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1160. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Maurice Rollinat »

C’est un jeune homme de gracile élégance, de pâleur plus distinguée que sépulcrale, aux traits fins, beaux et purs. […] J’avais montré, de loin, à l’horizon, le poète qui allait y poindre et qui l’a, d’un trait, subitement envahi, pour y rester, étoile à sa place, malgré les efforts réagissants de l’Envie qui voulait l’en précipiter, et j’attendis longtemps alors avant de parler des Névroses.

1161. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

C'est peut-être là le trait qui l’honore le plus, dans sa carrière si bien remplie et si noblement parcourue.

1162. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur : Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome III. »

était-ce qu’un trait malin de la pièce avait été au cœur de la femme adultère et homicide ?

1163. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Au moment où Jean-Baptiste Poquelin, entraîné par sa vocation, engagé dans la troupe de l’Illustre Théâtre, représentait aux fossés de Nesle ou au port Saint-Paul les tragédies de Tristan et de Magnon, ce n’étaient pas seulement les Montfleury, les Floridor, les Madeleine Beauchâteau qui lui enlevaient la faveur du public et rendaient l’Illustre Théâtre désert, c’étaient aussi Tiberio Fiurelli sous les traits du noir Scaramouche, Domenico Locatelli sous le masque de Trivelin, Brigida Bianchi sous les atours et le nom d’Aurélia.

1164. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre III. Des moyens de trouver la formule générale d’une époque » pp. 121-124

Il nous suffit de constater que, en un temps et en un pays donnés, l’art, la littérature, le costume, l’habitation, l’état politique et religieux sont rattachés par des traits d’union que nul ne songe plus sérieusement à contester.

1165. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Il est néanmoins certain, et il sera prouvé que la guerre de Molière et de ses amis contre ce qu’ils appelaient les précieuses, a été fort malentendue dans le siècle dernier, qu’elle l’est toujours plus mal, à mesure que nous avançons ; il est de fait que l’unique intention de Molière a été d’attaquer les affectations et l’hypocrisie des Peckes (ou Pécores) provinciales et bourgeoises ; qu’il respectait, non pas l’hôtel de Rambouillet qui ne subsistait plus de son temps, mais les personnages qui en restaient, notamment le gendre de la marquise, ce duc de Montausier, dont il emprunta plusieurs traits pour peindre l’austérité de principes et de goût, et pour en orner le liant caractère de son Misanthrope.

1166. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre IX » pp. 77-82

Boileau regardait son suffrage comme le plus honorable qu’il pût obtenir ; Molière a emprunté son caractère plusieurs des beaux traits de son Misanthrope.

1167. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Cette assertion, qui trouvera sans doute des contradicteurs, n’en est pas moins fondée, & ne sauroit être démentie que par des Esprits étroits, plus jaloux des petites convenances, que propres à s’élever à la hauteur des grandes idées, & par cette raison incapable d’apprécier les grands traits.

1168. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 79-87

Son Supplément à la Philosophie de l’Histoire, a allumé la bile de M. de Voltaire, & lui a attiré des injures qui ne ressemblent à rien moins qu’à des traits d’érudition.

1169. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 196-203

Cet Auteur a pu être imprudent, mondain, voluptueux : il a pu laisser transpirer de temps en temps des traits d'un esprit indifférent & médiocrement religieux ; mais il s'est bien gardé d'afficher l'incrédulité, de dénaturer la Morale, de justifier les vices, d'insulter à la Société.

1170. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Ces traits, lancés de part & d’autre, en amenèrent de plus terribles.

1171. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre IV. De quelques poèmes français et étrangers. »

Toutefois il y a de beaux traits dans le Messie.

1172. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer.

1173. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 25, des personnages et des actions allegoriques, par rapport à la poësie » pp. 213-220

Il les regarde comme des symboles et des énigmes, sous lesquels sont enveloppez des préceptes de morale, et des traits de satyre qui sont du ressort de l’esprit.

