Il était en tête de ceux que l’humanitarisme semble avoir le plus atteints, et qui, non contents d’un ensemble d’inspiration délicate ou généreuse, en poursuivent à tous les moments et dans tous les détails l’intention accusée et l’expression voulue. […] Simiane va porter son écrit à Montesquieu, que les Lettres persanes ont placé à la tête de la réaction qui s’est prononcée contre la grandeur et le despotisme de Louis XIV.
Que Larroumet ait donné à son auteur un peu de cette sympathie complaisante à laquelle, quand on passe quatre ou cinq ans en tête à tête avec un écrivain, on n’échappe que par la haine et en concevant la passion de le démolir : c’est bien possible.
On a bien abusé de ce mot chez nous, et les plus fortes têtes sont précisément celles qui se sont le plus laissé griser par les grandes découvertes des chimistes, des physiciens et des naturalistes. […] Disons-nous bien que toutes les opérations, qui pour la science des laboratoires sont réelles, ne peuvent être dans l’histoire littéraire que métaphoriques ou idéales, que l’analyse du génie poétique n’a rien de commun que le nom avec l’analyse du sucre, et se passe tout entière dans la tête qui la fait, que l’identification du genre littéraire qui se maintient par imitation, avec l’espèce vivante qui se perpétue par génération, est purement verbale, et qu’enfin tout ce qui est méthode dans les sciences de la nature, si on le transporte dans notre domaine, devient système.
En tête du volume, il y a une lettre de Francesco Andreini, comico Geloso detto il capitano Spavento, dans laquelle il fait l’éloge de son compagnon, « qui ne dérogea pas à la noblesse de sa naissance en s’adonnant au noble exercice de la comédie » ; il rappelle le succès que ces pièces ont eu pendant de longues années, et promet une seconde série non inférieure à la première ; mais il ne paraît pas que celle-ci ait jamais vu le jour. […] Flaminio Scala a soin d’indiquer en tête de chaque pièce les accessoires qui sont nécessaires pour la représenter.
Quelque chose de noble et de fier dans la tête. […] C’est aux terrassiers de Verlaine que je pensais, le soir de l’inauguration de son monument, à ce banquet où trois cents intellectuels se livraient à un charivari forcené, jetaient leurs assiettes à la tête des récitants et se refusaient même à entendre ses vers, et la comparaison n’était pas à leur désavantage.
Cet homme excellent me dissuada nettement de faire mon entrée dans le monde littéraire avec cet énorme paquet sur la tête. […] Si des critiques soutiennent un jour que la Revue des Deux Mondes et Le journal des Débats me gâtèrent en m’apprenant à écrire, c’est-à-dire à me borner, à émousser sans cesse ma pensée, à surveiller mes défauts, ils aimeront peut-être ces pages, pour lesquelles on ne réclame qu’un mérite, celui de montrer, dans son naturel, atteint d’une forte encéphalite, un jeune homme vivant uniquement dans sa tête et croyant frénétiquement à la vérité.
« Vous voulez, disait-elle au roi avant le mariage, la marier à votre fils (car vous m’avez dit qu’il l’était), pour la lui enlever. » Après le mariage, elle disait : « Le roi a voulu abaisser le cœur au prince de Condé et lui élever la tête. » (Mémoires de Sully, t. […] Le président Hénault dit en parlant d’elle : « Princesse dont la fin fut digne de pitié, mais d’un esprit trop au-dessous de son ambition, et qui ne fut peut-être pas assez surprise et assez affligée de la mort funeste d’un de nos plus grands rois. » Ce mot pas assez surprise laisse à douter si elle fut à la tête du complot ou seulement instruite de celui du prince de Condé ; car le soupçon flotte entre les deux, relativement à cette qualité de chef : il est probable qu’ils s’accordèrent ; mais le prince de Condé, le plus offensé, le plus ardent, qui vit sans doute Ravaillac à Bruxelles, était probablement le chef.
Qui regarde trop longtemps dans cette horreur sacrée sent l’immensité lui monter à la tête. […] Vous vous prenez la tête dans les mains, vous tâchez de voir et de savoir.
