Les rares et aimables qualités du général Franceschi, son excellente éducation, ses talents d’agrément, son esprit supérieur, sans compter son haut mérite militaire, tout parlait pour lui et lui conciliait l’affection. […] On marchait en silence : le chef ne prononçait pas un seul mot, les guérillas ne parlaient entre eux qu’à voix basse. […] Je laisse parler le capitaine Bernard : « Encore, dans cette misérable situation, s’il nous eût été permis de jouir d’un peu de liberté, nous eussions rendu grâces au ciel. […] — Il se retourna sur le côté, ne parla plus, et le médecin partit. […] « Les Espagnols, qui se montraient de temps à autre dans notre prison, témoignèrent le désir de voir le général, à ses derniers moments, approcher des sacrements, et comme ils insistaient sur ce point, disant qu’en cas de refus les autres prisonniers pourraient en être plus maltraités, j’en parlai amicalement à notre malade.
Pour ne parler ici que des premiers, de ceux qui ont écrit, des théologiens, théosophes, philosophes et poëtes (Dante était tout cela), on vit par malheur, dans les siècles qui suivirent, un démembrement successif, un isolement des facultés et fonctions que le grand homme avait réunies en lui : et ce démembrement ne fut autre que celui du catholicisme même. […] La misanthropie et l’orgueil qui venaient à la traverse, les perpétuelles discussions qui entrecoupent ses rêveries, le recours aux hypothèses hasardées, et, pour parler juste, un génie politique et logique, qui ne se pouvait contraindre, firent de lui autre chose qu’un poëte qui charme, inonde et apaise. […] Sans parler de tout ce qu’il y avait de primitivement affable dans la belle âme de Lamartine, on doit peut-être à cette éducation paternelle de Belley de n’y avoir rien déposé de timide et de farouche, comme il est arrivé trop souvent chez d’autres natures sensibles de notre âge. […] La nuée de colombes pressées, dont il parle, devait tôt ou tard échapper bruyamment de son sein. […] La Mort de Socrate et surtout le Dernier Chant d’Harold sont d’admirables méditations encore, avec un flot qui toujours monte et s’étend, mais avec l’inconvénient grave d’un cadre historique donné et de personnages d’ailleurs connus : or, Lamartine, le moins dramatique de tous les poëtes, ne sait et ne peut parler qu’en son nom.
Mais voilà que je parle de ces impressions comme du présent, et c’est déjà du passé : le monde pour qui peignait M. […] Pas d’hypocrisie ; parlons franc. […] Et dans le cas présent, au chapitre xxii du Siècle de Louis XIV, parlant des rivalités de la duchesse de Marlborough et de sa cousine milady Masham : « Quelques paires de gants d’une façon singulière, dit-il, qu’elle refusa à la reine, une jatte d’eau qu’elle laissa tomber en sa présence, par une méprise affectée, sur la robe de Mme Masham, changèrent la face de l’Europe. » Le grave Pascal n’avait pas pensé autre chose quand il a parlé du petit nez de Cléopâtre. […] Dans le drame politique qui se joue presque en regard du Verre d’eau, il y a de ces conditions réunies de tristesse et de contradictions en grand dont je parlais tout à l’heure, et qui seraient capables d’éclipser même la haute comédie. […] Au coin d’une autre rue moins bourgeoise, que notre parler délicat ne permet plus de nommer.
Elle parlait avec l’abondance et l’éclat de Vergniaud, mais avec cette amertume de colère et cette âpreté de mépris que la passion d’une femme ajoute toujours à l’éloquence du raisonnement. […] Il n’avait parlé de lui qu’avec ménagement et respect depuis son emprisonnement. […] Camille Desmoulins ne cessait de vociférer et de parler à cette multitude. […] Sans parler des précurseurs, de Voltaire, de Jean-Jacques Rousseau, les hommes naissent comme des personnifications instantanées des choses qui doivent se penser, se dire ou se faire. […] Et maintenant n’en parlons plus, et revenons à la pure et innocente littérature.
Ce n’est pas ainsi que la simple nature écrit et parle. […] « Néophyte à cette époque, a-t-on dit spirituellement, il avait quelques-unes des faiblesses des néophytes, et s’il existait quelque chose qu’on pût appeler la fatuité religieuse, l’idée en viendrait, je l’avoue, en lisant ces lignes de sa critique : « Vous n’ignorez pas que ma folie à moi est de voir Jésus-Christ partout, comme madame de Staël la perfectibilité… Vous savez ce que les philosophes nous reprochent à nous autres gens religieux, ils disent que nous n’avons pas la tête forte… On m’appellera Capucin, mais vous savez que Diderot aimait fort les Capucins... » Il parle à tout propos de sa solitude ; il se donne encore pour solitaire et même pour sauvage, mais on sent qu’il ne l’est plus. […] Par quelle bouche Dieu parlerait-il au fils si ce n’est par celle de sa mère morte ? […] Sa démarche est légère, son abord ouvert et serein, il parle beaucoup et avec volubilité ; son langage est harmonieux et facile. […] XXIV M. de Sainte-Beuve parle avec un juste dédain de ces critiques de l’abbé Morellet et de Marie-Joseph Chénier.
