qu’il est doux, disait-il quelque part, dans la retraite (d’un soir d’hiver), à travers le trou de sa serrure, de guetter le monde tel qu’il est fait, de voir tout le remuement de cette Babel et de ne point sentir la foule. » Mais il avait trop de sensibilité, de patriotisme, de mouvements humains et chrétiens pour en restera cet état de spectateur amusé, et il s’échappait à tout instant en élancements et en effusions douloureuses qui peuvent sembler aujourd’hui toucher à la déclamation, mais qui, à les bien prendre et à les saisir dans leur jet, étaient surtout des à-propos éloquents. […] Restez donc, vous qui, portés dans des chaises ou dans des chars, ne connaissez d’autre fatigue que celle de l’oisiveté et ne goûtez d’autres scènes que celles que l’art combine, restez toujours dans votre élément ; là seulement vous pouvez briller ; là seulement des esprits comme les vôtres peuvent ne pas nuire. […] » Bernardin de Saint-Pierre, chez nous, a fréquemment mêlé aux peintures naturelles de vives images de la vie et de la félicité domestique : mais la poésie en vers était restée en arrière, on ne sait pourquoi.
Nul ne connaît mieux les attentions les plus flatteuses ; ce n’est pas populaire, ni civil qu’il est, c’est de cette politesse qui n’est restée qu’à lui dans l’âge où nous vivons. […] Le prince de Conti avait pourtant vingt-sept ans, un peu plus que le grand Condé, lors de cette victoire de Coni, restée sans résultat. […] Mme de Boufflers pourtant ne suivit pas son conseil ; sans doute elle ne s’en trouva pas la force ; elle resta jusqu’à la fin aussi liée avec le prince, aussi assidue, aussi dévouée : elle souffrit et renferma en elle sa souffrance. […] On ne connaissait, en effet, que le milieu de sa carrière, son éclat et ses succès de femme du monde ; les deux extrémités étaient restées peu éclaircies, et la fin même tout à fait obscure. — Sa famille est d’ailleurs bien connue, et jouissait déjà avant elle d’une illustration gracieuse : les Mémoires du xviie siècle ont beaucoup parlé de l’aimable Anne de Gampet de Saujon, qui eut tant d’empire (en tout bien tout honneur) sur Gaston d’Orléans.
Je suis restée avec lui jusqu’au dernier moment. […] L’appartement du poète, à l’étage supérieur de la maison, resta toujours fermé et comme sacré ; il y avait de même une place au moral que personne n’occupa97. […] On voit qu’il était resté en elle un peu de la souveraine. […] elle s’en garda bien, elle resta digne, fidèle au nom dont elle soutenait l’honneur par ses talents et par sa haute raison : elle eût près d’elle, dans les dernières années de sa maturité et jusque dans son extrême vieillesse, un ami constant, fidèle et sur, un autre Fabre, Fauriel.
J’eus de la peine à contenir toute ma satisfaction, car j’étais si prévenu contre lui, qu’il me restait l’inquiétude d’un piège, d’une ruse dont il fallait me défendre. […] Mais, s’il marche de mécompte en mécompte, Malouet ne se déconcerte pas trop ; il se rattache jusqu’à la fin aux branches de salut qui restent, et en même temps il dévie le moins qu’il peut de sa ligne moyenne jusque dans sa fidélité obstinée à la monarchie. […] L’autre incident, qui fit événement dans l’Assemblée et qui est resté mémorable, fut sa motion (15 août 1790) pour le rappel à Paris de l’abbé Raynal, frappé depuis 1781 par un arrêt du Parlement, et le singulier remerciement qu’adressa ensuite l’abbé Raynal à l’Assemblée dans le sens et par le conseil de Malouet. […] La renommée parlait de lui comme d’un bienfaiteur universel et enregistrait ses donations qui ne restaient pas toutes à l’état de projets : il proposait d’élever à ses frais un monument au Grutli pour les trois Suisses libérateurs et il faisait les fonds de deux prix à l’Académie de Lyon.
Son rayonnement couronne sa beauté, ses rougeurs restent sur les joues de la vierge et la colorent de pudeur. […] Pandore souleva le couvercle du vase, et tous les Maux que les dieux y avaient enfermés, misères et maladies, guerres et crimes, violences et soucis, s’en échappèrent sur la terre. — « Seule, l’Espérance resta dans le vase, arrêtée sur les bords, et elle ne s’envola point ; car Pandore avait refermé le couvercle par l’ordre de Zeus qui amasse les nuées. » — Belle et touchante légende ! […] Voulant honorer son illustre fils, il renonça à la colère qu’il avait conçue autrefois contre Prométhée qui avait lutté de ruses avec lui. » Mais Zeus, en amnistiant sa victime, voulut qu’elle restât marquée du stigmate de son châtiment, Prométhée gracié dut porter au doigt un anneau de fer fait d’un morceau de sa chaîne, et dans le chaton duquel était incrustée une parcelle du roc de son pilori. […] Prométhée resta honoré en Grèce, et presque adoré, mais dans une sorte d’ombre craintive.
