. — Leur goût et leur architecture. — Leur curiosité et leur littérature. — Leur chevalerie et leurs amusements. — Leur tactique et leur succès. […] Avec le goût, aussi naturellement et aussi vite, la curiosité leur était venue. […] Les gens qui ont assez de loisir et de sécurité pour lire ou écrire, sont Français ; c’est pour eux que l’on invente et que l’on compose ; la littérature s’accommode toujours au goût de ceux qui peuvent la goûter et la payer. […] C’est parmi ces fantaisies et ces splendeurs que les poëtes se complaisent et s’égarent, et le tissu, comme les broderies de leur toile, porte la marque de ce goût pour le décor. […] Sans doute, les traces du goût français y sont visibles ; il n’en saurait être autrement ; les gens d’en bas ne peuvent jamais se défendre tout à fait d’imiter les gens d’en haut ; et les plus francs des poëtes populaires, Burns et Béranger, gardent trop souvent le style académique.
Saint-Marc Girardin a voulu nous donner une leçon de goût, nous la lui rendons.
Ducoté n’eût cédé à ce goût de pastiche qui sévit déplorablement et qui gâte plusieurs bons esprits.
C’est charmant, en vérité, de voir venir de temps à autre de là-bas ces minces volumes de vers ingénus, pleins de musique, nimbant des sentiments simples d’une langue naïve, d’une authentique naïveté, avec le petit goût vif d’un don réel des ressources du vers.
Tant de succès dans un temps où le goût subsistoit dans toute sa pureté, ne font que mettre plus en évidence le tort des Comédiens qui s’obstinent à répéter jusqu’à la satiété certaines Pieces, sans songer à faire paroître celles-ci.
L’Orateur saisit avec beaucoup de justesse cette assertion ; il en développe les preuves avec goût, avec aisance, avec solidité, & d’un ton toujours convenable au sujet.
Le Public eût assurément revu avec plaisir beaucoup de petites Pieces qu’il contient, Pieces infiniment préférables à ce qu’on trouve communément dans le plus joli des Recueils, dans l’Elite de Poésies, dans l’Abeille du Parnasse, & dans le Porte-feuille d’un Homme de goût, &c.
Piron étoit né avec toutes les qualités qui forment les grands Poëtes, si l’on en excepte, d’un côté, le goût & l’harmonie dans la versification, & si on lui pardonne, de l’autre, trop de penchant à la satire, & trop de facilité à lancer des Epigrammes malignes qui ne sont pas toujours justes.
Plusieurs morceaux de ses Poésies font juger qu’il étoit né Poëte, & qu’il auroit pu laisser d’excellens Ouvrages, si, se livrant moins à sa facilité, il l’eût assujettie aux regles du goût.
Ils doivent chercher ailleurs des modeles de goût & d'une sage sobriété.
Le goût de ces sortes de Ménageries n'est pas tout à fait passé ; les Bêtes, qui les composent, sont même plus soumises, plus apprivoisées que celles qui existoient du temps de Madame de Tencin ; mais, il faut en convenir, les nouvelles Surintendantes ne sont pas, à beaucoup près, ni aussi prévoyantes*, ni aussi agréables.
La presse quotidienne, qui suit et quelquefois devance les goûts du public, n’a rien de mieux à faire ici que de chercher à les satisfaire.
Je puis m’être trompé dans mes jugements, soit par défaut de connaissance, soit par défaut de goût ; mais je proteste que je ne connais aucun des artistes dont j’ai parlé, autrement que par leurs ouvrages, et qu’il n’y a pas un mot dans ces feuilles que la haine ou la flatterie ait dicté.
Aussi je n’hésite pas à dire que des essais et des fantaisies dans le goût du livre de M. […] Le lecteur trouvera en tête du volume le portrait de cet animal vraiment distingué et qui fait honneur au goût de son admiratrice. […] Ce qui manque en effet au Roman d’une honnête femme, c’est un goût, une saveur de terroir quelconque. […] Edmond About, qui l’a faite restaurer avec adresse et meubler selon le goût nouveau des habitants des boulevards Malesherbes et Saint-Michel. […] Le goût naturel à M.