Dans toutes ses tragédies (je ne parle pas des pièces à machines qui étaient comme des ébauches d’opéra), je ne trouve que deux sujets légendaires, Médée, qui précède le Cid, et Œdipe, qui est une erreur. […] Première conséquence : on ne saurait parler du conflit du devoir et de l’amour, dans le Cid par exemple ; ou, du moins, ce conflit n’a pas le caractère qu’on dit. […] Aussi ne l’a-t-il pas fait, et cette interprétation de Polyeucte est un pur contresens : la pièce est plutôt moliniste ; et la grâce dont on parle est celle des jésuites, théologiens de la liberté, et anciens maîtres du poète. […] Corneille est un grand, même un excellent écrivain : il parle la langue de son temps, qui a parfois vieilli, une langue un peu dure, un peu fendue, admirable de vigueur et de précision. […] Loin de parler de galimatias, pour quelques endroits où la construction a vieilli, ce qu’il faut louer, c’est la netteté, la facilité du style poétique de Corneille.
Quand on parle de la relativité de l’espace, on ne l’entend pas d’ordinaire dans un sens aussi large ; c’est ainsi cependant qu’il conviendrait de l’entendre. […] L’espace euclidien n’est pas une forme imposée à notre sensibilité, puisque nous pouvons imaginer l’espace non-euclidien ; mais les deux espaces euclidien et non-euclidien ont un fond commun, c’est ce continuum amorphe dont je parlais au début ; de ce continuum nous pouvons tirer soit l’espace euclidien, soit l’espace lobatchewskien, de même que nous pouvons, en y traçant une graduation convenable, transformer un thermomètre non gradué soit en thermomètre Fahrenheit, soit en thermomètre Réaumur. […] J’expliquerais enfin, si j’en avais le temps, que cette science dont je parlais plus haut et à laquelle Riemann a donné le nom d’Analysis Situs, nous apprend à faire des distinctions parmi les continus d’un même nombre de dimensions et que la classification de ces continus repose encore sur la considération des coupures. […] On aura ainsi une image du continu physique à n dimensions, et cette image sera aussi fidèle qu’elle peut l’être du moment qu’on ne veut pas laisser subsister la contradiction dont je parlais plus haut. […] On doit observer que rigoureusement l’on ne pourrait parler d’axes invariablement liés au corps que si les diverses parties de ce corps étaient elles-mêmes invariablement liées l’une à l’autre.
Et cela dit combien c’est se leurrer que de vouloir faire de la critique objective dans un ordre de contingences tout subjectif ; et cela dit aussi que tout ce qu’un écrivain adopte, — pour ne pas parler de ce qu’il pourrait lui arriver de créer, — est extrêmement représentatif de sa manière d’être, de son essence, et qu’il peut enfin y avoir autant de manières d’être ému, analogiquement estimables, pourvu qu’elles apparaissent également sincères, qu’il y a de modes de sentir et de goûts formés et distingués. […] L’influence d’un esprit qui lui est apparu, non certes sans raison, comme un des plus vastes de ce siècle, et dont c’est la théorie desséchante que cette exclusive royauté de la sensation, — nous parlons de M. […] Et si le goût nous vient de parler de sa manière, c’est parce que ce sceptique — qui ne l’est que plus que d’autres — nous paraît n’avoir été et n’être avant tout qu’un ouvrier de lettres, voire un artisan, — un artisan original et éclectique, aussi éclectique que son bourgeoisisme est raffiné, aussi original que sa médiévale figure n’en finit pas d’être expressive. […] France d’avoir su mettre dans son œuvre autant de symétrie, et d’ordre que d’esthétique, après avoir observé que, si la propension au vrai qui tend à assimiler aux énergies actives les objets, les formes, les degrés et les idées, et à laquelle ceux-ci paraissent devoir d’être assujettis aux mille réfrangibilités modales de l’expression et de l’attitude, — les rend, à notre image, aptes à persuader, — comme nous aussi, au préalable, elle les condamne à ne recevoir d’éclat que de certains accidents, et même à ne parler que dans certains bonheurs d’harmonie. […] Mais, si l’auteur du Jardin d’Épicure était aussi peu épris de sa dialectique qu’il veut en avoir l’air, nous lui eussions su gré davantage de cette phrase paisible aux débordements cadencés, de cette harmonie sereine que son verbe emprunte aux souhaits mêmes de l’ouïe la plus exigeante, de cette idéalité du terme qui semble parler de perfection, et dont M.
Les vertus éclatantes qui donnent la gloire, les épreuves de l’homme de génie, tout ce qui attire les applaudissements de la foule, les grands désespoirs aristocratiques comme les efforts sublimes dont parle l’histoire, ne sont point de votre programme. […] Le bon Simian, dont je vais maintenant vous parler, vous est surtout présenté par Mistral ; oui. […] Peut-être même le dévouement dont je vais vous parler a-t-il encore quelque chose déplus touchant. […] Cet exemple, ajoute-t-il, a vivement frappé notre famille assistée, et quand il m’arrive d’en parler, tous les yeux se remplissent de larmes ! […] Que de vertus, Messieurs, ont passé devant vous, et que serait-ce si nous avions à parler des vertus qu’on ne récompense pas, de ces héroïsmes de tous les jours, qui se traduisent non par un acte, mais par une habitude constante de dévouement : l’héroïsme calme et scientifique du médecin, l’héroïsme maternel de la sœur de charité, l’héroïsme voulu du soldat !