1174. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — III »

Ce problème de l’individualisme radical, qui est une des plus fécondes questions de ce temps, et qui ne va rien moins qu’à poser qu’il n’existe pas d’autres droits que ceux de l’individu, et à nier qu’il faille sacrifier l’individu à la collectivité, n’apparaît à ce haut fonctionnaire qu’un trait de prétention littéraire très propre à servir de thème à sa verve facétieuse !

1175. (1895) Hommes et livres

C’est une volonté ; là est le trait saillant, caractéristique, de sa nature. […] Faguet doit être assez coûtent de cette apparition d’un Montesquieu inédit : il n’a pas un trait à supprimer ni à changer dans le portrait qu’il a tracé, un ou deux traits tout au plus à accentuer et marquer davantage. […] Un ami de Montesquieu, qui avait lu son Histoire véritable, lui reprochait qu’il avait multiplié sans raison les transmigrations, et que pour amener un seul trait, il supposait toute une vie : il lui conseillait de resserrer les étapes de l’âme qu’il faisait parler à un petit nombre d’existences, et de condenser les traits épars en un petit nombre de caractères. […] Molière, en quelques scènes éparses dans son œuvre, avait marqué d’un trait juste et fort le progrès, la lutte, et l’accord des sentiments dans de jeunes cœurs. […] Il n’y a pas de développement du caractère : tout ce qui est au commencement se retrouve à la fin, quand l’auteur ne l’annule pas d’un trait de plume.

1176. (1859) Cours familier de littérature. VIII « XLIVe entretien. Examen critique de l’Histoire de l’Empire, par M. Thiers » pp. 81-176

Chacun d’eux a sa qualité particulière et saillante : tel narre avec une abondance qui entraîne ; tel autre narre sans suite, va par saillies et par bonds, mais, en passant, trace en quelques traits des figures qui ne s’effacent jamais de la mémoire des hommes ; tel autre enfin, moins abondant ou moins habile à peindre, mais plus calme, plus discret, pénètre d’un œil auquel rien n’échappe dans la profondeur des événements humains, et les éclaire d’une éternelle clarté. […] En effet, avec ce que je nomme l’intelligence on démêle bien le vrai du faux, on ne se laisse pas tromper par les vaines traditions ou les faux bruits de l’histoire ; on a de la critique ; on saisit bien le caractère des hommes et des temps, on n’exagère rien, on ne fait rien de trop grand ou trop petit, on donne à chaque personnage ses traits véritables ; on écarte le fard, de tous les ornements le plus malséant en histoire, on peint juste ; on entre dans les secrets ressorts des choses, on comprend et on fait comprendre comment elles se sont accomplies ; diplomatie, administration, guerre, marine, on met ces objets si divers à la portée de la plupart des esprits, parce qu’on a su les saisir dans leur généralité intelligible à tous ; et, quand on est arrivé ainsi à s’emparer des nombreux éléments dont un vaste récit doit se composer, l’ordre dans lequel il faut les présenter, on le trouve dans l’enchaînement même des événements ; car celui qui a su saisir le lien mystérieux qui les unit, la manière dont ils se sont engendrés les uns les autres, a découvert l’ordre de narration le plus beau, parce que c’est le plus naturel ; et si, de plus, il n’est pas de glace devant les grandes scènes de la vie des nations, il mêle fortement le tout ensemble, le fait succéder avec aisance et vivacité ; il laisse au fleuve du temps sa fluidité, sa puissance, sa grâce même, en ne forçant aucun de ses mouvements, en n’altérant aucun de ses heureux contours ; enfin, dernière et suprême condition, il est équitable, parce que rien ne calme, n’abat les passions comme la connaissance profonde des hommes. […] Lorsque des hommes ont versé leur sang pour un pays souvent bien ingrat, quand d’autres pour ce même pays ont consumé leur vie dans les anxiétés dévorantes de la politique, l’ambition fût-elle l’un de leurs mobiles, prononcer d’un trait de plume sur le mérite de leur sang ou de leurs veilles, sans connaissance des choses, sans souci du vrai, est une sorte d’impiété ! […] Il peint seulement de traits profonds la consternation et l’oscillation de l’armée d’Égypte le lendemain de l’évasion de son général en chef. […] C’est là que deux ou trois traits de la main de Tacite auraient buriné tous ces visages coloriés des reflets de la figure principale.