Le malheur est qu’on ne commette impunément aucune erreur de goût : les erreurs de goût mènent aux erreurs de jugement, les erreurs de jugement aux erreurs de doctrine ; et c’est ici le cas. […] En usant leurs yeux sur la lettre gothique, c’est leur goût aussi qui s’est oblitéré dans l’admiration des fabliaux et des chansons de geste. […] Despois y revient et rapproche, comme une autre erreur célèbre du goût public, l’insuccès de Turcaret en 1709. […] En attendant, c’est l’humeur, c’est le goût de chacun, ce sont nos sympathies personnelles qui décident et qui peuvent seules décider. […] Au fond, cette croisade antimonarchique ne convenait nullement à ses goûts.
Comme tous les élégiaques du temps, il est placé au point de vue purement individuel : ce sont des souvenirs d’enfance, des regrets du premier amour, des plaintes sans amertume sur une condition obscure et gênée, des vers harmonieux aux châteaux, aux bois, aux amis qu’il aime ; des vœux de loisir et de rêverie, des confidences de ses goûts qui révèlent une nature aimante et mélancolique.
Il ne me convient pas d’être tranchant en manière de goût.
Tout homme de goût sera de l’avis de M.
Depuis qu’il a consacré ses travaux à l’Histoire Naturelle, le goût de la Physique s’est considérablement étendu parmi nous.
Il s’est rendu justement méprisable par l’abus qu’il a fait de son esprit, de son imagination, & de sa vivacité, toujours dépourvue de goût & de jugement.
M. de Laplace a encore fait passer dans notre Langue plusieurs bons Romans Anglois, en les corrigeant d’une certaine prolixité, de certains détails minutieux, qui n’auroient pas été de notre goût.
Ses liaisons avec le Comédien Baron ont pu le faire soupçonner d’avoir un goût plus decidé pour le Théatre, que son état ne le permettoit : on étoit même persuadé, de son temps, comme on l’est encore aujourd’hui, que l’Andrienne & l’Homme à bonnes fortunes devoient beaucoup à ses talens.
On a de lui une édition d'Ammien Marcellin, dont le texte avoit été défiguré & corrompu, qu'il a rétabli dans son entier, & enrichi de Notes pleines d'érudition, de discernement & de goût.
Western, gentilhomme campagnard, sa passion égoïste et despotique pour sa fille, la rudesse de ses manières, son goût pour la chasse et le vin, son indulgence pour les premières faiblesses de Tom Jones, fondée sur l’analogie de leurs talents et de leurs goûts, forment, en se réunissant, un type vivant et complet comme Molière en savait créer. […] À chacune de leurs réunions, les membres de cette société lisaient quelques essais dans le goût et la manière du Spectateur. […] À tout prendre, c’est un récit plein de coquetterie, de papillotage, de faux goût, et qui fait tache dans les œuvres sévères et châtiées de l’auteur. […] Vous pourriez croire que c’est une plaisanterie, un goût de paradoxe, une fatuité d’un nouveau genre ; eh bien ! […] À propos d’une femme qui danse, il vous parle anatomie, et, dix minutes après, il lui adresse des compliments dans le goût de Marivaux.
Dans le roman, il porte les mêmes goûts et manifeste les mêmes préférences. […] Si, dans ces derniers romans, l’auteur a déserté sa vieille théorie du triomphe du mal, il a gardé le goût de la peinture du mal. […] Par goût ou par système, elle l’a recherché et reproduit avec amour dans ses tableaux. […] Cette religion du plaisir, cette théorie du sybaritisme flattait trop le goût général pour n’avoir pas un grand succès. […] On ne fait plus le mal par entraînement ou surprise de cœur, mais par amour-propre et par goût de la débauche.