La tragédie emprunte aux anciens les sujets qu’elle traite, les personnages qu’elle met en scène, la structure même qu’elle affecte ; mais elle coule dans le moule d’autrefois des idées, des sentiments, des façons d’agir et de parler qui appartiennent au xviie siècle. […] L’église catholique, bien qu’elle soit universelle par définition et tienne par conséquent à honneur de s’élever au-dessus des différences de race et de climat, est en France, avec Bossuet, gallicane ; l’histoire l’est aussi, si je puis parler ainsi ; car, en dépit de toute vraisemblance, elle affirme que les Francs n’étaient pas des envahisseurs germains, mais qu’ils étaient nés sur le sol de la Gaule184. […] Mme Deshoulières nous parle des bords fleuris qu’arrose la Seine et des moutons qu’on y mène. […] A quoi bon parler aux sens ? […] L’exposé des principaux caractères qui distinguent l’époque peut trouver sa place après ce travail préliminaire : théories régnantes, usages ou règles acceptés, conceptions du monde couramment admises, transformations subies par la langue, qui est l’instrument commun à tous ceux qui parlent ou écrivent, peuvent terminer cette partie générale.
Quand j’ai parlé de Mirabeau il y a quelques semaines, j’ai annoncé, en finissant, qu’une publication se préparait qui devait jeter la plus vive lumière sur le Mirabeau historique et définitif et sur son rôle durant la Révolution. […] Mais, à ce dîner, la première impression passée, il fut charmant, séduisant, traitant les plus vastes sujets avec une énergie brillante ; et, sur le chapitre de l’Allemagne en particulier auquel M. de La Marck l’amena, il parla encore mieux qu’il n’en avait écrit. […] Le mémoire du 15 octobre fut remis par le comte de La Marck à Monsieur (depuis Louis XVIII), dans l’espérance qu’il en parlerait à la reine : « Vous vous trompez, dit Monsieur au comte de La Marck, en croyant qu’il soit au pouvoir de la reine de déterminer le roi dans une question aussi grave. » Et insistant sur la faiblesse et l’indécision du roi, qui était au-delà de tout ce qu’on pouvait dire : « Pour vous faire une idée de son caractère, poursuivit Monsieur, imaginez des boules d’ivoire huilées, que vous vous efforceriez vainement de retenir ensemble. » C’est alors que Mirabeau tenta sincèrement de se rapprocher de La Fayette, qui, depuis les journées d’Octobre et par suite de la présence du roi à Paris, était le dictateur véritable. […] Accoutumez-vous donc à les voir ce qu’ils sont. » Et le même M. de La Marck écrivait au comte de Mercy-Argenteau : « Le roi est sans la moindre énergie : M. de Montmorin me disait l’autre jour tristement que, lorsqu’il lui parlait de ses affaires et de sa position, il semblait qu’on lui parlât de choses relatives à l’empereur de la Chine. » Mirabeau ne vit la reine qu’une seule fois à Saint-Cloud, le 3 juillet 1790.
Le Brun, dans l’orgueil de sa conscience solitaire, souriait de pitié lorsqu’il entendait dire que La Harpe avait en vers quelque chose du « style de Jean Racine » ; mais, si La Harpe, s’autorisant de Voltaire, en venait à parler à la légère de ce grand Corneille, « le raisonneur ampoulé », comme on le voit qualifié dans la correspondance de Ferney, oh ! alors Le Brun, qui était de la lignée de Malherbe, se sentait saisi d’indignation, et il faisait justice de l’irrévérence dans cette épigramme, l’une des plus belles que je connaisse : Sur La Harpe, Qui venait de parler du grand Corneille, avec irrévérence. […] Le lendemain il ne parla de cette visite à personne dans le château, et personne aussi ne lui en parla. […] Quand je dis pour rien, ce n’est pas que nous ne nous en mêlions toujours un peu ; mais il est reçu qu’on ne s’en prend pas à nous, et notre sexe… » — « Votre sexe, mesdames (c’est Cazotte qui parle), ne vous en défendra pas cette fois ; et vous aurez beau ne vous mêler de rien·, vous serez traitées tout comme les hommes, sans aucune différence quelconque. » On voit la suite de la scène et dur dialogue.
Beaumarchais nous a parlé quelque part d’un « monsieur de beaucoup d’esprit, mais qui l’économise un peu trop » : lui, il n’était pas ce Monsieur-là. […] Beaumarchais avait sur la musique dramatique des idées fausses : il croyait qu’on ne pourrait commencer à l’employer sérieusement au théâtre que « quand on sentirait bien qu’on ne doit y chanter que pour parler ». […] L’œuvre dramatique de Beaumarchais se compose uniquement de deux pièces, Le Barbier et Le Mariage de Figaro ; le reste est si fort au-dessous de lui qu’il n’en faudrait même point parler pour son honneur. […] Un amateur s’étant avisé, dans le Journal de Paris, de soulever une chicane, et d’adresser une question relativement à la petite Figaro, dont il était question dans Le Barbier de Séville, et dont parlait Rosine, et cet amateur s’étant étonné qu’il n’y eût plus trace, dans la seconde pièce, de cette petite Figaro antérieure au mariage. […] On parlera encore de gloire ; mais, au milieu de tout cela, qu’est devenu ce qu’on appelait la considération ?
