Mais en avançant dans la littérature, on se blase sur les jouissances de l’imagination, l’esprit devient plus avide d’idées abstraites, la pensée se généralise, les rapports des hommes entre eux se multiplient avec les siècles, la variété des circonstances fait naître et découvrir des combinaisons nouvelles, des aperçus plus profonds ; la réflexion mérite du temps. […] Il fallait que les avantages de la société devinssent universels ; car tout dans la nature tend au niveau ; mais les douceurs de la vie privée, la diffusion des lumières, les relations commerciales établissant plus de parité dans les jouissances, apaiseront par degré les sentiments de rivalité entre les nations.
Il reste dans la conjugaison des traces de l’usage du moyen âge : le latin nous donne sa proposition infinitive, qu’on trouve, il est vrai, déjà acclimatée dans Commynes et dans Marot, mais qui devient alors tout à fait commune : il nous donne aussi toutes les constructions du relatif, soit éloigné de son antécédent, soit dépendant d’un participe ou d’un infinitif, et non d’un mode personnel du verbe. […] L’archaïsme et le latinisme s’effacent à la fois et se fondent dans l’aisance spontanée de la phrase française : si bien qu’à vrai dire les vestiges de la vieille langue passent à l’état de licences bizarres, et les formes latines tendent à devenir une question de style plutôt que de grammaire.
Ce détail, insignifiant au premier abord, devient éminemment significatif quand on l’examine de près et qu’on applique à cet examen les procédés les plus récents de l’analyse psychologique. » L’auteur arrive alors à son sujet. […] Mais, peu à peu, l’expression de son visage devient sérieuse, et Claude voit deux larmes rouler lentement dans sa voilette.
Il a eu beau représenter que les quatre ou cinq malencontreuses pages vides qui escortaient la première édition, et dont le libraire s’est obstiné à déparer celle-ci, lui avaient déjà attiré les anathèmes de l’un de nos écrivains les plus honorables et les plus distingués1, lequel l’avait accusé de prendre le ton aigre-doux de l’illustre Jedediah Cleishbotham, maître d’école et sacristain de la paroisse de Gandercleugh ; il a eu beau alléguer que ce brillant et judicieux critique, de sévère pour la faute, deviendrait sans doute impitoyable pour la récidive ; et présenter, en un mot, une foule d’autres raisons non moins bonnes pour se dispenser d’y tomber, il paraît qu’on lui en a opposé de meilleures, puisque le voici maintenant écrivant une seconde préface, après s’être tant repenti d’avoir écrit la première. […] L’auteur n’eût pas mieux demandé ; mais depuis qu’on a plaisanté contre les susdits et susdites marquises, prêtres, nonnes et capucins avec des guillotines, des fusillades, des mitraillades, des bateaux à soupapes et autres railleries tout à fait délicates, il est devenu vraiment difficile de trouver contre ces monstres rien qui soit plus sanglant, plus piquant, plus mordant ou plus tranchant que les diverses drôleries dont on vient de lire une énumération abrégée.
Prétendrait-on connaître la nature ou l’action d’une locomotive, parce qu’on saurait que, pour transporter une somme donnée de voyageurs, elle doit avoir tel poids déterminé, ou parce qu’on saurait encore qu’étant brisée, elle devient incapable de faire son service ? […] Il semble même qu’il faut que l’organe soit déjà arrivé à l’état d’équilibre, pour devenir apte à repasser par la série des modifications antérieures.
Qu’il s’élève une vapeur qui attriste le ciel, et qui répande sur l’espace un ton grisâtre et monotone, tout devient muet, rien ne m’inspire ni ne m’arrête, et je ramène mes pas vers ma demeure. […] Il y a des objets que l’ombre fait valoir, d’autres qui deviennent plus piquants à la lumière.
Elle y croupit, et elle y devient tellement infectée, que lorsqu’il arrive aux fouilleurs d’ouvrir en creusant un de ces canaux, la puanteur et l’infection qui s’en exhalent, leur donnent souvent des maladies mortelles. […] Le peuple, par des évenemens qui ne sont pas de notre sujet, s’y étant encore multiplié plus qu’il ne l’a fait en aucun autre endroit de l’Europe, le besoin et la facilité d’avoir des légumes et du laitage dans une prairie continuelle, la facilité d’avoir du poisson au milieu de tant d’eaux douces et salées, ont accoutumé les habitans à se sustenter avec ces alimens flegmatiques, au lieu que leurs anciens prédecesseurs se nourrissoient de la chair de leurs troupeaux, et de celle des animaux domestiques devenus sauvages, dont on voit par Tacite et par d’autres écrivains de l’antiquité que leurs bois étoient remplis.
