Comme Brizeux, auquel il ressemble par la pudeur de son lyrisme voilé, il a aimé la Muse d’un amour exclusif, délicat et scrupuleux… Le poète de l’Âme vierge n’a pas attendu, pour nous dire sa chanson, que les annonciateurs de « formules » nouvelles aient prédit une révolution du goût.
Despréaux, si délicat là-dessus, ne le nioit pas ; & quand on lui demandoit, pourquoi donc au troisieme Chant de son Lutrin, & dans sa neuvieme Satire, il en avoit parlé avec mépris, il répondoit, qu’au lieu d’Hesnault, il avoit d’abord mis Boursault, & ensuite Perrault, avec lesquels il s’étoit réconcilié, & leur avoit substitué, en dernier lieu, Hesnault, qui, étant mort dès 1682, étoit hors d’état de former aucune plainte. »
Qu’ils sont doux et délicats !
Pourquoi un ignoble et grossier délire serait-il plus agréable au théâtre qu’un sentiment noble et délicat ? […] Corneille aimait mieux Cinna, pièce plus mâle et plus romaine ; son neveu, le galant Fontenelle, préférait Polyeucte, parce qu’il s’y trouve beaucoup plus de sentiments délicats et de passion romanesque. […] Le vice qu’elle attaque y est présenté du côté plaisant et comique ; la censure est fine, enjouée, délicate ; l’esprit est égayé sans que le cœur soit révolté. […] On est étonné de trouver dans une pièce jouée en 1642 une foule de traits délicats et de mots heureux, des tirades même du meilleur ton. […] Oublier un bijou qu’on aurait refusé, n’est pas une moindre sottise ; la femme capable de s’approprier un bijou oublié chez elle, ne l’aurait pas refusé si on l’eût offert, et ne vaut pas assurément la peine qu’on soit si délicat avec elle.
Il serait tout simple que le public, sevré de jouissances délicates, se rabattit sur une pâture d’un goût médiocre. […] Doué de sentiments littéraires plus actifs que délicats, M. […] Aussi, toutes les conversations sur ce point délicat l’embarrassent et l’ennuient. […] Je ne me permettrai pas de m’immiscer dans cette querelle délicate ; n’ayant pas l’honneur d’être critique, je n’ai pas à décider si l’État de ces Messieurs est républicain ou monarchique ; tout ce que je puis dire, c’est que le sceptre de M. […] Observateur délicat, nul n’a poussé plus loin l’attention pour découvrir des beautés que peu de gens, sans lui, auraient soupçonnées.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
Tant de hautes facultés dissipées tour à tour dans un emploi mercenaire et dans d’indignes plaisirs, la confusion de tous les rangs et de toutes les conditions dans le même cercle d’intrigues sensuelles, cette familiarité délicate, ingénieuse encore dans sa licence, où vivent pêle-mêle, en confidents ou en rivaux, cardinal, prince, abbé, intendant, favori : c’était là un fonds de roman tout à fait hors des données vulgaires, et duquel, avec une âme sérieuse et tournée à l’histoire, on devait tirer de fortes leçons.
Vous y trouverez, sertissant des sentiments tour à tour frais à l’extrême et raffinés presque trop, des bijoux tour à tour délicats, barbares, bizarres, riches et simples comme un cœur d’enfant et qui sont des vers, des vers ni classiques, ni romantiques, ni décadents, bien qu’avec une pente à être décadents, s’il fallait absolument mettre un semblant d’étiquette sur de la littérature aussi indépendante et primesautière.
Ces poèmes, joints à quelques autres, forment maintenant le recueil intitulé : Astarté, qui est l’œuvre d’un artiste très subtil et très délicat.
Albert Mérat vient de publier un nouveau volume de vers, fins, délicats, légers et, de plus, amusants !
Il est de toute évidente qu’une oreille française, fortement enracinée, restera toujours sensible au délicat tremblé de l’e muet.
Un père s’est enrichi par le commerce ; il a un grand nombre d’enfants ; parmi ces enfants il en est un qui ne veut rien faire, ses bras faibles et délicats lui ont donné de l’aversion pour la navette, la scie ou le marteau ; il se lève tard ; il reste assis la tête penchée sur la poitrine, il réfléchit, il médite ; il se fait poëte, orateur, prêtre ou philosophe.
