatie, comme il pouvait très bien tomber ailleurs ! […] Et encore, Byron et nous, nous n’y avons perdu, lui, que du génie, dont il y a assez dans ses œuvres pour lui faire une gloire immortelle, et nous, que des plaisirs, chers à l’épicuréisme de nos esprits. […] On n’y reconnaît pas la plume qui écrivit ce magnifique Essai sur le socialisme, qui fît croire un jour que Donoso Cortès avait du génie ! […] Pythias et Damon diplomatiques, leur puissance d’observateur peut s’équilibrer, et les voilà égaux tous deux dans un livre médiocre, publié par un homme qui croit probablement encore plus au génie de la diplomatie qu’au leur, comme le danseur Marcel croyait au génie du menuet !
C’est du génie du christianisme qu’il parle ? […] D’où vient que le génie de l’art et le génie de la science aient déserté l’Évangile ? […] Or le génie, l’ombre de Dieu, est comme lui de créer. […] René n’est pas de l’auteur du Génie du christianisme. […] Et Musset — qui a beaucoup des vices et toutes les qualités du génie français — fut logique comme ce génie.
L’audace détruit, le génie élève, le bon sens conserve et perfectionne. […] Les plus grands génies modernes ont regardé les anciens comme leurs maîtres. […] Alexandre dut ses succès à son génie et à la faveur signalée des Dieux. […] On ne peut sans doute assigner de bornes au génie. […] Tout, excepté le génie de Richelieu.
Quand les matériaux sont rassemblés de toutes parts, préparés, dégrossis, et qu’il n’y a plus qu’à les mettre en place, l’homme de génie vient à l’heure favorable, il leur imprime le mouvement et la vie ; et les éléments épars se disposent et s’élèvent en édifices. […] Par la suite des siècles, quand tout ce qui a précédé et préparé les créations du génie a disparu dans l’oubli, les œuvres éminentes, les monuments qui restent seuls debout, apparaissent à une hauteur inexplicable, et telle qu’on s’imagine avec peine qu’ils aient été construits par des hommes. […] On a reconnu les sources où s’alimentait son génie ; on a expliqué de quels théâtres antérieurs procède son théâtre. […] Aujourd’hui un tout autre sentiment dirige les recherches dans le même sens, c’est l’intérêt de plus en plus vif qui s’attache à tout ce qui a pu servir son génie, c’est le désir de montrer comment l’imagination ne crée point de rien, comme quelques-uns se le figurent, mais transforme et vivifie ce qu’elle touche, et d’une chose morte fait une chose impérissable. […] Elles exercèrent chacune une influence spéciale sur les deux grands génies qui fondèrent chez nous l’un et l’autre genre dramatique : Pierre Corneille, le père de la tragédie, fut soutenu dans sa puissante initiative par la littérature espagnole ; Molière, le comique, s’inspira davantage de l’art de l’Italie.
Mais ce n’est plus avec des noms et des individus qu’on écrit maintenant l’histoire des poésies et des littératures ; l’individu brillant et de génie n’est que le porte-étendard et le porte-voix, l’assembleur d’une quantité de sentiments et de pensées qui flottaient et circulaient vaguement autour de lui. […] Je livre aux admirateurs-connaisseurs de Shakespeare son explication particulière de ce génie et de la faculté maîtresse qu’il lui reconnaît, « l’imagination ou la passion pure ». […] Le plus beau et le plus compliqué génie poétique de l’Angleterre, Milton, est apprécié et développé par M. […] Son caractère sombre, triste ou grossièrement gai, la teinte de fanatique et de visionnaire dont il s’est revêtu et qui recouvre le noyau solide, qui dissimule à des yeux superficiels le bon sens le plus sain et le mieux équilibré, tout le sépare des figures héroïques qui sont de nature à séduire le génie français : il n’en est que plus foncièrement d’accord avec le génie de sa race ; il en est comme l’incarnation énergique. […] « Il y a eu plusieurs grands génies jusqu’ici, lui disait Walsh, mais nous n’avons pas eu encore un grand poète qui fût à la fois correct !
Cet homme rare mourut à trente-deux ans, après avoir publié un court volume de réflexions et de maximes qu’on a grossi depuis plus ou moins heureusement, mais où il était déjà renfermé tout entier avec tous les germes qui indiquent le génie. […] Dès qu’il le connaîtra mieux, le mot de génie va se mêler à tout moment et revenir sous sa plume à côté du nom de Vauvenargues, et c’est le seul terme en effet qui rende avec vérité l’idée qu’imprime ce talent simple, élevé, original, né de lui-même, et si peu atteint des influences d’alentour. […] Vauvenargues, sous une forme plus modeste, porte dans la morale quelque chose du génie vaste et conciliateur qu’on admire chez Leibniz, et que lui il n’a pas eu le temps de développer et d’étendre dans tout son jour. […] Elle nous dispense de nous déguiser, de quitter notre caractère, de nous absorber dans les riens… Enfin, de même qu’on ne peut jouir d’une grande fortune avec une âme basse et un petit génie, on ne saurait jouir d’un grand génie ni d’une grande âme dans une fortune médiocre. […] Je ne le retrouve pas moins vivement exprimé et hautement reconnaissable dans cet autre portrait qui a pour titre : « L’homme vertueux dépeint par son génie ».
Le goût est le bon sens du génie ; sans le goût, le génie n’est qu’une sublime folie. […] On vantait le savoir du premier pour ravaler le génie du second, et on élevait au ciel le génie du second pour déprécier le savoir du premier. […] Il faut des passions brûlantes ou un grand génie pour enfanter de grandes idées. […] Cette belle chaîne du génie français s’est brisée. […] Nous ne saurions trop encourager l’auteur à s’abandonner à son génie.
En vain chercheroit-on dans ses Tragédies une versification brillante, une harmonie flatteuse, une diction toujours pure ; emporté par son génie, il s’est peu occupé des accessoires. […] La Tragédie d’Idomenée fut son début, & annonça les premiers traits de cette touche sombre qui devoit se développer dans la suite avec encore plus de vigueur & de génie, dans Atrée & Tieste, Radamiste & Zénobie. […] N’y a-t-il pas de l’injustice à chercher à obscurcir la gloire des Hommes de génie, en relevant avec affectation & avec amertume, de légeres imperfections, presque inévitables dans le genre tragique, celui de tous qui offre le plus à une critique même raisonnable ? […] N’eût-il pas mieux fait de se rappeler que, dans la carriere du Théatre, il avoit suivi la route que son génie lui permettoit de suivre, & que M. de Crébillon, en se livrant au sien, étoit digne d’un genre de gloire, auquel il ne pouvoit prétendre lui-même, malgré ses efforts ?
Ce composé de volonté, d’élévation, de conception, d’imagination, d’invention, de génie, le dédain de tant de choses, le mépris, les passions, etc., tout cela compose une âme trop forte pour le lieu et le temps. […] que de génie que d’esprit, que de choix de grandes choses ! […] Son expression fait une grande partie de son génie. […] Il a dit du maréchal de Saxe, sous le titre de Génie, esprit : On n’a jamais si bien reconnu les effets de l’esprit et du génie qu’à l’occasion du maréchal de Saxe ; il n’avait point l’esprit de la guerre, mais il en avait le génie. […] Le génie est plus près de l’instinct que de l’esprit, cependant il est fort au-dessus de l’esprit.
Tous les trois se prirent de préférence au côté spiritualiste, rêveur, enthousiaste, de leur auteur, et le fécondèrent selon leur propre génie. […] Le génie pittoresque du prosateur a passé tout entier en cette muse : il s’y est éclipsé et s’est détruit lui-même en la nourrissant. […] Son génie préexistait à toute influence lointaine. […] C’est une sensibilité reposée, méditative, avec le goût des mouvements et des spectacles de la vie, le génie de la solitude avec l’amour des hommes, une ravissante volupté sous les dogmes de la morale universelle. […] Le succès soudain qu’elles obtinrent fut le plus éclatant du siècle depuis le Génie du Christianisme ; il n’y eut qu’une voix pour s’écrier et applaudir.
Cette création seconde, qui n’est autre chose que l’action divine faite par l’homme, c’est ce qu’on nomme le génie. […] Il arrive même parfois que des intelligences attaquent un génie ; les inspirés, chose bizarre, méconnaissent l’inspiration. […] Ces hommes ont blessé le genre humain dans ses génies ; ces misérables mains gardent à jamais la couleur de la poignée de boue qu’elles ont jetée. […] L’homme est une prémisse, le type conclut ; Dieu crée le phénomène, le génie met l’enseigne ; Dieu ne fait que l’avare, le génie fait Harpagon ; Dieu ne fait que le traître, le génie fait Iago ; Dieu ne fait que la coquette, le génie fait Célimène ; Dieu ne fait que le roi, le génie fait Grandgousier. […] Un génie est un promontoire dans l’infini.
L’ingénieux donc, et l’ingénieux poussé jusqu’au génie, l’ingénieux dans l’analyse critique qui veut rester aimable sans être jamais fausse, voilà le trait caractéristique de M. […] Notre glorieux maréchal Soult, qui parlait comme un corps de garde, a laissé des mots de génie qui, injustes ou non, flamberont longtemps sur la tête de ceux contre lesquels il les a dits. […] Il a compté sur le plus ignoble sentiment qui soit dans le cœur de l’homme, et qui n’est pas l’envie du génie, de la puissance, de la richesse, mais qui est l’envie de la beauté. […] Mais c’est encore l’honneur du génie de lord Byron que d’avoir agrandi et pénétré cette poitrine d’humaniste et d’homme de goût un peu étroit, qui semblait ne pouvoir respirer que dans l’air classique du dix-septième siècle. […] Il cherchait son enfant Ada sur le front de toutes les petites filles, et il disait dans son génie ce que le Sauveur disait dans sa vie mortelle : « Laissez venir les petits enfants jusqu’à moi. » Qu’il le sût ou qu’il l’ignorât, c’était par tout cela qu’il était un génie chrétien, cet orgueilleux qui eut si souvent les humilités de la tendresse, et dont l’orgueil d’ailleurs, a dit magnifiquement M.
Elle vivra comme un témoignage des grandeurs de la religion et de la vertu devant l’iniquité de la force doublée de génie. […] C’était à quinze ans, l’âme déjà nourrie de Tacite, que l’enfant de génie assistait à ces leçons de la Providence. […] Ce réveil du génie espagnol ne se bornait pas à l’Europe : il passait l’Atlantique, il agitait Cuba et le Mexique. […] Le génie de don Luis de Léon et de sainte Thérèse a reparu sous le voile funèbre de Gomez d’Avellaneda. […] Mais dona Gomez ne l’avait pas entendu, et, sous la forme lyrique, elle se rencontrait de génie avec une des inspirations de la tribune française.
La France est frondeuse, et le génie est nécessairement impérieux. […] Thiers ravale ce grand génie et ce grand caractère. […] Pitt et au génie du général Bonaparte. […] Thiers dans ce jugement de l’administration et du génie du ministre anglais, quand le génie de ce ministre se trouve en opposition aux vues très antibritanniques du premier Consul. […] Il faut au génie des passions pour qu’il ait de la puissance.
Il ne faut pas s’y tromper : le génie le plus individuel, le plus indépendant, le plus lui-même, a besoin de croyances générales autant que le génie le plus impersonnel, le plus vaste, le plus social. […] Deux degrés de corruption de plus et un de scepticisme, et ce lymphatique anglais, fils de la Douleur et de l’Obstacle, aurait endormi son génie dans tous les dons que Dieu lui avait faits ! C’est ainsi qu’en baissant dans leur moralité les peuples baissent dans leur intelligence… Nous le disions récemment, à propos de cette immense mystification que des nigauds appellent, avec un sérieux bouffon : « la science de l’économie politique », tout pour l’homme est dans les questions morales, même le secret de son talent et de son génie quand il en a. […] Nous avions entendu là-dessus le petit sifflet de Voltaire et la parole de cet autre grand génie qui se croyait positif et qui disait : « Cela pourrait être, mais cela n’est pas. » Et voilà qu’à ce moment même, au moment où le rationalisme prenait compendieusement ses conclusions souveraines, la pensée moderne retournait sous d’autres formes à des questions qui paraissaient épuisées, qui paraissaient n’en être plus ! […] Quoique, sous une infinité de rapports, ce livre laisse beaucoup à désirer, Walter Scott y essaie pourtant de ces explications qui sont à la taille de son génie impartial et si grandement observateur, et les faits qui s’y trouvent y sont rapportés avec cet intérêt de récit qui double leur puissance.
On peut dire que par elle le génie s’étend, l’âme s’élève, l’homme tout entier multiplie ses forces ; et de là les travaux, les méditations sublimes, les idées du législateur, les veilles du grand écrivain ; de là le sang versé pour la patrie, et l’éloquence de l’orateur qui défend la liberté de sa nation. […] La calomnie siffle dans un coin : mais la gloire parcourt la terre ; elle acquitte la dette du genre humain envers la vertu et le génie. […] Il semble en effet que la vertu et le génie souvent opprimés, se réfugient loin du monde réel, dans ce monde imaginaire, comme dans un asile où la justice est rétablie. […] Chacun, par l’ascendant de son génie ou de ses vertus, monte et va prendre son rang ; les âmes opprimées se relèvent et recouvrent leur dignité. […] On sait que la première règle est le génie, et celui qui l’a, trouve aisément les autres.
Voilà vraiment des hommes de génie : ils n’imitent pas les Grecs, ils ne copient pas les Espagnols ; ils n’ont de maître que la vérité. […] Ce goût, immuable depuis deux siècles, avait dominé Shakespeare lui-même et tyrannisé son génie. […] laissons aux poètes le droit d’oser tout ce qui doit nous émouvoir et nous instruire, de trouver dans leur imagination, dans leur génie, ce qui achèvera l’histoire par une parfaite représentation des mœurs. […] Parmi les diverses manières de poser la question entre le classique et le romantique, il en est une qui n’appartenait qu’au génie, c’était de faire Agamemnon et Jane Shore. […] Par quel art ce Shakespeare, ce génie si âpre et si terrible, parvient-il à trouver les plus gracieuses, les plus délicates expressions de l’amour ?
Je ne songeois qu'à son génie, & je ne m'appercevois pas que le mien n'est point fait du tout pour le genre lyrique ». […] D’ailleurs, est-ce d’un ton d’aisance qui annonce plus l’oubli des égards que la supériorité du génie, est-ce par chapitres, que les grands Historiens nous ont transmis les Annales des Nations ou les actions des Princes ? […] La seconde n’est pas digne du même honneur ; avec un génie aussi romanesque, elle est très-éloignée d’avoir autant de graces. […] Il n’a rien de véritablement décidé que l’ambitieuse manie d’avoir voulu passer pour le dépositaire du Génie de tous les Arts, pour un Littérateur universel, pour un Homme unique. […] Si les Bossuet, les Fénélon, les Corneille, les Racine, les Despréaux, n'ont eu jusqu'ici d'autres monumens élevés à leur gloire, que les fruits de leur génie, plus durables que le marbre & l'airain : il faut qu'on se défie bien du génie de M. de Voltaire, puisqu'on a cherché à subjuguer la Postérité par les hommages du Siecle présent.
Il est vrai d’ailleurs que, comme le remarquait Saint-Martin, le Génie paraît un Génie du catholicisme bien plutôt qu’un Génie du christianisme. […] Au Génie du christianisme manque ce génie chrétien. […] Le Génie souffre du même mal que ce Génie de l’hellénisme qu’était le Télémaque. […] On l’appellerait aussi bien un Génie des Révolutions, précurseur de l’autre Génie. […] il marquait la différence qu’il y a entre un génie qui est seul et un génie qui n’est pas seul.
Pourquoi nous appesantirions-nous sur les louanges dues à son génie ? […] N’est-ce pas aimer à plaisanter aux dépens du jugement, que de confondre ainsi les traits du génie avec les saillies d’une imagination légere & vagabonde ? […] Jamais le génie ne réunit dans un plus court espace tant de connoissances, de vûes politiques, d’observations lumineuses, tant de traits d’une raison également étendue & supérieure. […] Les causes de la grandeur & de l’abaissement des Romains se trouvent dans leur Histoire ; mais il n’y avoit qu’un homme de génie consommé dans la politique & la connoissance de l’esprit humain, qui pût les y découvrir, les lier ensemble, en former un tissu historique, qui prouve, d’une maniere lumineuse, ce qu’on s’est proposé de montrer. […] Semblable à un Architecte, qui, sur les débris informes d’un édifice miné, en traceroit le plan, en dessineroit les proportions, en sentiroit les beautés & les défauts, & assigneroit, sur les plus foibles indices, la cause de sa chute : son génie, par d’heureuses combinaisons, a ranimé les objets effacés, a rappelé ceux qui avoient disparu, en a recréé de nouveaux, pour achever le tableau qu’il vouloit mettre sous les yeux.
Les Eloges historiques paroissent plus assortis au génie de M. […] Thomas, on y rencontrera à chaque page des masses, des calculs, des chocs, des résultats, des machines, des points, des centres, des réactions, des secousses, des étendues, des limites, des plans, des ressorts… On y verra éternellement revenir ces expressions merveilleuses, forces de l'ame, forces du génie, forces humaines, forces réunies ; vastes édifices, vastes fondemens, vastes desseins, imagination vaste, génie vaste… Par-tout ce sont des Ouvrages immenses, des étendues immenses, des génies immenses, des ames immenses…. […] On lui a pardonné de s'être élevé, dans son premier Ecrit*, contre cette Philosophie orgueilleuse qui voudroit élever la Religion naturelle sur les débris de l'auguste Religion de nos Peres ; d'avoir dit, en 1756, en parlant de M. de Voltaire que le génie de cet homme célebre est un volcan qui ne jette plus aujourd'hui que de foibles étincelles, obscurcies par beaucoup de cendres qui s'y mêlent ; que cet Ecrivain, nourri des maximes Angloises, s'est abandonné à une liberté effrénée de penser & de dire les choses les plus dangereuses. […] Un si grand honneur, il faut en convenir, n'a point été stérile pour le génie de M. […] Fidele à ses engagemens, malgré toutes les réactions, il s'est persévéramment tenu renfermé dans les formes intellectuelles & les forces combinées de son style, & s'est élevé même au dessus du niveau de son immense génie, dans son Essai sur le caractere, les mœurs, & l'esprit des Femmes.
« Aimable créature, beau génie, — écrivit-il à Vauvenargues, dès 1744, — j’ai lu votre premier manuscrit. […] Sur une lettre, très peu merveilleuse, que nous pouvons lire dans l’édition de Gilbert, et dans laquelle Vauvenargues s’amuse à l’éternel parallèle, cher aux rhétoriques, du génie de Corneille et du génie de Racine, Voltaire prend feu comme un jeune homme pour cet officier du régiment du roi qui s’ennuie de son métier, et qui lui envoie, avec tous les salamalecs d’usage, de la littérature de garnison. […] Presque immédiatement, il le chamarre de tous les Ordres de la sagesse, de la vertu, du grand goût, du génie, de la magnanimité ; il le constelle de tous les crachats de la flatterie d’un souverain ; enfin, il en fait son Potemkin intellectuel ! […] Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie. […] Il n’a été qu’un mort de plus dans ce cimetière de Gray où sont rangées les grandeurs qui n’ont pu aboutir, les génies qui ont gardé leur lumière !
« Aimable créature, beau génie, écrivit-il à Vauvenargues dès 1744, j’ai lu votre premier manuscrit. […] Gilbert, et dans laquelle Vauvenargues s’amuse à l’éternel parallèle, cher aux rhétoriques, du génie de Corneille et du génie de Racine, Voltaire prend feu comme un jeune homme pour cet officier du régiment du roi qui s’ennuie de son métier, et qui lui envoie, avec tous les salamalecs d’usage, de la littérature de garnison. […] Presque immédiatement, il le chamarre de tous les Ordres de la sagesse, de la Vertu, du grand goût, du génie, de la magnanimité ; il le constelle de tous les crachats de la flatterie d’un souverain ; enfin, il en fait son Potemkin intellectuel ! […] Il y aurait perdu une originalité de cœur plus belle à nos yeux que l’originalité du génie. […] Il n’a été qu’un mort de plus dans ce cimetière de Gray, où sont rangées les grandeurs qui n’ont pu aboutir, les génies qui ont gardé leur lumière !
Le génie fait pitié quand on le voit aux prises avec l’impossible. […] S’il n’avait pas la vertu de la probité politique, il avait le génie des réalités. […] C’était le génie sarcastique de Voltaire descendu du salon sur les tréteaux. […] La facilité, cette grâce du génie, assouplissait tout en lui, talent, caractère, attitude. […] Le génie est de savoir prendre ces partis extrêmes à leur minute.
Le génie n’est jamais loin. […] … Et ces deux génies sont Dante ? […] Le génie de Dante est tout à fait biblique. […] Vous pourriez dire entre le génie italien et le génie allemand, qui sont aux antipodes. […] J’y reconnais le même élément, apaisé ou soulevé, le même génie.
Un poème qui, lu sans prévention, produit sur des juges délicats, sur des amateurs éclairés et sensibles, un tel effet d’intérêt gradué, d’action successive et de magnifique accomplissement, attestera toujours, quoi qu’on puisse dire, et sauf les parties plus ou moins accessoires, la main et le génie principal d’un seul. […] Mais nul ne fit plus alors pour ce renouvellement et, en quelque sorte, cette création moderne du sentiment antique que l’illustre auteur du Génie du Christianisme ; aucun de nos écrivains, depuis Fénelon, n’avait eu à ce degré l’intelligence vive du génie grec, et si Fénelon en avait goûté et rendu surtout les grâces simples et l’attique négligence, il était réservé à notre glorieux contemporain d’en exprimer plutôt les lignes grandioses et la sublimité primitive. Les nombreux passages traduits d’Homère qui ornent le Génie du Christianisme, et plus tard la docte reproduction poétique qu’on admira dans les Martyrs, relevèrent publiquement les images du Beau et indiquèrent à tous ceux qui en étaient dignes les chemins des hautes sources. […] On parlait à merveille du génie des écrivains et du caractère des œuvres, dont on eût pratiqué difficilement les textes. […] On a beaucoup et très-éloquemment parlé à ce propos de poésie populaire, de génie instinctif, d’épopée toute spontanée, et l’on a cru par là, retrouvant la grandeur, suppléer à l’unité.
Il s’agit, dans l’histoire de ce grand Colomb, bien moins de supériorité d’intelligence que de vertu et bien moins de génie que de sainteté. […] L’historien a pesé deux fois le génie de Colomb. Dans ses mains, à lui, il pesait trop ; dans les mains de M. de Humboldt, il pesait trop peu pour un génie d’homme. […] Pour ceci, il fallait une force de vie morale sans laquelle la force de la vie intellectuelle défaillait et le triomphe du génie devenait impossible. […] Il nous ouvre l’âme à secret de ce vulgaire envieux de Colomb qui osait bien le mépriser comme les gens médiocres méprisent le Génie, — au nom des intérêts positifs.
Dans ceci, toute miette est du génie. […] et qui n’écrira plus jamais que ces sortes de choses, parce que le temps et surtout l’orgueil ont solidifié son génie au point qu’il lui serait impossible, quand même il le voudrait, de seulement le modifier. […] Nous avons cru à quelque philosophe ou à quelque bouffon de génie fouaillant le monde avec son rire, et nous nous disions : Comment s’y prendra-t-il pour être gai, cet homme le moins gai de France ? […] … » Est-elle blasée sur son génie ? […] C’est l’homme fort du livre, le mâle, le lion, auquel Hugo ne peut pas donner plus de génie qu’il n’en a, lui, Hugo, mais auquel il en a donné autant qu’il pouvait en donner.
Constatons les deux faits sans les comparer : tenter une comparaison entre le génie tragique de Corneille, par exemple, et le génie lyrique de V. […] La décadence dans l’art, c’est la substitution du talent au génie, c’est l’affectation du savoir-faire, avec la charlatanerie que Baudelaire prétend permise au génie même311. […] L’œuvre d’art est un centre d’attraction, tout comme la volonté active d’un génie supérieur. […] La moralité du poète doit être aussi spontanée que son génie, elle doit se confondre avec son génie même. […] « Après tout, un ne lui messied peu de charlatanerie est toujours permise au génie et même ment pas.
Le père du plus grand génie qui ait jamais fait rendre au son tout ce que le son contient de consonance pour l’oreille était lui-même un génie de pressentiment ; il n’avait pas toute la création, mais il avait toute l’intelligence de la musique ; il en avait de plus la passion. […] Ce miracle, qui n’eut jamais rien d’analogue sur la terre par la précocité du génie humain, fut la naissance d’un fils. […] La cour impériale de Vienne désira, une des premières, jouir de cette merveille de précocité et de génie. […] L’âme chante avant de parler ; c’est le privilège du musicien de n’avoir pas besoin des années pour mûrir son génie, parce que son génie est tout entier inspiration, et que les souffles du matin sont aussi harmonieux et plus frais que ceux du soir. […] Tel est le musicien, tel est le jeune Mozart dans sa jovialité de badinage et de génie avec sa sœur Nanerl.
L’art, le génie de Haydn, le caractère de cette musique riche, savante, magnifique, pittoresque, élevée, y sont présentés d’une manière sensible et intelligible à tous. […] Il faut laisser aux peuples divers leur génie, tout en cherchant à le féconder et à l’étendre. […] Depuis que le règne de La Harpe a cessé et que toutes les entraves ont disparu, comme on n’a rien vu sortir, on ne croit plus à ces deux ou trois hommes de génie étouffés. […] Ce génie, qu’il n’appartenait point à la critique de créer, a manqué à l’appel ; des talents se sont présentés en second ordre et ont marché assez au hasard. […] C’est qu’à tel jeu la recette de la critique ne suffit pas, et il n’est que le génie qui trouve son art.
Parmi le petit nombre d’hommes de génie de notre Nation, qui ont cultivé la Philosophie, il a la gloire de n’avoir à se reprocher que les erreurs attachées à la foiblesse de l’esprit humain. […] Quiconque est capable de le lire avec attention, y découvre un génie créateur & profond, un ordre & une netteté dans les matieres, une énergie de pensées, un choix d’expressions vives, une solidité de raisonnement, en un mot, tout ce qui peut entretenir l’admiration & faire éclore la lumiere dans les esprits capables de réflexion. On convient que le systême qu’il expose n’est pas exempt de contradiction ; mais on est forcé de convenir aussi, que ses illusions même sont celles du génie. […] Ses Rêves sont ceux de Jupiter ; il n’appartient, nous le répétons, qu’au Génie de créer de pareils systêmes. […] A cet Ouvrage en succéderent plusieurs autres, qui prouvent également le génie fécond de ce Philosophe.
Croiroit-on que l’homme de tous les âges, de toutes les Nations, le Poëte de la Nature, le Génie peut-être le plus original qui ait paru dans le Monde Littéraire, ait trouvé dans notre Siecle des détracteurs ? […] Nous remarquerons d’abord que la méthode de M. de Voltaire, pour décrier Lafontaine, est précisément la même qu’il a constamment employée contre les grands Génies qui ont illustré notre Littérature. Descartes, Corneille, Montesquieu, les deux Rousseau, Crébillon, Maupertuis, M. le Franc, seroient déchus depuis long-temps de leur célébrité, si on eût souscrit à cette formule qui lui est si familiere : un homme qui s’exprime ainsi, mérite-t-il…. formule qui ne vient jamais qu’après l’exposition de quelques fautes légeres contre la Langue, & presque inévitables dans les Ouvrages de génie. […] On y reconnoît par-tout, à la vérité, le même caractere de génie, comme on reconnoît la touche de Rubens à chacun de ses tableaux ; mais chaque objet y est traité avec les couleurs qui lui sont propres. […] En un mot, quand il seroit vrai que Lafontaine n’eût jamais eu qu’un style, il seroit toujours certain qu’il a eu celui du génie.