Le goût du terroir reste à l’homme comme au jus du raisin. […] Boris Andréitch avait des goûts gastronomiques élégants, recherchés. […] Pierre avait un goût particulier pour ce repas, et disait qu’il fallait absolument le faire à midi. […] Ils avaient les mêmes goûts et les mêmes habitudes. […] Il l’arrangea lui-même, selon son goût.
Il y mêlait la lecture des écrivains profanes, gardant entre les deux études une inégalité de convenance et de goût. […] Tout ce que Bossuet écrit durant ces dix-huit années, il l’écrit dans le grand goût d’alors, qui épurait les ouvrages sans les énerver. […] Pour cela il faudrait, dans celui qui en écrit, l’autorité, et, dans ceux qui le lisent, le goût de ces matières. […] Ses études profanes marquaient le même goût. […] De là la satisfaction continuelle et égale qu’on éprouve à le lire, parmi d’autres plaisirs de goûts plus vifs et divers, selon les beautés qui se détachent de ce fond de justesse et de raison.
Bientôt cependant, il faut le reconnaître, l’esprit de recherche et de libre investigation, le goût des découvertes philosophiques, cédèrent la place à un autre goût, à une autre ardeur, à une autre ambition, et, comme il est difficile de faire deux choses à la fois, on abandonna, au moins provisoirement, l’entreprise ébauchée d’une philosophie nouvelle, et l’on poursuivit un autre objet, l’histoire et la critique des systèmes de philosophie. […] De là le goût de M. […] Quelques hautes idées se sont dégagées de ce chaos de faits particuliers ou d’applications commodes, et à un moment donné les sciences ont pu croire qu’il était temps d’opposer philosophie à philosophie, et de remplacer les interprétations métaphysiques et psychologiques, dont on était las, par des interprétations cosmologiques, dont on avait perdu l’habitude et le goût. […] Il y a des esprits qui n’ont pas le goût de la métaphysique ; qu’ils s’en abstiennent, rien de mieux : ils seront plus utiles en faisant autre chose ; mais que, mesurant les destinées de l’esprit humain d’après leurs goûts et leurs inclinations, ils veuillent supprimer toute recherche dont ils ne sont point eux-mêmes curieux, c’est là une vue si aveugle et si étroite, qu’on ne peut trop en admirer la naïveté et l’impuissance. […] Ce goût des idées pures donne à son livre De la Métaphysique et de la Science, ouvrage plein de talent, quoique sans art, une sérénité, une placidité touchante malgré l’aridité de certaines conclusions.
Thiers n’avait pas visitée encore, les considérations générales sur le goût, sur la critique des arts et sur les divers mérites propres à ceux du dessin, restent des pages très-agréables et très-justes, des gages d’un instinct très-sûr et d’une inclination naturellement éclairée. […] Dès lors se déclarait son goût pour les cartes géographiques, stratégiques, auxquelles il attache une importance plus que militaire26 ; il en faisait une collection, qu’il a augmentée depuis, et qui est une des plus belles qui se puisse voir. […] Il aime par goût les choses du gouvernement ; mis en présence, il veut les apprendre, les étudier en elles-mêmes, il s’y porte avec passion. […] Thiers, qui par goût est moins de l’école de l’armée du Rhin que de celle de l’armée d’Italie, sait joindre à ces qualités du récit la rapidité de l’éclair. […] Thiers a trouvé dans ses goûts éclairés et actifs, dans sa curiosité infatigable, inventive, et dans son bonheur d’apprendre, bien mieux qu’une consolation et qu’un refuge ; on serait tenté par moments de croire qu’il s’y oublie, tant il s’y enchante.