Je suppose, pour ne pas être injuste, qu’on a présent à l’esprit Le Siècle de Louis XIV, l’Histoire de Charles XII, ce qu’il y a d’inspiration chevaleresque dans la tragédie de Tancrède, l’Épître à Horace, Les Tu et les Vous, Le Mondain, Les Systèmes, les jolies stances : Si vous voulez que j’aime encore… ; je suppose qu’on a relu, il n’y a pas longtemps, bon nombre de ces jugements littéraires exquis et naturels, rapides et définitifs, qui sont partout semés dans la correspondance de Voltaire et dans toutes ses œuvres, et, bien assuré alors qu’il ne saurait y avoir d’incertitude sur l’admiration si due au plus vif esprit et au plus merveilleux talent, je serai moins embarrassé à parler de l’homme et à le montrer dans ses misères. […] L’Encyclopédie, qui rallie les gens de lettres, lui paraît une excellente occasion ; quand l’existence de cette grosse machine est menacée, il ne parle que de mettre, tous, l’épée à la main et de faire « un bataillon carré » pour la défendre. […] Voltaire, qui ne veut point payer, affecte de tout confondre, et il remue ciel et terre plutôt que de céder : Il faut se remuer, se trémousser, agir, parler et l’emporter (Voilà bien sa devise). […] Un jour que Voltaire, causant avec le président, se plaignait de manquer de bois de chauffage, le président lui indiqua Charlot comme pouvant lui en procurer sur place, et il se chargea lui-même d’en parler à l’homme : de là livraison à Voltaire par ledit Charlot de quatorze moules de bois, mesure du pays. […] Il ne convient pas de parler ainsi : soyez assez sage à l’avenir pour ne rien dire de pareil à un magistrat.
Coleridge parle de Mesure pour mesure : — « Comédie pénible », insinue-t-il. — Révoltante, dit M. […] Le joli grand est possible ; il est dans Homère, Astyanax en est un type, mais la grâce profonde dont nous parlons est quelque chose de plus que cette délicatesse épique. […] ne m’en parlez pas, pendant tout le mois de mai ces vilaines bêtes ne font que gueuler. […] Un curieux genre pudibond tend à prévaloir ; nous rougissons de la façon grossière dont les grenadiers se font tuer ; la rhétorique a pour les héros des feuilles de vigne qu’on appelle périphrases ; il est convenu que le bivouac parle comme le couvent, les propos de corps de garde sont une calomnie ; un vétéran baisse les yeux au souvenir de Waterloo, on donne la croix d’honneur à ces yeux baissés ; de certains mots qui sont dans l’histoire n’ont pas droit à l’histoire, et il est bien entendu, par exemple, que le gendarme qui tira un coup de pistolet sur Robespierre à l’Hôtel-de-Ville se nommait La-garde-meurt-et-ne-se-rend-pas. […] « Et comme le soleil n’arrive pas aux aveugles, ainsi les ombres dont je parlais tout à l’heure n’ont pas le don de la lumière du ciel.
… Consultez, si vous le voulez, la littérature européenne : tous les historiens, sans exception, de la Révolution française, en ont parlé avec leurs émotions, auxquelles leur raison ajoutait des sophismes et leurs passions des lâchetés. […] Le peuple, dont on a tant parlé, et qui serait pour elle un aïeul qui, certes ! […] Or, cet aveuglement de l’esprit et ce vice de la volonté n’étant point, quand la Révolution éclata, dans la masse du peuple, mais, comme l’a prouvé Cassagnac, uniquement dans ceux qui la menèrent et l’égarèrent, nous parler à fond de ces meneurs coupables, nous ouvrir leur âme, passer de l’homme public, exagéré par la perspective du théâtre, à l’homme privé, saisi dans la stricte rigueur de ses habitudes et de ses passions, dans ce terrible tous les jours de la vie qui nous en dit tant sur les hommes ! […] Quand on aura pris la peine de vérifier la masse de faits que Cassagnac a tirés de l’obscurité où l’ignorance de la plupart et l’intérêt de quelques-uns les laissaient ensevelis, on aura la triste preuve, une fois de plus, de la facilité avec laquelle la pointe de vérité dont parle Pascal peut être cachée, et combien les hommes, ces Exacts, se contentent de l’à-peu-près en toutes choses, et s’en contenteraient même en mathématiques, si les mathématiques, comme l’histoire, se rattachaient par quelque coin aux passions de leur âme et à leur moralité. […] je ne veux point parler de l’Histoire des Causes en critique littéraire.
I La maison Malassis vient de rééditer isolément les Poésies de Joseph Delorme, mais, après ces poésies, elle nous rééditera Les Consolations que l’auteur annonce dans sa préface, et, sans doute, quoiqu’il n’en parle pas, elle republiera les Pensées d’Août, du même poète. […] Ce n’est pas elle qui peut faire, comme dans le Vœu, de l’André Chénier non mythologique ou du Lamartine avec sa mer, sa vague, son azur, comme dans toutes les pièces adressées à Lamartine ; ce n’est pas elle, enfin, qui, pour la publication de je ne sais quel pauvre diable de livre, peut parler pompeusement d’un navire qu’on lance aux flots ! […] Un autre dira : René bourgeois et cloporte ; un troisième : Oberman de la plaine Montrouge ; un autre encore : Byron de faubourg, pauvre, laid et qui boite non d’un pied, mais de l’un et de l’autre côté, comme dit la Bible ; Pascal débauché qui s’en revient des lieux mauvais, le front bas, laver ses rougeurs dans le frais clair de lune d’un soir qui se lève et qui, à nous autres rêveurs, parle éloquemment de pureté. […] ……………………………………………… Je lus dans leur regard, j’écoutai leur parole, ……………………………………………… Tel qu’un enfant, au pied d’une haie et d’un mur, Entendant les passants vanter un figuier mûr, Une rose, un oiseau qu’on aperçoit derrière, Se parler de bosquets, de jets d’eau, de volière, Et de cygnes nageant dans un plein réservoir, Je leur dis : « Prenez-moi dans vos bras, je veux voir ! […] J’ai parlé déjà de l’influence des littératures étrangères sur l’inspiration du lettré qui, en M.
