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995. (1925) Dissociations

Mais la culture de la jalousie n’est possible que dans une existence aux longues oisivetés, aux longues attentions, aux longues ruses, telle qu’elle ne peut se dérouler que dans la vie provinciale, la vie balzacienne. […] Comme sentiment de la vie, il est resté un problème. […] La vie, en effet, est un acte de confiance, un acte de naïveté et de crédulité. […] Nietzsche disait que la bêtise est une condition de vie. […] C’est pour elle une condition de vie.

996. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Tout entier aux soucis de la vie matérielle, Arnolphe ne comprend pas que la vie du cœur déroute les calculs de la prévoyance la plus éclairée. […] Est-ce la vie entière du roi ? […] Louis XI est dans la vie littéraire de M.  […] Mieux valait à coup sûr, pour un homme de recueillement et de pensée, garder la vie militaire, la vie de garnison, la vie de caserne, qui, pour un esprit laborieux et amoureux de rêverie, a le même charme, ou si l’on veut, les mêmes ennuis studieux et fertiles que la vie monastique. […] Il lui redemande la vie qu’elle a tranchée.

997. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Verbe sans vie ou vie sans Verbe ? […] Quel est le but, quel est le sens de la vie qu’il mène ici-bas ? […] … et voilà ce qu’on appelle la vie ! […] Ne penser qu’à soi, c’est la vie… Insensé qui se dévoue ! […] Ce mal, c’est l’ennui, c’est le dégoût de la vie.

998. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Avec elle, … on use noblement sa vie. […] Nous leur devons, mieux que la vie, notre idée de la vie. […] La vie du collège n’est pas fertile en incidents. […] Les mœurs sont d’une belle liberté : on ne connaît que le tout ou rien, la vie des passions ou la vie de renoncement. […] bien, le portrait de l’Empire, par Émile Ollivier, est la vie même, la vie remuante et agissante, astreinte à des lois et à des fatalités qu’elle ignore, d’où elle semble s’échapper, la vie ardente et imprudente.

999. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

. — La Louange de la Vie (1898). — Enluminures (1898). […] Victor Remouchamps En des tournures impulsives, effarantes d’abord, charmeuses ensuite comme une révélation lointaine, il a su exprimer ce qu’il y a, en nous de candeur latente, de joie insoupçonnée ; il a su noter les rêves blancs ; il a fait fleurir, sur les vies les pins stériles, tout un miracle de sensations jeunes ; il a ressuscité, en leur fraîcheur d’aurore, les plus exquis symboles catholiques. […] Chaque jour de la semaine est défini en ces pages selon sa caractéristique, chaque jour y a sa chanson : lundi, où chôment les établis ; mardi, toute la blancheur des toiles et des langes ; mercredi, le « grand jour des jardiniers » et des marchés où sonnent les carillons ; jeudi, le jeudi des amoureux, baisers donnés, baisers à rendre ; vendredi, « l’heure des bouches », et samedi, « avec votre bel habit noir », ce sont les six jours de non-repos évoqués l’un après l’antre, et c’est la vie honorée plus simplement, s’il se peut, que dans En symbole vers l’apostolat, honorée en pensée humble, en paroles portant modeste robe de bure… Et voici : les quatre volumes que signa M.  […] Il se veut un enfant ; il est l’oiseau des légendes qu’un moine écouta pendant plus de cinq cents ans ; et, de même qu’en la légende, lorsqu’on l’a écouté et qu’on revient à la vie, il y a du nouveau dans les gestes des hommes et dans les yeux des femmes.

