Jamais grossier, il saura faire entendre tout ce qu’on ne doit pas dire. […] Quelques exemples feront comprendre ce que Stendhal entend par l’énergie. […] Ils entendent, sans en être secoués, des cris qui n’ont plus rien d’humain. […] C’est bien ainsi que l’auteur l’a entendu. […] Elle ne verra, n’entendra, ne ’saura que lui.
La conscience qui les réprouve ne peut pas faire entendre sa voix sans réveiller le cœur qui les regrette. […] On ne voit, on n’entend que vous. […] Il ne croit être entendu que s’il vous assourdit, ni vous remuer qu’en vous bousculant. […] Thiers, le type du libéral, entendait la liberté d’autrui. […] Ce que j’entendais n’était, à vrai dire, qu’une apologie.
Français de France, vous avez le rire clair de la race. « Violoncelles, fifres, mandolines », tels sont les titres des trois parties de votre ouvrage ; et j’ai fort bien entendu, en effet, votre viola di gamba gémir sa mélancolie et votre guitare bourdonner sous nos chansons d’amour. […] Quand les pelotons de votre strophe défilent en grande tenue de parade, je l’entends toujours le fifre aigu, là-bas, en tête du régiment : Le fifre siffle, siffle le fifre, comme vous dites dans une gentille onomatopée ; et voici que je me souviens aussi du curieux vers de Victor Hugo : Les dentelles de son que le fifre découpe.
Paul Margueritte Camille de Sainte-Croix ne nous laisse aucun doute sur la manière dont il entend son rôle, tout accidentel et fortuit, de polémiste. Ce n’est point pour lui une fonction, une de ces places de jurés-experts comme l’entendent messieurs les critiques ; il ne sent là qu’une occasion de dire, au hasard de l’actualité, ce qu’il voit « dans les faits journaliers de la vie des lettres de Paris ».
Et la nuit s’écoulait dans ces chastes délires, Et l’amour sous la table entrelaçait vos doigts, Et les passants surpris entendaient ces deux lyres, Dont l’une chante encore, et dont l’autre est sans voix… Et quand du dernier vin la coupe fut vidée, J’effeuillai dans mon verre un bouton de jasmin ; Puis je sentis mon cœur mordu par une idée, Et je sortis d’hier en redoutant demain ! ……………………………………………………………… ……………………………………………………………… ……………………………………………………………… ……………………………………………………………… Et maintenant je viens, convive sans couronne, Redemander ma place à la table de deuil ; Il est nuit, et j’entends sous les souffles d’automne Le stupide Océan hurler contre un écueil !
C’est celui-ci qui entend l’harmonie des couleurs et ses reflets. […] On n’entend rien à cette magie.
J’ai entendu quelquefois regretter les thèses qu’on soutenait jadis en grec : j’ai bien plus de regret qu’on ne les soutienne pas en français ; on serait obligé d’y parler raison, ou de se taire. […] Je suppose qu’on sache assez de mots d’une langue quelconque pour pouvoir entendre à peu près le sens de chaque phrase dans des livres qui soient écrits en cette langue, et dont la diction soit pure et la syntaxe facile ; je dis que sans le secours d’un dictionnaire, et en se contentant de lire et de relire assidûment les livres dont je parle, on apprendra le sens d’un grand nombre d’autres mots : car le sens de chaque phrase étant entendu à peu près comme je le suppose, on en conclura quel est du moins à peu près le sens des mots qu’on n’entend point dans chaque phrase. […] Il y a dans toutes les langues une infinité de morceaux très éloquents, qui ne prouvent et par conséquent ne persuadent rien, mais qui sont éloquents par cela seul qu’ils émeuvent puissamment celui qui les entend ou qui les lit. […] Disertus, chez les Latins, signifiait toujours, ou presque toujours, ce que nous entendons par éloquent, c’est-à-dire, celui qui possède dans un souverain degré le talent de la parole, et qui par ce talent sait frapper, émouvoir, attendrir, intéresser, persuader. […] La clarté, qui est la loi fondamentale du discours oratoire, et en général de quelque discours que ce soit, consiste non seulement à se faire entendre, mais à se faire entendre sans peine.
Qu’entendent-ils par système ? […] On chicane sur les mots parce qu’on ne s’entend pas sur les choses. […] C’est seulement de cette manière que j’entendrais répondre, s’il y avait lieu. […] Elle a entendu du bruit, pendant la nuit, dans la chambre de la jeune fille ! […] Victor Hugo, et qui est-ce qui le craint, au sens littéraire, bien entendu ?
