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795. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

J’ai ri de vos recommandations. […] Contemporain du passé et de l’avenir, vous vous riez du présent qui m’assomme, moi chétif, moi qui rampe sous mes idées et sous mes années ! […] — Voilà ce seuil que Chateaubriand, vieilli et infirme de corps, mais valide d’esprit et devenu tendre de cœur, foula deux fois par jour pendant trente années de sa vie ; ce seuil qu’abordèrent tour à tour Victor Hugo, d’autant plus respectueux pour les gloires éteintes qu’il se sentait plus confiant dans sa renommée future ; Béranger, qui souriait trop malignement des aristocraties sociales, mais qui s’inclinait plus bas qu’aucun autre devant les aristocraties de Dieu, la vertu, les talents, la beauté ; Mathieu de Montmorency, le prince de Léon, le duc de Doudeauville, Sosthène de La Rochefoucauld, son fils ; Camille Jordan, leur ami ; M. de Genoude, une de leurs plumes apportant dans ces salons les piétés actives de leur foi ; Lamennais, dévoré de la fièvre intermittente des idées contradictoires, mais sincères, dans lesquelles il vécut et il mourut, du oui et du non, sans cesse en lutte sur ses lèvres ; M. de Frayssinous, prêtre politique, ennemi de tous les excès et prêchant la modération dans ses vérités, pour que sa foi ne scandalisât jamais la raison ; madame Switchine, maîtresse d’un salon religieux tout voisin de ce salon profane, amie de madame Récamier, élève du comte de Maistre, femme virile, mais douce, dont la bonté tempérait l’orthodoxie, dont l’agrément attique amollissait les controverses, et qui pardonnait de croire autrement qu’elle, pourvu qu’on fût par l’amour au diapason de ses vertus ; l’empereur Alexandre de Russie, vainqueur demandant pardon de son triomphe à Paris, comme le premier Alexandre demandait pardon à Athènes ou à Thèbes ; la reine Hortense, jouet de fortunes contraires, favorite d’un premier Bonaparte, mère alors bien imprévue d’un second ; la reine détrônée de Naples, Caroline Murat, descendue d’un trône, luttant de grâce avec madame Récamier dans son salon ; la marquise de Lagrange, amie de cette reine, quoique ornement d’une autre cour, écrivant dans l’intimité, comme la duchesse de Duras, des Nouvelles, ces poèmes féminins qui ne cherchent leur publicité que dans le cœur ; madame Desbordes-Valmore, femme saphique et pindarique, trempant sa plume dans ses larmes et célébrée par Béranger, le poète du rire amer ; madame Tastu, aux beaux yeux maintenant aveugles, auxquels il ne reste que la voix de mère qui fut son inspiration ; madame Delphine de Girardin, ne disputant d’esprit qu’avec sa mère et de poésie avec tout le siècle, hélas !

796. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

Ce fut dit avec un air de naïveté et de franchise qui aurait pu flatter Socrate, mais qui me fit tant rire que mon sérieux de catéchiste s’en alla pour la soirée. […] On m’a ri au nez, disant que je l’avais vu dans ma tête. […] Ils s’interrompent de temps en temps pour rire ou pour jouer, car tout cela leur échappe.

797. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIe entretien. Ossian fils de Fingal, (suite) »

Non, mais ma gloire restera ; elle y croîtra comme le chêne de Morven, qui oppose sa large tête à l’orage et se rit des efforts des vents. […] Lorsque le monde est obscurci par les orages, lorsque le tonnerre roule et que l’éclair vole, tu sors de la nue dans toute ta beauté, et tu te ris de la tempête. […] Écoute, Armar, écoute, c’est Daura qui t’appelle. » Le perfide Erath regagne le rivage en éclatant de rire.

798. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre troisième »

Il s’était engagé selon le rit amoureux du Roman de la Rose. […] Il se représente lavé de la pluie, desséché du soleil, poussé çà et là par le vent, et il rit de toutes ces marques de sa destruction prochaine. Mais ce rire n’est pas celui du criminel impudent qui, le carcan au cou, raille les spectateurs.

799. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Or, la loi leur commande de ne reculer devant aucune multitude et de vaincre ou de mourir dans les rangs. » Xerxès rit de cette idée folle : au compte de Démarate, un Grec pourrait tenir tête à dix mille Perses et deux à vingt mille ! […] A la vue de ce banquet Pausanias se prit à rire ; et commanda à ses Ilotes de lui apprêter un souper à la laconienne. […] Le rire d’Aristophane, dénué d’inspiration, privé d’aliments, n’aurait jamais éclaté ; il fallait la vie spirituelle et agitée d’un peuple libre pour le faire jaillir.

800. (1894) Textes critiques

C’est pourquoi : « Ne faites jamais ni pleurer ni rire, vos figures », disait Filiger devant les Sirènes chantantes (d’un art différent, valable aussi) d’Eric Forbes-Robertson. […] Il y a deux choses qu’il siérait. — si l’on voulait descendre jusqu’au public — de lui donner, et qu’on lui donne : des personnages qui pensent comme lui (un ambassadeur siamois ou chinois, entendant l’Avare, gagea que l’avare serait trompé et la cassette prise) et dont il comprenne tout avec cette impression : « Suis-je spirituel de rire de ces mots spirituels », qui ne manque aux auditeurs de M.  […] L’acteur devra substituer à sa tête, au moyen d’un masque l’enfermant, l’effigie du personnage, laquelle n’aura pas, comme à l’antique, caractère de pleurs ou de rire (ce qui n’est pas un caractère), mais caractère du personnage : l’Avare, l’Hésitant, l’Avide entassant les crimes… ‌ Et si le caractère éternel du personnage est inclus au masque, il y a un moyen simple, parallèle au kaléidoscope et surtout au gyroscope, de mettre en lumière, un à un ou plusieurs ensemble, les moments, accidentels. ‌

801. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Elles croiraient se dégrader elles-mêmes si elles lui présentaient le miroir satirique de Boileau ou le miroir tragique de Juvénal pour le faire rire de ses ridicules ou pour le faire frémir de ses crimes. […] La masse de l’épigramme n’en corrige pas l’intention ; c’est toujours de la haine, de la haine qui rit au lieu de la haine qui tue, mais enfin de la haine ; si on ne veut pas tuer, on veut blesser. […] Rousseau, défaut qui a fait une partie du succès si prodigieux et si mérité de Voltaire, obligé de rire jusqu’à l’indécence même pour raisonner.

802. (1767) Salon de 1767 « Peintures — La Grenée » pp. 90-121

Quand je me représente ce monstre de fayance et cette grosse, épaisse fumée qui coupe la scène en diagonale et qui s’arrondit à terre en balons sous les piés d’Andromède, je ne scaurois m’empêcher d’en rire. […] Renaud gros valet, jouflu, rebondi, sans grâce, sans finesse, sans expression que celle de ces drôles, de ces gros réjouis, qui rient par éclats, qui font tenir à nos filletes les côtes de rire, et qui les croquent tout en riant.

803. (1888) Poètes et romanciers

Elle se réduit à dire que l’Olympe reste grand même en éclatant de rire, et que la nature, en accouplant au fond des siècles Rabelais à Dante, l’Ugolin au Grandgousier, Près de l’immense deuil montre le rire énorme. Le rire énorme, c’est bien cela, et personne n’a mieux défini la plaisanterie de M.  […] et ne prête-t-on pas un peu à rire quand on vient nous rappeler, à propos de ce pauvre réfractaire débile et chétif, que Tyrtée, lui, marchait à la tête des bataillons qu’il animait de ses chants ? […] C’est l’art très heureux de l’auteur de mêler ainsi un rire franc aux émotions du récit. Il n’a pas peur du détail pittoresque, et il sait faire rire à propos son lecteur, ce qui est si rare et ce qui ne porte aucune atteinte à la distinction de son récit, bien au contraire.

