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1071. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XX. M. de Montalembert »

Saint Grégoire VII et saint Bernard sont deux grands et difficiles sujets qui demandent plus, pour les traiter dignement, que de l’art oratoire, et MM. 

1072. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

L’hagiographie, cette peinture byzantine littéraire, avec son inspiration macérée, avec ses nimbes mystérieux et rayonnants, ne touche guères que les cœurs qui les voient, ces nimbes, sans qu’on ait besoin de les leur montrer, et c’est pourquoi l’abbé Maynard a mieux aimé faire de l’histoire, — de la vaste et forte peinture d’histoire, — avec tout le ragoût de critique et de renseignement qu’une civilisation très avancée et très difficile exige maintenant de l’historien.

1073. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Ernest Hello »

III À son originalité dans la conception de son livre qui tient à ses idées premières, aux assises mêmes de son esprit, et qu’il met audacieusement, pour la première fois, sous cette forme difficile du conte, pour les faire mieux briller sous cette forme vivante, comme on retourne et l’on fait jouer un diamant à la lumière du jour pour l’épuiser de tous ses feux, Ernest Hello ajoute aujourd’hui une originalité qui n’est plus celle de ses idées, mais de leur expression et de la vie spéciale qu’il sait leur donner, et il obtient ce résultat superbe que l’exécution de l’artiste vaut la conception du penseur !

1074. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice de Guérin »

Ce ne sont pas les grands artistes par la délicatesse et par la beauté pure de l’idéal, bien plus difficile à comprendre… Assurément cet idéal, que Guérin souffrait tant de ne pouvoir saisir comme il le voyait, pour l’emprisonner dans la forme vive et diaphane d’une langue digne de le contenir, cet idéal rayonne, comme un ciel lointain, à travers les paysages qu’il nous a peints ; mais il n’y rayonne que pour ceux qui savent l’y voir ; tandis que pour le plus grand nombre, que la réalité visible attire, ce qui constituera le grand mérite de ces paysages, c’est leur vie, c’est la vérité d’impression  de ces aperçus, transposés de la vision plastique dans la vision littéraire… et qui nous effacent presque du coup les paysagistes les plus vantés : Bernardin de Saint-Pierre, Chateaubriand, madame Sand, dont la seule qualité qui n’ait pas bougé dans des œuvres déjà passées est d’être une paysagiste !

1075. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Cette école en plastique, et, qu’on me passe le jeu de mots, quelquefois en plaqué, ne conçoit la poésie que comme quelque chose de prodigieusement travaillé, de fouillé, de savant et de difficile.

1076. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « La Fontaine »

Assurément, quelle que soit la plume qui sera chargée d’écrire l’Introduction sur La Fontaine dans la belle édition de Lemerre, il lui sera bien difficile de lutter avec ce livre-là !

1077. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Alors même qu’elle ne penserait pas que la poésie est la plus belle et la plus difficile des choses littéraires, alors qu’elle partagerait pour ce langage des dieux, méprisé des goujats, l’indifférence dédaigneuse des fortes têtes de son siècle, la Critique ne peut pas plus laisser inaperçu un livre de vers signé Auguste Barbier, qu’un poème de Lamartine et des recueils de poésies de Victor Hugo et d’Alfred de Musset.

1078. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Dans un temps où la gloire n’était pas difficile et où Victor Cousin disait : « On a trois ou quatre amis.

1079. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Sandeau » pp. 77-90

Seulement, il ne rit pas, lui, et, quoiqu’il soit difficile de l’aimer, on sent avec respect qu’il est un maître, tandis que M. 

1080. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIV. Siècles de barbarie. Renaissance des lettres. Éloges composés en latin moderne, dans le seizième et le dix-septième siècles. »

Elle eut la fermeté d’un moment, qui conçoit et fait de grands sacrifices, et n’eut pas cette fermeté plus rare qui soutient l’âme par sa propre force, quand elle n’est plus animée par les regards et par l’effort même que demande tout ce qui est difficile.

