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497. (1884) La légende du Parnasse contemporain

J’entends leur coutume de hasarder sans cesse leurs personnalités dans leurs poésies. […] Un poète lui avait révélé la poésie, il voulut lire tous les poètes. […] La poésie sans passion et sans pensée ? […] Elle est une source éternelle de poésie. […] Je crois fermement que les temps prochains seront, plus qu’aucune époque, favorables à la poésie, et même à la poésie épique, c’est-à-dire légendaire.

498. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé au nom de l’Académie des inscriptions et belles-lettres aux funérailles de M. .Villemain »

Aux plus brillants succès de son talent d’écrivain et d’orateur, il eût préféré la bonne fortune de découvrir un de ces chefs-d’œuvre de la poésie grecque, modèles d’un art incomparable, où la suprême élégance elle bon sens, loin de s’exclure, se réunissent en une divine harmonie. […] Rien n’était en dehors de sa large et intelligente critique : il était aussi maître de son sujet quand il retraçait l’histoire de la poésie lyrique des Grecs que quand il expliquait Dante et la poésie du moyen âge.

499. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Un des plus beaux sonnets de Ronsard, et qui le caractérisent le mieux dans son feu d’étude, dans sa lièvre de poésie et de travail, c’est celui qui commence par ces vers empressés, impétueux : Je veux lire en trois jours L’Iliade d’Homère, Et pour ce, Coridon, ferme bien l’huis sur moi… Il y ordonne à ce laquais, Corydon, de tenir sa porte exactement close et de ne le déranger pour rien au monde, sous peine d’éprouver à l’instant sa colère. […] Si Ronsard sort d’une lecture ainsi forcée avec une poésie un peu haute en idée, mais inégale et indigeste, et la tête montée comme on dit, on n’en sera pas surpris. […] Voilà ce qui me semble candidement de lui pour ce qui regarde son mérite dans la poésie française. […] D’où vient cette servile et désagréable imitation des anciens que chacun remarque dans ses ouvrages, jusques à vouloir introduire dans tout ce qu’il faisait en notre langue tous ces noms des déités grecques, qui passent au peuple, pour qui est faite la poésie, pour autant de galimatias, de barbarismes et de paroles de grimoire, avec d’autant plus de blâme pour lui, qu’en plusieurs endroits il déclame contre ceux qui font des vers en langue étrangère, comme si les siens, en ce particulier, n’étaient pas étrangers et inintelligibles. […] Ce n’est qu’un maçon de poésie, et il n’en fut jamais architecte, n’en ayant jamais connu les vrais principes ni les solides fondements sur lesquels on bâtit en sûreté.

500. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres choisies de Charles Loyson, publiées par M. Émile Grimaud »

Puis le silence se fait : d’autres générations succèdent, prennent la tête et s’emparent de la renommée dans le domaine de la poésie. […] Aujourd’hui vingt-huit autres années se sont écoulées, et tout à coup il arrive que dans la génération nouvelle on se ressouvient de Charles Loyson, on revient à lui jusqu’au point de croire qu’une édition choisie de ses Poésies et de sa prose n’est pas un contre-temps ni un hors-d’œuvre à l’heure présente. […] Un reflet de l’éclat que jette la parole du Père Hyacinthe est allé éclairer un tombeau presque oublié, et voilà comment j’ai aujourd’hui à annoncer une édition nouvelle de ces Poésies dont j’avais été le premier à reparler autrefois. […] Le volume s’ouvre par quatre Épîtres d’une bonne poésie philosophique, adressées à M.  […] Les poètes en général, si l’on excepte le grand Lucrèce, ont considéré le spiritualisme et les idées religieuses comme la région naturelle où respire et se meut à l’aise la poésie.

501. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « APPENDICE. — CASIMIR DELAVIGNE, page 192. » pp. 470-486

Une fois pourtant, seulement une fois, il a retrouvé et même surpassé le naturel et l’éclat de ses premières poésies. […] Cet affranchissement, négocié par des cabinets avides et ambitieux, prêtait aux craintes et aux conseils de la poésie. […] L’on pouvait comparer sa poésie à un salon toujours magnifiquement décoré, même lorsque la maîtresse était absente. […] Bignan, dans ses poésies, d’ailleurs estimables, ne pousse pas l’abus de l’apostrophe plus loin que M. […] De toutes les poésies du recueil, elle est celle qui a le moins coûté et qu’on goûte le plus.