Ils ont senti que l’instant était grave, que leur génie était quelque chose de sérieux, qu’ils possédaient une importance, qu’ils n’étaient point là pour sourire, et qu’ils ne devaient point le faire comme beaucoup d’autres. […] L’avenir reviendra à ce beau génie, qui était aussi riche que pur, aussi admirable qu’abondant, aussi délicat que sublime. […] Ainsi, Lamartine est un noble et fier génie. […] C’est que pour faire toute l’œuvre immense des écrivains que j’ai cités, il suffit d’être un grand génie, et que pour prononcer une petite phrase humaine, il faut être une âme profonde. […] On peut également et par contre admirer, dans Fécondité, le rajeunissement d’un génie, des parties lyriques et épiques, une fermeté extraordinaire dans le récit.
vous y vivrez, repartit le visiteur, et malgré vous vous y vivrez ; car si vous aviez pu tuer votre génie, vous l’auriez tué, comme vous avez tué tout en vous. […] II Il est des races contre lesquelles ne peut le génie. En aurait-on une immensité à son service, si on est de ces races, la personnalité la plus robuste et la plus profonde naît marquée d’un caractère de nationalité inévitable ; comme, au contraire, il en est d’autres où le génie, quand il y a génie, appartient davantage à l’homme qui en est investi et reste franc du collier de force de la race. […] Voyez Spinosa et une foule d’autres, Heine lui-même, — Heine l’apostat, qui, en se jetant dans le vif argent de l’esprit français, est devenu le Voltaire allemand, et qui n’a pu enlever complètement cependant le caractère juif à son génie. […] Errant en Europe, venu en France, il se mêla un peu au journalisme, qui nous prend tous et qui nous dévore ; mais il retira son pied de ce gouffre, et dans la solitude d’une ville de province, où il donne noblement des leçons pour vivre, il put, quelques années après Les Hirondelles (1860), ces oiseaux bleus, publier son Pays bleu (1865), — une œuvre de tout autre aspect de génie, et qui, après le Juif, nous donnait l’Allemand.
C’est en se permettant les écarts que le génie enfante les choses sublimes ; permettons de même à la raison de porter au hasard, et quelquefois sans succès, son flambeau sur tous les objets de nos plaisirs, si nous voulons la mettre à portée de découvrir au génie quelque route inconnue. […] Ajoutons qu’il n’est point à craindre que la discussion et l’analyse émoussent le sentiment ou refroidissent le génie dans ceux qui posséderont d’ailleurs ces précieux dons de la nature. Le philosophe sait que dans le moment de la production le génie ne veut aucune contrainte ; qu’il aime à courir sans frein et sans règle, à produire le monstrueux à côté du sublime, à rouler impétueusement l’or et le limon tout ensemble. La raison donne donc au génie qui crée une liberté entière ; elle lui permet de s’épuiser jusqu’à ce qu’il ait besoin de repos, comme ces coursiers fougueux dont on ne vient à bout qu’en les fatigant. Alors elle revient sévèrement sur les productions du génie ; elle conserve ce qui est l’effet du véritable enthousiasme, elle proscrit ce qui est l’ouvrage de la fougue, et c’est ainsi qu’elle fait éclore les chefs-d’œuvre.
Le pauvre Baudelaire, qu’on faisait souffrir alors jusque dans sa propre originalité, mais qui n’en restait pas moins imperturbablement sûr de la gloire future de son auteur, souscrivit à tout, en frémissant, pour faire passer en France son ballot de génie, n’importe sous quel nom, et il passa sous le nom d’Histoires extraordinaires. […] Dans cet ordre-là, il touche au génie, et si ses Contes extraordinaires étaient tous d’une transcendance égale à la transcendance de trois d’entre eux, le génie ne lui serait pas contesté. […] Nous avons déjà (V. la IIe série des Œuvres et des Hommes) signalé le curieux talent d’Ernest Hello, sur lequel tant de gens se taisent qui devraient parler, et nous avons montré les pointes de génie qui apparaissent à travers son talent, comme les pointes de la fleur à travers l’enveloppe de son bouton. […] Au flamboiement infernal de cet avare, tous les avares connus, observés ou inventés par des générations de génies : Harpagon, Shylock, Tony Forster (de Kenilworth), Grandet, pâlissent, s’effacent et rentrent dans le néant, devant l’avare que voici ! […] Ils ont laissé mourir de faim Raymond Brucker, qui avait mis à leur service tout son génie.
Il n’aurait pas bu le poison de feu qui nous a tué, à l’aurore de son génie, Hégésippe Moreau. […] Pour lui, pour Maurice de Guérin, — et celui qui écrit ces lignes a été profondément mêlé à sa vie, — l’émotion désintéressée que donne le génie et la perfection de son langage étaient bien au-dessus de tous les profits, toujours grossiers et vains, de la renommée ! […] Avant Vigny, qui devina André Chénier par le génie, nous eûmes La Touche, qui le publia, et qui nous ébrancha ce beau platane grec avec sa petite serpette de jardinier français et d’homme de goût. […] Mais, d’essence, leurs génies différaient trop profondément pour qu’on pût les comparer ou les assimiler jamais. […] Les Souvenirs (une rêverie digne de la jeunesse du Dante), L’Anse des Dames, et cette Promenade dans la Lande qui commence à donner, distincte et profonde, cette note si particulière que le génie de Maurice de Guérin ne perdra plus.
Ainsi pour les lettres, entre le tour d’esprit du moment et le génie national, Boileau se range du côté du génie national et lui donne l’empire. […] Il n’y a pas de législation plus conforme au génie de notre pays. […] Beaucoup de vers heureux, et qu’on peut dire faits de génie, ne rachètent pas son tort d’être moraliste sans morale. […] Les préceptes de Boileau ne donnent pas le génie ; qui a jamais dit le contraire ? […] L’écrivain moderne crée dans sa langue ce que, dix-sept siècles avant lui, un autre écrivain de génie a créé dans la sienne.
. — Trésor des fèves et fleur des pois ; le Génie bonhomme ; Histoire du chien de Brisquet (1844). […] Il se contentait de jouer avec son génie et avec sa sensibilité, comme un enfant avec l’écrin de sa mère. […] C’était un de ces hommes du coin du feu, un génie familier, un confident de toutes les âmes dont la perte ne paraît pas faire un si grand vide que les grandes renommées. […] Contes, fables, romances, imitations ossianiques, pastiches du moyen âge, il multiplia les preuves d’un génie facile qui se révélait mieux encore dans les pièces fugitives, où, de sa voix alanguie, il retraçait la fuite des ans, la légère mélancolie des choses et les songes de ses derniers sommeils, qui rajeunissaient pour lui tant de chers fantômes couronnés d’ancolies et de roses !
. — le génie et la ficelle. […] Je sors de chez le Génie, et je ne puis résister à l’envie de vous faire savoir que j’ai été assez content de lui. […] Si nous n’avons pas tout ce que nous désirons du Génie, nous avons du moins quelque chose ; mais ce qu’il y a de mieux, à mon avis, ce sont les bons termes sur lesquels il est maintenant avec notre Henri ; il est désormais à ses ordres, il ira partout où on l’appellera, et quand on l’appellera. […] Par ce moyen nous fixerions l’inconstance de notre homme, et nous aurions en main un aiguillon qui le tiendrait toujours en haleine. » Grand homme ou du moins grand poëte, génie régnant, vous avez le manteau de pourpre et vous vous y drapez, et nul trône en effet, de nos jours, n’est plus légitime que le vôtre. […] Cette petite comédie pourrait s’intituler : le Génie et la Ficelle.
En deux mots, et nous ne nous opposons pas à ce qu’on juge d’après cette observation les deux littératures dites classique et romantique, la régularité est le goût de la médiocrité, l’ordre est le goût du génie. […] Quand vous viendriez à bout de calquer exactement un homme de génie, il vous manquera toujours son originalité, c’est-à-dire son génie. […] Ce que vous en retirerez conservera bien peut-être quelque apparence d’esprit, de talent, de génie, mais ce sera pétrifié. […] On y retrouve en quelque sorte la création tout entière considérée sous son double aspect, dans Homère par le génie de l’homme, dans la Bible par l’esprit de Dieu.
Il a le génie des revirements. […] Ce fut un magnifique coup de génie, presque inexplicable. […] C’était quelqu’un malgré tout, puisque le génie anoblit même la turpitude. […] Et c’est là son génie, l’expression de l’immatériel et de l’inexprimable : il inventa le mysticisme du style. […] Aicard ; ce serait plus encourageant, plus académique et peut-être plus mondain, car, en France, le génie semble toujours un peu ridicule.
il ne reste plus que Lamartine : Lamartine génie aisé et puissant, torrent d’harmonie, fleur d’amour, océan d’idéal. […] Ces trois grands génies ont formé le cœur et l’esprit des hommes de ma génération. […] Dans ces conditions, attendu que ces six splendides physionomies poétiques ont chacune leur génie personnel, je trouve que mon poète est formé de l’agglomération de ces six génies. […] J’aime son âme ardente et tourmentée, son génie si humain. […] Il avait du génie, avec un grand G, et cela nous mettra d’accord.
Faust existait avant lui, mais à l’état d’embryon que le génie moderne n’avait pas encore regardé. […] un homme d’esprit railleur devant un génie inventeur, haut et profond comme la nature. […] — Vous paraissez, dis-je, nommer fécondité ce que l’on nomme ordinairement génie. […] Il est curieux, après tant d’années, de voir l’impression de tel ou tel homme sur un génie étranger. […] La gloire et le monde sont ses uniques pensées ; qu’il brille, qu’il émeuve, qu’il éclate d’une façon quelconque, qu’on dise qu’un génie est né en Allemagne et que ce génie aspire évidemment au diadème intellectuel de son siècle, et il est content.
L’une, génie inquiet et politique, consacra sa vie à se grandir, l’autre à plaire ; belles toutes deux, l’une fut belle pour posséder les esprits, l’autre pour entraîner les cœurs. […] M. de Chateaubriand était un génie, mais c’était aussi un rôle plus qu’un homme ; il lui fallait plusieurs costumes devant la postérité. […] On voulait être sûr qu’aucun profane ou qu’aucun incrédule au génie du lieu ne se glisserait dans le cénacle pour en troubler ou pour en divulguer les mystères. […] Ce salon était tout littéraire ; la noblesse de naissance n’y figurait que pour s’ennoblir par la fréquentation de la noblesse de nature : le génie ! […] La mère et la fille étaient pauvres, mais le salon d’entresol était agrandi par les hôtes, meublé par les décorations de la nature : la beauté et le génie.
Cette première impression me resta toujours ; elle était pour moi sur un piédestal, isolée dans son génie ; je la regardais d’en bas, il faut regarder d’en haut ce qu’on aime. […] L’esprit, ce génie trop familier des salons, y corrompt le véritable génie, qui vit de grand air. […] Le seul défaut de ses vers, nous le répétons, c’est l’excès d’esprit ; l’esprit, ce grand corrupteur du génie, est le fléau de la France. […] Son génie était un de ces génies qu’il faut lire sur la physionomie, dans les yeux et dans le son de voix de l’auteur. […] J’y trouvai un jeune écrivain, d’âme sensible et de main magistrale, qui ne rougit ni d’aimer ni d’admirer, Paulin de Limayrac ; une femme qui a perdu son sexe dans la mêlée du génie comme les héroïnes du Tasse, madame Sand.
La rencontre la plus frappante, c’est d’y voir, au moment où décline le génie grec, croître et s’élever les Romains que, d’après d’anciens oracles déjà répandus dans la Grèce italique, le poëte nomme les maîtres futurs du monde et les vengeurs de Troie. […] Jamais il ne fut préparé à l’étude plus vaste enceinte et plus riche mobilier que le Muséum et la Bibliothèque d’Alexandrie : et, à cet effort si constant, à cette protection si empressée, on ne peut pas dire même que le génie ait fait entièrement défaut. […] Un tour de génie particulier, quelques accidents heureux d’imitation, quelques mouvements nouveaux de l’âme, peuvent toujours y échapper. […] Là comme ici, le génie propre de l’homme a surmonté l’influence du temps ; ou peut-être, dans l’une et l’autre époque, il s’en est également aidé par cet esprit de résistance et de contraste, qui est aussi une inspiration pour le talent. […] La puissance des Ptolémées, leurs possessions en Asie et dans la mer Ionienne, tout cet héritage du génie grec, destiné à tomber bientôt sous la main guerrière de Rome, sont noblement décrits.
L’esprit, l’imagination, le génie même (si le génie n’est pas de l’âme) n’y peuvent rien ; l’âme seule fait vivre, parce que seule elle fait sentir. […] L’âme, pour bien résumer ici notre pensée, est le génie du cœur. […] Il règne, il combat, il est un grand homme ; mais ce grand homme est, comme Jules César, sujet aux infirmités mentales du génie. […] La souveraineté l’enivre, le sang l’allèche, l’amour le corrompt ; mais il ne perd point son génie poétique avec sa vertu ; il est à lui-même son propre barde. […] On sent le génie sublime, mais le génie attelé au char olympique et soumis au frein de l’or ou de la vanité poétique.
. — Talent, génie ; invention, art. […] Que le génie l’emporte sur le talent chez M. […] Les pleines gerbées de fables, de traditions, de récits mythiques rassemblées chaque mois par les recueils de folklore prouvent que le génie de la France s’y prête à l’égal du génie germanique. […] Le génie et le talent ont souvent leur manière, il est vrai, — Rembrandt, Hugo en sont la preuve aussi bien que M. […] Car il s’est trouvé des hommes pour fondre en un seul et indestructible métal les styles et le Style, le génie et le talent.
En 1701, il adonné du génie à Cotin même : n’est-ce pas trop ? […] Boileau n’en doute pas, et n’estime pas que certaines formes littéraires soient liées à certains états de civilisation, ni que l’idéal poétique puisse être relatif et variable selon le génie des peuples. […] Enseigner le dessin, ce n’est pas comprimer, c’est armer le génie du peintre. […] parce qu’il n’y a pas d’enseignement qui donne le génie. […] Il a eu conscience de ce qu’on pouvait faire en son temps, et il a aidé de plus grands génies que lui, La Fontaine, Racine, Molière, à en prendre conscience.
Et vous prétendez nous faire croire qu’il a eu jamais du génie ? Du génie dans ce cerveau vide ! du génie dans ce crâne fêlé ! du génie dans ce cœur pourri ! […] drôle, on t’en donnera, du génie !
Un Génie l’y aidera. Un Génie, ou plutôt « un Fantôme blanchâtre enveloppé d’une draperie immense, tel que l’on peint les spectres sortant des tombeaux ». […] Le Génie analyse l’amour de soi dans toutes ses transformations, découvre que les maux des sociétés viennent des désirs effrénés, de la Cupidité, fille et compagne de l’Ignorance, etc. […] Souvent, aux rayons de cet astre qui alimente les rêveries, j’ai cru voir le Génie des souvenirs, assis tout pensif à mes côtés. […] [NdA] En fait de vision dans laquelle intervient un Génie, et comme correctif des Ruines, je recommande le chapitre du Spectateur d’Addison (nº 159), connu sous le nom de « Vision de Mirza ».
L’éloquence, fille du génie et de la liberté, est née dans les républiques. […] Les règles ne sont destinées qu’à être le frein du génie qui s’égare, et non le flambeau du génie qui prend l’essor ; leur unique usage est d’empêcher que les traits vraiment éloquents ne soient défigurés par d’autres, ouvrages de la négligence ou du mauvais goût. […] Qu’on interroge les écrivains de génie sur les plus beaux endroits de leurs ouvrages, ils avoueront presque toujours que ces endroits sont ceux qui leur ont coûté le moins, parce qu’ils ont été comme inspirés en les produisant. […] Mais, quelque peu philosophe qu’une nation puisse être sur ce point, l’orateur qui veut réussir auprès d’elle, doit se conformer aux préjugés qui la dominent, et qu’on peut appeler la philosophie du vulgaire ; le génie même les braverait en vain, surtout chez un peuple léger et frivole, plus frappé du ridicule que sensible au grand, sur qui une expression sublime peut manquer son effet, mais à qui une expression populaire ou triviale n’échappe jamais, et qui à la suite de plusieurs pages de génie, pardonne à peine une ligne de mauvais goût. […] Il en est de l’orateur comme du musicien, à qui le génie seul inspire le chant, mais que l’oreille et l’art conduisent dans l’enchaînement des modulations.
Ce serait le poëte de cette pensée, cet Homéride de génie qui serait le véritable auteur de l’Illiade. […] Grote ne voie pas de raison pour la faire nécessairement postérieure en date et d’une couleur morale plus tardive, serait d’un autre Homéride, également créateur et homme de génie. […] L’Homère unique, il est vrai, l’Homère simple, individuel, pareil à un Milton antérieur, a cessé d’être possible : après Wolf, après Lachmann, ces docteurs Strauss de l’homérisme, il n’y a plus moyen de tout sauver : du moins il nous reste à la place un Homère en deux ou trois personnes, en deux ou trois génies. […] À nous en tenir même aux époques littéraires distinctes, que ne pourrions-nous pas remarquer sur les génies voisins, presque simultanés ou légèrement successifs, sur les génies parents et qu’on peut appeler congénères ? […] De nos jours le génie de Walter Scott n’a-t-il pas suscité tout aussitôt le génie fraternel d’un Fenimore Cooper ?
D’abord, s’il faut en croire les critiques, Jean Paul est intraduisible ; ils ont décidé qu’il était aussi impossible de traduire ses œuvres que de qualifier son génie. […] Avec cette tournure de génie, il devait être entraîné, même à son insu, vers l’étude du style oriental. […] Hugo a en vue non seulement la vie intérieure de l’homme de génie, mais les chutes et les combats au prix desquels il gagne sa couronne comme un athlète. […] Il ne s’arrête pas non plus tout à coup, et, par un trait soudain, il ne se contente pas d’écrire le mot génie sur le piédestal de son symbole. […] Ce n’est plus Mazeppa, c’est le génie, mais sous les traits de Mazeppa enchaîné à son coursier et roulant dans les déserts.
Des tragédies furent composées par eux, dans lesquelles l’irrégularité de l’Eschyle britannique et de l’Euripide castillan était largement imitée, mais où leur génie était un peu plus sobrement reproduit. […] C’est cette considération plus que toute autre, c’est elle seule peut-être qui détermina le choix des dramatistes allemands pour les sujets du moyen âge, ce choix qu’ils voudraient nous faire regarder comme un mouvement impérieux de leurs âmes, ou comme une sublime inspiration de leur génie. […] Rassurons-nous : cette tristesse systématique de leurs écrits n’empêche pas que leur humeur ne soit gaie et leur existence joyeuse ; de même que le génie, qu’ils appellent une maladie, ne porte heureusement aucune atteinte à leur brillante santé. […] Son esprit, aussi judicieux que vif, ne peut être longtemps dupe de ce qui n’est pas fondé sur la raison et avoué par le goût ; et l’heureux génie de sa langue, qui a mérité qu’on dît, Ce qui n’est pas clair n’est pas français, ne tarde jamais à repousser l’obscurité ambitieuse, l’impropriété affectée et l’orgueilleuse incorrection. […] Peignez la nature avec vérité, mais avec choix, et sans marquer minutieusement ses moindres traits, comme cet artiste sans génie, qui trouve avec raison plus facile de tromper l’œil que de le charmer.
Bossuet, c’est le génie hébreu, étendu, fécondé par le christianisme, et ouvert à toutes les acquisitions de l’intelligence, mais retenant quelque chose de l’interdiction souveraine, et fermant exactement son vaste horizon là où pour lui finit la lumière. […] Poujoulat, dans une suite de Lettres adressées à un homme politique étranger, s’attache à montrer que Bossuet n’est pas seulement grand dans les ouvrages célèbres qu’on lit ordinairement de lui, mais qu’il est le même homme et le même génie dans toute l’habitude de sa pensée et dans l’ensemble de ses productions. […] Dès aujourd’hui donc, nous pouvons étudier avec certitude Bossuet dans sa première manière ; nous pouvons, comme pour le grand Corneille, suivre les progrès et la marche de ce génie qui est allé grandissant et se perfectionnant, mais qui n’a pas eu de déclin et de décadence. […] Mais le livre par excellence qui détermina bientôt le génie et toute la vocation de Bossuet et qui régla tout en lui, fut la Bible : on raconte que la première fois qu’il la lut, il en fut tout illuminé et transporté. Il avait retrouvé la source d’où son propre génie allait découler, comme dans la Genèse un des quatre grands fleuves.
Le génie. — VI. […] Le premier, est le Bovarysme de l’homme de génie, le second, celui du snob. […] Il n’est pas jusqu’à Gœthe, qui ne donne quelques signes d’aveuglement sur son propre génie. […] Toutefois, dans le cas exceptionnel du génie, il ne faut pas se hâter de condamner l’intervention de cette duperie dont on ne saurait affirmer qu’elle n’ait son rôle utile. […] La part d’inconscience qui entre dans l’exercice de son activité la plus haute explique d’autre part comment l’homme de génie risque de prendre le change sur son destin.
car Baudelaire, pendant toute sa jeunesse, traîna un livre de génie à travers d’imbéciles éditeurs qui n’en voulaient pas, et qui maintenant l’impriment à genoux ! […] Ils ont, enfin, à force de génie, violé cette gloire qui longtemps avait fait la bégueule avec eux, et ils l’ont maintenant, comme une maîtresse esclave. […] Et ils sont morts tous les deux pour avoir voulu raviver à ce prix les défaillances de leur génie ! […] D’ailleurs, dans la succession des génies noirs, on a plus noir maintenant et plus sépulcral que Shakespeare. […] Mais quand il y a de la force quelque part, fût-elle une erreur du génie, car le génie a ses erreurs, ou une bassesse d’animalité, l’homme de cette force, quelle qu’elle soit, est immanquablement sincère.
Le caractère de cet esprit, faux ou sincère (et pour nous il manquait de sincérité), est d’ailleurs comme une énigme. « C’est le Palais dans le Labyrinthe » dont parlait cette fille de génie… Il était pétri de contrastes et sa volonté acharnée les repétrissait en lui. […] de cravaté de noir, qui tranche bien sur le génie fastueux des littératures de décadence. […] Dans cette correspondance qui n’est pas un livre, qui n’est pas une convention, qui a chance par conséquent d’être plus vraie qu’un livre, d’être moins concluante, moins combinée, moins volontaire, Stendhal ne fait pas une seule fois ce que les plus grands génies — des génies bien supérieurs à lui — ont fait si souvent dans le tête-à-tête d’une correspondance libre et amie. […] Au moins Goethe avait été chrétien ; il avait été l’auteur du Faust et de l’Egmont, et, quand le Christianisme a passé par un génie, c’est comme l’amour quand il a passé par un cœur : il en reste toujours quelque chose. […] Mais le matérialisme raccourci et brute d’Holbach, d’Helvétius, de Cabanis, que peut-il être pour le génie d’un homme ?
Comme femme, elle a régné, de même qu’il a régné comme homme, mais lui, l’Empereur, sa grandeur et sa beauté sont arrêtées, précises, positives comme son génie ; tandis qu’elle, Madame Récamier, c’est tout ce qui est puissant aussi, mais ce qu’il est impossible d’arrêter et de préciser. […] Pour ceux qui avaient du génie, car elle a été aimée à tous les degrés de l’intelligence, elle fut la Muse, la Muse dont le silence écoute et allume l’éloquence, sur les lèvres qui parlent, avec l’attention du regard. […] Elle entendait les distinctions comme le génie politique lui-même. […] Tous ces gens-là, dont quelques-uns sont officiellement des génies dans leurs livres, et quelques autres des esprits de la plus brillante fumée de réputation, n’ont plus qu’une élégance uniforme et une politesse effacée dans leurs lettres. […] Qui s’est plaint de la publication des lettres d’Eugénie de Guérin, par exemple, dans lesquelles un génie nouveau d’expression s’est révélé avec un éclat si profond et si doux ?
« C’est le palais dans le labyrinthe », dont parlait cette fille de génie… Il était pétri de contrastes, et sa volonté acharnée les repétrissait en lui. […] Dans cette Correspondance, qui n’est pas un livre, qui n’est pas une convention, qui a chance, par conséquent, d’être plus vraie qu’un livre, d’être moins concluante, moins combinée, moins volontaire, Stendhal ne fait pas une seule fois ce que les plus grands génies, — des génies bien supérieurs à lui, — ont fait si souvent dans le tête-à-tête d’une correspondance libre et amie. […] Si un homme de la hauteur de Gœthe, en se faisant païen, comme il le devint sur ses derniers jours, a, pour tous ceux qui ne mesurent pas la grandeur du génie à son ombre, diminué la portée comme la chaleur de ses rayons, on peut s’interroger sur ce que doit produire un système d’idées, comme le matérialisme de Stendhal, sur des facultés moins nombreuses, moins enflammées et moins opulentes ! Au moins, Gœthe avait été chrétien ; il avait été l’auteur du Faust et du D’Egmont, et, quand le christianisme a passé par un génie, c’est comme l’amour quand il a à passer par un cœur : il en reste toujours quelque chose. […] Mais le matérialisme raccourci et brute de d’Holbach, d’Helvétius, de Cabanis, que peut-il pour le génie d’un homme ?
Au théâtre pourtant, il y eut encore pour lui une chance ouverte de popularité et d’action vaste, immédiate, dont plus d’un génie s’empara ; mais cette ressource même du théâtre paraîtra bien bornée pour le poëte, si on la compare à l’influence première. […] Les quatre grands noms que nous venons de citer sont une preuve de ce que le génie cultivé gagnait à cette alliance. […] Ce qui caractérise Béranger entre ceux de nos poëtes contemporains les plus justement célèbres, c’est d’avoir tous les traits purs du génie poétique français, de reproduire en plein ce génie dans tous les sens, d’y atteindre naturellement par tous les bouts : bon sens, esprit, âme, il réunit en lui ces qualités éminentes dans une mesure complète, auparavant inconnue, mais qui ne pouvait se rencontrer que chez nous. […] Pour achever le contraste, tandis que les génies poétiques de ce temps trahissent, presque tous, en leurs vers une allure plus ou moins aristocratique, soit par culte de l’art, soit par prédilection du passé féodal, soit par mystérieuse chasteté d’idéal dans les sentiments du cœur, Béranger est le seul poëte qui, indépendamment même du choix des sujets, ait gardé la rondeur bourgeoise, l’accent familier, la tournure d’idées ouverte et plébéienne ; par où encore il semble descendre en droite ligne de cette forte lignée à tempérament républicain, qu’on suit, sans hésiter, dans les trois derniers siècles, et de laquelle étaient Étienne de La Boëtie, les auteurs de la Ménippèe, Gassendi, Guy Patin, Alceste un peu je le crois, et beaucoup d’autres. […] Un tel à-propos et un tel bonheur, exploités par un génie qui a su si complètement s’en rendre compte, sont un coup unique dans une littérature .
