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984. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

S’il ne les avait pas lus lui-même, il s’était fait lire quelque chose de Tite-Live, de Langey, de Guichardin (dont il a oublié le nom, mais qu’il appelle un bon auteur) : « Il me semblait, dit-il quelque part, lorsque je me faisais lire Tite-Live, que je voyais en vie ces braves Scipions, Catons et Césars ; et quand j’étais à Rome, voyant le Capitole, me ressouvenant de ce que j’avais ouï dire (car de moi j’étais un mauvais lecteur), il me semblait que je devais trouver là ces anciens Romains. » Voilà le degré de culture de Montluc ; c’était assez, avec son esprit naturel et son amour de la gloire, pour le mener, sans imitation directe, à être l’émule de ces anciens qu’il connaît peu. […] Il semble qu’il veuille épargner ses secrétaires : c’est dommage qu’il n’est greffier du parlement de Paris, car il gagnerait plus que Du Tillet ni tous les autres. » Ayant à entrer quelquefois dans les parlements de Toulouse et de Bordeaux, quand il était lieutenant pour le roi en Guyenne, il n’en revenait pas de voir que tant de jeunes hommes s’amusassent ainsi dans un palais, vu qu’ordinairement le sang bout à la jeunesse : « Je crois, ajoutait-il, que ce n’est que quelque accoutumance ; et le roi ne saurait mieux faire que de chasser ces gens de là, et les accoutumer aux armes. » Mais toutes ces sorties contre ce qui n’est pas gloire des armes et d’homme de guerre n’empêchent pas Montluc de sentir l’importance de ce chétif instrument, la plume : il s’en sert,-sachant bien que ce n’est que par là et moyennant cet auxiliaire qu’il est donné à une mémoire de s’immortaliser, qu’il n’en sera de votre nom dans l’avenir que selon qu’il restera marqué en blanc ou en noir par les historiens ; et son ambition dernière, à lui qui a tant agi, c’est d’être lu : « Plût à Dieu, dit-il, que nous qui portons les armes prissions cette coutume d’écrire ce que nous voyons et faisons !

985. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Quelques vieux papiers retrouvés, et qui souvent, si on les lit bien (mais rien n’est plus difficile que de bien lire, surtout ce qui n’est pas imprimé), n’en apprennent pas plus que ce qui est connu déjà ; quelques documents inédits qui, dans tous les cas, doivent se combiner avec les notions déjà certaines et acquises, sont des prétextes à bouleversement ; on casse les jugements reçus, on refait des réputations à neuf ; chacun embouche des trompettes pour la découverte qu’il veut avoir faite, et, dans l’empressement de réussir, volontiers on accorde tout à son voisin pour qu’en retour il vous accorde tout à vous-même. […] Il lisait aussi, comme avait fait Henri IV, le Plutarque d’Amiot, et s’enflammait pour les héros grecs et romains ; Épaminondas et Scipion étaient ses modèles. […] Lui qui lisait Plutarque, il put quelquefois méditer un passage de la vie de Timoléon, qui m’a toujours paru charmant et à faire envie. […] [NdA] On lit dans une lettre du duc de La Force à la duchesse sa femme, à la date du 25 février 1599 (peut-être faut-il lire 1600 ?) 

986. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Madame Bovary par M. Gustave Flaubert. » pp. 346-363

Je n’avais pas lu Madame Bovary sous sa première forme et dans le recueil périodique où l’ouvrage avait été publié d’abord par chapitres successifs. […] Pendant quelque temps Mme Bovary est, de fait, une honnête femme, bien que son nom secret, tel qu’on le lirait déjà inscrit au dedans, soit perfidie et infidélité. […] Elle apprenait à lire et enseignait la culture morale aux enfants des villageois souvent épars à de grandes distances. […] C’est bien un livre à lire en sortant d’entendre le dialogue net et acéré d’une comédie d’Alexandre Dumas fils, ou d’applaudir Les Faux Bonshommes, entre deux articles de Taine.

987. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

J’ai besoin d’air, de mouvement, defoi, d’amour, de tout ce qu’on cherche vainement au milieude ces vieilles ruines… Le Pape est pieux et voudrait lebien ; mais, étranger au monde, il ignore complètement etl’état de l’Église et l’état de la société. » Ses lettres de cette date sont tout entières à lire dans le volume ; elles exhalent des cris d’aigle et de prophète. […] Je leur demande de lire, avant de prononcer, les lettres des 10 février et 1er novembre 1832, du 25 mars 1833, des 27 avril et 20 août 1834, et celle du 8 octobre, même année, dans laquelle Lamennais discute et juge à son tour de Maistre. […] Je vous supplie de ne pas le lire. » Eux, tout alarmés, lisaient bien vite et restaient navrés.

988. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Les Caractères de La Bruyère. Par M. Adrien Destailleur. »

 » Il n’est point propre d’ailleurs à être lu de suite, étant trop plein et trop dense de matière, c’est-à-dire d’esprit, pour cela ; mais, à quelque page qu’on l’ouvre, on est sûr d’y trouver le fond et la forme, la réflexion et l’agrément, quelque remarque juste relevée d’imprévu, de ce que Bussy-Rabutin appelait le tour et que nous appelons l’art. […] Quand on a lu les portraits de M. le Prince et de M. le Duc dans Saint-Simon et dans Lassay, il est utile, pour compléter la galerie et posséder toute la collection, de lire le portrait de la duchesse du Maine, sœur de M. le Duc, que nous a laissé Mme de Staal-Delaunay, une domestique spirituelle et terrible, le La Bruyère des femmes. […]  » ce ne sont, pas ceux, qu’on préfère quand on l’a beaucoup lu ; mais ils sont d’une construction, d’une suspension parfaite et d’un laborieux achevé.

989. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Œuvres complètes d’Hyppolyte Rigault avec notice de M. Saint-Marc Girardin. »

Maintenant qu’on est à une juste distance de ces tombes prématurément ouvertes, je voudrais, pour Rigault du moins, examiner avec équité et impartialité les titres de l’écrivain, du littérateur, et, tout en m’en rapportant à ses amis sur bien des choses disparues qu’ils savent à son sujet mieux que moi, ne m’en rapporter qu’à moi-même sur ce que je lis et sur ce que je puis juger comme tout le monde. […] Je passe à l’extrême opposé : ayant à parler de Chapelle, l’ami de Molière (18 mai 1855), il manque le caractère de l’homme et le rapporte à une famille d’esprits dont il n’était pas ; car ce Chapelle, qui avait assurément de l’esprit et du plus naturel, mais un franc ivrogne et un paresseux, lui paraît représenter une classe d’amateurs et de connaisseurs « d’un goût singulièrement fin, délicat, difficile, qui ont tout lu, qui savent toutes choses, etc. » Rien de moins exact et de moins justifiable. — C’est ainsi encore que, sur la foi d’un de ses maîtres, M.  […] On me dira que je m’étonne de peu, mais je suis stupéfait quand je lis sur ce même Baour-Lormian : « Il continuait la tradition et cherchait la nouveauté : il avait pour lui tout le monde » ; et sur sa traduction du Tasse : « C’est le vers de l’ancienne école, solide, plein, harmonieux… Le poëme ressemble à ces vieilles étoffes au tissu ferme et doux, etc. » ; tandis que Baour-Lormian avait le vers harmonieux, sans doute, mais essentiellement vide, creux et mou. […] Veuillot : c’était pour lui une source inépuisable de contradictions, une occasion de succès coup sur coup dans son monde qui ne lisait ni ne goûtait L’Univers ; c’était une suite d’ovations qui finissaient par valoir le grand triomphe.

990. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Lettres inédites de Jean Racine et de Louis Racine, (précédées de Notices) » pp. 56-75

Disons tout : il est plus sûr et plus honorable de prendre parti pour Racine ; mais Voltaire, dans ses Lettres, est autrement amusant à lire. […] Un des interlocuteurs des Soirées, le Chevalier ayant cité de mémoire quelques vers de Racine fils, le Comte lui répond : « Avant de vous dire mon avis, Monsieur le Chevalier, permettez, s’il vous plaît, que je vous félicite d’avoir lu Louis Racine avant Voltaire. […] Je me trouvai un jour avec lui chez M. de Voltaire, qui nous lisait sa tragédie d’Alzire ; Racine crut y reconnaître un de ses vers, et répétait toujours entre ses dents : « Ce vers-là est à moi. » Cela m’impatienta ; je m’approchai de M. de Voltaire en lui disant : « Rendez-lui son vers et qu’il s’en aille !  […] Il est doux en effet et commode de se dire de bonne heure : tout ce qui est grand est fait ; tous les beaux vers sont faits ; tous les discours sublimes sont sortis : il n’y a plus, à qui vient trop tard et le lendemain, qu’à lire, à relire, à admirer, à goûter et déguster, à se tenir tranquille et coi en présence des modèles, à mettre sa supériorité à les trouver supérieurs à tout ce qui s’est tenté depuis, à tout ce qui se tentera désormais.

991. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Il y lut tout ce qu’on pouvait lire en philosophie depuis Thalès jusqu’à Schelling ; en théologie et en patrologie, depuis Hermas jusqu’à saint Augustin. […] Taine, quand on a le plaisir de le connaître personnellement après l’avoir lu, a un charme à lui, particulier, qui le distingue entre ces jeunes stoïciens de l’étude et de la pensée : à toutes ses maturités précoces, il a su joindre une vraie candeur de cœur, une certaine innocence morale conservée. […] Je l’accorde volontiers et, en général, quand je lis M. 

992. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Sir Henry Bulwer, homme d’État et étranger, moins choqué que nous de certains côtés qui ont laissé de tristes empreintes dans nos souvenirs et dans notre histoire, a jugé utile et intéressant, après étude, de dégager tout ce qu’il y avait de lumières et de bon esprit politique dans le personnage qui est resté plus généralement célèbre par ses bons mots et par ses roueries ; « L’idée que j’avais, dit-il, c’était de montrer le côté sérieux et sensé du caractère de cet homme du XVIIIe siècle, sans faire du tort à son esprit ou trop louer son honnêteté. » Il a complètement réussi à ce qu’il voulait, et son Essai, à cet égard, bien que manquant un peu de précision et ne fouillant pas assez les coins obscurs, est un service historique : il y aura profit pour tous les esprits réfléchis à le lire. […] En convenant qu’il doit y avoir du vrai, gardons-nous pourtant de nous faire un Talleyrand plus paresseux et moins lui-même qu’il ne l’était : il me paraît, à moi, tout à fait certain que les deux Mémoires lus à l’Institut en l’an V, si plein de hautes vues finement exprimées, sont et ne peuvent être que du même esprit, j’allais dire de la même plume qui, plus de quarante ans après, dans un discours académique final, dans l’Éloge de Reinhard, traçait le triple portrait idéal du parfait ministre des affaires étrangères, du parfait directeur ou chef de division, du parfait consul : et cette plume ne peut être que celle de M. de Talleyrand, quand il se soignait et se châtiait. […] Adieu : amitié, admiration, respect, reconnaissance ; on ne sait où s’arrêter dans cette énumération. » Il me semble encore une fois lire du Voltaire, dans sa lune de miel avec le grand Frédéric. […] Et qu’on lise aussi dans le Bibliophile français (n° du 1er août 1868) deux lettres de Talleyrand dans sa jeunesse, du Talleyrand d’avant la Révolution, d’avant l’épiscopat adressées en 1787 à son ami Choiseul-Goufïier, ambassadeur à Constantinople : c’est vif, court, agréable, aimable, en même temps qu’on y sent un premier souffle de libéralisme sincère, un souci des intérêts populaires qui semble, en vérité, venir du cœur autant que de l’esprit.

993. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Le poëte le lui redit en vingt façons ; il croyait lire Tibur, à l’exergue de la bague (du cachet), mais c’était Eyrague ; la dureté du vers l’a puni de sa pensée. […] … Et ici, en beaux et grands vers que chacun a pu lire, revient l’utopie immense, trop immense, mais enfin bornée (il était temps) par une vive peinture de vie heureuse dans une bastide du Midi. […] Pascal pensait qu’un bon poëte n’est pas plus nécessaire à l’État qu’un bon brodeur : il venait de lire un sonnet de Voiture. […] Sujets, style, composition et détail, il a raison peut-être de tout lâcher ainsi au courant de l’onde, satisfait de son flot puissant ; car la génération qui nous jugera n’est pas la génération qui déjà finit : ceux qui auront le dernier mot sur nos œuvres auront appris à lire dans nos fautes ; ils brouilleront un peu tout cela, et nos barbarismes même entreront avec le lait dans le plus tendre de leur langue. 

994. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Je lis, à ce propos, dans un ouvrage inédit, le passage suivant, qui revient à ma pensée et la complète : « Lamartine, assure-t-on, aime peu et n’estime guère André Chénier : cela se conçoit. […] La poésie d’André Chénier n’a point de religion ni de mysticisme ; c’est, en quelque sorte, le paysage dont Lamartine a fait le ciel, paysage d’une infinie variété et d’une immortelle jeunesse, avec ses forêts verdoyantes, ses blés, ses vignes, ses monts, ses prairies et ses fleuves ; mais le ciel est au-dessus, avec son azur qui change à chaque heure du jour, avec ses horizons indécis, ses ondoyantes lueurs du matin et du soir, et la nuit, avec ses fleurs d’or, dont le lis est jaloux. […] De plus, prévoir que mes amis auraient lu avec déplaisir ce que j’ai toujours eu dessein d’écrire m’eût été amer… » Suivant André Chénier, l’art ne fait que des vers, le cœur seul est poète ; mais cette pensée si vraie ne le détournait pas, aux heures de calme et de paresse, d’amasser par des études exquises l’or et la soie qui devaient passer en ses vers. […] Je lis dans les notes d’un voyage d’Italie : « Vers le même temps où se retrouvaient à Pompéi toute une ville antique et tout l’art grec et romain qui en sortait graduellement, piquante coïncidence !

995. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Puis il me donna des vers à lire. […] et j’ai lu tous les livres. […] Jean Moréas nous avoue qu’après avoir lu le Tombeau d’Edgard Poe il n’avait plus qu’un désir, c’était d’être présenté à l’auteur de « ces vers sublimes ». […] Lorsque Mallarmé, écrit Paul Valéry, m’ayant lu le plus uniment du monde son Coup de dés, comme simple préparation à une plus grande surprise, m’en fit enfin considérer le dispositif, il me sembla voir la figure d’une pensée, pour la première fois, placée dans notre espace… Ici, véritablement, l’étendue parlait, songeait, enfantait des formes temporelles.

996. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Ce n’est pas que je me repente de les avoir lues ; les gens du métier trouvent encore à profiter et à glaner là même où le public plus pressé a moins de quoi se satisfaire. […] Nous sommes déjà si loin de ces temps, que, pour bien juger d’un homme, d’un auteur qui y a vécu, il ne suffit pas toujours de lire ses productions, il faut encore les revoir en place, recomposer l’ensemble de l’époque et l’existence entière du personnage ; en un mot, il faut déjà faire un peu de cette étude et de cet effort qu’on fait pour les anciens. […] Elle avait pris les devants contre Chaulieu par de méchants couplets qu’on peut lire dans le recueil manuscrit de chansons dit Recueil de Maurepas (t.  […] Quatre ou cinq pièces de lui seulement seraient à lire, et il y gagnerait : Fontenay, La Retraite, son Portrait à La Fare, quelques vers sur la goutte, quelques autres Sur la mort, et puis c’est tout.

997. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres inédites de la duchesse de Bourgogne, précédées d’une notice sur sa vie. (1850.) » pp. 85-102

Pour se faire une juste idée de ce qu’était alors la représentation, et de l’importance qu’on attachait à toutes ces choses, remplacées depuis par d’autres que nous croyons beaucoup plus sensées et qui le deviendront peut-être, il faut lire le récit de cette première entrevue, chez Dangeau : La princesse, dit l’historiographe fidèle, arriva sur les six heures. […] Lisons donc du pur Louis XIV, ou mieux écoutons le grand roi causer et raconter : langue excellente, tour net, exact et parfait, termes propres, bon goût suprême pour tout ce qui est extérieur et de montre, pour tout ce qui tient à la représentation royale. […] Mais lisons d’abord : Je suis arrivé ici (à Montargis) avant cinq heures, écrit Louis XIV à Mme de Maintenon. […] Il y a même quelque chose de plus grave, et que je ne vois aucune raison de dissimuler : selon Duclos, cette enfant si séduisante, et si chère au roi, n’en trahissait pas moins l’État en instruisant son père, le duc de Savoie, redevenu alors notre ennemi, de tous les projets militaires qu’elle trouvait moyen de lire : et avec sa familiarité folâtre, avec ses entrées à toute heure et partout, elle était à la source pour cela.

998. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Beaumarchais. — I. » pp. 201-219

Mais ce que j’ai fait, et ce que j’aurais fait en tout état de cause, j’ai beaucoup lu et feuilleté Beaumarchais, qui est l’homme le moins discret quand il parle de lui-même, et il me semble qu’à le bien écouter dans ses aveux et ses confidences familières, on en sait déjà presque assez. […] Dans les intervalles où je souffrais moins, je lisais Grandisson, et en combien de choses n’ai-je pas trouvé un juste rapport entre Grandisson et mon fils ! […] On peut voir, dans la correspondance de Voltaire, l’impression et le reflet de cette lecture chez un esprit supérieur et de la même famille, qui revient de ses préventions : ce qui arriva là à Voltaire en faveur de Beaumarchais dut arriver également à tout le monde : J’ai lu, écrivait-il, à d’Argental, tous les Mémoires de Beaumarchais, et je ne me suis jamais tant amusé. […] Le soir même de la condamnation, Beaumarchais devait souper dans le plus grand monde, chez M. de Monaco, où il avait promis de lire Le Barbier de Séville, dont la représentation était retardée, mais que la Dauphine (Marie-Antoinette) prenait hautement sous sa protection.

999. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Ici, toutefois, ils avaient affaire dans l’abbé Gerbet à un homme qui connaissait les Pères, qui les lisait et les possédait à fond selon l’esprit, et ne manquait pas à son tour de textes puisés aux sources pour appuyer cette méthode plus libre et plus généreuse. […] Nul n’a jamais lu une page de l’Imitation, surtout dans la peine, sans s’être dit en la finissant : Cette lecture m’a fait du bien. […] Voici quelques vers (car, sans y prétendre, l’abbé Gerbet est poète) qui rendent déjà le premier effet et qui marquent le ton de l’âme ; la pièce est intitulée Le Chant des Catacombes, et elle est destinée, en effet, à être chantée51 : Hier j’ai visité les grandes Catacombes                    Des temps anciens ; J’ai touché de mon front les immortelles tombes                    Des vieux chrétiens : Et ni l’astre du jour, ni les célestes sphères,                    Lettres de feu, Ne m’avaient mieux fait lire en profonds caractères                    Le nom de Dieu. […] On sait le mot de Bossuet, d’après Tertullien, lorsque parlant du cadavre de l’homme : « Il devient un je ne sais quoi, s’écrie-t-il qui n’a plus de nom dans aucune langue. » L’admirable page qu’on va lire de l’abbé Gerbet est comme le développement et le commentaire du mot de Bossuet dans cette première station aux Catacombes, il s’attache d’abord à étudier le néant de la vie, « le travail, je ne dis pas de la mort, mais de ce qui est au-delà de la mort » ; l’idée de réveil et de vie future viendra après.

1000. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — III. Franklin à Passy. (Fin.) » pp. 167-185

Franklin savait le français depuis longtemps ; il s’était mis à l’apprendre dès 1733, et lisait très bien les livres écrits en notre langue ; mais il la parlait avec difficulté, et ç’avait été un obstacle à ce qu’il connût mieux la société française dans ses voyages de 1767 et de 1769. […] Franklin, vieux, lisait peu les poètes ; il en est un pourtant qui, par son naturel, sa grâce simple, et la justesse de ses sentiments, sut trouver le chemin de son cœur : c’était William Cowper, l’humble poète de la vie morale et de la réalité. […] Franklin répond par cette lettre que je donnerai en entier, puisque, mieux que tout ce que je pourrais dire, elle exprime le vrai rapport où il est avec les philosophes du xviiie  siècle, et le point par où il s’en sépare : J’ai lu votre manuscrit avec quelque attention. […] Je vous conseillerai donc de ne pas essayer de déchaîner le tigre, mais de brûler cet écrit avant qu’il soit lu d’aucune autre personne : par là vous vous épargnerez à vous-même beaucoup de mortification de la part des ennemis qu’il peut vous susciter, et peut-être aussi beaucoup de regret et de repentir.