À la tête de cette nouvelle et hautaine phalange, parce qu’il fut le premier et reste le plus original, marche l’auteur de la Prométhéide, d’Œdipe et le Sphinx, de Sémiramis et de Babylone, M. […] Mais ces chemins sont étrangement beaux. — Nous connaissions depuis longtemps déjà Tête d’Or et La Ville ; une version très différente, de ce dernier drame avait paru plus récemment dans Le Mercure ; L’Échange avait paru dans L’Ermitage, l’an passé ; La jeune Fille Violaine et Le Repos du Septième Jour, inédits encore, malgré d’admirables parties, sont moins bons. — Réunis d’un coup en volume, ces cinq drames manifestent un travail et une puissance d’invention considérables. — Aucune analyse, si détaillée soit-elle, ne peut donner aucune idée de ces cinq drames ; ils ne rappellent quoi que ce soit, et l’on est étonné qu’ils existent ; ils semblent palpiter et vivre, avec des organes nouveaux, agiter des bras inconnus, respirer avec des branchies, penser avec les sens, et sentir avec les objets ; — mais ils vivent pourtant ; ils vivent d’une vie rouge et violente, pour étonner, rebuter et exaspérer le grand nombre, pour enthousiasmer quelques-uns. » La Dame à la Faux de M.
Maintenant je puis me décider à vaincre certaines répugnances de ceux qui sont placés à la tête du mouvement de la société, soit pour attaquer les opinions nouvelles, soit pour les défendre. […] Il ne peut y avoir parmi eux de ces esprits investigateurs qui marchent à la tête des destinées humaines.
Enfin, il y a plus encore : ces Revues, qui ont dressé leurs petites têtes et leurs petites rédactions contre le ventre majestueux et prépotent de la Revue des Deux Mondes, ont fini par se taire devant elle, comme l’univers devant Alexandre. […] » Insolence qui vous donne la mesure de l’intellectualité de cette tête, que Cousin aurait appelée une caboche.
Et cependant on peut se demander qui donc s’est occupé de cette publication parmi ceux-là même dont la fonction, dans la littérature contemporaine, est d’attacher à la tête des livres qui en valent la peine les bouffettes de la publicité. […] on ne comprend plus, si l’on veut faire l’entendu à la manière humaine, si on la tire hors de son nimbe, cette tête divinement incompréhensible qui doit y rester, et qui se joue, de là, de l’observation scientifique et des proportions naturelles.
Quand les historiens qui auront parlé de la Ligue avant ou après lui (peu importe), mais comme lui, seront tous convaincus d’erreur, de mauvaise foi ou d’ignorance, quand leurs assertions, réduites à néant, sous le souffle d’une Critique puissante, ne feront plus nuée sur les faits, et ne cacheront plus le vrai des choses, l’influence de Voltaire déshonorée se retrouvera encore dans une foule de têtes, comme un tic incorrigible dont l’esprit français ne guérira pas, tant, cet esprit, il l’a détraqué ! […] Après la Ligue, le parti protestant, politique, parlementaire, anti-romain, levait ses mille têtes et pulvérisait la vieille unité de la France.
Il est vrai qu’ils sont en Amérique, — ce qui diminue le mérite d’en avoir, — dans le pays qui pare sa jeunesse avec les oripeaux tombés de la tête branlante de la vieille Europe. […] Il a oublié que, pour l’homme, l’abîme le plus terrible n’est pas celui qu’il a sous les pieds, mais celui qu’il a sur la tête, et que l’âme, comme le corps, meurt aussi bien de trop monter que de trop descendre.
Tête que j’oserai appeler antihistorique, cervelle rechercheuse d’abstractions, M. l’abbé Mitraud n’a ni le sens de l’histoire, ni le sens de la nature humaine. […] Pour un homme qui, comme M. l’abbé Mitraud, doit avoir de la théologie et de la tradition dans la tête, le Droit a-t-il son expression ailleurs que dans les relations de la Famille ?
Ses jugements pèsent autant en avant qu’en arrière, et ils se gravent encore mieux dans la tête des hommes qui survivent que sur le marbre des tombeaux. Les tombeaux restent froids sous les inscriptions dont on les couvre, mais la tête des hommes s’échauffe à l’éloge et finit par s’y enivrer.