Le génie est revêtu d’une sorte d’inviolabilité qui commande le respect, même dans ses écarts et ses chutes ; il serait quelquefois cruel et presque impie de lui appliquer à la rigueur les sentences d’une critique trop austère. […] D’ailleurs la distance des lieux autorise bien des familiarités qu’on ne se permettrait pas de près avec le génie, et il arrive ici précisément l’inverse du fameux adage : Major e longinquo reverentia. […] Tant pis après tout pour l’homme de génie qui ne respecte ni le public, ni la vérité, ni lui-même : il délie les autres du devoir de le respecter. […] Le tour de force n’était pas facile, et l’homme de génie n’a pas réussi à s’en tirer même en homme d’esprit. […] Une autre fois, nous aborderons la Vie même de Napoléon ; mais elle ne nous fournira malheureusement pas l’occasion de rétracter notre premier jugement et de faire amende honorable aux pieds du génie qui tant de fois reçut nos hommages sincères.
Une doctrine, n’est-ce pas une règle qui s’impose, et par conséquent une convention, une loi arbitraire et variable, œuvre d’école et de cabinet que le génie renverse et déplace continuellement ? […] On a cessé de mépriser les époques primitives, de préférer les ornements du goût aux audaces du génie, de repousser le familier et le naïf, de trouver ridicules les mœurs et les goûts qui ne sont pas les nôtres. […] Ils se sont surtout appliqués à défendre les droits de l’imagination et l’initiative du génie. On ne voit pas que le génie ait beaucoup profité de la liberté conquise. […] L’homme de génie, dites-vous, n’est que l’écho de la foule ; mais cette foule elle-même, je le demande, où a-t-elle pris cette somme générale de vérité et de raison que l’écrivain supérieur viendrait à son tour exprimer ?
Seul, le sublime écolier d’Harrow, dont la violente fantaisie avait bu l’ennui dans cette coupe correcte, et gardé en sa nature profonde l’impression et le ressentiment de cet ennui, puisé dans cette poésie sans âme, a osé dire le secret de beaucoup d’esprits qui se taisaient, — lâches comme toujours, devant deux mille ans de gloire consacrée et d’idolâtrie, — et sa vérité à lui, sur un poète, au fond, médiocre d’inspiration et de génie, mais adoré et gardé par tous les médiocres de la terre : et les médiocres d’imagination, et les médiocres de passion, et les médiocres de cœur. […] Est-ce la peine, pour si peu, de faire d’Horace un génie délicieux, un esprit divin, un modèle d’élégance, d’urbanité, d’atticisme, l’Attique même, toute une Athènes à lui seul, et Athènes avec son Pirée, que les singes prennent toujours pour un homme ? […] Horace n’est pas plus un homme de génie que le vermeil n’est de l’or ; c’est de l’argent doré. […] Il a le génie de la modération, ce qui prouve qu’il est sans génie. […] Ainsi sa vertu (si on peut dire jamais vertu en parlant d’Horace) était faite de négation, comme son génie.
D’un bien autre génie que Silvio Pellico, mais d’une humilité non moins touchante, le marquis de Valdegamas avait plus de confiance dans une dizaine de chapelet, dite d’un cœur fervent, que dans tous les étalages de la pensée. […] Mais avec le catholicisme, son génie a commencé dans son âme. […] Il a, en effet, les dons du génie espagnol. […] Il l’attire aussi par son défaut peut-être, car saint Augustin sous les magnificences de son génie, comme Donoso Cortès sous le sien, cache son atome de rhéteur. […] C’est le contraire d’un autre Éclatant, de Chateaubriand, sur lequel il l’emporte par la pureté, le calme et la beauté de l’âme, s’il ne l’emporte pas par la beauté de son génie.
Voilà la marque distinctive et à part de ce talent, qui n’est pas un talent ; de ce génie qui n’est pas un génie, quoiqu’on lui donne ce nom pour l’exprimer, parce qu’il n’y a pas de nom au-dessus de ce nom. […] Elle était une Sainte, mais c’était là son genre de génie. […] C’est ici pour la première fois que la simplicité nuit au génie, comme un air trop pur, qui serait mortel à la santé. […] Peinte pour Chateaubriand et pour la société qui était redevenue chrétienne en lisant le Génie du christianisme, c’est la Sainte Térèse de ce livre rhétorico-religieux, mais ce n’est pas la Térèse de la Tradition espagnole et de l’histoire. […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique » exaltée par la prière et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour !
Dans ce nouveau livre, en effet (un roman au lieu d’être un poëme), il s’agit du même terroir et du même ciel que dans Miréio, c’est-à-dire du Midi et de ses mœurs ardentes, saisies et reproduites avec une observation passionnée dans ce qu’elles ont de vivant encore, et jusqu’à ce jour d’inaliénable… Amour et souvenance de la patrie dont les premières impressions teignent à jamais le talent et teignent bien plus fort le génie, sentiment profond des poésies du sol, recherche de la vie où elle est, c’est-à-dire dans les classes populaires, plus près que nous de la nature, préoccupation des choses primitives que tous les jours, hélas ! […] Provincial de naissance et d’éducation première, comme la plupart des esprits très-individuels, M. de La Madelène sait que la nuance sociale du paysan varie avec le pays où cette nuance existe, et il le sait trop bien pour avoir imité la faute de l’homme de génie qui, un jour, gâta un de ses plus formidables livres, en l’intitulant : Les Paysans. […] Dans la littérature contemporaine, nous ne connaissons rien de plus habilement et de plus finement tracé que ce caractère d’Espérit, ce génie de village venu en pleine terre et qui n’est pas seulement le génie de l’industrie, moins étonnant et tout de suite compris parmi ces populations actives et âprement utilitaires, mais le génie, l’inutile et contemplatif génie de l’art, cette divine paresse, que, de tous les genres de génie qu’il a donnés aux hommes, Dieu a fait certainement le plus beau !
Métier de manœuvre, dit-on : cette patiente régularité est l’œuvre d’un génie médiocre. […] Les génies supérieurs sont ceux qui prévoient tout. […] Si l’on n’imagine pas dans la dernière précision, avec tout le détail et les moindres parties, aussi nettement que s’il était sur le papier et sous nos yeux, le dessin complet de l’œuvre qu’on doit exécuter, on se résignera à n’être pas un génie supérieur ; et l’on suppléera à l’intuition par la réflexion qui combine et note un plan mûrement, patiemment, longuement. […] Un moindre génie, qui sait ordonner ses inventions, touche plus sûrement le but, fait une œuvre plus forte et plus belle qu’un grand esprit qui dédaigne ce soin asservissant. […] L’un est Montaigne : son désordre est une partie de son génie : le décousu rend sa fantaisie plus charmante et convient à son propos.
Pour des écrivains perspicaces qui n’ont jamais été éblouis par cette gloire sans proportion avec le talent qui ne l’a pas faite, mais bien le sexe de l’auteur, Madame Sand était jugée déjà un peu à l’envers de sa gloire, et à travers ses œuvres nombreuses on avait pénétré jusqu’à la nature de son esprit et jusqu’au mystère d’une inspiration qui n’a aucun des caractères de l’inspiration du génie. […] On va la voir, dans cette Correspondance, comme elle était dans l’essence même de son être, à la source d’un talent qu’on a pris imbécilement pour du génie et qui n’en était pas. […] J’ai connu de ces bègues sublimes qui avaient du génie, et qui, par orgueil, ou défiance, ou faiblesse d’organes, restaient dans la majesté résignée du silence. Chateaubriand fut un de ces génies silencieux. […] Contrairement à ce que ses admirateurs pourraient en espérer ou en attendre, ce ne fut pas l’audacieux embarquement du Génie sous la pression de l’enthousiasme, de l’ardente vocation et de la fierté confiante en sa noble pensée.
Et il serait étrange, enfin, qu’on imposât à notre âge le nom d’un poète qui est certes de premier ordre, mais qui représente si imparfaitement la tradition du génie français et qui semble presque en dehors. […] Je confesse, pour la vingtième fois, que Victor Hugo est un des cinq ou six grands génies littéraires de ce siècle. […] De génie plus authentique et de vie plus belle que le génie et la vie de Lamartine, je n’en trouve point. […] Et c’est alors un délice, c’est un rafraîchissement inexprimable que ces vers jaillis d’une âme comme d’une source profonde, et dont on ne sait « comment ils sont faits. » Sans compter que, parmi ces vers de génie — à travers les nonchalances, les maladresses et les naïvetés de facture qui rappellent les très anciens poètes, et parfois aussi à travers les formules conservées du dix-huitième siècle des vers éclatent et des strophes (les poètes le savent bien), d’une beauté aussi solide, d’une plénitude aussi sonore, d’une couleur aussi éclatante et d’une langue aussi inventée que les plus beaux passages de Victor Hugo ou de Leconte de Lisle.
C’est un livre naïf et presque d’une ingénuité de génie… Et c’est l’œuvre d’une femme pourtant, malgré la masculinité du nom sous lequel elle a caché son sexe. […] Mais si, au lieu d’être des souvenirs, ce sont des inventions que ces histoires qui se suivent, variées de sujet, mais, toutes, dans l’unité de la même inspiration, eh bien, j’ai dit en commençant le mot de génie, et je ne m’en dédirai pas ! III Le génie, en effet, quelles que soient les œuvres dans lesquelles il se révèle, n’est que la puissance d’une force mystérieuse qui paraît toujours simple, mais qui ne l’est pas toujours ; car, vous le savez, un jour on a douté jusque de la naïveté du bon La Fontaine, qui n’était pas si bon au fond, et qui, comme ses chats, avait « le génie scélérat ». […] Si un poète a dit de l’auteur de ces Contes de fées chers à nos enfances : Perrault, tout plat qu’il est, pétille de génie, la femme de ces Récits de la Luçotte n’a droit qu’à la moitié du vers.
Les écrivains du même siècle, quelque différents qu’ils soient par le génie, ont cependant quelque chose de commun entre eux. On reconnaît ceux du bel âge de la France à la fermeté de leur style, au peu de recherche de leurs expressions, à la simplicité de leurs tours, et pourtant à une certaine construction de phrase grecque et latine qui, sans nuire au génie de la langue française, annonce les modèles dont ces hommes s’étaient nourris. […] Mais il faut convenir que La Bruyère, qui imite volontiers Pascal163, affaiblit quelquefois les preuves, et la manière de ce grand génie. […] Il croirait sans doute que les nouveaux esprits forts sont des hommes très supérieurs aux écrivains qui les ont précédés, et que devant eux, Pascal, Bossuet, Fénélon, Racine, sont des auteurs sans génie.
Rapin prit sur lui de traiter ce sujet, & il l’a fait avec une supériorité de talent qui prouve la beauté de son génie. […] Rapin ne sont pas aussi estimées que ses Jardins ; mais elles portent l’empreinte du même génie. […] Or, c’est ainsi que les Rapin, les Vaniere, les Cossart, les Sautel, les Fraguier, les Huet, les Santeuil, les Jouvenci, les Desbillons, les Brotier, &c. sont parvenus à se rendre la Langue Latine familiere, à se pénétrer de son génie, & à acquérir la facilité de l’écrire avec succès. […] Preuve qu’il est indifférent pour les Esprits bornés qu’une Langue soit vivante, comme il l’est pour les vrais Génies qu’elle soit morte.
Les mémoires lui laissent la liberté de se livrer à son génie. […] Enfin, la vie privée des Français est peu favorable au génie de l’histoire. […] On a voulu la rejeter sur des causes politiques : on a dit que si l’histoire ne s’est point élevée parmi nous aussi haut que chez les anciens, c’est que son génie indépendant a toujours été enchaîné. […] sans doute, en censurant les choses déshonnêtes, et en louant les bonnes, ces grands génies n’ont pas cru que la liberté d’écrire consistât à fronder les gouvernements, et à ébranler les bases du devoir ; sans doute s’ils eussent fait un usage si pernicieux de leur talent, Auguste, Trajan et Louis les auraient forcés au silence ; mais cette espèce de dépendance n’est-elle pas plutôt un bien qu’un mal ?
Les Génies de la poésie, de l’histoire, de la physique et de l’astronomie, sujets de dessus de portes, dont on se propose de faire une tapisserie ; c’est un charivari d’enfants. […] Je ne sais si Mr le professeur Halle est un grand dessinateur ; mais il est sans génie. […] Quand un artiste introduit dans une composition un saint embrasé de l’amour de Dieu et prêchant sa loi à des peuples et qu’il lui met un bonnet carré à la main, comme à un homme qui entre dans une compagnie et qui la salue poliment, je lui dirais volontiers, Vous vous mêlez d’un métier de génie et vous n’êtes qu’un butor. […] Mais à quels efforts de génie ne s’engage-t-il pas alors ?
L’heure a sonné, pour cet homme, de la consécration, de la splendide consécration du génie par la jeunesse. […] Nous avons dû chercher des génies exotiques. […] Ce qui réussit à dégager le génie de Zola, ce fut son amour de la science. […] De robustes génies l’illustrèrent comme des paladins, mais ils ne surent pas être de leur temps. […] Splendidement installé sur le Sinaï de son génie, l’architecture primitive du monde n’existe plus à ses yeux.
Selon une femme de génie, qui, la première, a prononcé le mot de littérature romantique en France, cette division se rapporte aux deux grandes ères du monde, celle qui a précédé l’établissement du christianisme et celle qui l’a suivi. […] David, Homère, Virgile, Le Tasse, Milton et Corneille, ces hommes, dont chacun représente une poésie et une nation, n’ont de commun entre eux que le génie. […] Telle est la mission du génie ; ses élus sont ces sentinelles laissées par le Seigneur sur les tours de Jérusalem, et qui ne se tairont ni jour, ni nuit. […] Mais quand on considère les immenses services rendus à la langue et aux lettres par nos premiers grands poëtes, on s’humilie devant leur génie, et on ne se sent pas la force de leur reprocher un défaut de goût. […] Qui peut calculer ce qui fût arrivé de la philosophie, si la cause de Dieu, défendue en vain par la vertu, eût été aussi plaidée par le génie ?
Dans la première, il parle d’abord des oracles les plus célèbres de l’antiquité, des histoires singulières qui couroient sur les génies. […] Cette première dissertation philosophique d’un de nos plus beaux génies, est terminée par un chapitre sur les sorts. […] Un grammairien François & de génie entreprit de lui ravir le triomphe dont il se glorifioit. […] Il ne reste que des fragmens de l’ouvrage de Du Marsais, & qui annoncent une production de génie. […] Naïf jusqu’à cette simplicité qui s’allie si bien au génie, il s’attira le mot de Fontenelle.
l’auteur n’y travaille-t-il pas plutôt de cœur & de bonne volonté, que d’esprit & de génie ? […] On est né l’un, de même que l’autre : on peut seulement, dit cet écrivain, conduire le génie & le régler. […] On prouveroit, par ce raisonnement, s’il étoit juste, que la peinture n’est pas un art, puisque les règles ne donnent point le génie au peintre. […] Le génie, la lecture, & surtout la société des gens à talent, doivent faire le reste. […] Celui-ci l’honora pendant long-temps, ainsi que plusieurs beaux génies de l’Europe, d’une correspondance régulière.
Mais il a tant d’esprit, de bon sens, de naïveté, de finesse, de génie, que le désordre de ses pensées plaît plus que l’arrangement symétrique d’un écrivain médiocre. […] Rousseau que nous venons de citer, tient beaucoup du génie de Montaigne & de Charron. […] Quelques philosophes du nôtre ont trouvé que le piétisme l’avoit empêché d’élever son génie aux sublimes vérités de la morale. […] En tirant de ces différens ouvrages, ce qui a pu blesser la Religion ou le goût, on auroit un recueil de pensées fortement exprimées, qui donneroient une idée avantageuse du génie de l’auteur. […] On sent dans tout ce qu’il écrit l’élévation de son ame & la force de son génie.
L’auteur des Deux Masques, parmi tant d’autres facultés, n’a pas au même degré le génie sévère et perscrutant de la Critique, qui perce et déchire un sujet, et, du bec et des ongles, va au fond de ses défauts et de ses beautés. […] C’est une création sur des créations antérieures, les plus illustres du génie, auxquelles il s’élève par sa manière de les comprendre et de les expliquer. […] C’est mettre quelque chose dans nos âmes qui n’y était pas… Saint-Victor, qui nous apprend Eschyle aujourd’hui, dans son premier volume, devient, en vertu de la faculté caméléonesque du talent regardant le génie, une espèce d’Eschyle, éclosant et fleurissant dans les racines du vieux tragique immortellement épanoui, et tellement que si, par miracle, le vieux Eschyle revenait au monde et qu’il lût le commentaire de Paul de Saint-Victor, il dirait comme Galathée, sortie de son état de marbre et touchant la poitrine de l’idolâtre Pygmalion : « C’est encore moi ! […] Ses commentaires, ses explications, ses analyses, les entrouvrements qu’il pratique dans l’œuvre toujours un peu mystérieuse du génie et qui, à la distance où nous en sommes, est plus mystérieuse dans Eschyle que dans aucun autre, toutes ces choses d’un travail puissant et réfléchi, mais prosaïques, deviennent poétiques dans l’œuvre de Saint-Victor en s’y embrasant d’un feu de peinture qui ne cesse jamais et dont l’intensité, sous sa plume, est presque plastique… Comment donner ridée de cela ? […] Mais il n’a pas non plus la phrase incohérente, rompue, interrompue et parfois incorrecte de Michelet, dont le génie se permettait tout et y résistait, assez grand pour tout supporter !
Ce sont les Premiers de l’Histoire, ce sont les génies, les grands hommes, les indiscutables grands hommes, ceux qui ont mis, sur les affaires de ce monde, une main dont l’empreinte est restée. […] Ce ne sont plus les génies, eux ! […] Ce fut un homme de caractère, ce qui, dans un temps comme le nôtre où l’on n’en a qu’à certains jours, est plus rare peut-être que le génie. […] De ces trois hommes, dont deux l’emportent incontestablement par le génie, le plus rare est celui qui en a le moins, mais dont la supériorité, d’un autre ordre, virile, positive et presque militaire, est certainement plus éloignée que le génie lui-même des niaiseries qui gouvernent ce temps, et tous les temps, hélas ! […] En effet, il aurait été au pouvoir ce qu’il avait été pendant sa proscription, et il y eût certainement montré l’esprit de ressource et l’intrépidité froide et rusée qui forment le génie des hommes d’action en politique comme à la guerre.
En littérature, l’Italie ne dispense pas d’avoir du génie quand on parle d’elle, et quand il n’y a qu’elle dans un livre, elle ne saurait donner à ce livre l’intérêt que le talent créé, car le talent seul fa dà se ! […] L’Italie qu’il aime et qu’il a longtemps habitée ne l’a pas pénétré de son génie ; elle ne lui a pas doré l’esprit de son rayon. […] Tout cela est la défroque pittoresque et littéraire de l’Italie, haillons en poudre qu’une main distinguée ne touche plus et dédaignerait de remuer, mais sous lesquels l’œil fin aperçoit des réalités sociales et individuelles de l’intérêt le plus attachant et le plus vif, — comme celles-là, par exemple, que, dans sa Chartreuse, Beyle a su peindre avec génie, mais qu’il n’a pas épuisées. […] Conviction parfois vaut génie, et ici le génie lui-même n’eût pas mieux fait, ni plus élevé, ni plus droit, ni plus pathétique que cette magnifique histoire où toute l’âme d’un homme a pesé et qui s’appelle : Une Conversion ! […] Seulement l’originalité et le sens de ce petit roman, digne d’être publié à part, ne sont pas dans la passion criminelle du pasteur protestant et dans les détails de sa chute ; ils sont dans la situation de cet homme supérieur, dont le cœur est dévoré, les sens enivrés, mais dont, malgré ces tumultes, la haute raison touche au génie, et qui succombe, entraîné par la nature humaine, parce que son Église, à lui, ne l’a pas gardé, en faisant descendre dans sa vie la force de l’irrévocable !
Ce n’était point assez d’avoir produit ces chefs-d’œuvre ; il fallait encore les faire comprendre ; et au génie spontané des poètes est venu s’ajouter le génie de la critique, qui ne crée pas, mais qui réfléchit. […] Il est bon que des protestations nombreuses, même celles du génie qui s’égare en se révoltant contre elle, viennent l’affermir en cherchant vainement à l’ébranler. […] Susciter de pareilles controverses n’est pas absolument, comme on pourrait le croire, un privilège du génie. […] Elle devient en outre tellement vaste que le génie même court risque de s’y perdre. […] C’est qu’à côté de la puissance du génie, qui est individuel, il y a cette autre puissance de l’esprit humain qui grandit de siècle en siècle, et dépasse par des labeurs incessamment accumulés les élans du génie lui-même, admirables, mais passagers.
Le génie de Molière est le plus sublime modèle de ce talent supérieur. […] Ce qui est vraiment beau, c’est ce qui rend l’homme meilleur ; et sans étudier les régies du goût, si l’on sent qu’une pièce de théâtre agit sur notre propre caractère en le perfectionnant, on est assuré qu’elle contient de véritables traits de génie. […] Une haute vertu, un génie vaste, voilà les dignités nouvelles qui doivent caractériser la tragédie, et plus que tout encore le sentiment du malheur, tel que nous avons appris à l’éprouver. […] Quelle inépuisable source de réflexions pour le génie ! […] Le génie français n’a jamais été très remarquable en ce genre ; et maintenant on ne peut ajouter aux effets de la poésie, qu’en exprimant, dans ce beau langage, les pensées nouvelles dont le temps doit nous enrichir.
La mission du dramaturge de génie n’est pas de mettre les badauds en effervescence. […] Qu’est donc — puisqu’enfin nous ne l’avons pas défini — ce génie qui n’est ni névrose, ni patience, ni miracle ? […] Or, il est trop clair, nous ne pouvons reconnaître de génie qu’aux artistes de la première de ces catégories ; l’étymologie et la raison sont ici d’accord : le génie, c’est la faculté de créer. […] L’enfant crée de la sorte une foule d’idées ; il a du génie ; chaque mère en est sûre, et elle a raison. […] Le génie est d’avoir l’idée : celle-ci crée d’elle-même le seul vêtement qui lui soit propre.
On ne le comprend bien que quand on se le représente à sa date de 1796, en situation historique pour ainsi dire, en face des adversaires dont il est le contradicteur le plus absolu et le plus étonnant, non pas avec des éclairs et des saillies de verve et de génie comme de Maistre, mais un contradicteur froid, rigoureux, fin, ingénieux et roide. […] Qu’un tel régime de littérature spartiate ou romaine, comme le pourrait régler un Caton l’Ancien, soit souhaitable ou regrettable, je n’examine pas cette question, qui n’est autre que l’éternelle querelle entre les vieilles mœurs et le génie des arts ou de la pensée ; mais est-ce possible dans l’état actuel et prochain de la société, et sur les pentes nouvelles où se précipite le monde ? […] M. de Bonald est un des écrivains dont il y aurait ainsi le plus de grandes ou spirituelles pensées à extraire ; on ferait un petit livre qu’on pourrait intituler Esprit ou même Génie de M. de Bonald, et qui serait très substantiel et très original. […] Je n’en ferai remarquer que quelques-unes qui me semblent des plus justes, des plus modérées, et tout à fait incontestables : Le bon sens, dans le gouvernement de la société, doit remplir les longs interrègnes du génie. […] Nous ne nous sommes jamais vus ; mais je le regarde comme un de nos plus beaux génies, et m’honore de l’amitié qu’il m’accordait, et de la conformité de nos opinions.
Mais, au milieu de tout ce qu’a prévu et deviné Montesquieu, il y a une chose qui lui a manqué pour être tout à fait lui-même, et pour achever l’éducation de son génie : il lui a manqué d’avoir vu une révolution. […] Machiavel, au contraire (ne l’oublions pas dans la comparaison des deux génies), vivait dans un temps et dans un pays où il y avait par jour, pour les individus comme pour les cités, plus de trente manières d’être détruit et de périr. […] Tout cela dit, il reste l’œuvre de génie : des chapitres comme ceux d’Alexandre et de Charlemagne consolent de tout. […] C’est bien en ce sens qu’il a eu raison de parler de la majesté de son sujet et d’ajouter : « Je ne crois pas avoir totalement manqué de génie. […] Mme de Chaulnes disait : « Cet homme venait faire son livre dans la société ; il retenait tout ce qui s’y rapportait ; il ne parlait qu’aux étrangers dont il croyait tirer quelque chose d’utile. » Elle disait encore : « À quoi cela est-il bon, un génie ?
Lasserre, qui, sous sa garantie personnelle, suffisante et obligatoire, nous présente Ernest Hello comme le plus grand génie qui ait existé depuis les Prophètes de Dieu et de la Bible, qu’il a la bonté de continuer… Mon Dieu, oui ! […] Il n’était pas tellement Trissotin, Hello, qu’il pût avaler sans grimace des déclarations de génie de cette force, et qu’il se crût sincèrement un Himalaya parce que M. […] Ce livre, en effet, s’il n’est pas le chef-d’œuvre d’une douzaine de génies réunis et résumés dans un homme, comme l’affirmerait l’intrépide M. […] Mais il a jeté des pages autour de lui, et souvent elles étincellent de génie ! […] Mais le temps est venu, enfin, d’ôter les Saints des mains des cuistres, et de les restituer au génie à qui ils appartiennent, de par leur incomparable beauté.
Cette seule proportion est déjà du génie. […] Pourtant ce mot signifie plus d’esprit que de génie, plus d’habileté que d’invention, plus de procédé que d’inspiration véritable. […] Il est vrai qu’ils le sont de génie ; mais leur génie, c’est la foi en la morale chrétienne, et cette morale est la suprême vérité sur la nature humaine. […] Il ne voit le génie que dans l’invention et le dessein. […] Celles de Vauvenargues défendaient le génie du maître contre les défauts de son temps.
Qu’importe, en effet, l’exploitation de l’individu par le Génie de l’Espèce ou par le Génie de la Connaissance, si le moi individuel n’est qu’une apparence inconsistante, le point où, à quelque moment de la durée, se fixent, en un équilibre instable, des forces multiples, complexes et insaisissables, qui l’instant d’après, sous une même étiquette, auront formé des combinaisons nouvelles ? […] Si l’on observe que le cycle des illusions qui aboutissent à favoriser le vœu du Génie de l’Espèce ont du même coup pour effet d’engendrer les êtres qui vont être les spectateurs du drame phénoménal, il apparaît que cet ensemble d’artifices, qui se traduisent chez l’homme par autant de conceptions bovaryques, tend à réaliser cette volonté unique d’un être qui se veut étreindre et posséder dans la connaissance de soi-même. […] Le Libre arbitre, l’Unité du moi, le Génie de l’Espèce, le Génie de la Connaissance.
Pélissier, c’est là tout mon livre ; il n’a vu que cela, cela seul l’a frappé, il ne parle que de cela, et il conclut en disant que mon ouvrage est destiné à « faire croire que le génie des grands écrivains se mesure à la diligence avec laquelle ils pourchassent les répétitions ou exterminent les auxiliaires ». […] Racine, Boileau, Bossuet et Fénelon nous apprendront à corriger, à limer, à arrondir nos phrases… Leurs nombreuses ratures mêmes nous enseigneront quelque chose de l’art dont ils ont revêtu leur génie…37 » On pourrait, dit Mme de Staël, composer un traité sur le style d’après les manuscrits des grands écrivains…38 » Il serait quelquefois à désirer, dit Chénier, que nous eussions les brouillons des grands poètes, pour voir par combien d’échelons ils ont passé39. […] Le travail, selon lui, n’apprend pas à écrire, parce qu’il y a de grands génies qui n’ont pas eu besoin de travailler, comme si nous n’avions pas dit cent fois qu’un Manuel de style n’est pas fait pour les grands génies et comme s’il n’était pas, d’ailleurs, historiquement prouvé que les plus grands écrivains eux-mêmes ont énormément travaillé! […] Il y en a de criantes, celle-ci entre autres : « Un Buffon, dit-il, un Chateaubriand, un Flaubert n’eurent d’autres maîtres qu’eux-mêmes, ne subirent d’enseignement que celui de leur génie », Rien n’est plus faux.