804. (1858) Du roman et du théâtre contemporains et de leur influence sur les mœurs (2e éd.)

Il reproduit les travers de la société pour en rire ; il s’inspire des sentiments à la mode pour les poétiser : il épure les idées, mais ne cherche point à les changer. […] Il se rirait de moi. […] À qui nous fait rire nous pardonnons tout. […] Elle a fait rire de ce qui est triste, et amusé de ce qui est odieux. […] Il n’est pas jusqu’à Mercadet, ce héros posthume de M. de Balzac, qui ne descende en ligne directe du héros de L’Auberge des Adrets : Mercadet, c’est Robert Macaire financier, spéculateur, exerçant son industrie à la Bourse, se faisant gloire de sa rouerie, étalant ses théories cyniques, et provoquant chez le spectateur, non point comme Tartufe ou l’Avare, le rire qui corrige, mais un rire complaisant et admirateur, un rire qui corrompt.

805. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

À coup sûr, Messieurs les littérateurs parisiens devront bien rire à voir, sur la couverture de votre livre, le titre qui promet un examen de leurs personnes ; mais comme a dit quelqu’un, quelque part : « Un chien regarde bien un évêque !  […] que de billets furtivement glissés dans les beaux manchons de velours, que d’œillades et de ris que la foule intercepte et qui n’arrivent pas à leur destination ! […] Labarre, le célèbre harpiste, Thalberg le pianiste sans pareil, Lisztr et Berlioz sont les prétextes des réunions fixes ; on chante, on improvise, on rit, on s’amuse enfin, parce qu’on se connaît : et que peu de nouvelles figures pénètrent là. […] Tout cela est écrit très sérieusement, c’est ce qui en fait le charme pour ceux qui veulent rire. […] Notre pays vaut les autres, je crois, et je ne sais vraiment de quel droit un méchant écrivain viendrait y rire et en remporter de quoi faire rire les autres.

806. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

Courbet ait des partisans, me riraient au nez : ce ne serait pas le moyen de les convaincre. […] Si vous n’êtes assez heureusement doués pour hausser les épaules et rire, cela vous produit le même agacement dans les nerfs qu’un accord donné à faux. […] Non seulement l’historien des Bourgeois de Molinchart, dont la vue ne pénètre pas au-delà de l’écorce extérieure des choses, reproduit dans toute leur sécheresse glaciale les événements de la rie réelle, il n’en voit encore qu’une partie et la moins digne d’attention. […] S’il se suicide, n’ayez pas peur, ce n’est que pour rire ; absolument comme le beau Goethe-Werther. […] Cela étant, essayez donc de traiter une œuvre d’abord d’après ce système abominable, seulement pour rire.

807. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Ducis épistolaire (suite et fin). »

Il n’en est pas moins vrai que, pour occuper les premiers rangs dans l’ordre de l’art, la condition est un certain équilibre et une ordonnance entre les éléments humains, une volonté supérieure qui en dispose, tout en les déchaînant, une élévation qui, au sommet, triomphe des orages eux-mêmes et se rit des déchirements au sein d’une sereine clarté. […] J’ai vu le rire et l’ingénuité de l’enfance sur les lèvres du vieillard, la gravité et le recueillement de l’âme dans les traits de la jeunesse. » Ducis, pour certains accents religieux, grandioses et doux, est un parent de Chateaubriand, de même qu’il est un de nos pères et de nos aïeux en rêverie.

808. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Riez tant qu’il vous plaira ! […] En me donnant des égratignures, vous m’avez très-tendrement serré les mains, et bien que vous m’ayez quelque peu ri au nez, vous ne m’en avez pas moins fait trois grands saluts, trois grands articles très-détaillés, très-considérables et qui ont dû vous être plus pénibles qu’à moi.

809. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [III] »

Le poète les écrit, dit-il en commençant, comme il écrirait un journal : Je me plains à mes vers, si j’ai quelque regret : Je me ris avec eux, je leur dis mon secret Comme étant de mon cœur les plus sûrs secrétaires. […] « Tout le reste, ainsi qu’il le dit, ne sont que ris et choses frivoles dont personne, ce me semble, ne se doit scandaliser, s’il n’a les oreilles bien chatouilleuses. » Si l’on souffre un peu de voir un poète obligé de descendre à ces justifications, on n’est pas fâché du ton de fierté, du ton de gentilhomme ou, pour mieux dire, d’honnête homme, dont il le prend, au milieu de toutes ses déférences, avec son illustre parent et patron.

810. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

Quand on m’exaltait tant, on me faisait hausser les épaules (il dit ailleurs : rire des épaules), mais quand on voudrait m’humilier, le sentiment intime résiste et contient le poids de toute la colonne d’air extérieur. […] Quelquefois il riait.

811. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Quand on aura retiré à une nation spirituelle la permission de rire tout haut et de se moquer publiquement, l’honnêteté y gagnera peut-être, mais la sottise aussi, bien certainement. […] Il serait trop singulier que le vers de Boileau cessât d’être vrai en France : On sera ridicule, et je n’oserai rire !

812. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre III »

Au dessert et dans la vérité du vin, ils sont tous convenus qu’ils étaient venus à Paris voir le Mariage de Figaro… Il semble que jusqu’ici les auteurs comiques ont toujours eu l’intention de faire rire les grands aux dépens des petits ; ici au contraire ce sont les petits qui rient aux dépens des grands. » De là le succès de la pièce. — Tel régisseur d’un château a trouvé un Raynal dans la bibliothèque, et les déclamations furibondes qu’il y rencontre le ravissent à ce point que, trente ans après, il les récitera encore sans broncher.

813. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Ses paroles, entrecoupées d’un rire nerveux et hostile, étaient presque toujours des plaisanteries sarcastiques très-amères contre les absents, auxquels il ne pardonnait pas le moindre dissentiment avec lui ou avec le parti dont il était alors ; puis il lançait, en regardant ses auditeurs, un éclat de rire saccadé et bruyant qui ressemblait à l’écho de son âme. […] Nous rîmes de la précaution.

814. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Il n’en riait point. Rire, c’était trop franc pour lui et trop appuyé, mais il en souriait.

815. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

Cousin, ont prétendu que le philosophe, coupable d’infidélité à la Sagesse, était positivement et physiquement amoureux de Mme de Longueville, et ils ont ri… Mais le livre de M.  […] Cousin, trouble à ce point la réalité et la moralité des choses historiques, il est évident qu’il peut fausser autour de lui les esprits faibles, et la Critique, qui jusque-là riait gaîment des livres imbécilement amoureux échappés à sa vieillesse, ne sourit même plus !

816. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Mémoires de l’impératrice Catherine II. Écrits par elle-même, (suite et fin.) »

— Rabelais et Scarron l’avaient fait rire autrefois, mais elle ne s’en souvenait plus ; elle n’avait que peu de mémoire pour tout ce qui était frivole ou de peu d’intérêt, et n’avait jamais rien oublié d’intéressant.

817. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Depuis que je vieillis, et qu’une femme, un ange, Souffre sans s’émouvoir que je baise son front ; Depuis que ces doux mots que l’amour seul échange Ne sont qu’un jeu pour elle et pour moi qu’un affront ; Depuis qu’avec langueur j’assiste à la veillée Qu’enchantent son langage et son rire vermeil, Et la rose de mai sur sa joue effeuillée, Je n’aime plus la vie et j’aime le Sommeil ; Le Sommeil, ce menteur au consolant mystère, Qui déjoue à son gré les vains succès du Temps, Et sur les cheveux blancs du vieillard solitaire Épand l’or du jeune âge et les fleurs du printemps.

818. (1874) Premiers lundis. Tome I « Victor Hugo : Odes et ballades — II »

Jamais orgie satanique n’a été conçue ni rendue avec plus de verve : l’argot des diables, leurs rires bruyants, leurs bonds impétueux, tout cela se voit et s’entend.

819. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre I. Les origines du dix-huitième siècle — Chapitre II. Précurseurs et initiateurs du xviiie  siècle »

On aimait, on buvait, on jouait, on riait ; on n’en demandait pas davantage.

820. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VII » pp. 56-69

Pas un de leurs gestes, pas un de leurs mouvements qui fût indigne de la souveraineté du monde ; ils riaient même, ils se jouaient avec une sorte de dignité. » Ici l’auteur fait un retour vers madame de Rambouillet, pour remarquer qu’elle est de ce caractère, qu’elle descend du même principe, fille de leur discipline et de leur esprit , et ne tient pas moins de l’a magnanimité des César et des Scipion que de l’honnêteté des Livie et des Cornélie.

821. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

Les admirateurs du génie de Molière ont besoin de chercher des excuses à son Amphitryon, dans son désir immodéré de plaire au prince qui Pavait subjugué par sa gloire et ses bienfaits, dans la corruption générale qui demandait au poète comique de faire rire le public aux dépens des époux malheureux, peut-être même dans l’espèce d’héroïsme auquel le poète avait voulu s’élever en se rangeant du côté des rieurs, lui à qui les désordres de sa femme avaient couté tant de larmes amères.

822. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Ainsi les imitations font leur effet sur nous, elles nous font rire ou pleurer, elles nous attachent avant que notre raison ait eu le temps d’agir et d’examiner.

823. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Prévost-Paradol » pp. 155-167

se gaufrer le front avec les rides d’un moraliste misanthrope et catoniser quand il faudrait rire et sourire ; être, enfin, de tempérament, de l’école de Voltaire, et se faire, par déception, de celle de Rousseau : voilà ce que je reproche nettement à Prévost-Paradol et à ses livres.

824. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Voltaire écrivit gravement, comme si ç’avait été un point d’histoire, que Fréron sortait des galères, et les autres de rire de ce bon tour !

825. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Sophie Arnould »

Cantatrice plus de nature que d’art, elle avait une voix qui faisait pleurer, en attendant que les mots plaisants ou cruels, dits par elle au lieu d’être chantés, fissent rire la gaieté ou saigner l’amour-propre.

826. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « A. Dumas. La Question du Divorce » pp. 377-390

L’homme d’esprit féroce aurait pu rire de cette ridicule idolâtrie, mais l’homme flatté s’arrêta au sourire… Assurément, les hommes sont moins expressifs, mais ils le sont terriblement encore !

827. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Il en a la langue immense, enthousiaste, éloquente, lyrique, à rires sonores, à larges larmes, l’engueulement sublime du cabaret, la gouaille à écuellées, les gros mots hardis qui n’ont peur de rien, quand il s’agit d’être remuant et pittoresque ; le gros sel, le sel bourguignon qu’il jette à poignées, d’ici, de là, mais plus cristallisé, plus diamanté et qui, en salant tout autant, étincelle davantage !

828. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Je dis que, si on se permet de telles fins de non-recevoir dans l’examen des œuvres littéraires, nous n’avons plus le droit de rire du vers de Boileau : Attaquer Chapelain !

829. (1882) Essais de critique et d’histoire (4e éd.)

C’est que le clergé autorisé, vénéré, sans ennemis, sans rivaux, avait alors le droit de causer et même de rire. […] Vous pouvez rire de Cromwell ou trembler avec Bunyan. […] Vous êtes avec Cromwell à la tête des affaires, et, dans ce poste, on n’a point la permission de s’émouvoir, ni l’occasion de rire. […] » Tous deux se mirent à rire. — « Je ne vous demande pas lequel est le plus riche, car vous êtes amis, n’est-ce pas ? […] Les curieux Athéniens viennent rire et s’étonner ; Ctésippe en est, avec son jeune ami Clinias.

830. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Ce sont des serres, qui se rient des saisons et donnent en janvier du lilas et des roses. […] Je rie sais si on en dira de même un jour de M.  […] Une fausse note et le concert qui nous enlevait nous fait rire. […] Les larmes coulent et les rires s’égrènent, au même rythme de la vie, pour s’enfoncer ensemble dans l’abîme sans fin. […] N’y a-t-il pas de quoi rire en voyant, comme je l’ai vu, enfant, faire à M. 

831. (1876) Romanciers contemporains

Or, si ceux qui croient trop naïvement à la gloire sont facilement ridicules, en retour ceux qui en rient avec affectation ne l’obtiennent pas aisément. […] Chez Charles de Bernard on rit de tout avec l’écrivain, même de son art. […] Toute la classe se mit à rire. […] Là où autrefois on riait avec rime et sans raison, à présent on discute en prose et un ne craint pas d’aborder les plus hautes questions. […] On peut dire qu’un salon s’emplit de rires, mais non « qu’il s’emplit de train ».

832. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

L’église est un rendez-vous, comme en Italie ; les jeunes gentilshommes vont à Saint-Paul se promener, rire, causer, étaler leurs manteaux neufs ; même la chose est passée en usage ; ils payent pour le bruit qu’ils font avec leurs éperons, et cette taxe est un profit des chanoines4 ; les filous, les filles sont là, en troupes ; elles concluent leurs marchés pendant le service. […] Il a purgé son cœur « de la compassion et de l’amour40 ; il rit quand les chrétiens pleurent. […] » Elle rit, l’excès de l’opprobre et de la peur l’a relevée ; elle l’insulte en face ; elle chante ; que cela est bien femme ! […] » — Elle rit nerveusement et tout haut : « Pas si vite, nous n’en sommes pas encore là. […] Et quand les autres jeunes dames, —  dans la gaieté folâtre de leur jeune sang, —  content tour à tour des contes joyeux qui remplissent la chambre de rires, —  elle, avec un regard désolé, apporte l’Histoire de la mort silencieuse — de quelque jeune fille abandonnée, avec des paroles si douloureuses — qu’avant la fin elle les renvoie toutes une à une les larmes aux yeux. » Comme un spectre autour d’une tombe, elle erre incessamment autour des restes de son amour détruit, languit, pâlit, s’affaisse, et finit par s’achever elle-même. —  Plus tristes encore sont celles qui, par devoir et soumission, se sont laissé conduire à un autre mariage.

833. (1933) De mon temps…

Dans le fumoir il y a beaucoup de fumée, et, à travers la fumée, me parviennent, accueillis par des rires, ces mots : « Anatole n’est pas brave. » Celui qui les a prononcés, d’une voix aigrelette, est un vieux petit monsieur un peu bossu et qui semble enchanté de l’effet de ses paroles. […] J’y entends encore la voix bougonne et paresseuse de Meilhac et le petit rire sec et nerveux de Lemaître, que je retrouvais aussi dans d’autres milieux. […] Ce fut « le mot » qui, accueilli des spectateurs par des rires ou par des sifflets, par des applaudissements et des huées, eut les honneurs de la soirée. […] Le revoici avec ses facéties ubuesques, ses paradoxes pataphysiciens, son jargon hermétique, ses gaietés glaciales, son comique sinistre, ses outrances, ses insanités ponctuées d’un rire qui grince. […] Cependant, il me paraît bien que l’amertume de Degas avait quelque chose de plus dédaigneusement féroce, de plus cruellement concentré que l’ironie barbelée, la rosserie perforante, et le rire mordant de Forain.