1081. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

Ne pouvant encore s’autoriser contre l’usage, il fit connaître à ses amis qu’il allait à l’armée faire sa cour qu’il lui coûtait moins d’exposer sa vie que de dissimuler ses sentiments, et qu’il n’achèterait jamais ni de faveurs, ni de fortune aux dépens de sa probité. » Je pourrais encore citer d’autres endroits qui ont une beauté réelle ; mais le discours en général est au-dessous de son sujet ; on y trouve plus d’esprit que de force et de mouvement ; on s’attendait du moins à trouver quelques idées vraiment éloquentes sur l’éducation d’un dauphin, sur la nécessité de former une âme d’où peut naître un jour le bonheur et la gloire d’une nation ; sur l’art d’y faire germer les passions utiles, d’y étouffer les passions dangereuses, de lui inspirer de la sensibilité sans faiblesse, de la justice sans dureté, de l’élévation sans orgueil, de tirer parti de l’orgueil même quand il est né, et d’en faire un instrument de grandeur ; sur l’art de créer une morale à un jeune prince et de lui apprendre à rougir ; sur l’art de graver dans son cœur ces trois mots, Dieu, l’univers et la postérité, pour que ces mots lui servent de frein quand il aura le malheur de pouvoir tout ; sur l’art de faire disparaître l’intervalle qui est entre les hommes ; de lui montrer à côté de l’inégalité de pouvoir, l’humiliante égalité d’imperfection et de faiblesse ; de l’instruire par ses erreurs, par ses besoins, par ses douleurs même ; de lui faire sentir la main de la nature qui le rabaisse et le tire vers les autres hommes, tandis que l’orgueil fait effort pour le relever et l’agrandir ; sur l’art de le rendre compatissant au milieu de tout ce qui étouffe la pitié, de transporter dans son âme des maux que ses sens n’éprouveront point, de suppléer au malheur qu’il aura de ne jamais sentir l’infortune ; de l’accoutumer à lier toujours ensemble l’idée du faste qui se montre, avec l’idée de la misère et de la honte qui sont au-delà et qui se cachent ; enfin, sur l’art plus difficile encore de fortifier toutes ces leçons contre le spectacle habituel de la grandeur, contre les hommages et des serviteurs et des courtisans, c’est-à-dire contre la bassesse muette et la bassesse plus dangereuse encore qui flatte.

1082. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Il a, sur cette vaste terre, suppléé par le scrupule moral et la contrainte volontaire à la rare et timide intervention d’une force officielle ; il a gouverné religieusement ces hommes si difficiles à maîtriser par l’autorité humaine ; et ainsi, à cette société active et calme, irrésistible et presque incontrôlable dans son droit populaire, il avait donné pour contrepoids et pour modérateur le droit évangélique228, la loi suprême de justice et de charité.

1083. (1894) Les maîtres de l’histoire : Renan, Taine, Michelet pp. -312

Son admirable sœur lui vint en aide dans ce moment difficile. […] Aux épreuves écrites il avait eu à traiter le sujet suivant de philosophie doctrinale : « Des facultés de l’âme. — Démonstration de la liberté. — Du moi, de son identité, de son unité. » Il était difficile pour lui de tomber plus mal. […] Il serait difficile de dire à quels modèles, à quels antécédents il rattache ; il y a en lui du Rousseau, du Diderot et du Chateaubriand ; mais on ne pourrait trouver entre eux que de lointaines analogies. […] Il est très difficile de tirer des livres de Michelet une doctrine pédagogique précise, logique et aboutissant à des conclusions nettes. […] Renan est un homme d’imprévu… Il est difficile d’avance de prédire son développement… Pour s’être occupé surtout du passé, Ernest Renan n’est pas resté étranger au xixe  siècle.