Il sanglote, suffoque, trempe son mouchoir, et tout cela très sincèrement, car il est de naturel tendre, il a le cœur délicat, et les infidélités de sa maîtresse l’accablent de mélancolie. […] Connue à travers une dentelle rousse, et déchirant ce délicat réseau, plongeait la rudesse du soleil. […] Je m’arrête sur ce point délicat, renvoyant les hommes de bonne foi, et les autres s’ils y veulent aller, à ouvrage de M. […] C’est un livre de délicats qui se recommande par la sincérité de l’inspiration amoureuse qui l’anime. […] Xanrof ; il faut être Parisien achevé pour comprendre tout ce qu’il y a de gai sous son aspect sérieux, de délicat sous son réalisme voulu et d’observation dans ses croquis instantanés.
Il faut aussi rendre hommage au zèle et à l’habileté dont fit preuve, en cette circonstance délicate, notre agent diplomatique au Caire, M. le baron de Ring. […] la Vie est triste, souillée, décevante ; elle est dure aux délicats, inclémente aux purs. […] Voilà un scrupule d’une espèce rare et délicate ; on doit en signaler l’exemple aux petits docteurs qui ne s’embarrassent pas d’une pareille expérience pour trancher les questions sociales et prédire l’avenir de l’humanité. […] À bout d’émotions, les raffinés d’Alexandrie s’efforçaient d’oublier les délicats régals dont ils étaient saturés, en se faisant, par plaisir, rustiques et canailles. […] Blondel restera un philosophe vraiment exquis, un confesseur délicat dont l’entretien est parfois un délice.
Le lierre séculaire, qui les revêt, protège de ses festons rustiques les délicates fleurettes roses et bleues que renferme le tortueux labyrinthe des rochers. […] Crousillat est aussi un délicat, un vrai félibre. […] Celui-ci l’effeuille en strophes ailées jusqu’à ce que toutes les délicates pétales soient tombées ; puis il cherche un autre amour et un autre bouquet. […] Là les colonnes d’Hercule, là la svelte Giralda, et l’alcazar délicat, et l’immense cathédrale. […] Buet, il me faut achever la démonstration entreprise, en montrant à l’œuvre cette École sur un point d’histoire assez délicat.
Cette vulgarité envahissante inquiète quelques esprits délicats. […] Nous n’aurons pas le testament de cette conscience si délicate et si pure. […] Il eût aimé à vivre dans ce monde mobile, passionné et délicat. […] Ces métaphores, tirées de la vaseline et de la graisse, sont faites pour offenser le goût des personnes délicates. […] Cet artiste délicat et rare fut un des travailleurs les plus souterrains de l’équipe naturaliste.
Environ deux siecles après, on vit fleurir & l’énergique Alcée, & le délicat Anacréon, & la tendre Sapho, surnommée la dixieme Muse. […] Pétrone, licencieux & délicat ; Perse, obscur & Philosophe. […] C’est le cœur humain pris sur le fait dans une de ses situations les plus délicates à saisir. […] Sa plume délicate & sûre, Est le pinceau de la Nature, Et l’organe du sentiment. […] Le délicat Longueuil ajoutait encore aux charmes des sujets les plus voluptueux.
Mais il a fallu un esprit pénétré de poésie, une imagination excitable et prompte à transfigurer ses impressions, et, par-dessus tout, cette pudeur des âmes délicates qui voile l’émotion d’un sourire et élude par la fantaisie l’expression trop poignante de la réalité.
Mais la forme est chez lui souvent exquise, ainsi que dans ses précédents recueils, et l’inspiration délicate.
Le mérite qui distingue éminemment les Sermons de Massillon de tous les autres, est la connoissance du cœur humain qu’ils annoncent ; connoissance aussi délicate, que juste & profonde.
Or de tous les organes du corps humain, les plus délicats sont ceux qui servent à l’ame spirituelle à faire ses fonctions.
Ce farouche théologien était un lettré délicat ; la longue lettre qu’à soixante-dix-huit ans, exilé, errant, aveugle, il dicta pour défendre Boileau devant Perrault fait grand honneur à son esprit. […] C’est comme un délicat et sensible appareil qui permet à l’Église de relever ou d’abaisser le niveau de ses commandements, pour obtenir à chaque moment des consciences la plus grande approximation réellement possible dans la poursuite de la perfection morale. […] Toutes les sortes d’éloquence y sont renfermées, comme a dit Voltaire : vigueur de raisonnement, ou de passion, ironie délicate ou terrible. […] Il l’est, comme tous les autres, parce qu’il est obstinément réaliste : son imagination représente les réalités concrètes dont sont extraites les abstractions sur lesquelles il opère ; — et parce qu’il est profondément sensible : chaque acte de sa pensée, chaque idée qu’il conquiert met en jeu, exalte on blesse toutes les émotions, les affections de son âme singulièrement délicate.