Ces lettres de Racine n’ont rien de remarquable, sinon qu’elles ne le sont pas du tout, et qu’il devient curieux de voir un homme de génie, dans une Correspondance qui se prolonge durant tant d’années, écrire si uniment et avec si peu de vivacité, avec une telle absence de traits d’esprit. […] Je vous prie aussi de donner un écu à la nourrice de Nanette, qui lui a envoyé des biscuits… » Tout cela est bien, sans doute, et prouve une grande vertu morale et domestique chez l’homme de génie. […] La distraction peut être une piquante chose, ou excusable du moins, quand elle est jointe au génie d’un La Fontaine ; mais être ou paraître distrait et absent, quand on n’a nul génie pour excuse et qu’on n’a pas de fée intérieure qui vous ravisse, c’est trop peu. […] — Je me pose la question comme un beau rêve, comme un Tu Marcellus eris à ajouter à tant d’autres ; mais c’eût été trop dans une même famille que cette double couronne, que cette régénération du génie à presque un siècle de distance. […] Dans la famille Racine, le génie n’est pas à vue d’œil comme dans la famille Pascal.
On dirait qu’il ne fait des vers qu’à son corps défendant ; sa verve l’importune, et il ne cède au génie qu’à la dernière extrémité. Si c’était en hiver du moins, en décembre, au coin du feu, que ce maudit génie vînt le lutiner ! […] Sa fameuse Macette, qui est la petite-fille de Patelin et l’aïeule de Tartufe, montre jusqu’où le génie de Regnier eût pu atteindre sans sa fin prématurée. […] Nous citerons un remarquable exemple où évidemment ce scrupule nuisit à son génie, et où la touche de Regnier lui fit faute. […] Les styles d’André Chénier et de Regnier, avons-nous déjà dit, sont un parfait modèle de ce que notre langue permet au génie s’exprimant en vers, et ici nous n’avons plus besoin de séparer nos éloges.
Le génie tout seul n’y eût pas suffi. […] La perfection du génie français, je l’ai trop dit peut-être, est dans l’union de l’esprit ancien et de l’esprit national. […] Ces œuvres-là ne sont pas inspirées par l’occasion ; elles naissent, se développent, mûrissent avec l’homme de génie qui les exécute. […] L’influence de ces différentes sectes sur le génie national et sur la langue serait aisée à marquer. […] Il n’est pas plus donné aux hommes de génie de régler d’avance que de prédire les formes des sociétés.
Il n’était pas de ceux dont il s’est moqué quelque part, et qui, lorsqu’un génie trébuche ou qu’un grand homme tombe, se sentent tout enchantés et allégés, « comme si leur supérieur était mort et s’ils avaient reçu de l’avancement. » Une statue, érigée à Weimar, et due au talent de Reitschel, nous le montre rayonnant et heureux, imposant et doux, décernant la couronne à Schiller qui, debout à côté de lui, la reçoit de sa main presque sans y penser, le front inspiré et rêveur. […] Oui, oui, mon bon, ce n’est pas seulement en faisant des poésies et des pièces de théâtre que l’on est fécond ; il y a aussi une fécondité d’actions qui en maintes circonstances est la première de toutes… Génie et fécondité sont choses très-voisines… » Et une fois lancé, il ne s’arrêtait pas dans cette veine d’idées ; il montrait dans tous les ordres la force fécondante comme le signe le plus caractéristique du génie : Mozart, Phidias et Raphaël, Dürer et Holbein, il les prenait tous, et celui qui a trouvé le premier la forme de l’architecture gothique, et qui a rendu possible par la suite des temps un munster de Strasbourg, un dôme de Cologne ; et Luther, ce génie de la grande race, et dont la force d’action sur l’avenir n’est pas épuisée. […] Il y a eu, il est vrai, un temps en Allemagne où l’on se représentait un génie comme petit ; faible, voire même bossu ; pour moi, j’aime un génie bien constitué aussi de corps. — Quand on a dit de Napoléon que c’était un homme de granit, le mot était juste, surtout de son corps. […] Je m’arrête : j’ai fait résonner bien des touches, et, sur toutes, le génie de Gœthe a répondu comme un orgue immense. […] Dans ces deux ouvrages, tu verras ce que peut le talent, pour ne pas dire le génie, lorsqu’il paraît dans une époque féconde et qu’il ne prend aucune précaution. — C’est à peu près ainsi que, nous aussi, nous avons commencé. » 55.
Assistons à la dernière partie de son œuvre, et laissons son divin génie le louer mieux que nous. […] Le visage décomposé de Faust contraste avec le sourire mal déguisé, mais triomphant, du génie du mal. […] C’était un rêve de génie. […] Tout fermentait d’idées, tout éclatait de génie, tout rivalisait d’émulation. […] Mais le Tasse était insensé de génie et d’amour, Goethe faisait prédominer dans toute sa vie la raison sur la passion.
Le profond sérieux du génie allemand se manifeste ici, et à la porte sa matérialité solide. […] On trouverait que le culte du génie n’entre que pour une part minime dans la réunion de suiveurs de mode et de badauds qui grossissent le cortège. […] Il a uniquement traduit— avec un génie incomparable — une idée générale, l’amour ; une situation assez commune : un rendez-vous nocturne entre amants. […] Il ne suffit pas d’être rompu à la science et de se faire obéir ; il faut être artiste, et cette dispersion de la vie centrale, de l’expression générale dans toutes les parties ce l’édifice commun, ne se fait pas sans un sentiment profond de la vérité et de la passion, où l’âme éclate et rayonne. » En un mot, c’est le génie, et le génie dans ce qu’il a de plus spontané et de plus humain. […] Schuré, se rappelant l’ineffable impression ressentie aux mémorables soirées de Munich, en 1865, est le premier à confesser que de telles représentations sont presque aussi rares que les œuvres de génie qui les provoquent.
Non, il n'exista jamais de Génie plus vaste, d'Esprit plus universel. […] En un mot c'est un Génie universel. […] Mais le moyen qu'un Génie si sublime ait pu descendre à des études si seches, si arides ! […] Son but étoit de la porter à solliciter des ordres contre ma liberté, sous prétexte que les hommes que je décriois étoient des hommes de génie & la gloire du Génie François. […] Moi décrier des hommes de génie ou des Ecrivains vraiment supérieurs !
Le Génie du Christianisme (et Dieu merci !) […] Chateaubriand ne se contente pas d’avoir du génie. […] Il n’y a point là développement ou renouvellement de son génie. […] Il y a dans Lamartine beaucoup de facilité à côté de beaucoup de génie, et rien n’a nui à son génie comme sa facilité. […] égal de son génie, qui était immense.
Henri Estienne, l’un des meilleurs prosateurs du xvie siècle et des plus grands érudits, a fait un petit traité de la conformité de la langue française et de la langue grecque : il a relevé une grande quantité de locutions, de tours de phrase, d’idiotismes communs aux deux langues, et qui semblent indiquer bien moins une communication directe qu’une certaine ressemblance de génie. M. de Maistre, dans les Soirées de Saint-Pétersbourg, est de l’avis de Henri Estienne, et croit à la ressemblance du génie des deux langues. […] Mais La Fontaine, sans y songer, était alors bien plus grec que tous de sentiment et de génie : dans Philémon et Baucis, par exemple, dans certains passages de la Mort d’Adonis ou de Psyché. […] Bernardin de Saint-Pierre, sans tant d’étude, y atteint mieux par simple génie ; héritier en partie de Fénelon, il a, dans Paul et Virginie, dans bien des pages de ses Études, dans cette page (par exemple) où il fait gémir Ariane abandonnée à Naxos et consolée par Bacchus, des retours de l’inspiration grecque et de cette muse heureuse ; mais c’est le doux et le délicat plutôt que le grand qu’il en retrouve et en exprime.
Mais c’est dans le Discours sur l’Histoire universelle que l’on peut admirer l’influence du génie du christianisme sur le génie de l’histoire. […] Il lui échappe de temps en temps quelques-uns de ces traits qui n’ont point de modèle dans l’éloquence antique, et qui naissent du génie même du christianisme. […] Remarquons que Tacite a parlé des pyramides177, et que sa philosophie ne lui a rien fourni de comparable à la réflexion que la religion a inspirée à Bossuet ; influence bien frappante du génie du christianisme sur la pensée d’un grand homme.
Mais le génie y est, et le jugement viendra sûrement. […] Les premiers ne sont que des génies tutélaires. Il a voulu que ces figures fussent aériennes ; et cette imagination me paraît de génie. […] Mais ayant à donner l’avantage de la grandeur à ses héros sur ses dieux, que vouliez-vous que le peintre fît de ceux-ci, sinon des génies, des ombres, des démons.
Sachons pourtant qu’en parlant si plaisamment de Malherbe et en traçant le portrait du poète-grammairien auquel il oppose celui d’un libre et naïf génie, c’est-à-dire le sien propre, Régnier jugeait bien plus son adversaire d’après ses propos que sur ses écrits et ses œuvres mêmes. […] plus mâles génies. […] Rien n’est plus propre à nous faire comprendre ce qu’aurait été la poésie française, si elle avait su échapper au trop de politesse du xviie siècle, et si, avant de tant chercher à se clarifier au risque de s’affaiblir, elle avait pu arriver, dans un tel génie, ou dans des génies tournés vers d’autres genres, à son entière maturité. […] Regrettons ces séparations de beaux génies, ne les aggravons pas ! […] J’ai souvent regretté qu’une Poétique large et moderne, tenant compte de tout dans le passé, ne définissant que ce qui est possible et laissant le reste au génie, ne fût pas venue à temps consacrer quelques préceptes, poser quelques interdictions, rappeler les vrais et immortels exemples.
Ce sont ces beautés et ces bizarreries que je veux examiner dans leur rapport avec l’esprit national de l’Angleterre et le génie de la littérature du Nord. […] Lorsqu’on se pénètre uniquement des modèles de l’art dramatique dans l’antiquité ; lorsqu’on imite l’imitation, on a moins d’originalité ; on n’a pas ce génie qui peint d’après nature, ce génie immédiat, si je puis m’exprimer ainsi, qui caractérise particulièrement Shakespeare. […] Shakespeare a su peindre avec génie ce mélange de mouvements physiques et de réflexions morales qu’inspire l’approche de la mort, alors que des passions enivrantes n’enlèvent pas l’homme à lui-même. […] Ce génie que la passion avait doué, était inspiré par elle, comme les prêtres par leur dieu ; il rendait des oracles lorsqu’il était agité ; il n’était plus qu’un homme lorsque le calme rentrait dans son âme. […] Souvent il a de l’affectation lorsqu’il n’est point exalté par son génie.
Voyez les nations et la suite de leurs progrès : elles chantent d’abord, puis elles parlent, elles critiquent enfin ; c’est l’amusement de leur vieillesse, et quand on voit commencer ce radotage, mauvais signe, le génie s’en va. […] La critique peut-elle du moins hâter la venue de ce génie sauveur, le nommer avant sa naissance et l’amener par la main au milieu du monde qu’il doit régénérer ? […] Mais peut-être la critique découvrira-t-elle quelque génie perdu dans la foule et que le monde n’estime pas à son prix ? Pour moi, j’ai le malheur de ne pas croire aux génies inconnus. […] L’esprit perd son ressort, l’imagination se fane, et quand on veut faire appel à son génie, on reconnaît avec douleur que le génie est mort ou bien malade.
Voilà la marque distinctive et à part de ce talent qui n’est pas un talent, de ce génie qui n’est pas un génie, quoiqu’on lui donne ce nom pour l’exprimer, parce qu’il n’y a pas de nom au-dessus de ce nom. […] Elle était une Sainte, mais c’était là son genre de génie. […] C’est ici pour la première fois que la simplicité nuit au génie, comme un air trop pur qui serait mortel à la santé. […] Peinte pour Chateaubriand et pour la société qui était redevenue chrétienne en lisant le Génie du Christianisme, c’est la sainte Térèse de ce livre rhétorico-religieux, mais ce n’est pas la Térèse de la Tradition espagnole et de l’Histoire. […] Ce n’était pas uniquement, comme ceux qui ne l’ont pas lue ont la bonté de le concéder, une femme supérieure par l’imagination, par la disposition poétique, exaltée par la Prière, et trouvant dans réchauffante macération de la Règle et du Cloître l’expression embrasée qui ressemble chez elle à un encensoir inextinguible, le cri qui épouvante presque les cœurs et qui fait croire que le Génie a des rugissements comme l’Amour.
Organisés contre la révolte du protestantisme par un de ces grands hommes qui avait la sainteté du génie et le génie de la sainteté, ils étaient et n’avaient cessé d’être les défenseurs les plus intrépides du Saint-Siège, et, s’ils n’avaient pas été humbles, s’ils n’avaient rien su de la stupidité ou de l’ingratitude humaine, ces soldats de l’Église auraient pu croire en partager l’éternité. Leurs missions par tout l’univers, leurs conquêtes, leurs miracles, leur enseignement, leurs travaux de savants et d’apôtres, et, on peut le dire de cet ordre si profondément unitaire et qui donna au monde un modèle de gouvernement que l’ancienne Rome n’avait pas égalé, leur génie collectif, retrempé sans cesse aux sources de l’obéissance, auraient dû les préserver, à ce qu’il semblait, des coups d’un pouvoir qu’ils n’avaient jamais pensé qu’à défendre. […] Eux seuls peut-être, ces grands ouvriers de Dieu, pouvaient, de leurs bras tout-puissants et dans lesquels il coulait une vertu divine, endiguer l’immense fleuve révolté ; car eux seuls résumaient tout le génie politique de l’époque de leur abolition. Que l’on interroge leur passé, partout et toujours n’avaient-ils pas donné les preuves de ce génie, qui a marqué leur société d’un signe spécial entre toutes les sociétés religieuses ? […] Si le génie est une de leurs vertus, — ainsi que l’a dit un grand poète, — l’imprévoyance est un de leurs vices.
Eh bien, malgré ce que je viens d’écrire là, si les lettres de Réa Delcroix ne sont qu’un roman, il faut bien le dire : elles sont un roman de génie, tant elles paraissent une vérité ! Elles ont même de la hardiesse dans le génie, par le mépris qu’elles font des événements qui forment la trame vulgaire de la vie, et par la préoccupation des sentiments que sa noblesse est d’exprimer. […] Mais l’amour est venu avec son rayon, l’amour l’a avertie à temps ; l’amour a éveillé en elle ce génie du cœur, ce génie composé de grâce et de caresses, et elle n’a plus été qu’une femme. […] ayant assurément plus de talent de plume, si elle voulait s’en servir, que les faiseuses de livres qui mettent bas pour l’heure tant de volumes, mais se contentant d’écrire des lettres où elle a versé toute son âme, — et c’est ainsi qu’elle a prouvé une fois de plus que le génie de la femme n’est que là où elle a mis le sien. […] Elle a, par une intensité qui est, à sa façon, du génie, tous les tons et toutes les nuances de la passion qui fait si magnifiquement vibrer l’âme humaine et qui finit presque toujours par la briser.
Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. […] Effacez ce chapitre : la verve moqueuse ne donne de l’esprit qu’aux méchants ; le génie est bon, car il est divin. […] et ne pouvait-on pas y voir le génie égaré d’une révolution qui allait à son insu en chercher une autre ? […] « Il sera rejeté comme ce noir génie « Effrayant par sa gloire et par son agonie, « Qui tomba jeune encor, dont ce siècle est rempli. […] Voilà une épopée digne du génie de Victor Hugo.
Ses ennemis étaient ceux du génie français. […] Il ne voulait pas ressembler aux « classiques » sans doute, et il se fiait à son génie. […] Mais demandez à nos grands critiques : ce désordre est le signe du génie. […] Personne, et les saints non plus que les ascètes, ne s’impose de contrainte ; on suit son génie, son instinct. […] Peut-être aussi était-ce une bataille contre lui-même qu’il livrait secrètement, une lutte contre son génie et son humanité.
Le génie, la plupart du temps, n’était lui-même qu’un moyen ; il se subordonnait à des haines, à des déclamations, à une tactique philosophique reçue et imposée ; il se rabaissait à une œuvre de tous les jours, utile, mais simplement destructive. […] Beaumarchais, plus qu’eux tous, subit, par accès brillants, le pur caprice du génie. […] Deux grands génies que nous aimons à citer ensemble et à embrasser dans une égale admiration, M. de Chateaubriand et madame de Staël ouvrirent cette révolution au début, par des côtés assez éloignés, et selon des directions un peu différentes, mais qui ont fini par converger et se confondre. […] La révolution qu’ils préparaient de ce côté n’était pas descendue encore ; elle avait, pour cela, quelque chose de trop particulier à la nature de ces deux grands génies et de trop artificiel par rapport à la société. […] Cette poésie reçut tout à fait à sa naissance les rayons du génie catholique, chevaleresque et monarchique de M. de Chateaubriand.
L’administration ne le crut pas, et le travail de la cathédrale d’Albi, accompli avec une si grande aisance dans la puissance de l’exécution, fit la preuve de ce que pourrait être Daly en dehors de ses travaux d’érudition et de critique, en dehors de cette supériorité que des génies en maçonnerie lui reconnaissent, pour n’avoir pas à lui reconnaître l’autre. […] Il s’est enfin apaisé en créant, s’il avait en lui la dévorante fécondité du génie ! […] À qui peut la juger il est évident que cette œuvre, qui a demandé tant d’années, ce hardi et magnifique travail exécuté sur la cathédrale de France la plus effrayante de beauté et la plus désespérante pour qui oserait se charger d’y porter la main, peuvent faire pressentir à la critique un architecte créateur pour plus tard, un architecte, enfin, pour le propre compte de son génie ! […] À nos yeux, à nous, qui sommes surtout littéraires, et pour qui les idées, dans leur essence poétique ou rationnelle, doivent passer bien avant les formes plastiques qu’on peut leur donner, la Revue générale de l’Architecture a une importance que ne saurait avoir un monument isolé, lequel, après tout, fût-il de génie, ne nous donnerait jamais que des sentiments élevés ou de puissantes sensations. […] Ce qu’on appelle de mots si grands, l’invention humaine, le génie, la faculté de créer, n’aboutissent jamais qu’à ce résultat : idéaliser un peu l’histoire !
, et il fut regardé dans ce journal, dont tous les rédacteurs sont des hommes de génie… les uns pour les autres, comme l’esprit le plus savoureusement littéraire que l’on eût vu depuis Rigault, cet amour perdu de Rigault ! […] Accepté, non pas seulement par les Débats, mais par l’opinion, sur un pied très flatteur d’écrivain sans avoir jamais été contesté une minute par personne, lorsque le talent le plus robuste et même le génie le sont quelquefois si longtemps par tout le monde, — plus heureux en cela que M. […] On étouffe de génie comprimé et on désirerait bien qu’une soupape s’ouvrît et que le génie dont on meurt s’en allât par là et débordât un peu sur le monde ! […] Mais ce que je ne puis trouver bon, — parce que cela ne les rend pas meilleurs, — c’est que les articles de Prévost-Paradol portent partout l’empreinte et la mauvaise humeur d’une ambition que je conçois très bien et d’un génie, hélas ! […] Ils sont, sans doute, restés dans leur gaine, avec cette supériorité politique qu’il n’en peut pas tirer non plus : malheureux génie cloué dans son fourreau.
Il a cité l’ingénieuse Lettre sur Saadi à M. de Voltaire, qui raconte à Voltaire, sous le nom de Saadi, sa propre histoire ; et enfin le jugement sur Voltaire, qui n’a pas bougé depuis qu’il fut écrit, et que les admirateurs de Voltaire lui-même sont obligés d’accepter comme le dernier mot sur un homme qui, à force d’esprit, s’est fait prendre frauduleusement pour un génie. […] Il croyait la source des chefs-d’œuvre inépuisable pour le génie humain, et la beauté, comme la vérité, infinie… C’est lui qui a écrit : « Le génie a cent yeux comme Argus. […] Un homme de génie peut traiter le même sujet qu’a immortalisé Molière. » Idée hardie très moderne, sur laquelle Fréron est revenu cent fois. […] Français comme Corneille et Racine, Fréron eut presque exclusivement la Critique française, mais pour être dans la tradition nationale du xviie siècle et de ses mœurs, il n’en voyait pas moins, par-dessus la frontière, les qualités de l’esprit d’une race différente de la sienne, et il l’a bien prouvé pour les Anglais, à qui il reconnaît « ces cris du cœur qui pour lui sont l’expression la plus certaine du génie ». […] C’est encore de Fréron, ce trait : « Quand un vrai génie apparaît dans le monde, on le reconnaît à cette marque : tous les sots se soulèvent contre lui. » À ce compte, Fréron en est un.
Depuis cette époque, beaucoup d’évêques et de prêtres, dans la mesure diverse de leurs forces et de leur génie, ont tenté de remplir cette tâche délicate et grande que l’abbé Brispot s’est imposée et qu’il a remplie (du moins jusqu’ici) avec un rare discernement. […] Inspiré à son tour par le livre de sa foi et par sa cohabitation de cœur et d’esprit avec les hommes de génie qui ont écrit sur ce livre saint des pages si éclatantes et si profondes, l’abbé Brispot a plusieurs fois montré que cette espèce d’intimité, ce grand voisinage, avait porté bonheur à sa pensée. […] Le fond des choses y est si grand qu’on y sent réellement moins qu’ailleurs les différences de génie, et que la pensée y trouve presque, comme le cœur, son égalité devant Dieu. […] Ces modèles, dus au crayon de Notalis, de Matheus et de Spinx, et qui ont été retrouvés dans une pauvre cabane de paysans à Magny, sont d’une naïveté d’inspiration qui ferait croire qu’ils appartiennent à une époque d’une date plus ancienne que celle qu’ils portent, si on ne savait pas que l’Allemagne, par le fait seul du génie qui lui est personnel, peut, au xviie siècle, équivaloir, en naïveté de touche et en candeur de sentiment, à ce que pouvaient être les autres nations de l’Europe au Moyen Âge. Si le protestantisme iconoclaste a tué en Allemagne l’inspiration catholique, il a ébranché l’arbre même du génie national, intimement religieux ; mais ce qui est resté catholique dans cette terre prise sous les glaces de l’examen de Luther, n’a point perdu son flot pur de naïveté, si naturellement épanché.
Caprice ou calcul du génie (les caprices de Hugo sont assez doublés de calculs) ! […] même la trompe en l’air d’un éléphant, — du plus colossal des éléphants — ne pourrait cacher l’auguste aspect de son génie… Et cependant, pour le cacher, le nez de Vacquerie, cet écran de chair, a suffi ! […] Le génie est inimitable. Hugo n’aurait pas de génie, il ne serait pas ce qu’il est, si quelqu’un, fût-ce Vacquerie, pouvait l’imiter aussi bien ! […] Mais Victor Hugo croit en son génie.
On a dit que l’auteur des Courbezon et de Julien Savignac était un des plus vigoureux romanciers sortis de l’école de Balzac ; car tout homme de génie comme Balzac — qu’il l’ait voulu ou non — laisse derrière lui une École. […] Dans son Curé de campagne, Les Célibataires, Une ténébreuse affaire, qui finit justement par un brelan de prêtres terribles : Sieyès, Talleyrand et Fouché ; partout, même quand il masque Vautrin de son splendide et effroyable abbé Carlos Herrera, Balzac a montré que son génie faisait équation avec le génie du prêtre, tant il le comprenait ! […] Homme de génie, secoué par la conscience qu’il est fait pour le commandement, et d’une ambition tellement effrénée qu’elle en est épouvantablement maladroite et qu’elle en devient un jour presque sacrilège, il a, ainsi que le dit un des personnages du roman, la folie de la mitre, comme il aurait dû avoir la folie de la croix, et c’est cette folie de la mitre qui en fait, tout le long du roman, le furibond torrent de haine et de colère humaine que le prêtre ne peut endiguer, mais dont l’Église, à la fin et malgré tout, s’empare, parce qu’elle a reconnu, elle, le lynx divin, aux yeux maternels, que cette tempête d’homme assagi par elle peut avoir, un jour, vertu d’archevêque, et peut-être de Pape dans l’avenir… Le livre de Ferdinand Fabre, dont je viens de dire la conclusion, est, au fond, — si vous en ôtez deux ou trois nuances d’opinion que je n’y voudrais pas voir parce qu’elles blessent mon catholicisme, — un livre écrit à la gloire du prêtre et de l’Église, de cette Église à qui ses ennemis voudraient de petites vertus dont ils pussent se moquer, et non de grandes, devant lesquelles ils tremblent ! […] Stendhal, en effet, qui a créé l’abbé Julien Sorel du Rouge et Noir, l’abbé Fabrice de La Chartreuse de Parme, et surtout le janséniste abbé Pirard, d’une vérité de génie, Stendhal hait le prêtre de la haine d’un voltairien et d’un athée, et peu importe ! […] Chaste et régulier dans ses mœurs, mais orgueilleux, — et la chasteté qui s’emmanche dans l’orgueil est terrible, car elle se fait payer par l’orgueil des sensualités qu’elle repousse, — l’abbé Capdepont dit « Tigrane » est, de plus, une espèce de Macbeth ecclésiastique, à qui les trois Sorcières qui sont en lui : la Puissance du génie, l’Autorité du caractère, et la Science, moins affirmatives que les Sorcières de Macbeth, ne lui disent pas : Tu seras Roi !
La Démocratie, qui place le droit dans le nombre, y place peut-être le génie aussi. […] Alexandre Dumas, le chef de cette École de producteurs, qui imposa un instant à l’Opinion étonnée et qui se donnait, avec une gasconnade presque splendide, pour un volcan d’idées et d’inventions à jet continu, a dû être terriblement humilié en voyant de petits jeunes gens littéraires et jusqu’à des femmes imiter sans effort son genre de génie et continuer cette plaisanterie de la grande production, qui est l’ébahissement des sots. […] Eugène Sue, qui fut de cette école qu’on pourrait appeler les Pondeurs du xixe siècle et dont les livres, il faut bien le dire, ne sont pas uniquement l’impulsion désintéressée de leur génie, doit donc, pour être compté en littérature, se réclamer de facultés plus hautes que celles qu’il partage avec les plus minces esprits de ce temps. […] Pour sa peine, il fut salué et proclamé homme de génie. […] Balzac, à deux, ou trois endroits de sa Comédie, s’est assimilé cette effroyable langue, et y a fait entrer son génie, comme on chasse de l’or dans du fer.
Admettez qu’avec cette supériorité de donnée première, la femme de chambre des Mémoires en question fût un brin de fille… de génie, comme par exemple la Suzanne du Mariage de Figaro, quel ouvrage délicieux n’auriez-vous pas en perspective ! […] Mais le grand observeur, dont un pareil sujet chaussait admirablement les facultés incomparables, mais cette tête qui pensait à tout ne pensa point précisément à ces Mémoires d’une femme de chambre, qui auraient si bien trouvé la place d’un chef-d’œuvre de plus parmi les chefs-d’œuvre de La Comédie humaine, et il nous a laissé, à nous qui vivons après lui, l’occasion de bénéficier, si nous pouvons, de cette distraction de son génie. […] La comédie, qui repose bien plus sur des conventions qu’on ne le croit, ne dit pas un mot de vrai avec ses valets et ses soubrettes, vieux types usés et recrépis par le génie de Molière, que les faiseurs de pièces de cette époque se sont passés de la main à la main. […] Mais Rousseau, le plus grand des génies gauches et empêtrés, n’a ni la grâce, ni le délié, ni le coup d’œil, ni l’observation intimement assassine que peut avoir une femme de chambre avec sa maîtresse. […] Pas plus de pataquès que de génie.