1000. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Le contour des objets ne nous ravit pas, ni le décor extérieur, ni l’évocation des paysages ; mais leur frisson de vie métaphysique, mais les cosmoramas de leur âme : le sentiment de l’inconnu nous trouble. […] — Poème ou peinture — les artistes nouveaux sont friands de vie lyrique. […] Car ils prennent garde que toutes choses vivent une vie métaphysique ; qu’il n’y a pas de si médiocre molécule qui ne soit le signe d’une existence abstraite ; que le visible demeure le symbole de l’invisible1 ; que la beauté extérieure dénonce la beauté intime2 ; que comme l’âme humaine est le miroir où reluit le monde, le monde est le miroir où reluit Dieu ; que tout s’exalte et tourbillonne dans un ouragan d’amour ; que tout halète et s’agenouille et prie pour l’offrande universelle au Seigneur. Art de vie métaphysique et lyrique !

1001. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre premier, premières origines du théâtre grec »

C’est de son génie qu’est sorti ce monde qui double la vie humaine en la reflétant. […] L’Iliade est pleine, l’Odyssée est grosse de scènes toutes prêtes à se détacher du récit pour revivre de leur vie propre. […] Le passé qui redevient le présent, des fantômes reprenant leurs corps, des légendes immémoriales revenant du fond des siècles, sur le premier plan de la vie ; des hommes quelconques, connus et coudoyés tout à l’heure, transformés par le revêtement d’un costume, par l’ascension de quelques gradins, en dieux visibles, en héros ressuscités et palpables, et le faisant croire aux yeux autant qu’à l’esprit ! […] Il y fallait une influence suprême, un éclair divin, une rosée d’en haut, une fermentation brûlante chargée de toutes les ardeurs de l’âme, de toutes les énergies de la vie ; pour tout dire, l’intervention et l’action d’un dieu.

1002. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Autobiographie » pp. 169-176

Autobiographie Journal des Goncourt : mémoires de la vie littéraire. Préface de la première édition (1887)34 Ce journal est notre confession de chaque soir : la confession de deux vies inséparées dans le plaisir, le labeur, la peine, de deux pensées jumelles, de deux esprits recevant du contact des hommes et des choses des impressions si semblables, si identiques, si homogènes, que cette confession peut être considérée comme l’expansion d’un seul moi et d’un seul je. Dans cette autobiographie, au jour le jour, entrent en scène les gens que les hasards de la vie ont jetés sur le chemin de notre existence. […] Donc, notre effort a été de chercher à faire revivre auprès de la postérité nos contemporains dans leur ressemblance animée, à les faire revivre par la sténographie ardente d’une conversation, par la surprise physiologique d’un geste, par ces riens de la passion où se révèle une personnalité, par ce je ne sais quoi qui donne l’intensité de la vie, — par la notation enfin d’un peu de cette fièvre qui est le propre de l’existence capiteuse de Paris.

1003. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Éphémérides poétiques, 1891-1900 » pp. 179-187

Édouard Schuré : La Vie mystique. […] Georges Rodenbach : Les Vies encloses. […] Francis Vielé-Griffin ; Clarté de vie. […] 1898 Max Elskamp : La Louange de la vie. […] Émile Verhaeren : Les Visages de la vie.

1004. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

Longue vie à l’héritier de mon seigneur !  […] Sa vie sentimentale est close. […] L’amour est plus fort que la vie. […] La métamorphose, c’était leur vie terne, leur vie longue se changeant en bonheur. […] Mais son éducation l’avait mal préparé à ce genre de vie.

1005. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Schwob, Marcel (1867-1905) »

. — Les Vies imaginaires (1897). — Hamlet, traduit de Shakespeare avec Eug.  […] Tout ce qui suit passe sur le fond solennel et lumineux d’une autre vie ; et, il n’y a plus de parole sans portée ni d’attitude sans conséquences. […] Et l’extraordinaire petite Madge, la fille du moulin, qui en trois gestes et trois paroles nous révèle une vie presque aussi fantasquement profonde que celle de la miraculeuse Hilde d’Ibsen. Madge à la vie aiguë est peut-être la reine des Monelle.

