Dans ce siècle, dont la langue ressemble à une charmille taillée de Versailles, je ne connais qu’un homme qui aurait pu traduire Hérodote, s’il l’avait voulu : c’est le traducteur d’Anacréon qui, d’un coup de sa baguette gauloise, a transfiguré, à ravir les Grecs s’ils avaient pu l’entendre, L’Amour mouillé, ce chef-d’œuvre, en ce double chef-d’œuvre : J’étais couché mollement, Et, contre mon ordinaire, Je dormais tranquillement, Quand un enfant s’en vint faire À ma porte quelque bruit : Il pleuvait fort cette nuit, etc., etc. […] Ce grand caractère religieux qu’a senti Saliat jusqu’à l’outrance, et qui plaisait dans Hérodote à Joseph de Maistre, ce caractère que n’aurait pas pu traduire Courier s’il avait continué sa traduction d’Hérodote, vibre au contraire dans toute sa portée en la traduction de Pierre Saliat, et ce n’est pas là une des moins fortes originalités de cette traduction, qui semblait perdue pour nous et que M.
I Dans la préface, d’un ton fort sérieux, qui précède le livre intitulé Laïs de Corinthe et Ninon de Lenclos 15, Debay nous apprend qu’il habitait la Grèce en 1828, et que de 1828 à 1834 il avait visité avec fruit toutes les ruines du Péloponèse. […] Ainsi Diane de Poitiers, qui fut aimée de deux générations, et avec une passion plus folle à la seconde qu’à la première ; ainsi madame de Maintenon, qui, sans jeunesse, inspira à Louis XIV blasé un amour durable, et fut plus forte dans ce cœur qui avait tout éprouvé que le spleen de la toute-puissance, sont des exemples éclatants de ce pouvoir étrange que les moralistes cherchent à expliquer, mais qui leur résiste et les étonne.
sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs. […] Marie-Thérèse, la femme forte et prudente, qui mettait Dieu au-dessus des États et les intérêts immortels au-dessus de tous les intérêts terrestres, n’aurait pas désiré, avec l’ardeur qu’elle y mit, le mariage de sa fille avec le Dauphin de France, si l’idée d’une grande chose chrétienne n’avait plané sur son dessein.
sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens, comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs ! […] Marie-Thérèse, la femme forte et prudente, qui mettait Dieu au-dessus des États, et les intérêts immortels au-dessus de tous les intérêts terrestres, n’aurait pas désiré, avec l’ardeur qu’elle y mit, le mariage de sa fille avec le Dauphin de France, si l’idée d’une grande chose chrétienne n’avait plané sur son dessein !
Au lieu de le garder dans quelque fort séminaire d’Italie, on l’envoya, à trente ans, comme secrétaire d’ambassade, en France, où les abbés comme lui se moquaient joliment de leurs abbayes ! […] Et l’Arlequin délicieux qu’il avait été dans ces salons enchantés de sa jeunesse fût redevenu plus fort en lui que le Machiavel qu’il voulait être, et le lui eût fait oublier !
Mais le couronner de moitié avec l’auteur d’un autre ouvrage franchement et ardemment protestant, et cela quand il y a à côté, dans le même concours, un livre de talent réel mais pénétré de l’esprit catholique, bien plus important dans une pareille question que le talent, c’est en vérité plus fâcheux que d’obéir simplement à des impressions personnelles, la plus vulgaire des appréciations ; car c’est révéler qu’on a cédé à des doctrines fortes ou faibles, enchaînées ou éparses dans des esprits plus éclairés que résolus ; c’est démentir, par le fait, la signification de son programme de 1849, et donner à croire à ceux-là qui ne tiennent pas les Académies pour des héroïnes intellectuelles, que ce qu’il y avait de courageux — d’implicitement courageux dans ce programme — n’était que la bravoure bientôt refroidie d’un poltron d’idées révolté ! […] Schmidt et Chastel sur cette question du paupérisme qui est la grande question des sociétés modernes, lesquelles tuent l’âme au profit du corps, et n’ayant osé accepter non plus la solution catholique du travail de Martin Doisy (la seule solution qui puisse exister jamais en Économie politique), l’Académie, avec cette grandeur de pressentiment, cette haute divination de critique qui entraîne vers les œuvres fortes, se tourna vers le livre de Mézières vanté par Villemain, et, y reconnaissant tout ce qu’elle aime en fait de tranquillité d’aperçu et de vues grandes comme la main, elle lui décerna la couronne.