« Faites-moi des échos tant que vous pourrez et tant que vous voudrez », leur répondit-il ; « quant à moi, je ne chante qu’à mon heure et qu’à mon goût. […] Tout est conçu lentement dans son esprit, porté longtemps dans sa méditation, aiguisé à loisir par sa sagacité, poli jusqu’au scrupule par son goût, combiné pour l’effet qu’il veut produire, adapté à l’air populaire le plus propre à faire danser les paroles, rire le refrain, vibrer les couplets ; puis tout est lancé par le poète à son adresse avec la sûreté du coup d’œil et du doigt de la brodeuse de dentelle qui lance le fil aminci sur les lèvres dans l’œil de l’aiguille. […] Son origine gauloise, son goût excessif pour la raillerie, son père spirituel Rabelais, son trop d’esprit, faculté si nuisible au génie poétique d’une race humaine, l’empêcheront peut-être toujours d’être un peuple épique, et encore plus un peuple lyrique. […] « Mais j’y pris en même temps ce dégoût de la fortune et ce goût de la médiocrité qu’on appelle mon désintéressement, qui est vrai, et ce qu’on appelle ma pauvreté, qui est simplement ma liberté. […] C’est ainsi que moi-même, élevé dans les champs et né parmi les pasteurs, comme je l’ai chanté un jour, j’ai contracté, en vivant presque constamment parmi les ouvriers de la campagne, une estime, un goût, une tendresse pour les paysans, qui me firent toujours et qui me font encore préférer la table, la veillée d’une chaumière aux banquets et aux fêtes des palais.
Remarquez que le sujet était lui-même choisi avec tact et avec goût : rien d’éclatant, rien qui promît trop ; l’orateur pouvait être aisément supérieur à son sujet. […] Il lut alors un discours composé avec goût, simple et court, d’un juste à-propos. […] Royer-Collard présent, et qui d’ailleurs n’avait pour lui qu’un goût médiocre, lui dît pour compliment suprême : « Monsieur l’abbé, vous êtes un prêtre ! […] Mais heureusement qu’il sort de votre studieuse prison des morceaux littéraires que recherchent tous les gens de goût.
M. de Latouche, dans son édition de 1819, a fait des manuscrits tout l’usage qui était possible et désirable alors ; en choisissant, en élaguant avec goût, en étant sobre surtout de fragments et d’ébauches, il a agi dans l’intérêt du poète et comme dans son intention, il a servi sa gloire. […] Je veux qu’on imite les anciens, a-t-il écrit en tête d’un petit fragment du poème d’Oppien sur la Chasse 56 ; il ne fait pas autre chose ; il se reprend aux anciens de plus haut qu’on n’avait fait sous Racine et Boileau ; il y revient comme un jet d’eau à sa source, et par-delà le Louis XIV : sans trop s’en douter, et avec plus de goût, il tente de nouveau l’œuvre de Ronsard57. […] L’érudition, le goût d’un Boissonade, n’y seraient pas de trop, et de plus il y aurait besoin, pour animer et dorer la scholie, de tout ce jeune amour moderne que nous avons porté à André. […] Je crois néanmoins qu’il ne faudrait pas, en fait de variantes, remettre en question ce qui a été un parti pris avec goût.
Laprade connaissait Liszt : ces deux génies se convenaient par le goût du surnaturel. […] Les montagnes du Forez, cette Auvergne du Midi, berceau de son enfance, les scènes de la vie agricole, vrai cadre de toute poésie, les fenaisons, les moissons, les vendanges, les semailles, les mille impressions douces, fortes, tendres, tristes, rêveuses, qui montent au cœur de l’homme agreste dont le goût n’est pas encore blasé par la vie artificielle des cités, tous ces évangiles des saisons qui chantent Dieu par ses œuvres dans le firmament comme dans l’hysope, sont les textes de ces délicieuses compositions. […] XXIX Ces répugnances que nous éprouvons pour cette transformation de la lyre divine en fouet sanglant est peut-être un tort de notre goût personnel ; nous regrettons que des Virgiles et des Pindares daignent rivaliser avec des Juvénals et des Gilberts, qui ne sont pas dignes de toucher à leurs ailes, et qui rasent la terre au lieu de se perdre dans le firmament. […] » Ce sont là de ces vers vertueux qui retrempent les jeunes âmes dans le goût de l’honnête, de l’antique, du beau moral, sans leur donner le vertige des illusions, des perfectionnements indéfinis, qui sont du ciel, mais pas de cette terre, où tout est fini et borné.