Que l’observateur ne se laisse point éblouir, même par le génie ; qu’il cherche, tout en l’admirant, à en mesurer la hauteur et ne ferme pas les yeux sur ses défauts, il ne se peut rien de plus légitime et de plus digne d’un esprit indépendant et juste : mais qu’on ne voie entre les génies proprement dits et la médiocrité qui les entoure que du plus ou du moins sans démarcation aucune, sans un degré décisif à franchir, je ne saurais appeler cela que myopie et petite vue qui étudie le genre humain comme une mousse et qui n’entend rien aux esprits d’aigle. […] Marivaux, se mettant à écrire, ne se pique pas en général de faire un livre qui ressemble à d’autres livres ; il prétend n’observer que la nature, mais l’observer comme il l’entend, la distinguer autant qu’il lui est nécessaire, et la rendre dans toute la singularité de son propre coup d’œil. […] Et quand nous avons entendu ainsi Marivaux s’exprimer avec esprit et calcul, dans un style perlé et distillé, faire des mines charmantes et caresser chaque syllabe en y mettant une intention, n’allez pas lui dire, avec la plupart des critiques d’alors, qu’il n’écrit pas assez simplement, qu’il court après l’esprit, et autres reproches qui, au milieu des éloges, viennent tout d’abord à la pensée. À ces remarques qu’il entend à demi-mot et qu’il devine à l’autre bout du salon, même quand on les fait à voix basse (car il est là-dessus d’une susceptibilité exquise), il a des raisons de toutes sortes à opposer, des quantités de réponses à faire, et il les a faites en son temps. […] En sortant de l’église, Marianne, qui entend venir derrière elle un carrosse, se hâte, tombe et se foule le pied ; un jeune homme de qualité qui l’a fort remarquée à l’église, celui même à qui appartient le carrosse, se trouve là tout à point pour la secourir, pour la faire conduire chez lui à deux pas.
L’auteur véritable assistait dans un coin à la séance, et il put entendre dire à tout le monde que jamais Louvet n’avait si mal parlé. […] Quand je causais avec le parti républicain qui était victorieux, je l’entendais dire qu’il fallait couper la tête aux anarchistes et fusiller les émigrés, à peu près sans jugement. […] Ceux qui le connaissaient autrement que pour l’avoir entendu à la tribune ou parlant par la fenêtre, et qui le voyaient de près, le goûtaient pour son esprit infini, et le redoutaient même pour son ironie sarcastique. […] Voici une de ses phrases fameuses et du petit nombre de celles qu’on retient ; il parle, dans la préface de son livre sur la Religion, contre le principe moral de l’intérêt bien entendu : « Son effet naturel, dit-il, est de faire que chaque individu soit son propre centre. […] il en souffrit comme d’une humiliation et d’une injure personnelle ; on l’entendit sur son lit de mort, et dans le délire suprême de l’agonie, murmurer ces mots qui ressemblaient à un reproche et à une plainte : « Après douze ans d’une popularité justement acquise, justement méritée !
Il entendit pour la première fois prononcer le nom de Gœthe, et un volume de ses Poésies et Chansons lui tomba entre les mains. […] Il aima Gœthe dès lors et sentit un vague désir de se donner à lui ; mais il faut l’entendre lui-même : « Je vécus des semaines et des mois, dit-il, absorbé dans ses poésies. […] Puis je le revoyais, et je retrouvais un jour d’été avec tous ses sourires ; je croyais entendre dans les bois, dans les buissons, dans les haies, tous les oiseaux me saluer de leurs chants ; le ciel bleu était traversé par le cri du coucou, et dans la plaine en fleur bruissait l’eau du ruisseau. […] Il conserve sa manière de voir pure et droite, et il augmente tous les jours ses connaissances ; sa pénétration, l’étendue de sa vue s’agrandissent ; l’excitation qu’il me donne par la part qu’il prend à mes travaux me le rend inappréciable 49. » Et c’est ainsi que se complète autour du grand esprit de Weimar ce ministère général de l’intelligence dont il est le régulateur et le président ; ou, si l’on aime mieux, on y peut voir un petit système planétaire très bien monté, très bien entendu, dont il est le soleil. […] Nous avons à passer avec Gœthe la revue de presque tous nos auteurs en vogue dans les dix dernières années de la Restauration, à entendre sur eux son avis vrai et sans fard.
En littérature où je m’entends un peu mieux, je dirai peut-être un jour ce que j’en pense. […] Qu’entendez-vous par là ? […] Ici, je force ceux qui s’y entendent à s’expliquer, et ils me disent : « Non, il ne cherche son effet, ni dans le dessin, ni dans la couleur : en tout il est immédiat, il est fidèle et vrai, et il s’en contente. […] Avant-hier j’allai pour la première fois, en petit comité, chez Horace Vernet, et il fallut m’y faire entendre. […] Quelques instants après, il s’approcha tout à coup de moi, et me dit à l’oreille : « Il faut que nous fassions un échange, moi aussi je sais improviser. » Comme j’étais naturellement très-curieux de savoir ce qu’il entendait par là, il me répondit : « C’est mon secret. » Mais c’est un véritable enfant, et il ne sut pas garder son secret un quart d’heure.