1006. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Van Lerberghe, Charles (1861-1907) »

Peut-être aussi, a-t-il, comme Villiers de l’Isle-Adam, frissonné de terreur aux bruits insolites d’une vie occulte et traduit cette angoisse et cette épouvante dans le drame : Les Flaireurs. […] Le tempérament du poète persiste sous ses multiples aspects et à travers ses manifestations les plus diverses ; son âme n’est ni violente, ni véhémente : réservée, lointaine, insaisissable presque, elle laisse cependant parvenir jusqu’à elle les émotions de la vie, qu’elle ressent intimement, mais adoucies et purifiées, et c’est avec un art parfait que le poète les exprime et les réalise avec un luxe simple de mots et d’images. Il a embelli son âme de toute la Beauté intérieure, et son âme a transformé en beauté tout ce qu’il lui a donné ; elle lui a fait trouver en lui-même « une possibilité particulière de vie supérieure dans l’humble et inévitable réalité quotidienne », et c’est cette vie profonde que le poète a vécu et dont il nous révèle la précieuse essence en ce beau livre de poèmes.

1007. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Chacun d’eux a bel et bien sa conception de l’art et de la vie. […] Quel sens aurait la vie, s’il n’y avait pas à lutter ? […] « La vie et l’expression de la vie, dit encore M.  […] Que ne peut-il lui donner la vie ? La vie seulement, non la parole.

1008. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Il ricane à propos de la doctrine qui va employer sa vie et occuper tout son cœur. […] L’homme qui en est pénétré passe sa vie comme les puritains, à vénérer et à craindre. […] Et ce masque fixe encore sur vous ses yeux de verre, avec un lugubre simulacre de vie. […] Sa façon d’entendre la vie est trop éloignée de la nôtre. […] Puisqu’il est la source de la civilisation, le moteur des révolutions, le maître et le régénérateur de la vie humaine, c’est en lui qu’il faut observer la civilisation, les révolutions et la vie humaine.

1009. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIVe entretien. Alfred de Vigny (1re partie) » pp. 225-319

il n’y a qu’à lire sa vie. […] le garder toute la vie. — Ta mère s’est trompée […] — Dernière heure de ma vie, aurore du jour éternel, salut ! […] Plus que ma vie, assurément. […] — C’est là le vrai dans la vie !

1010. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

L’âme, en venant se joindre à la matière organisée, lui apporte donc actuellement la vie. […] Partout où l’on voit l’une de ces facultés, on peut affirmer qu’il y a vie, qu’il y a une âme. […] Il ne nie rien du corps auquel son âme est attachée dans cette vie. […] Cette vie nouvelle de l’âme est la seule vie réelle, la seule vraiment digne de l’homme. […] Un homme très supérieur à Pline, très supérieur à Buffon, égal à Cuvier ; une intelligence presque divine appliquée à la nature organisée ; l’homme étudiant l’homme, et la vie décrivant la vie avec le regard d’un Dieu !

1011. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

La pauvre enfant était loin de prévoir qu’une rêverie si douce lui coûterait des larmes ; mais cette rêverie s’emparait de sa vie. […] pourquoi la vie a-t-elle son cours irrésistible ? […] En vérité, à la bien voir, cette vie n’est qu’une suite de jougs ; on croit s’en délivrer en en changeant. […] Littré commençât sa Vie d’Auguste Comte par une belle parole empruntée de lui : « Qu’est-ce qu’une grande vie ? […] Par malheur, ce feu divin, chez tous ceux qu’il visite, est loin d’embrasser et d’égaler la durée de la vie elle-même.

1012. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Il animait tour à tour les petits événements réels de la vie anglaise et les grandes aventures fantastiques de la chevalerie éteinte. […] Les deux publics diffèrent : par suite, leurs genres de vie, leurs lectures et leurs plaisirs. […] Et ce bon état d’esprit est entretenu par une vie saine. […] Un Anglais qui entre dans la vie trouve sur toutes les grandes questions des réponses faites. Un Français qui entre dans la vie ne trouve sur toutes les grandes questions que des doutes proposés.