Et cependant voici un écrivain impersonnel comme la Raison et comme la Science, que je lis comme si j’avais affaire à une forte ou à une ardente personnalité ! […] Il ne donne pas la raison psychique et physiologique qui explique la mysticité et tous ses effets dans les fortes organisations religieuses.
La forme en est sobre et très mâle, et d’une simplicité si forte que ce n’est qu’après coup et à la réflexion qu’on s’aperçoit de la puissance de cette simplicité. […] Et, comme il s’agissait de roi et de monarchie, l’auteur de la Reine Blanche, saint Louis et le comte de Chambord 44 a pris celui-là qui est roi par le droit héréditaire de sa naissance, et il s’est demandé s’il serait le roi de cette monarchie chrétienne qu’il faudrait ressusciter contre la révolution qui l’a tuée, et ressusciter assez forte pour ne pas permettre à cette révolution de la tuer une seconde fois.
Quand elle s’est servie de ce vague mot de société, c’est évidemment de nous qu’elle voulait parler, et Armand Hayem l’a bien compris ainsi, malgré les bouffées de métaphysique qui offusquent parfois son esprit, et qui embrouillent un livre qui pouvait être fort et rester sobrement et simplement un livre d’observation historique, sans mélange affaiblissant ou énervant d’aucune sorte. […] Il a l’inconséquence des croyances fatales, plus forte que l’esprit humain… Son livre, sous sa forme froide, didactique et réfléchie, est, en somme, un hymne en l’honneur de la science… future.
Le La Bruyère qui écrira cette page d’observation terrible n’est peut-être pas né, mais tous ceux qui sentent en eux la conscience forte et tressaillante de la société où ils vivent savent si l’histrionisme nous dévore, et peuvent se demander, en lisant des œuvres poétiques comme ce dernier volume, si la fin de notre monde littéraire doit avoir lieu dans un cabotinage universel. […] La rime à laquelle tiennent si fort tous les hommes pour qui la poésie consiste dans l’art d’échiquier de mouvoir et de ranger les mots, la rime touche ici presque à l’identité du son et donne à la phrase poétique des deux vers qui se suivent quelque chose de bicéphale et de monstrueux.
Dans tous les cas, c’est là un titre beaucoup trop fort en gueule et en éclats de rire pour le recueil de poésies de ce nouveau poète, d’un nom si beau, — M. […] Es-tu capable et fort, mais es-tu sans fortune ?
Tels sont les mérites, fort saillants à la première vue, de M. […] Il les pointillé sans les rapetisser ; cependant, malgré les infériorités du livre et de l’homme, nous ne craignons pas d’affirmer que Le Malheur d’Henriette Gérard est, tel que le voilà, le roman le plus fort et, qu’on me passe le mot, le mieux tricoté de tous les livres de ce genre qui aient paru depuis Madame Bovary.
Que le personnage ait été fabuleux ou vrai, il y avait donc fort anciennement des vers répandus sous son nom. […] Pausanias60, si studieux explorateur de la Grèce, au temps des Antonins, a décrit, sans exprimer de doute, le monument d’Arion, du moins fort ancien, s’il n’était vrai ; et, dans le siècle suivant, un polygraphe assez judicieux, Élien, citait une ode de ce poëte fabuleux sur la merveille de son sauvetage inespéré.
Sous cette forme et sans éclat, un sentiment d’une intensité singulière se fait comprendre et se fait aimer… Il y a beaucoup de vers, précis et forts venus du cœur, ingénus et francs, qui prennent l’âme et font jaillir la pitié, dans le livre touchant de M. de Gère.
A l’âge de 22 ans, il publia l’Histoire naturelle & politique du Royaume de Stam, qu’il composa à Siam même, où il avoit été conduit fort jeune par des Missionnaires de la Congrégation de S.
Elles eurent du succès dans leur nouveauté, parce qu’elles offroient des instructions assez bien présentées sur la Nation Angloise ; mais il a paru depuis une si grande quantité d’Ouvrages sur le même sujet, que ces Lettres sont aujourd’hui fort négligées.