Je ne parle pas de la France, car d’ici j’ai entendu ses applaudissements quand elle a connu mes succès de Nézib. ». […] On a besoin pour les admirer, dit-il, de songer aux difficultés qu’ont coûtées à construire ces énormes monuments et aux quarante siècles dont l’éloquence de Bonaparte les a couronnés ; mais « il y a derrière eux ce grand coquin de désert qui est autrement imposant. » Il ne se pique pas, depuis douze jours qu’il est arrivé, d’avoir une idée faite sur le pays ; son premier coup d’œil pourtant ne le trompe guère, et ce Méhémet-Ali tant vanté ne lui paraît que ce qu’il était en effet, un administrateur-exacteur mieux entendu, un pressureur de peuple plus habile : « Les gens qui en attendent des progrès comme civilisation se trompent lourdement. […] … » « D’El-Arich à Gaza, le pays change de figure ; le sable se couvre de petits buissons, puis on commence à rencontrer des pierres, puis des troupeaux ; enfin on entend un peu de bruit ; le silence est encore une chose qui fait une véritable impression ; on cherche pendant longtemps ce qui manque à la vie, et tout à coup… » Horace Vernet a, depuis, imprimé quelques-uns de ces passages dans une brochure sur les Costumes de l’Orient, il a ôté les familiarités et n’a laissé que le noble et le grave, ce qui allait à son but. […] Le plus beau point de vue du monde lui joue le mauvais tour de le laisser froid comme glace ; il faut l’entendre : « De la fenêtre de notre auberge à Péra, je vois toute cette grande villa ; j’ai beau me battre les flancs pour m’enthousiasmer ; impossible ! […] Et nous autres, critiques de profession, faisons les fiers et les entendus après cela !
Mais, ces avertissements donnés, ces précautions prises, et profitant à notre tour de cette audace qu’appuie la nécessité aussi, et de cette inspiration âpre et libre d’une vie de plus en plus dégagée, on est en position et en droit de dire le vrai comme on l’entend sur un ensemble dont l’impression n’est pas douteuse, dont le résultat révolte et crie de plus en plus. […] Rien de plus légitime assurément que des gens de lettres s’associant pour s’entendre sur leurs intérêts matériels et s’y éclairer. […] Mais je laisse là ces questions, qui appartiennent au plus subtil du Code de commerce ; je ne sais jusqu’à quel point la légalité s’en accommodera ; les tribunaux, mis en demeure de prononcer dans quelques cas, paraissent jusqu’ici peu y condescendre, et les vieux juges, ouvrant de grands yeux, n’y entendent rien du tout. […] Ne voit-on pas des journaux, coalisés sur ce point, s’entendre à merveille au milieu des injures qu’ils se lancent par d’autres endroits ? […] Je vous ferai une belle cedule A vous payer (sans usure s’entend) Quand on verra tout le monde content ; Ou si voulez, à payer ce sera Quand votre loz et renom cessera.
Jean-Jacques Ampère, qui les goûtait dès l’abord et les entendait avec cette native curiosité avide du savoir universel, se déclara toutefois d’une préférence irrésistible pour les lettres. […] Cette intelligence secrète et sentie que n’ont pas eue tant d’estimables historiens, pourtant réputés à bon droit critiques, ce don, cet art particulier dont la sobre magie se dissimule à chaque pas, qui ne convertit pas tout en or, mais qui rend à tout ce qu’il touche la qualité propre et la vraie valeur, tient de très-près à l’esprit poétique, modéré et corrigé comme je l’entends. […] Cette portion capitale de son enseignement n’est pas publiée encore ; mais nous qui l’avons entendu dans sa chaire, il nous est permis d’en juger. […] Mais prenons garde en même temps de méconnaître une qualité essentielle, la qualité même, j’entends le sobre et le fin. […] Ampère, dans une petite composition à part, non encore publiée, mais que plusieurs amis ont entendue, a essayé d’en recomposer une scène entière, un coin de tableau, au moment de l’incendie de Trèves par les Francs.