1013. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Il me tâte, il me retourne, il m’ausculte, il me fait sonner le corps et la place de mes maux, y retrouvant l’arriéré de vingt années anti-hygiéniques de vie littéraire. […] Comment ne s’est-il pas formé, à aucune époque de l’histoire, à aucune place de la terre, une secte de sages pour laisser mourir la vie devant la férocité de ses maux ? […] il y a un amour là-dedans… on en a un sirop pour toute sa vie !  […] * * * — Tous ces jours-ci, la vie un enfer. […] Vingt jours passés ici, les vingt jours les plus mauvais de notre vie.

1014. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

Car si l’influence des conditions de vie était immédiate et directe, l’un des petits ou descendants ayant varié, tous auraient varié de la même manière. […] Il est certain que plusieurs de nos célèbres éleveurs ont, pendant le cours d’une seule vie d’homme, modifié, dans de larges limites, quelques races de Bœufs et de Moutons. […] Mais celui qui, étant doué de ces facultés, étudié longtemps son art et y dévoue toute sa vie avec une indomptable persévérance, peut réussir à opérer de grandes améliorations. […] Je crois que les conditions de vie, par leur action sur le système reproducteur, sont des causes de variabilité de la plus haute importance. […] On peut attribuer quelque part à l’action directe des conditions de vie et quelque chose à l’usage ou au défaut d’exercice des organes : le résultat final devient ainsi très complexe.

1015. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIIe entretien. Vie du Tasse (2e partie) » pp. 65-128

parce qu’ils furent plus complets, parce que cette même supériorité pondérée d’intelligence, qui leur servit à créer leurs œuvres, leur servit aussi à affronter, à supporter ou à vaincre les difficultés de la vie. Ils furent carrés égaux sur leurs quatre faces, offrant la même étendue d’imagination, de raison, de force et de résistance à la vie. […] Il voulut, comme s’il se fût craint lui-même, s’enfermer pour le reste de sa vie dans le monastère des Franciscains de Ferrare. […] « Sans égard, dit-il, pour ma santé et pour ma vie, j’ai volontairement aggravé mon mal par les excès d’une intempérance sans borne, de telle façon que ma mort pourrait en être la conséquence (8e volume des Lettres). […] Non, répondit-il, elle appartient à mon père ; Dieu veuille lui accorder une longue vie !

1016. (1858) Cours familier de littérature. VI « XXXIIIe entretien. Poésie lyrique. David (2e partie) » pp. 157-220

Parcourons ses principales odes sacrées en les rattachant à sa vie. […] « Dans tes mains je couche ma vie ! […] « Constamment, Seigneur, je porte ma vie dans ma main, et je te l’offre ! […] — c’est le lieu de ses inspirations et de ses délices, de sa vie et de son repos ! […] Je voyais d’un regard toute la scène de ce poème épique et lyrique de la vie et des chants de David.

1017. (1856) Cours familier de littérature. I « Digression » pp. 98-160

On connaît la prédilection des mères pour les derniers venus à la vie. […] la vie en Égypte est un pesant fardeau. […] Cette révolution troubla sa vie comme elle avait troublé le monde. […] Plaire, aimer, pardonner, ce fut toute sa vie : que ce soit aussi toute sa mémoire ! […] Cette froideur a été mon premier désillusionnement dans la vie.

1018. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « DÉSAUGIERS. » pp. 39-77

Mais il est aussi une poésie qui a présidé de tout temps aux banquets, aux réunions cordiales des hommes, et qui s’inspire de la bonne chère, de l’abondance de la paix et des joies de la vie. […] Ce qui nuit le plus à la gaieté dans notre genre de vie actuel, c’est la complication en toute chose, c’est le harcèlement et l’aiguillon, l’inquiétude dans la vie matérielle comme dans celle de l’imagination et de l’intelligence. […] Ses belles chansons, toutes de feu et d’inspiration (il suffira de les noter d’un mot), ce sont : Ma Vie épicurienne (1810). […] Désaugiers, si plein de traits, n’a pas fait une épigramme en sa vie ; il n’a pas blessé un ennemi, il n’en a pas eu. […] Il était de ceux qui ont un don à part, et qui sont destinés par la nature, non-seulement à égayer, mais encore à adoucir les relations des hommes. — On pouvait le définir une joie de la vie.