834. (1896) Le livre des masques

Ils apprendraient la signification des gestes très humbles et des mots très futiles, et que le rire d’un enfant ou le babillage d’une femme équivalent par ce qu’ils contiennent d’âme et de mystère aux plus éblouissantes paroles des Sages. […] L’Aube pâle s’est vue à des eaux mornes Et les faces du soir ont saigné sous les flèches Du vent mystérieux qui rit et qui sanglote. […] Car, informée par un papier circulaire, la Presse a trouvé en cette nouvelle un motif de plus à se rire et à nous plaindre, tant que, ballotté sur les flots d’encre de la mer des ténèbres intellectuelles, mais vainqueur des naufrageurs, le nom de Mallarmé, enfin écrit sur l’ironique élégance d’un côtre de course, vogue et maintenant nargue la vague et l’écume douce-amère de la blague. […] Il ne nous mentait pas ; très habile sertisseur, il glorifie vraiment les multiples pierreries du verbe, il fait sourire l’orient des perles, et rire l’arc-en-ciel des diamants décomposés. […] Dilectus meus descendit in hortum… mais ici le poète, aussi chaste, est moins sensuel : l’oriental a revêtu comme un surplis une âme d’Occident, et s’il cultive encore des lys dans son jardin clos, des grands lys blancs, il s’est instruit au plaisir de s’en aller, par de secrets sentiers connus des fées « qui rient sans bruit dans la forêt », cueillir les liserons les genêts, Et les fleurettes aventurières le long des haies.

835. (1772) Discours sur le progrès des lettres en France pp. 2-190

Celui qui d’un œil attentif observe la nature, la suit pas à pas, perce les replis du cœur humain, en démêle avec adresse les passions diverses, distingue habilement leurs nuances & leur caractère, découvre le jeu de leurs ressorts les plus secrets, arrache le masque au vice, saisit les ridicules, quelque imperceptibles qu’ils soient, & sait tirer d’un fonds aussi riche de quoi nous faire rire à nos dépens sans nous en appercevoir, est véritablement l’homme de génie, le créateur de l’Art, & Molière le fut. […] Il ne chercha point à exciter le rire de la malignité en faisant la satire du vice ou du ridicule ; il voulut seulement intéresser le cœur, en nous peignant ses foiblesses. […] Ils ont chassé les Ris du Théâtre & même de la société, en changeant journellement nos mœurs. […]   Ce n’est pas sous ces déguisemens difformes, mais accompagnée, comme elle devroit l’être toujours, des Jeux & des Ris folâtres, que M.

836. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

voilà le troisième acte, presque emboîté de suite, et le dramatique de la scène tué par les rires. […] Je le revoyais, dans le salon des demoiselles de Villedeuil, les filles du ministre de Louis XVI, les vieilles cousines de ma mère, ce froid et immense salon, aux boiseries blanches, toutes nues, au mobilier rare, empaqueté dans des housses, et où toujours, au dos d’une chaise, était oublié le ridicule d’une des deux sœurs, aux jardinières rectilignes, contenant de pauvres fleurs fanées, aux dunkerques, où s’étageaient des objets d’art légitimistes, je le revoyais, dans ce salon, qu’on aurait pu croire le salon de la duchesse d’Angoulême, adossé debout à la cheminée, son diable d’œil noir, tout plein d’ironie, et à un moment, dans l’ennui de l’endroit solennel, jetant un mot, qui secouait d’un rire, la sèche vieillesse et les robes feuille morte et caca dauphin des deux antiques demoiselles. […] Puis, une interruption amenée, je ne sais par quoi, et une nouvelle séance de mon dentiste, à la tête de plâtre, qui avait pris, cette fois, le caractère de méchanceté de la tête du vieil Aussandon, et je l’entendais me dire avec une voix, sortant comme d’un téléphone : « Ce que j’ai fait hier, c’était pour vous amuser… mais il n’est que temps d’aller voir Péan… la carie de la dent s’est communiquée à l’os de la mâchoire… peut-être est-il encore temps pour l’ablation. » Et devant le rire féroce de ma tête de plâtre, j’avais l’effroi de l’attente de cette opération, qui a coûté la vie au frère de Rattier. […] Des rires, des exclamations, des bravos, au milieu desquels je remarque, ce que n’ont vu ni Méténier, ni Alexis, la figure de bois de Sizos.

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