. — Le Génie du Christianisme. — Les deux antiquités remises en honneur. […] Un seul livre de génie lui serait de plus de secours pour la relever et l’aider à retrouver ses bases. […] Marquer cette nuance délicate était un trait de génie ; la peindre était le plus difficile de l’œuvre. […] Chateaubriand. — René. — Génie du Christianisme […] Le Génie du Christianisme rendit un autre service.
Le soi-disant ne se borne point à des injures calomnieuses : il me donne des avis admirables ; il m’apprend des anecdotes impies sur quelques Auteurs ; il fait des sorties tout-à-fait touchantes contre les gens d’Eglise ; il passe en revue plusieurs articles des Trois Siecles, pour avoir occasion de se déchaîner contre les bons Ecrivains qui ne sont pas Philosophes, & d’élever à la sublimité du génie ceux qui sont reconnus pour tels. Par exemple, après avoir avancé hardiment qu’on ne se souviendra de M. le Franc de Pompignan que par les vers que M. de Voltaire a attachés à son nom, il me reproche, mais très-sérieusement, d’avoir refusé le génie de l’invention à M. […] Pour prouver qu’il se plaît à rendre hommage aux hommes de génie, il dit beaucoup de mal de presque tous les hommes de génie, & prétend que le plus grand honneur qu’ait pu recevoir Corneille, c’est que M. de Voltaire ait daigné le commenter.
Le cizeau est capable d’imiter, et dans les mains d’un homme de génie, il sçait interesser presque autant que le pinceau. […] Nous voyons donc par plusieurs productions de la sculpture, qu’entre les mains d’un homme de génie, elle est capable des plus nobles operations de la peinture. […] Je ne sçais point même s’il ne faut pas plus de génie pour tirer du marbre une composition pareille à celle de l’Attila, que pour la peindre sur une toile. […] Je ne prétend pas loüer l’Algarde d’avoir tiré de son génie la premiere idée de cette execution, ni d’être l’inventeur du grand art des bas-reliefs, mais bien d’avoir beaucoup perfectionné par l’ouvrage dont il s’agit ici, cet art déja trouvé par les modernes.
Mais comme le génie manquoit à ces peuples, ils étoient malgré leur dexterité, des artisans grossiers. […] Les éleves qui jettent quelque lueur de génie, y sont entretenus assez long-temps pour avoir le loisir d’apprendre ce qu’ils sont capables de sçavoir. […] Enfin la main des ouvriers avoit bien acquis quelque capacité, mais les ouvriers n’avoient pas encore le moindre feu, la moindre éteincelle de génie. […] C’est qu’ils n’avoient point de génie ? […] Combien ce siecle fecond en génies a-t-il produit de grands magistrats ?
détrôné de son génie par personne, mais, nous venons de le dire, sa fécondité n’inspirerait plus le même étonnement. […] Là était sa vocation, son génie, son destin dans la vie. […] Son génie absorba son esprit. […] Il semblait que le génie catholique, qui est le génie latin, eût tué le génie français. […] Mais si la conversion, en foudroyant l’homme, n’a pas tué l’artiste du même coup, l’artiste résistera certainement aux conseils de ceux qui ne se soucient ni du talent ni du génie, parce qu’ils n’ont, eux, ni génie ni talent.
En peinture il est, en somme, sorti presque tout entier du génie de Claude Monet et en musique du génie de Debussy. […] On appelle génie ce qui dépasse l’imitation. […] Si un génie d’amour lui-même n’aime pas avec ce génie et n’en fait qu’un emploi esthétique, à plus forte raison un peintre, un romancier, un philosophe n’aimera-t-il pas avec son génie. […] Et le génie n’ajoute rien à l’intérêt du sujet. Le génie de ce roman est un génie conventionnel qui n’a encore jamais existé, à savoir l’union d’un abondant génie artistique et d’un grand métaphysicien.
Sous l’influence de l’idéal hellénique et latin le génie du moyen âge fut contraint de biaiser, de se concevoir différent de soi-même. […] Elle n’y a pas toujours réussi et le dommage fut ici d’autant plus sensible que le génie franc, mêlé déjà au génie latin, représentait sous son aspect le plus original et avec son développement le plus haut la civilisation du moyen âge. […] Il n’en reste pas moins qu’ayant découvert la Vénus hellénique, l’homme du xvie siècle fut fasciné par sa splendeur et il est aisé de relever dans notre littérature, dans notre architecture et dans nos arts plastiques les déviations que subit le génie national du fait de cette admiration. […] Parmi les arts plastiques, la sculpture est celui où le génie de notre race s’est toujours montré excellent.
Emmanuel Kant, qui ne riait guères, du reste, savait bien ce qu’il faisait quand il enlaçait, dans un groupe philosophique digne des plus grands artistes de l’antiquité, les trois génies aimés des hommes : le génie du Rire, du Sommeil et de l’Espérance. […] Necker et autres esprits supérieurs qui ont trouvé leurs lettres de grande naturalité dans leurs œuvres, mais il diffère infiniment de ses célèbres compatriotes, gens lourds, empâtés et gauches dans leur génie, quelque brillants qu’ils soient, et qui ont tous un peu de goitre quelque part, même Rousseau. […] Rappelez-vous donc le Bourbonnais dans le Voyage sentimental, et le peuplier au pied duquel est assise Marie la Folle, cette sœur de lait d’Ophélia, et vous saurez la différence d’un talent qui n’a qu’une face à un génie qui en a deux, et pourquoi les Zig-Zags fatiguent, à la fin, comme un voyage, tandis que le Sentimental Journey intéresse comme un séjour ! […] Mais nous l’avons dit déjà, c’est par cette infériorité très réelle et que la Critique doit indiquer, que Topffer plaira davantage à cette moyenne d’âmes pour lesquelles il a écrit, et qui ne comprendraient rien d’ailleurs au troisième dessous du génie.
Cette carence d’un esprit critique qui aille jusqu’au bout de son travail rend compte à la fois de la prodigalité du génie et de la réaction inévitable contre ce génie même. […] La grandeur dernière de Pascal, il faut la voir dans l’opération par laquelle le plus impatient des génies le cède au saint ; — le cède ? […] L’inquiétude ressortit ici au génie de Pascal, non à Pascal lui-même, du moins en tant que croyant. […] De l’acte créateur la conversation d’un homme de génie est un surplus ou une préparation : elle ne saurait en être l’équivalent. […] » — et avec cette saine et sage validité, ne craignons pas d’ajouter avec cette norme du point de vue qui est le sien, il insiste sur le fait que cette question-là est celle précisément que sans cesse se pose à nouveau le génie, — que celui-ci n’est tout à fait génie que s’il se la pose.
Or, Louvois a été dès le premier jour l’homme de cette politique dont l’unique moyen était la guerre, et il est douteux que, sans lui, sans la nature de génie spécial à la fois et complexe qu’il y apporta, Louis XIV, même à l’aide de ses grands capitaines, eut réussi et triomphé. […] Camille Rousset a consacré à l’examen approfondi et détaillé des institutions militaires réformées ou créées par Louvois, gardera du génie du ministre la plus haute et la plus respectable idée. […] C’est un Daru de génie et original, un Daru inventif, qui a l’initiative à la fois et l’exécution, qui, en un mot, a tout un coin du génie de Napoléon. […] Vauban lui en sut un gré proportionné au bon office ; et Colbert, revenu de ses préventions, eut beau faire ensuite des avances à l’homme de génie qui restait malgré tout l’honnête homme offensé, il ne put jamais le gagner et le reconquérir sur son grand rival. […] Homme antique, qui au génie d’un Français nouveau unit toutes les qualités des vieux Gaulois, ou mieux peut-être des Romains de vieille roche.
Joignons-y Molière, quoiqu’il semble devoir plus à sa droiture d’instinct et de génie qu’à l’imitation des anciens : il les connaissait pourtant, il les étudiait, il les aimait, même ce robuste Plaute qui répugnait à la délicatesse de son temps. […] Mais en ne regardant que la technique, il ne s’apercevait pas que ni l’évolution d’un art ne coïncide toujours avec le progrès de la technique, ni le génie d’un artiste et la valeur d’une œuvre ne sont constamment proportionnés à la perfection des moyens mécaniques et de procédés matériels que l’artiste emploie à réaliser sa pensée. […] Il le trouve grossier, prolixe, n’ayant nul sens des bienséances, ignorant des sciences, dépourvu à l’occasion de sens commun : Homère avait du génie, mais qu’en pouvait-il faire en son temps ? […] Bertaut, Malherbe, Lingendes et Racan rencontrèrent « dans le genre sérieux le vrai génie de la langue française, qui, bien loin d’être en son point de maturité du temps de Ronsard, n’était même pas sortie de sa première enfance ». Ainsi Ronsard devait échouer dans l’ode et dans la grande poésie, non faute de génie, mais parce qu’il venait trop tôt.
C’est au génie à tracer la marche. […] On y avance qu’il n’a rien de ce qui décide le grand poëte, & un génie créateur. […] L’écrivain judicieux met tout dans la balance : il n’en a qu’une où il pèse le génie & le talent. […] Il en use comme en ont usé depuis tous les écrivains de génie, Corneille, Racine, La Fontaine, Rousseau, M. de Voltaire. […] On ne voyoit que productions en ce genre, sans génie & sans vraisemblance.
Le génie humain couvait sourdement on ne sait quel fruit inconnu. […] De plus, il y avait dans le sang toscan, écoulement du vieux sang étrusque, une sève non encore épuisée de génie littéraire et de génie artistique. […] Il y eut dans la conception autant de génie vrai que dans l’exécution. […] ils ont montré en cela qu’ils ne s’étaient pas rendu compte du génie des langues. […] « Le génie ne peut rien de plus.
Est-ce d’une érudition laborieuse et patiente qu’on se targuera pour devenir les précepteurs du génie ? […] Voilà comment le génie sait s’approprier ce qu’il emprunte, et rend original tout ce qu’il imite. […] C’est le génie jugé par le génie. […] Comme elle témoigne en effet que les sources du suprême génie ne découlent que des hauts degrés de la vertu ! […] Ici reparaît le génie du vrai sage, qui ne montre dans les débats homicides que ce qu’ils ont de désastreux et de coupable.
Armand de Pontmartin Tant qu’il s’est agi de Jasmin tout seul, on a dit : Jasmin a du génie, ce qui est rare, mais ce qui peut arriver à un Gascon et à un coiffeur, tout comme à un enfant de Mâcon ou de Paris. On a donc accepté sans restriction le génie de Jasmin, et, l’engouement de quelques salons se mettant de la partie, peu s’en est fallu qu’on ne le proclamât supérieur à Lamartine et à Victor Hugo. […] C’est ainsi que ces poèmes mûrissent pendant des années avant de se produire au grand jour, selon le précepte d’Horace, que Jasmin a retrouvé à son usage, et c’est ainsi que ce poète du peuple, écrivant dans un patois populaire et pour des solennités publiques rappelant celles du moyen âge et de la Grèce, se trouve être, en définitive, plus qu’aucun de nos contemporains, de l’école d’Horace que je viens de nommer, de l’école de Théocrite, de celle de Gray et de tous ces charmants génies studieux qui visent dans chaque œuvre à la perfection.
Lire Dante et le lire de près, c’est presque inévitablement désirer de le traduire, c’est entrer dans les replis de son génie, et après y avoir pénétré (ce qui demande tout un effort), c’est concevoir la pensée d’y introduire les autres. […] On dira de sa traduction tout le mal qu’on voudra, on ne lui enlèvera pas le mérite d’avoir le premier chez nous apprécié avec élévation la nature et la qualité du génie de Dante. […] M. de Chateaubriand, dans le Génie du christianisme, rencontrait tout d’abord l’ouvrage de Dante au premier rang des poèmes chrétiens dont il devait désirer établir l’excellence, sinon la prééminence sur les poèmes anciens. […] Esprit sagace, libre de préventions, adonné pendant des années aux investigations les plus actives et aux recherches silencieuses, particulièrement doué du génie des origines, il comprenait les choses par leur esprit même et les exprimait ensuite sans y rien ajouter d’étranger. […] Mais, on l’a remarqué, c’était sans doute Homère vengeur qui lui apparaissait, et qui le voulait punir des infidélités élégantes et des trahisons toutes volontaires qu’il exerçait sur ce simple génie.
Pour écrire des lettres excellentes et durables en tant que pièces littéraires, je ne sais que deux manières et deux moyens : avoir un génie vif, éveillé, prompt, à bride abattue, et de tous les instants, comme Mme de Sévigné, comme Voltaire ; ou se donner du temps et prendre du soin, écrire à main reposée, comme Pline, Bussy, Rousseau, Paul-Louis Courier : — en deux mots, improviser ou composer. […] Buffon ne commence à devenir celui que l’on connaît et que nous admirons que du moment qu’il est placé à la direction du Jardin et du Cabinet du roi : jusque-là c’était un génie expectant, et à qui manquait son objet. […] Un spirituel écrivain a essayé d’établir une mesure entre la sensibilité plus ou moins grande des auteurs à la critique et leur plus ou moins de croyance et de religion ; il est allé jusqu’à dire, et ici même65, que « le génie sans croyance n’est que le plus vulnérable des amours-propres ». C’est joli, mais il me semble que la vraie mesure n’est pas où la met cet homme d’esprit, et de doctrine un peu trop idéale : Racine, par exemple, était un génie religieux et croyant, et nul n’a été plus que lui sensible et susceptible ; il était un amour-propre plus vulnérable que Molière ou Shakespeare. […] Buffon, grand écrivain et homme de génie, a son genre, sa manière, ses disciples.
Sa forme de génie n’acceptait pas ces sortes de consolations à l’usage des faibles. […] Sir Hudson Lowe ne démentit point ce diagnostic, d’un œil de génie. […] Qui n’a lu ses admirables Précis des campagnes de Turenne, de Frédéric, de César, suivis d’observations détaillées, — tout l’art et la science de la guerre résumés en quelques pages concises, et ramenés à des principes fixes, supérieurs, qu’il n’appartient pourtant qu’au génie ou au talent de savoir, à des degrés divers, mettre en pratique et appliquer ? […] Quand on est lettré soi-même, on sourit involontairement d’abord de voir la critique de Napoléon s’appliquer à l’examen de chacune de ces campagnes fameuses dans l’histoire comme on procéderait au jugement d’une œuvre d’esprit, d’une épopée, d’une tragédie : mais n’est-ce pas une œuvre de génie également ? […] Cette messe de l’Empereur à Sainte-Hélène, de celui qui avait restauré les autels et rouvert Notre-Dame avec pompe en 1802, et qui aujourd’hui dépouillé, relégué aux confins du monde, voulait revoir un autel au seuil du tombeau, cela n’est-il pas comme un dernier chapitre du Génie du christianisme ?
Tous les grands conquérants, les illustres guerriers fondateurs d’empire, ont été dans tous les temps matière à épopée, c’est-à-dire à des récits plus ou moins merveilleux, lesquels, accueillis, grossis par la bouche des peuples, colportés par des chanteurs toujours écoutés : Pugnas et exactos tyrannos Densum humeris bibit aure vulgus, se sont quelquefois résumés et fixés en œuvre durable sous la main d’un poëte de génie. […] Que l’on essaye de se figurer, dans la langue prophétique du vie livre de l’Énèide, tous les intérêts du monde antique rassemblés sur la limite de l’antiquité et des temps modernes, tant de peuples encore primitifs se groupant, avec leurs cultes et leur génie, autour de la louve romaine, dans l’attente du christianisme ; les Gaulois, les Bretons, les Germains nouvellement découverts ; en Orient, les Parthes, les Numides, les vieux et nouveaux empires ; et au faîte de tout cela, César, à l’œil de faucon, portant dans son génie réfléchi tout le génie des temps modernes ; et que l’on dise si l’épopée ne s’est pas trouvée là. […] Le génie des Romains, comme celui des Français au XVIIe et au XVIIIe siècle, avait un caractère positif qui se prêtait mieux à la politique, à l’histoire, à la philosophie, qu’à la poésie lyrique ou épique. […] » Cette concurrence, qui fait peut-être le prix des thèmes et poésies populaires, est médiocrement favorable, nous le croyons, aux monuments des génies individuels, vastes et consommés ; dans tous les cas, elle cesse du moment qu’un de ces génies a pris possession de l’œuvre et l’a consacrée de son sceau. […] Antiquaire par son érudition allemande, poëte et philosophe par ses vues profondes et intimes sur l’histoire de l’humanité, familier avec les idées des Niebühr et des Gœrres, épris de l’imagination pittoresque de l’auteur de l’Itinéraire, il aborde la Grèce et l’interroge par tous les points, sur son antiquité, sur ses races, sur la nature de ses ruines, sur les vicissitudes de ses États, sur ses formes de végétation éternelle ; il saisit, il entend, il compose tous ces objets épars ; il les enchaîne et les anime dans un récit vivant, fidèle, expressif, philosophique ou lyrique par moments, selon qu’il s’élève aux plus hautes considérations de l’histoire des peuples, ou selon qu’il retombe sur lui-même et sur ses propres émotions ; c’est une œuvre d’art que ce récit de voyage : le sens historique et le sens des lieux y respirent et s’y aident d’un l’autre ; l’harmonie y règne ; le souffle du dieu Pan y domine ; l’interprétation du passé, depuis les époques cyclopéennes et homériques jusqu’à la féodalité latine, y est d’un merveilleux sentiment, et elle pénètre de toutes parts dans l’âme du lecteur, sinon toujours par voie claire et directe, du moins à la longue par mille sensations réelles et continues, comme il arriverait à la vue des ruines mêmes et sous l’influence du génie des lieux.
C’est là une délicate question, sur laquelle on ne peut exprimer que des conjectures : j’ai hasardé la mienne ; elle n’a rien d’irrévérent pour le génie de Racine. […] Qu’on se figure, par exemple, à la place de Racine, au sein du même loisir, quelqu’un de ces génies incontestablement dramatiques, Shakspeare, Molière, Beaumarchais, Scott. […] Ce serait faire injure à son génie. […] Du temps de Racine, Fénelon, son ami, son admirateur, et qui semble un de ses parents les plus proches par le génie, écrivait de Molière : « En pensant bien, il parle souvent mal. […] En somme, et ceci soit dit pour dernier mot, il y aurait injustice, ce me semble, à traiter Racine autrement que tous les vrais poëtes de génie, à lui demander ce qu’il n’a pas, à ne pas le prendre pour ce qu’il est, à ne pas accepter, en le jugeant, les conditions de sa nature.
Sans dire positivement qu’il fût un malhonnête homme, sans trancher ici la question restée indécise des derniers couplets, on peut affirmer que ce fut un cœur bas, un caractère louche, tracassier, né pour la domesticité des grands seigneurs ; avec cela, nul génie, peu d’esprit, tout en métier. […] Il appelle Gresset un génie supérieur, et ne le chicane que sur ses rimes : Des Fontaines se croit obligé de l’avertir que c’est aller un peu trop loin. […] Rousseau n’invente rien : il s’en tient aux strophes de Malherbe ; il n’a pas le génie de construction rythmique. […] Pour écrire avec génie, il faut penser avec génie ; pour bien écrire, il suffit d’une certaine dose de sens, d’imagination et de goût. […] Il a besoin de travailler beaucoup, car, le génie n’y étant pas, il ne fera passablement qu’à force d’étude. » Et là-dessus, tout haut on l’encouragerait fort, et tout bas on n’en espérerait rien.
Mais ce qu’elle n’a pas, comme au temps de Mme de Staël, et ce qu’elle accepterait très bien, s’il en pleuvait, ce serait des femmes de génie qui vaudraient mieux, à elles seules, que toute une famille… même la leur ! […] Le génie a de ces embarras avec le génie. Mais ce qui n’est point le génie n’en a pas. […] Ôtez les vers de lord Byron qu’à chaque page on cite ; ôtez les fragments des Mémoires de lord Byron qu’on y ajoute ; ôtez les faits connus et trimbalés partout sur ce génie, déjà légendaire ; ôtez enfin tout ce qui n’est pas de l’auteur de Robert Emmet, et il ne restera rien et ce sera son livre ! […] que dirait le grand poëte qui a écrit sur les bleues de son pays tant de choses d’une moquerie et d’une justesse meurtrières, en voyant un bas-bleu le raconter, le traduire, l’interpréter, vouloir creuser dans son âme et dans son génie !
Cela déconcerte un peu les idées reçues, mais voyez si avec la nature de Henri, cette nature indifférente aux idées religieuses pour elles-mêmes, son bon sens qui touchait au génie, son ardeur de cœur et de sens, son esprit politique, pratique et si bien fait pour le commandement, voyez si le catholicisme, cette religion de l’unité et de l’ordre et qui était encore la force dans le pays, ne devait pas être préférée à l’anarchie des doctrines protestantes, scindées déjà de son temps par plusieurs communions. […] Mais si Segretain, comme je le crois, a bien vu dans Henri, par-dessous les gasconnades du protestant, le catholique par le tempérament, par le sens pratique, par la connaissance qu’il avait des instincts du génie et du passé de la France, sa faute, que Segretain et les catholiques absolus lui reprochent, est d’autant plus grande et devient à peu près incompréhensible ! […] Si on en lave son caractère, on en tache son génie, et c’est en lui tout l’homme d’État qu’il faut accuser. […] Par exemple, maintenant que j’ai lu Segretain, je connais mieux Henri de Guise, cet ambitieux non par lui-même, mais par influence de famille, trop négligemment et fièrement grand pour être ambitieux, s’il n’avait pas eu des parents qui le poussaient vers le pouvoir comme les mauvais Génies de son génie, et qui, pour le faire roi, auraient été forcés de le porter à bras, lui et son cheval, jusqu’au milieu du chœur de la cathédrale de Reims ! […] Sixte-Quint est bien moins un pape de génie que LE PAPE, dans son indéfectibilité.
Un badinage de cette force, introduit, sans rire, dans l’histoire, mériterait d’être relevé comme une impudence digne de John Falstaff, si Pelletan, maladroit au pamphlet, n’en ayant ni le génie, ni la mesure qui le rend dangereux, ne s’enfilait lui-même sur cette plaisanterie effrontée ! […] Les « mottes de terre » de Pelletan ne sont l’âme, ni le génie, ni les mœurs, ni les habitudes séculaires de la France. […] Lamennais n’avait-il pas son apostasie pour se faire pardonner, par Pelletan, l’éclat de son sacerdoce et la grandeur des premières années de sa foi et de son génie ? […] Et quant à Lamartine, cet idéal du Citoyen, placé en contraste des trois autres dans toute la perfection de son personnage à la fin du livre de Pelletan, Lamartine, dont Pelletan est sorti comme les Méditations, — mais j’aime mieux les Méditations, — Pelletan s’en regarde trop comme la géniture pour ne pas se croire parricide s’il convenait d’une seule des erreurs de ce grand génie de poète égaré. […] Et pourquoi n’avouerions-nous pas avec calme que, pour une nature comme la sienne, plus apostolique que narquoise, pour un disciple de Lamartine, qui n’aimait pas non plus de Maistre, dont le génie positif était désagréable au « dadais » que le cruel Chateaubriand disait exister au fond du poète des Méditations, Pelletan s’est mieux tiré qu’on n’aurait cru de sa besogne de journaliste irrévérent et pittoresquement gouailleur.
Une fois qu’il fut bien sûr de son génie, Lord Byron ne tira plus que douze coups de pistolet par jour et sut, à un pas près, le nombre de temps de galop qu’il exigeait de son cheval le long de la mer de Venise. […] Comme Byron, c’est un fils de la Bible, — de cette Bible qui est le fond de tous les grands génies anglais sans exception, tandis qu’elle n’a été chez nous que le fond du génie de deux hommes. […] Croirait-on, en effet, si le roman de Guy Livingstone ne l’attestait à toutes ses pages, que le vigoureux byronien dont nous venons d’indiquer les parentés intellectuelles avec l’immortel auteur du Don Juan et du Childe Harold, n’a pas eu assez de sa propre personnalité ou même d’indépendance pour s’affranchir du joug qui pèse sur tant d’esprits anglais, je veux parler de cet horrible pédantisme des Universités anglaises, auprès duquel le pédantisme de la nôtre est presque d’une élégance légère, et qui nous gâte jusqu’au génie d’hommes aussi éloquents que le furent Burke et le grand Chatham ! […] S’ils n’ont pas cette moralité qui est le dernier degré de l’art et de la difficulté pour un romancier ou un poète, car l’homme qui se cherche dans tout ne s’intéresse guères à ce qui est irréprochable, au moins leur idéalité est-elle à moitié chemin de cette moralité, presque impossible à introduire dans un roman ou dans un poème sans le plus rare et le plus incroyable génie ; car Richardson lui-même, qui a créé Lovelace, a raté Grandisson ! […] le byronien s’est brisé tout à coup, et le biblique, le Juif à la tête dure qu’il y a toujours plus ou moins au fond de tout Anglais, a disparu entièrement pour faire place au chrétien qui se trouve si peu dans l’imagination anglaise ; car, après tout, le génie du chrétien, c’est l’humilité !
Il s’est abstenu avec un chaste respect de jouer sur la viole du Sentiment les grands airs trop connus que la Vulgarité aime à y jouer en l’honneur du génie mort, assez heureux pour ne pas l’entendre. […] C’est là, je l’avoue, ce qui me charme encore plus que son génie dans Alfred de Vigny. […] Quoiqu’il fût incommutable de génie, il perdit de son inspiration première. […] Eh bien, je dis que voilà un Alfred de Vigny nouveau, un Alfred de Vigny qui vient de naître, au bout de vingt ans de solitude et de silence, lequel, génie tendre, s’est élaboré douloureusement en génie stoïque contre l’incompréhensible et exécrable fatalité ! […] Le nombre borné de ces poésies qui résument en quelques pièces les inspirations de trente années, et que je ne mettrai certainement pas, moi, sur le compte de ce dessèchement de la veine si commun chez les poètes communs qui n’ont pas en eux la source intarissable du génie, ce très petit nombre m’explique davantage et m’éclaire plus intensément Alfred de Vigny et cette transformation de tout son être qui lui avait fait mettre le doigt d’Harpocrate sur la bouche fermée de sa Muse.
Une fois qu’il fut bien sûr de son génie, lord Byron ne tira plus que douze coups de pistolet par jour et sut, à un pas près, le nombre de temps de galop qu’il exigeait de son cheval le long de la mer de Venise. […] Comme Byron, c’est un fils de la Bible, — de cette Bible qui est le fond de tous les grands génies anglais sans exception, tandis qu’elle n’a été chez nous que le fond du génie de deux hommes. […] Croirait-on, en effet, si le roman de Guy Livingstone ne l’attestait à toutes ses pages, que le vigoureux byronien dont nous venons d’indiquer les parentés intellectuelles avec l’immortel auteur du Don Juan et du Childe-Harold n’a pas eu assez de sa propre personnalité ou même d’indépendance pour s’affranchir du joug qui pèse sur tant d’esprits anglais, je veux parler de cet horrible pédantisme des Universités anglaises, auprès duquel le pédantisme de la nôtre est presque d’une élégance légère, et qui nous gâte jusqu’au génie d’hommes aussi éloquents que le furent Burke et le grand Chatham ! […] S’ils n’ont pas cette moralité qui est le dernier degré de l’art et de la difficulté pour un romancier ou un poëte, car l’homme qui se cherche dans tout ne s’intéresse guère à ce qui est irréprochable, au moins leur idéalité est-elle à moitié chemin de cette moralité, presque impossible à introduire, dans un roman ou dans un poëme sans le plus rare et le plus incroyable génie, car Richardson lui-même, qui a créé Lovelace, a raté Grandisson ! […] le byronien s’est brisé tout à coup, et le biblique, le juif à la tête dure qu’il y a toujours plus ou moins au fond de tout Anglais, a disparu entièrement pour faire place au chrétien qui se trouve si peu dans l’imagination anglaise, car, après tout, le génie du chrétien, c’est l’humilité !