1019. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIe entretien. Mémoires du cardinal Consalvi, ministre du pape Pie VII, par M. Crétineau-Joly (3e partie) » pp. 161-219

Je désire que nos corps reposent ensemble et soient unis dans la mort, comme nos âmes furent unies durant la vie. […] « À dater de ce moment la vie me fut souverainement à charge, et il n’y eut plus de plaisir pour moi. […] » L’amitié était sa nature, l’amitié était sa doctrine, l’amitié était l’unique charme de sa vie. […] Elle menait à Londres, à Paris, et surtout dans son palais de Rome et à Naples, la vie somptueuse d’une femme célèbre par sa beauté, par son esprit et par ses richesses ; elle s’était faite cosmopolite, mais surtout Italienne par passion pour le soleil et pour les arts. […] Les habitudes de vie de Consalvi confirmant l’une ou l’autre de ces interprétations, je n’oserais pas affirmer laquelle est la plus vraie.

1020. (1914) Enquête : Les prix littéraires (Les Marges)

Mais ces mutations sont la vie du monde et elles offrent d’agréables joies spirituelles à notre observation. […] Et puis, tenez : supposez que vous puissiez supprimer le prix Goncourt celui de la Vie Heureuse, d’autres encore. […] Mais, dans la vie, est-ce que le bonheur, est-ce que la fortune, est-ce que les récompenses vont toujours aux plus méritants ? […] Le plus malin l’emporte sur le plus digne, c’est la dure loi de la dure vie. […] Le mérite littéraire n’a rien à voir avec la vie.

1021. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

La vie de l’homme ajoute au crédit du penseur. […] Nous y reconnaissons nos sentiments, comme en un rêve où nous n’avons qu’à demi conscience de nous-mêmes, et où nous goûtons la vie sans en sentir le poids. […] On craint que, devant ces innombrables yeux ouverts sur sa vie, l’homme, regardé de tous côtés et connu de la nature, ne finisse par moins estimer le privilège de la pensée qui cesse d’être un mystère entre Dieu et lui. […] Mais de Vigny avait le don si rare des beaux vers, et telle est l’excellence de la beauté poétique, que là où elle brille il y a vie et durée. […] Paix, guerres, expéditions, négociations, finances, administration intérieure, toutes ces choses par lesquelles la vie de chacun de nous est plus ou moins touchée, nous voulons en être instruits à fond.

1022. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre X »

Que de portraits vivants, frappants, incisifs, abondent dans ce cadre où la vie circule, comme l’air du ciel dans un beau tableau ! […] Rien n’autorise, de sa part, cette violente intrusion dans la vie d’une femme qui doit, au moins, lui avoir laissé la reconnaissance du plaisir. […] Au dénouement, il lui tend un piège bassement combiné, et plus digne d’un Scapin de l’ancien répertoire que d’un gentleman de la vie moderne. […] Même outrecuidance et même insolence, mêmes invasions tranchantes dans la vie d’autrui, même cumul de galanterie et de rigorisme. […] Sa vie est une règle de division, qui arrive à la fin de l’an sans erreur.

1023. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre IV. Racine »

Racine : sa vie et son humeur. — 3. […] La Fronde était vaincue, et le règne de Louis XIV commençait : la forme supérieure de la vie sociale devenait la vie de cour, brillante et vide ; la noblesse, exclue du gouvernement de l’État, n’avait plus d’autre affaire que de se montrer au roi, et de faire la cour aux dames. […] La vie de Racine, sans son œuvre, répond à la seconde question : elle aide même à répondre à la première. […] Ne sont-ce pas les éternelles tragédies de la vie réelle, les sujets toujours les mêmes que les journaux et les tribunaux offrent à notre sensibilité avide de se dépenser ? […] La raison n’a pas assez de place dans leur vie ; et l’instinct naturel, primitif, les conduit.