Les belles gravures qui ornent son Recueil de Poésies n’ont pu le garantir du naufrage, fort commun à beaucoup de nos Ouvrages modernes, où l’on en trouve de plus belles : Nil pictis timidus novita puppibus fidit.
Je sais combien sont fortes les convictions spiritualistes de M.
Des vers, certes, et de forts beaux, qui sans être absolument libres, ne s’embarrassent pas d’un « art poétique » de congrégation.
Ceux qui écrivent sur l’Histoire de France, trouveront de grands secours dans ses Ouvrages ; ils contiennent des recherches curieuses qui remontent fort haut.
Il étoit fort bon Comédien, & Poëte comique du second ordre.
Pétrarque se réfugia au château fort de Capranica, chez le comte d’Anguillara, qui avait épousé une des filles d’Étienne Colonna. […] Étienne Colonna, sénateur de Rome, c’est-à-dire dictateur en l’absence des papes, vint le chercher avec une forte escorte de cavalerie, l’emmena à Rome, et le logea près de lui au Capitole. […] Un jour qu’il était sorti de Parme pour se dissiper à l’ordinaire, le goût de la promenade l’ayant entraîné, il passa la rivière de Lenza, qui est à trois lieues de la ville, et se trouva sur le territoire de Rheggio, dans une grande forêt qu’on nomme Silva piana quoiqu’elle soit sur une colline fort élevée, d’où l’on découvre les Alpes et toute la Gaule cisalpine. […] Une forte confédération de toutes ses petites puissances, reliées en faisceau par une grande puissance militaire extérieure, peut seule restaurer une ombre de l’antique Italie. […] Bientôt les princes sortis de prison étaient rentrés dans leurs villes fortes, avaient levé leurs vassaux et marché contre le tribun.
Le curé lui-même a dit que c’était trop fort à la fin ; qu’on devait faire la paix ! […] Je rentrai chez nous fort triste, et je dis à M. […] Tandis que je songeais à ces choses, la porte s’ouvrit, et un homme grand, fort, la tête déjà grise, entra. […] Comme la pluie était forte, elle finit par emplir le petit ruisseau. […] — C’est le canon de Phalsbourg, fît-elle en m’embrassant plus fort.
Peu à peu ce charme, devenu plus fort, les étonne, puis les inquiète, et à la fin les domine. […] Ici le Dorante n’est pas un valet ; mais s’il est quelque chose de plus, c’est de fort peu : il est l’intendant de celle qu’il ose aimer. […] Pour le Méchant, je veux bien accorder à Voltaire que Gresset, devenu dévot, s’est fort exagéré le crime de l’avoir écrit. […] Ce que nous sommes pour notre figure, à plus forte raison le sommes-nous pour notre caractère. […] On ne se fâche pas si fort pour ce qui ne vit pas ; on l’oublie.
La paix étoit fort avancée, lorsqu’elle manqua d’être rompue totalement. […] L’histoire des faits de Charlemagne & de Roland, faussement attribuée à l’archevêque Turpin, prouve encore que les romans sont fort anciens. […] Ils la préféroient au latin qui étoit la langue commune, & qu’on avoit fort corrompu. […] Tout ce qu’on peut imaginer de plus fort contre cette sorte d’ouvrage, l’orateur le dit avec son éloquence & son esprit ordinaire. […] Quelque libre qu’y soit la presse, il en fort beaucoup moins que parmi nous de romans licencieux.
VI En remontant toujours le cours de la même rivière, les rochers s’écartent un peu pour faire place aux ruines d’un vieux château fort où fut retenu longtemps prisonnier l’infortuné sultan Djem, frère du sultan Bajazet. […] Mes impressions étaient devenues si fortes qu’elles en étaient douloureuses. […] II L’aigle seul, assez fort pour lutter avec l’onde, Se précipite en bas du sommet du rocher ; Il se rit de ta peur, il te brave, il te sonde, Il remonte, il descend comme un hardi nocher. […] D’abord ils frappent l’écho des brillants éclats du plaisir : le désordre est dans ses chants ; il saute du grave à l’aigu, du doux au fort ; il fait des poses ; il est lent, il est vif : c’est un cœur que la joie enivre, un cœur qui palpite sous le poids de l’amour. […] Cette loi est fort étonnante, et cache peut-être un secret terrible.