car, par le bruit, qui se fait, entendrait-on leur demi-mot ; et, s’ils élevaient la voix, les voudrait-on reconnaître ? […] Comme ils se seraient vite entendus dans un même culte, dans le sentiment de la forme chérie ! […] Notre intelligence est blessée ; il nous pardonnera, si nous lui donnons tout entier ce qui peut nous rester de sain. » Il comprenait la piété, le plus beau et le plus délié de tous les sentiments, comme on a vu qu’il entendait la poésie ; il y voyait des harmonies touchantes avec le dernier âge de la vie : « Il n’y a d’heureux par la vieillesse que le vieux prêtre et ceux qui lui ressemblent. » Il s’élevait et cheminait dans ce bonheur en avançant ; la vieillesse lui apparaissait comme purifiée du corps et voisine des Dieux. Il entendait plus distinctement cette voix de la Sagesse, qui, comme une voix céleste, n’est d’aucun sexe, cette voix, à lui familière, des Fénelon et des Platon. « La Sagesse, c’est le repos dans la lumière ! […] Il suffisait, nous disent ceux qui ont eu le bonheur de le connaître, d’avoir rencontré et entendu une fois M.
Les longues douleurs de sa captivité, le sentiment désespéré mais calme de sa situation, les larmes contenues mais murmurantes au fond des paroles, donnaient à sa voix un accent où l’on entendait ce bouillonnement des sentiments qui monte d’un cœur profond. […] Depuis le convoi de madame du Barry, on n’avait pas entendu de tels cris ni contemplé de telles convulsions dans l’agonie. […] Il s’éloigna des appartements d’où l’on pouvait les entendre. […] « Le 9 mai, au moment où les princesses, à demi déshabillées, priaient au pied de leur lit avant le sommeil, elles entendirent frapper à la porte de leurs chambres des coups si violents et si répétés, que la porte trembla sur ses gonds. […] ” Elle entendit son arrêt sans étonnement et sans douleur.
Assurément il s’entendait à manier les âmes, ce bon maréchal de Champagne et Romanie, qui savait que, là où échouent tous les arguments, quand il s’agit de persuader ce que le devoir, la conscience et parfois l’intérêt réprouvent, le mot magique qui perce les cœurs et l’ait tout faire, c’est l’honneur, l’honneur qu’on définit : « rester avec les autres, ne pas dépecer l’armée » : en langage moderne, ne pas lâcher les camarades. […] On ne se lassait pas d’entendre comme la bonne Vierge prenait soin de ses dévots. […] La commission ecclésiastique qui fit l’enquête avant la canonisation l’entendit pendant deux jours : et quand la reine Jeanne de Navarre, femme de Philippe IV, voulut connaître par un récit fidèle la vie du saint roi, elle s’adressa à son sénéchal de Champagne, qui rechercha dans sa mémoire d’octogénaire des souvenirs tout frais encore, bien que les plus anciens remontassent à plus de cinquante années65. […] Ce très honnête et délicat chevalier n’entend rien à la probité commerciale : c’est vertu de bourgeois. […] Après cinquante ans, il voit encore la toile peinte en bleu, qui revêtait le pavillon du soudan d’Égypte, la cotte vermeille à raies jaunes d’un garçon qui est venu en Syrie lui offrir ses services : quand il s’attendait à avoir la tête coupée, il entend la confession de son compagnon sans qu’il lui en reste un mot dans la mémoire, mais il voit le caleçon de toile écrue d’un Sarrasin, et ce caleçon toute sa vie lui restera devant les yeux.
Quand il me dit : l’éclipse a eu lieu à neuf heures, j’entends que neuf heures est l’heure déduite de l’indication brute de la pendule, par la série des corrections d’usage. […] S’il prédit un fait, il emploiera ce langage, et pour tous ceux qui sauront le parler et l’entendre, sa prédiction est exempte d’ambiguïté. […] Entendue ainsi, ma proposition est bien une loi, et cette loi pourra m’être utile, car si je rencontre un corps jouissant de ces propriétés, je pourrai prédire qu’il fondra à 44°. […] Les Français et les Allemands finiraient certainement par s’entendre, comme les Indiens d’Amérique ont fini par comprendre la langue de leurs vainqueurs après l’arrivée des Espagnols. […] On arriverait encore à s’entendre avec nos non-euclidiens hypothétiques, bien qu’ils ne soient plus des hommes, parce qu’ils conserveraient encore quelque chose d’humain.
J’entendais un jour, il y a quatre ou cinq ans, M. de Lamennais qui en disait : Cela me paraît plus beau que tout ce qu’il a fait jusqu’ici, mais il ne veut rien en publier. […] On a beau dire, le genre fait quelque chose, et une chanson n’est pas une épopée ; ce n’est pas même une ode (j’entends une ode comme celles de Pindare). […] J’entends encore ce dernier nous dire, en se frottant les mains avec malice : « Eh bien ! […] Il m’a reçu très bonnement, et a comme pris garde (j’ai cru m’en apercevoir) de ne me rien dire de ces malices qu’il aime à dire, et qui ne sont pas toujours agréables à entendre. […] Il m’a parlé en très peu de minutes de Chateaubriand, de Lamennais, pelotant à plaisir ces noms ; il m’a fait entendre qu’il était le conseiller de Lamennais.