S’il avait éclaté d’idéal, s’il avait porté cette marque brillante et délicate du génie, il attendrait probablement encore, obscur et dédaigné, sa pauvre heure de gloire (Milton, hélas ! […] Tel est l’honnête commerce de l’honnête Tchitchikoff ; tel est l’odieux fripon auquel le triste génie de Gogol a cru donner une friponnerie amusante ! […] L’imitation est le génie de la Russie. […] Ils l’ont appelée « le génie cosmopolite de la Russie », et ils ont raison ! […] Manière de travailler qui, seule, le classerait à un rang presque subalterne, car l’Inspiration n’a pas pour procédé de tendre la main, quand cette main est celle du talent, ou le chapeau, qui est plus grand que la main, quand cette main est celle du génie !
Ces édifices qu’avait élevés l’architecture grecque et romaine, les statues, les tableaux, les chefs-d’œuvre du génie déposés dans les bibliothèques ; tout avait disparu. […] Les sciences exactes accompagnent quelquefois, mais ne supposent pas toujours ces arts brillants qui tiennent à l’imagination et au génie. […] C’était un mélange de plusieurs idiomes corrompus, sans harmonie, sans goût, et qui n’avaient encore été façonnés par aucun de ces hommes de génie qui dominent sur les langues comme sur la pensée. […] Le génie des conquêtes a presque toujours réveillé le génie des arts. […] On peut dire d’abord que l’érudition étouffa le génie ; et l’on en conçoit les raisons.
Chacun restait libre de suivre son génie particulier, et de se porter vers les genres qui l’attiraient ; mais ce génie devait se régler sur l’image qu’ils s’étaient faite du génie de la nation ; ces genres devaient s’accommoder des convenances générales au nom desquelles Malherbe avait condamné presque tous ses devanciers. […] Le génie dans notre pays c’est la réunion, dans un seul homme, de tout ce qu’il y a de bon sens répandu dans tous ; la langue écrite de génie, c’est celle que parle chacun de nous quand il est dans la vérité. […] Sans en prescrire formellement l’emploi, il les invitait à se produire, sentant bien qu’ils étaient conformes au génie de la langue. […] Ils l’accusaient d’entraver les conceptions du génie de scrupules impertinents et de superstitions puériles ; mais ils n’osaient se servir d’aucun mot mal noté dans ses Remarques. […] La timidité de Patru le trompa sur le génie de La Fontaine et de Boileau, qu’il dissuada, dit-on, l’un de mettre ses fables en vers, et l’autre de faire l’Art poétique.
Pour les uns, le génie a blanchi le caractère ; pour les autres, le caractère a noirci le génie. […] Elle vient donc clore son œuvre d’une manière intéressante et nous fera connaître en même temps les limites de son génie. […] Pour Wagner, c’est le génie de sensualité et de perdition, la séductrice de tous les temps. […] Un tel homme n’est pas capable de ressentir la colère… Que sont l’esprit et le génie en comparaison de cela ? […] Qu’il se montre, cet homme de génie qui doit placer la véritable tragédie, la véritable comédie sur le théâtre lyrique !
On trouve en lui tout ce qu’on peut attendre d’un génie heureusement né pour les vers, cultivé par la lecture des auteurs agréables, & formé sur-tout à l’école du monde. […] Il avoit cette dureté de caractère que souvent on contracte dans l’école, & cette érudition immense & sans choix qui est le tombeau du génie. […] Cet écrivain eut été plus judicieux, si, loin d’assigner des entraves au génie, de tant parler des règles établies, de crier qu’elles étoient toutes violées dans le Berger fidèle, il eut relevé les vrais défauts de cette pastorale. […] Ces taches sont rachetées par des étincelles de génie.
Quand le christianisme n’aurait donné à la poésie que le Paradis perdu ; quand son génie n’aurait inspiré ni la Jérusalem délivrée, ni Polyeucte, ni Esther, ni Athalie, ni Zaïre, ni Alzire, on pourrait encore soutenir qu’il est favorable aux Muses. […] Saint-Amand, presque vanté par Boileau, qui lui accorde du génie, est néanmoins inférieur à Coras. […] On a de la peine à concevoir comment un homme du génie du Camoëns n’en a pas su tirer un plus grand parti. […] Les hommes qui se consacrent au culte des Muses se laissent plus vite submerger à la douleur que les esprits vulgaires : un génie puissant use bientôt le corps qui le renferme : les grandes âmes, comme les grands fleuves, sont sujettes à dévaster leurs rivages.
Section 19, qu’il faut attribuer aux variations de l’air dans le même païs la difference qui s’y remarque entre le génie de ses habitans en des siecles differens Je conclus donc de tout ce que je viens d’exposer, qu’ainsi qu’on attribuë la difference du caractere des nations aux differentes qualitez de l’air de leurs pays, il faut attribuer de même aux changemens qui surviennent dans les qualitez de l’air d’un certain pays les variations qui arrivent dans les moeurs et dans le génie de ses habitans. Ainsi qu’on impute à la difference qui est entre l’air de France et l’air d’Italie, la difference qui se remarque entre les italiens et les françois, de même il faut attribuer à l’altération des qualitez de l’air de France la difference sensible qui s’observe entre les moeurs et le génie des françois d’un certain siecle et des françois d’un autre siecle. […] La cause de cet effet montre une activité à laquelle nous pouvons bien attribuer la difference qui se remarque entre l’esprit et le génie des nations et des siecles.
A-t-il la grande, la simple, la, sincère originalité du génie ? […] Ce n’est point un homme de génie que Proudhon ; il n’a pas même celui du style. […] Le génie du style n’est pas fait que de force et de correction ; il a de plus l’idéalité et la grâce. […] inférieur de génie comme de race. […] Je dis d’esprit, et non pas de génie.
Le génie de M. […] Il y a du génie là-dedans. […] Ici, la méthode a gâté le génie, mais le génie et la tradition ont vaincu la méthode. […] Il a la naïveté du génie et la naïveté de l’ignorance. […] Je suis le génie.
Je ne parle point des défauts de goût, des citations multipliées d’Homère, de la fureur d’exagérer, d’un luxe d’érudition qui retarde la marche fière et libre de l’éloquence, et annonce plus de lecture que de génie ; ce sont là les défauts du siècle plus que de l’orateur : mais il en a d’autres qui lui sont personnels. […] Si on regarde les talents, il eut plus de génie ; si on regarde le caractère, il eut plus de fermeté peut-être, et fut plus loin de cette bonté dont on abuse, et qui, voisine de l’excès, peut devenir une vertu plus dangereuse qu’un vice. […] Cette disposition était l’effet naturel de la fermentation des esprits, des malheurs des peuples, des grands intérêts politiques et religieux ; enfin de ce système des génies, imaginé ou puisé chez les Chaldéens par Platon, et renouvelé alors avec le plus grand succès. […] On ne peut presque pas douter qu’il n’ait cru aux génies. […] Alors le génie de l’empire lui parut triste et désolé, et la tête couverte d’un voile.
Bien des génies littéraires morts ou vivants ont évoqué, dans leurs œuvres, leur âme ou leur imagination devant nos yeux pendant des nuits de pensive insomnie sur leurs livres ; nous avons ressenti, en les lisant, des voluptés inénarrables, bien des fêtes solitaires de l’imagination. Parmi ces grands esprits morts ou vivants, il y en a dont le génie est aussi élevé que la voûte du ciel, aussi profond que l’abîme du cœur humain, aussi étendu que la pensée humaine ; mais, nous l’avouons hautement, à l’exception d’ […] Le poète de Mirèio est un André Chénier, mais c’est un André Chénier gigantesque qui ne tiendrait pas dans les Quadri où tient le génie du premier. […] Grec, comme André Chénier, par le génie, l’auteur de Mirèio a, sur André, tombé de son berceau byzantin dans le paganisme de son siècle, l’avantage immense d’être chrétien, comme ces pasteurs de la Provence dont il nous peint les mœurs et nous illumine les légendes. […] Quelques pièces dispersées çà et là, tantôt de belles imitations virgiliennes, tantôt des peintures directement inspirées de la nature provençale, furent ses premiers essais… Personne, disions-nous, ne regrette plus que lui la mollesse d’idées et de style qui a été si fatale au génie de ses aïeux.
De tous les Poëmes Latins qui ont paru successivement dans le genre didactique, il n’en est point qui, au jugement des Connoisseurs, annonce plus de génie, soit pour le dessein, l’ordonnance, la composition, les détails, soit pour l’expression & le coloris. […] Ainsi, Rubens laisse toujours l’empreinte de son génie, en offrant aux yeux l’agitation des Furies, ou le sourire des Graces. […] D’ailleurs cette espece de vol ne prouveroit que mieux son génie ; on ne pourroit en conclure autre chose, sinon qu’il a su se rendre propres des richesses étrangeres, par la maniere dont il les a mises en œuvre. […] Les plus heureux Génies ont besoin de secours pour croître & s’alimenter. […] Tous les célebres Ecrivains ont eu, pour ainsi dire, un Génie tutélaire qui a présidé à la composition de leurs Ouvrages, Il est cependant des précautions à prendre.
La stérile fécondité de son génie, la variété de ses connoissances, quoique superficielles, l’habitude du travail, cette promptitude avec laquelle il concevoit & exécutoit des plans d’ouvrages, & surtout son intelligence à tirer parti de ceux des autres, à partager le fruit de certaines productions auxquelles il n’avoit fait que présider & prêter quelquefois sa plume & son nom ; tous ces divers moyens l’empêcherent peut-être de sacrifier, comme tant d’autres à la bassesse & d’encenser les ridicules de la grandeur & de l’opulence. […] Il décrioit, autant qu’il étoit en sa puissance, les chefs-d’œuvre qu’il voyoit enfanter par ce génie universel. […] de Voltaire, étant remplie de ces traits de génie & de feu qui décèlent le grand maître. […] Quoique Sémiramis, Rome sauvée, l’Orphelin de la Chine, Tancrède, l’Essai sur l’Histoire générale, le Siècle de Louis XIV & la Pucelle, poëme dans le goût de l’Arioste pour l’invention & pour la singularité, n’eussent point encore paru du vivant de l’abbé Desfontaines, il avoit cependant assez vu de productions de ce génie brillant & fécond, pour avoir remarqué qu’il étoit aussi créateur. […] Le premier génie de la nation est celui qu’il maltraita le plus.
III Oui, se vanter — du fond de sa vieillesse de femme, — cet antre vide, — se vanter plus que d’avoir aimé, se vanter d’avoir été aimée, et avec les noms à l’appui, — tout au long, — des noms d’évêques, — de princes, — de littérateurs, — de savants, — de membres du Parlement d’Angleterre, couronnés enfin, tous ces noms, qui passent dans le grand défilé de la Revue des Morts, à minuit — par le nom d’un homme de génie, attaché, dans un ridicule immense, au pilori de ces Mémoires, cela ne devait-il pas suffire à l’inflammation de la tête d’une femme qui n’a jamais compris l’amour que comme Aspasie, et qui a toujours cherché son Périclès ? […] Au milieu de ces hommes aimés à tous les titres, et dont chacun a sa spécialité d’amour, évidemment le plus aimé de la collection, le plus aimé avec le plus de furie, avec le plus de passion vraie, — traversée pourtant (à ses jours) de libertinage, — c’est l’Anglais, cet Anglais que Mme George Sand appelle un délicieux Oswald, avec le petit claquement de langue du connaisseur ; mais le plus enivrant pour l’amour-propre du bas-bleu dépareillé, qui cherche sa moitié de génie, et le plus utile pour sa vieillesse future, c’est à coup sûr Chateaubriand ! […] Il est impossible de le présenter mieux au public comme une chose à soi, de mieux raconter cette liaison tout entière avec un homme qui tombe du haut de sa fierté et de son génie dans le plus bête de tous les amours ! […] Il tenait de l’enchanteresse Prudence ces détails qui l’enchantèrent, mais qui m’attristent, moi… quand ils me montrent l’auteur du Génie du christianisme, sur le tard de sa vie, en bonne fortune de cabaret, avec une maîtresse, et y chantant le Dieu des bonnes gens, de Béranger ! […] Mais, à défaut de respect, si Prudence, — puisque Prudence il y a, — avait eu le moindre brin de délicatesse, elle n’eût pas, par ses indiscrétions travaillées, dégradé ce vieillard de génie amoureux dont elle a dit d’une plume impertinente et corrompue « qu’il avait les dents belles et le transport agréable et amusant ».
Le génie de la figuration d’un peuple, qui dresse ce peuple tout vivant et le fait flamber par les différences en face des autres peuples, sur le fond d’une civilisation commune, ce génie spécial de la figuration qui est le génie de l’histoire, Dupont-White n’en a pas une lueur. […] Toujours est-il que, ce génie manquant, tout manque à l’esprit qui cherche le mot de ce grand mystère : le pouvoir politique, soit dans l’action, soit dans la contemplation de l’histoire. En effet, pour les hommes d’État qui sauvent les nations comme pour les historiens qui devinent ce qui pourrait ou ce qui eût pu les sauver, la première condition est de les connaître, de les aimer et de leur plonger dans le cœur ce regard perçant de la tendresse qui voit peut-être plus clairement que le génie.
Pierre Dupont, le poète, qu’un artiste, sympathique à son genre de génie, avait représenté dans l’exercice de ses fonctions de chansonnier. […] Et en effet, de génie spontané, d’impression première et même de nostalgie, de tête retournée vers les champs, M. […] Pierre Dupont, nous déplorions le travail funeste que les philosophies modernes ou les idées politiques du jour pratiquaient jusque sur les airains les plus solides en fait de génie, et nous en montrions le ravage ; mais quelle ne doit pas être cette influence quand elle s’exerce sur des esprits plus délicats que forts, comme celui de M. […] Pierre Dupont, qui joue à l’affamé, ne fera jamais comparer aux connaisseurs l’auteur du Myosotis et l’auteur des Véroniques, si ce n’est pour noter les différences de leurs deux génies. […] Dupont n’est pas, ainsi que le grand paysan de l’Écosse, un génie vraiment autochtone et primesautier comme les productions d’un sol qui, pour les donner, n’a pas besoin de, culture, mais un esprit qui s’est longtemps cherché avant de s’atteindre, qui a scié longtemps le marbre de la langue et du rythme avant d’y découvrir sa veine, brillant enfin dans les chansons !
Mon vigoureux génie, enfant de la licence, S’indigne des liens qu’au langage des dieux Imposa trop longtemps un goût injurieux. […] Il faut voir de quel air Despréaux est traité : Ce rimeur, se traînant dans l’ornière d’Horace, Prétendait à son tour régenter le Parnasse, Aux lois du sens commun soumettre l’art des vers ; Limiter le génie et lui donner des fers. […] Corneille, que soutient une vieille énergie, S’il n’était inégal n’aurait point de génie ; Et Molière lui-même eût été réformé, Si le Welche et l’Anglais ne l’avaient estimé. […] Vous me direz en vain que ce genre est bizarre ; Qu’il infesta Paris d’une école barbare ; Que, le maître excepté, ces nouveaux Lycophrons Devraient tenir séance aux petites-maisons ; Que, ne pouvant du maître imiter le génie, À défaut de sa verve, ils ont pris sa manie ; Que, pour être immortel, il faut du sens commun, Et que les temps futurs n’en connaîtront pas un. […] Je n’attaque en rien le mérite de Madame de Staël, je rends hommage à son génie ; j’honore sa mémoire, et ne la considère ici que comme une des plus ardentes instigatrices d’un genre de littérature que repousse la sévérité du goût français.
Comment purent-ils conserver leur génie dans leur malheur ? […] À nous, ce vieux génie narquois et vengeur de la vieille France ! […] Il a séduit le génie lui-même. […] Ces personnages sont les fils de son génie. […] À ce jeu, une nation perdrait, en moins de cent ans, son originalité et son génie.
On voit là tout ce que le génie de Goethea pouvait produire quand il était passionné. […] Si nous devions condamner absolument Byron sur ses paroles et sans vraiment le comprendre, il nous faudrait condamner absolument et Voltaire et Rousseau, et tout le Dix-Huitième Siècle, et toute la Révolution, qui ont éveillé la fièvre de son génie, et donné à son sang cette impulsion généreuse mais désordonnée. […] La grande cause qui a fait produire Werther à Goethe, c’est cette double impulsion de la France et de l’Allemagne dont nous parlions tout à l’heure ; c’est la lutte dans son esprit de deux puissants génies, venus l’un du Midi, l’autre du Nord. […] Un génie intermédiaire, et qui participe des deux tendances, c’est Rousseau. […] Goethe, élevé entre la France et l’Allemagne, le sent, et il n’ose s’abandonner complètement au génie de son pays.
Son génie est énervé sous la plume Académicienne, qui ne montre que de l’esprit où il faudroit de la vigueur, du naturel, de la simplicité, de l’élévation. […] Mais pour cela, outre la souplesse du génie, il faut de la patience : vertu qui manque plus que le génie aux François, & qui manque sur-tout aux Traducteurs ; car tout Ecrivain ne fait effort qu’à proportion de la gloire qu’il se promet de son Ouvrage ; & comme les Traducteurs savent que le préjugé du Public n’attache qu’une gloire médiocre à leur travail, aussi sont-ils sujets à ne faire que des efforts médiocres pour y réussir. » Après avoir condamné la maniere de traduire de Tourreil, on doit rendre justice aux deux Préfaces excellentes qu’il a mises à la tête de sa Traduction.
Le mal, au reste, n’est pas bien grand pour ces sortes de génies, s’ils savent de bonne heure, abjurant l’apparence, se placer au point de vue du vrai, et il conviendrait de les féliciter, plutôt que de les plaindre, de cette obscurité prolongée où ils demeurent. […] Ainsi pour les génies vigoureux atteints du froid oubli dès leur virilité. […] Génie ardent, erroné, intercepté si jeune avant le retour et englouti par le gouffre ! […] Sénancour a plus d’un trait fraternel qui l’unit à vous, génie dévié avec l’un, génie entravé avec l’autre, exemple pareil d’un inexplicable naufrage, d’un achoppement boiteux de la destinée. […] Il peut être probe, bon, industrieux, prudent ; il peut avoir des qualités douces et même des vertus par réflexion ; mais il n’est pas homme ; il n’a ni âme ni génie.
La mission du dramaturge de génie n’est pas de mettre les badauds en effervescence. […] Qu’est donc — puisqu’enfin nous ne l’avons pas défini — ce génie qui n’est ni névrose, ni patience, ni miracle ? […] Or, il est trop clair, nous ne pouvons reconnaître de génie qu’aux artistes de la première de ces catégories ; l’étymologie et la raison sont ici d’accord : le génie, c’est la faculté de créer. […] L’enfant crée de la sorte une foule d’idées ; il a du génie ; chaque mère en est sûre, et elle a raison. […] Le génie est d’avoir l’idée : celle-ci crée d’elle-même le seul vêtement qui lui soit propre.
Le génie n’est pas fait pour le génie, il est fait pour l’homme. Le génie sur la terre, c’est Dieu qui se donne. […] Montre-moi ton pied, génie, et voyons si tu as comme moi au talon de la poussière terrestre. […] Qui ne suit pas cette loi peut être un génie, mais n’est qu’un génie de luxe. […] Le génie qui ne se court pas, fût-il gracieux, est difforme.
Mais expliquez-moi ce que vous entendez par génie à grande extension ? […] Pictet ne le range dans les aberrations du génie. […] Mais Goethe aima Schiller, ce génie si différent du sien. […] Le génie n’est pas une caste dont aucun de tes membres doive être exclu. […] Ces deux scènes résument les deux faces du génie de Mickiewicz, le génie du récit dramatique, et le génie de la poésie philosophique.
Napoléon, à l’ouverture de la campagne de 1815, résolu à prendre l’offensive plus conforme à son génie et à celui de son armée, avait l’œil sur la frontière du Nord ; il y voyait Wellington et Blücher déjà prêts et unis, mais non tellement unis, quoique fort rapprochés, qu’on ne pût pénétrer entre eux et les couper dans la ligne même de soudure. […] Le merveilleux et rajeuni capitaine de 1814, que son foudroyant retour de l’île d’Elbe avait montré plus présent de génie et de hardiesse que jamais, a-t-il failli et s’est-il ralenti en juin 1815 ? […] A-t-il été jusqu’au bout le premier des guerriers par la tête comme par l’épée, et s’est-il retiré, est-il tombé du théâtre de l’histoire dans sa plénitude de génie militaire, et avec le sacre du malheur en plus ? […] Lafatalité, pour des esprits qui ne se payent pas de vains mots et d’idoles, c’est une suite inévitable de grandes ou petites causes ajoutées et combinées qui peuvent déjouer à la longue la volonté la plus supérieure et tout le génie humain. […] Au reste, il ne s’agit pas de charger en rien Ney, le brave des braves, mais d’expliquer la suite des faux pas, des malentendus dont un ou deux, ou trois encore, eussent été réparables, mais qui, en s’ajoutant tous, en s’accumulant opiniâtrement et sans relâche jusqu’à la fin, comblèrent la mesure et firent mentir dans ses calculs les plus profonds et les plus justes le génie moderne des combats.
Doué d’un génie intérieur qui rencontre difficilement son expression, il s’est de bonne heure voué à d’immenses travaux préparatoires, et, pour arriver à un but élevé, il n’a pas craint les longs et pénibles détours. […] Quelque part ce vers douloureux lui a échappé : Il est dur d’être seul à sentir son génie. Mais non ; malgré les grandes parties de génie qui lui manquent, M. […] J’ignore si ce peut être un adoucissement pour les défaites du poëte ; mais je sais qu’en le lisant on se console de ne pas obtenir la gloire dans les arts, lorsqu’on voit combien ont souvent de génie enfoui et rebelle, combien de laborieuses douleurs subissent ceux même qu’elle ne devra pas couronner. […] Son intime ami Émile Deschamps, à qui nous devons quelques-uns de ces détails particuliers, l’a défini ainsi, tel qu’il était dans son meilleur temps et dans la saison des espérances. « Génie poétique, cœur ingénu, ayant du bel esprit dans la région du sublime. »
Il honore les génies, et au besoin, méconnus, il les salue, ignorés, il les constate, persécutés, il les venge, insultés, il les couronne, détrônés, il les replace sur leur piédestal, il les vénère, mais il ne vient pas d’eux. […] Étant génie, il fraternise avec les génies. […] Oui, génies, oui, poètes, philosophes, historiens, oui, géants de ce grand art des siècles antérieurs qui est toute la lumière du passé, ô hommes éternels, les esprits de ce temps vous saluent, mais ne vous suivent pas ; ils ont vis-à-vis de vous cette loi : tout admirer, ne rien imiter. […] Aucun génie actuel ou possible ne vous dépassera, vieux génies, vous égaler est toute l’ambition permise ; mais, pour vous égaler, il faut pourvoir aux besoins de son temps comme vous avez pourvu aux nécessités du vôtre.
I S’il y a, comme je le crois, du génie dans M. […] Le génie tout seul, quand il se manifeste » sous quelque forme et sous quelque influence que ce soit, a toujours contre lui, de cela seul qu’il est le génie, toute la foule des médiocres et des imbéciles, qui n’en comprennent pas la beauté. […] quand à cet arcane du génie se joint l’arcane d’un sentiment religieux qui fut autrefois une chose vivante, même lorsqu’elle était haïe, mais qui est devenue une chose méprisée, indifférente, presque détruite et de plus en plus incompréhensible, on reste incompréhensible comme elle. […] Ni Saint Augustin, ni Saint Denys l’Aréopagite, ni Saint Chrysostôme, ni aucun des Pères de l’Église — qui furent les plus grands esprits de l’humanité — dont nous savons les noms, mais dont nous ne lisons plus les ouvrages, ne trouveraient maintenant une miette de gloire à ramasser pour leur génie, — ce génie qui fut consubstantiel à leur foi.
L’auteur de La Papesse Jeanne, et son consubstantiel traducteur, se croit un génie ambidextre. […] je consens très bien à ce que la Critique soit très large avec le génie. Je suis de ceux qui croient qu’il peut tout, s’il n’a pas le droit de tout, et qu’il reste encore le génie en faisant une scélératesse. […] … Mais, dans La Papesse Jeanne de Rhoïdis, il n’y a ni génie ni scélératesse, quoique l’intention scélérate y soit, et même y soit la seule chose qui y brille. […] , et je les dispense, et ils peuvent se dispenser très bien, de lire la dissertation qui précède mon roman et les notes qui l’accompagnent. » Quel ton superbe de dandy, qui ne tient pas plus à sa science, qu’il croit énorme, que lord Byron ne tient à son génie dans quelques-unes de ses préfaces !
Grâce aux renseignements qu’on y trouve, nous savons à présent, avec plus de détails que jamais, l’heure officielle et la date précise de l’abdication du grand homme, mais les motifs décisifs et suprêmes de cette abdication, qui fut un long dessein dans cette méditative pensée, nous ne les savons pas plus que nous ne les savions hier, en lisant Robertson ; et nous voilà presque tenté, pour y comprendre quelque chose, de retourner à l’hypothétique dialogue de Sylla et d’Eucrate, cette stérile partie de raquette jouée par le génie jongleur de Montesquieu ! […] il faut bien le dire, du génie à la Zurbaran sous son capuchon. […] Si le politique Charles-Quint, mi-parti d’Autrichien, de Flamand, de Bourguignon, et dont le génie, mêlé au génie de plusieurs races, était écartelé comme son blason impérial, si ce Charles-Quint ne fut pas un moine et ne songea jamais à l’être, malgré la piété très profonde de toute sa vie, l’Espagne était, elle, qu’on nous passe le mot, une nation moine (una monja), et tellement moine d’éducation, d’habitude et de préjugés, que c’est à l’influence de cette nation cloîtrée dans des mœurs religieuses comme il n’en avait peut-être existé nulle part, que Charles-Quint dut ces impulsions monastiques dont la philosophie a été la dupe, et qui étaient parfaitement contraires à la nature positive et tout humaine de son génie. […] C’est peut-être la meilleure raison à donner de la médiocrité d’aperçu d’un ouvrage sur un sujet qui, plus que tout autre, aurait exigé de l’écrivain, assez hardi pour y toucher, cette sagacité supérieure, qui est le vrai génie de l’histoire.
Voltaire ne serait pas Voltairien, et nous ne le verrions pas si docilement se ranger parmi les moutons de Panurge de son génie ! […] Jusqu’ici Voltaire n’avait été vu, il n’avait été contemplé qu’à travers sa gloire et les crimes de son génie. […] Louis Nicolardot n’a vu que cela, lui, la moralité de Voltaire, dans cette biographie qui ne touche pas à son génie, mais qui veut seulement en infirmer l’action en lui opposant l’indignité et l’abjection du caractère. Il y a plus ; dans cette biographie atroce, mais juste, le génie de Voltaire nous apparaît par des côtés imprévus et presque inconnus, et que l’honneur de ce livre impartial, malgré sa cruauté, sera d’avoir éclairés. […] Son génie, qui fut tout action, pose ici admirablement dans son action même, et les soixante volumes qu’on a de lui, et qui ne sont pas ses plus grands chefs-d’œuvre, ne valent pas, pour bien s’attester sa valeur réelle et suprême, cette chronique pied à pied, — cette espèce de livre de loch de sa vie où l’historien et le flibustier apportent l’un son masque, l’autre sa plume et sa plaisanterie taillée en stylet.