Les journaux ont parlé du poème sur l’Enfer de M. […] L’audace de donner à son poème le même titre que celui du Dante était une raison de plus pour qu’on en parlât. On en a donc parlé, mais légèrement, — trop légèrement, selon nous, avec cette superficialité qui ne voit dans le livre en question qu’une fantaisie tragico-burlesque, un tableau de Callot ou un fragment des sermons du petit père André, mis en vers. […] La notion de l’enfer, telle que le Moyen Age l’admettait, dans sa simplicité terrifiante, n’a donc eu pour poètes que quelques mystiques chrétiens comme sainte Brigitte et sainte Thérèse, lesquelles nous ont donné, en peu de traits, des enfers bien autrement épouvantables que celui du Dante : mais, comme il ne s’agit pas ici de poètes surnaturels, mais de poètes littéraires, nous n’avons pas à en parler. […] Il y a mieux que de produire l’ivresse dont j’ai parlé comme l’ayant éprouvée, car il y a toujours un peu d’étourdissement dans l’ivresse.
Dans un parallèle, assez contestable d’ailleurs, qu’il a établi entre l’œuvre du littérateur et l’action de l’homme d’État, il a rappelé la difficulté qu’il y a quelquefois, pour le meilleur gouvernement, à être le bienfaiteur des peuples qui ressemblent trop aux Athéniens de l’Antiquité ; il a parlé de cet esprit qui était aussi celui de Rome en de certains siècles (Roma dicax), de cet esprit de dénigrement devant lequel rien ne trouve grâce, et il s’est plaint de ce qu’il a nommé notre dissolvante ingratitude. […] Lebrun a parlé de La Ciguë, de Gabrielle, de la comédie en vers et du rang qu’il convient de lui maintenir dans l’ordre de l’art.
Des hommes froids, qui veulent se donner l’apparence de la passion, parlent du charme de la douleur, des plaisirs qu’on peut trouver dans la peine, et le seul joli mot de cette langue, aussi fausse que recherchée, c’est celui de cette femme qui, regrettant sa jeunesse, disait : c’était le bon temps, j’étais bien malheureuse. […] Ce sont les caractères sans véritable chaleur, qui parlent sans cesse des avantages des passions, du besoin de les éprouver ; les âmes ardentes les craignent ; les âmes ardentes accueilleront tous les moyens de se préserver de la douleur, c’est à ceux qui savent la craindre que ces dernières réflexions sont dédiées ; c’est surtout à ceux qui souffrent, qu’elles peuvent apporter quelque consolation.
On croit entendre Démosthene parler le langage de Platon. […] Il interprete les Loix, comme l’eût fait le Législateur lui-même ; il expose le Droit naturel & le Droit public, comme s’il étoit l’interprete de la Nature & de toutes les Nations ; il parle de Littérature, comme si les Muses, les Graces & le bon Goût l’eussent rendu dépositaire de leurs oracles.
Duverdier parle en ces termes de cette femme cavalière, poëte, musicienne & débauchée : « C’étoit chez elle lecture de bons livres Latins & vulgaires, Italiens & Espagnols, dont son cabinet étoit copieusement garni ; collation d’exquises confitures… enfin leur communiquoit privement les pièces les plus secrettes qu’elle eut, &, pour dire en un mot, faisoit part de son corps à ceux qui fonçoient ; non toutefois à tous, & nullement à gens méchaniques & de vile condition, quelque argent que ceux-là eussent voulu lui donner. […] Et guidera Folie l’aveugle Amour, & le conduira par tout où bon lui semblera ; &, sur la restitution de ses yeux, après en avoir parlé aux Parques, en sera ordonné. » Clémence de Bourges mêla dans toutes ses critiques beaucoup de personnalités.
La Fontaine, après nous avoir parlé de quolibets coup sur coup renvoyés, pouvait nous faire grâce de celui-là. […] Ce n’est point La Fontaine qui parle à son lecteur, c’est Malherbe qui continue et qui s’adresse à Racan.
Tout rentra dans la vérité, devant celui qui tient la place de la vérité sur la terre, comme parle saint Augustin. […] On en verra de beaux exemples, lorsque nous parlerons des Missions.
il n’est presque pas possible d’en parler, il faut les voir. […] Je ne vous parle pas de la manière dont il a fait frémir et jouer ce rayon de lumière sur la surface tremblotante des eaux ; c’est un effet qui a frappé tout le monde.
Cette conversation avec soi-même met ceux qui la sçavent faire à l’abri de l’état de langueur et de misere dont nous venons de parler. […] La premiere maniere de s’occuper dont nous aïons parlé, qui est celle de se livrer aux impressions que les objets étrangers font sur nous, est beaucoup plus facile.
Petite-fille de Brandebourgeois elle voyage en Italie pour s’instruire, « profiter » ; française de culture, elle y voyage pour en parler, et pour y parler. […] J’ai vu des choses dont les livres parlent à tort et à travers. […] On a parlé souvent de réactions contre le romantisme. […] Élu sénateur de la Seine, il parla peu au Luxembourg. […] Son monologue parmi les vivants ressemble alors à son monologue parmi les morts quand parlent pour lui, quand parlent en lui, les tables tournantes de Jersey.