Notre prose s’y montre déjà avec des qualités simples, droites et naturelles qui lui resteront acquises, et avec des tons de grandeur épique qu’elle ne gardera pas toujours. […] Après avoir mis assez adroitement le Saint-Esprit de son côté, puisque le Saint-Esprit lui-même n’a pas dédaigné de dicter les premières histoires, il en conclut qu’il est permis de regarder autour de soi, d’avoir pour soi-même cette charité bien ordonnée qui consiste à ne pas rester, en présence des intrigants, à l’état d’aveugles, d’hébétés et de dupes continuelles : « Les mauvais qui, dans ce monde, ont déjà tant d’avantages sur les bons, en auraient un autre bien étrange contre eux s’il n’était pas permis aux bons de les discerner, de les connaître, par conséquent de s’en garer… » Enfin, la charité, qui impose tant d’obligations, ne saurait imposer « celle de ne pas voir les choses et les gens tels qu’ils sont ». […] Salomon a dit quelque part dans le livre des Proverbes : « Comme on voit se réfléchir dans l’eau le visage de ceux qui s’y regardent, ainsi les cœurs des hommes sont à découvert aux yeux des sages. » Mais il est difficile de rester prudent et sage quand on lit à ce degré jusqu’au fond dans l’âme des autres hommes ; il est difficile, même lorsqu’on n’en abuserait point pour des fins intéressées et sordides, de ne point haïr, de ne point mépriser, de ne point marquer ses propres antipathies et ses instincts ; et le faible de Saint-Simon comme homme, de même qu’une partie de sa gloire comme peintre, est de s’être livré avec passion et flamme à tous les mouvements de réaction que cette seconde vue, dont il était doué, excitait en lui. […] Restons-en sur l’incroyable aveu de jubilation qu’on vient de lire, et disons hardiment : Tel était cet homme qui ne ment pas, qui ne dissimule pas, qui ne se fait pas meilleur qu’il n’est, et qui se trahit lui-même par son pinceau comme il traduit les autres.
Il alla, conduit par son père, passer à Metz son examen sous Laplace, dont la mine triste, froide et sévère lui imposa tant au premier abord, qu’il resta court, sans pouvoir dire son nom. […] Il pensait jusqu’en ses dernières années qu’un homme, pour rester tout à fait comme il faut, doit passer, chaque jour, quelques heures d’entretien avec les femmes : cela maintient l’esprit et la délicatesse. […] Mes blessures étaient encore ouvertes, mon bras sans aucun mouvement, et soutenu par une écharpe ; il me demanda comment je me portais, et quand je lui eus dit que je souffrais encore beaucoup, il répondit : « Il faut vous faire couper le bras1. » Je lui répliquai que je l’avais payé assez cher par mes souffrances, pour tenir aujourd’hui à le conserver ; et cette singulière observation en resta là. […] Dans cette conversation de plus de cinq heures, il passe en revue tous les points importants qui l’occupent, discute les divers partis qui lui restent à suivre, et, après les questions militaires, il en aborde d’autres plus générales, comme il faisait souvent.
Une lettre écrite au début de ses voyages montre qu’il eut un instant l’idée de devenir ambassadeur et d’être employé dans les cours étrangères ; mais le plus sûr est qu’il soit resté ce que nous le savons et ce que nous l’admirons, le grand, l’immortel investigateur, souvent hasardeux mais toujours fécond, de l’esprit de l’histoire. […] Au milieu des hardiesses et des irrévérences des Lettres persanes, un esprit de prudence se laisse entrevoir par la plume d’Usbek ; en agitant si bien les questions et en les perçant quelquefois à jour, Usbek (et c’est une contradiction peut-être à laquelle n’a pas échappé Montesquieu) veut continuer de rester fidèle aux lois de son pays, de sa religion : « Il est vrai, dit-il, que, par une bizarrerie qui vient plutôt de la nature que de l’esprit des hommes, il est quelquefois nécessaire de changer certaines lois : mais le cas est rare ; et, lorsqu’il arrive, il n’y faut toucher que d’une main tremblante. » Rica lui-même, l’homme badin et léger, remarquant que dans les tribunaux de justice, pour rendre la sentence, on prend les voix à la majeure (à la majorité), ajoute par manière d’épigramme : « Mais on dit qu’on a reconnu par expérience qu’il vaudrait mieux les recueillir à la mineure : et cela est assez naturel, car il y a très peu d’esprits justes, et tout le monde convient qu’il y en a une infinité de faux. » C’est assez pour montrer que cet esprit qui a dicté les Lettres persanes ne poussera jamais les choses à l’extrémité du côté des réformes et des révolutions populaires. […] — De retour en France, Montesquieu se retira à son château de La Brède, loin des soupers de Paris, pour y recueillir et y ordonner ses pensées ; il y resta deux ans, ne voyant que ses livres et ses arbres. Il était plein de l’Angleterre en arrivant, et il dut repousser et ajourner l’idée de publier d’abord un livre sur ce gouvernement original et si peu semblable au nôtre, qui le tentait : il donna de préférence ses Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence (1734), qui sont restées le plus classique et le plus parfait de ses ouvrages, le seul même qui nous paraisse aujourd’hui sorti tout d’un jet comme une statue.