Froissart aimait fort le printemps : son cœur volait partout où il y avait roses et violettes : mais l’hiver, il savait aussi s’accommoder de la saison, et, se tenant coi au logis, il lisait espécialement traités et romans d’amour. […] Le charmant poète Gray qui, dans sa solitude mélancolique de Cambridge, étudiait tant de choses avec originalité et avec goût, écrivait à un ami en 1760 : Froissart (quoique je n’y aie plongé que çà et là par endroits) est un de mes livres favoris : il me semble étrange que des gens qui achèteraient au poids de l’or une douzaine de portraits originaux de cette époque pour orner une galerie, ne jettent jamais les yeux sur tant de tableaux mouvants de la vie, des actions, des mœurs et des pensées de leurs ancêtres, peints sur place avec de simples mais fortes couleurs. […] On y voit le bon chanoine déjà vieux, la figure assez marquée de rides, le nez fort, le menton fin, l’œil vif, le sourcil avancé, mais la lèvre supérieure courte et la bouche entrouverte comme s’il écoutait surtout et s’il attendait ce qu’on va lui dire.
Pour donner une forte idée des plaisirs véritables dont jouissent les bienheureux, l’orateur se dit ainsi qu’à ses auditeurs : « Philosophons un peu avant toutes choses sur la nature des joies du monde. » Et il va tâcher de faire sentir par ce qui manque à nos joies ce qui doit entrer dans celles d’une condition meilleure : « Car c’est une erreur de croire qu’il faille indifféremment recevoir la joie de quelque côté qu’elle naisse, quelque main qui nous la présente. […] Et pourtant, peut-être, cette égalité solide, forte et continue de Bourdaloue, sans tant d’audace ni d’éclat, atteignait-elle plus sûrement la masse moyenne des auditeurs. […] Il tonnait un peu dans le vide en ces moments, ou plutôt dans un espace trop étroit : sa voix était trop forte pour le vaisseau.
Pour moi qui me suis occupé de d’Aubigné il y a vingt-sept ans pour la première fois quand je traversais le xvie siècle, je ne dirai aujourd’hui que ce qui me semble nécessaire pour présenter cette forte figure en son vrai jour, sans exagérer ni ses vertus, ni sa pureté, ni ses mérites, mais sans rien oublier non plus d’essentiel en ce qui le distingue. […] Il raisonnait fort et se raillait bien haut de ce qu’il appelait des superstitions, et il croyait aux songes, aux revenants, et quelque peu à la magie : il associait la guerre, la controverse, l’érudition, le bel esprit, la satire railleuse et cynique, une langue toujours prompte et effrénée, et à la fois la crainte d’un Dieu terrible et toujours présent, et aussi par instants la consolation d’un Dieu très doux. […] J’aime bien ces vins qui ont corps, et condamne ceux qui ne cherchent que le coulant à boire de l’eau. » Tout en se piquant, et avec raison, de n’être point coulant de style et d’être plutôt rude et fort de choses, d’Aubigné ne s’interdisait pas d’être recherché et alambiqué au besoin en certaines de ses productions poétiques.
Il y a plus, Bailly, président d’assemblée, ou administrateur et maire, trouve selon les circonstances une force d’action inaccoutumée et dont il s’étonne lui-même : « Au reste, je suis toujours fort quand il y a une loi », nous dit-il. […] de concussion et de vol horrible, parce qu’il avait de forts appointements qu’il dépensait et au-delà. […] Au milieu des pages fort mélangées que lui a consacrées son ami Mérard de Saint-Just, il en est une qui me paraît rendre avec réalité et sans complaisance sa figure, sa physionomie finale, et les qualités qui s’y dévoilaient peu à peu aux yeux de l’amitié : Grand et maigre, est-il dit, le visage long, des yeux petits et un peu couverts, la vue extrêmement basse, un nez d’une longueur presque démesurée, le teint assez brun, tout cet ensemble ne lui donnait pas une figure aimable : il l’avait sérieuse ; mais son air imposant, même un peu sévère, loin d’avoir rien d’austère ni de sombre, laissait paraître assez à découvert ce fonds de joie sage et durable qui est le fruit d’une raison épurée et d’une conscience tranquille.