1001. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Il écrit à Voltaire (lettre CV) : « J’ai annoncé à l’Académie votre Héraclius de Calderon ; elle le lira avec plaisir comme elle a lu l’arlequinade de Gilles Shakespeare. » Que tout soit perpétuellement remis en question, que tout soit contesté, même l’incontestable, qu’importe. […] Pour Byron, mentionnons ce nom une seconde fois, il en vaut la peine, lisez Glenarvon, et écoutez, sur les abominations de Byron, lady Bl***, qu’il avait aimée, et qui s’en vengeait. […] Ce sont des lyriques, des coloristes, des enthousiastes, des fascinateurs, des possédés, des exaltés, des « enragés », nous avons lu le mot, des êtres, qui, lorsque tout le monde est petit, ont la manie de « faire grand ».

1002. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

Nisard me paraît avoir jugés avec une parfaite justesse : c’est Voltaire et Buffon ; on lira avec plaisir et instruction les chapitres qu’il leur a consacrés, mais il est difficile de ne pas faire d’assez nombreuses réserves quant aux deux autres. […] Qu’on lise et qu’on relise les admirables chapitres sur la corruption des démocraties ; on verra quels sont les devoirs difficiles qui attendent les citoyens le jour où ils veulent être libres. […] Mais nous croyons en même temps qu’il y a bien des places dans la maison du Seigneur ; qu’un certain classique n’est pas tout le classique ; que le parfait a toujours quelque imperfection qui permet de concevoir un autre genre de parfait ; que, par exemple, le classique du xviie  siècle n’est qu’une forme de classique qui n’est pas sans défaut ; qu’on pourrait soutenir très-fortement que le classique grec lui est supérieur, et peut-être aussi que le classique anglais ou allemand (si l’on peut employer une telle expression) lui est égal ; que, pour comparer en toute justice ces différents genres de chefs-d’œuvre, il faudrait lire Goethe et Shakespeare avec la même préparation que nous lisons Racine ou Corneille : il faudrait se faire Anglais ou Allemand, tandis qu’il nous est si facile d’être Français.

1003. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

À la vérité je n’ai pas lu encore le livre que M.  […] On peut lire, dans le Corsaire du 3 août 1851, une historiette fort spirituellement racontée, celle d’un procès intenté à Mme Frezzolini par son pédicure. […] Le charmant Machiavel à six centimes la ligne que nous avons tous connu et lu, n’est plus qu’un Pangloss bourgeois qui prend le la au mirliton enrubanné de ce bon M.  […] Viennet a lu, à la séance annuelle des cinq académies, une satire inédite, dont il est l’auteur, sur le néologisme. […] Je lis, dans son compte rendu de la comédie de M. 

1004. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

Lu judeu Marcu est devenu, par une sorte d’assimilation à Judas, lu Juda-Marcu dans des chants populaires siciliens83. […] De ce nombre est aussi l’historiette qui a fourni son thème au poème français qu’on lira plus loin. […] Lydgate dit expressément qu’il traduit d’après un paunflet (c’est-à-dire un petit livre) français qu’il vient de lire. […] C’est-à-dire sur une montagne, et non sur un pin, comme avaient lu les premiers éditeurs. […] Dans un discours lu, le 25 mai 1871, à la Società Columbaria de Florence.

1005. (1898) Essai sur Goethe

Il faut lire, dans l’introduction de M. von Lœper, le morceau consacré à ce rapprochement. […] Celui qui ne peut me comprendre n’a qu’à mieux apprendre à lire. […] Il en lut des fragments à Mme de Stein et à Knebel, puis abandonna son manuscrit. […] Il profite de ce qu’il est sur la terre de France pour lire, écrit-il à Knebel, des écrivains français que, sans cela, il n’aurait jamais lus : en sorte, dit-il, que « j’utilise mon temps du mieux que je peux ». […] Il avait trop pensé, trop lu, trop agi, trop observé, trop créé, trop collectionné.

1006. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

On entrelace le lis à la rose, le lis s’entrelace à la rose, mais il ne l’entrelace pas.

1007. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Lutèce » pp. 28-35

  « Un soir, il rentra chez lui un livre sous le bras, — un livre vêtu de jaune et d’un aspect inoffensif ; et quand il eut regagné son cinquième étage, allumé sa lampe à pétrole, il s’étendit dans son fauteuil de cuir, jeta un coup d’œil satisfait sur l’ameublement d’acajou de sa chambre et, prenant un coupe-papier, celui qu’il appelait familièrement : “dit des bonnes lectures”, il se mit à lire, et lut : À Rebours.