» Nul outrage ne vient à bout de sa soumission ; il lui a si fort serré le bras que ce bras est « tout noir et tout bleu » ; il a essayé pis : il s’est conduit comme un charretier et comme un coquin ; par surcroît, il la calomnie longuement devant les domestiques ; il l’insulte, et redouble, il la provoque à parler ; elle ne parle pas, elle ne veut pas manquer à son maître. « Monsieur, répond-elle doucement, vous avez le droit de dire ce qui vous plaît ; moi, mon devoir est de dire seulement : Dieu bénisse votre honneur1040 ! […] Bien plus, il a la brutalité du temps ; il la rudoie, lui parle comme à une négresse, et se croit encore bien bon. […] Alors elle parle de tendresse et d’obéissance ; d’allégresse il saute par la chambre, et les larmes lui viennent aux yeux. […] Dès l’enfance, il a détesté les whigs, et jamais il n’a parlé d’eux que comme de malfaiteurs publics. […] Si vous lui parlez d’une méthodiste qui convertit les gens, il vous dira qu’une femme qui prêche est comme un chien qui marche sur les pattes de derrière, que cela est curieux, mais n’est point beau.
Je diviserais volontiers l’histoire de l’Europe, pendant les douze siècles dont je parle, en quatre âges correspondants à ces quatre âges de l’homme. […] Quel est l’homme doué d’intelligence qui me niera que le ciel et la terre dont je parlais tout à l’heure soient aujourd’hui détruits ? […] Donnez-moi donc d’abord des supérieurs que je puisse respecter, ou souffrez que je haïsse les supérieurs que vous me donnerez… Mais pourquoi parler d’obéissance, pourquoi parler de maîtres, de supérieurs ? […] Faux-semblant de société, ne parle pas d’honneur, tu ne peux en décerner ; ne parle pas de honte, tu ne peux en infliger ; ne parle pas de justice ; car, aussi aveugle, aussi dénuée de principes que le malheureux ou le coupable que tu condamnes, quand tu punis tu n’es qu’une force brutale, et ton juge n’est qu’un bourreau. » Chose singulière, contraste bizarre ! […] Nous avons donc encore conscience en nous-mêmes du Christianisme et de sa valeur, puisque nous parlons ainsi.
Mauclair qui parle, car il faut se laisser convaincre par l’éloquence. […] Charbonnel parle à beaucoup d’âmes et qu’il fut salutaire à beaucoup d’inquiétudes. […] Mourir, c’est laisser en proie au hasard des yeux les yeux qui vous parlent. […] Je passe et on ne me voit pas, je parle et on ne m’écoute pas. […] Pourtant Dieu parle éternellement à chacun de nous, et il nous dit des choses si douces et si merveilleuses !
Il n’y a rien de réel ni de profondément fouillé dans ces êtres qui sont concentrés chacun dans une seule manifestation spirituelle, aussi monotonement répétée et outrée que les tics physiques, les grimaces et les manières de parler qui la manifestent. […] Mais le voici qui parle ; ses termes sont recherchés et vagues, un soudain sourire de confiance amicale et fate éclaircit son visage ; il fait un geste solennel de la main, prononce quelques phrases sonores, s’en va majestueusement en fredonnant un air et l’homme est posé pour tout le reste du livre. Ses mines, son parler, son extérieur, sa bonté, son insouciance, sa bienveillante et débile vanité sont marqués d’un coup et resteront tels. […] Tous ces êtres, pareils aux personnages d’une comédie, sont essentiellement des causeurs, des personnes dont on ne sait que ce que donnent à conclure leurs dires, leurs réflexions, leurs digressions, les propos qu’ils se tiennent et qu’ils répliquent, la manière dont ils parlent, leur énonciation, leurs gestes, leurs débats, et parfois quelques actes bien moins significatifs que leurs paroles. […] Un homme ému, un homme habituellement ému, gesticule violemment, s’agite, se répand en injures, en prières, en acclamations, et cela est si violent que souvent il parle comme en rêve, il ne sait plus ce qu’il dit.
Tout ce début de Renart parlant au Corbeau est celui de Patelin s’adressant au marchand dont il veut emporter le drap, et à qui il se met également à parler de feu son père. […] Qu’on ne nous parle plus des Romances du Cid pour en faire honte à nos vieux trouvères : ici, il y a des accents tout pareils, que le vieux chantre patriotique a pris sur le vif et tirés de ces rudes courages. […] Il en est un dont parle Hérodote. […] Le vieux trouvère, dans sa simple rudesse, a peut-être même mieux réussi que Simonide, et le sang d’Othryades parle moins haut chez l’un, que chez l’autre le sang de Beaumanoir.
Pour Töpffer, il y a une vie cachée dans tout paysage, un sens, quelque chose qui parle à l’homme ; c’est ce sentiment qu’il s’agit d’extraire, de faire saillir, de rendre par une expression naïve et fidèle qui n’est pas une pure copie. […] Personne ne fait mieux comprendre que Töpffer comment, sans avoir rien des procédés convenus et artificiels, on parvient à épeler, à bégayer, puis à parler, chacun selon sa mesure et avec son accent, la langue du pittoresque. […] C’est là qu’en accostant, dit-il, le paysan qui descend la chaussée, ou en s’asseyant le soir au foyer des chaumières, on a le charme encore d’entendre le français de souche, le français vieilli, mais nerveux, souple, libre et parlé avec une antique et franche netteté par des hommes aussi simples de mœurs que sains de cœur et sensés d’esprit ; … — en telle sorte que la parole n’est plus guère que du sens, mais franc, natif, et comme transparent d’ingénuité. […] En France, au contraire, où il y a une Académie française et où surtout la nation est de sa nature assez académique, où le Suard, au moment où on le croit fini, recommence ; où il n’est pas d’homme comme il faut, dans son cercle, qui ne parle aussitôt de goût ; où il n’est pas de grisette qui, rendant son volume de roman au cabinet de lecture, ne dise pour premier mot : C’est bien écrit, on doit trouver qu’un tel style est une très grande nouveauté, et le succès qu’il a obtenu un événement : il a fallu bien des circonstances pour y préparer.