1177. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Même lorsqu’ils se sont inspirés de types réels, il les ont toujours plus ou moins transfigurés en y ajoutant des traits significatifs et suggestifs ; le génie refait toujours plus ou moins la nature, l’enrichit, la développe. […] Le peintre, par exemple, se trouve devant deux grands problèmes : le dessin et la couleur : or le trait n’existe pas dans la réalité, la couleur y a des nuances insaisissables au pinceau. […] Autour de ces traits saillants, l’ombre se fera, et ils apparaîtront seuls dans la lumière intérieure. […] Supposons que le mont Athos ait été sculpté, selon le plan d’Alexandre, en une colossale statue humaine. « Les paysans qui eussent ramassé les broussailles dans son oreille n’eussent pas plus songé que les boucs qui y broutaient à chercher là une forme aux traits humains ; et je mets en fait qu’il leur eût fallu aller à cinq milles de là pour que l’image géante éclatât à leurs regards en plein profil humain, nez et menton distincts, bouche murmurant des rythmes silencieux vers le ciel et nourrie au soir du sang des soleils ; grand torse, main qui eût épanché perpétuellement la largesse d’un fleuve sur les pâturages de la contrée. […] Dans le célèbre duo d’amour qui a servi de modèle à tous ceux de la littérature contemporaine, on retrouve l’accent chaud et passionné du Cantique des cantiques, et on pressent cette tendresse qui deviendra douloureuse chez Musset : « Lorsque je suis fatigué, ta vue me délasse… Quelque chose de toi que je ne puis te dire reste pour moi dans l’air où tu passes, sur l’herbe où tu t’assieds… Si je te touche seulement du bout du doigt, tout mon corps frémit de plaisir… Dis-moi par quel charme tu as pu m’enchanter. » A cette poésie s’ajoutent des traits d’observation psychologique : « Ô mon frère, je prie Dieu tous les jours pour ma mère, pour la tienne, pour toi ; mais, quand je prononce ton nom, il me semble que ma dévotion augmente. » Tout cela encadré dans des détails de réelle familiarité : « — Pourquoi vas-tu si loin et si haut me chercher des fruits et des fleurs ?

1178. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre XIII : Affinités mutuelles des êtres organisés »

Mais ce genre, bien que très isolé, occupera toujours la position intermédiaire qui lui est propre ; car originairement F était intermédiaire en caractères entre les genres primitifs A et I ; et les divers genres qui en sont descendus doivent avoir hérité jusqu’à certain point de ses traits caractéristiques. […] Finalement, nous avons vu que la sélection naturelle, qui résulte de la concurrence vitale, et qui implique presque nécessairement les extinctions d’espèces et la divergence des caractères chez les nombreux descendants d’une espèce mère dominante, explique les grands traits généraux qu’on découvre dans les affinités de tous les êtres organisés, c’est-à-dire leur classement en groupes subordonnés à d’autres groupes. […] Nous le voyons du reste clairement dans nos propres enfants : nul ne peut savoir s’ils seront grands ou petits, et quels seront précisément leurs traits. […] On m’avait dit aussi que les poulains des Chevaux de trait et des Chevaux de course étaient aussi différents que les individus de pleine taille : ce qui me surprenait énormément, admettant comme probable que les différences entre ces deux races sont entièrement le résultat d’une sélection longtemps continuée à l’état domestique. Mais, d’après des mesures soigneusement prises sur deux juments appartenant l’une à la race des Chevaux de course, et l’autre à une pesante race de Chevaux de trait, et sur leurs deux poulains, âgés l’un et l’autre de trois jours, j’ai reconnu que ces derniers étaient bien loin de présenter les mêmes différences proportionnelles.