« Commencé à lire les Saints Désirs de la mort, lecture de mon goût. […] « Lire, écrire, que faire dans ma chambre si bien disposée pour toutes choses de mon goût ? […] « Avec un peu plus de goût pour écrire j’aurais pu laisser ici un long mémorandum de mon séjour à Saint-Martin, si beau, si grand dans son parc et ses belles eaux. […] Elle n’en a pas seulement la vue, elle en a l’intelligence et le goût, elle en fait partie, elle en est le centre.
Le roman est bourré de digressions, de dissertations, où l’auteur s’étale sur tous les sujets qui l’intéressent autour et à propos de son sujet : cette composition est caractéristique du goût romantique : et par là, comme par tant d’autres aspects de son génie, V. […] D’abord clerc de notaire, c’est là qu’il prend l’idée et le goût de ces plaisanteries odieuses qu’il a si prolixement étalées dans ses romans ; puis il s’associe avec un imprimeur. […] Même où il excelle, il en met trop, sans goût et sans mesure. […] La préoccupation principale de Stendhal, dans son œuvre littéraire, se rattache à ce goût de l’action et de la volonté.
D’un autre côté, l’intelligence du passé et le goût de l’exotique ont engendré une longue et magnifique lignée de poèmes où revivent l’art, la pensée et la figure des temps disparus. […] On se demande si le goût du pittoresque à outrance suffit à l’expliquer. […] Le goût de l’action se réveille sous un ciel moins accablant qui permet la lutte, et le sens de la beauté vit et se développe dans une nature aux contours harmonieux et modérés, dans une lumière qui réjouit et n’aveugle point. […] C’est un goût naturel qui tous deux nous emporte Vers l’accomplissement de notre double vœu.
En littérature, il avait le goût, si j’ose dire, un peu « pompier » Il n’était pas proprement cruel ; j’entends qu’il n’a fait tuer presque personne en dehors des champs de bataille. […] Son goût pour ce genre d’étude l’obsède ; pour lui, la Révolution française n’est que la « métamorphose d’un insecte ». […] Cela signifie proprement qu’il nous est fort difficile d’en imaginer une plus belle que la flore terrestre Faustus et sa compagne connaissent d’abord les jouissances du goût et de l’odorat. […] Sully-Prudhomme, trop fidèle à ses habitudes d’analyse, procède méthodiquement, divise ce qu’il faudrait ramasser, étudie successivement les sensations du goût, de l’odorat, de la vue, de l’ouïe et du toucher Puis, cette description du bonheur de tous les sens à la fois, il fallait qu’elle fût ardente, caressante, enveloppante, voluptueuse ; qu’il y eût de la flamme, et aussi de la langueur, de la mollesse et quelquefois de l’indéterminé dans les mots Or, M.
On s’attendrait à trouver, parmi tant d’idées heureuses, quelques principes de goût sur la manière dont l’imitation pouvait enrichir, et, selon l’expression de Du Bellay, amplifier notre langue. […] En sorte que nous imiterions de ces auteurs les seules choses qui ne conviennent pas au goût de notre pays. […] Ce qui est propre à Ronsard dans ses odes, est le plus souvent soit dans le goût des « malheureux » poëtes qu’il traitait de « pourceaux souillant le clair des ruisseaux », soit imité du pétrarchisme, auquel il payait tribut tout en protestant. […] Ses vers si fort admirés, et ses préceptes si obéis, attirèrent les esprits à ces études fécondes où nous devions prendre le goût d’ouvrages plus parfaits que les siens ; cet enthousiasme, même mal exprimé, pour ce qui a fait depuis lors le fond de notre éducation intellectuelle, a de la vie.