Ainsi le quatriéme devient un sophisme sensible, et le cinquiéme contient une conclusion dont la fausseté souleve ceux-là mêmes qui ne sont point capables de faire l’analyse du raisonnement, et de remonter jusqu’à la source de l’erreur. […] En un mot, comme le premier but de la poësie est de plaire, on voit bien que ses principes deviennent plus souvent arbitraires que les principes des autres arts, à cause de la diversité du goût de ceux pour qui les poëtes composent.
Pour ce qui est des vieux amis, s’ils paraissent ennuyeux, c’est peut-être qu’ils le sont devenus. […] Elles nous deviennent chères, et nous leur sommes reconnaissants.
La Grèce contemporaine semble vouloir appartenir, ou par le ton ou par le sujet, à cette catégorie distinguée et restreinte des livres légers qui, réussis, sont des œuvres exquises, mais dont on peut dire, comme de certains verres : « On en casse beaucoup avant d’en faire un. » Avec l’invention des chemins de fer, tout livre de voyage est menacé de devenir prochainement une impertinence. […] Or, quoi qu’il y ait dans cet élégant volume des qualités jeunes et gracieuses que nous ne voulons pas désespérer, nous n’en dirons pas moins qu’il manque entièrement de cette profondeur de personnalité sans laquelle — l’univers étant devenu un véritable pont aux ânes — tout livre de voyage ne sera plus désormais lisible, même en wagon.
S’imagine-t-on bien ce qu’un pareil génie, sans réminiscence, et placé bien en face de la nature avec son observation pour toute ressource, serait devenu et aurait fait ? […] Chaque étoile, chaque fleur, devient pour lui une créature vivante.
Mais voici une traduction des poésies complètes de Leopardi, et nous allons voir ce que va devenir son commencement de renommée, dans le plein jour d’un texte facilement accessible à tous. […] Il y a des écrivains très raffinés, très subtils et tellement dans la langue, dans les fils les plus déliés de la langue, qu’en voulant les faire passer dans une autre on ne sait plus ce qu’ils deviennent… Mais les grands poètes, non !
Sous son doigt inspiré, la corde d’airain devient une corde d’or. […] Mais, devenue égoïste parce qu’elle n’avait plus de fonctions utiles à remplir, la féodalité épuisée, ayant refusé de faire un pas de plus dans le sens qui emportait tout, des hommes inspirés du génie civilisateur de la France, Louis XI, Richelieu, la jetèrent sous leurs haches impatientes, et la révolution française acheva ces terribles nécessités par lesquelles devait passer une société qui résistait, dans les débris de son ancienne organisation politique en ruines, à la centralisation définitive que Couture assied largement sur l’égalité politique de tous.
Prise dans son ensemble, bien entendu, la littérature qui ne grandit pas s’amoindrit ; et la nôtre, depuis la mort de Chateaubriand, de Ballanche, de Balzac, de Stendhal-Beyle, depuis des vieillesses plus tristes que la mort même, et dont nous ne nommerons pas les titulaires, puisqu’ils vivent encore, la nôtre a trop rappelé sans interruption ce que devint la littérature anglaise après la resplendissante époque des Byron, des Burns, des Coleridge, des Crabbe, des Sheridan, des Shelley et des Walter Scott. […] Nous avons vu dernièrement ce qu’était devenu, dans un de ces moules étroits et chétifs, la grande figure de saint Anselme reproduite par Charles de Rémusat.
D’ailleurs, indépendamment de la forme, du trait appuyé, du coup de burin, qui n’a rien de ce forcené d’Edgar Poe, de ce « diable devenu fou », comme disait lord Byron de celui qui a bâti Londres, Erckmann-Chatrian avait fait, pour le fond de ses Contes, ce qui réussit, hélas ! […] Si Erckmann-Chatrian avait eu la moindre puissance fantastique, il l’aurait prouvé dans cette histoire si bien commencée, entre cet homme atteint d’une maladie sans nom, qui hurle comme un loup blessé au fond de son château féodal, et dont les crises deviennent de plus en plus épouvantables à mesure que s’avance dans la plaine, à travers les neiges, la vieille sorcière, ou plutôt la vieille inconnue, que la terreur de tout le pays a surnommée la Peste Noire.