Ces forgerons cultivateurs étaient des protestants de vieille roche ; ils étaient restés fidèles au dogme anglican, même sous le règne persécuteur de la reine Marie. […] Benjamin avait douze ans, et il devait y rester jusqu’à vingt et un. […] Il éluda cette défense en passant le journal sous le nom de son frère, le jeune Benjamin, auquel il remit à cet effet, et pour la forme, son brevet d’apprentissage avec libération ; il fut convenu toutefois, par un nouvel engagement destiné à rester secret, que Benjamin continuerait de le servir comme apprenti jusqu’au terme primitivement convenu. […] Il y arrive dans un assez piteux état, en habit d’ouvrier, mouillé par la pluie, ayant ramé durant la traversée ; il ne lui restait que bien peu d’argent en poche, et il voulut pourtant payer son passage aux bateliers.
Les cours d’Allemagne avaient alors les regards tournés vers la France ; les souverains visitaient Paris incognito, et, de retour ensuite dans leur pays, ils voulaient rester au courant de ce monde qui les avait charmés. […] Je ne veux ni ne peux rester à Paris ; j’y suis trop malheureux. Je veux bien faire un voyage et passer quelques mois dans ma république ; mais, par les propositions que l’on me fait, il s’agit de m’y fixer, et, si j’accepte, je ne serai pas maître de n’y pas rester. […] Rousseau resta pensif toute la soirée ; il retourna le lendemain matin à l’Ermitage sans mot dire, et il ne pardonna jamais à Grimm d’avoir trouvé des fautes dans ses copies.
Cela est si vrai que, depuis l’origine même de l’art, les écrivains, les musiciens et les peintres n’ont jamais hésité à présenter dans leurs œuvres les spectacles les plus pathétiques, à user des modulations les plus plaintives ; les genres les plus élevés dans l’estime publique sont les genres tragiques ; les plus grandes œuvres que l’art humain a produites, sont des œuvres montrant des images tristes et développant des idées lugubres qui restent grandioses, saisissantes, charmantes et ne font jamais à quelque point qu’on les pousse, de peine nocive, de vrai mal, de mal dont on veuille se défendre6. […] Les causes de l’émotion esthétique sont, contrairement aux causes de l’émotion réelle, une hallucination que l’on sait inconsciemment être fausse, que l’on sent n’avoir rien de menaçant, une hallucination émouvante, dont les images sans cesse combattues en vertu de leur caractère factice, réprimées et modifiées par tout le cours ambiant de la vie, par la conscience générale qu’à leur sujet sur sa sécurité, de sa non souffrance, — cessent d’agir comme des images réelles, demeurent sans cohésion avec le reste du cours mental, ne s’associent pas à des prévisions positives de peine ou de plaisir personnels, et restent ainsi seulement excitantes, comme on n’éprouve d’un assaut avec des épées mouchetées, que l’exhilaration d’un exercice7. […] Les émotions étant désignées, il conviendrait d’en mesurer l’intensité ; mais c’est là un ordre de recherches qui est inabordable pour le moment et le restera sans doute longtemps. […] Dans ces livres, l’examen des émotions et de la forme extérieure pourra rester le même.