Cuvier, Cabanis, Lalande, Lémontey, Moreau (de la Sarthe) et d’autres encore ont parlé de Vicq d’Azyr avec détail ; je n’ai qu’à choisir dans les traits qu’ils me présentent, et à m’attacher plus particulièrement en lui à l’écrivain et au littérateur. […] Adam, se glorifiait tout naturellement dans la suite d’avoir eu ces deux disciples, et Vicq d’Azyr, quand on lui en parlait, répondait en souriant : « M. […] Entre tous ceux qui l’ont loué, je prendrai le moins connu aujourd’hui, mais qui me semble avoir parlé de lui le plus naturellement et sans oublier de mêler aux couleurs quelques légères ombres : Avant de dire ce qu’il a fait pour la nature, disait le médecin Lafisse dans un éloge de Vicq d’Azyr prononcé en 1797, voyons ce qu’elle fit pour lui. […] L’un instruit l’enfance, il forme la jeunesse ; l’autre parle à l’homme, dont il élève l’âme et dont il fortifie la raison.
Calemard de Lafayette était, il y a une quinzaine d’années, un jeune littérateur de Paris ; il s’occupait de poésie et de critique ; il était du groupe de l’Artiste et en train de se faire un nom, tout en se livrant à ses goûts préférés, lorsque, vers ce temps, des circonstances de famille et de fortune l’enlevèrent à la vie parisienne : il avait le bonheur et l’embarras d’être propriétaire foncier ; il se retira dans ses terres aux environs du Puy, dans la Haute-Loire, et se mit à les exploiter lui-même ; il prit goût à l’agriculture, à l’amélioration du sol et des colons ; l’amour de la poésie l’y suivit, et il combina ces deux amours, celui des champs et celui des vers : il en est résulté le poème dont j’ai à parler et qui a paru il y a quelques mois. […] Se méfier toujours et de tous : « Aie un témoin, même quand tu ris avec ton frère. » Si Hésiode a mal pensé et parlé des rois, il n’épargne guère les femmes. […] C. de Lafayette que Buffon dirait ce qu’il disait des chantres des Jardins, des Saisons et des Mois son temps, qu’ils parlaient tous comme s’ils n’avaient jamais vu ni les mois, ni les jardins, ni les saisons : ici tout nous montre l’homme pratique qui habite au cœur de son sujet. […] Vous savez aussi bien que moi ces beaux vers : Felix qui potuit rerum cognoscere causas… Fortunatus et ille deos qui novit agrestes…, ce qu’un de mes amis et qui l’est aussi des Littré, des Renan, et même de Proudhon, je crois, s’est amusé à paraphraser ainsi, à votre intention et presque à votre usage ; et c’est à peu près de la sorte, j’imagine, du moins pour le sens, qu’un Virgile, ou un parfait Virgilien par l’esprit, s’il était venu de nos jours, aurait parlé : « Heureux le sage et le savant qui, vivant au sein de la nature, la comprend et l’embrasse dans son ensemble, dans son universalité ; qui se pose sans s’effrayer toutes ces questions, terribles seulement pour le vulgaire, de fin et de commencement, de destruction et de naissance, de mort et de vie ; qui sait les considérer en face, ces questions à jamais pendantes, sans les résoudre au sens étroit et en se contentant d’observer ; auquel il suffit, dans sa sérénité, de s’être dit une fois que “le mouvement plus que perpétuel de la nature, aidé de la perpétuité du temps, produit, amène à la longue tous les événements, toutes les combinaisons possibles ; que tout finalement s’opère, parce que, dans un temps suffisant et ici ou là, tout à la fin se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans l’infinie succession des mouvements, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée40” ; heureux le sage qui, curieux et calme, sans espérance ni crainte, en présence de cette scène immense et toujours nouvelle, observe, étudie et jouit !
« Une goutte d’encre tombant chaque matin comme la rosée sur une pensée est féconde. » A force d’écrire et de parler pour la Grèce, — la Grèce elle-même continuant de s’acharner à la délivrance et de combattre, — il s’était créé pour tous une Grèce —, elle se détachait aux yeux sur la carte de l’Europe en traces de sang ; on la voyait en idée, et mieux qu’en idée : on la voulait ; plus ou moins, elle devait désormais se réaliser. […] On se lasse d’admirer ce qu’on a admiré, on change de veine ; on parlait pour, on parle contre ; on est homme, on est mobile, on est Français. […] Avant le khani (l’auberge), mon compagnon parla de retourner à ses moutons.