* * * 23 avril Je dînais hier à l’ambassade, à côté d’une jeune femme, la femme de l’envoyé des États-Unis à Bruxelles, une Américaine, et voyant à l’œuvre cette grâce libre et conquérante, ce diable au corps d’une jeune race, cette virtualité de la coquetterie qui garde le charme et la domination de la flirtation chez ces jeunes filles devenues des épouses, et me rappelant d’autre part l’activité et l’entrance de certains Américains de Paris, je me disais que ces hommes et ces femmes semblaient destinés à devenir les futurs conquérants du monde. […] Il nous lit les lettres qu’il lui a écrites, les gîtes, les couchers de la campagne, son départ de Nickolsburg, son passage au milieu des blessés arriérés et des cantiniers attardés, ses nuits dans les villes aux rues à arcades, devenues un lit de paille pour la mort. […] Souvenirs et regrets, voilà que vous devenez une dépense une fois faite ! […] Dans ce milieu bas, Sainte-Beuve devient un petit bourgeois, fermé à tous les grands côtés de sa vie d’en haut, une espèce de boutiquier en goguette, l’intellect rapetissé par les ragots, les âneries, les rabâchages imbéciles des femmes. […] La princesse s’anime, fulmine, devient rouge… Hébert continue à donner, du bout de ses longs et fins pinceaux, des caresses, au visage furieux de la princesse.
Et que devient la noblesse du cerveau, quand le ventre est malade ? […] Et c’est parce qu’il tombe d’un toit, en exerçant son métier de couvreur, qu’il devient graduellement paresseux et ivrogne ? D’abord on naît paresseux, mais on ne le devient pas. […] Vous vous croyez tels que vous voudriez être, ajoutent-ils, et vous devenez menteurs, hypocrites. […] Dans les Rougon-Maquart, la scène s’ouvre sur un ancien cimetière devenu terrain vague.
Je ne vous dirai point quelle fut la durée de mon enchantement ; l’immobilité des êtres, la solitude d’un lieu, son silence profond suspendent le temps, il n’y en a plus, rien ne le mesure, l’homme devient comme éternel. […] Je fesais en moi-même l’éloge de la médiocrité qui met également à l’abri du blâme et de l’envie, et je me demandais pourquoi cependant personne ne voudrait perdre de sa sensibilité et devenir médiocre ? […] Que devient donc l’axiôme ? — Ce qu’il devient ? […] — C’est cela, et si vous n’y prenez garde, vous deviendrez philosophe. — C’est une maladie facile à gagner avec vous. — Vraie maladie.
Le Cosmos est devenu muet. […] Le grand obstacle provient des halliers, qui remplissent tous les intervalles d’un arbre à l’autre dans une zone où toutes les formes végétales ont une tendance à devenir arborescentes. […] Ce qui n’est pas moins remarquable, c’est la docilité des plantes à devenir grimpantes, des animaux à devenir grimpeurs. […] De ces parasites, les uns ressemblent à des câbles composés de plusieurs torons ; les autres ont un gros stipe contourné de mille façons, qui s’enroule comme un serpent autour des troncs voisins, et va former entre les grosses branches des œils-de-bœuf ou des replis gigantesques ; d’autres encore courent en zigzag ou sont dentelés comme les marches d’un escalier qui monterait à une hauteur vertigineuse. » XIX « La faune offre, comme la flore, une propension très générale à devenir grimpante.
Tel est le vivant mais grossier épisode qui est devenu, dans Rheingold, la belle scène du rachat de Freia, avec ce cri si touchant de Fasolt : « Je vois encore briller l’œil de la douce déesse ! […] En revanche, mademoiselle Sternberg qui devint plus tard la femme de M. […] Jullien déclare qu’il veut « raconter la vie de Wagner, juger ses actes et ses œuvres … » Ainsi ce livre, qui eût pu être un précieux et unique recueil de documents, devient un exposé d’opinions personnelles. […] Ce rapport devient insensiblement un pamphlet contre la science en général, que l’auteur accuse de violer grossièrement les plus sacrés mystères de la nature et d’offenser le sentiment du beau en observant la vie dans sa pleine activité et dans son développement. […] Bruxelles cherchait à devenir une capitale culturelle européenne et produisit de nombreux opéras tant français qu’allemands.