1084. (1890) Causeries littéraires (1872-1888)

Ce n’est pas le moment de faire les difficiles quand nous acceptons la fortune du pot. […] On y subit des lectures qui sont de véritables douches pour l’esprit, et il est difficile ensuite de le réchauffer. […] Il me semble que la clef n’en est pas si difficile à trouver, et peut-être aussi, qu’on ouvre ou non cette serrure à secret, n’y a-t-il pas de quoi se désoler outre mesure. […] Encore moins ; il n’y a là ni drame à coups de théâtre, ni émotions vives, ni maniement habile, difficile, des fils d’une intrigue à grandes complications. […] Barré et Thiron jouent, l’un avec rondeur, l’autre avec finesse, deux rôles difficiles parce qu’ils sont monotones.

1085. (1884) L’art de la mise en scène. Essai d’esthétique théâtrale

Un directeur attentif s’aperçoit sans doute de la tendance qu’ont les acteurs d’une pièce à grossir l’effet représentatif de leur rôle ; mais, outre qu’il est assez difficile d’enrayer un mouvement qui ne s’accélère qu’insensiblement, il faut reconnaître que la résolution à prendre dans ces cas-là, de la part du directeur, est souvent aussi délicate que difficile et complexe. […] Il semble qu’il y ait là une sorte de compensation, bien difficile à ne pas accepter dans l’état actuel de la société française. […] La mise en scène d’un tel poète sera toujours difficile à réaliser. […] Nos pièces actuelles exigent une adaptation perpétuellement nouvelle de la mise en scène ; c’est peut-être ce qui les fera vieillir assez vite, et, au bout d’un certain nombre d’années, rendra leur reprise très difficile. […] Tout le monde sait combien il nous est difficile, pour ne pas dire impossible, de concevoir des êtres ayant un sixième, un septième, un huitième sens, ou des corps ayant moins ou plus de trois dimensions.

1086. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Je crois bien que George Eliot seule réalise ce difficile et parfait équilibre. […] Mais comme il est difficile à l’aventure et au romanesque de se rejoindre sans que celui-ci empâte, et rabaisse celle-là ! […] Il n’est pas difficile de voir la place qu’y tient M.  […] Or cela me paraît encore plus difficile que de les peindre. […] Des réserves dont il n’est pas difficile de voir le sens.

1087. (1886) Le roman russe pp. -351

Ils ont été surpris les premiers par le succès inattendu de ces romans, si différents des nôtres et d’un abord si difficile. […] On respecte en lui le dépositaire d’un secret de vie ; un miracle si difficile ne peut être accompli que par une grâce spéciale d’en haut. […] Celui-ci imita la Fontaine, dans le genre littéraire où il est le plus difficile d’être original. […] Rien n’est plus difficile à apprécier et à faire sentir que la mesure dans laquelle une œuvre d’art a vieilli ; quand il s’agit d’une littérature étrangère, la difficulté devient impossibilité. […] Sa santé déclinait rapidement, les accès de fièvre lui rendaient tout travail difficile.

1088. (1848) Études sur la littérature française au XIXe siècle. Tome III. Sainte-Beuve, Edgar Quinet, Michelet, etc.

Il me serait difficile de vous exprimer tous les sentiments que j’ai éprouvés en le lisant ; je ne les démêle pas très bien moi-même. […] ) Voilà, Monsieur, ce que j’écris dans le Semeur, et je crois que vous verrez du premier regard, qu’il était bien difficile de ne pas écrire à la suite de mes témoignages de sympathie… Ces lignes d’ailleurs ne paraîtront que dans une douzaine de jours. […] S’il n’est pas toujours facile de discerner ceux qui y sont arrivés, il est bien plus difficile de dire qui n’y est pas arrivé31. […] Autant la connaissance de soi-même est le point d’appui nécessaire de toute régénération, autant peut-être cette minutieuse observation rend cette même œuvre difficile. […] Ce point une fois fixé, il n’est plus difficile de constater le véritable état de l’homme.

