Ce sont mille traits qui ne touchent pas le but, mille sens douteux, mille finesses sous lesquelles se cachent des niaiseries ; une habitude de tourner tout à l’ingénieux et à la pointe ; toutes sortes de manquements, calculés ou involontaires, à la première loi du langage, la propriété, et, toutefois, une fausse précision qui les dissimule. […] Pénétrant dans tous les détails de ce style, dans ses jointures les plus cachées dans ses fausses délicatesses, dans ses grâces spécieuses ; demandant compte à chaque mot de sa valeur, de son rapport avec l’idée qu’il exprimait, de sa place dans la phrase, il se rendait comme témoin du travail du poëte, et faisait voir dans la faiblesse de la conception les causes des imperfections de la langue. […] Que prétendait Malherbe par sa réforme, sinon faire voir aux poëtes de son temps que ce qui leur était imposé par le tour d’esprit d’alors, par l’imitation de l’Italie et par le faux savoir, ne valait pas ce que leur bon sens, cultivé par les lettres anciennes, et développé par l’expérience de la vie, leur inspirait, comme à leur insu, de pensées franches et naturelles ?
Il ne faudrait cependant pas que les conjectures des romanciers fissent fausse route. […] Le monde, dont les jugements sont rarement tout à fait faux, voit une sorte de ridicule à être vertueux quand on n’y est pas obligé par un devoir professionnel. […] Je l’avoue, dans la première partie de ma vie, je mentais assez souvent, non par intérêt, mais par bonté, par dédain, par la fausse idée qui me porte toujours à présenter les choses à chacun comme il peut les comprendre.
Ce défaut n’est pas aux chanteuses, mais le contraire ; les trois chanteuses ont d’admirables voix, mademoiselle Malten plus impressionnante, madame Sucher plus simple, mais les trois continuent à jouer suivant tout le faux des usages scéniques ; défaut sensible surtout chez madame Materna qui toujours semble jouer l’Africaine aq. […] Alors, ce drame : l’âme livrée primitivement à la mensongère tromperie de l’Apparence, et niant l’amour ; puis, cette heure (l’heure possible parmi les pâles existences banalement dévouées aux vies mauvaises, dans le croupissement des animalités, sous l’aveuglement de l’être faux), l’heure (suprême) où le rêve, vague emportement de la pensée, hors le monde habituel te prend, âme, et t’enveloppe de ténèbres majeures et te donne cette vision du Vrai, donc ce choix, — l’heure, extraordinaire, (l’heure du Breuvage) où l’âme songe tout à coup qu’il est une autre vie, qu’elle peut vivre, qu’elle vivra ; dès lors, la lutte ; et le bien heureux moment où, âme, libre tu t’en iras, âme libre, libre du monde faux, éclosant dans le plein ciel de ton monde authentique, ô joyeuse de ton libre amour !
Il ne faut pas négliger ici de parler des œuvres de quelques jeunes musiciens qui ont avec celles de Wagner un faux air de ressemblance, mais qui ont aussi contribué à convertir le public. […] Tout est factice et faux, et l’appareil théâtral suffit à rendre fausses les vérités les plus saisissables.
Observations zoologiques, anatomiques, physiologiques, pathologiques, voilà ce qu’il faut pour base ; et certes, Gall a amassé plus de faits de cette sorte qu’aucun de ses prédécesseurs ; il a montré la patience et l’habileté d’un investigateur, bien qu’il ait tiré de toute cette collection de matériaux des interprétations fausses et des conclusions non vérifiées. […] Mais cette hypothèse a dû être confrontée avec les faits et a été trouvée fausse. […] « Son célèbre éclectisme n’est qu’une fausse interprétation de l’histoire de la philosophie de Hégel, fortifiée de quelques arguments plausibles.
Il y a des cas de « fausse mémoire » où on se rappelle ce qui n’a pas eu lieu, où on croit reconnaître ce qu’en réalité on n’avait pas connu antérieurement : on projette alors dans le passé ce qui n’est que présent ; on prend pour un souvenir une impression actuelle, pour une répétition une nouveauté. […] « Je sentais que, déjà auparavant, étant couché ici, dans ce même lit, on était venu et on m’avait dit : Millier est mort. » Le cas de fausse mémoire le plus complet, selon Th. […] C’est l’inverse des cas de fausse mémoire, où l’unité normale des images est abolie au profit d’une duplicité anormale.