Mon Dieu, qu’est-ce que va devenir mon enfant ?… qu’est-ce que va devenir ma fille, quand viendra sa puberté ? […] … D’autant plus qu’il s’attendait à ce qu’on aurait dit, qu’il faisait cela, pour devenir plus tard ministre du prince. » Jeudi 25 janvier Une immense pièce, aux boiseries blanches, aux rideaux de serge verte, au milieu un lustre de cafés de province, et par une fente des rideaux fermés, une filtrée de lumière ensoleillée, tombant d’une façon toute rembranesque, sur les crânes d’une rangée d’hommes pâles, d’hommes jaunes, et éclairant un coin d’un terrible paysage alpestre, comme peint avec des couleurs de décomposition. […] On parle de cet original conteur, de ses histoires dont le commencement semblait sortir d’un brouillard, ne promettait dès d’abord pas d’intérêt, et qui devenaient, à la longue, si prenantes, si attachantes, si empoignantes. […] Puis le piocheur qu’il était devenu, se préparait à l’École normale, quand quelqu’un le menait aux Italiens : soirée, depuis laquelle Virgile, l’École normale, tout était à vau-l’eau : il était enveloppé de musique et ne pensait qu’à cela.
Je sçais bien qu’en outrant cette briéveté, on devient nécessairement obscur, et qu’un poëte tombe d’autant plus aisément dans ce défaut, que ce qu’il a dit, réveillant en lui l’idée de ce qu’il a voulu dire, il supplée toujours au défaut de son expression, sans s’appercevoir qu’elle ne suffit pas par elle-même, à exprimer toute sa pensée. […] Par exemple, il souhaite dans une des siennes de devenir tout ce qui sert à sa maitresse : j’en fais une, où je souhaite d’être tout ce qui plaît à une maitresse que j’imagine exprès pour cela ; car sans maitresse, le moyen d’imiter Anacréon ? […] On prétend même qu’Aristophane a voulu railler ces poëtes, et particuliérement Pindare, dans cet endroit où il fait dire à Socrate, en parlant des nuées : ce sont elles qui nourrissent les philosophes, les médecins, les devins, les amans et les poëtes lyriques . […] Cependant j’oserai avancer qu’il a imité Pindare, en homme qui connoissoit son modéle ; jusques-là que ce qu’il emprunte d’Horace devient pindarique entre ses mains. […] Cela est presque devenu le style de l’ode : les bons et les mauvais auteurs l’employent également ; et moi-même, à proportion, je suis tombé là-dessus dans les plus grands excès.
Tout ce qui naît de doux en l’amoureux empire, Quand d’une égale ardeur l’un pour l’autre on soupire, Et que, de la contrainte ayant banni les lois, On se peut assurer au silence des bois, Jours devenus moments, moments filés de soie, Agréables soupirs, pleurs enfants de la joie, Vœux, serments et regards, transports, ravissements, Mélange dont se fait le bonheur des amants, Tout par ce couple heureux fut lors mis en usage. […] Un de mes compagnons, qu’autrefois on a vu Des dons de la fortune abondamment pourvu, Qui, tenant table ouverte, et toujours des plus braves, Voulait être servi par un monde d’esclaves, Devenu maintenant moins superbe et moins fier, S’estimerait heureux d’être mon estafier. […] Sûr de lui, sûr de sa parfaite mesure, sûr de sa discrétion, de son goût parfait, il se permettait le burlesque, sachant bien qu’il s’arrêterait de lui-même et sans s’y appliquer, au moment où le burlesque devient trivial, devient rebutant. […] Lorsque l’amour s’empare de deux cœurs, Pour rompre leur commerce et vaincre leurs ardeurs, Employez les secrets de l’art et la nature, Faites faire une tour d’une épaisse structure, Rendez les fondements voisins des sombres lieux, Elevez son sommet jusqu’aux voûtes des cieux, Enfermez l’un des deux dans le plus haut étage, Qu’à l’autre le plus bas devienne le partage, Dans l’espace entre deux, par différents détours, Disposez plus d’Argus qu’un siècle n’a de jours, Empruntez des ressorts les plus cachés obstacles ; Plus grands sont les revers, plus grands sont les miracles : L’un, pour descendre en bas osera tout tenter, L’autre aiguillonnera ses esprits pour monter.