1179. (1908) Jean Racine pp. 1-325

Et cela, par le tour même de la plaisanterie, rapide, non appuyée, qui plante le trait sans avoir l’air d’y toucher, et qui passe. […] — En tout cas, ne peut-on pas dire que ces traits de dureté primitive, qui nous reportent subitement aux temps homériques, ne font, lorsqu’on s’y arrête, que donner du lointain à des figures que, par tous leurs autres traits, le poète a rapprochées de nous ? […] Le roi apprécia tous ces traits, qui n’avaient assurément rien de timide. […] Voilà les traits dont Racine a formé son Agrippine. […] Il n’a omis que le trait hideux de Néron adolescent souillant l’enfance de Britannicus.

1180. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Je ne retrouve dans ma mémoire ni les traits, ni la stature de ce rival. […] fait Le Hertel, qui, les traits convulsés, se lève en sursaut comme si la chaise le brûlait. […] C’est presque du théâtre tant les traits sont nets, les personnages mis en relief. […] Il y ajoute un peu d’eau ; d’une main tremblante il porte le verre à ses lèvres et d’un trait il avale le contenu. […] Et tous les traits flétris, fléchis, appesantis, semblèrent découvrir qu’on les avait taillés dans une matière insensible.

1181. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires de madame de Genlis sur le dix-huitième siècle et la Révolution française, depuis 1756 jusqu’à nos jours — III »

Sans doute, Chénier eut une fois envers elle le grand tort de lui parler d’amour, et d’autres fois il lui lança d’autres traits auxquels elle fut peut-être moins insensible ; mais, plus tard aussi, quand l’amertume de la satire fut exhalée, madame de Genlis reçut publiquement de sa plume, dans un estimable écrit, toute la justice à laquelle elle pouvait prétendre.

1182. (1874) Premiers lundis. Tome II « Dupin Aîné. Réception à l’Académie française »

Ce dernier trait a paru généralement fort spirituel : quelques personnes l’ont trouvé un peu vif.

1183. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Si son style manque quelquefois de noblesse & de correction, il est du moins constamment simple & plein de clarté, semé de traits vifs, énergiques, attachant par un ton de franchise & de liberté qui ajoute à l’intérêt des matieres.

1184. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — Q. — article » pp. 572-580

Au reste, les détracteurs de Boileau lui font un crime des traits qu’il s’est permis contre ce Poëte, comme s’ils pouvoient ignorer que Boileau n’avoit en vue [ainsi qu’il est aisé de s’en convaincre par les Notes de son Commentateur] que les Tragédies non lyriques de Quinault, qui en effet sont médiocres.

1185. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Si notre artisan imitateur manque de sens, il emploïe hors de propos les traits et les expressions de son modele, et ses vers ne nous offrent que des reminiscences mal placées : il se conduit dans la production de ses ouvrages comme dans leur composition : il affronte le public rassemblé avec plus d’intrepidité, que Racine et Quinault n’en avoient dans de pareilles avantures.

1186. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Dans les scenes meslées de traits serieux et de bouffonneries, on emploïoit alternativement toutes ces especes de flutes.

1187. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre ii »

Jospin, a bien noté leur regard d’ardente bonne volonté, ce trait lumineux, cette sorte d’allégresse que l’on voit dans leurs yeux la veille du départ.

1188. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Villemain, ajoutait avec sa vivacité pittoresque de critique : « Mais lorsqu’on est aguerri au feu, si j’ose ainsi parler, c’est alors qu’on est frappé de la fécondité, de la sagacité, de l’étendue et de la justesse des vues du professeur. » Benjamin Constant, dans un charmant portrait de femme, a parlé de ces traits d’esprit, qui sont comme des coups de fusil tirés sur les idées, et qui mettent la conversation en déroute. […] Villemain aime donc M. de Chateaubriand, et c’est un trait de son talent de critique. […] Villemain n’a pas fait une dissertation, mais un composé, comme l’est en général sa critique, de vues, de traits choisis, d’anecdotes significatives, d’inductions arrêtées à temps, il n’a jamais réussi mieux, et n’a nulle part plus ingénieusement combiné les connaissances de tous genres, les ménagements intelligents et les prévisions insinuantes.