Et notez que mon jeune ami avait tout allié dans son devis, les convenances à l’économie, les nécessités de la position sociale de son père avec le mépris des fausses dépenses, et le convoi de seconde classe avec la messe de première. […] On charge de braise les chaufferettes traditionnelles et monumentales de la maison de Molière, et la répétition commence avec un sac de bonbons sur une fausse cheminée. […] E tutto… Et voilà ce que laisse Rachel : des diamants, des bijoux, de l’argenterie, des dentelles, des demi-reliures et du faux Sèvres.
De celui-là aussi vous nous rebattez singulièrement les oreilles, et je n’ai jamais compris, je vous l’avoue, comment vous pouvez admirer, si fort et en même temps, Molière et Marivaux, l’un si vrai et si net, l’autre si faux et si retors ; celui-ci qui rit franchement, celui-là qui ricane ; Molière qui va droit son chemin, Marivaux qui ne marche que dans les sentiers détournés ; Molière qui dit tout et même plus, Marivaux qui laisse tout entendre et quelque chose encore. […] « Les faux honnêtes gens sont ceux qui déguisent leurs défauts aux autres. Les vrais honnêtes gens sont ceux qui les connaissent parfaitement et les confessent. » Cette maxime de M. de La Rochefoucauld s’applique aux vrais et aux faux hommes de lettres.
« Chevalier (s’appelle-t-il lui-même) des temps écoulés, il défend ces gracieux et beaux portraits de marquises, chefs-d’œuvre de Boucher, de Lencret et de Greuze. » Mais une raison de cette maigreur, l’amour d’une fausse élégance dans les arts, pouvaient-ils voiler à un esprit qui eut longtemps le sentiment de l’histoire, cette autre corruption dans les mœurs, bien plus épouvantable, qui allait faire tomber à quelques années de là toute cette société pourrie sur la planche de l’échafaud et devant laquelle l’historien, l’historien politique, devait enfin se dégriser et se retrouver ? […] L’inconséquence entre les opinions qu’on a et la vie qu’on mène est bien plus commune que l’hypocrisie, ce vice des sociétés fortes, qui gêne comme un masque et suppose une volonté et un caractère inconnus aux sociétés faibles, lâchement et cyniquement sincères, mais cette inconséquence ne fausse pas la vérité des principes, parce qu’en pratique elle les viole, et tout au contraire, elle la proclame de plus haut ! […] Le fait qu’on nous impute est faux, mais il entre dans la donnée générale de notre caractère et de nos habitudes, et voilà pourquoi il est admis.
L’un des plus inattendus n’est-il pas de voir un philosophe qui ne s’était guère occupé que de psychologie et de métaphysique ; qui, s’il n’a pas eu d’idées en propre, un système construit à la façon de Hegel ou de Schelling, a du moins eu de belles parties de discussion, souvent de l’aperçu entre deux idées fausses et surtout un style, beaucoup trop admiré, il est vrai, car il n’est pas sincère, oublier, tout à coup, ce qu’il est et ce qu’il fut, abandonner la philosophie qui meurt plus par le fait de ses partisans que de ses adversaires, laisser là l’habituel sujet de ses méditations et se jeter obstinément dans les petits et obscurs détails de la biographie, et de quelle biographie encore ! […] Tous les rôles immondes et affreux qu’une femme peut jouer, dans un but faux de politique, elle les a joués et elle a échoué ! […] Par quelle magie donc, par quel ensorcellement une telle illusion — une telle confusion entre le vrai et le faux, entre le beau et le laid, a-t-elle pu s’établir dans une tête bien faite, dans un esprit judicieux que le temps aurait dû refroidir et la réflexion préserver ?
Eh bien, ce peintre si coupable que fut Michelet dans son livre de l’Amour, ce peintre qu’on avait la faiblesse d’aimer quand il aurait fallu la force de le maudire, c’est lui qu’on cherche presque en vain, dans son autre livre de la Femme, à travers ces idées connues, si fausses et si vides, qui, elles ! […] Au milieu de ces erreurs et même de ces folies, ornées et passementées d’un talent devenu plus rare et plus souvent interrompu, il y a cependant moins d’erreur complète et compacte, moins d’erreur radicale, d’une seule pièce, que dans ce livre de l’Amour, où tout est faux, intégralement faux jusqu’à l’axe, puisqu’en vue du seul plaisir physiologique on y change la destination hiérarchique de la femme et on y bouleverse l’organisme de la famille, fait de main divine.