Ici, l’Arthémise inquiète de l’Université mêle ses pleurs à ceux de l’Arthémise parlementaire désolée, au sein de cette pauvre Académie, devenue l’asile de toutes les afflictions contemporaines. […] Ce fut dans les derniers temps de sa vie que Villemain publia un Essai sur Pindare, qui, sous sa plume de scoliaste, devint un énorme livre de six cents pages. […] … Aux mains de cet habile homme, emporté par sa verve, le prélude sera-t-il devenu un concert et l’essai une œuvre accomplie ? […] Villemain est un rhéteur, une chose d’origine grecque, mais devenue diablement française. […] Antigone, voulant ajouter à une gloire qui devient de plus en plus incertaine, a, de ses trop pieuses mains, enterré définitivement son père sous le livre même qu’elle vient d’exhumer.
. — Comment ils sont devenus Français. — Leur goût et leur architecture. — Leur curiosité et leur littérature. — Leur chevalerie et leurs amusements. — Leur tactique et leur succès. […] Tel Saxon libre et propriétaire est devenu « serf de corps sur la glèbe de son propre champ96. » Telle Saxonne noble et riche sent peser sur ses épaules la main d’un valet normand devenu par force son mari ou son amant. […] Que devient l’anglais ? […] Tantôt c’est la vie du prince Horn qui, jeté tout jeune sur un vaisseau, est poussé sur la côte d’Angleterre, et, devenu chevalier, va reconquérir le royaume de son père. […] Un grand nombre sont devenus vassaux de barons normands, et, à ce titre, demeurent propriétaires.
Je n’aime pas que ce mari violent, et qui devint un amant, prenne des airs de justicier. […] Il cessa d’être élégiaque et devint philosophe. […] Clito devint mère et les pauvres époux mirent de grandes espérances sur l’enfant attendu. […] Le monde qu’elle n’avait jamais goûté, lui était devenu odieux. […] Faut-il que le lis de saint Joseph devienne dans ses mains un instrument de réclame ?
Mais, si l’objet de la critique est entièrement différent, les qualités du poète et du romancier n’y deviennent-elles pas autant de défauts ? […] Car alors il devient la théorie même de l’immoralité. […] La charité est devenue dévouement, le dévouement abnégation, et l’abnégation sacrifice. […] alors, rappelez-vous qu’aussitôt qu’ils essaient de sortir d’eux-mêmes, leur incompétence devient indiscutable ! […] À quelles conditions une « idée » de roman pourra-t-elle devenir ce qu’on appelle une « idée » de pièce ?
La rigidité personnelle était devenue une tyrannie publique. […] Qu’est-ce que l’amour pouvait devenir dans des mains pareilles ? […] Il cesse d’être créateur, il devient discoureur. […] La comédie française devient un modèle comme la politesse française. […] Et comment pouviez-vous vous empêcher de devenir mon captif ?
C’est devenu égal à tout le monde. […] Et ainsi on devient cruel sans le savoir. […] Mais cela devient très difficile à discerner. […] Vous deviendrez brouillon, vaniteux et cupide. […] Et peut-être deviendrai-je aussi un homme nouveau.
Je n’y cherche point à devenir physicien, ni astronome, ni poëte, ni orateur. […] C’est ainsi que l’illusion devient générale. […] Que deviendra vraisemblablement sa victoire ; s’il ne la poursuit ? […] En vertu de ce droit de fable, les chevaux deviendront-ils des personnages tragiques ? […] Tout devient Me Dacier pour moi.
Dans ce réveil des sonorités du vers, la rime a été reconstituée pleine, riche, éclatante à la fois par le sens et par le son du mot qui la porte : de sorte qu’elle est devenue pour eux l’élément, prépondérant du vers745. […] L’image se développe, s’assimile tous les éléments qui peuvent la compléter, s’organise, devient une réalité vivante, qui reste le symbole d’une pensée profonde. […] De catholique légitimiste, il est devenu libéral : mais à peine le souffle démocratique de 1830 l’a-t-il effleuré : ses instincts humanitaires restent hésitants, suspendus, épars ; il s’est laissé attacher à la dynastie de Juillet, il a accepté d’être pair de France. […] Les quatre saisons deviennent un quatuor, et dès lors l’hiver est un musicien qui chante des airs vieillots, « le nez rouge, la face blême ». […] Et Océano nox est l’abstraction sentimentale qui deviendra le récit épique des Pauvres Gens.