» Un petit livret très spirituel, publié en 1696, qui donne l’histoire de ces troubles, nous le représente ainsi au plus fort de la crise : Il était dans des transes mortelles, écrivant à tous les jésuites de ses amis pour leur demander quartier ; il croyait voir partout le Santolius vindicatus imprimé ; et le moindre jésuite qu’il rencontrait, il l’abordait brusquement, et, le reconduisant d’un bout de Paris jusqu’au collège, il lui faisait ses doléances avec le ton, l’air et les gestes que ceux qui ont l’avantage de le connaître peuvent s’imaginer ; et criant à pleine tête, il récitait par cœur l’apologie qu’il venait de donner au public, appuyant surtout sur ces endroits qu’il répétait plusieurs fois : « Veri sanctissima custos, docta cohors, etc., etc. » (et autres passage en l’honneur de la Compagnie)… Enfin il fallait l’écouter bon gré, mal gré ; et fut-ce le frère cuisinier des jésuites, rien ne lui servait de n’entendre pas le latin : de sorte que le chemin n’était pas libre dans Paris à tout homme qui portait l’habit de jésuite. […] Il avait cherché à le rassurer dès ses premières démarches, en lui disant « qu’il avait lu sa justification avec plaisir, et qu’il était fort aise de recevoir de ses lettres, parce qu’elles étaient pleines d’esprit et réjouissantes ». […] Il est mort fort résigné, dans des sentiments également vifs, touchants et chrétiens, demandant publiquement pardon du scandale qu’il avait pu causer par sa conduite, peu conforme à son état.
Bernardin de Saint-Pierre s’ennuya fort à l’Île-de-France tant qu’il y vécut, mais revenu de là, et de loin, il ne considéra plus que la beauté des sites, la douceur et la paix des vallons ; il y plaça des êtres de son choix, il fit Paul et Virginie. […] Charles, toujours aveugle et toujours dévoué, essaye de tout pour la guérir et n’imagine rien de mieux que de lui faire changer d’air, et pour cela de quitter Tostes et la clientèle qui commençait à lui venir, pour aller se fixer dans un autre coin de la Normandie, dans l’arrondissement de Neufchâtel, en un fort bourg nommé Yonville-l’Abbaye. […] Rodolphe, un homme de trente-quatre ans, grossier mais frotté d’élégance, grand chasseur du sexe, et dont l’esprit est tourné de ce côté, s’est dit que Mme Bovary avait de bien beaux yeux et lui conviendrait fort.
Puis, peu à peu, sur cette première couche littéraire, réputée aujourd’hui superficielle, et qui était du moins délicate et légère, on viendrait ajouter graduellement des teintes plus fortes, plus marquées, des figures plus expressives ; on lirait cette suite de mémoires charmants qui faisaient autrefois partie de toute éducation d’homme et de femme comme il faut : Mme de Motteville, Mlle de Montpensier, le cardinal de Retz, Mme de La Fayette, Mme de Caylus, tout Mme de Sévigné : Saint-Simon, qui outre déjà, ne viendrait que le dernier après tous les autres. […] J’avais prévu cette soumission de son Altesse Royale, et je ne me suis hasardée de lui écrire que pour ne manquer à rien dans une affaire que j’ai si fort à cœur. […] Toute femme qu’elle est (notez-le bien), elle n’a pas de nerfs, de vapeurs, ni de ces nuages qui passent ; elle n’a pas cette imagination qui grossit les objets : sur un fond de santé forte, d’humeur heureuse et peut-être d’indifférence, il y a un esprit ferme, adroit et actif, de vives qualités disponibles, dressées de bonne heure à la grande vie, au train des cours, et qui cherchent leur aliment et leur plaisir dans le démêlé des intérêts, dans le maniement des ressorts, dans l’influence et la représentation continue.