Le gros public pourra s’y tromper : il y aura toujours ce quart de ton en dessus ou en dessous, qui sonnera faux pour les oreilles affinées. […] Dominique s’imagine lutter contre son amour, et il épuise la série des faux semblants de courage, qui ne sont que des occasions de se faire plaindre, et s’éveiller la pitié dans un cœur bien féminin, qui s’indignerait peut-être si on disait : « Aimez-moi », et qui répondra tendrement si on dit : « Plaignez-moi ». […] Un romancier vulgaire et un faux passionné le dirait.
Les temps du naturalisme sont venus ; une voix a été entendue annonçant que le règne des faux dieux était passé et que le grand Pan est mort. […] Le ridicule des déclamations retentissantes, des tirades à effet, des grands sentiments étalés à faux, nous le connaissons depuis longtemps, il n’est personne qui ne s’en moque aujourd’hui ; et si l’on veut chercher qui a tué le mauvais romantisme, ce n’est pas à nos novateurs littéraires qu’en revient l’honneur : c’est l’opérette qui a fait cette besogne salutaire. […] Elle a précédé tout système, et aucun système, si faux qu’il puisse être, n’arrive jamais à la gâter entièrement.
Il est ce que la raison peut comprendre, contrôler, construire, déclarer vrai ou faux dans une phrase donnée ou dans un système de phrases. […] Il me met en garde encore contre les fausses suggestions de la musique verbale. […] J’oppose non pas les vers à la prose — opposition qui me paraît techniquement fausse — mais uniquement la poésie au prosaïsme. […] Que je suis d’accord avec tous ceux qui créent ou sentent poétiquement lorsque la fausse raison ne les trompe pas ? […] On court le danger de trop dissocier, et à faux, les éléments de l’élaboration poétique.
— La traduction d’Antigone a paru en petit volume, dédiée au roi de Prusse et avec une préface emphatique et fausse.
Des hommes froids, qui veulent se donner l’apparence de la passion, parlent du charme de la douleur, des plaisirs qu’on peut trouver dans la peine, et le seul joli mot de cette langue, aussi fausse que recherchée, c’est celui de cette femme qui, regrettant sa jeunesse, disait : c’était le bon temps, j’étais bien malheureuse.
La comparaison qu’on fait souvent de l’œuvre littéraire à un édifice est fausse, et bonne pour encourager la pire rhétorique.
Un homme sage qui lira les Libelles enfantés par ses défenseurs, verra toujours la personnalité substituée à la raison directe, l’injure mise à la place de la justification, un faux air de dédain opposé à la honte & au ridicule dont on les couvre, &c. »
Helvétius, en passant rapidement sur l’abus de ses talens, en plaignant ses illusions, en rendant justice aux bonnes qualités que je lui avois reconnues, & en m’indignant, par intérêt pour lui, contre une fausse Philosophie qui fut toujours l’ennemie de sa réputation & de son repos.
L’écueil du vrai, c’est le petit, l’écueil du grand, c’est le faux.
Si son Pluton et sa Proserpine sont mesquins, n’ont rien de majestueux et de redoutable ; si son Euridice est niaise ; si ses juges infernaux ont un faux air d’apôtres ; si son Orphée est plus froid qu’un ménétrier de village qui suit une noce pour un écu ; si ses Parques sont tournées à la française, il faut le lui pardonner ; le sujet était trop fort pour son âge.
On ne pourroit pas sentir la force des expressions d’un tableau, si le coloris en étoit absolument faux et mauvais.
. — Une fausse accusation. — « Le travail ne prouve rien ». — Nécessité des ratures. — Un ironiste.
D’un autre côté, que madame de la Fayette fût de l’hôtel de Rambouillet et portât des jupons musqués de peau d’Espagne, la quintessence du goût dans une si délicate créature ne pouvait aller jusqu’au faux et au violent, et l’aurait, à ce qu’il nous semble, empêchée d’écrire l’épisode de la chemise, au madrigal sanglant, qui touche à l’impudeur, et qui est bien plus une idée du temps d’Henri IV qu’une idée du temps de Louis XIV.