Rachel descend tout en larmes, et dans l’affliction la plus vraie, mais un quart d’heure ne s’était pas passé, que l’artiste était toute à l’étude de l’agonie de la femme, qui était devenue pour elle une étrangère, un sujet. […] Il y a en effet de la bonté dans ses yeux gris, une bonté qu’on sent tout près de devenir agissante, la bonté d’une belle et bien portante habitante de la campagne. […] Car cet ancien dîner littéraire de Magny, est devenu un dîner tout politique, et un dîner que les ministres, qu’on n’y voit presque jamais, honorent de leur présence, quand ils sont sous la remise. […] Voici, du moins — ce médecin le croyait — tout le thème des pensées de la jeune fille, devenue femme, et qui ne voit pas d’homme. […] J’ai rarement souffert de l’anxiété, comme dans ce cauchemar, où j’éprouvais quelque chose de la sensation d’un homme, qui deviendrait fou de la persécution des choses, ainsi qu’il arrive dans les féeries.
Mais comme à ces défauts Sénéque joignit un esprit vigoureux & élevé, une imagination fleurie, des connoissances étendues, il se fit une réputation éclatante, & devint le modèle sur lequel la jeunesse romaine se plut à se former ou à se corrompre. […] Un malheureux écolier, devenu imbécile pour avoir été forcé pendant quatre ans d’apprendre par cœur Jean Despautere, & ensuite devenu raisonneur pour avoir soutenu une thèse sur l’universel de la part de la chose & de la pensée, & sur les cathégories, recevoit en public son bonnet, & sans connoître ni sa portée, ni ses talens, s’en alloit prêcher devant un auditoire, dont les trois quarts étoient plus imbéciles que lui & plus mal élevés. […] “Plusieurs Avocats françois, dit l’auteur des Nouveaux Mêlanges, sont devenus dignes d’être des Sénateurs Romains. Pourquoi sont-ils devenus désintéressés & patriotes, en devenant éloquens ? […] Il ne vouloit pas laisser ignorer au public comment il étoit devenu Avocat.
Il n’est pas rare qu’on aperçoive alors le monde extérieur sous un aspect singulier, comme dans un rêve ; on devient étranger à soi-même, tout près de se dédoubler et d’assister en simple spectateur à ce qu’on dit et à ce qu’on fait. Cette dernière illusion poussée jusqu’au bout et devenue « dépersonnalisation 12 », n’est pas indissolublement liée à la fausse reconnaissance ; elle s’y rattache cependant. […] Celui qui l’éprouve est souvent en proie à une émotion caractéristique ; il devient plus ou moins étranger à lui-même et comme « automatisé ». […] S’il n’y a entre le souvenir de la sensation et la sensation elle-même qu’une différence de degré, la sensation deviendra souvenir avant de s’éteindre. […] Ce sentiment devient d’ailleurs très clair quand il s’agit d’un acte déterminé à accomplir.
Il était temps, car la concurrence étrangère devenait menaçante. […] Il est devenu quasiment populaire chez nos intellectuels. […] Après le kantisme et le comtisme, nous sommes devenus fort sceptiques sur ce chapitre. […] La situation devenait intenable. […] Je deviens critique ».
Les croisés, au contraire, ont pour principe de ne jamais attaquer l’ennemi sans lui avoir porté un défi, c’est-à-dire une déclaration fière et franche : Quènes de Béthune et Villehardouin, entre autres, sont chargés dans une circonstance critique d’aller faire ce défi préalable à toute hostilité, et de le signifier en plein palais au jeune empereur Alexis, devenu traître et ingrat. […] On était trop prompt, au xiiie siècle et depuis, à tout refuser en fait de Muses et de Grâces à ceux qui étaient nés par-delà certaines rivières et certains monts : « Ne me parlez point, écrivait à l’un de ses amis de Paris Paul-Louis Courier devenu Grec et Romain en 1812, ne me parlez point de vos environs ; voulez-vous comparer Albano et Gonesse, Tivoli et Saint-Ouen ? […] Que si l’on dit que c’est en fuyant Alphée qu’Aréthuse traverse ainsi les mers à l’état de fontaine, elle a bien plus à craindre encore en un tel moment que son onde ne se mêle à celle du fleuve qui la suit, qu’au flot marin qui l’environne ; et, après que la nymphe s’est dérobée et est devenue une fontaine de Sicile, c’est la poursuite de l’Alphée, du fleuve grec comme l’appelle Nicétas, du fleuve plongeur, comme l’a appelé Moschus, qui demeure la merveille perpétuelle et toujours vive à travers les mers ; mais il ne convient pas de trop presser la mythologie.