1008. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville (suite et fin.) »

Il ne se peut de plus belles pages, en fait de considérations contemporaines, que ce qu’on va lire et qu’il écrivait à M.  […] S’il y a l’ombre d’un inconvénient, ne me le dites pas. » Mes articles faits et publiés (ceux qu’on vient de lire), le digne ami de Tocqueville et qui était bien près alors d’aller le rejoindre lui-même, aussitôt sa lâche pieuse accomplie, M. de Beaumont m’écrivait de Tours, a la date du 6 janvier 1866 : « On dit que les auteurs ne sont jamais complètement satisfaits de ce qu’on publie même de plus louangeur sur leurs œuvres. […] J’ai lu des articles sur Tocqueville qui étaient plus bienveillants, je n’en ai pas lu un seul qui sût, aussi bien que les vôtres, mettre en relief ce qui dans ses écrits est vraiment beau, ce qui plaît en eux, ce qui charme : sympathie intellectuelle, confraternité d’artiste, quelque nom qu’on donne au sentiment qui vous fait agir, c’est encore de la bienveillance, et la plus sûre, car elle vient de l’instinct plus que de la volonté. […] Tocqueville m’adressa à ce sujet la lettre suivante, qu’un hasard me fait retrouver : « Je viens de lire, Monsieur, dans le journal le Temps d’hier, un article de vous dont il me tarde de vous remercier.

1009. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

a-t-il pu l’entretenir de la France et de la religion politiquement, en homme qui a lu De Maistre, ou en disciple récent de nos historiens de la civilisation moderne ? […] — Ce qu’on a écrit de plus juste à mon sens sur les Mystères de Paris se peut lire dans la Revue suisse, année 1843, pages 550, 618, 666 ; et année 1844, page 68.) […] Le succès des Mystères de Paris a tout changé ; le voilà le romancier en vogue ; il a détrôné Balzac, il est lu partout, dans le salon comme dans l’échoppe, et d’honnêtes prolétaires le proclament le philanthrope par excellence ; en homme d’esprit qu’il est, il exploite sa veine. […] Pour avoir une juste idée de Louis XIV et ne plus être tenté d’en parler à la légère, il faut avoir lu au complet le beau Recueil des pièces diplomatiques publiées par M. […] Je me rappelle avoir lu dans le Journal des Savants (décembre 1835), à l’article Nouvelles littéraires qui termine, une simple petite note indiquant la publication de l’Histoire de la Marine française, par M.

1010. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il a complétement réussi ; il a eu la satisfaction d’arriver à lire (à l’exception d’un petit nombre de mots) la totalité de ce texte manuscrit dans lequel, si aidé qu’on fût par des copies plus ou moins conformes, on n’avait encore fait que les premiers pas : « L’écriture de Pascal, dit-il, est excessivement rapide, il semble qu’elle rivalise avec la rapidité de l’esprit ; on dirait une sorte de sténographie obligée de recueillir en courant l’improvisation d’une intelligence pressée de se produire au dehors, parce qu’elle pressent la dissolution prochaine de l’organisation maladive à laquelle elle est enchaînée. […] Déjà, dans d’admirables et discrets articles, un homme qu’il y a toujours profit à citer, M inet, avait proféré à ce sujet des paroles qui, si on les avait mieux lues ici, auraient fait loi63. […] Elle se rapporte même à l’article qu’on vient de lire et qui paraissait alors tout récemment dans la Revue des Deux Mondes du 1er juillet 1844 : « Paris, 10 juillet. […] Je l’ai lu avec un plaisir complet. […] Voir surtout au tome II, page 341, le passage inédit où l’auteur, ravi dans une tendre contemplation, voit Jésus-Christ présent, converse avec lui, entend sa parole et lui répond : « On croirait lire, dit M augère, un chapitre de l’Imitation : Je pensois à toi dans mon agonie ; j’ai versé telles gouttes de sang pour toi. — Veux-tu qu’il me coûte toujours du sang de mon humanité, sans que tu donnes des larmes ?

1011. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Ouvrez la frénétique brochure De Buonaparte et des Bourbons, et lisez-y ces paroles : Et quel Français aussi pourrait oublier ce qu’il doit au prince régent d’Angleterre, au noble peuple qui a tant contribué à nous affranchir ? […] M. de Chateaubriand, dès 1814, est impatient, et il s’étonne, il se pique que tout d’abord on ne vienne pas à lui comme à l’homme nécessaire : « J’avais été mis si fort à l’écart, dit-il, que je songeais à me retirer en Suisse. » Et il montre Louis XVIII comme jaloux et déjà dégoûté de lui, et Monsieur (le comte d’Artois) comme n’ayant jamais rien lu du Génie du christianisme. Je le crois bien ; il n’est pas étonnant que Charles X n’eût jamais lu beaucoup de ces grands écrits de M. de Chateaubriand : « J’en veux à M. de La Vauguyon, disait un jour cet aimable prince, de m’avoir si mal élevé que je n’ai jamais pu lire quatre pages de suite, même quatre pages de Gil Blas, sans m’ennuyer. » Mais un homme politique, un ambitieux véritable, qui tient réellement à gouverner les choses de ce monde, ne se décourage pas pour si peu, et ne se comporte pas comme un auteur qui a besoin avant tout d’une louange un peu creuse ; il vise au solide. […] Quand nous lisons aujourd’hui cette Monarchie selon la Charte, nous sommes tentés d’y voir un traité constitutionnel libéral : ce serait une grande illusion et la preuve d’une extrême innocence.