Krantz ; mais c’est faux, c’est plus faux que ne le sont d’ordinaire les théories fausses en littérature, parce que d’ordinaire, en littérature, le plus faux est toujours mêlé de beaucoup de vrai, les choses des lettres étant toutes en nuances, tandis qu’avec Boileau on a affaire à un théoricien si prudent et si limpide que l’interprétation arbitraire choque d’abord, brutalement, et saute aux yeux ; il n’y a qu’à lire. […] Mais voyez où elle mène, et combien il faut qu’elle soit trop étroite pour qu’une conclusion si manifestement fausse s’ensuive tout droit. […] Je crois que c’est faux, mais qu’il faut faire comme si c’était vrai. […] Ajoutez que les « défauts » sont en général de fausses beautés. […] = Saturne avec sa faux. » — « Infini ?
Ysengrin ou le Loup, c’est la brutalité, la force violente, la gloutonnerie stupide, opposées à tout ce qu’il y a de faux, de fin et de perfide dans Renart. […] Mais la guérison du Loup obtient peu de créance, et Rooniax a beau témoigner, le miracle cette fois passe pour faux.
Mignet, qui a décrit en termes heureux le talent de l’homme, avait voulu traiter du philosophe un peu à fond et sans précautions fausses, il aurait insisté sur ces pages dont l’accent pénètre et doit trouver grâce auprès de tous. […] Cette comparaison, qui vise à l’applaudissement, est très fausse, et l’impression que laissaient les leçons de M.
Ce vaisseau, dont chaque partie et chaque agrès est un vice et une méchante pensée, est décrit d’une façon ingénieuse et pédantesque qui rentre déjà tout à fait dans le genre faux du xive siècle, et qui signale une véritable décadence dégoût en même temps qu’un raffinement très habile dans les idées. Un autre vaisseau, le vaisseau du bien, construit par le roi Noble, et offrant le symbole de toutes les vertus et qualités, tient la mer et lutte contre celui de Renart ; mais le traître regagne toujours ses avantages par la ruse ; il amène le roi à une fausse paix et signale par là son triomphe : le roi consent, pour s’en retourner chez lui, à monter sur le navire de Renart, et il s’y trouve mieux que dans le sien propre.
Les pièces de Marivaux qui sont restées au répertoire et qu’on joue encore quelquefois : Le Jeu de l’amour et du hasard, son chef-d’œuvre ; Le Legs, La Surprise de l’amour, Les Fausses Confidences, L’Épreuve et d’autres encore, se ressemblent plus ou moins ou ne diffèrent que par des nuances déliées. […] Et ici ce n’est point pour sa sincérité précisément que la marquise entend se choquer, notez-le bien : « Mais quand on a le goût faux, lui dit-elle, c’est une triste qualité que d’être sincère. » Ergaste, à son tour, à qui elle se met à dire des vérités, se fâche, et il se rejette vers Araminte, de même que la marquise revient à Dorante, qu’elle veut forcer aussi à lui dire ses défauts : Dorante, en ayant l’air d’obéir, choisit si bien les deux ou trois défauts qu’il lui reproche, que cela devient une flatterie nouvelle et des plus insinuantes.
Mais il était de très grand cœur, s’écrie Villehardouin qui le compare involontairement aux faux frères de sa connaissance parmi les croisés. […] [NdA] Combien il serait à désirer que M. de Wailly fît pour Villehardouin ce qu’il a fait pour Joinville, une traduction moderne exacte, qui nous tirât des à-peu-près et qui nous épargnât les petits faux sens !
J’ai souvent entendu dire, en parlant de M. de Meilhan, que ses écrits ne passaient point la médiocrité ; je m’inscris en faux contre cette opinion. […] Il semble se corriger ici de ce lieu commun d’un faux Sully, qu’il avait caressé dans le précédent ouvrage. — Il observe très bien que de son temps les conditions de la société se sont tellement mêlées et confondues, et avec un frottement si continuel, que ce qu’on appelle les gens du monde n’ont plus ni état ni âge, ni rien qui marque l’individualité de la personne : La vie intérieure et domestique, dit-il, n’a plus été le partage que des états obscurs et des gens sans fortune.
Il nous l’adoucit en quelques endroits d’une manière agréable, et qui n’est pas toujours fausse. […] Je touche à un défaut littéraire grave dans la manière de Vicq d’Azyr : son goût n’est pas toujours très sévère, ni très sain ; il sacrifie à la fausse sensibilité.