1089. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Son discours, imité des maîtres du barreau, est d’un sérieux et d’une solennité imperturbables avec, çà et là, une subite précision de termes et certaines familiarités de vocabulaire qui me rendent les citations assez difficiles. […] Certes, les poètes de cette époque-là sont inégaux et incomplets ; beaucoup débordent au hasard, et leur écoulement est bourbeux ; ils manquent totalement de goût ; ils sont difficiles à lire. […] Un peu laborieuse çà et là et, par un scrupule de fidélité, un peu haletante et tourmentée d’inversions ; mais dans les grands morceaux, dans les chœurs, et, chose plus difficile, dans les dialogues monostiques, à la fois si exacte et d’une si robuste élégance ! […] Et puis, outre queje n’entendais pas grand’chose, j’étais absorbé par une préoccupation impérieuse : je cherchais à surprendre les rimés et, quand je croyais en avoir happé une, à guetter l’autre… C’était difficile, et je n’y ai pas réussi plus de cinq ou six fois, car les interprètes de M.  […] L’histoire de Monsieur de Réboval nous enseigne qu’il ne faut pas avoir deux ménages, que c’est très bien sans doute de « faire deux fois son devoir », mais qu’il suffit peut-être de le faire une bonne fois, ce qui, du reste, est généralement plus difficile, et qu’enfin le pharisaïsme, le respect des convenances, n’est point la vertu.

1090. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

On a souvent signalé la vanité légendaire de Moréas et il serait assez difficile d’expliquer en quoi elle consistait. […] Le plus difficile, comme disait Doncieux, était de le faire causer littérature. […] Ce robuste Normand avouait que la peinture de la vie parisienne lui était difficile  : « Quoi que je fasse, disait-il, je n’arriverai jamais à être un romancier vraiment parisien. […] Il ne fut pas difficile de trouver le coupable  : on n’eut qu’à suivre la ficelle… Tels étaient les aimables jeux auxquels se livrait à Gif le plus incorrigible des pessimistes.‌ […] La vie a des matérialités grossissantes à travers lesquelles, il est quelquefois difficile de bien discerner la véritable valeur d’un homme.

1091. (1929) La société des grands esprits

Ces problèmes d’histoire intellectuelle sont bien difficiles et peut-être insolubles. […] Qu’il est donc difficile de garder la juste mesure et que d’excellentes causes sont gâtées par d’imprudents avocats ! […] La prose est bien autrement difficile. » Wilde avoue que cette parole le surprit d’abord. […] Mais il n’est pas si difficile pratiquement de reléguer toute une part du meilleur Voltaire aux oubliettes. […] Il est presque toujours difficile de savoir qui a inventé une idée, à rigoureusement parler.

1092. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

Ce ne serait pas très difficile, ni très faux, encore que ce fût un peu malveillant, ce pourquoi je ne le fais point. […] Ce n’est pas plus difficile que cela. […] Et c’est cela qui est difficile, et c’est précisément « le cas de Wagner », comme dit Nietzsche. […] Ce ne doit pas être très difficile. […] Oui, la circulation y est difficile.

1093. (1895) Nouveaux essais sur la littérature contemporaine

Biré a pris pour lui cette tâche difficile et ingrate. […] Et jusqu’aux environs de 1860, il serait difficile de nommer un poète qui ne procédât à quelques égards de l’auteur des Poèmes antiques et des Poèmes barbares. […] L’analyse n’est pas un dissolvant ou un poison de la volonté ; et l’étude attentive de la vie peut bien avoir pour effet d’en rendre la complexité plus difficile à reproduire, elle n’en fait pas évanouir la réalité. […] Cette explication difficile, c’est la mère qui la reçoit, mais, par un hasard mortel à son amour, Henriette l’entend, et peu s’en faut qu’elle ne succombe sous le poids de son émotion. […] Gumplowicz à une influence de Moment ; et serait-il difficile de montrer les conséquences qui en résultent ?

1094. (1923) Au service de la déesse

Leur influence est plus secrète et, pour ainsi dire, plus sournoise, plus difficile à saisir et à combattre. […] Et, que Rousseau soit déjà dans Fénelon, c’est difficile à voir. […] Les poètes du moyen âge sont, en général, obscurs et difficile à lire : involontaire obscurité ! […] Ses héros ont un langage difficile à entendre et parsemé de mots ignobles. […] Est-ce que je me trompe, si je crois difficile de s’intéresser à Marcel Bouve et à la « viocque » de Bobèche ?