Cette protestation contre un préjugé qu’il est assez agaçant de voir entretenir avec une ferveur trop intéressée pour n’être pas tendancieuse, ne peut nous dispenser d’admettre la responsabilité de quelques-uns des plus célèbres écrivains dans cette délicate matière. […] Artiste délicat et sensitif, assuré d’une influence durable parce que la puissance de son art n’est point violente, — ni même toujours très apparente, — mais qu’elle tient à une observation profonde de l’âme humaine et des mouvements du cœur, M. […] Entre toutes, je dois rendre hommage, ici même, à l’art probe et délicat de Mme Th. […] Mais il y avait, en outre, dans le tempérament de ce délicat et laborieux écrivain, une sève romanesque qui s’est heureusement répandue en des œuvres idéalistes très remarquables comme l’Obstacle, Un remords, Constance, Jacqueline, Tony, À Trianon et surtout Au-dessus de l’abîme, dont le souvenir est demeuré, je n’en doute point, très présent aux lecteurs de la Revue.
L’Académie, ainsi que le disait très bien M. de Carné dans un rapport préparatoire, que je regrette de ne pouvoir vous présenter, car il vous dispenserait du mien, — l’Académie a à se défendre tantôt des dossiers trop informes, des renseignements trop naïfs et trop primitifs, tantôt au contraire des Mémoires trop bien faits : ceci est plus délicat. […] Ici le Mémoire très bien fait que j’ai sous les yeux, et qui émane évidemment d’une plume distinguée autant que d’une belle âme, a cru devoir entrer dans des détails précis, circonstanciés, sur les rebuts et les dégoûts inhérents à la pratique de la charité : je me garderai de le suivre ; nous sommes pour cela trop délicats. […] Le rôle de mari de femme de lettres, de femme artiste, est sans doute délicat à porter : La gloire d’une épouse est un pesant fardeau.
Certains côtés délicats et sensibles auraient pu être touchés avec art ; mais l’écrivain, pur épicurien, n’y est pas arrivé encore. […] Les parties moins délicates au moral lui reviennent mieux. […] Il l’a été principalement dans Eugénie Grandet, et il s’en faut de bien peu que cette charmante histoire ne soit un chef-d’œuvre, — oui, un chef-d’œuvre qui se classerait à côté de tout ce qu’il y a de mieux et de plus délicat parmi les romans en un volume.
Montaigne, encore ici, s’est défini excellemment : « Le parler que j’aime, c’est un parler simple et naïf, tel sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré ; non tant délicat et peigné, comme véhément et brusque ; plutôt difficile qu’ennuyeux ; éloigné d’affectation, déréglé, décousu et hardi ; chaque lopin y fasse son corps ; non pédantesque, non fratesque, non plaideresque, mais plutôt soldatesque238. » 2. […] Voilà la morale de Montaigne, un art de vivre aisément, délicieusement, un épicurisme pratique qui applique où il faut certaines parties de fermeté et d’endurance, un égoïsme délicat, qui n’exclut aucune affection, et ne se dévoue à aucune. […] La conscience et la raison sont les pièces principales de cette délicate machine, dont l’éducation monte les ressorts pour la vie.
Il a une propriété, une vivacité singulières d’expression : plus de corps et de couleur que de délicate élégance, de la vigueur même dans la finesse ; de longues périodes chargées d’incidentes et de participes, un large emploi des pronoms, souvent bien éloignés du nom qu’ils ont charge de suggérer, des archaïsmes, de libres tournures : à ces dernières marques surtout, on reconnaît un style formé avant les Provinciales. […] Il convient de faire une place au roi354, qui dans ses Mémoires et dans ses Lettres, se montre à son avantage, avec son sens droit et ferme, son application soutenue aux affaires, sa science délicate du commandement : une intelligence solide et moyenne, sans hauteur philosophique, sans puissance poétique, beaucoup de sérieux, de dignité, de simplicité, une exquise mesure de ton et une exacte justesse de langage, voilà les qualités par lesquelles Louis XIV a pesé sur la littérature, et salutairement pesé. […] Elle réduisit le roman héroïque en dix tomes de Mlle de Scudéry à des proportions plus délicates et à des sentiments plus humains.