1024. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Cette pédale est l’appétit, c’est-à-dire la vie tendant à persévérer dans le plaisir de vivre. […] Tous les actes de la vie physique ou intellectuelle, disent-ils, tendent à se faire d’une façon automatique, et c’est en cela même que consiste le progrès. Si les opérations intellectuelles pouvaient devenir aussi automatiques que celles de la vie organique, ajoutent-ils, elles seraient bien supérieures à ce qu’elles sont maintenant. […] Macaulay parle d’un écrivain anglais dont la mémoire était à la fois extrêmement puissante et extrêmement faible au déclin de sa vie. […] A la fin de sa vie, Linné prenait plaisir à lire ses propres œuvres, et quand il était lancé dans cette lecture, oubliant qu’il était l’auteur, il s’écriait : « Que c’est beau !

1025. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Il est, sans doute, obligé a des soins ; mais n’y sommes-nous pas tous également obligés et la vie peut-elle s’entretenir autrement ? […] Il n’est donc pas de phénomène qui présente de la manière la plus irrécusée tous les symptômes de la normalité, puisqu’il apparaît comme étroitement lié aux conditions de toute vie collective. […] La seconde n’est une exception que dans l’espace ; elle ne se rencontre pas dans la moyenne de l’espèce, mais elle dure toute la vie des individus où elle se rencontre. […] On peut se demander, il est vrai, si, quand un phénomène dérive nécessairement des conditions générales de la vie, il n’est pas utile par cela même. […] Non seulement elle dérive nécessairement de la constitution même de tout être vivant, mais elle joue un rôle utile dans la vie et pour lequel elle ne peut être remplacée.

1026. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Plus d’unités : sous prétexte, comme dit Vigny795, de donner « un tableau large de la vie, au lieu du tableau resserré de la catastrophe d’une intrigue ». […] Encore y a-t-il plus de bon sens à montrer un Antony dans la vie contemporaine, parce qu’Antony représente au moins un état de l’imagination française en 1830. […] La plus complète inintelligence — le mot n’est pas trop fort — de la vérité et de la vie y éclate. […] Il écarte les « faits exacts de sa vie » ; Chatterton n’est pour lui qu’« un nom d’homme ». […] Mais elles sont tellement liées à la vie sentimentale du poète, à ses expériences, à ses aspirations, qu’elles circulent dans l’œuvre sans la dessécher.

1027. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Sarcey pour un critique doctrinaire qui croit à la valeur absolue de certaines règles sans en avoir éprouvé les fondements ; mais, de sa vie, il n’a fait autre chose que les éprouver. […] Il lui est impossible, en vertu de sa forme même, qui se réduit au dialogue, et à cause du peu de temps dont elle dispose, de reproduire la vie avec autant d’exactitude que le peut faire le roman. […] D’abord une action dramatique, dans la vie réelle, n’est jamais isolée, est mêlée à toutes sortes d’actions accessoires, indépendantes, indifférentes : une histoire s’entrelace avec d’autres histoires, se déroule au milieu du train-train de la vie journalière. […] De toutes les représentations que l’art nous donne de la vie, celle-là est assurément la moins propre à satisfaire les délicats. […] Comme ces rythmes tantôt sautillants, tantôt furieux, avaient l’air d’être faits pour communiquer une trépidation morale aussi bien que physique à tout ce public de désaccordés, pour qui la vie n’était qu’une manière de danse macabre !