1012. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1879 » pp. 55-96

Il a passé toute la représentation, dans le cabinet de Chabrillat, à lire un roman quelconque, trouvé dans sa bibliothèque, n’osant se montrer aux acteurs, que la veille, à la répétition, dit-il, sa mine désolée glaçait. […] Vendredi 16 mai Enfin, un jour où je puis me donner la récréation de lire un bouquin pour mon plaisir — récréation rare pour le fabricateur de livres — et le jour est tout gris, tout pluvieux, vraiment fait pour la lecture. […] J’y lis : Mort du prince impérial. […] * * * — « Quand on est malade, n’est-ce pas qu’on a besoin de lire des livres distingués ?  […] * * * — Je lis une traduction nouvelle de la Bible.

1013. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vi »

De même quand ils lisent les journaux, ils accueillent les nouvelles avec une feinte indifférence, mais se trouvent à table très bien informés et discutent avec compétence et intelligence des questions de mouvement.‌ […] J’ai lu dans les Entretiens des non-combattants (mai-juin 1916, 21, rue Visconti) les carnets où Albert Thierry, instituteur syndicaliste et le plus violemment sincère des syndicalistes, crayonnait comme un testament ses suprêmes pensées de politique et de morale et recherchait quelle justice doit être réalisée dans le monde pour que la paix définitive s’établisse. […] Nul de nous ne peut lire ce texte et passer outre. […] Voici la lettre d’un instituteur qu’on lira avec intérêt. […] » Nous, les modérés — lire, les réactionnaires — dans la Presse de l’Enseignement, par principe, par respect pour l’ordre, la discipline, nous soutenions l’Administration, qui ne nous en savait aucun gré, on devine pourquoi, et logiques, également, nous tapions dur sur les syndicalistes, les révolutionnaires, ennemis de toute autorité.‌

1014. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Vous avez lu cette brève merveille. […] Lisez-le tout entier, relisez-le tout entier. […] Je ne sais pas lire non plus. […] Puis, il me donna des vers à lire. […] Lisez ces poèmes.

1015. (1894) Critique de combat

Lisez alors le dernier roman que M.  […] (Quinze cents francs, vous avez bien lu !) […] Malon, qui lisait tout, a cité plusieurs fois Walras ; Ch. […] Lisez sa préface et sa conclusion : c’est un fidèle, un croyant, un dévot. […] Les gens qui nous lisent sont toujours (n’est-il pas vrai, confrères ?)

1016. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon » pp. 423-461

Il lisait sans doute aussi avec l’idée d’imiter les grands exemples qu’il voyait retracés, et de devenir quelque chose ; mais au fond son plus cher désir et son ambition étaient plutôt d’être de quelque chose afin de savoir le mieux qu’il pourrait les affaires de son temps et de les écrire. […] Il semble, à le lire, qu’il n’existât aucun désaccord, aucun point de dissentiment entre lui et le jeune prince qui allait comme de lui-même au-devant de ses idées et de ses maximes : dès la première ouverture qu’il lui fit, tout se passa entre eux comme en vertu d’une harmonie préétablie. […] M. de Choiseul, pendant son ministère, en prêta des volumes à Mme du Deffand qui en écrivit ses impressions à Horace Walpole auquel elle aurait voulu également les prêter et les faire lire : « Nous faisons une lecture l’après-dîner, lui mandait-elle (21 novembre 1770), les Mémoires de M. de Saint-Simon où il m’est impossible de ne pas vous regretter ; vous auriez des plaisirs indicibles. […] Elle y revient pourtant et corrige ce qui peut étonner dans ce premier jugement tumultueux (9 janvier 1771) : « Je suis désespérée de ne pouvoir pas vous faire lire les Mémoires de Saint-Simon : le dernier volume, que je ne fais qu’achever, m’a causé des plaisirs infinis ; il vous mettrait hors de vous. […] Mme du Deffand elle-même, la seule qui ait lu à la source, apprécie l’amusement plus que la portée de ces Mémoires.

1017. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Il a lu l’Épître de Saint-Lambert à Chloé, et il la continue. […] Pour apprécier autant qu’il convient le mérite naturel et touchant des élégies de Parny, il suffit de lire celles qu’a essayées Le Brun, si sèches, si fatiguées et si voulues. […] Pour ne pas avoir l’air d’éluder le jugement littéraire, même en telle matière où la question morale et sociale domine tout, nous dirons une bonne fois que n’avoir lu la Bible, comme le fit Parny, que pour en tirer des parodies plus ou moins indécentes, c’était se juger soi-même et (religion à part) donner, comme poëte, la mesure de son élévation, la limite de son essor. […] Parny ne put lire son discours lui-même, à cause de la faiblesse de sa voix et même d’une certaine difficulté de prononciation187 : ce fut Regnault de Saint-Jean-d’Angély qui lui prêta son organe sonore. […] Dans cette même édition de ses Œuvres diverses (1802) où se lisait la première version d’Isnel et Asléga, Parny s’était attaché à ne rien faire entrer que d’avouable et d’incontestable ; il y a réussi, et l’on peut dire que depuis on ne trouverait à peu près rien à ajouter au choix accompli qu’il fit alors.