Il ne ménageait pas leurs susceptibilités et ne flattait point leurs goûts. […] Mis en goût d’invention par ces publications de documents, ou peut-être poussé par son frère, Edmond de Goncourt s’adonna au roman moderne. […] Tout son lyrisme en effet est plaqué sans goût, d’une façon artificielle, dans les passages où justement la scène demande à être simplement décrite. […] La pensée de Nietzsche n’est donc pas originale, et sa forme n’est pas toujours du meilleur goût.
Si par « Wagnérisme », au contraire, l’on entend désigner cette communauté de goûts et de sentiments qui rassemble une collectivité d’amateurs et de connaisseurs dans un même respect, sinon dans une égale admiration de ces œuvres, on peut affirmer que le Wagnérisme a droit de cité parmi nous, qu’il s’y est développé de bonne heure, qu’il y a son histoire. […] Dans l’intervalle, Bruxelles voyait se fonder une institution destinée à modifier insensiblement le goût du public et à le porter de préférence vers un ordre de compositions musicales de style élevé. […] Les théâtres royaux ont fait quelque chose pour empêcher l’abrutissement complet du goût, mais eux aussi sont forcés de faire recettes, et l’intendant doit non seulement plaire au public, mais souvent aussi à certaines coteries. […] Il dépense des millions tous les ans en achats de tableaux et de sculptures et en créations et dotations de musées, et toujours on nous ressasse les oreilles de l’influence sur le goût et sur la culture du peuple que ces choses doivent exercer ; il n’en est rien cependant, — « lorsque l’art allemand se releva de sa profonde décadence à la fin du siècle passé, il n’y avait point de musées ; aujourd’hui que chaque ville en possède, la peinture allemande tombe dans la plus absolue inanité… Pourquoi du reste l’état n’achète-t-il pas des romans, et ne commande-t-il pas des valses ?
Il est très probable que le Virgile que nous lisons ressemble à ce qu’aurait pu être Villon réduit au style et au goût de Malherbe, ou à ce qu’est devenu sous la plume des copistes du xve siècle le rude Joinville du xiiie . […] Mais l’homme spontané, peuple ou poète, a d’autres goûts que les grammairiens, et, en fait de langage, il use de tous les moyens pour atteindre à l’indispensable, à l’inconnu, à l’expression non encore proférée, au mot vierge. […] Mais son goût pur ne lui inspirait aucune répugnance pour phlébotomiser ! […] Si l’on n’admet pas, comme jadis, l’autorité absolue de l’usage, du bel usage, on n’a pour guide que son propre goût ; mais on aurait plus de chances de le faire prévaloir, à écrire en beau style quelques livres de forte littérature qu’à recueillir des anecdotes philologiques.
Les Montagnards d’alors n’envoyèrent pas à l’échafaud ce Girondin de la rhétorique, cet esprit de milieu, cet homme de goût (le dernier degré de l’injure… pour eux !) […] Il lui accorde ce qu’il a, des qualités de poésie extérieure, l’harmonie et surtout le nombre, mais, malgré le prestige d’Ancien que Pindare devait exercer sur le contempteur de Perrault, le critique du xviie siècle, dont le goût ferme est une lumière qui ne vacille jamais, ne voit pas dans Pindare le poète colossal que voit Villemain dans ce Grec évidé et sonore, dont se détourna si naturellement le génie de Racine, grec pourtant aussi par tant de côtés, mais qu’on ne prenait pas seulement avec des sons ! […] Ce livre, qui ose s’appeler La Tribune moderne, n’est l’histoire, en somme, que de quelques tribuns, triés sur le volet par le goût individuel de Villemain et ses préférences politiques. […] C’est toujours le style palement et froidement élégant de Villemain, ce style cultivé, travaillé, d’un goût sobre comme doit l’être l’indigence, ce style classique qui veut être pur comme la bégueule veut être vertueuse et qui souvent ne l’est pas plus qu’elle, ah !