Il fit ce quatrain étant ivre lui-même, à la belle étoile, sous un pommier resté célèbre dans le pays à cause de ce Songe d’une nuit d’été. […] On trouve sur le registre de Lagrange, au mois d’avril 1663, cette mention : « vers le même temps, M. de Molière reçut une pension du roi en qualité de bel esprit, et a été couché sur l’état pour la somme de mille livres. » Plus tard, quand Molière fut mort, et enterré à Saint-Joseph, « aide de la paroisse Saint-Eustache », le roi poussa la protection jusqu’à permettre que sa tombe fût « élevée d’un pied hors de terre. » § VI Shakespeare, on vient de le voir, resta longtemps sur le seuil du théâtre, dehors, dans la rue. […] La deuxième partie de Henri VI est intitulée : « La Première partie de la guerre entre York et Lancastre. » La troisième partie est intitulée : « La Vraie tragédie de Richard, duc d’York. » Tout ceci fait comprendre pourquoi il est resté tant d’obscurité sur les époques où Shakespeare composa ses drames, et pourquoi il est difficile d’en fixer les dates avec précision. […] À partir de 1613, Shakespeare resta à sa maison de New-Place, occupé de son jardin, oubliant ses drames, tout à ses fleurs.
C’étaient ses deux patries ; il les avait quittées toutes deux de bonne heure et pour n’y plus revenir, mais elles lui restaient gravées toujours. […] On a beaucoup parlé du relâchement de l’Oratoire en ces années finissantes ; je ne me permettrai pas de jugement général, et je crois tout à fait que la physionomie extérieure de l’Ordre était restée très-convenable, très-satisfaisante aux abords de la révolution. […] Daunou refusa et resta au milieu de ses livres. […] Daunou restait en deçà ; il était sceptique en ces matières, à la façon de Gabriel Naudé, et suivait volontiers, comme lui, l’axiome des jurisconsultes : Idem judicium de is quæ non sunt et que non apparent. […] Quelquefois pourtant, quand l’insomnie le prenait, il se levait plus tôt, et dès deux heures du matin « Mais pourquoi ne pas rester au lit ?
La rapidité de cette scène avait déconcerté les projets de M. de Saint-Pierre ; son discours était resté sur le bord de ses lèvres et son mémoire dans sa poche. […] Il arrive dans la vie ce qui arrive sur un fleuve pendant qu’il vous entraîne: vous croyez que tout ce qui est autour de vous chemine, et que seul vous restez immobile. […] Sa femme, restée à l’Île de France, se trouva veuve, enceinte, et n’ayant pour tout bien au monde qu’une négresse, dans un pays où elle n’avait ni crédit ni recommandation. […] Il n’en restait plus qu’un sur le pont, qui était tout nu et nerveux comme Hercule. […] Pour moi, je restai dans l’habitation de mes amies infortunées, pour leur donner, ainsi qu’à Paul, tous les secours dont j’étais capable.
Le sable du désert peut, sous une atmosphère lourde et chargée d’orage, rester immobile sans cesser d’être poussière. […] Vous vous étonnez que l’Humanité ait pu rester si longtemps emprisonnée dans ce redoutable cercle ; ah ! […] Le droit restait ce qu’il est, ce qu’il est en essence, l’égalité ; et pourtant l’inégalité des conditions était de droit. […] Il resterait donc : souffrir ou mourir. […] Il restait du Christianisme l’asile ouvert par S.
Bossuet avait déjà traité ce sujet de saint Paul ailleurs et dans un tout autre ton, si l’on en juge par ce mot du texte qui est resté et qui avait servi à désigner ce premier panégyrique : Surrexit Saulus ou Paulus… On disait, en parlant de ce sermon, le Surrexit Paulus de l’abbé Bossuet. […] Floquet, dans son zèle si méritoire, la redécouvrît en quelque sorte, l’exhumât laborieusement avec les preuves, les témoignages sans nombre, et de manière à nous prouver sans réplique que Bossuet avait précédé les autres grands prédicateurs de son siècle par le talent comme par la renommée, et qu’il s’était précédé lui-même, à ne considérer que la portion restée la plus glorieuse de sa carrière.
Tout étranger à la littérature active et militante que soit toujours resté M. de Lamartine, quelque réelles et profondes que paissent déjà paraître aujourd’hui les différences qui le séparent des générations poétiques plus jeunes et plus aventureuses, il ne demeure pas moins incontestable qu’il est avec M. de Chateaubriand, et le second par la renommée et par l’âge, à la tête de cette révolution dans l’art qui s’est ouverte avec le siècle. […] Il nous coûte d’avouer qu’il est resté au-dessous de sa tâche.
La femme, en elle, fut originale et bonne ; et, quant à son œuvre, une partie en sera belle éternellement, et l’autre est restée des plus intéressantes pour l’historien des esprits. […] Elle est restée jusqu’au bout la petite fille qui, dans les traînes du Berry, inventait de belles histoires pour amuser les petits pâtres… Je suis sûr que les aventures singulières et mystérieuses de l’Homme de neige, de Consuelo et de Flamarande me raviraient encore.