1189. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIIIe entretien » pp. 223-287

Il avait dix-huit ans à peu près au calendrier de sa vie légale, mais il en avait soixante à la gravité des traits. […] L’ovale des traits était sans inflexion irrégulière du moule ; la nature, sûre de ses lignes, avait modelé cette tête : le nez grec d’une statue de Phidias, la bouche aux lèvres gracieuses, mais un peu saillantes, comme celles des bustes éthiopiens dans le musée du Vatican à Rome ; le menton ferme et proéminent d’un des élèves studieux de Platon dans le tableau de l’École d’Athènes, de Raphaël. […] XXII Je vis entrer une rose pourtant ; mais une rose pâle, une rose du Nord, une jeune fille, presque une enfant, dont les traits, à peine indiqués par la nature, étaient plutôt, comme la Psyché de Gérard, une ébauche de la beauté, une esquisse de la grâce, qu’une beauté palpable, qu’une grâce éclose.

1190. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

La contradiction l’excitait peu à peu ; il avait alors des traits imprévus dont la précision assommante mettait les rieurs de son côté. […] Quand il se représentait, naïf croyant pour qui « c’est Dieu qui tonne », en face de l’esprit fort qui Prêche que trois font trois et ne font jamais un ; quand il défendait Tartufe contre les « bigots » soulevés, et que dans ce Lutrin d’une ironie vraiment si laïque, il tirait ses effets comiques d’une bénédiction sacerdotale, ou lâchait des traits comme celui-ci : Abîme tout plutôt, c’est l’esprit de l’Église, assurément Pradon avait tort de l’accuser d’athéisme, mais assurément aussi il ne pouvait passer pour un chrétien bien fervent, ni surtout pour un janséniste. […] Racine, ici, n’est pas plus vif que Boileau, c’est un trait des mœurs du siècle.

1191. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Dans leurs plus beaux élans, nos vrais poètes ont toujours une certaine retenue qui est un des traits distinctifs de notre génie. […] Pour d’autres poètes, nés de ce côté de la Loire, nous ignorons peut-être certains traits de leur généalogie qui corrigeraient un peu la thèse de M.  […] Les Chénier sont provençaux, sa mère d’éducation rhodano-levantine et il ne suffit pas d’un trait de plume pour en faire un Français du Nord.

1192. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Par ce trait il ressemble à André Chénier, qui l’annonce. […] En lisant les Causeries de Sainte-Beuve on pense à Plutarque et à Bayle, et on les retrouve, avec le trait poétique qui leur manque. […] S’agit-il, par exemple, de l’usage des passions dans le drame, elle recueille dans les auteurs dramatiques les plus divers et les plus inégaux les traits vrais ou spécieux dont ils ont peint une passion ; elle compare les morceaux, non pour donner des rangs, mais pour faire profiter de ces rapprochements la vérité et le goût ; elle y ajoute ses propres pensées, et de ce travail de comparaison et de critique elle fait ressortir quelque vérité de l’ordre moral.

1193. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Une forte couleur monacale était le trait dominant de ce christianisme britannique. […] Les traits s’en sont empreints si profondément dans mon cerveau, que je ne me les rappelle pas sans une sorte de terreur. […] Toutes ces chimères arrivèrent à prendre un corps et l’amenèrent à un acte étrange qui ne peut être expliqué que par l’état de folie où elle était décidément depuis quelque temps. »   Ce qui suit, en effet, serait incompréhensible, si l’on ne tenait compte de certains traits du caractère breton.