Or, avoir plusieurs sujets pour un même livre, c’est comme avoir plusieurs têtes pour le même organisme. […] Sa masse, en effet, est énorme ; admirez la belle ordonnance de sa division en trois parties ; en tête, la tribu bariolée des imbéciles.
C’est une honte, en effet, que, tombé au premier rang, un vieillard soit gisant à terre, en avant des jeunes, avec une tête blanchie, une barbe grise, exhalant sur la poussière son âme courageuse, couvrant de ses mains les blessures sanglantes, hideuses, de son corps à nu : mais aux jeunes tout sied bien, tant qu’ils ont la fleur brillante du bel âge. […] Que de sa dextre il darde les coups impétueux de sa lance, et qu’il agite sur sa tête une menaçante aigrette !
Si Lucrèce est classique, c’est d’un classique à faire trembler les perruques et les blondes têtes d’il y a vingt ans.
Royer-Collard : l’abaissement éclate de toutes parts, — à commencer par la tête.
Cependant M. de Meilhan avait mis en tête de sa traduction une Préface qui est un de ses meilleurs morceaux.
Il contenait des vers d’amour, d’une sensualité de tête tout à fait curieuse et personnelle, des « exercices » dans le genre parnassien, dont quelques-uns au moins (L’Élégie verte, par exemple, ou certaines ballades) sont de simples merveilles d’esprit et d’habileté technique, et enfin des sonnets sur les classiques français, où le futur critique des Contemporains est déjà tout entier, et qui tiennent à la fois du chef-d’œuvre et du tour de force.
Voici comme il décrit le Colosse de Rhodes : Que l’Isle où le Soleil chaque jour se récrée, Ne vante plus l’image à ce Dieu consacrée, Ce superbe Colosse en qui l’art des humains Consomma tant de jours, & lassa tant de mains, Dont la tête élevée au delà du tonnerre, Et les pieds embrassant & la mer & la terre, Sembloient, en leur stature épouvantable aux yeux, Joindre ensemble la mer, & la terre & les cieux.
Comment imaginer, après cela, qu’il ait eu la malhonnêteté de se donner pour l’Auteur d’un Ouvrage qu’il n’avoit pas fait, & sur-tout d’un Ouvrage composé par une femme dont le nom avoit paru à la tête d’autres Productions moins estimées & moins estimables, telles que la Princesse de Montpensier, les Mémoires de la Cour de France, & Henriette d’Angleterre ?
Quelqu’un lui répondit, dit-on, qu’ayant perdu la tête, il n’avoit plus besoin de chapeau.
La tête du Christ n’est pas mal ; mais le reste est mauvais.
Je ne m’y ferai jamais, jamais je ne cesserai de regarder l’allégorie comme la ressource d’une tête stérile, faible, incapable de tirer parti de la réalité, et appellant l’hiéroglyphe à son secours ; d’où il résulte un galimatias de personnes vraies et d’êtres imaginaires qui me choque, compositions dignes des temps gothiques et non des nôtres.
Il était venu au monde avec une tête énorme et, à l’âge de trois ans, il ne savait pas encore se tenir sur ses jambes.
Un incident, une épaule qu’il se démit en piquant une tête dans une partie de natation, l’empêcha de se présenter à l’examen. […] Littré, à chacune de ces pertes de famille, ne peut se rendre : à la mort de son frère, plus tard à la mort de sa mère, on me le dépeint fixe, immobile, la tête baissée près du foyer, dans une sorte de stupeur muette, restant des mois entiers sans travailler, sans toucher une plume ni un livre, et comme mort à tout. […] Littré, dans une Introduction de 60 pages placée en tête de la troisième édition (1856), rectifiait le point de vue, marquait les pas de l’histoire, faisait la part des artifices et des habiletés secrètes en usage dans l’Antiquité ; mais aussi il restituait tout un ordre de phénomènes nerveux extraordinaires, se renouvelant isolément ou par épidémie, jouant le miracle, ne relevant pourtant que de la médecine, et qui même, n’étant pas expliqués encore, ne sauraient réussir un seul instant à tromper l’œil de la philosophie, « amie de la régularité éternelle. […] Qu’on lise, pour s’édifier, les deux Préfaces mises en tête des deux Dictionnaires ! […] Dans l’autre, — je ne parle pas de l’ancienne préface mise en tête du Dictionnaire de 1835 et due à la plume du secrétaire perpétuel, préface élégante et frêle, — mais dans celle du Dictionnaire historique, qui date de cinq ans à peine, que fait-on ?