Le pape Pie XI annoncera par une suprême encyclique (Gaudeamus, fratres) à ce qui restera du monde chrétien qu’il remet ses pouvoirs aux mains de l’Académie des sciences de Berlin. […] Cette élite n’aura pas de femmes ; la femme restera la récompense des humbles, pour qu’ils aient un motif de vivre… Mais ce délicieux rêve oligarchique réalisé, les sages ne pourront bientôt plus supporter leur propre sagesse, leur propre toute-puissance, ni leur solitude.
Il est vrai aussi que, si l’idée de la beauté féminine est restée à peu près immuable à travers les âges, l’idée du joli, qui est en grande partie affaire de toilette et de colifichets, est soumise aux plus rapides et aux plus étranges vicissitudes. […] Ils se donnent si bien à nous tout entiers qu’après leur mort il ne reste rien d’eux, absolument rien, et qu’il n’en peut rien rester, et que leurs portraits même ne peuvent pas être leurs portraits !
Que leurs œuvres restent étiquetées, par le hasard, de ces syllabes-là plutôt que de celles qui forment les noms de Dupont ou de Durand, qu’est-ce que cela peut faire à ceux qui furent Hugo ou Shakspeare ? […] Et, sensuel, il restait en quelque manière innocent.
Et nous restons sans lire, les yeux charmés, sur ces vilaines lettres de journal, où votre nom semble imprimé en quelque chose qui vous caresse le regard, comme jamais le plus bel objet d’art ne le caressera. […] Nous restons jusqu’à six heures… et pas de Brindeau.
Il est difficile de ne pas rester confondu d’étonnement, lorsqu’en ouvrant les Pensées du philosophe chrétien, on tombe sur les six chapitres où il traite de la nature de l’homme. […] En un mot, le siècle de Louis XIV est resté paisible, non parce qu’il n’a point aperçu telle ou telle chose, mais parce qu’en la voyant, il l’a pénétrée jusqu’au fond ; parce qu’il en a considéré toutes les faces et connu tous les périls.
En fait, une religion qui progresse est une religion à l’envers de toutes les religions connues, qui, comme on le sait, ont très peu progressé, mais sont restées, au contraire, parfaitement immobiles dans la majesté de leur établissement et de leur influence sur le monde. […] « Tout le mal de la vie — disait Pascal — vient de ce que l’homme ne sait pas rester assis dans une chambre. » Eh bien, peut-être ils seront cet homme-là !
Mais voici qui vengea le livre resté trop obscur. […] Malgré tout, en effet, malgré la contagion de la libre pensée, ce terrible choléra moderne de la libre pensée qui les ronge et qui les diminue chaque jour, les chrétiens sont encore assez nombreux pour faire de la gloire comme le monde la conçoit et la veut, — et, de cela seul que l’Église mettait en question la sainteté de Christophe Colomb, il avait sa gloire, même aux yeux des ennemis de l’Église, qui, au fond, savent très bien, dans ce qui peut leur rester d’âme, qu’il n’y a pas sur la terre de gloire comparable à celle-là !
Et l’on aurait raison de le dire, si nous étions de pures intelligences, s’il n’était pas resté, autour de notre pensée conceptuelle et logique, une nébulosité vague, faite de la substance même aux dépens de laquelle s’est formé le noyau lumineux que nous appelons intelligence. Là résident certaines puissances complémentaires de l’entendement, puissances dont nous n’avons qu’un sentiment confus quand nous restons enfermés en nous, mais qui s’éclairciront et se distingueront quand elles s’apercevront elles-mêmes à l’œuvre, pour ainsi dire, dans l’évolution de la nature.
Dans la suite même, quand il ne resta plus d’eux que leur nom et leurs bienfaits, et cet éclat de réputation qui agrandit tout, on en fit des dieux ; alors leur tombe fut un autel, et leurs éloges furent des hymnes. […] Tant qu’il vécut, ces monuments restèrent ; mais à sa mort on les vendit, et une collection qui avait coûté tant de soins, se trouva encore dispersée.
Il y resta quelque temps ; puis revint à Londres, un peu moins dénué, et lança son Essai sur les Révolutions (1797). […] Il y resta deux ans. […] — Remarquez que rien ne les empêche de rester comme au-dessous de la nouvelle croyance (et en effet ils y sont restés), et que même ils la peuvent soutenir. […] Mais il avait dans son dessein d’en faire une thèse, et il en est resté quelque chose. […] Les deux épisodes restèrent isolés.