Il avait des pensées grandes, élevées, sublimes, dignes de Vico sinon de Platon, dignes de la Grande-Grèce, et tout à coup ces pensées étaient déjouées par des lazzis, des calembours, par du bouffon, et du plus mauvais : « Mais voilà comme je suis, disait-il agréablement, deux hommes divers, pétris ensemble, et qui cependant ne tiennent pas tout à fait la place d’un seul. » Lu aujourd’hui, l’abbé Galiani perd beaucoup ; il fallait l’entendre. […] Je commence par vous dire que, si j’étais pape, je vous ferais mettre à l’Inquisition, et, si j’étais roi de France, à la Bastille ; mais, comme j’ai le bonheur de n’être ni l’un ni l’autre, je reviendrai dîner jeudi prochain, et vous m’entendrez comme j’ai eu la patience de vous entendre, et je vous réfuterai. […] Quand on l’entendait causer politique, on dit qu’il était aussi charmant que lumineux. […] J’entends à présent pourquoi les paysans meurent tranquillement et voient mourir les autres stupidement. […] On n’a jamais mieux parlé de la France, on ne l’a jamais mieux jugée que l’abbé Galiani ; il faut l’entendre expliquer pourquoi Paris est la « capitale de la curiosité » ; comme quoi « à Paris il n’y a que l’à-propos » ; comment nous parlons si bien des arts et de toute chose, en n’y réussissant souvent qu’à demi.
Le son d’une cloche, par exemple, est un détail introduit du dehors dans le paysage actuel de la conscience ; quand j’entendrai demain sonner la même cloche à la même heure, ce ne sera plus le même état général renfermant le même état particulier ; conséquemment, ce ne sera plus la même relation de la sensation sonore à l’état d’ensemble dont elle est partie, ni enfin la même sensation identique. […] Si j’entends la même symphonie de Beethoven, elle n’éveille pas en moi la même symphonie de sentiments. […] Si c’est là ce qu’on entend par sensation, on pourra en effet tout expliquer par la sensation ; mais si, comme on le doit, on réserve le nom de sensation pure à la modification passive de la cœnesthésie, premier moment du processus psychique, il deviendra impossible de ne pas tenir compte de la cœnesthésie entière qui est modifiée, du caractère agréable ou pénible de cette modification d’ensemble, enfin de la réaction immédiate qui en résulte aussi sûrement que, dans le monde physique, la réaction résulte de l’action. […] Dans les cas d’aphasie, dit aussi Bastian, nous voyons des personnes vouloir, mais ne pouvoir exécuter avec succès certains mouvements d’élocution, sous des impressions visuelles appropriées ; par exemple, elles voient un mot écrit et ne peuvent le prononcer ; en même temps, elles conservent la faculté de produire les mouvements et de prononcer le mot, lorsqu’elles entendent ce mot. […] Celle-ci est, comme on dit, la « détermination » de la volonté, mais il faut entendre par là, nous l’avons vu, que c’est la volonté spécifiée, déterminée en un sens à l’exclusion des autres, et déterminée sous la forme de telle idée, avec conscience de soi.
Le soir d’une de ses premières (on venait de baisser la toile) je l’ai entendu demander avec des clameurs furieuses par une salle en délire. […] … Ne dites à personne qui je suis… » ……………………………………………………………………… Depuis, le petit vieux et moi nous avons passé bien des soirées ensemble ; et je vous redirai peut-être un jour les révélations curieuses qu’il me faisait, quand nous allions, le jeudi, entendre la musique sur les Allées Neuves. […] Je ne vais plus entendre la musique sur les Allées Neuves. […] Hugo aime Notre-Dame, moins savamment bien entendu, mais aussi passionnément. […] À partir du jour où mai, le mois des roses et des grippes, a donné sa première feuille, jusqu’au jour où septembre donne son dernier soleil, vous entendez le chœur des courriéristes d’été entonner, — comme un seul journaliste, — le grand refrain de la saison : « Tout Paris est aux Eaux !
Tu en entendras de plus crues et de moins sensées. […] Voici de quelle façon je l’entends. […] Mes oreilles n’entendaient plus rien. […] » C’est une grande surprise pour nous d’entendre, chez un moderne et chez un indépendant, l’écho d’un sophisme aussi vieux que le catholicisme. […] Grabowsky entend par des « sens en repos », l’état de perpétuelle excitation qu’engendre l’abstinence, et par un « esprit libre », le cerveau que titille incessamment besoin sexuel !