1028. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

Particularité étrange, rien ne nous a pris dans la vie comme ces choses : autrefois le dessin, aujourd’hui l’eau-forte. Jamais les travaux de l’imagination n’ont eu pour nous cet empoignement, qui fait absolument oublier non seulement les heures, mais encore les ennuis de la vie, et tout au monde. […] Jamais peut-être, en aucune situation de notre vie, autant de désir, d’impatience, de fureur d’être au lendemain, à la réussite ou à la catastrophe du tirage. […] Il passe quatre ou cinq mois à Paris, n’allant nulle part, voyant seulement quelques amis, menant la vie d’ours que nous menons tous, Saint-Victor comme lui, et nous comme Saint-Victor. […] Et que personne de ceux qui sont morts ne soit revenu dans le rêve d’un vivant, à ce moment où il est délié de la vie, un père pour avertir son fils, une mère, une mère !

1029. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Sénac de Meilhan. — II. (Fin.) » pp. 109-130

L’amour de la gloire et la vertu, qu’il trouvait si absents dans le train de vie moderne, lui paraissaient avec raison l’âme du monde antique en ses beaux temps. […] Tout en disant assez de mal de l’extrême civilisation, M. de Meilhan, qui en demeure très atteint et très marqué, pense donc que la vie est une étoffe qui ne vaut pas grand-chose par elle-même, « et dont la broderie fait tout le prix ». […] M. de Meilhan, qu’on a vu apprécier les anciens et regretter que la vie publique fût trop rétrécie et trop étouffée chez les modernes, se demande si la Révolution dont il est témoin va rouvrir en effet toutes les sources généreuses. […] « La vie humaine est partagée entre deux règnes, celui de l’espérance et celui de la crainte. » M. de Meilhan, disons-le à son honneur, n’a cessé d’agiter ce problème et d’en vouloir concilier les deux termes, en apparence contradictoires. […] En attendant, laissons faire et dire bien des sottises autour de nous : ce n’en est pas une de nous être si amicalement et tendrement attachés l’un à l’autre pour toute notre vie.

1030. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Sa vie, comme il arrive aisément pour ces gloires populaires, s’est mêlée de quelque légende. […] On ne s’en tire qu’à demi en disant qu’il y eut dans sa vie deux époques distinctes. […] Et néanmoins il vaut mieux en dire un mot afin de connaître combien est mal plaisante et misérable la vie de ceux qui se sont exemptés d’Amour. […] Quand tout nous rejetait, le néant et la vie, Tes bras compatissans, ô notre unique amie ! […] Étienne Dolet, sa vie, ses œuvres, son martyre, par M. 

1031. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Mais, si l’on voulait être juste pour tous et en toucher un mot seulement, on passerait sa vie à déguster des primevères et des roses. […] Et pourtant le poëme a-t-il vie ? […] Il fit de bonnes études, je ne sais où ni comment, mais il était plein de grec et de latin, d’Horace et de Philétas, si Philétas il y a ; au reste toute sa vie ne semble qu’une longue école buissonnière. […] Il paraît n’avoir conçu de bonne heure la vie que comme un pèlerinage ; partout où il sentait un poëte, il y allait ; partout où il trouvait un Mécène, il y séjournait. […] L’épisode le plus mémorable de sa vie fut sans contredit son voyage au Brésil : las du ménage et du petit magasin où il avait essayé de se confiner, le voilà tout d’un coup dans la baie de Rio-Janeiro.

1032. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (6e partie) » pp. 129-176

« Le supplice des Girondins jeta un linceul sur la vie aux yeux de madame Roland. […] Des mots entrecoupés de ses dernières pages le révèlent : à son enfant, à son mari, vieillard accoutumé à cet appui et incapable de faire un pas de plus dans la vie sans elle ; à sa jeunesse vainement altérée d’amour, consumée dans le feu des ambitions politiques ; à ces amis dont l’image la poursuivait et lui faisait seule regretter la vie s’ils vivaient encore, aspirer à la mort s’ils l’avaient devancée dans l’éternité. […] Elle y suppléa par la prière et par le sacrifice de sa vie. […] Venait-il faire hommage au philosophe d’une vie qu’il allait donner à la cause de la démocratie ? […] Il ouvre les veines du corps social pour guérir le mal ; mais il en laisse couler la vie, pure ou impure, avec indifférence, sans se jeter entre les victimes et les bourreaux.