Comment ne pas nommer en tête celui qui, par son talent, par sa verve, par la curiosité infinie de ses recherches, et par je ne sais quelle flamme qu’il a l’art de communiquer à ce qui en d’autres mains ne serait resté que des papiers, a forcé le public, je ne parle plus du public érudit et lettré, mais le public des salons et qui décide des modes, à s’occuper de ces belles du temps jadis et à en disserter d’après lui ? […] Guizot, dans un intervalle de ses mâles et fermes histoires, s’est dit qu’il y avait lieu d’intéresser sans tant d’aventures et de beaux crimes : il a retracé et buriné à la manière hollandaise la figure de lady Russell, ce modèle des grandes veuves, de celles qui restent fidèles à un noble sang généreusement versé et à une vieille cause. […] j’avouerai mon faible : j’ai sans doute courtisé plus d’une de ces femmes illustres ; je m’en suis souvent approché, et de quelques-unes de celles-là mêmes que j’ai nommées et de beaucoup d’autres ; mais je ne leur ai fait en quelque sorte qu’un doigt de cour, je ne me suis point attaché à une seule, et me voilà puni de mon inconstance : j’ai été traité en passe-volant ; pas une ne m’est restée. […] Ils étaient restés plus Italiens que Français : il fut, lui, un Français des plus accomplis, ayant bien le cachet de son temps. […] Il a très bien défini dans une lettre à M. de Puysieux (du 6 août) le genre de conduite et de procédé qui était fait pour réussir et imposer en cour romaine ; il parle d’un agent français qui, bien qu’à Rome depuis quinze ans et se proposant d’y passer sa vie, est resté très antiromain de cœur, d’esprit et de discours : On l’accuse d’ardeur et de hauteur dans les affaires, et j’ignore si ces accusations sont fondées.
Un abbé de cour, d’une société lettrée et licencieuse, qui avait brigué autrefois les préférences de la belle trésorière, qui était resté l’ami de la famille et qui était le parrain du jeune homme, dirigea ou égara plutôt ses premiers pas dans le monde. […] Un lâche affront qu’il éprouva alors de la part d’un grand seigneur de la maison de Rohan le força à demander réparation les armes à la main ; la réparation lui fut indignement refusée ; il ne crut pas pouvoir rester plus longtemps dans une patrie qui lui interdisait de venger son honneur, il se retira en Angleterre, il y passa deux ans dans un petit village nommé Mandworth, aux environs de Londres. […] Quelque chose de la grâce et des vices d’Alcibiade lui était resté de sa jeunesse, de la cour, de la société, du théâtre. […] Cette influence de Voltaire resta vivante, mais inerte, sous le gouvernement de la maison d’Orléans, dont on redoutait moins l’alliance avec le clergé. […] Le jour où cette indépendance, qui ne peut pas être éloignée et que les hommes de philosophie libre désirent ardemment, sera venue, ce jour-là seulement l’influence définitive de Voltaire sera fixée, et il ne restera de son nom et de son œuvre que ce qui doit en rester pour l’immortalité, c’est-à-dire : Un poëte lyrique sans flammes, sans ailes, sans enthousiasme ; Un poëte dramatique doué d’une certaine illusion théâtrale, mais d’un style au-dessous de Corneille, de Racine, style de parterre, qu’on peut entendre avec plaisir, mais qu’on ne peut relire avec admiration ; Un poëte badin au-dessous d’Arioste ; Un poëte familier égal à Horace ; Un historien inférieur à Thucydide, à Tacite, à Gibbon, à Montesquieu, sans profondeur dans les jugements, sans pathétique dans les sentiments, sans couleur et sans chaleur dans le récit, mais clair, rapide, sensé, judicieux, élégant, sincère, instruisant beaucoup, amusant toujours, ne trompant jamais son lecteur ; Un écrivain de lettres familières, tel qu’il n’en parut jamais dans l’antiquité ou dans les temps modernes, supérieur à Cicéron en facilité de style, égal en charme, en souplesse, en naturel à madame de Sévigné elle-même, féminin par la grâce, viril par le grand sens de ses lettres ; c’est là qu’il faut le chercher tout entier, ses imperfections sont dans ses œuvres, son génie est dans sa correspondance ; homme à la toise de beaucoup d’autres hommes si on le mesure quand il est vêtu, homme incommensurable en déshabillé ; Un polémiste dont on ne peut comparer l’éloquence aux éloquences de Cicéron, de J.