La raison et la vie ont fait entendre en lui leurs voix impérieuses, et fait entrevoir le néant qu’il allait être, dans une terrifiante vision : « La sensation de ce néant, il l’eut. […] Le prêtre entend parvenir au sommet de la vie par une voie contraire, en se rejetant violemment hors de l’humanité, en annihilant toutes ses facultés, c’est-à-dire en s’affranchissant de ses essentielles bases naturelles. […] Par quels moyens le prêtre entend-t-il parvenir à son but ? […] La famille humaine devrait fêter le retour de l’enfant prodigue, et pour celui qui déserte loyalement l’autel de mensonge pour le lit d’amour, faire entendre des acclamations. […] Tout ce qui te sera enseigné là n’est que mensonges, entends bien… mensonges.
En les lisant, si courants et si vifs, on croirait souvent l’entendre. […] A part ce cri éloquent de pitié qu’elle fit entendre pour la reine, à part une épître en vers au Malheur, son talent observa un religieux silence : on entendait de loin, aussi sourds et pressés qu’un bruit de rames sur le lac, les coups réguliers de la machine sur l’échafaud. […] Leurs esprits du moins, à tous les deux, se convenaient toujours ; ils étaient sûrs de s’entendre par là. […] Tout d’un coup j’entendis deux voix ; la conversation était animée, secrète, et se rapprochait. […] et qu’avez-vous entendu ?
Vinet pour l’entendre, — une pauvre classe de collége, toute nue, avec de simples murs blanchis et des pupitres de bois. […] J’entendis là une leçon pénétrante, élevée, une éloquence de réflexion et de conscience. […] Il y a longtemps que je me réjouissais de vous lire ; avec quel intérêt ne vous entendrai-je pas sur une école que je connais trop peu, mais qui m’est si chère par le peu que j’en connais !
Sa morale est celle que nous savons ; il nous répète avec un charme nouveau ce qu’on nous a dit mille fois, nous fait repasser avec de douces larmes ce que nous avons senti, et l’on est tout surpris, en l’écoutant, de s’entendre soi-même chanter ou gémir par la voix sublime d’un poète. […] Entends pour eux les larmes de leurs frères, Prions pour eux, nous qu’ils ont tant aimé ! […] Ce sont de vastes paysages qui, suivant la remarque que j’en ai entendu faire, rappellent ceux du Poussin, moins sévères, moins serrés, mais avec quelque chose de plus ondoyant, avec plus d’air et de lumière.
Or, sans ces garanties et ces libertés pour lesquelles il nous faut encore combattre tous les jours, l’organisation industrielle la mieux entendue ne saurait ni s’établir ni porter ses fruits. […] Si, par ces deux Chambres, organes de deux intérêts divers, il entendait seulement : 1° une Chambre représentant plus particulièrement la propriété, l’âge, les grands services rendus au pays, l’illustration acquise, tout ce qui fait qu’on se rattache plus ou moins directement à la conservation ; 2° une Chambre active, énergique, renouvelée souvent, retrempée dans le peuple, sans aucun cens d’éligibilité, résultant de l’adjonction des capacités et d’un cens électoral très bas, que chaque progrès nouveau, apporté dans l’instruction et la moralité des masses, permettrait de baisser encore ; si M. Reynaud l’entend de la sorte, son vœu ne diffère pas notablement du nôtre ni de celui de nos confrères qui réclament, comme nous, les institutions dites républicaines.
En effet à moins que de connoître l’Espagne et les espagnols (connoissance qu’un poëte n’est pas en droit d’exiger du spectateur) on n’entend pas le fin de la plûpart des plaisanteries de ses pieces. […] Il ne suffit pas que l’auteur d’une comedie en place la scene au milieu du peuple qui la doit voir répresenter, il faut encore que son sujet soit à la portée de tout le monde, et que tout le monde puisse en concevoir sans peine, le noeud, le dénouëment et entendre la fin du dialogue des personnages. […] Nous avons vû échouer une comedie, parce qu’il falloit avoir plaidé long-tems pour l’entendre.
Les calomnies de ses rivaux nous attestent sa gloire, car l’envie ne tourmente point ce qui est obscur ; nous savons qu’on venait l’entendre de tous les pays, et il compta parmi ses auditeurs, des généraux et des rois. […] « Accoutumons, dit-il, les hommes et l’envie à entendre louer ceux qui l’ont mérité, et pardonnons aux grands hommes d’avoir été nos contemporains. » Le quatrième éloge, et en même temps le plus fameux discours d’Isocrate, est celui qui est intitulé le Panégyrique. […] Il en est d’un peuple qui entend parfaitement une langue, et de l’orateur qui lui parle, comme de deux amis qui ont passé leur vie ensemble, et qui conversent ; les lieux, les temps, les souvenirs attachent pour eux, à chaque mot, une foule d’idées dont une seule est exprimée, et dont les autres se développent rapidement dans l’âme sensible.