Et à la Cour, car pour faire tant que de se figurer avoir vécu sous Louis XIV, c’est à la Cour qu’il faut aller, — à ce Versailles donc que d’embarras pour un nouveau venu du xixe siècle, que d’ignorances et de faux pas à éviter, que de pièges ! […] [1re éd.] l’homme de cour qui se pique avant tout de l’être et qui se guinde à une fausse grandeur, est en grande partie celui de Dangeau.
Voilà le cercle des opinions humaines, non seulement des fausses, mais encore des véritables… C’est dans un discours Sur l’Apocalypse qu’Abauzit parlait et pensait ainsi. […] nous-même autrefois, en notre verte jeunesse, nous nous en sommes permis bien d’autres : Le premier qui se présente (entre les beaux esprits vivants) est leur poète célèbre, l’auteur des satires, qui balaye le Parnasse français et en chasse la foule des beaux esprits qui le sont à faux titre.
Biot s’en prend à quelques fausses vues qui ont été la source de fausses beautés dans les écrits de Bernardin de Saint-Pierre et de Chateaubriand.
Ce moyen, c’est, avec les États Généraux très réduits, se tenant de cinq en cinq ans, et la tenue chaque année d’États provinciaux particuliers, l’établissement de sept Conseils supérieurs remplaçant les secrétaires d’État et composés en grande partie de ducs et pairs ; l’abolition de la réforme militaire introduite par Louvois ; la remise en l’honneur et sur pied de l’ancienne et vraie noblesse, soigneusement distinguée de la bâtarde et de la fausse : enfin tout un gouvernement aristocratique, auquel la lecture de Saint-Simon nous a de longue main familiarisés sans nous y convertir. […] je leur dis honneur à tous et à chacun, et je ne laisse en dehors que les faux prometteurs à la Brienne et les charlatans.
Mais l’Éloge de Simart, le dernier de ceux qu’Halévy a eu à prononcer, est des meilleurs ; j’y noterais à peine un ou deux endroits pour le trop de mise en scène ou la fausse élégance de l’expression ; l’analyse des travaux de l’artiste y occupe une juste place, et toute cette partie est traitée avec bien du sérieux, et cependant avec animation et vie : « Simart, au reste, ne courait pas après la popularité ; il l’attendait, non comme l’homme de la fable attendait la Fortune, mais debout et laborieux. […] si l’on est d’un art particulier, tout en restant le confrère et l’ami des artistes, savoir s’élever cependant peu à peu jusqu’à devenir un juge ; si l’on a commencé, au contraire, par être un théoricien pur, un critique, un esthéticien, comme ils disent là-bas, de l’autre côté du Rhin, et si l’on n’est l’homme d’aucun art en particulier, arriver pourtant à comprendre tous les arts dont on est devenu l’organe, non-seulement dans leur lien et leur ensemble, mais de près, un à un, les toucher, les manier jusque dans leurs procédés et leurs moyens, les pratiquer même, en amateur du moins, tellement qu’on semble ensuite par l’intelligence et la sympathie un vrai confrère ; en un mot, conquérir l’autorité sur ses égaux, si l’on a commencé par être confrère et camarade ; ou bien justifier cette autorité, si l’on vient de loin, en montrant bientôt dans le juge un connaisseur initié et familier ; — tout en restant l’homme de la tradition et des grands principes posés dans les œuvres premières des maîtres immortels, tenir compte des changements de mœurs et d’habitudes sociales qui influent profondément sur les formes de l’art lui-même ; unir l’élévation et la souplesse ; avoir en soi la haute mesure et le type toujours présent du grand et du beau, sans prétendre l’immobiliser ; graduer la bienveillance dans l’éloge ; ne pas surfaire, ne jamais laisser indécise la portée vraie et la juste limite des talents ; ne pas seulement écouter et suivre son Académie, la devancer quelquefois (ceci est plus délicat, mais les artistes arrivés aux honneurs académiques et au sommet de leurs vœux, tout occupés qu’ils sont d’ailleurs, et penchés tout le long du jour sur leur toile ou autour de leur marbre, ont besoin parfois d’être avertis) ; être donc l’un des premiers à sentir venir l’air du dehors ; deviner l’innovation féconde, celle qui sera demain le fait avoué et’reconnu ; ne pas chercher à lui complaire avant le temps et avant l’épreuve, mais se bien garder, du haut du pupitre, de lui lancer annuellement l’anathème ; ne pas adorer l’antique jusqu’à repousser le moderne ; admettre ce dernier dans toutes ses variétés, si elles ont leur raison d’être et leur motif légitime ; se tenir dans un rapport continuel avec le vivant, qui monte, s’agite et se renouvelle sans cesse en regard des augustes, mais un peu froides images ; et sans faire fléchir le haut style ni abaisser les colonnes du temple, savoir reconnaître, goûter, nommer au besoin en public tout ce qui est dans le vestibule ou sur les degrés, les genres même et les hommes que l’Académie n’adoptera peut-être jamais pour siens, mais qu’elle n’a pas le droit d’ignorer et qu’elle peut même encourager utilement ou surveiller au dehors ; enfin, si l’on part invariablement des grands dieux, de Phidias et d’Apelle et de Beethoven, ne jamais s’arrêter et s’enchaîner à ce qui y ressemble le moins, qui est le faux noble et le convenu, et savoir atteindre, s’il le faut, sans croire descendre, jusqu’aux genres et aux talents les plus légers et les plus contemporains, pourvu qu’ils soient vrais et qu’un souffle sincère les anime.