Depuis ce temps, j’abhorre le chiffre, cette négation de toute pensée, et il m’est resté contre cette puissance des mathématiques exclusive et jalouse le même sentiment, la même horreur qui reste au forçat contre les fers durs et glacés rivés sur ses membres et dont il croit éprouver encore la froide et meurtrissante impression quand il entend le cliquetis d’une chaîne. […] Nous restâmes quelques moments assis, silencieux et pensifs, devant ce spectacle sans paroles, et nous rentrâmes à pas lents dans la petite cour de l’évêque, éclairée par le foyer des Arabes. Assis sur quelques fragments de corniches et de chapiteaux qui servaient de bancs dans la cour, nous mangeâmes rapidement le sobre repas du voyageur dans le désert, et nous restâmes quelque temps à nous entretenir, avant le sommeil, de ce qui remplissait nos pensées. […] Nous restâmes muets et enchantés comme ces esprits célestes quand, planant pour la première fois sur le globe qu’ils croyaient désert, ils entendirent monter de ces mêmes bords la première prière des hommes ; nous comprîmes ce que c’était que la voix de l’homme pour vivifier la nature la plus morte, et ce que ce serait que la poésie à la fin des temps, quand tous les sentiments du cœur humain éteints et absorbés dans un seul, la poésie ne serait plus ici bas qu’une adoration et un hymne ! […] Et dans tous les cas, il restera de glorieux monuments de leur lutte.
De tous les recueils lyriques de Victor Hugo, les Feuilles d’automne sont probablement le seul qui restera, car c’est le seul où se révèlent des pensées sérieuses. […] Charles Baudelaire Quand on se figure ce qu’était la poésie française avant que Victor Hugo apparut, et quel rajeunissement elle a subi depuis qu’il est venu ; quand on s’imagine ce peu qu’elle eût été s’il n’était pas venu, combien de sentiments mystérieux et profonds, qui ont été exprimés, seraient restés muets ; combien d’intelligences il a accouchées, combien d’hommes qui ont rayonné par lui seraient restés obscurs, il est impossible de ne pas le considérer comme un de ces esprits rares et providentiels qui opèrent, dans l’ordre littéraire, le salut de tous, comme d’autres dans l’ordre politique. […] Ange Laisant La gloire de Victor Hugo rayonnera sur le xixe siècle et contribuera pour une forte part à la solution des grands problèmes devant lesquels le xixe siècle est resté impuissant. […] Ce qui est resté de Voltaire restera de M.
Tel ouvrage où l’auteur y est resté fidèle, sans rien créer, n’a réussi qu’à montrer ce qu’il était incapable de faire. […] Il ne restait plus à Homère que deux défenseurs, Dacier et sa femme. […] Où Boileau s’était tu, où Fénelon était resté neutre, une femme éclata. […] Le ton dont il affirme n’offense pas les contradicteurs ni ceux qui veulent rester dans le doute. […] Il lui en est resté de bonnes habitudes dont, fort heureusement pour lui, il ne se défera pas.
D’ailleurs, si mon admiration est restée aussi enthousiaste pour les premières œuvres de Wagner, je dois avouer qui, tout en m’inclinant devant les pages sublimes de la Tétralogie, je fais à l’égard de cette dernière conception d’assez sérieuses réserves. […] Ses sujets légendaires me semblent puérils, et son génie, enserré dans les liens étroits du leitmotiv, me paraît moins fécond que lorsque, sans esprit de système, il écrivait Lohengrin, qui, à mon avis, restera son chef-d’œuvre devant la postérité. […] Pasdeloup est resté inébranlable. […] Pasdeloup continue ainsi : « Je crois que la France ne doit pas rester en dehors du mouvement musical qui peut se produire au-delà des frontières ; le devoir des Concerts populaires, qui ont toujours marché en avant, est de faire connaître à Paris des œuvres qu’on peut ne pas admirer, mais qu’il n’est pas permis d’ignorer et qu’une très grande partie de mon public est curieux d’entendre. » Quand les résultats de la lutte soutenue par M. […] La plupart des artistes créateurs nous restent, il est malheureusement à déplorer que M.
Il est impuissant comme imagination spontanée dans le style, comme grand aperçu et vue pleine dans la pensée, mais il est resté viril et vigoureux par ailleurs. […] corrompt autant que la richesse, répugnant également à tout servage et à toute fainéantise, resta un ouvrier aux mains pures comme son cœur, ne repoussant jamais sa besogne de misère comme indigne de son génie, quoiqu’il sentit pourtant bouillir en lui des facultés qui s’élançaient par-dessus le travail de ses mains ! […] Proudhon, au contraire, d’un cœur trop tendre pour rester virginal comme Newton, fut aussi chaste que tendre avec les femmes, — et les femmes, c’est encore trop dire, car il n’en a peut-être aimé que deux : celle qu’il épousa, et la jeune fille qui se réfugia en Suisse (nous dit sa Correspondance) et que les tristes nécessités de sa première jeunesse ne lui permirent pas d’épouser. […] Il restera condamné. […] Mais alors, la femme, déclassée une fois et arrivée — n’importe par quels chemins — à la courtisane, restait courtisane.