À quoi Jeannin répondit en riant : « Oui, mon père, c’est moi, et j’en ai bien fait d’autres depuis que je ne vous ai vu : mais il faut commencer à devenir sage et à étudier. » Ce qui paraît certain, c’est que de bonne heure, et dès ses premiers exercices aux écoles publiques, il se fit remarquer, au milieu de ses vivacités, pour être d’un parfait et merveilleux jugement, « et capable de terminer un jour les différends des hommes ». […] Le duc de Mayenne, devenu gouverneur de la province de Bourgogne au nom du roi, distingua de jour en jour davantage le conseiller, puis président Jeannin ; il se l’attacha comme conseil intime et lui accorda toute sa confiance. […] Le duc l’engagea à coucher le tout par écrit et envoya le mémoire à son frère M. de Guise, qui le reçut ayant le pied déjà à l’étrier, et qui n’eut que le temps d’écrire au bas, après l’avoir lu : « Ces raisons sont bonnes, mais elles sont venues à tard ; il est plus périlleux de se retirer qu’il n’est de passer outre. » Le président Jeannin sent toutefois à un certain moment qu’il s’engage, lui aussi, dans une voie périlleuse ; obligé par devoir et par reconnaissance envers Henri III, il est amené par les circonstances à demeurer auprès du duc de Mayenne, même quand celui-ci est devenu le chef de la Ligue et le maître de Paris, sous le titre ambitieux et ambigu de lieutenant général de l’État royal et Couronne de France.
Déjà renommé à Paris pour sa traduction des Lettres de Coxe, accueilli par le meilleur monde, devenu le guide de toute cette belle société qui se prenait d’amour pour la nature de Suisse et pour les glaciers, il attira nécessairement l’attention du cardinal prince de Rohan, évêque de Strasbourg, qui fut flatté de trouver dans un jeune Alsacien de si grands talents, et qui se fit un honneur de l’attacher à sa personne. […] Lorsque le procès fut terminé et le cardinal absous, mais exilé à La Chaise-Dieu en Auvergne, Ramond l’y suivit, le servit encore quelque temps, puis se sépara de lui, avec trop d’éclat, disent les uns, avec tous les égards voulus, assurent les autres ; et certainement après avoir accompli au moins les devoirs essentiels que lui imposait une protection devenue vers la fin si compromettante et si ruineuse. […] Ramond avouait, c’est qu’il prit rang au nombre des plus intimes du grand magicien, et qu’il devint dépositaire d’une partie de ses recettes, et témoin de plusieurs de ses miracles.
Montluc, tant qu’il a à combattre les seuls ennemis du dehors, n’est que rude ; mais, les guerres civiles s’allumant, il devient cruel. […] C’est un véritable enseignement ; on devient docteur ès armes à son école. […] Dès le premier instant qu’il eut à commander à d’autres, dès qu’il eut à porter enseigne, dit-il, il voulut savoir ce qui est du devoir de celui qui commande, et se faire sage par l’exemple des fautes d’autrui : « Premièrement j’appris à me chasser du jeu, du vin et de l’avarice, connaissant bien que tous capitaines qui seraient de cette complexion n’étaient pas pour parvenir à être grands hommes. » Il développe ces trois chefs, et particulièrement, et avec une verve singulière, les inconvénients de l’avarice en un capitaine : « Car si vous vous laissez dominer à l’avarice, vous n’aurez jamais auprès de vous soldat qui vaille, car tous les bons hommes vous fuiront, disant que vous aimez plus un écu qu’un vaillant homme… » Il ne veut pas qu’un homme de guerre, pareil à un citadin ménager, songe toujours à l’avenir et à ce qu’il deviendra en cas de malheur ; le guerrier est enfant de l’État et du prince, et il pose en maxime « qu’à un homme de bien et vaillant, jamais rien ne manque. » — Après ces trois vices qui sont à éviter à tout prix, car ils sont ennemis de l’honneur, il en touche plus rapidement un quatrième dans lequel, sans raffiner sur les sentiments, il conseille du moins toute modération et sobriété : C’est l’amour des femmes : ne vous y engagez pas, cela est du tout contraire à un bon cœur.