1033. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

L’autre, en allemand, est intitulé : Alpenrosen und Gentianen (Roses des Alpes et gentianes) épisode de la vie du roi Louis  II de Bavière, par Joseph Bajovar (Stuttgart). […] Ecoutez donc de quelle puissante façon il est entré dans ma vie. […] Cette biographie doit former un livre en deux volumes et offrir, dans une langue appropriée, peut-être fantaisiste, eu égard au sujet, la représentation exacte et détaillée et la vie artistique comme de la vie intime du grand maître. […] Benvenuto Cellini de Berlioz est un opéra en deux actes sur la vie du sculpteur et orfèvre florentin. […] Il s’agit bien sûr de Gustav Mahler (1860-1911) qui dirigea toute sa vie les œuvres de Wagner à Leipzig, Budapest puis Vienne à partir de 1897.

1034. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Huet, évêque d’Avranches, par M. Christian Bartholmèss. (1850.) » pp. 163-186

La galanterie, le bel esprit, la philosophie, la théologie elle-même, ne sont que des manières de jeux savants et subtils que les hommes ont inventés pour remplir et pour animer ce temps si court et pourtant bien long de la vie ; mais ils ne s’aperçoivent pas assez que ce sont des jeux. […] Mais, tout en pensant de la sorte dans la vie habituelle et dans les entretiens familiers, Huet s’en tenait là, et n’était sceptique que jusqu’aux autels. […] Quand il fut revêtu d’un caractère sacré, il s’attacha à disposer sa vie dans un parfait accord avec ses nouveaux devoirs. […] Mais c’est à sa solitude d’Aunay que Huet aimait surtout à revenir et à se retrouver ; c’est là qu’il jouit véritablement de la vie, telle qu’il l’entend et qu’il la rêve, une vie partagée entre son cabinet, la culture de son jardin et la promenade. […] Une vie si calme et si pleine ressemble bien peu à celles d’aujourd’hui, et elle a droit d’être enviée.

1035. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Des hommes peuvent parler une journée entière, et toute leur vie, sans proférer une phrase qui n’ait pas été dite. […] Les amnésiques du verbe oublient d’abord ce qu’il y a de plus particulier dans le langage, les noms propres, les substantifs, les adjectifs ; les parties du langage qui ont la vie la plus dure sont les phrases toutes faites, les locutions usuelles. […] La discipline du collège a incliné les esprits à ne considérer que les idées les plus générales ; l’abstrait domine la vie. […] Riche d’images, le style tend à l’obscurité ; une image nouvelle, étant la représentation presque directe d’un fragment de vie, est beaucoup moins péremptoire que le cliché, lequel est, si l’on ose dire, une image abstraite. […] Sans images abstraites, la littérature, identique à la vie, serait, comme la vie, incompréhensible ; elles représentent les points lumineux d’un poème, d’un paysage ou d’une figure .

1036. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

La nuance a détrôné la couleur, l’écriture a détrôné le style, les thèses et les systèmes ont chassé la vie. […] Or, le reproche général que l’on fait au symbolisme et qui les résume tous en un mot : c’est d’avoir négligé la Vie. […] En préface des Chants de la Vie Ardente M. de Bouhélier renonce à l’empire. […] Intégralisme s’explique ainsi : exprimer la vie en fonction de la vie universelle. » En réalité ce n’était pas, comme on l’a cru, une poésie scientifique, mais une sorte d’intégration, et non de synthèse, l’aboutissement de l’harmonie universelle. […] L’art comme la vie a besoin de luttes pour s’exalter et s’accroître.

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