Aujourd’hui même nous entendons nos paysans dire d’un malade, il mange encore, pour il vit encore. […] Les poètes appellent cette partie præcordia ; ils attachent au foie de Titan chacun des animaux remarquables par quelque passion ; c’était entendre d’une manière confuse, que la concupiscence est la mère de toutes les passions, et que les passions sont dans nos humeurs. […] Les mots par lesquels ils exprimèrent l’action des sens le prouvent assez : ils disaient pour entendre, audire, comme on dirait haurire, puiser, parce que les oreilles semblent boire l’air, renvoyé par les corps qu’il frappe.
je ne dors pas, je vous entends à merveille, allez toujours ! […] Pourquoi n’entends-je plus leur voix ? […] C’était là une bonne idée qui, bien entendu, n’a pas eu de succès. […] À les entendre, tout l’avenir de la démocratie serait là. […] Il ne s’agit que de s’entendre sur la valeur des signes.
Et, en ce qui est de Du Bellay en particulier, dans ce Recueil de l’Olive, on y sent parfois, on y entend à l’avance comme un son et un accent précurseur de cette haute et pure poésie qui ne s’est pleinement révélée que si tard dans les Méditations ; on y ressaisit un écho distinct et non douteux, qui va de Pétrarque à Lamartine. […] Mais Du Bellay n’est point de cette famille épicurienne de poètes : il n’entend rien au lucre, et il a conscience que la Muse se mésallie à ce commerce. […] Il désapprend, dit-il, à parler français, et cela le mène à composer des vers latins (lui qui en a tant médit) : il fait comme Marc-Antoine Muret et comme les beaux esprits de son temps devenus citoyens romains : il faut bien parler à Rome le langage qu’on entend le mieux à Rome ! […] Jacques Amiot, qui avait un français d’un coloris si vif et qui avait mis du rouge à Plutarque (entendez-le à bonne fin), semblait en effet avoir emprunté son nom au mot grec qui signifie vermillon, ἄμμιον. […] Ce désastre avec le parlement de Madame qui, à ce que j’entends, est pour s’en aller bientôt ès pays de Monseigneur le duc son mari, m’a tellement étonné et fait perdre le cœur que je suis délibéré de jamais plus ne retenter la fortune de la Cour, m’ayant nescio quo fato été jusques ici toujours si marâtre et cruelle, mais abdere me in secessum aliquem, avec cette brave devise pour toute consolation : Spes et fortuna, valete.
Boileau, naturaliste sincère, ne l’entend pas ainsi. […] On entend Boileau parler sans cesse d’« élégance » et de « noblesse ». […] Il faut convenir que le xviie siècle n’entendait pas comme nous le naturel et la simplicité. […] Boileau a donc absolument raison quand il dit — et ce qu’il dit n’a pas d’autre sens — que le Grec qui entendait comparer Ajax à un âne, n’était pas affecté de la même façon qu’un courtisan français qui lit en sa langue une traduction du même passage. […] Voilà tout ce que Boileau veut dire ; quand il parle de la noblesse des mots grecs, il entend tout bonnement qu’Homère n’est pas trivial, relativement aux mœurs de son pays, quand l’interprétation littérale le fait tel, relativement aux nôtres : ce qui est absolument juste.
* * * On entend d’ici les gens « pratiques » murmurer : « Mon Dieu ! […] À n’entendre ou à ne lire que des discours politiques, on doit vite se désintéresser de la pureté de la langue française et ne plus voir dans les agitations exclusivement littéraires que « des racines politiques ». […] J’ai entendu un lettré distingué de notre Sorbonne invoquer cet argument contre l’étude du latin qu’il fallait, à son avis, détruire le prestige d’une langue qui est celle de l’Église romaine ! […] Bien écrire a toujours paru subversif et il a toujours été entendu que l’on pensait mal quand on s’exprimait avec quelque soin. […] Tous les jours on entend dans les salons des phrases de cette qualité : « J’aime à ce que vous veniez me voir. — Je pars à Nice. — Madame X. a une jolie dentition. — La rue de la Paix est très passagère », etc., etc.