502. (1861) La Fontaine et ses fables « Troisième partie — Chapitre III. Théorie de la fable poétique »

A dire que la poésie est l’art de transformer les idées générales en petits faits sensibles, et de rassembler les petits faits sensibles sous des idées générales ; de telle sorte que l’esprit puisse sentir ses pensées et penser ses sensations. Retournons la méthode, partons de cette vérité acquise et cherchons sur ce principe ce que doit être la poésie. […] La poésie défait donc l’oeuvre de la science ; elle reconstruit ce que l’autre avait décomposé ; elle rend à l’objet abstrait ses détails, et, ainsi, le change en chose complexe ; elle rend à l’être général ce qui lui appartient en propre, et ainsi le change en être particulier. […] La poésie alors est l’image de la nature. […] La poésie va transformer cette fable enfantine comme elle a transformé la fable philosophique.

503. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss veut que cet esprit ait sa poésie, égale ou supérieure à toutes les autres. […] Ose encore définir la poésie comme Villemereux, en sixième, nous définissait l’ivresse : une courte folie. […] Après cela, je ne vois pas pourquoi tel morceau de Regnard, de Marivaux, de Piron, ne serait point de la poésie aussi bien qu’une scène de Shakespeare, un chant de Dante ou une ode de Victor Hugo ; et pour ceux qui la goûtent par-dessus tout, cette poésie proprement française est, en effet, la meilleure. […] Weiss adore, je crois, non seulement cette poésie et cet esprit, mais la société où ils ont fleuri délicieusement. […] Weiss a très souvent des paroles amères sur la morgue des administrations et sur les sottises des concours et de l’avancement. ) Cette prédilection si décidée pour la poésie dramatique du XVIIIe siècle implique naturellement une profonde antipathie pour son contraire.

504. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVe entretien. Chateaubriand, (suite) »

Milton seul, avec son poëme du Paradis perdu, exploita l’ancienne poésie religieuse, et encore ce fut le poëme littéraire plus que le poëme religieux. […] Sainte-Beuve préfère ici la force de la prose de Chateaubriand à la mollesse de la poésie de Lamartine ; mais c’était de mollesse qu’il s’agissait dans ces deux peintures. […] LXX Quant à la faculté d’écrire les vers, Chateaubriand ne l’avait pas reçue plus que Voltaire ; la poésie, dans sa vraie forme sérieuse (le vers), excepté la poésie badine, ne leur était pas naturelle. […] On ne sait pas pourquoi ils sont nécessaires à la vraie poésie : moi-même qui ai plaidé contre eux, je ne le sais pas, mais je le sens. […] Ainsi que je l’ai dit une fois en poésie moi-même : Mais le vers est de bronze et la prose est d’argile.

505. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

L'Epopée, la Tragédie, la Comédie, l'Opéra, l'Ode, la Poésie légere, tous les genres de Poésie ont été de son ressort. […] Quiconque saura apprécier les traits de l'Art & du Génie, sera forcé de convenir, qu'un seul des Episodes de cet Ouvrage immortel, renferme plus d'invention, de conduite, d'intérêt, de mouvemens & de vraie Poésie, que la Henriade entiere, moins approchante de l'Epopée, que du genre historique. […] L'Indiscret, la Femme qui a raison, la Prude, le Droit du Seigneur, l'Ecueil du Sage, la Comtesse de Givry, le Dépositaire, &c. sont autant de fruits malheureux de l'ambition qu'il a toujours eue de se distinguer dans toutes les parties de la Poésie. […]   Le seul genre où il est véritablement incomparable, est celui qu'on appelle Poésies légeres, ou Pieces fugitives. […] Qu’on ne s’imagine pas que nous voulions faire entendre par-là, que sa Prose soit mauvaise ou inférieure à sa Poésie : ce seroit être absurde, que de méconnoître dans le Prosateur les mêmes qualités qui brillent dans le Poëte.

506. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Il y a beaucoup de ces sourires dans la poésie de M.  […] La poésie comme la prose de M.  […] Ironie ou poésie ; hors de là, tout est fadeur et platitude. […] Sa poésie est charmante et purificatrice. […] Pourtant il y a une poésie mystique, en ces estampes et voici comment M. 

507. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Louÿs, Pierre (1870-1925) »

. — Les Poésies de Méléagre (1893). — Léda (1893). — Chrysis (1893). — Scènes de la vie des courtisanes, de Lucien (1894). — Ariane (1894). — La Maison sur le Nil (1894). — Les Chansons de Bilitis (1894). — Aphrodite (1896). — La Femme et le Pantin (1898). — Les Aventures du roi Pausole (1900). […] -Ferdinand Hérold Pierre Louÿs, qui devait plus tard traduire les poésies de […] Tout le séjour à Mytilène est plein de perversité et de la poésie saphique la plus étrange et la plus pleine de justesse dans l’observation de l’anormal que j’aie lue.

508. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre VIII. Suite du chapitre précédent. De la parole traditionnelle. De la parole écrite. De la lettre. Magistrature de la pensée dans ces trois âges de l’esprit humain » pp. 179-193

Alors, car, comme nous l’avons dit, tout marche en même temps, alors on a connu deux sortes de langage ; la poésie, qui fut à l’origine l’expression de la parole traditionnelle ; la prose, qui fut seulement l’expression de la parole écrite. C’est, encore à présent, à cette origine des choses qu’il faudrait remonter pour fixer les limites de la poésie et de la prose ; on a beau lutter contre la tyrannie des lois primitives, il faut toujours en venir à les étudier pour bien connaître ce qui est réellement. La poésie, abandonnée de la musique, s’est graduellement retirée ; elle a été remplacée par la versification. Mais je vois, et il deviendra bientôt évident pour tous, que la poésie cherche un asile dans la prose ; et plus la langue écrite prendra de l’ascendant, plus la poésie cherchera les moyens de s’acclimater dans la prose ; car enfin il faut que cette noble exilée rentre un jour dans son héritage.

509. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Taine » pp. 231-243

Pour nous, Carlyle, le plus connu relativement des deux écrivains en question, est celui-là qu’on voudrait le plus connaître davantage, car c’est une espèce de poète métaphysicien qui a par conséquent deux poésies l’une sur l’autre, la poésie de l’idée et la poésie de l’image, la poésie de l’abstraction profonde sous la poésie de la concrétion toute-puissante.

510. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Milton, ce beau jeune homme qui ensorcelait les femmes, même quand il dormait ; Milton, cet Endymion de la poésie anglaise, auprès de qui une inconnue qui passait quand il dormait sur un gazon laissa les fameux vers : Occhi, stelle mortali, Si chiusi m’uccidite, Aperti, che farete 5 ? […] On conçoit presque l’humeur qu’elles prenaient dans le service de sa cécité sourcilleuse, et qu’elles durent plus d’une fois, ces filles d’aveugle, quand elles lui faisaient des lectures dans des livres sans lumière pour elles, envier le guide mendiant de celui du village, sous la haie d’aubépine, au soleil… Sombrement dévoué à Cromwell, l’homme de plume de la république, Milton n’eut, dans sa vie de devoirs et de fonctions arides, pour toute ressource d’imagination, que sa Bible et son orgue ; car il était musicien, ce poète si profondément, si absolument poète que la prose de ses jours ne tua pas la poésie de sa pensée, qu’elle aurait dû dix fois étouffer ! […] Controversiste infatigable d’une époque où l’Angleterre était déchirée par tous les genres de controverse, il préféra toujours les ardeurs de l’argumentation et de la dispute, dont il faisait peut-être son héroïsme et sa vertu, aux rêves inutiles de la poésie. […] À côté des pédants de la Critique, il y a les pédants de la Politique, — une race nouvelle, — il y a les caporaux de la Démocratie, qui donnent, depuis quelque temps, le mot d’ordre contre la Poésie, qui lui refusent le droit d’exister, à cette sublime fille de la tête humaine, et qui la traitent comme une amusette de peuple enfant, comme un polichinelle cassé. […] Consacré à la gloire de Milton et de la Poésie qui le fit si grand, ce livre a cette portée encore.

511. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

La poésie. […] Quel est-il cet état d’esprit qui de toutes parts provoque et fait goûter la poésie ? […] Sous cet aiguillon, sa poésie était devenue une fantasmagorie. […] Comment la poésie aboutit à la prose. —  Liaison de la science et de l’art […] Tout art se termine par une science, et toute poésie par une philosophie.

512. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre III. — Du drame comique. Méditation d’un philosophe hégélien ou Voyage pittoresque à travers l’Esthétique de Hegel » pp. 111-177

Voilà pourquoi l’élément subjectif domine dans toute notre poésie, et jusque sur notre scène. […] Elle manquerait de poésie. […] Dans l’âge d’or de la poésie, dans l’âge héroïque, il n’y avait point de police, point d’armée, point de gouvernement. […] Aristote a dit aussi dans l’endroit le plus profond de sa Poétique : La poésie est quelque chose à la fois de plus philosophique et de plus sérieux que l’histoire, puisque la poésie s’occupe davantage de l’universel, et que l’histoire s’occupe davantage du particulier (ch.  […] Le mode tout entier de cette civilisation n’a pas permis un véritable développement de la poésie dramatique.

513. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

On parlait de l’obscurité de ses poésies, qui est telle que ses compatriotes eux-mêmes ne l’entendent pas. […] Goethe a beaucoup loué les poésies de Victor Hugo. […] Ce que je loue dans les Français, c’est que leur poésie ne quitte jamais le terrain solide de la réalité. On peut traduire leurs poésies en prose, l’essentiel restera. […] Je vois mieux chaque jour que la poésie est un bien commun de l’humanité, et qu’elle se montre partout dans tous les temps, dans des centaines et des centaines d’hommes.

514. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (3e partie) » pp. 5-96

Il n’y a donc de véritablement immortel et d’incomparable dans Voltaire que ses lettres et ses poésies légères ; là, il est grand, parce qu’il est naturel, et que l’artiste disparaît devant l’homme. […] Aussitôt que Goethe le regarde et le féconde de ce regard, l’embryon devient géant, et l’amour, la philosophie, la poésie, réunis en un seul faisceau, illuminent, enchantent, déifient le monde. […] Je fais aussi des poésies, et qui ne sont pas mauvaises3. […] Ses dernières poésies sont sans frein, sans mesure, et ses attaques contre le roi, contre le gouvernement, contre l’esprit pacifique des citoyens, le rendent parfaitement digne de sa peine. […] Il contenait les poésies d’Émile Deschamps, accompagnées d’une lettre que Goethe me donna à lire.

515. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

La poésie est belle. […] La poésie est belle. […] Il n’aimait que la poésie. La poésie absorbait toutes les puissances de son être. […] Cet ancien polytechnicien était très fier d’avoir réhabilité la poésie philosophique, la poésie d’idées, qu’il opposait à la poésie de couleur et d’images.

516. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Jusque-là, cette poésie, en ce qu’elle avait de particulier, et j’oserai dire d’essentiel, semblait décidément subalterne, inférieure à la prose, incapable dans ses vieilles entraves d’atteindre à tout un ordre d’idées modernes et d’inspirations, qui s’élargissait de jour en jour. […] Soumet et Guiraud appartiennent purement à cette phase de notre poésie, et en représentent, dans une espèce de mesure moyenne, les mérites passagers et les inconvénients. […] Antony Deschamps65, on essayait d’infuser dans cette poésie pittoresque une philosophie platonicienne, dantesque, un peu alexandrine. […] La prose de Stello si savante, si déliée, a fait acte de poésie, autant par les trois épisodes qu’elle décore, que par cette analyse pénétrante de souffrances délicates et presque inexprimables qu’il n’est donné qu’à une sensibilité d’artiste de subir à ce point et de consacrer. […] La philosophie discrète et sereine, qui transpire dans sa poésie, continue peut-être trop celle du moment antérieur ; elle est douée toutefois d’un sentiment exquis du présent.

517. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

Il y avait bien, il est vrai, la ressource de la moquerie et du grotesque ; déjà Villon et Regnier avaient fait jaillir une abondante poésie de ces mœurs bourgeoises, de cette vie de cité et de basoche ; mais Boileau avait une retenue dans sa moquerie, une sobriété dans son sourire, qui lui interdisait les débauches d’esprit de ses devanciers. […] Ce sont des médecins empiriques ; ils s’attaquent à des vices réels, mais extérieurs, à des symptômes d’une poésie déjà corrompue au fond ; et, pour la régénérer, ils ne remontent pas au cœur du mal. Parce que Ronsard et Des Portes, Scudery et Chapelain leur paraissent détestables, ils en concluent qu’il n’y a de vrai goût, de poésie véritable, que chez les anciens ; ils négligent, ils ignorent, ils suppriment tout net les grands rénovateurs de l’art au moyen-âge ; ils en jugent à l’aveugle par quelques pointes de Pétrarque, par quelques concetti du Tasse auxquels s’étaient attachés les beaux esprits du temps d’Henri III et de Louis XIII. […] On a appelé Boileau le janséniste de notre poésie ; janséniste est un peu fort, gallican serait plus vrai. […] si en ces sortes de choses gisait la poésie avec tous ses mystères ?

518. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XIX » pp. 76-83

— La vraie originalité de Musset est d’avoir ramené l’esprit dans la poésie, en y mêlant la passion ; son tort grave est d’avoir relâché et presque dissous la forme. […] — On a eu à l’Académie française la grande séance annuelle poétique et pathétique (20 juillet), prix de poésie, prix de vertu, etc. […] La poésie de madame Colet, c’est en effet un je ne sais quoi qui est parfois le simulacre du bien, qui a un faux air de beau. Sa poésie a un assez beau busc, ou buste, si vous voulez.

519. (1890) L’avenir de la science « VII »

ô sainte poésie des choses, avec quoi se consoler de ne pas te sentir ? […] Ne voir dans la science qu’une mesquine satisfaction de la curiosité ou de la vanité, c’est donc une aussi grande méprise que de ne voir dans la poésie qu’un fade exercice d’esprits frivoles, et dans la littérature l’amusement dont on se lasse le moins vite et auquel on revient le plus volontiers. […] Toute littérature, toute poésie, toute science qui ne se propose que d’amuser ou d’intéresser est par ce fait même frivole et vaine, ou, pour mieux dire, n’a plus aucun droit à s’appeler littérature, poésie, science.

520. (1890) L’avenir de la science « XX »

Les poésies des ouvriers sont peut-être les plus originales depuis que Lamartine et Victor Hugo ne chantent plus. […] La science se dégrade, du moment où elle s’abaisse à plaire, à amuser, à intéresser, du moment où elle cesse de correspondre directement, comme la poésie, la musique, la religion, à un besoin désintéressé de la nature humaine. […] Le grand malheur de la société contemporaine est que la culture intellectuelle n’y est point comprise comme une chose religieuse ; que la poésie, la science, la littérature y sont envisagées comme un art de luxe qui ne s’adresse guère qu’aux classes privilégiées de la fortune. […] Réfléchissez aux conséquences de ce déplorable régime qui soumet l’art, et plus ou moins la littérature ou la poésie, au goût des individus.

521. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Parodi, D.-Alexandre (1842-1902) »

-Alexandre (1842-1902) [Bibliographie] Passions et idées, poésies (1865). — Nouvelles Messéniennes, chants patriotiques (1867). — Ulm le Parricide, drame en cinq actes et en vers (1870). — Rome vaincue, tragédie en cinq actes et en vers (1873). — Séphora, poème biblique en deux actes (1877). — Le Triomphe de la paix, ode symphonique (1878). — Cris de la chair et de l’âme, poésies (1883). — La Jeunesse de François Ier , drame en cinq actes et en vers (1884). — L’Inflexible, drame en cinq actes, en prose (1884). — Le Théâtre en France : la tragédie, la comédie, le drame, les lacunes (1885) […] Superbe, étincelant, plein de sens et d’une poésie merveilleuse d’expression !

522. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Odes et Ballades » (1822-1853) — Préface de 1828 »

Poésie, tome I, Paris, Imprimerie nationale, Librairie Ollendorff, 1912, p. 29-32. […] Ç’aurait sans doute été plutôt ici le lieu d’agiter quelques-unes des hautes questions de langue, de style, de versification, et particulièrement de rhythme, qu’un recueil de poésie lyrique française au dix-neuvième siècle peut et doit soulever. […] En attendant, il appelle sur ces questions l’attention de tous les critiques qui comprennent quelque chose au mouvement progressif de la pensée humaine, qui ne cloîtrent pas l’art dans les poétiques et les règles, et qui ne concentrent pas toute la poésie d’une nation dans un genre, dans une école, dans un siècle hermétiquement fermé.

523. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre premier »

Le siècle avait autre chose à faire qu’à lire ses poésies et sa controverse. […] Il est vrai que les poésies homériques étaient enseignées dans les écoles. […] Dans une telle impiété contre le génie même de la poésie, obtenir le silence de Boileau et la neutralité de Fénelon, il y avait là pour Lamotte une victoire. […] Il avait donné à Lamotte l’exemple de mépriser la poésie tout en faisant des vers. […] Fontenelle, en réduisant toute poésie au fin, espérait-il être assez poète, s’il faisait accepter au public son paradoxe ?

524. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

On y apprend beaucoup de détails piquants de mœurs, et à connaître en somme (pourvu qu’on le lise avec contradiction) toute cette poésie du second âge. […] Les rapports qu’en son second volume, et à propos de Lucain, il établit entre les diverses poésies du second et du troisième âge des littératures, me semblent justes et constants. […] De là jusqu’à Ausone ou Delille, il y a bien des degrés que l’ensemble d’une poésie parcourt comme fatalement. […] Nisard sur le seizième siècle, poésie et prose, ne diffèrent pas autant des nôtres qu’il paraît le croire, et que le premier aspect de ses jugements semble le signifier. […] (Voir la pièce tout entière dans mes Poésies complètes.

525. (1836) Portraits littéraires. Tome I pp. 1-388

L’esprit se refuse à discuter les limites qui séparent l’horreur de la poésie. […] En poésie, et surtout en poésie épique, on n’admet pas de prévarication. […] C’est un principe qui, une fois violé, met à mort toute poésie. […] La poésie pas plus que la science ne peut échapper à l’empire de la logique. […] car il y a dans Tamango une magnifique poésie.

526. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Et si l’on demande quelle est la Musique & la Poésie par excellence, c’est la poésie ou la musique qui peint le plus & qui exprime le mieux. […] La déclamation naturelle donna naissance à la Musique, la Musique à la Poésie, la Musique & la Poésie à leur tour firent un art de la déclamation. […] Ainsi la délicatesse du sentiment est essentielle à la poésie pastorale. […] C’est la regle générale de la poésie pathétique. […] Ce n’est pas la premiere fois qu’on a confondu, en Poésie, l’action avec le mouvement.

527. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre II. La critique »

Le plus avisé, le plus fin de ces apologistes fut Sainte-Beuve, qui, comme je l’ai dit plus haut, joua aux classiques le bon tour de leur escamoter la poésie du xvie  siècle qu’ils avaient eu le tort d’oublier, pour la donner aux romantiques désireux de se créer une tradition et des ancêtres. […] Les impuissances de l’auteur servent au développement du critique : il essaie le roman et la poésie, de façon à connaître le métier. […] Taine définit la presque constante position de la poésie en face de la réalité, depuis trente ou quarante ans : l’universel écoulement, l’universelle illusion, n’est-ce pas là le thème commun ? […] Sainte-Beuve (1804-1869), né à Boulogne-sur-Mer, étudia la médecine, puis se lia avec les romantiques, et fit paraître, en 1828, son Tableau de la poésie au xvie s. […] — Editions : Port-Royal (3e éd., 1866), 5e éd., Hachette. 1888-91. 7 vol. in-18 ; Poésie au xvie s.

528. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

D’une main affaiblie il écrivait encore dans cette Revue, il y a peu de temps, de bien fermes et spirituelles pages sur les romans et poésies du jour28 ; si quelque ironie chagrine y perce, il n’est aucun des blessés, aujourd’hui, qui ne le lui pardonne. […] La poésie lui a été à la fois bonne et fatale. […] La poésie, telle que je la conçois dans certaines positions et dans une certaine mesure, c’est, Monsieur, un accompagnement du travail, une consolatrice au logis, une récréation aux heures de relâche.

529. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbey d’Aurevilly, Jules (1808-1889) »

— titre digne de ce hautain, indifférent et méprisant, — ce volume, dis-je, étonnera bien des lettrés, qui n’ont jamais lu les Premières poésies publiées à Caen, chez Hardel, par les soins de G.  […] Ferdinand Brunetière Depuis Rivarol et le prince de Ligne, personne n’a causé comme M. d’Aurevilly ; car il n’a pas seulement le mot, comme tant d’autres, il a le style dans le mot, et la métaphore, et la poésie. Mais c’est que toutes les facultés de ce rare talent se font équilibre et se tiennent d’une étroite manière ; et, même à l’occasion de ces feuilles légères des Memoranda, c’est ce talent tout entier qu’il convient d’évoquer… Quoi qu’il en soit des causes dont ces habitudes ont été l’effet visible, il est certain que, pareil à ce lord Byron qu’il aime tant, M. d’Aurevilly aura vécu dans notre dix-neuvième siècle à l’état de révolte permanente et de protestation continue… M. d’Aurevilly est, au plus beau et au plus exact sens de ce mot, un poète, — un créateur ; même sa poésie est aussi voisine de celle des Anglais que sa Normandie est voisine de l’Angleterre.

530. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bouilhet, Louis (1821-1869) »

Gustave Flaubert Si l’on cherche dans les poésies de Louis Bouilhet l’idée mère, l’élément général, on y trouvera une sorte de naturalisme qui fait songer à la Renaissance. […] » ; j’ajoute : le seul poème scientifique de toute la littérature française qui soit cependant de la poésie… Sa forme est bien à lui, sans parti pris d’école, sans recherche de l’effet, souple et véhémente, pleine et imagée, musicale toujours. […] Maxime Du Camp Parmi les poetæ minores, il arrive en tête ; certaines de ses pièces de vers subsisteront, il aura place dans tous les Selectæ ; Melænis est une œuvre très remarquable, de longue haleine, savante, bien conduite et de forte poésie, mais, dans le défilé des poètes de ce temps, il me semble qu’il ne marche qu’après Alfred de Musset, Victor Hugo, Lamartine, Victor de Laprade, Auguste Barbier, Théophile Gautier.

531. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Montesquiou, Robert de (1855-1921) »

Le nom de Chef des odeurs suaves qu’il lui a donné ne saurait être mieux placé qu’en tête d’un livre de poésies qui ne chantent que les fleurs, nous en fait encore respirer les parfums au-delà de leurs petites vies, et nous les fait suivre jusque dans le vol de leurs âmes légères. […] Remy de Gourmont Avec la moitié des Hortensias bleus, on ferait un tome, encore très dense, qui serait presque tout entier de fine ou de fière ou de douce poésie. […] Il jacasse indiscrètement au long de la poésie et jamais on ne vit plus infatigable babil.

532. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — P — Pilon, Edmond (1874-1945) »

Sa poésie est douce ou tiède ; elle est comme parfumée. […] Dès la dédicace : Tous les baisers, etc…, j’ai vu ce qu’était votre livre et mon cœur a reconnu la poésie et, tendrement, à vous lire, il fleurissait. Il y a, dans ce livre, plusieurs poésies qui m’ont ému comme une feuille ; il y a la Petite fiancée, qui est un chef-d’œuvre de grâce, de simple émotion, de vérité, Voici la lampe sainte, Fiançailles, Réveil et tant d’autres.

533. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Joseph Roumanille publia son premier recueil de poésies provençales, Li Margarideto. […] En fait de poésie et d’art, il ne faut que réussir une bonne fois pour créer tout un courant d’idées, inspiration chez les uns, imitation chez les autres. […] [Les Destinées de la nouvelle poésie provençale (1876).]

534. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 521-526

Qui se seroit attendu que l’Auteur des Mélanges de Littérature, d’Histoire & de Philosophie, l’adversaire déclaré des graces de la Poésie, dût jamais être opposé comme un rival redoutable dans l’art des vers, à Lucrece, qui les faisoit si bien ? […] Le zele du Mécene pour la Poésie, n’a pas dû le rendre indulgent sur celle de son Homere, quoiqu’il n’ait jamais dédaigné aucune espece de louange. […] Il a d’ailleurs d’heureux germes de talens pour la poésie & la versification.

535. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 190-194

Saint-Didier, [Ignace-François Limojon de] né à Avignon en 1668, mort dans la même ville en 1739, cultiva la Poésie Provençale avec succès, & auroit pu également réussir dans la Poésie Françoise, s’il eût eu plus de goût & des amis prompts à le censurer. […] Son début dans la carriere poétique fut marqué par des prix remportés dans différentes Académies ; ce qui prouveroit peu en faveur de sa Muse, sans les autres Ouvrages de Poésie qu’il a composés.

536. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Byron »

» Il mande aussi à Thomas Moore : « J’ai tout un picotin d’ennuis à propos d’une tragédie de ma façon, bonne seulement pour le cabinet, et que des directeurs de théâtre, s’attribuant un droit sur toute poésie publiée, paraissent décidés à exploiter, que je le veuille ou non… « J’ai écrit à Murray et au Lord Chambellan pour intervenir et me préserver de ce pilori… Je ne veux ni de l’impertinence de leurs sifflets ni de l’insolence de leurs applaudissements. […] La force de Byron, en effet, sa grâce, son mouvement, et je dirais presque la divinité anthropomorphite de sa poésie, tout est du plus pur grec qui ait jamais existé. […] La Grèce moderne, qui, malgré ses malheurs, ressemble tant à sa mère morte, imprimait sa sublime ressemblance dans le miroir de cette poésie, colorée et pure comme son ciel et ses mers. […] Grenier, qu’il est le premier peut-être de tous ceux qui ont parlé de Byron qui ait signalé cette profonde grécité de sa poésie, oubliée par M.  […] Byron, cette grande coquette, rechercheur d’effets qu’il semblait le plus mépriser, mit cette poésie du mystère dans sa vie comme dans son poème de Lara, et le mystère a été une mystification.

537. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Il a laissé des Contes et des Poésies de toute sorte, marqués de ce talent inouï qu’on n’a vu qu’une fois parmi les hommes. […] Il fallait être un autre homme qu’un gazon d’Institut tel que le fut Walckenaer, pour comprendre l’organisation de La Fontaine et pour expliquer sa poésie. […] Il n’y a rien à reprendre dans les investigations étendues, délicates et subtiles qu’il creuse en ce phénomène poétique qui se nomme La Fontaine, ni dans sa conception de la poésie en général et de la poésie de La Fontaine en particulier. […] Mais il n’y en a jamais eu ayant joint, dans une fusion de cette harmonie, à la poésie la plus divine une bonhomie plus divine encore.

538. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Froissart. — I. » pp. 80-97

On a conjecturé d’après un passage de ses Poésies que son père, qui s’appelait Thomas, était peintre d’armoiries : en ce cas, l’enfant put épeler de bonne heure tous ces blasons de famille qu’il devait, à sa manière, si bien illustrer un jour. […] Pendant la traversée en Angleterre, le jeune homme pensait plus volontiers à la poésie qu’à autre chose, et, malgré le mauvais temps et sans se soucier de la grosse mer qu’il faisait, il ne songeait, nous dit-il, qu’à finir un rondeau pour sa dame. […] Toutes ces choses y sont peintes comme d’hier ; la poésie de Gray elle-même n’est pas plus nette ni plus fraîche, et ne reluit pas mieux. […] Ses chapitres m’inspirent plus d’enthousiasme que la poésie elle-même. […] I, p. 51, 53), et pense que Froissart ne porta en Angleterre que des poésies, et qu’il ne commença ses enquêtes historiques que postérieurement à son second voyage.

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