Grenier est venu résolument s’inscrire en faux contre une telle superstition, comme il la qualifie ; et tandis que ses camarades et confrères de l’École d’Athènes, les Gandar, les Lévêque, à la suite d’Ampère et de presque tous les voyageurs, reconnaissaient la vérité d’Homère à chaque pas et la proclamaient avec louange, lui, esprit ferme, original, un peu humoriste, un peu sombre, destiné aux luttes de chaque jour avec la rude et poignante réalité, il disait non, et ne voyait dans la plupart des épithètes homériques que des banalités convenues, vagues ou fausses, et si générales qu’on n’en peut rien conclure.
Jeté à vingt ans, seul, sans appui et sans guide, dans la société la plus remuante, la plus passionnée et la plus corrompue de l’Europe, j’ai partagé ses égarements ; mes yeux se sont éblouis à ses fausses lumières, et mon cœur s’est laissé séduire à ses sophismes religieux. […] Il entra, dès lors, dans un ordre de considérations le plus antirévolutionnaire possible : il eut des théories et des perspectives sur l’avenir des nations catholiques ou protestantes, des vues historiques aussi vagues et aussi fausses peut-être qu’auparavant ; il prophétisa encore, et en sens inverse.
D’un autre côté, trop de soin a son danger et peut introduire dans le rhythme une sorte de mobilité, de turbulence fatigante, ou même des combinaisons fausses, de véritables contre-sens. […] Mais, en se tournant de bonne heure vers le théâtre, l’auteur des Vêpres siciliennes et des Comédiens s’est fait une route qui est bientôt devenue pour lui la principale, une carrière où, invité plutôt qu’entraîné par beaucoup des qualités et des habitudes littéraires de son esprit, il a su constamment les combiner, les diriger à bien sans jamais faire un faux pas ; où il a suivi d’assez près, bien qu’à distance convenable, les exigences variées du public, et n’a cessé de lui plaire, sans jamais forcer la mesure de la concession.
En étudiant le sens de l’Évangile, sans y joindre les fausses interprétations qui en ont été faites, on voit aisément que l’esprit général de ce livre, c’est la bienfaisance envers les malheureux. […] Sans doute, si les facultés développées dans ce genre de travail n’avaient point été depuis dirigées sur d’autres objets, il n’en fût résulté que du malheur pour le genre humain ; mais quand on voit, à la renaissance des lettres, la pensée prendre tout à coup un si grand essor, les sciences avancer en peu de temps d’une manière si étonnante, on est conduit à croire que, même en faisant fausse route, l’esprit acquérait des forces qui ont hâté ses pas dans la véritable carrière de la raison et de la philosophie.
Quoi qu’elle fasse, on ne se départ jamais avec elle de la politesse la plus insultante, et l’exagération même des respects faux qu’on lui prodigue est une ironie par laquelle on achève de lui montrer son détachement On va plus loin, et, dans les âmes foncièrement sèches, la galanterie tourne à la méchanceté. […] L’idylle étant à la mode, nul n’ose y contredire ; toute autre supposition est fausse parce qu’elle serait pénible, et, les salons ayant décidé que tout ira bien, tout ira bien. — Jamais aveuglement ne fut plus complet et plus volontaire.