S’il avait éclaté d’idéal, s’il avait porté cette marque brillante et délicate du Génie, il attendrait probablement encore, obscur et dédaigné, sa pauvre heure de gloire (Milton, hélas ! […] Tel est l’honnête commerce de l’honnête Tchitchikoff ; tel est l’odieux fripon auquel le triste génie de Gogol a cru donner une friponnerie amusante ! […] L’imitation est le génie de la Russie. […] Ils l’ont appelée : « le génie cosmopolite de la Russie », et ils ont raison… Rien n’est plus cosmopolite que l’imitation ! […] Manière de travailler qui, seule, le classerait à un rang presque subalterne ; car l’Inspiration n’a pas pour procédé de tendre la main, quand cette main est celle du talent, ou le chapeau, qui est plus grand que la main, quand cette main est celle du Génie !
S’ils n’ont rien fait, ils se persuadent que le génie les attend, et que pour être célèbres, il ne leur manque que la volonté. […] Tous les objets dont on s’y occupe sont grands, et en même temps sont utiles ; c’est l’empire des connaissances humaines ; c’est là que vous voyez paraître tour à tour la géométrie qui analyse les grandeurs, et ouvre à la physique les portes de la nature ; l’algèbre, espèce de langue qui représente, par un signe, une suite innombrable de pensées, espèce de guide, qui marche un bandeau sur les yeux, et qui, à travers les nuages, poursuit et atteint ce qu’il ne connaît pas ; l’astronomie, qui mesure le soleil, compte les mondes, et de cent soixante-cinq millions de lieues, tire des lignes de communication avec l’homme ; la géographie, qui connaît la terre par les cieux ; la navigation, qui demande sa route aux satellites de Jupiter, et que ces astres guident en s’éclipsant ; la manœuvre, qui, par le calcul des résistances et des forces, apprend à marcher sur les mers ; la science des eaux, qui mesure, sépare, unit, fait voyager, fait monter, fait descendre les fleuves, et les travaille, pour ainsi dire, de la main de l’homme ; le génie qui sert dans les combats ; la mécanique qui multiplie les forces par le mouvement, et les arts par l’industrie, et sous des mains stupides crée des prodiges ; l’optique qui donne à l’homme un nouveau sens, comme la mécanique lui donne de nouveaux bras ; enfin les sciences qui s’occupent uniquement de notre conservation ; l’anatomie par l’étude des corps organisés et sensibles ; la botanique par celle des végétaux ; la chimie par la décomposition des liqueurs, des minéraux et des plantes ; et la science, aussi dangereuse que sublime, qui naît des trois ensemble, et qui applique leurs lumières réunies aux maux physiques qui nous désolent. […] Il semble qu’on soit admis dans l’atelier du génie, qui travaille en silence à perfectionner la société, l’homme et la terre. […] Vous voyez les parents, calculant la fortune, contredire le génie, et le génie indomptable surmonter tout. […] Si vous les comparez par leur état, vous trouvez, dans cette liste, des militaires qui ont uni les sciences avec les armes, des médecins qui, forcés d’être instruits pour n’être pas coupables, autant par devoir que par génie, sont devenus grands ; des religieux qui, privés par leur état même de toutes les passions, s’en sont fait une dont l’activité a redoublé par le retranchement des autres ; enfin un certain nombre d’hommes qui, jaloux d’être libres, n’ont voulu pour eux d’autre état que celui de s’instruire, et d’autre rang que celui d’éclairer.
Ainsi, Corneille, qui aurait pu être un génie universel, ne fut que le poète d’une société et d’une époque. […] Telle est l’excuse de Corneille, s’il fut moins grand, moins humain, que son génie l’eut sans doute porté à l’être. […] Voilà l’influence de la Réforme qui recommence la lutte contre le génie de la Renaissance ! […] Le Génie du Christianisme avait donné, pour ainsi dire, la recette d’une littérature catholique. […] Il eut cependant comme tous les génies hors ligne beaucoup de peine à arriver.
Quel rang doit occuper Rabelais parmi les hommes de génie de notre pays. […] L’athéisme, en France, n’a pas d’homme de génie dans sa tradition. […] La langue de Rabelais est une langue de génie. […] Quel rang doit occuper Rabelais parmi les hommes de génie de notre pays. […] Mais s’il y a des rangs divers pour les hommes de génie, Rabelais ne doit pas être mis au premier.
Le mot fécond convient plus au génie qu’à la plume. […] On a dit que les Poëtes étoient animés d’un feu divin, quand ils étoient sublimes : on n’a point de génie sans feu, mais on peut avoir du feu sans génie. […] Le génie de cette langue est la clarté & l’ordre : car chaque langue a son génie, & ce génie consiste dans la facilité que donne le langage de s’exprimer plus ou moins heureusement, d’employer ou de rejetter les tours familiers aux au’res langues. […] On dit en fait d’arts, heureux génie, & jamais malheureux génie ; la raison en est palpable, c’est que celui qui ne réussit pas, manque de génie absolument. […] c’est ce don que l’on appelle génie ; c’est-là qu’on a reconnu quelque chose d’inspiré & de divin.
De l’influence personnelle de Louis XIV sur le génie et les travaux de Bossuet. — § IX. […] Le génie avait parlé en eux bien avant que Louis XIV fût roi et que la nation eût connu son goût. […] Tel fut le Menteur, ce premier crayon de la comédie qui devait révéler à Molière son génie. […] De l’influence personnelle de Louis XIV sur le génie et les travaux de Bossuet. Le plus grand de ces trois prédicateurs, Bossuet, fut celui dont le génie s’ajusta le mieux au génie de Louis XIV.
Il était l’homme de l’instinct, du génie naturel, des penchants divers et abandonnés ; on le pourrait définir le plus naturel des hommes, et qui n’avait toute sa réflexion que quand il rêvait. […] La chute de Fouquet fit toutefois éclater le génie et le cœur de La Fontaine. […] C’est dans le second recueil, dans celui de 1678, que La Fontaine me paraît avoir atteint à toute la plénitude et la variété de son génie sous la forme à la fois la plus animée, la plus légère et la plus sévère. […] C’est qu’il en est sorti, c’est qu’il se l’est approprié et n’y a vu, à partir d’un certain moment, qu’un prétexte à son génie inventif et à son talent d’observation universelle64. […] [NdA] « La Fable n’était, chez La Fontaine, que la forme préférée d’un génie bien plus vaste que ce genre de poésie », a dit M.
La centralisation tue le génie particulier, caractéristique. […] Et le génie tient la foule ! […] Car, où sont les génies ? où est le génie ? […] Il est certain que le génie latin s’est singulièrement dépravé au contact des génies teuton, slave et saxon.
À leur place se dresse l’homme de génie universel, tranquille et olympien. […] Il ne ressemble en rien à un « génie objectif ». […] Là, son génie assoupi se réveille dans tout son éclat, ou même avec un éclat nouveau. […] Le secret de tels amalgames, c’est celui même du génie, qui ne le livre pas. […] Son génie lui donnait peut-être quelque droit à l’obtenir.
Ou, sous prétexte que les œuvres supérieures sont les plus expressives, l’histoire de la littérature doit-elle être seulement l’histoire des grandes individualités, des génies et des talents exceptionnels qui rayonnent dans l’ombre du passé ? […] Ensuite, on oublie qu’entre génie et talent il y a différence de degré, non de nature ; ou, si l’on aime mieux une formule plus claire, qu’à toute époque l’originalité, la faculté d’innover, le don de créer sont répartis à doses inégales parmi beaucoup de personnes, au lieu d’être concentrés en deux ou trois seulement. […] Suffit-il qu’il ait du génie ? […] Mais, en ce cas, il est méconnu ; il s’épuise en efforts stériles ; s’il vit en un temps où les passions sont exaltées, il est écrasé, broyé, foulé aux pieds ; s’il a la chance de vivre en des jours plus calmes, il est raillé, dédaigné, condamné à l’obscurité, et il va grossir la longue liste des génies incompris.
La postérité aura peine à croire que le même génie qui a brillé dans tant de négociations importantes, ait pu se pénétrer assez de tous les genres de Littérature, pour prononcer avec tant de justesse sur les meilleurs Poëtes anciens & modernes. Les Réflexions sur le génie d’Horace, de Despréaux, & de Rousseau, sont un prodige de sagacité, comme un modèle de critique. […] Après avoir analysé le génie du Poëte d’Auguste, M. le Duc de Niv** prend sa lyre, & en tire des sons qu’Horace lui-même n’eût point désavoués ; on ne s’apperçoit pas que cet instrument ait changé de main, en passant dans les siennes.
L’homme de génie universel a pour contemporains tous ceux qu’il admire : c’est la société des fidèles à travers les temps. […] Innocent I, au lieu d’honorer dans Pétrarque le génie littéraire, ne voyait pas, dit-on, ses talents sans un soupçon de sorcellerie. […] Cet engouement et ce dédain dureront ce que durent les caprices de la postérité (car elle en a) ; puis viendra une troisième et dernière postérité qui remettra chacun à sa place, Dante au sommet des génies sublimes, mais disproportionnés, Pétrarque au sommet des génies parfaits de sensibilité, de style, d’harmonie et d’équilibre, caractère de la souveraine beauté de l’esprit. […] Jamais nom de femme n’eut pour monument un tel cœur, un tel génie et de tels vers ! […] En un mot, si Pétrarque n’avait eu que du génie, que serait-il ?
Le feu de la gaieté ne consume pas comme le feu du génie. […] Octave et Antoine furent vainqueurs ; le génie de César assassiné combattait avec eux contre ses meurtriers. […] Horace et Virgile s’aimaient sans aucune jalousie l’un de l’autre ; leur génie était égal, mais si divers qu’ils ne pouvaient se comparer. […] Par cette mort, Tibère, redouté d’Auguste, devenait son successeur naturel ; le sombre génie de Tibère attristait d’avance Auguste et Rome. […] L’amabilité, voilà le génie qui préside à la vie comme à la poésie de l’ami de Mécène.
Un sentiment plus grave, plus recueilli, a inspiré ces courts et rares essais consacrés à des génies contemporains. […] Nous devons avouer pourtant que, dès cette époque, le génie libre et malin de l’enfant se trahissait par des saillies involontaires. […] Le patriotisme de son adolescence ne l’abandonna jamais ; mais ses sentiments ne se tournaient qu’avec réserve vers l’homme de génie qui touchait déjà à l’empire. […] Le Jour des Morts, la plus grave erreur, et l’une des plus anciennes, de sa première manière, était une concession de faux respect humain à cette gaieté de rigueur qui circule à la ronde, une désobéissance dérisoire et presque sacrilège à la voix de son cœur et de son génie. […] On a essayé dans les vers suivants, qui lui sont adressés, de faire saillir cette loi progressive de son génie, et de montrer en même temps combien toutes choses sur la scène du monde étaient disposées pour sa venue.
Les poëtes primitifs, fondateurs, originaux sans mélange, nés d’eux-mêmes et fils de leurs œuvres, Homère, Pindare, Eschyle, Dante et Shakspeare, sont quelquefois sacrifiés, préférés le plus souvent, toujours opposés aux génies studieux, polis, dociles, essentiellement éducables et perfectibles, des époques moyennes. […] Pour le comprendre, l’esprit du spectateur découvre sans peine et monte avec une sorte d’orgueil paisible l’échelle d’idées par laquelle a passé le génie de l’artiste. […] Animé par la jeunesse et l’amour de la gloire, aiguillonné à la fois par ses admirateurs et ses envieux, il se livra tout entier au développement de son génie. […] A cela près, ou plutôt même à cause de l’omission, ce délicieux poëme, si parfait d’ensemble, si rempli de pudeur, de soupirs et d’onction pieuse, me semble le fruit le plus naturel qu’ait porté le génie de Racine. […] Si les esprits supérieurs, les génies à pic, ne prêtent pas pied à divers degrés aux esprits inférieurs, ils en portent un peu la peine, et ne distinguent pas eux-mêmes les différences d’élévation entre ces esprits estimables, qu’ils voient d’en haut tous confondus dans la plaine au même niveau de terre.
Cette version dans laquelle le génie du Poëte italien reprenoit une nouvelle vie, fut le titre de sa réception à l’Académie Françoise. […] Il y a mis une suite, des liaisons, & même ajouté diverses idées, mais qui ne déguisent point trop le génie italien. […] Par-tout on voit une force, une vivacité de coloris, qui annonce l’art & le génie. […] Mais le génie italien y est moins conservé que dans la premiére traduction, & l’exactitude même à rendre le sens de l’original n’est pas si entiere. […] Tous ses ouvrages sont remarquables par ce caractère de vérité, de simplicité & de naturel qui sont le sceau du génie.
On eût cru commettre une sorte de profanation en appliquant, à des drames qu’on jugeait informes et grossiers, les mots de génie et de gloire. […] Mais partout où se sont rencontrés leurs principaux caractères, le théâtre s’est élevé ; et ni les hommes de génie n’ont manqué au public, ni le public aux hommes de génie. […] Il ne manquait à ce mouvement national qu’un homme de génie, capable de le recevoir et d’élever à son tour le public vers les hautes régions de l’art. […] Quel jour soudain éclaira son génie ? […] C’est le propre d’un tel système d’échapper, par son étendue, à la domination d’un génie spécial.
Vers ce même temps, et non plus dans l’ordre de l’action, mais dans celui du sentiment, de la méditation et du rêve, il y avait deux génies, alors naissants, et longuement depuis combattus et refoulés, admirateurs à la fois et adversaires de ce développement gigantesque qu’ils avaient sous les yeux ; sentant aussi en eux l’infini, mais par des aspects tout différents du premier, le sentant dans la poésie, dans l’histoire, dans les beautés des arts ou de la nature, dans le culte ressuscité du passé, dans les aspirations sympathiques vers l’avenir ; nobles et vagues puissances, lumineux précurseurs, représentants des idées, des enthousiasmes, des réminiscences illusoires ou des espérances prophétiques qui devaient triompher de l’Empire et régner durant les quinze années qui succédèrent ; il y avait Corinne et René, Mais, vers ce temps, il y eut aussi, sans qu’on le sût, ni durant tout l’Empire, ni durant les quinze années suivantes, il y eut un autre type, non moins profond, non moins admirable et sacré, de la sensation de l’infini en nous, de l’infinienvisagé et senti hors de l’action, hors de l’histoire, hors des religions du passé ou des vues progressives, de l’infini en lui-même face à face avec nous-même. […] Il y eut Oberman, le type de ces sourds génies qui avortent, de ces sensibilités abondantes qui s’égarent dans le désert, de ces moissons grêlées qui ne se dorent pas, des facultés affamées à vide, et non discernées et non appliquées, de ce qui, en un mot, ne triomphe et ne surgit jamais ; le type de la majorité des tristes et souffrantes âmes en ce siècle, de tous les génies à faux et des existences retranchées. […] génies gauches, malencontreux, amers ; poètes sans nom ; amants sans amour ou défigurés ; toi, Rabbe, qu’une ode sublime, faite pour te consoler, irrita ; toi, Sautelet, qui méditais depuis si longtemps de mourir ; et ceux qui vivent encore, et dont je veux citer quelques-uns ! […] (Depuis l’espèce de résurrection que nous avons tentée d’Oberman, les admirateurs n’ont pas manqué à ce morne et triste génie ; il faut mettre en tête George Sand, qui a honoré la troisième édition d’une préface.
Très inférieur à Daniel de Foe par le génie, Swift a cette ressemblance avec Daniel de Foe qu’il n’est guères célèbre maintenant que par son Voyage en Lilliput, comme Daniel par son Robinson Crusoé ; mais, comme Foe, il n’a pas laissé sous les yeux indifférents des hommes qui ne lisent point un tas de chefs-d’œuvre : les Mémoires du capitaine Carleton, la Vie de Roxane, l’Histoire d’un cavalier, le Colonel Jacques, l’Histoire politique du Diable, etc., etc. […] Exemple de plus de ce manque de respect si fréquent envers son propre génie qu’on paye de plus que de son sang, car on le paye avec son immortalité. […] Pour être poète, dit le terrible et opiniâtre railleur, qui ne se déferre jamais de sa plaisanterie effrayante de vulgarité, il faut d’abord « ne pas croire à Dieu et lire la Bible pour y prendre des métaphores ; — ne rien savoir, puisque les plus beaux génies de ce temps n’ont pas, en connaissances, de quoi couvrir une pièce de six pence au fond d’une cuvette ; — traiter tous les auteurs comme des homards, dont on choisit le meilleur dans la queue et dont on rejette le reste au plat ; — avoir toutes prêtes des comparaisons comme le cordonnier a ses formes ». […] Doué d’une indéniable puissance, de la force d’application anglaise, il avait une originalité profonde et laborieuse, mais il avait le génie aussi sec que le cœur. […] Si le bon sens suffisait pour être un homme de génie, Swift l’eût été, mais il faut plus, pour la gloire de la pensée et même pour le bonheur de la vie.
Le désir qu’il ressent de se pénétrer lui-même a le plus exercé son génie. […] Ces tristes combats profiteront à son génie. […] À chaque pas ; le feu de la verve rappelle celui de l’esprit, du génie : on dit, les pas que fait l’esprit, la marche, les pas du génie. […] Sont-ce des génies d’un monde supérieur ? […] Le sentiment et le style sont le génie de l’un ; l’élévation des choses et l’étendue des plans, le génie de l’autre.
Voyez, le siècle débute par le Génie du Christianisme ; et à la suite de ce livre naît toute une génération d’auteurs qui vivent de son inspiration. […] Il est tout simple que la verdoyante Écosse, qui conserve, toute fraîche et toute vivante, la tradition de ses clans et de ses petites guerres civiles, et où il reste mille traces du Moyen-Âge qui n’est pas remplacé pour elle, ait donné au monde un génie conteur et original, ami des traditions merveilleuses et des peintures du Moyen-Âge. […] C’est une parure de leur génie, à travers laquelle percent le doute et l’incrédulité, comme l’orgueil d’Antisthène perçait à travers les trous de son manteau. […] D’ailleurs il se livre rarement à cette contemplation ; son génie le porte à individualiser la vie, c’est-à-dire à peindre toutes les formes de ce qu’on appelle la matière et de ce qu’on appelle l’esprit ; à peindre des portraits, des caractères et des passions. […] L’autre prend l’Humanité comme un spectacle varié et infini, comme un théâtre pour faire briller la force de son génie.
Le génie de Pascal se forma d’abord, comme celui de Descartes, seul et sans secours. […] Ce fut la plus illustre marque de l’excellence de cette méthode, qu’un homme de génie, Pascal, n’y trouva rien à changer. […] Le génie du moraliste s’était révélé de bonne heure en lui par un goût très vif pour les livres où l’on traite de l’homme. […] Que pouvait donc faire Pascal qui fût plus digne de son génie que ce qu’il a fait ? […] Inventer est l’œuvre du génie.
Cet examen de ses propres sensations, fait par celui-là même qu’elles dévorent, refroidirait l’intérêt, si tout autre qu’un homme de génie voulait le tenter. […] Wieland a très bien développé, dans son Pérégrinus Protée, les inconvénients de cet enthousiasme factice, si différent de l’inspiration du génie. […] Parmi leurs écrivains, ceux qui ne possèdent pas un génie tout à fait original, empruntent, les uns les défauts de la littérature anglaise, et les autres ceux de la littérature française. J’ai déjà tâché de faire sentir, en analysant Shakespeare, que ses beautés ne pouvaient être égalées que par un génie semblable au sien, et que ses défauts devaient être soigneusement évités. […] Leur génie leur inspire souvent les expressions les plus simples pour les passions les plus nobles ; mais quand ils se perdent dans l’obscurité, l’intérêt ne peut plus les suivre, ni la raison les approuver.
Chapitre V La Fontaine 1 La Fontaine, son caractère ; sources et formation de son génie poétique. — 2. […] On voit de quels éléments est formé le génie de La Fontaine, et ce qu’y peuvent revendiquer toutes les influences extérieures et antérieures. […] C’est tout juste le contraire de ce qu’on attendrait d’un génie naturel et facile : la poésie de La Fontaine est l’œuvre de sa maturité déjà avancée. […] Il n’y a rien d’inconscient dans son génie ; il est tout clair, avisé, réfléchi ; et il faut qu’il ait nettement conçu et la qualité de son naturel et le caractère de son idéal pour les réaliser dans des œuvres parfaites. […] On s’est demandé souvent par quel effort de génie il avait su porter si haut un genre si mince : c’est tout simplement qu’il l’a ajuste à sa taille.
D’autres sont placés plus haut ; mais il se trouve que Lejeune-Dirichlet, l’élève de Gauss, et qui n’est pas son égal pour le génie, est précisément avant lui. […] Broca, les hommes de génie sont rares partout ; il n’est pas probable qu’il en soit mort cinq en cinq ans, rien qu’à l’université de Gœttingue. » La possession d’une chaire universitaire ne prouve pas nécessairement le génie. […] Broca dit qu’il ne faudrait faire entrer en ligne de compte que les génies créateurs et originaux. […] On peut donc être un génie créateur de premier ordre sans avoir besoin de tant de cerveau. […] Il y a encore un nom illustre auquel on ne peut refuser le génie, c’est Dupuytren ; or il n’est que le 52e, et son cerveau est inférieur de 450 grammes à celui de Cuvier.
Mais l’Italie compense largement cette pauvreté par l’individualité puissante de ses génies et par la Renaissance […] Dante appartient encore au lyrisme par l’œuvre de sa première jeunesse, la Vita nuova ; mais son génie est surtout épique ; avant l’exil déjà, il a conçu l’idée de la Divine Comédie. […] Sa découverte de l’antiquité semble miraculeuse et ne s’explique que par le génie italien, par les malheurs mêmes de ce génie qui, dépouillé de toute vie nationale, se replie sur lui-même et se crée un monde nouveau dans le domaine de l’esprit. […] Il est encore en partie tourné vers le moyen âge ; son œuvre est à moitié latine et ascétique ; mais son geste montre l’aurore et répond si bien à l’esprit de son peuple, qu’en 1341 un maître d’école aveugle suit ses traces de ville en ville, pour le rejoindre enfin et baiser la main du génie libérateur. […] Quant à D’Annunzio, tempérament essentiellement lyrique, il violente et fausse son génie : dans une recherche effrénée du succès, il suit la mode, du roman d’abord, du théâtre ensuite, et aboutit, lui le grand artiste, à des œuvres informes31.
Brumoy possédoit trop supérieurement l’esprit d’analyse, le génie de la traduction, les finesses du goût, pour pouvoir être facilement égalé par des Littérateurs qui n’ont eu ni autant d’application que lui, ni autant d’avantage du coté du sujet. […] Il n’appartient qu’au génie d’égaler le génie ; & la médiocrité ou le monstrueux sont ordinairement le partage de ceux qui, sans mission, veulent figurer sur la Scene, qui n’admet que les grands Maîtres.
Chateaubriand. — Le Génie du christianisme. […] Sa parole est magistrale comme son génie. […] Les choses étaient donc merveilleusement disposées pour l’omnipotence de Bonaparte : la situation convenait à son génie, comme son génie à la situation. […] Il déploya donc pour ce peuple les ressources d’un génie fécond en surprises. […] C’est l’âge philosophique du génie poétique de
Savoir la marche est chose très unie ; Jouer le jeu, c’est le fruit du génie. […] Les exemples manquent-ils donc, soit d’ignorants chez qui la propriété est de génie, soit d’ouvrages de puristes où la langue bronche à chaque instant ? […] Elle ne lui est nulle part plus fidèle que dans les pièces légères, son véritable génie, comme la Henriade est sa prétention. […] Et pourtant Gilbert, aigri, repoussé, satirique par rancune plutôt que de génie, est clairvoyant, par cela seul qu’il s’entête à ne pas voir comme ses contemporains. […] Tandis que la jeunesse d’André Chénier était doucement occupée de ces trois amours, la lecture des bucoliques grecs l’avertit de son génie pour l’idylle.
Mais ils ne lui avaient point ôté la poésie de ses énormités, l’effet pittoresque de ses horreurs, le génie colossal de ses inventions. […] Parmi ces faits, qu’il faut aller prendre où ils sont et ne pas chercher dans une analyse trop rapide, il en est un pourtant que je signalerai, parce qu’il sent réellement le génie de la découverte. […] Du reste, ce qui manque principalement à tous ces chefs de la Révolution française, à des degrés différents, il est vrai, mais ce qui manque profondément à tous, c’est le meilleur de la personnalité humaine : c’est le génie, c’est la foi, c’est le caractère. […] Il n’est pas un seul de ces imposteurs de vertu et de conviction républicaine, qui ont volé la gloire comme ils ont volé l’État, dont l’auteur de l’Histoire des Causes ne nous découvre le néant de génie, de probité et de croyance. […] Les dangers menaçants des temps actuels rendent grossier et brutal aux choses délicates du génie.
Delavigne… Dans le monde des arts, il y a toujours au-dessous de chaque génie un homme de talent qu’on lui préfère ; le génie est inculte, violent, orageux ; il ne cherche qu’à se contenter lui-même et se soucie plus de l’avenir que du présent. […] Delavigne, l’essor de la grande ambition littéraire, en ce qu’il peut avoir parfois de téméraire et de suprême, était arrêté en lui et comme limité par une sorte de réserve naturelle, qu’on peut louer ou blâmer, selon qu’on préfère dans les productions de l’esprit le goût qui circonscrit ou le génie qui entreprend, mais qui était une qualité aimable et gracieuse, et qui se traduisait en modestie dans son caractère et en prudence dans ses ouvrages. […] Alfred de Musset … Cette autre poésie et cet autre charme des Vêpres siciliennes et de l’École des vieillards, cette fermeté, cette pureté de style que Casimir Delavigne possédait si bien ; cette faculté précieuse qui a fait dire à Buffon : « Le génie, c’est la patience !
Sainte-Beuve Elle et lui, Lamartine et Madame Valmore ont de grands rapports d’instincts et de génie naturel : ce n’est point par simple rencontre, par pure et vague bienveillance, que l’illustre élégiaque a fait les premiers pas au-devant de la pauvre plaintive ; toute proportion gardée de force et de sexe, ils sont l’un et l’autre de la même famille de poètes. […] Théodore de Banville Ne me demandez pas comment, née à une époque où la poésie s’était faite romance et chantait les hussards vêtus d’azur, — où les robes étaient, comme dans Marie, des « robes de bergère », cette muse, cette femme amoureuse et désolée, n’a pu être entachée par le ridicule environnant : ceci prouve seulement que le génie est une flamme pure, inextinguible, qui redonne à tout la splendeur native ! […] Là, nulle trace de réminiscence, nulle trace des influences d’alentour ; forme et fond, tout y est bien elle et rien qu’elle, le cœur à nu, l’âme palpitante sous le coup de foudre de la passion… l’élégie était le vrai domaine lyrique de Mme Valmore, le champ d’inspirations où son expansif et doux génie se donnait carrière. […] À ceux qui insistent, aujourd’hui, sur l’infériorité des femmes, sur leur incapacité foncière et pour ainsi dire organique, il suffit de répondre par ce nom-là, une femme tout uniquement de génie, mieux que George Sand, trop consacrée, et qui, vraiment, ne fut, elle, qu’un homme de lettres.