Mais à quelle époque voit-on commencer l’art, et, dans la langue des lettres, que faut-il entendre par l’art ? […] Elle n’est, dans la main de l’écrivain, qu’un instrument pour communiquer des idées qui touchent tout le monde, et non une forme complaisante qui l’aide à jouir solitairement de son esprit, à s’entendre lui-même à demi-mot. […] Pourvu qu’on s’entende dans le moment présent et même à demi, n’est-ce pas assez ? […] J’entends dire que ce qu’on y appelle la pénombre, c’est-à-dire la demi-nuit, y est plus goûtée que la clarté ; car, avec la clarté, le plaisir passe vite la pénombre le fait durer plus longtemps, en le rendant plus difficile. […] On aurait d’ailleurs mauvaise grâce, à chicaner les étrangers sur la manière dont ils entendent les nobles jouissances de l’esprit.
Entendue dans son sens étymologique, elle ne comprendrait que la grammaire, l’exégèse et la critique des textes ; les travaux d’érudition, d’archéologie, de critique esthétique en seraient distraits. […] Comte n’entend rien aux sciences de l’humanité, parce qu’il n’est pas philologue. […] Ainsi l’entendait l’antiquité. […] avec quel bonheur je t’entendrais, si la mort n’avait fermé l’une de mes oreilles (Barlaam) et si l’éloignement ne rendait l’autre impuissante (Sergius) ! […] C’est ainsi que les arabisants européens croient sans témérité mieux entendre certains passages du Coran que les Arabes.
Entendue dans le sens de métaphysique, la philosophie est complètement vaine ; parce qu’elle cherche les noumènes qui seront toujours hors de sa portée. […] Nous entendons le tonnerre : notre sensation n’est pas une copie du phénomène ; elle exprime simplement un effet produit en nous par une certaine vibration de l’air. […] « Quand Berkeley niait l’existence de la matière, il entendait par matière ce substratum inconnu, que Locke déclarait être une inférence nécessaire de notre connaissance des qualités, mais dont la nature doit nous rester toujours cachée. […] Nous voyons les objets simples avec nos deux yeux ; mais nous entendons aussi les sons simples avec deux oreilles ; nos deux narines nous donnent une odeur simple ; nos cinq doigts nous donnent les objets simples. […] Si deux sons identiques se succèdent à un intervalle appréciable, on entendra deux sons ; si l’intervalle est inappréciable, aucune distinction ne sera sentie : on n’entendra qu’un son.
Il ajoute avec un tact délicat : « Que le salon Charpentier aura peut-être la fortune — chose regardée comme impossible en France — de réunir et de mettre en contact des gens d’opinion différente, qui s’estiment et s’apprécient, chacun, bien entendu, gardant son opinion. » Et il parle de l’Angleterre, où le soir, dans le même cercle, les antagonistes les plus violents se donnent la main. […] Il se promenait, quelques instants, devant les murs de bois, au travers desquels passaient des bruits de paroles qu’il n’entendait pas, mais qui mordaient sa curiosité. […] J’entends sonner, sonner plusieurs fois, je ne me lève pas. […] Mais à la mort du peintre, ne voilà-t-il pas que le marchand de vin apprend le gros prix de ses peintures, et depuis ce jour, le ménage qui a de quoi vivre cependant, mène une existence désespérée, répétant à tous ceux qui veulent les entendre : « Pourquoi qu’il n’a pas dit qu’un portrait de lui, se vendait 100 000 francs ? […] À la représentation d’Hernani — il l’avoue — il est obstinément resté à sa place, de peur de tomber dans un compliment qui ne fût pas celui qu’il désirait, et ses oreilles prises d’une acuité douloureuse, entendaient ou croyaient entendre tout ce qu’on disait de lui et de son roman, et il passe la soirée à combattre, presque avec de l’effroi et un peu d’humeur, le désir qu’a sa femme d’aller avec Mme Charpentier, entendre une conférence de Sarcey, sur le livre du jour.
L’entendez-vous, dans son langage devenu lyrique, invoquer une croisade, en appelant à son aide la puissance de l’empereur d’Allemagne et le zèle des évêques de France ? […] Le disciple qui a entendu la douceur de ta voix, quel son ne lui semblera pas disgracieux et sourd ? […] Mais, dans ces débris mêmes, le temps étale aux yeux de formidables spectacles ; et, devant ces images confuses, l’âme a entendu des cris de douleur. […] Ils racontent que dans la nuit on entend une voix lamentable s’écrier entre des pleurs : Italica n’est plus ! […] Sans doute, on n’entendait pas désigner seulement quelques sonnets pleins de ferveur, inspirés aux pieds de la croix : c’étaient l’extase contemplative et la charité passionnée de la sainte qu’on voulait exprimer par ce mot de poésie.
Mais on s’est tant de fois entendu recommander d’être naturel, vanter le charme de l’abandon, qu’on a peur de se guinder en s’efforçant. […] On arrête les battements de son cœur, pour mieux l’écouter, et on s’étonne de ne pas l’entendre.