Croit-on mettre la charité à couvert en ajoutant d’un air contenu : « Le secret de ses convictions intimes est resté entre Dieu et lui. » Non, c’était le cas de citer, si l’on voulait être complet, une autre lettre très explicite de Schlegel, qui ne saurait se séparer de la précédente, une lettre fort belle qu’il adressa plus de vingt-cinq ans après (le 13 août 1838) à la duchesse de Broglie qui ne cessait de le presser sur l’article de la foi, et dans laquelle il expose ses variations de sentiments, ses aspirations, sa crise morale et sa solution philosophique, ou, comme il le dit poétiquement, « ses erreurs d’Ulysse et son Ithaque ». […] Dans l’un des carrosses, les dames avaient eu peur ; on avait fait arrêter, et l’on était descendu au moment où les coups étaient le plus forts ; il y avait eu maint incident qu’on se racontait avec agitation. […] Il arrivait pourtant à Sismondi, dans le beau temps de Coppet, et quand la conversation, à certains jours, était des plus vivement engagées entre Jean de Muller, Benjamin Constant et Schlegel, d’être si fort émerveillé de tout ce qui se disait d’étonnant, qu’il en était comme abasourdi ; c’est Bonstetten qui nous l’apprend, et qui l’en raillait avec bien de la légèreté et de la grâce : « Le bon Sismondi est complètement abasourdi ; il m’avouait hier que tout lui semblait maintenant d’une crasse ignorance ; je dus le consoler.
Là surtout de nombreux et excellents travaux critiques, d’abondantes publications qui datent de quelques années seulement, ont fort éclairci la question et ne laissent guère aux critiques amateurs et divulgateurs, comme nous, que le soin de les bien reproduire et de les résumer, sauf à y mêler chemin faisant un jugement et une réflexion. […] Moland, à qui nous sommes heureux de rendre en ce moment toute justice pour les lumières qu’il a répandues à son tour sur ces questions littéraires du moyen âge, a donné une fort bonne analyse de ce drame et de toute la légende d’Adam, dont il a suivi les progrès ou altérations en ces siècles de crédulité active et d’invention sourde et continue67. […] » Alors tous deux comparaissent, non pas tout à fait droits et debout, mais, à cause de la honte de leur péché, tant soit peu courbés et fort tristes.
Il avait même fini par pousser si loin l’horreur de la prose, qu’il n’écrivait plus ses rares petits billets, toujours fort courts, à ses amis, qu’au crayon et dans un caractère à peine visible, de peur sans doute quelles lignes qu’il risquait ainsi ne vinssent à être lues un jour et à le compromettre. […] Il n’était pas de ces talents qui redoutent si fort la polygamie. […] C’est alors qu’il revint par Athènes, et qu’il y reçut une seconde sensation et impression aussi forte que celle qu’il avait éprouvée en Espagne : l’effet même, tel qu’il en juge aujourd’hui, lui paraît avoir été plus décisif et plus profond.
» parut un article de La Presse qui, comme le coup d’archet, donnait le ton et marquait la mesure au plus fort du tumulte. […] Ce nouvel état social, fût-il uniforme dans sa simplicité d’organisation, aurait donc, selon les lieux et les peuples, une physionomie autre et des destinées fort différentes ; il aurait, lui aussi, ses orages, ses luttes, ses accidents imprévus, peut-être ses catastrophes, résultat des passions et du peu de sagesse humaine. […] Il y a des mots qui sont vivants comme des hommes, redoutables comme des conquérants, absolus comme des despotes, impitoyables comme le bourreau ; enfin il y a des mots qui pullulent, qui, une fois prononcés, sont aussitôt dans toutes les bouches… « Il est d’autres mots qui, pris dans une mauvaise acception, énervent, glacent, paralysent les plus forts, les plus ardents, les plus utiles, les plus éminents, tous ceux enfin sur qui ils tombent, mots plus funestes au pays qui ne les repousse pas que la perte d’une bataille ou d’une province… 70» Je ne demande rien de plus, et, cela dit et réservé, je conçois, j’admets volontiers que dans un pays aguerri au feu des discussions, chez un peuple de bon sens solide, raisonneur, calculateur, entendant ses intérêts, d’oreille peu chatouilleuse, qui ne prend pas la mouche à tout propos, une grande part de ce qui n’est qu’imaginaire dans le danger d’une presse libre disparaisse et s’évanouisse ; que les inconvénients puissent même s’y contre-balancer de manière à laisser prévaloir grandement les avantages.