Mais lorsque la virtuose coquette et adulée par les grands seigneurs vit arriver chez elle, après un an d’intervalle, un jeune homme maigre, au long nez, aux gros yeux, à la tête exiguë, revêtu d’un habit rouge à boutons noirs qu’il portait en deuil de sa mère, elle le toisa d’une manière si froide et si cruelle que Mozart ne se le fit pas dire deux fois. […] Mozart, comme Rossini, ayant l’habitude de composer de tête ses plus grands morceaux, les gardait très longtemps dans sa mémoire, et, lorsqu’il se mettait à écrire, il ne faisait guère que copier. […] J’avais enveloppé ma tête d’un mouchoir qui me retombait sur le visage, de peur qu’à la lueur des lanternes on ne me reconnût par les fenêtres ; et quand, après avoir enfin frappé timidement à la porte, j’entendis répondre du haut du balcon : Qui est là ? […] Peu après cette invasion dans la chambre, mon père rentra ; ce bon vieillard était chargé, au-delà de ses forces, de fruits et de bouquets dont mon lit fut à l’instant submergé par toute cette chère famille ; ils m’en couvrirent littéralement des pieds à la tête en poussant des cris de joie. […] Elle eût pu être plus légère, plus élancée, plus majestueuse dans sa démarche ; mais quelle tête !
Le prince don Neri Corsini, son élève et son émule, lui succéda à la tête des affaires. […] Les flottes de Venise transportèrent les croisés à Jérusalem ; ses colonies marchandes, établies jusque dans Constantinople comme des postes avancés, y construisaient des forteresses et des tours ; Des envoyés de la France venaient plaider humblement dans l’église de Saint-Marc, à Venise, devant dix mille citoyens, la cause de la croisade, et demander les secours des flottes vénitiennes ; Constantinople tombait sous les Vénitiens avant de tomber sous Mahomet II ; leur vieux doge Dandolo montait à l’assaut à leur tête ; l’île de Crète (Candie), qui domine la route d’Égypte et de Syrie, était cédée aux Vénitiens pour leur part dans les dépouilles de l’empire d’Orient ; ils y ajoutèrent les territoires de Lacédémone, presque tout le Péloponnèse, et toutes les villes maritimes de la Thrace, de Thessalonique à Constantinople ; l’Istrie, la Dalmatie, les îles Ioniennes étaient dévolues à la république ; ses simples citoyens possédaient des principautés en Orient, tels que les duchés de Gallipoli et de Naxos, l’Archipel tout entier, alors devenu vénitien. […] Ce cercle vicieux de corruption des membres pour laisser toute l’autorité à la tête fit durer cinq cents ans cette forme à la fois licencieuse et muette de tyrannie. […] Ses complices, déconcertés par la disparition du chef, qui portait seul le plan de la conjuration dans sa tête, abandonnent l’entreprise, et offrent de remettre les galères et les ports au seul prix d’une amnistie. […] Il prêta devant la junte révolutionnaire, comme régent, le serment de soutenir la constitution espagnole ; puis, pressé d’échapper à la responsabilité de son double rôle, il se mit à la tête de deux régiments de cavalerie et d’artillerie, et se rendit à Novare dans une intention équivoque et non expliquée.
« Nous y allâmes tous, papa en tête, par une nuit ravissante. Jamais plus beau ciel que celui de minuit, si bien que papa sortait de temps en temps la tête de dessous son manteau pour regarder en haut. […] « Je ne sais quel oiseau vole sur ma tête, je l’entends sans presque le voir, il est nuit. […] On m’a ri au nez, disant que je l’avais vu dans ma tête. […] « Nous disions cela ce soir, à la fenêtre de la salle, en voyant les peupliers du Pontet penchant leur tête tout tristement, comme quelqu’un qui plie sous l’adversité.