Les fragments dont il est question, l’une inspiration magnifique et nouvelle, avaient l’accent d’une personnalité si rare, qu’ils frappèrent également les esprits puissants et les esprits délicats. […] II Pour qui croit à la forte influence de la race sur le caractère, le génie et la beauté des hommes (et je suis de ceux qui ont cette faiblesse, il ne sera pas indifférent de savoir quelle fut cette famille de Guérin qui a fini par deux poëtes, le frère et la sœur. « Les chroniques de notre maison nous disent de race vénitienne », a écrit Mlle Eugénie, avec cette plume de cygne croisé d’aigle que ses doigts délicats tiennent parfois si droite et si ferme, et qui aurait écrit l’histoire aussi bien qu’autre chose. […] Les circonstances qui avaient renfermé son père, comme un patriarche, dans la culture de sa maigre vigne, arrêtèrent Mlle Eugénie sur la pente où la délicate originalité de son esprit se fût compromise ; car des lectures nombreuses et variées en eussent certainement altéré la nuance virginale, si elles lui eussent été faciles.
Il faut l’entendre, au sortir de ce beau fleuve romain et cicéronien où il vient de s’abreuver pour la centième fois, célébrer cette ampleur et cette finesse de parole, cette transparence lumineuse, cette riche abondance de mots, et cet art savant qui les épand si nombreux, si faciles sans qu’il y en ait jamais un d’inutile ou de perdu : Quand on se laisse simplement entraîner, dit-il, par la lecture, c’est une musique délicieuse qui vous flatte : l’esprit sent la justesse des accords sans se rendre un compte exact de son plaisir, et ne fait qu’apercevoir instinctivement une nuance délicate de la pensée sous chacune des expressions dont la phrase s’embellit. […] Depuis ce jour-là, je dis de M. de Sacy, qu’il est le sens commun le plus délicat de l’Académie, puisqu’il a été malade d’une sotte chose. — On le voit assez, chez M. de Sacy, la personne et les écrits sont dans un parfait accord ; l’homme est d’une pièce.
Les esprits curieux et libres, les esprits délicats et fins, sont enclins à ne pas goûter Bossuet, et ils ont leurs raisons pour cette antipathie. […] Et montrant de plus, au sujet de la controverse avec Leibnitz, que Bossuet n’était entré, à aucun moment, dans l’esprit même de cet essai de conciliation chrétienne supérieure et avait prolongé, sans paraître s’en douter, un malentendu perpétuel, il se risquait à dire que cela donnait quasi raison à certains critiques délicats « qui trouvent à Bossuet l’imagination d’Homère et point d’esprit ».
L’âme, l’inspiration de toute saine critique, réside dans le sentiment et l’amour de la vérité : entendre dire une chose fausse, entendre louer ou seulement lire un livre sophistique, une œuvre quelconque d’un art factice, cela fait mal et blesse l’esprit sain, comme une fausse note pour une oreille délicate ; cela va même jusqu’à irriter certaines natures chez qui la sensibilité pénètre à point dans la raison et vient comme aiguiser celle-ci en s’y tempérant. […] de moins en moins sentie, et qui a fait le charme des plus délicats parmi les hommes.
D’un côté : « … Ces maladies, dit Xavier Aubryet, qui, malheureusement peut-être pour leurs victimes, avivent plutôt qu’elles n’éteignent le foyer de la pensée, comme si le corps en se consumant fournissait plus d’aliments à la flamme intellectuelle. »45 Cette lucidité volontiers s’extériorise, devenant pour le patient sujet délicat et favori de conversation. […] Outre qu’il est souvent délicat de déterminer où finit l’expérimentation sincère — et commence l’habitude naissante, — il se trouve dans la hiérarchie par degré d’intellectualité des intoxications, des modes stériles, — les uns par amnésie subséquente (alcool) — les autres par sécheresse, infécondité spécifique (nicotine)58.
Mais dans nos assemblées, où toutes les invectives étaient admises contre tous les caractères, qui aurait saisi la nuance délicate des expressions de Cicéron ? […] Une âme délicate éprouve une sorte de dégoût pour la langue dont les expressions se trouvent dans les écrits de pareils hommes.
Surtout quand il s’agit de vérités morales ou littéraires, on opère sur des faits plus complexes, sur une réalité moins précise, sur des principes moins absolus, et il est souvent fort délicat de retenir le fil de son raisonnement. […] Il faudra apporter de nombreux et saisissants exemples de justes et fécondes insurrections ; il faudra faire un choix délicat de circonstances dans le récit des faits reprochés à Norbanus.