Dans la condition où l’Europe se trouvait alors, l’Angleterre et l’Autriche devaient finir par entraîner la Prusse et la Russie, ce qui mettait la France dans l’impérieuse nécessité d’être, à elle seule, plus forte que les quatre grandes monarchies ensemble, ou de subir leur loi. […] Fort d’un tel levier, il pèsera sur le reste du continent et le soumettra à sa suprématie. […] Je voudrais voir, par ses soins, la partie historique de 1800 jusqu’en 1808 et au-delà, doublée de quelques notes ou appendices où il serait fait usage de la Correspondance de Napoléon : l’œuvre en sortirait plus forte et comme cuirassée.
Sans avoir aucune autorité pareille, ne serait-il donc pas permis à ceux qui ne sont, qui ne veulent être que littérateurs et poètes, qui croient ainsi servir le monde à leur manière et y remplir leur humble rôle, qui s’y attachent d’autant plus que la vue des intrigues présentes leur donne plus fort la nausée ; à ceux qui écoutent avec bonheur la voix de M. de Lamartine s’élever un moment avec pureté du milieu des récriminations, et qui regrettent qu’elle n’y soit qu’une trêve, ne leur serait-il pas permis de lui demander qu’il leur laissât au moins la dignité de leur silence en politique ? […] Nous nous trompons fort, ou cette manière de traiter son talent, quand on est surtout grand par là, cette facilité de faire bon marché de sa renommée quand elle est si haute et si légitime, est peu propre à prévenir les hommes politiques spéciaux, parmi lesquels il aurait à prendre rang. […] On voudrait qu’il crût, qu’il parût croire davantage à l’avenir de sa poésie : il compte si fort sur l’avenir en toutes choses !
Les listes de Gratifications et pensions aux gens de lettres, qui figurent dans les Registres des comptes des bâtimens du roi, sont une lecture fort instructive : depuis 1664 jusqu’à sa mort, Chapelain guide les libéralités du roi et de son ministre. […] Je mets à part ce qui n’est dans sa bouche que saillie d’amour-propre, et hauteur des Rabutin : ainsi lorsqu’il menace de « couper le nez » au satirique, ou qu’au contraire il daigne le déclarer « un garçon d’esprit qu’il aime fort ». […] Les romantiques furent excusables de tirer dessus : quoique, peut-être, il eût mieux valu arracher aux Baour-Lormian et aux Viennet l’illusion qui les rendait forts, et tourner contre eux le maître et les modèles même dont ils se croyaient les défenseurs.
Mirabeau Le comte de Mirabeau627 sortait d’une forte et fière race. […] C’était un robuste Champenois, aux formes athlétiques, au masque vulgaire et puissant, sensuel, débraillé, actif, hardi, d’intelligence claire et forte : il n’était pas grand discoureur, et il passa pour ignorant parce qu’il ne citait pas l’antiquité, et ne faisait pas d’amplifications creuses. […] Biographie : Mirabeau (1749-1791) fut mis par son père chez l’abbé Choquard qui tenait une pension pour les enfants indisciplinés ; sous-lieutenant à Saintes, il est emprisonné à l’île de Ré par lettre de cachet pour dettes et intrigues amoureuses ; de là envoyé en Corse, puis marié en Provence (1772), interdit pour dettes, incarcéré an château d’If pour voies de fait sur un gentilhomme qui a insulté sa sœur et ne veut pas se battre ; d’If, on le transfère au fort de Joux, d’où il s’évade, et fuit avec Mme de Monnier.
J’aime d’admiration l’écrivain paradoxal et vigoureux, le métaphysicien qui prolonge parfois le dogme catholique en des profondeurs de vertige et de ténèbres ; mais on sent soudain une main rude et forte vous soutenir et, brusques éclairs qui traversent l’abîme, des images inattendues fulgurent devant vos yeux de la menace et de la clarté. […] Je me contenterai de demander à Marchenoir pourquoi, s’il a « ce qu’il mérite », il rugit si souvent et si fort contre l’injustice des contemporains à son égard. […] Pourtant, au plus fort de mon admiration, je m’inquiétais : « Ses études de psychologie tératologique semblent presque approuver ce qu’il condamne violemment dans ses satires.