L’ami, si doux et si modeste dans Lorris, est devenu, dans la tête de son second père, un philosophe de la secte de Diogène. […] Celle-ci s’affuble d’une robe de camelot, couvre sa tête d’un large chapeau de nonne, sans oublier son psautier ni ses patenôtres. […] Celui-ci les reçoit bien touché par un sermon de Faux-Semblant, il se met à genoux pour se confesser ; mais, tandis qu’il baisse la tête avec contrition, Faux-Semblant le saisit à la gorge, l’étrangle, et, de son rasoir, lui coupe la langue. […] Il monte en chaire, vêtu d’une chape magnifique, l’anneau pastoral au doigt et la mitre en tête. […] Ne voyons, si l’on veut, dans ce roman, qu’une prétention de notre poésie à se mêler de tout ce qui occupait les têtes pensantes d’alors, et que refroidissait tout à la fois et bornait au petit cercle des clercs l’idiome mort qui servait à l’exprimer.
Contemplez ce que souffre un homme qui a tous les membres brisés et rompus par une suspension violente, qui, ayant les mains et les pieds percés, ne se soutient plus que sur ses blessures, et tire ses mains déchirées de tout le poids de son corps antérieurement abattu par la perte du sang ; qui, parmi cet excès de peine, ne semble élevé si haut que pour découvrir de loin un peuple infini qui se moque, qui remue la tête, qui fait un sujet de risée d’une extrémité si déplorable67 ! […] Il se tient à l’écart, il le regarde de loin, dans la foule, plus ébloui qu’attiré par l’auréole lumineuse qui entoure sa tête. […] Il accablera les gens de son innocence ; il aura des haines de tête contre les vices dont sa pureté l’a préservé, et il s’en fera des images d’autant plus affreuses, qu’il ne les aura pas même connus par la tentation. […] La chaleur descend de la tête au cœur, les fortes raisons se succèdent et s’enchaînent dans un ordre naturel ; la stérile abondance du procédé fait place à la fécondité de l’invention ; on est ému, on sent quelque chose de ce trouble où nous tient Bossuet tant qu’il parle ; on devient attentif comme à la vigoureuse dialectique de Bourdaloue. […] Vanter à l’homme ses passions, même en arrêtant l’éloge où commencent leurs dangers, c’est risquer de diminuer la force qui leur tient tête.
Il ne suffit pas, pour le progrès de l’esprit humain, que quelques penseurs isolés arrivent à des points de vue fort avancés et que quelques têtes s’élèvent comme des folles avoines au-dessus du niveau commun. […] Les habiles alors perdent la tête, la prudence humaine est aux abois. […] Qu’un commissaire de police s’introduise dans une salle où quelques têtes faibles et vides échauffent réciproquement leurs passions instinctives, nous jetons les hauts cris : la liberté est violée. […] Quand on joue sa tête pour sa pensée, il n’y a que les possédés de Dieu, les hommes entraînés par une conviction puissante et le besoin invincible de parler qui se mettent en avant. […] Les jésuites ont fait de l’éducation une machine à rétrécir les têtes et aplatir les esprits, selon l’expression de M.