1194. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 septembre 1886. »

Chacun des traits simples de notre plan représente une différence de niveau, plusieurs marches ; on sait que l’orchestre s’abaisse par degrés depuis les violons jusqu’aux trombones et timbales : la tête d’un homme debout au fond de l’orchestre, près des timbales, arrive au niveau du pied des altos, qui est lui-même de quelques marches plus bas que les violons. Les traits doubles de ce plan représentent les pupitres. […] Par moment ils ne sont qu’à peine reconnaissables ; l’un d’eux se présente même sous les traits d’un Fugato bouffonnement et pédantesquement sérieux.

1195. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Victor Hugo » pp. 106-155

S’il s’efforce de discerner la loi de ces développements, et la cause de cette opulence, s’il tente de classer les idées d’un alinéa*, les aspects d’une description, les traits d’une physionomie et les phases d’une œuvre, il découvrira aussitôt que la principale habitude de style et de composition chez M.  […] De pareils redoublements de phrases renflent les chapitres sur le palais muet, obscur et splendide que traverse à pas hésitants Gwynplaine promu Lord Clancharlie ; il en est ainsi dans les Misérables, à ce tableau de l’éclosion printanière dans le jardin inculte, où se déroulent les amours de Cosette et de Marius ; et les vers du poète sont aussi riches que sa prose en ces tentatives redondantes, ces perpétuels retours du burin à graver et regraver le même trait en de diverses et fantasques lignes. […] Est-il maintenant son habitude de désigner les chapitres de ses livres, ses poèmes et ses recueils par les titres métaphoriques, qui ne donnent pas le contenu de l’œuvre ; son érudition qui comprend toutes les sciences verbales, la métaphysique, la théologie, la jurisprudence, la philologie, les nomenclatures, et aucune des sciences réalistes et naturelles ; sa réforme de la versification, qui a eu pour effet, par l’introduction de l’emjambement, de permettre d’exprimer une idée en plus de mots que n’en contient un vers ; le résultat même du romantisme qui, parti en guerre au nom de Shakespeare contre l’irréalisme classique, n’a abouti qu’à enrichir la langue française de nouveaux mots ; toute la vie du poète, la mission sacerdotale qu’il s’est assignée, son entrée en lice pour la « révolution » contre le « pape », sa haine des « tyrans » et sa philantropie générale ; tous ces traits résultent du verbalisme fondamental de son intelligence.

1196. (1707) Discours sur la poésie pp. 13-60

C’est même quelquefois la briéveté qui fait la plus grande force des traits qui passent pour merveilleux ; et il ne faut au contraire qu’un mot superflu pour énerver la pensée la plus vive, et la dégrader du sublime. […] Voilà les traits principaux de Pindare ; voilà ce qui lui a acquis la primauté entre les poëtes lyriques. […] Exact et riche dans ses descriptions, il y mêle toujours de ces traits naïfs qui mettent presque les objets sous les yeux.

1197. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

III, chap. 8] L’auteur du Génie de l’homme, M. de Chênedollé, a reproduit en très beaux vers quelques traits de ce chapitre, dans un des plus brillants morceaux de ses Études poétiques, intitulé Bossuet :       Ainsi quand, défenseur d’Athène,       Au plus redoutable des rois, Jadis l’impétueux et libre Démosthène Lançoit, brûlant d’éclairs, les foudres de sa voix ;       Ou quand, par l’art de la vengeance,       Armé d’une double puissance, Il réclamoit le prix de la couronne d’or, Et pressant son rival du poids de son génie,       Sous son éloquence infinie,       L’accabloit, plus terrible encor. […]       À la Grèce entière assemblée,       Muette, et ravie et troublée, De sa foudre il faisoit sentir les traits vainqueurs ; Et de l’art agrandi redoublant les miracles,       Tonnoit, renversoit les obstacles,       Et triomphoit de tous les cœurs. […] Grâce à lui, le blasphème, et piquant et frivole, Circulait embelli des traits de la gaîté ; Au bon sens il ôta sa vieille autorité, Repoussa l’examen, fit rougir du scrupule, Et mit au premier rang le titre d’incrédule.