1095. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome II

Il est bien difficile à l’homme de ce temps d’apercevoir dans l’univers visible la trace d’une volonté particulière, alors que toute la science semble se résumer dans cette affirmation : qu’une telle volonté n’existe point Oui, cela lui est difficile, — par la raison. […] Et, en même temps, le choix de ce détail est devenu pour eux de plus en plus important et difficile. […] Il est si difficile de la garder intacte, cette flamme réchauffante et tremblante, à travers les dégradations de l’existence moderne ! […] Résumer un ouvrage de ce genre est toujours une tâche difficile. […] Pour mieux comprendre combien cette métamorphose était particulièrement difficile au professeur de Genève, il faut lire les premières pages de son journal et constater à quel degré de profondeur l’influence germanique avait agi sur lui Amiel avait passé à Heidelberg, puis à Berlin, cinq des années qui vont de la vingtième à la trentième.

1096. (1923) Paul Valéry

Encore bien moins s’agit-il de la facilité du lecteur à lire et à comprendre : on sait, et de reste, que, pratiquement, Valéry est un auteur difficile. […] Ce livre si difficile, si peu intelligible en apparence, est respecté. […] Valéry a parlé, dans son Introduction à la méthode de Léonard, « du problème le plus étrange que l’on puisse jamais se proposer, et que nous proposent nos semblables, et qui consiste simplement dans la possibilité des autres intelligences, dans la pluralité du singulier, dans la coexistence contradictoire de durées indépendantes entre elles, —  tot capita, tot tempora — problème comparable au problème physique de la relativité, mais incomparablement plus difficile. » L’ayant posé, on ne saurait le résoudre, mais on peut si on est poète le sentir, et, sinon le faire sentir, du moins construire un poème qui conserve et perpétue quelques traits nés de ce sentiment. […] L’Abeille, la Ceinture, les Grenades, le Sylphe, le Rameur, ressemblent à ces points lumineux — solitudes, récifs, étoiles, — ils réalisent ce qu’il y a peut-être dans l’art de plus paradoxalement difficile, de plus contradictoire dans les termes, et que j’appellerais la perfection ouverte. […] Mais il était bien difficile à sa technique de coexister avec celle du poète.

1097. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Dieu a mis dans notre cœur un penchant naturel à l’amitié qu’il nous serait, je crois, difficile ou même impossible de vaincre. […] Cela est pourtant difficile, car on ne fait rien tout seul, et il ne nous arrive rien à nous seuls. » Il faut pourtant omettre ; le mieux, en vérité, eût été de réimprimer ici au long, et par une contre-façon très permise, tout le livret inconnu, qui n’eût occupé que l’espace d’une nouvelle ; mais cela eût pu sembler bien confiant. […] Gaullieur, possesseur des papiers de Mme de Charrière, a publié d’elle dans la Revue Suisse de l’année 1856 ; j’y recommande aux bibliographes la page 692 où se trouvent toutes les indications désirables pour qui veut se compléter sur son compte, ce qui devient difficile.

1098. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

. — Il te sera plus difficile, lui répondis-je en colère, de faire de ces choses, qu’à moi des vases comme les tiens, et je te le ferai voir. […] « C’était un homme fort riche et fort magnifique, mais difficile à contenter. […] Un jour, le prélat étant à sa fenêtre, Benvenuto allait tirer sur lui, s’il ne s’était retiré ; mais, ayant manqué son coup, il tira sur un pigeon qui couvait au haut du palais, et lui enleva la tête, chose difficile à croire ; car il ne voyait que cela du corps de l’oiseau.