Messieurs mes compagnons, quand vous vous trouverez en telles noces, prenez vos beaux accoutrements, parez-vous, lavez-vous la face de vin grec, et la faites devenir rouge ; et marchez ainsi bravement parmi la ville et parmi les soldats, la care levée (la face levée), ne tenant jamais autre propos sinon que bientôt, avec l’aide de Dieu et la force de vos bras et de vos armes, vous aurez en dépit d’eux la vie de vos ennemis, et non eux la vôtre… Mais si vous allez avec un visage pâle, ne parlant à personne, triste, mélancolique et pensif, quand toute la ville et tous les soldats auraient cœur de lions, vous le leur ferez venir de moutons. […] Il a là-dessus des principes qu’on doit trouver admirables et qui s’appliquent bien à tout ordre de travaux et de services où l’honneur est le prix : c’est de ne jamais se reposer sur ce qu’on a fait, de ne pas se contenter, sous prétexte qu’on a sa réputation établie, et que, quoi qu’on fasse désormais ou qu’on ne fasse pas, on sera toujours estimé vaillant : N’en croyez rien, s’écrie-t-il, car d’heure à autre les gens jeunes deviennent grands, et ont le feu à la tête, et combattent comme enragés ; et comme ils verront que vous ne faites rien qui vaille, ils diront que l’on vous a donné ce titre de vaillant injustement… Si vous désirez monter au bout de l’échelle d’honneur, ne vous arrêtez pas au milieu, ains, degré par degré, tâchez à gagner le bout, sans penser que votre renom durera tel que vous l’avez acquis : vous vous trompez, quelque nouveau venu le vous emportera, si vous ne le gardez bien et ne tâchez à faire de mieux en mieux. […] De rigoureux qu’il était, âlontluc devint cruel ; il le dit nettement, il ne marchande point les termes ; avec lui, le couteau et la corde jouèrent désormais autant que l’épée, et il s’en repent encore moins qu’il ne s’en vante.
Lettres sur l’éducation des filles, par Mme de Maintenon16 Lundi 6 novembre 1854 Vivre en plusieurs temps, être en plusieurs lieux, est devenu de jour en jour plus facile. […] Une dévotion subtile, recherchée et fuyant les voies communes, y pénétra avec Fénelon et Mme Guyon, et il fallut en venir aux sévérités et aux retranchements inexorables envers quelques membres devenus rebelles. […] L’austérité, au reste, y est plutôt pour les maîtresses dont la vie se passe dans la vigilance, dans les précautions continuelles, et qui deviennent dès lors de vraies religieuses régulières par la solennité et la perpétuité des vœux : quant aux élèves et demoiselles, lors même qu’elles ont été guéries ou préservées, dans ce second et plus sûr régime, des dissipations d’esprit et des goûts d’émancipation trop mondaine, Mme de Maintenon a toujours lieu de dire : « Je ne crois pourtant pas qu’il y ait de jeunesse ensemble qui se divertisse plus que la nôtre, ni d’éducation plus gaie. » Les craintes qu’avait fait naître à un moment l’invasion du bel esprit étant passées, et le correctif ayant réussi, on revint à Saint-Cyr à une voie moyenne, et où le bon langage eut sa part d’attention et de culture.
Son goût pour Vauvenargues était devenu, en effet, une véritable amitié et du dévouement à sa mémoire. […] Fauris de Saint-Vincens, ami de Vauvenargues et de trois ans plus jeune que lui, était fils d’un conseiller à la Cour des comptes de Provence, et devint à son tour conseiller, puis président à mortier au parlement de la même province ; il ne mourut qu’en 1798 et était connu pour un érudit et un antiquaire des plus distingués, associé correspondant de l’ancienne Académie des inscriptions et belles-lettres. […] Lorsque Vauvenargues, après avoir quitté le service, se décide, faute de mieux, à se faire imprimer et à devenir auteur (tout en gardant encore l’anonyme), il écrit à Saint-Vincens (décembre 1745) : Je vous enverrai mon ouvrage dès que je trouverai une occasion.