Il a fait la critique de lui-même, dans ce roman de Dominique (1863) qui est, en dehors de toutes les écoles, une des œuvres excellentes du roman contemporain : dans une forme impersonnelle, avec une délicate psychologie, il a mis les doutes, les amertumes, le renoncement final de l’homme qui a essayé de créer et qui a jugé sa création médiocre. […] Devant une Adoration des mages, c’est Rubens ; devant la Leçon d’anatomie, c’est Rembrandt que ce délicat critique découvre : eux-mêmes en ce qui les fait être eux et non autres, eux-mêmes, et non seulement la définition de l’art flamand ou de fart hollandais.
Cependant, si l’on considère l’homme, que l’écrivain fait deviner, on voit que sa marque est la recherche constante de tous les plaisirs délicats. […] Si les hommes savaient encore aimer les femmes, si les femmes connaissaient leur rôle et s’y tenaient pour le remplir tout entier, on aurait une cité idéale, fondée sur la plus délicate interprétation des bonnes lois de nature.
Ce magicien-roi qui sait tout, à qui toutes les époques et tous les personnages de l’histoire sont familiers, et qui ressuscite les Égyptiennes du temps de Moïse, aussi bien que la lydienne Omphale, a trop souvent caché, derrière son manteau de pourpre, le ferme et délicat rimeur, d’une pureté antique et d’une idéale délicatesse, qui, pareil à un statuaire grec, ne livre pas son Âme, et pudiquement la laisse deviner à peine sous les blancheurs du marbre sacré. […] Il vous citera toujours un ouvrage très court, un sonnet, ou la Symphonie en blanc majeur, qui est exquise, ou Fatuité, qui est magnifique, ou Pastel, qui est d’un sentiment délicat et d’une exécution parfaite.
vous qui m’entendez, qui possedez ce sentiment rare, ce tact fin & délicat, ce feu subtil inconnu, vous me dispenserez de définir ce que vous sentez avec transport. […] Active imagination, tu es la source & la gardienne de nos plaisirs ; ce n’est qu’à toi que nous devons l’agréable illusion qui nous flatte ; tu sçais fournir à notre cœur les plaisirs dont il a besoin ; tu rappelles nos voluptés passées, & tu nous fais jouir de celles que l’avenir nous promet ; tu plais sur-tout à l’esprit ; c’est ta flamme subtile & légere qui colore & les Cieux & la terre & les Mers ; sans toi l’ame se refroidit, la fleur la plus précieuse de notre sensibilité tombe, se fanne, & tous les charmes de la vie disparoissent ; tu distingues dans les Arts celui qui est né avec du génie ; la pensée la plus profonde s’évanouit, si elle n’est revêtue de tes couleurs ; tu as peut-être découvert plus de vérités que la raison même, car tu joins la force à l’agrément, la persuasion à l’autorité ; tout ce qui est vif, délicat, riant est de ton ressort ; oui, tu es le miroir heureux où se peignent, se multiplient, s’embellissent tous les objets de la Nature.
Elles sont fines, sensées, raisonnables, pleines d’une délicate critique ; elles se lisent avec agrément aux heures de loisir, mais elles n’ont rien de ferme et d’original, rien qui sente l’humanité militante, rien qui approche des œuvres hardies de ces âges extraordinaires où tous les éléments de l’humanité en ébullition apparaissent tour à tour à la surface. […] La poésie devint égoïste et n’eut plus de valeur que comme accompagnement délicat du plaisir, l’origina-lité fut déplacée.
Mais, en même temps que le cœur saigne et que l’imagination se flétrit, on est consolé pourtant de se sentir pour compagnon et pour guide un guerrier modeste, ferme et humain, en qui les sentiments délicats dans leur fleur ont su résister aux plus cruelles épreuves. […] Tous ces sentiments élevés et délicats, ces belles qualités, ces vertus sociales inculquées dès l’enfance, transmises par les générations, et qui semblent le noble apanage de l’homme civilisé, l’amour de la patrie, de la gloire, l’honneur, le dévouement aux siens, l’amitié, tout cela peu à peu s’obscurcit et s’affaiblit jusqu’à s’abolir.
Est-ce avec de pareils procédés que l’on peut fonder une science aussi délicate que celle de la physiologie de la pensée ? […] Il a montré qu’il n’y a pas une seule des émotions ou affections qui ne retentisse dans le cœur, et que les plus fugitives, les plus délicates impressions du cerveau se traduisent en altérations des battements du cœur.
Je vous en atteste vous, mon ami, et vous, fin et délicat Suard ; vous, chaud et bouillant Arnaud ; vous, original, savant, profond et plaisant Galiani. […] Mais je vais vous développer par un ou deux exemples le fil secret et délié qui les a conduits dans le choix délicat de leurs accessoires.