De cette partie-là, si j’avais à parler de mon propre chef et à dire ce qu’il m’en semble, je serais un peu embarrassé, je l’avoue. […] Malgré tout et dussé-je trahir mon côté profane, mon côté faible, il m’est impossible, à parler franc, d’admirer autant qu’on le fait cette sécheresse extrême de la première partie du Discours sur l’Histoire universelle ; elle serait un vrai défaut, si cette première partie était capitale et le fonds même du Discours. […] Il s’agit des belles-lettres : Velléius, à un moment, se met à en discourir, car il ne s’interdit pas les digressions, et c’est une de ses formes ordinaires de dire : « Nequeo temperare mihi… Je ne puis m’empêcher, je ne puis me contenir… » Il vient de parler des colonies romaines établies sous la République, et, passant à un tout autre sujet, il s’adresse à lui-même une question : Pourquoi y a-t-il pour les choses de l’esprit des époques et comme des saisons exclusivement favorables, où tout se rassemble et se groupe, et passé lesquelles on ne retrouve plus le même goût ? […] Quand je parle d’art, je sais bien qu’il y a dans cette seconde partie des endroits où certaines idées mystiques, symboliques ou morales, sont trop développées ; il y aura plus d’une fois redondance ; il y aura des moments où Bossuet s’oubliera, s’étendra un peu trop au point de vue de la composition, où il reviendra sur ce qu’il a dit déjà, et sinon l’intelligence, du moins la satisfaction du lecteur en pourra souffrir.
Les Troyennes, Danaé, l’ode à Naïs, et d’autres pièces de l’époque dont nous parlons, nous semblent d’aussi précieuses révélations en ce sens qu’elles sont des compositions charmantes en elles-mêmes. […] A Naples révoltée, à Parthénope, il n’a su guère parler que du laurier de Virgile. […] Les talents poétiques et littéraires d’aujourd’hui (sans parler des autres, politiques et philosophes) sont soumis à de redoutables épreuves qui furent épargnées aux beaux génies du siècle de Louis XIV, et il est bien juste de tenir compte, en nous jugeant, de ces difficultés singulières qu’on a à subir. […] Tout semble pousser Édouard vers l’écueil : l’attrait du triomphe désormais facile, les illusions d’une amitié impérieuse et généreuse, personnifiée dans Mortins ; les insinuations de la tendresse et de l’amour, qui lui parlent par la bouche adorée de lady Straffort ; enfin la menace d’un outrage assuré, non pas contre lui (il le mépriserait), mais sur la tête vénérée d’un père.
Millevoye Quand on cherche, dans la poésie de la fin du xviiie siècle et dans celle de l’Empire, des talents qui annoncent à quelque degré ceux de notre temps et qui y préparent, on trouve Le Brun et André Chénier, comme visant déjà, l’un à l’élévation et au grandiose lyrique, l’autre à l’exquis de l’art ; on trouve aussi (pour ne parler que des poëtes en vers), dans les tons, encore timides, de l’élégie mélancolique et de la méditation rêveuse, Fontanes et Millevoye. […] On a pu trouver ingénieux, dans le temps, cet endroit de son poëme d’Austerlitz, où il parle noblement de la baïonnette en vers : Là, menaçant de loin, le bronze éclate et tonne ; Ici frappe de près le poignard de Bayonne. […] Toutes les fois qu’on a à parler des derniers éclats harmonieux d’une voix puissante qui s’éteint, on rappelle le chant du cygne, a dit Buffon. Toutes les fois qu’on aura à parler des premiers accords doucement expirants, signal d’un chant plus mélodieux, et comme de la fauvette des bois ou du rouge-gorge au printemps avant le rossignol, le nom de Millevoye se présentera.
Ce qu’on trouve le plus rarement, en général, dans les ouvrages italiens, quoique tout y parle d’amour, c’est de la sensibilité. […] La foule d’improvisateurs assez distingués qui font des vers aussi promptement que l’on parle, est citée comme une preuve des avantages de l’italien pour la poésie. […] On en trouve dans quelques poésies arabes, et surtout dans les psaumes des Hébreux ; mais elle a un caractère distinct de celle dont nous allons parler en analysant la littérature du Nord. […] Il me semble que l’on est généralement d’avis que je n’ai pas assez vanté la littérature italienne (le Tasse, l’Arioste et Machiavel exceptés, dont je crois avoir parlé avec l’enthousiasme qu’ils méritent).
Impossible de parler à un homme sans se mettre à ses ordres, et à une femme sans se mettre à ses pieds. […] Un jour que la comtesse Amélie de Boufflers parlait un peu légèrement de son mari, sa belle-mère lui dit : « Vous oubliez que vous parlez de mon fils Il est vrai, maman, je croyais ne parler que de votre gendre ».
Oubliée en France et dans les pays catholiques, l’œuvre de Du Bartas resta populaire en pays protestant : de Milton à Byron, elle a laissé des traces dans la poésie anglaise, et Gœthe en a parlé en termes enthousiastes qui lui ont valu chez nous plus d’estime que de lecteurs. […] Qu’en pleine crise, L’Hôpital parle au roi, Du Vair au Parlement, et tous les deux parlent fortement, simplement, efficacement. […] Ce procès de l’Université et des Jésuites est l’affaire capitale du siècle : trente ans après que Pasquier n’avait pu empêcher le Parlement d’appointer la cause et de laisser les Jésuites en possession indéfiniment provisoire, l’Université, au lendemain de l’entrée du roi à Paris (1594), tenta un nouvel effort : l’avocat Arnauld se fit l’interprète de ses revendications et de ses jalousies : il parla avec plus d’emportement, de grossièreté même, mais plus de lourdeur et d’emphase que Pasquier.