Aristophane est resté un grand nom ; et c’est justice, puisqu’il fut un excellent poète. […] Scribe est arrangé comme il le mérite, et le morceau est resté célèbre. […] Marthe est restée « sage », et elle est flanquée d’une mère habile. […] Les deux hommes restent en présence. […] Une femme peut cesser d’être amante, devenir philosophe, et néanmoins rester mère.
Combien n’en est-il pas qui sont restés au fond de l’abîme ! […] Delphine Gay devint madame Émile de Girardin, et resta aux prises avec la même insécurité. […] Il a bien fait de rester de son temps et de prendre son parti de l’anachronisme. […] Restons donc prudemment dans le passé et n’oublions pas notre titre protecteur de Revue. […] Scribe, qui est resté vide, faute d’une majorité suffisante au jour de l’élection.
Cependant l’interprétation, la description de la nature à la manière antique restait toute entière à ressaisir. […] Ce lieu que j’ai été obligé de vendre m’est resté sacré. […] Dans cet ordre d’idées il restera jusqu’au bout le disciple de sa mère. […] Ébauches au point de vue du goût et de l’art, elles n’en restent pas moins de précieux documents pour l’histoire littéraire. […] De même, après avoir prévu l’orage, il resta des plus fermes et des plus courageux quand la tempête eût éclaté.
. — L’empereur n’en restera pas là, et votre carrière n’est pas finie. […] ) le général thiébault. — Ne nous parle pas de ce plaisir-là, à nous qui sommes condamnés à rester ici. […] lasalle. — Je ne veux pas ; ce serait un trop mauvais tour ; cela ralentirait ma marche ; ils voudraient tous ensuite m’en donner le reste de la route, je resterais en chemin.
On lui reproche La Guerre des dieux et on a raison ; mais les élégies restent, ces élégies sont un des plus agréables monuments de notre poésie moderne. » Fontanes, Projet de rétablissement de l’Académie française, 1800. […] Jusqu’à Parny du moins, le refrain de la célèbre chansonnette restait une vérité (C’est un enfant, c’est un enfant !) […] Ce n’est pas qu’il n’ait gardé jusqu’à la fin de ces tons purs, de ces touches gracieuses, et il serait aisé d’en relever des exemples heureux, des applications variées dans ses divers poèmes : mais il ne se renouvela pas, et il est resté pour la postérité le poète des élégies. — « Voyez-vous, ma petite, passé vingt-cinq ans, cela ne vaut plus la peine d’en parler » ; ce mot d’Horace Walpole à Mme du Deffand est la devise des élégiaques sincères et de celui-ci en particulier.
Renan est resté profondément reconnaissant envers leur mémoire. […] Et puis son cœur de Breton était tendre aussi et ne pouvait rester tout à fait insensible dans ce divorce lentement amené, mais décisif et sans retour, avec des croyances du berceau et de l’enfance qui lui échappaient. […] On s’écria, on dénonça : lui, il resta calme, il se déroba à la polémique comme à un exercice inférieur, et il remonta d’un degré plus haut dans son point de vue, jusqu’à ne pas craindre même de rencontrer un léger nuage, — le nuage d’or de la poésie.
A la veille des prochaines divisions, et dans le temps même de cet intervalle, il y eut, nous l’avouons, comme un dernier instant fugitif, que tous ceux qui sont restés fidèles à la Revue ne peuvent s’empêcher de regretter, un peu comme les jeunes filles regrettent leurs quinze ans et leur première illusion évanouie : ce fut l’instant où le groupe des artistes et des poëtes paraissait au complet (M.de Balzac n’en était déjà plus, mais M.Dumas en était encore), et où les critiques vivaient en très-bon ménage avec eux. […] Les politiques, restés plus avisés, le savent bien pour leur compte, et, dans leur politesse, qui ressemble un peu à celle de Platon éconduisant les poëtes, ils renvoient d’ordinaire ces gens d’esprit, qui ne sont que cela, à la littérature. […] Ceux même qui parlent ainsi, et qui se plaignent si haut, ont oublié de quelle manière leurs œuvres dernières, celles qui restaient dignes de leur talent et de la scène, ont été examinées dans cette Revue, non point avec l’enthousiasme qu’ils eussent désiré peut-être, du moins avec une bienveillance et une sincérité d’intention incontestable84.