1099. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

Chasser tout souvenir, sans pourtant déchoir du rang où nous élève la fréquentation des belles œuvres, voilà le difficile procès de l’éducation artistique, et dans la lassitude d’un effort dont tous n’aperçoivent pas le but immédiat, il est arrivé que plus d’un ait pris en dégoût l’art lui-même. […] Négligeons d’étendre la discussion jusqu’au roman qu’il serait peut-être difficile de défendre, au point de vue idéal de l’œuvre d’art pourvue de sa double et nécessaire vertu d’éternité et d’unité. […] Toutefois, comme il est difficile que des hommes sortent paisiblement, en bon ordre, chacun à son tour d’une maison qui va s’écrouler, ils se sont enfuis des églises ruineuses avec la triste unanimité d’un sauve-qui-peut.

1100. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

L’état de transition est obscur sans doute et difficile à se représenter d’une manière définie, par cela même qu’il n’est aucun terme défini et intellectuel ; mais il est réel. […] Tout cela est difficile à décrire, mais, de fait, manger actuellement se distingue fort bien de manger en idée quand on a faim, et cela non seulement par l’intensité, mais par l’actualité, la possession, l’adéquation à l’objet. […] Il existe une nuance, — difficile à exprimer peut-être, mais très facile à saisir, — entre la bonne chose qu’on a laissée tomber de sa bouche et la bonne chose qu’on n’a pas encore dans sa bouche.

1101. (1753) Essai sur la société des gens de lettres et des grands

C’est ce qui fait que le rôle des gens de lettres est, après celui des gens d’église, le plus difficile à jouer dans le monde ; l’un de ces deux états marche continuellement entre l’hypocrisie et le scandale ; l’autre entre l’orgueil et la bassesse. […] Et il ne faut pas croire qu’il soit très difficile d’y parvenir, même en n’employant que des moyens honnêtes. […] S’il n’est pas difficile de faire fortune par des voies louables, il l’est encore moins d’y parvenir quand on se permet tout pour cet objet.

1102. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Shakespeare »

Il n’y a que les choses qui appartiennent au talent relatif, discutable, faillible, avec ses nuances, ses finesses, ses rétorsions, ses complications, — savantes, si on veut, mais qui ne sont pas, après tout, la grande et incontestable force ; — il n’y a que ces choses qui soient vraiment d’une interprétation difficile et qui aient besoin de l’habileté profonde et exercée d’un traducteur. […] je me contenterais du souci de ce service rendu à la langue et à la littérature françaises ; car l’un des plus purs et des plus nobles, c’est d’emménager une magnifique et difficile œuvre étrangère dans la langue et la littérature d’un pays. […] VII Je ne sais pas si c’est une illusion causée par l’admiration que ce drame, entre tous les drames de son immense auteur, m’inspire, mais il me semble qu’en raison de toutes les supériorités que j’y voie, il doit être plus difficile à traduire que les autres pièces de Shakespeare.

1103. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « Remarques finales. Mécanique et mystique »

Malheureusement, il est difficile de dire où commence l’exagération et le danger. […] Encore une fois : il est difficile de ne pas se demander si la tendance simple n’eût pas mieux fait de croître sans se dédoubler, maintenue dans la juste mesure par la coïncidence même de la force d’impulsion avec un pouvoir d’arrêt, qui ne serait alors que virtuellement une force d’impulsion différente. […] On a raison, si l’on entend par là que nous laissons dormir depuis notre enfance des dispositions naturelles, et qu’il nous serait difficile de les réveiller à un certain âge.

1104. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite et fin.) »

C’est pour le coup que tout le monde n’eût point applaudi et n’eût pas été content, que la famille n’y eût point poussé avec un si beau zèle peut-être, que le confesseur aurait eu un rôle difficile et rare. […] Le choix dans les citations à recueillir est un art trop délicat et trop difficile pour se le permettre dans un livre de M. 

1105. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « LOUISE LABÉ. » pp. 1-38

Les consciencieux éditeurs de 1824 sont heureusement venus remettre en lumière quelques points authentiques, et ils se sont appliqués surtout (tâche assez difficile et méritoire) à restituer à Louise Labé son honneur comme femme, en même temps qu’à lui maintenir sa gloire comme poëte. […] Tout ceci soit dit pour montrer que Louise Labé a pu s’émanciper quelque peu dans ses vers sans trop déroger aux convenances d’un siècle infiniment moins difficile que le nôtre.