1018. (1860) Cours familier de littérature. IX « Le entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier (2e partie) » pp. 81-159

Récamier de la haute fortune dont il éblouissait Paris et dont il faisait jouir sa femme ; il faut lire ce récit pathétique dans un fragment écrit des souvenirs de la pauvre Juliette. […] La passion qu’il ressentit pour Juliette, et dont il l’obséda pendant plusieurs années, a laissé des traces dans une volumineuse correspondance ; nous en avons lu quelques lettres très curieuses ; elles brûlent d’un feu qui ressemble à l’amour comme la sensualité ressemble au sentiment. […] Cette ambition altère péniblement l’atmosphère de tendresse qui respire dans ces lettres d’ami intéressé, d’amant ambitieux, d’homme d’État agité ; il n’y a rien de plus pénible à lire que deux passions qui se combattent et qui se neutralisent dans un même cœur. […] Cela bien entendu, lisons encore. […] Lisez donc encore.

1019. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

C’est à pareil jour qu’il revint l’année dernière de ses voyages sans but à travers le monde, dont il ne rapporte jamais, dans sa valise, que des pierres cassées, des dessins à la plume ou des écritures à lignes inégales qui font chanter ou pleurer ceux qui les lisent. […] « Est-ce qu’il ne sentira pas enfin qu’une épouse du pays serait fière et heureuse de commander à Saint-Lupicin, comme une certaine Pénélope commandait et distribuait les laines à ses servantes, dans ce livre qu’il m’a lu tant de fois pour me faire honneur ? […] XXXVII On n’a qu’à lire sa description scientifique du Parthénon, ce Sinaï de l’art, qui occupe un de ses volumes. […] Ainsi j’ai parcouru maintes fois Rome ; ainsi j’ai visité les mers et les montagnes ; ainsi j’ai lu les sages, les historiens, les poètes ; ainsi j’ai visité Athènes. […] Lisez le Phidias de M. de Ronchaud, et vous comprendrez la grandeur du monument dans la grandeur du poète.

1020. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre II. Prière sur l’Acropole. — Saint-Renan. — Mon oncle Pierre. — Le Bonhomme Système et la Petite Noémi (1876) »

C’est par ce que j’ai vu de ces excellents marins et ce que j’ai lu et entendu des paysans de Lithuanie ou même de Pologne, que j’ai formé mes idées sur la vertu innée de nos races, quand elles sont organisées selon le type du clan primitif. […] Avec cela, assez instruit ; il avait beaucoup lu. […] Il les lisait aux gens du peuple et aux gens du port. […] Dans la suite, quand je lus la Vie de Spinoza par Colerus, je vis que j’avais eu sous les yeux dans mon enfance un modèle tout semblable au saint d’Amsterdam. […] Le studieux vieillard la savait par cœur et vivait des petits profits que lui rapportait le prêt de ses volumes à quelques personnes qui lisaient.

1021. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

et Koning lui a dit jeudi : « Mais pourquoi ne me donnez-vous pas à lire la pièce de Goncourt ?  […] Stevens s’étonne de l’absence complète du sentiment de l’art chez la plupart des grands écrivains, affirmant qu’il n’en est pas ainsi à l’égard de la littérature chez les peintres de talent, même chez ceux qui n’ont pas fait d’humanités, déclarant qu’on ne les trouverait jamais à lire un livre d’auteur médiocre. […] Puis un volume manuscrit de pièces sur les prisonniers du donjon de Vincennes, et c’est avec une véritable émotion, que je lis la lettre d’incarcération de Diderot, et la lettre qui lui donne la clef des champs. […] Aujourd’hui, je regarde la couverture du catalogue, avec attention, et j’y lis : Vente après décès de M. de Lescure, homme de lettres. […] En récompense, à lui qui ne connaissait et n’aimait que Musset, Judith faisait lire du Victor Hugo et du Leconte de Lisle.

1022. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

Dimanche dernier, il lui apportait un manuscrit à lire. […] — Que lisez-vous donc là de si intéressant ? […] — C’est un livre qu’on a défendu de lire à maman, répondit l’ingénue. […] Avant de les apporter au journal, il lisait ses nouvelles à la main à une jeune ingénue qu’il rencontrait quelquefois chez lui. […] Chacun des membres présents a lu un mémoire d’une grande beauté et de plusieurs kilomètres.

1023. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVI » pp. 256-263

Monmerqué a lu ou plutôt a dû lire (le temps l’en a empêché) une dissertation historique assez piquante sur le sort du petit roi Jean Ier.

1024. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVII » pp. 306-312

C'est un livre à lire. […] Le Tite-Live a remplacé les chroniques du moyen âge ; il est vrai que les dramaturges romantiques en France avaient si mal lu et étudié ces chroniques qu’ils n’en avaient tiré que le grossier et le repoussant.

1025. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

Il sait aussi que l’amour est inséparable de la mort, parce que la mort est inséparable de la vie… Et maintenant lisez les Chants de l’Amour et de la Mort : Je voudrais te parer de fleurs rares, de fleurs Souffrantes, qui mourraient pâles sur ton corps pâle. […] Lisez l’admirable poème intitulé Réminiscence : Certains soirs, en errant dans les forêts natales, Je ressens dans ma chair les frissons d’autrefois ; Quand, la nuit grandissant les formes végétales, Sauvage, halluciné, je rampais sous les bois.

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