Les tours négatifs sont particuliers à Virgile, et l’on peut remarquer, en général, qu’ils sont fort multipliés chez les écrivains d’un génie mélancolique. […] Puisque Virgile et Racine reviennent si souvent dans notre critique, tâchons de nous faire une idée juste de leur talent et de leur génie. […] Cependant dans les peintures douces et tendres, Virgile retrouve son génie : Évandre, ce vieux roi d’Arcadie, qui vit sous le chaume, et que défendent deux chiens de berger, au même lieu où les Césars, entourés de prétoriens, habiteront un jour leurs palais ; le jeune Pallas, le beau Lausus, Nisus et Euryale, sont des personnages divins. […] Nous ne parlons point d’Athalie, parce que Racine, dans cette pièce, ne peut être comparé à personne : c’est l’œuvre le plus parfait du génie inspiré par la religion.
exhaler les prémices d’une âme de génie, en croyant n’ûtre qu’un amant ! […] Lamartine, qui nous offre tant de parenté de génie avec l’auteur des Études, est moins exclusivement un peintre, et sa poésie suscite des émotions élégiaques plus compliquées. […] Bernardin de Saint-Pierre n’est pas un de ces génies multiples et vigoureux qui se donnent plusieurs jeunesses et se renouvellent ; il y gagne en calme ; il ne nous paraît ni moins doux ni moins beau pour cela. […] voilà qu’il leur a payé à elles deux, dans cette seule offrande, la dot du génie. […] Sut-il l’apprécier en retour et reconnaître en cet écrivain grandissant le plus direct, le plus autorisé en génie, et le plus dévorant en gloire, de ses héritiers ?
Un peintre, un architecte, un sculpteur, un poète faisait pencher la balance entre Rome, Florence, Ferrare, Naples, Milan ; c’était le génie qui donnait la supériorité et la gloire. […] Invité aux fêtes de Modène, au mois de janvier 1577, par la comtesse Tarquinia Molza, égale en beauté et en génie poétique à Vittoria Colonna, il se plaint, du sein des délices, de son malheur, et semble en accuser déjà ses bienfaiteurs. […] Certes, si l’emprisonnement du Tasse eût été gratuit de la part d’Alphonse, le correspondant des Médicis n’aurait pas disculpé le duc de Ferrare de cette impiété envers le génie. […] On peut supposer aussi qu’Alphonse lui-même ne s’opposa pas sérieusement à une évasion qui le délivrait de l’apparence, toujours odieuse, d’être le geôlier du génie. […] Je vous supplie de m’écrire un mot de consolation que je puisse montrer à cet infortuné génie.
Aucune flamme chez lui, pas la moindre étincelle de ce génie qui faisait pardonner à l’auteur de Marie Stuart ses brusqueries farouches. […] Tout ce que la science peut donner, il l’avait ; le génie lui était à peu près refusé. […] M. de Reumont me cite dans la liste de ces adorateurs du génie, de la gloire, de la renommée. […] Je serais entré à Ferney, que je n’aurais pas cherché avec plus de respect les traces encore chaudes du génie très réel de Voltaire. […] Mais Alfieri n’avait ni charme, ni grâce, ni douceur : on l’aimait par surprise, on continuait de l’aimer par crainte ; on se figurait que la force de ses traits était une marque de la force de son génie, et que ce génie était démesuré comme son corps… Ce génie n’était qu’imaginaire ; on n’osait pas en douter tout haut, on se résignait tout bas à son erreur.
Je ne crains point non plus qu’on m’oppose quelques génies heureux, dont les talents rares n’ont pu être étouffés par la mauvaise culture. […] En Angleterre, on se contentait que Newton fût le plus grand génie de son siècle ; en France, on aurait aussi voulu qu’il fût aimable. […] Faut-il s’étonner après cela que tant de talents médiocres, mais humbles, soient élevés aux dépens du génie ? […] En fait de talents et de génie, la nature se plaît, pour ainsi dire, à ouvrir de temps en temps des mines qu’elle referme ensuite absolument et pour plusieurs siècles. […] « Les plus grands génies de l’antiquité, dit-il à M.
. — Le Génie du christianisme (1802). — René (1807). — Les Martyrs (1809). — Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811). — De Buonaparte et des Bourbons (1814). — Réflexions politiques (1814). — Mélanges de politique (1816). — De la Monarchie selon la Charte (1816). — La Vie et la mort du duc de Berry (1820). — De la Restauration (1831). — Du bannissement de Charles X (1831). — Sur la captivité de la duchesse de Berry (1833). — Les Natchez (dans les Œuvres complètes de 1826-1831). — Aventures du dernier des Abencérages (dans les Œuvres complètes de 1826-1831) […] Marie-Joseph Chénier M. de Chateaubriand suit la poétique extraordinaire qu’il a développée dans son Génie du christianisme. […] Maurice Tourneux Toute l’ambition de Chateaubriand tendait alors, a-t-il prétendu, à l’insertion dans l’Almanach des Muses d’une idylle : L’Amour de la campagne, qui parut, en effet, dans le volume de 1790 et où rien, certes, ne trahissait le génie de celui qui l’avait laborieusement rimée.
L’Europe ne fut pas seulement éblouie par les feux d’artifice de son génie. […] Jointe à un étonnant génie lyrique, elle a fait de lui la bête la plus curieuse. […] Génie, si l’on veut. […] Il faut qu’il soit la condition et le signe du génie. […] Ce génie, qu’on me permette de l’appeler le Génie ou la Muse de l’Emphase.
La crainte du génie est le commencement du goût. […] Eschyle est une sorte de béhémoth parmi les génies. […] Ce mystérieux naturalisme était l’antique Génie de la Grèce. […] Aristophane, châtiment sombre, est resté devant la postérité à l’état de génie méchant. […] L’élément asiatique, déformation grandiose de ce génie, augmentait le respect.
S’il hésite pourtant à dire qu’il a plus souvent qu’on ne le croit la plume à la main, il se montre bien au naturel et avec la dignité qui lui sied, dans la plénitude de ses pensées et de son rêve : Je ne vous cacherai point que je n’ai ni la santé, ni le génie, ni le goût qu’il faut avoir pour écrire ; que le public n’a point besoin de savoir ce que je pense, et que, si je le disais, ce serait ou sans effet, ou sans aucun avantage. […] » Ici nous retrouvons quelques-unes des idées particulières et, si l’on veut, des préventions de Vauvenargues, un reste de gentilhomme, ou plutôt un commencement de grand homme ambitieux, qui aimerait mieux franchement être Richelieu que Raphaël, avoir des poètes pour le célébrer que d’être lui-même un poète ; qui aimerait mieux être Achille qu’Homère : « Quant aux livres d’agrément, ose-t-il dire, ils ne devraient point sortir d’une plume un peu orgueilleuse, quelque génie qu’ils demandent ou qu’ils prouvent. » Il ne permet tout au plus la poésie à un homme de condition et de ce qu’il appelle vertu, que « parce que ce génie suppose nécessairement une imagination très vive, ou, en d’autres termes, une extrême fécondité, qui met l’âme et la vie dans l’expression, et qui donne à nos paroles cette éloquence naturelle qui est peut-être le seul talent utile à tous les états, à toutes les affaires, et presque à tous les plaisirs ; le seul talent qui soit senti de tous les hommes en général, quoique avec différents degrés ; le talent, par conséquent, qu’on doit le plus cultiver, pour, plaire et pour réussir. » Ainsi la poésie, il ne l’avoue et ne la pardonne qu’à titre de cousine germaine de l’éloquence, et qu’autant qu’elle le ramène encore à une de ces grandes arènes qui lui plaisent, à l’antique Agora ou au Forum, ou à un congrès de Munster, en un mot à une action directe sur les hommes. […] Il tient surtout dans sa lettre (car nous en sommes toujours à cette même lettre décisive, où il se découvre) à bien montrer à Mirabeau qu’on peut désirer de sortir d’une condition médiocre et d’arriver à une grande situation, par de grands motifs et sans du tout abjurer la hauteur des sentiments : Il y a des hommes, je le sais, qui ne souhaitent les grandeurs que pour vivre et pour vieillir dans le luxe et dans le désordre, pour avoir trente couverts, des valets, des équipages, ou pour jouer gros jeu, pour s’élever au-dessus du mérite et affliger la vertu, et qui n’arrivent à ce point que par mille indignités, faute de vues et de talents : mais, de souhaiter, malgré soi, un peu de domination parce qu’on se sent né pour elle ; de vouloir plier les esprits et les cœurs à son génie ; d’aspirer aux honneurs pour répandre le bien, pour s’attacher le mérite, le talent, les vertus, pour se les approprier, pour remplir toutes ses vues, pour charmer son inquiétude, pour détourner son esprit du sentiment de nos maux, enfin, pour exercer son génie et son talent dans toutes ces choses ; il me semble qu’à cela il peut y avoir quelque grandeur. […] Les deux premiers n’ont que l’esprit de leur siècle, et les mœurs de leur patrie ; mais le génie de César est si flexible à toutes les mœurs, à tous les hommes, à tous les temps, qu’il l’emporte. […] Ils sortent l’un et l’autre de ce conflit amical sans s’être convaincus, l’un décidé à se montrer plus absolu et plus bourru que jamais, l’autre n’aspirant qu’à être étendu et conciliant : Vous croyez qu’il dépend de nous de nous former un caractère, et vous ne donnez qu’une route et qu’un objet à tous les esprits ; moi, je voudrais que chacun se mesurât à ses forces, que l’on consultât son génie, qu’on s’étudiât à l’étendre, à l’orner, à l’embellir, bien loin de le contraindre ou de l’abandonner.
Ce poème, où il a appliqué son génie (et ce génie est manifeste), a paru digne, il y a quelques années, d’être publié avec luxe à Paris, aux frais du Gouvernement, dans la Collection orientale des manuscrits inédits. […] C’était l’œuvre indiquée alors pour le génie ; c’était le rameau d’or à cueillir en cette saison. […] À le lire naïvement, on y saisit à la fois le fond des choses qui ont dû être transmises, et le génie individuel qui les a prises en main et rehaussées. […] Mohl, on peut se former jusqu’à un certain point une idée du génie personnel de Ferdousi. Ce génie, tel qu’il se prononce dans les parties ordinaires et comme dans le récitatif du poème, est tout moral et grave.
C’est cet ingrédient, l’infini, qui donne à cette sorte de génie la grandeur irréductible. […] Elle est le Beau, divers selon les génies, mais toujours égal à lui-même. […] Chaque nouveau génie est abîme. […] Tradition de gouffre à gouffre, c’est là, dans l’art comme dans le firmament, le mystère ; et les génies communiquent par leurs effluves comme les astres. […] Écartons tout ce qui peut déconcerter les audaces et casser les ailes ; l’art est un courage ; nier que les génies survenants puissent être les pairs des génies antérieurs, ce serait nier la puissance continuante de Dieu.
Convenez donc que la différence du portraitiste et de vous, homme de génie, consiste essentiellement en ce que le portraitiste rend fidèlement nature comme elle est, et se fixe par goût au troisième rang, et que vous qui cherchez la vérité, le premier modèle, votre effort continu est de vous élever au second… vous m’embarrassez ; tout cela n’est que de la métaphysique… eh grosse bête, est-ce que ton art n’a pas sa métaphysique ? […] Par une longue observation, par une expérience consommée, par un tact exquis, par un goût, un instinct, une sorte d’inspiration donnée à quelques rares génies, peut-être par un projet naturel à un idolâtre d’élever l’homme au-dessus de sa condition, et de lui imprimer un caractère divin, un caractère exclusif de toutes les contentions de notre vie chétive, pauvre, mesquine et misérable, ils ont commencé par sentir les grandes altérations, les difformités les plus grossières, les grandes souffrances. […] Je ne dis pas qu’une nature grossièrement viciée ne leur ait inspiré la première pensée de réforme et qu’ils n’aient longtemps pris pour parfaites des natures dont ils n’étoient pas en état de sentir le vice léger ; à moins qu’un génie rare et violent, ne se soit élancé tout à coup du troisième rang où il tâtonnait avec la foule, au second. Mais je prétens que ce génie s’est fait attendre et qu’il n’a pu faire lui seul ce qui est l’ouvrage du tems et d’une nation entière. […] C’est que les modèles, les grands modèles, si utiles aux hommes médiocres, nuisent beaucoup aux hommes de génie.
Les noirs emploient souvent le mot français « diables » pour désigner les guinné mais c’est faute de connaître celui de « génies » qui serait un peu plus conforme au caractère qu’ils prêtent à ces êtres surnaturels sans toutefois leur convenir absolument. […] Ces génies ont ici un caractère si différent de celui des djinns de la légende arabe et des génies tels que nous les concevons que j’ai cru devoir leur conserver le nom générique indigène. […] Ceux-ci, dont la conception est plus proche de l’idée de djinn que les autres guinné sont des génies qui se déplacent en volant, des sortes de génies-oiseaux dont le déplacement s’effectue progressivement, donc avec une moindre rapidité que celui des autres guinné. […] Génie de l’eau. […] Contes inédits des 1001 Nuits (De Hammer Tome II, p. 169, Hist. de Seïfol Molouk et de Bediol-Djemal) le génie qui supplie Saïd qui l’a frappé de lui donner un 2e coup et qui meurt du refus de Saïd de lui donner satisfaction alors qu’un 2e coup l’eut guéri de sa 1re blessure.
Et cependant, ne nous y trompons pas, ni le talent qui est suprême en ces Mémoires, — qui va jusqu’au génie, quand il ne s’agit que de peindre, mais qui n’y va pas, quand il s’agit de juger, — ni le sujet de ce récit, grand, varié, et pour nous, les démocrates du xixe siècle, déjà merveilleux comme une lointaine épopée, ni les hasards d’une publication qui a aiguisé le goût public et l’a fait attendre avant de le satisfaire, ni même, ce que nous ne comptions pas tout d’abord, la rareté des livres sur le siècle de Louis XIV, rareté étonnante et qui vient de la peur qu’inspirait Voltaire, lequel l’avait pris pour sa part de lion et faisait trembler d’y toucher les superstitieux de son génie, ne peuvent suffisamment expliquer l’amour que Saint-Simon, presque inconnu, presque dédaigné au xviiie siècle, a trouvé tout à coup parmi nous. […] Il ne démêla pas son genre de génie. […] Ce n’est pas au xixe siècle, quand les penseurs à faire mourir de rire de ce siècle fameux cherchent le moyen impossible de se passer de la main de l’homme dans le gouvernement des peuples, qu’on peut apprécier Louis XIV, le plus grand des rois personnels, un de ces rois qui, à force d’expédients et de génie, dispensent les peuples d’institution, quand il n’y en a plus qui se tiennent debout et qu’on puisse rajuster. […] Le génie du style, qui n’est qu’un danger de plus, ce génie d’Armide et d’Alcine, et de tous les sorciers et de toutes les fées, qu’on appelle le génie de l’expression, nous forcerait presque au rabâchage. […] Rappelons-nous un mot magnifique de Chateaubriand : « Les grands génies doivent peser leurs paroles ; elles restent, et c’est une beauté irréparable. » 8.
A la rigueur, Taine pourra déterminer la tragédie du XVIIe siècle, mais comme individus, il atteindra tout au plus Pradon ou Quinault, échantillons du lot des médiocres, jamais Racine, la combinaison de génie personnel une seule fois réalisée. […] C’est un lettré fétichiste qui ne peut se résigner à ce que tout ne soit pas beau, et grand, et pur, dans la vie et dans l’œuvre des écrivains de génie à qui il a donné son amour. […] Nous avons trop postulé la conformité des faits à nos déductions, trop réduit la beauté de la nature et de la vie, la puissance du génie humain, à la mesure de nos partis-pris. […] Notre métier consiste à séparer partout les éléments subjectifs de la connaissance objective, l’impression esthétique des passions et des croyances partiales, à éliminer tout ce qui ne peut être productif que d’erreur ou d’arbitraire, à retenir, filtrer, évaluer tout ce qui peut concourir à former une représentation exacte du génie d’un écrivain ou de l’âme d’une époque. […] D’autre part, les définitions du génie des grands écrivains, les idées sur la formation et sur l’action des grandes œuvres se précisent aussi et en quelque mesure se fixent.
Or, si la diversité des climats peut mettre tant de varieté et tant de difference dans le teint, dans la stature, dans le corsage des hommes et même dans le son de leur voix, elle doit mettre une difference encore plus grande entre le génie, les inclinations et les moeurs des nations. […] Suivant le génie de chaque nation il s’exerce avec plus ou moins de pompe, plus ou moins de dignité, comme avec des démonstrations extérieures de pénitence ou d’allégresse plus ou moins sensibles. […] Aussi trouvons-nous des esprits qui ne paroissent presque point de la même espece, quand nous venons à refléchir sur le génie des peuples qui sont assez differens les uns des autres, pour qu’on puisse remarquer cette difference dans le corsage et dans le teint. […] Je n’entrerai point ici dans le détail du caractere de chaque nation ni du génie particulier à chaque siecle, j’aime mieux renvoïer mon lecteur à l’euphormion de Barclai qui traite cette matiere dans celui des livres de cette satire, qu’on distingue ordinairement par le titre d’ icon animorum. […] La cour de Madrid qui fit toujours une attention sérieuse sur le caractere et sur le génie particulier des diverses nations qu’elle gouvernoit, témoignoit beaucoup plus de confiance aux enfans des espagnols nez en Flandres, qu’aux enfans des espagnols nez dans le roïaume de Naples.
Les Romains, pendant cinq cents ans, plus brigands disciplinés qu’hommes de génie, n’eurent pendant tout ce temps ni arts, ni goût, ni sensibilité, ni imagination, ni éloquence ; ils empruntèrent tout, et leurs erreurs même. […] Les arts du génie, ils ne les durent qu’à ces mêmes Grecs dont ils furent en tout les disciples, les admirateurs et les tyrans. […] Né dans un rang obscur, on sait qu’il devint par son génie l’égal de Pompée, de César, de Caton. […] Peut-être eût-il mieux valu ne pas agrandir encore un citoyen déjà coupable d’être trop puissant ; mais Cicéron, malgré son génie, fut quelquefois plus orateur qu’homme d’état. […] On peut dire que des trois, Brutus était, sinon par son génie, du moins par son caractère, le plus digne peut-être de louer Caton.
L’Académie française a mis au concours cette question : « De la nécessité de concilier dans l’histoire critique des lettres le sentiment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches érudites dites et l’intelligence historique du génie divers des peuples » ; et, bien que les concurrents aient évidemment peu de foi dans cette nécessité, puis que, d’année en année, le prix ne se décerne point, nous ne pouvons-nous empêcher d’admirer avec joie la foi de l’Académie elle-même dans cette nécessité non douteuse ; car, voyez ! […] Il y a, à la vérité, un signe où elle reconnaît les grands hommes, et il n’est peut-être pas bien exact de dire que tous les objets soient égaux devant l’indifférence de sa curiosité ; Molière est mille fois plus intéressant à ses yeux que Cyrano de Bergerac, Pradon ou Boursault : « Plus un poète est parfait, dit-elle, plus il est national ; plus il pénètre dans son art, plus il a pénétré dans le génie de son siècle et de sa race ; la hauteur de l’arbre indique la profondeur des racines465. » Quoi qu’il en soit, l’école historique, je dis l’école historique idéale, à la considérer dans l’unité et la pureté de sa doctrine, annule la critique littéraire au sens où le langage a toujours entendu le mot de critique, puisqu’elle ne juge pas, ne blâme ni ne loue. […] Je crois, pour ma part, que deux ou trois de ces ouvrages ont la plus haute valeur comme œuvres du génie, mais que pas un seul n’a la moindre valeur scientifique. […] Or, pour créer, il faut avoir du génie. […] L’école historique ayant fait de la critique une science, tout le monde peut sans art et sans génie, faire avec du travail un bon livre, intéressant et utile, dans le système de cette école.
Après les jeux de la passion que devenait cette enfance, elle-même pourtant, elle vint, la passion en personne : nous le savons ; elle éclaira un moment ce génie si bien fait pour elle, elle le ravagea… Il a dû à ces heures d’orage et de douloureuse agonie de laisser échapper en quelques nuits immortelles des accents qui ont fait vibrer les cœurs, et que rien n’abolira. […] Tant de dons précieux, un esprit si fin, un tact si délicat, une fantaisie si mobile et si riche, une gloire si précoce, un si soudain épanouissement de beauté et de génie, et au même instant les angoisses, le dégoût, les larmes et les cris ! […] Sans barbe alors, et tout resplendissant d’une grâce juvénile, ce nez aquilin trop long et trop busqué, d’un caractère si étrange et hardi, ces yeux ingénus et profonds, cette petite bouche aux lèvres amoureuses, faites pour les baisers, ce puissant menton byronien, et surtout ce large front modelé par le génie, et cette épaisse, énorme, violente, fabuleuse chevelure blonde, tordue et retombant en onde frémissante, lui donnent l’aspect d’un jeune dieu. […] Le génie français, avec sa pondération, sa logique, sa netteté si fine et si harmonique, était le fond même de ce poète aux débuts tapageurs. […] Émile Faguet Musset a touché au génie par la profondeur et la puissance de sa sensibilité, comme d’autres par la force de l’imagination.
A un siecle de génie, de raison, de grandeur & de gloire, ont succédé des temps de frivolité, de foiblesse, de vertige & d’absurdité. […] Les esprits y sont divisés, les sentimens arbitraires, les regles méprisées, les rangs confondus, les Grands Maîtres insultés ; le savoir y est peu honoré, la médiocrité accueillie & même célébrée, la hardiesse y supplée au génie. […] Les Esprits qui ne jugent que par des impulsions étrangeres, qui n’estiment que sur parole, qui se laissent entraîner par la multitude, les ont regardés jusqu’à présent comme des Lumieres, des Génies, des Bienfaiteurs ; nous, qui les avons lus, connus & approfondis, nous les mettons à leur place, & faisons disparoître les trophées que l’inconsidération & la surprise avoient érigés en leur honneur. […] Mais si la multitude est une fois instruite des ressorts qu’ils ont mis en œuvre pour faire réussir leurs Ouvrages, enfler leur réputation, accréditer leurs maximes, augmenter leur crédit, multiplier le nombre de leurs partisans ; si on lui fait voir une ligue offensive & défensive, établie dans leur Secte, pour la rendre dominante ; l’encens brûlant sans cesse, pour parfumer les Membres qui la composent ; des bouches gagées pour crier à l’apothéose en faveur de ses Chefs, & leur départir les triomphes de la gloire & du génie ; des nuages malignement répandus sur le talent capable de les offusquer : alors elle cessera bientôt de nous trouver extraordinaires. […] Aussi, par les fruits de cette désolante doctrine, voit-on presque partout une dégradation générale ; les esprits retrécis, abattus ; les cœurs resserrés, desséchés, languissans ; les mœurs corrompues, dégradées, ou plutôt entiérement anéanties ; le génie national totalement défiguré & perverti.
Il a voulu, par exemple, appliquer à l’étude de la langue des Mexicains le même génie d’observation qui lui a fait imaginer sa grande échelle des hauteurs atmosphériques, d’après la végétation des plantes spontanées. […] Jones sont donc dans une analogie parfaite ; le génie de l’observation est donc appelé à faire désormais le même genre de découvertes à la fois dans le monde physique et dans le monde moral. […] Des esprits inattentifs ont souvent, comme on sait, accusé le peuple hébreu de n’avoir pas connu autrefois le dogme de l’immortalité de l’âme, parce que, prétendaient-ils, ce dogme n’est nulle part textuellement énoncé dans la loi judaïque ; mais il était bien plus formellement énoncé que par des mots ou des propositions, puisqu’il jaillissait du génie même de la langue, si fortement empreint du sentiment de la continuité d’existence. […] Dès lors ce qu’il y avait d’essentiel et de subsistant par son énergie propre a cédé la place aux signes variables et plus ou moins arbitraires ; dès lors le génie individuel a remplacé le génie général ; dès lors les impressions ont été reçues par un plus ou moins grand nombre, mais n’ont pas été reçues par tous ; dès lors enfin l’art est venu au secours de la nature.
C’est là qu’on peut étudier la différence du génie vrai et du faux génie. […] Incroyable absence de tact chez un homme de génie ! […] tant de génie et si peu de discernement ! […] Et loin de nous l’envie de chercher là matière à déprécier son beau génie ! […] si le génie n’est pas une de vos vertus ?
Ainsi, la réaction catholique, sous Bonaparte et M. de Chateaubriand, par le Concordat et le Génie du christianisme, a puissamment servi à mitiger et à éteindre dans les jeunes générations d’alors cette haine farouche que portaient au catholicisme la plupart des premiers révolutionnaires et qui était une manière de fanatisme philosophique. […] Cette Révolution, contrariée dans son développement le plus simple et le plus direct en apparence, contrariée par la Terreur, par l’Europe en armes, par un dictateur de génie, par une dynastie restaurée, a, toutefois et sans interruption aucune, poursuivi sa voie et son œuvre, sous la Terreur, dans les camps, sous la dictature, sous la Restauration. […] A ne prendre que l’empire, qui semble avoir été si hostile à la liberté, ç’a été le temps où, à l’abri d’un pouvoir fort, l’égalité civile a le plus profondément pénétré dans nos mœurs, où la tolérance religieuse a jeté le plus de fondements dans la société, où, les habitudes et le génie militaire circulant dans tous les rangs de la nation, nous avons appris ce qui nous garantira d’ici à un long temps de la dictature prétorienne ; sans Austerlitz, Wagram et dix ans de conquêtes à travers l’Europe, qui sait si le peuple de Paris eût vaincu la garde royale en trois jours ? […] Mais ce n’est point par ce côté que la nation l’honore aujourd’hui : c’est pour son génie militaire, son code civil, son chatouilleux orgueil d’indépendance nationale, que la France, dans son bon sens, l’accepte comme un héros de cette Révolution qui s’achève et qu’il domine de son souvenir.
Il avoit le génie grand, élevé, mais peu juste. […] Son stile est toujours empoulé, & se sent du génie de sa nation. […] Perse sur-tout, entraîné par sa colère & par l’impulsion de son génie, exhala des torrens de bile. […] Quel ridicule il jette sur ce prince ; sur son affectation à composer des vers emmiellés, doucereux, cadencés & chargés d’épithètes ; des vers forcés, ignobles & ridicules, sans génie, sans chaleur & sans force, & qui n’avoient que de l’enflure & de l’harmonie, tels que les suivans* : On entend bourdonner les cornes tortueuses.
Si l’on ne connaissait le malheureux système qui glaçait le génie poétique de Voltaire, on ne comprendrait pas comment il a préféré des divinités allégoriques au merveilleux du christianisme. […] On peut douter que l’auteur de La Henriade ait eu autant de génie que Racine ; mais il avait peut-être un esprit plus varié et une imagination plus flexible. […] Il est bien à plaindre d’avoir eu ce double génie qui force à la fois à l’admirer et à le haïr. […] Voltaire n’a flotté parmi tant d’erreurs, tant d’inégalités de style et de jugement, que parce qu’il a manqué du grand contrepoids de la religion : il a prouvé que des mœurs graves et une pensée pieuse sont encore plus nécessaires dans le commerce des Muses qu’un beau génie.
Là, ce sont ces Bataves qui ont de l’esprit par bon sens, du génie par industrie, des vertus par froideur, et des passions par raison. […] Fils aînés de l’antiquité, les Français, Romains par le génie, sont Grecs par le caractère. […] Grâce au génie du christianisme, nous allons montrer qu’en histoire l’esprit français a presque atteint la même perfection que dans les autres branches de la littérature.