1198. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Victor Hugo »

Est-ce que les effroyables et superbes orgies des Rois barbares, les coupe-gorges des brigands féodaux, toutes ces vastes et violentes peintures avec lesquelles nous croyions en avoir fini pour passer à d’autres tableaux, ne recommencent pas trait pour trait ici, mais moins appuyés, et toute l’imagination des mots dont le poète a la puissance nous illusionne-t-elle assez pour nous faire accepter comme une inspiration neuve la desserte d’un repas déjà servi, et qui, comme Macbeth, nous a rassasiés d’horreurs ? […] Quant aux vers qui entrelardent cette maigreur, ils ne sont pas différents des autres vers de leur auteur que par leur faiblesse, mais on les reconnaît encore, à une multitude de traits, pour être de cette inépuisable fabrique qui a peut-être trop fabriqué… Vous en jugerez : … Dieu ne nous a pas confié sa maison La Justice, pour vivre en dehors d’elle… Cette justice qui est une maison… Celui qu’on nomme un Pape est vêtu d’apparences !

1199. (1894) Critique de combat

Libre à lui de revendiquer ce dernier trait comme un éloge ! […] Quelques traits de sa physionomie suffiront à montrer ce qu’il eut d’original et de vraiment grand. […] Parfois cependant, sous le coup d’une émotion vive, il rencontre le trait pittoresque. […] Elle sait choisir le détail qui saisit, le trait qui enfonce. […] Il a le trait précis, vigoureux, creusé, qui mord et qui pénètre.

1200. (1884) Les problèmes de l’esthétique contemporaine pp. -257

Nous avons tous un certain besoin de nous battre, qui se traduit dans les salons par des traits bien aiguisés, comme ailleurs par des jeux de mains, comme chez les animaux par de petits coups de dents ou de griffes donnés et reçus sans fâcherie. […] Elles ressemblent à ces froncements et à ces rides qu’impriment volontairement à leur visage les voyageurs traversant les pays polaires, pour ranimer leurs muscles et empêcher leurs traits de se figer sous le froid. […] La tension des muscles, la fatigue poussée jusqu’à un certain point et même une certaine altération des traits, tout acquiert alors une valeur esthétique : c’est en proportion et en harmonie avec la fin voulue. […] Il y a en définitive une correspondance étroite entre les traits du visage et le cerveau, et cette correspondance devient manifeste quand on considère les masses ou ce que la statistique appelle les grands nombres. […] Chaque homme peut user de son franc arbitre et, Sans pression, aller ou non vers lui d’un trait...

1201. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre I. Les idées et les œuvres. » pp. 234-333

À ce moment, la forme semble s’anéantir et disparaître ; j’ose dire que ceci est le grand trait de la poésie moderne ; sept ou huit fois Burns y a atteint. […] Jouissons-en, et pour cela mettons-nous à la place de ceux qui l’ont inventée ; mettons-nous-y tout à fait ; ce ne sera point assez de représenter, comme les romanciers et les dramatistes précédents, des mœurs modernes et nationales sous des noms étrangers et antiques ; peignons les sentiments des autres siècles et des autres races avec leurs traits propres, si différents que ces traits soient des nôtres et si déplaisants qu’ils soient pour notre goût. […] Devenu clerc chez son père, il fourrait dans son pupitre toutes les œuvres d’imagination qu’il pouvait trouver, non pas les romans d’intérieur, « il lui fallait l’art de miss Burney ou la sensibilité de Mackensie pour l’intéresser à une histoire domestique » mais les « récits aventureux et féodaux1207 », et tout ce qui avait trait « aux chevaliers errants. » Ayant fait une maladie, il fut retenu longtemps au lit avec défense de parler, sans autre divertissement que la lecture des poëtes, des romanciers, des historiens et des géographes, occupé à éclaircir les descriptions de bataille par des alignements et des arrangements de petits cailloux qui figuraient les soldats. […] Y a-t-il un des traits écossais qui manque ? […] Réaliste et moral, voilà ses deux traits.

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