Hugo devait donc épouser la haine de sa mère pour Napoléon, que partageaient son mari et ses amis, en même temps qu’il endossait ses opinions royalistes, Mais il fut réfractaire à toute influence, personne ne put lui imposer ses sentiments, ni père ni mère, ni oncle, ni amis : Napoléon et son extraordinaire fortune emplissaient sa tête ; « son image sans cesse ébranlait sa pensée ». […] — Je suis prêt continua-t-il, à dévouer ma vie pour « empêcher l’établissement de la république qui abattra le drapeau tricolore sous le drapeau rouge, fera des gros sous avec la colonne, jettera à bas la statue de Napoléon et dressera la statue de Marat, détruira l’Institut, l’École Polytechnique et la Légion d’honneur ; ajoutera à l’illustre devise : Liberté, Égalité, Fraternité, l’option sinistre : ou la mort ; fera banqueroute, ruinera les riches sans enrichir les pauvres, anéantira le crédit qui est la fortune de tous et le travail qui est le pain de chacun, abolira la propriété et la famille, promènera des têtes sur des piques, remplira les prisons par le soupçon et les videra par le massacre, mettra l’Europe en feu et la civilisation en cendres, fera de la France la patrie des ténèbres, égorgera la liberté, étouffera les arts, décapitera la pensée, niera Dieu ». […] Et pour protéger la République contre les républicains le journal de Victor Hugo entre en campagne contre Caussidière parce qu’il n’est pas « la tête, mais la main » ; contre Louis Blanc, parce que « son crime, ce sont ses idées ; ses livres, ses discours ; ses complices, ce sont ses trois cent mille auditeurs ! […] Il ne remarque pas qu’il grandit cet individu, au lieu de le rapetisser, en lui attribuant une force d’initiative propre, telle qu’elle serait sans exemple dans l’histoire du monde. » Mais en magnifiant, sans s’en douter, Napoléon le Petit en Napoléon le Grand, en empilant sur sa tête les crimes de la classe bourgeoise, Hugo disculpe les républicains bourgeois qui préparèrent l’empire et innocente les institutions sociales qui créent l´antagonisme des classes, fomentent la guerre civile, nécessitent les coups de force contre les socialistes et permettent les coups d’État contre la bourgeoisie parlementaire. […] Les Diderot, les Voltaire, les Rousseau, les D’Alemberte et les Condillac du xviiie siècle l’avaient trop fait penser pour qu’elle ne désirât se reposer et goûter sans cassements de tête une douce philosophie et une sentimentale poésie, qui ne devaient plus mettre en jeu l’intelligence, mais amuser le lecteur, le transporter dans les nuages et le pays des rêves, et charmer ses yeux par la beauté et la hardiesse des images, et ses oreilles par la pompe et l’harmonie des périodes.
Comment, dans la tête du fade versificateur de l’Engagement téméraire, s’était secrètement formée cette prose-là, si pleine, si suivie, si robuste, si grave ? […] Cette ivresse avait commencé dans ma tête, mais elle avait passé dans mon cœur. […] Sa tête va achever de se détraquer l’hiver dans cette solitude. […] Mais, « à force, nous dit-il, de tourner et retourner mes rêveries dans ma tête, j’en formai enfin l’espèce de plan dont on a vu l’exécution ». […] Et voici comment cela s’arrange dans sa tête.
On va meurtrir la douce épaule sur laquelle il posait sa tête et froisser ces bras délicats. […] Quand il s’embarque tête nue sur l’océan des phrases bruissantes, c’est là qu’il est le plus beau, le dieu hardi du romantisme. […] Souvent le psychologue perd la tête. […] Lorsque des parents se haïssent dans cette œuvre, ils se jettent le cœur de leur enfant à la tête. […] Il y a là trois délicieux visages d’enfants, petites têtes en rumeur qui concentrent et définissent toutes les hautes préoccupations du livre.
La fraîcheur du dehors vous caresse la tête et les mains. […] Pourquoi dit-elle : « dîner en tête à tête » avec Brague (ou Hamond) ? Marivaux, dans La Vie de Marianne, écrit : « M. de Climal, tête à tête avec moi, ne ressemblait pas à M. de Climal parlant aux autres… » C’est Marivaux qui a raison. […] On lui amène le prisonnier, la tête voilée de noir. […] Voilà une tête bien faite et qui sépare nettement les heures du plaisir, celles du devoir.
On a cherché quels gages avaient donnés, de plus que lui, contre la branche aînée des Bourbons, les modérés qui accusaient lui et ses amis d’un rapprochement monstrueux avec les carlistes, et l’on a trouvé que la plupart de ces intrépides calomniateurs étaient bien soumis, bien plein de zèle, et sur tout bien rentés comme à présent tandis qu’il disputait sa tête aux bourreaux royalistes.
Ce n’est point qu’il ne se donne de bonnes raisons : « Tu seras plus tranquille ensuite, tu auras la tête moins lourde et tu travailleras mieux ».
C’est le Génie qui se fait Verbe, et dans son vers l’on sent une force d’airain, l’on sent le glaive qu’accompagne une lyre d’or, son flamboiement qui s’écarlate, qui devient rouge de sang, rouge de Vie, et le poète passe, la tête altière, la gloire dans les yeux, splendide, à la conquête des Paradis futurs où viendront se rafraîchir de pureté et se baigner de beauté les souffrants, les esclaves, ceux qui demain seront les Hommes !