1106. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « George Farcy »

En voyant ses relations rétablies sur le pied de l’amitié et de la confiance avec les gens les plus distingués, j’ai cru qu’il y aurait de ma part du pédantisme et de la pruderie à être plus difficile que tout le monde. […] Je ne sais, oui, c’est le seul mot que je puisse dire ; et, en vérité, je l’ai souvent cherché de bonne foi et de sang-froid ; d’où je conclus qu’il n’y a pas au fond tant de mal dans cette démarche que beaucoup le disent, puisqu’il n’est pas clair comme le jour qu’elle est criminelle, comme de tuer par trahison, de voler, de calomnier, et même d’être adultère (quoique la chose soit aussi quelque peu difficile à débrouiller en certains cas).

1107. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Ne comptez pas le temps que j’aurais à régner : il est d’autant plus difficile de jouir avec modération de la puissance souveraine, que cette puissance doit avoir moins de durée pour nous. […] « Il inclina d’abord vers le poison ; mais, si on le donnait à la table de l’empereur, on ne pouvait éviter de réveiller le souvenir du genre de mort de Britannicus, et il paraissait difficile de corrompre les esclaves d’une femme à qui l’habitude de commettre le crime avait appris à se préserver de telles embûches.

1108. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Outre qu’il était difficile de voir et d’écrire la vérité sur Louis XIV de son vivant, on n’avait pas en France au xviie  siècle une idée fort juste des qualités et des devoirs de l’historien : quelques bénédictins savaient seuls alors ce qu’il faut de science, de critique et de détachement pour en bien faire le métier. […] Ils se consultent souvent sur leurs productions, défiants d’eux-mêmes, et difficiles à contenter ; car ils ont une idée très haute de la perfection, et ne se lassent point qu’ils ne sentent impossible de s’en approcher davantage : ils donnent et reçoivent des avis et des critiques avec une absolue candeur, et jamais l’amour-propre n’a été plus absent du commerce de deux poètes.

1109. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Cette servitude et le peu de consistance des idées particulières retardaient d’ailleurs et gênaient le travail de la langue, si difficile à fixer, et qui ne peut recevoir sa perfection que des idées générales. […] Je prends de la fortune le premier argument ; ils me sont esgalement bons154. » Comme il a le mieux peint son humeur, Montaigne a le mieux défini son style « Le parler que j’ayme, dit-il, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non tant deslicat et peigné que véhément et brusque, Haec demum sapiet dictio, qUse feriet plutôst difficile qu’ennuyeux, esloigné d’affectation, desreglé, descousu et hardy, chaque loppin y face son corps ; non pedantesque, non fratesque, non plaideresque. » C’est là, en effet, le style de Montaigne.

1110. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Ce qu’il amasse ainsi dans la solitude, ce sont des raisons pour ses colères contradictoires ; ce qu’il défend, même contre les distractions de l’amitié, c’est le temps prodigieux que demande l’art si difficile d’écrire avec correction des choses passionnées, et de mettre du goût dans la déclamation. […] J’ai peut-être des raisons personnelles pour ne pas mépriser ce genre ; j’en ai plus encore pour le trouver difficile et périlleux.

1111. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre I. Le broyeur de lin  (1876) »

Les ecclésiastiques modérés avouaient cependant qu’il était difficile de reconnaître, dans les listes papales, le pontife qui, avant son élection, s’était appelé Tudwal. […] Il n’y avait pas eu vol réel, mais, après qu’une innocente avait fait plusieurs jours de prison pour un fait qualifié de vol, il était bien difficile de laisser impunie la vraie coupable.

1112. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Plus loin ils disent encore : « nous n’ignorons pas combien est difficile et même périlleux le rôle des modérés ; c’est pourtant celui que nous avons osé choisir. […] Platen s’en aperçut, et, délaissant dès lors de plus en plus ces formes romanes, il imite plutôt les formes des vers et strophes grecques ; il s’y montrait grand maître aussi, même dans les mesures les plus difficiles, celles des odes.

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