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1689. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la loi sur la presse »

Grâce à cet amendement improvisé, qui a passé dans la loi, le Français est considéré et traité comme un petit monsieur de qualité qui n’oserait sortir en plein air de peur de s’enrhumer, tandis que les autres nations, un Américain, un Suisse, un Belge, un Anglais, tous gens à la peau moins douillette, se moquent du chaud et du froid et bravent les intempéries des saisons.

1690. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Elle résolut, non de les nier, mais de les tourner, et de montrer une voie générale de salut, qui fît marcher au ciel par toutes les voies ; elle n’écartait pas le christianisme, elle l’ouvrait plus large à plus de fidèles ; elle considérait le Christ comme l’Homme-Dieu qui, participant à toute la nature humaine pour la réhabiliter en lui, fut affranchi de tout ce que l’humanité a de vicieux, rédempteur dont l’humanité aurait pu se passer si elle avait conservé sa pureté originelle et la religion naturelle bien gravée dans sa conscience.

1691. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIVe entretien. Mélanges »

Dès ce jour, M. de Genoude fut considéré comme un transfuge qui passait des bras de la Piété dans les bras de l’Amour.

1692. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre I. La littérature pendant la Révolution et l’Empire — Chapitre IV. Chateaubriand »

Car, du moment qu’il s’agit du catholicisme et non du déisme, la démonstration baroque devient une association d’idées singulièrement efficace, lorsque du domaine de l’abstraction on passe aux réalités concrètes, lorsque l’on considère l’homme vivant, le Français de 1800.

1693. (1911) Enquête sur la question du latin (Les Marges)

Mais laissons la plaisanterie, et déplorons, une fois de plus, que notre pays soit infecté par la politique à tel point que toute question d’intérêt national y soit immédiatement considérée comme une affaire de parti.

1694. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre deuxième »

La Réforme, considérée comme la renaissance de l’antiquité chrétienne, eut peu d’influence sur l’esprit de Rabelais.

1695. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Ils regrettaient le passé, parce qu’ils s’y voyaient en idée plus considérés et plus puissants.

1696. (1890) L’avenir de la science « VIII » p. 200

Ajoutons que les rapports des mots changent avec les révolutions des choses et que, dans l’appréciation de leur sens, il ne faut considérer que le centre des notions, sans chercher à enclaver ces notions dans des formules qui ne leur seront jamais parfaitement équivalentes.

1697. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 janvier 1886. »

Houston Stewart Chamberlain Le système harmonique de Richard Wagner63 Si l’on ouvre pour la première fois l’une ou l’autre de ces volumineuses partitions qui s’appellent Tristan, les Maîtres chanteurs, l’Anneau du Nibelung ou Parsifal, on considère d’abord avec étonnement, avec effroi même, ces pages noires de notes, ces portées où grimace la silhouette inédite de traits compliqués et bizarres, ce fouillis où s’entassent dièses, bémols, points, syncopes, tous les signes enfin propres à traduire sur le papier la pensée du compositeur, signes d’autant plus nombreux que la pensée est plus raffinée.

1698. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Ensuite, comme le dit Wagner, « quelle épouvantable bizarrerie de voir qu’on considère comme décourageants les résultats d’une philosophie qui est basée sur la morale la plus parfaite » (X, 329).

1699. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « II »

Presque tous ceux qui s’occupent aujourd’hui de Wagner, le considèrent comme un artiste puissant, inventeur de nouveaux procédés qui rendent ses drames meilleurs que ceux des auteurs précédents.

1700. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Bizet) ajoute positivement : « Ce que je sais, c’est que Latouche s’est plusieurs fois vanté devant moi d’avoir fait supprimer le journal, action qu’il considérait comme l’une des plus belles de sa vie. » Or, cette disposition est ici ce qui importe bien plus que le fait lui-même.

1701. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

* * * — C’est curieux le mépris de la vieille Grèce pour la Rome du temps d’Auguste, pour la Rome polie, considérée par elle comme barbare, et dont ni Lucien, ni Denys d’Halicarnasse qui parla si bien des choses romaines, n’osent mentionner les poètes et les artistes : mépris d’une douce civilisation pour un peuple de soldats, et dont nous avons la délicate traduction dans ce refus d’une courtisane de coucher avec un fanfaron guerrier, se figurant coucher avec le bourreau.

1702. (1913) La Fontaine « II. Son caractère. »

Au défaut, je fus longtemps à considérer la porte et me fis conter la manière dont le prisonnier était gardé.

1703. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Mais nous voyons par là qu’une bonne part de la réputation consacrée de Massillon n’est faite que de ses défauts mêmes, ou du moins de tout ce que le xviiie  siècle a commis de regrettables erreurs sur le style considéré, non pas comme indépendant de la pensée peut-être, mais à tout le moins comme extérieur à elle. […] » Considérez maintenant la place que ces artifices de langage occupent dans le discours. […] Je pourrais aisément multiplier les exemples : je me contenterai d’un dernier que j’emprunte au sermon Sur l’enfant prodigue, et que l’on peut considérer comme le modèle de ses énumérations historiques. […] Mais daignez considérer ma situation. […] Considérez seulement la distance franchie dans le passage de la mosaïque à la fresque, et de la fresque à la peinture à l’huile.

1704. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CLe entretien. Molière »

Je la considérai comme une personne de qui tout le mérite est dans l’innocence, et qui, par cette raison, n’en conservait plus depuis son infidélité. […] Ma passion est venue à un tel point, qu’elle va jusqu’à entrer avec compassion dans ses intérêts ; et quand je considère combien il m’est impossible de vaincre ce que je sens pour elle, je me dis en même temps qu’elle a peut-être une même difficulté à détruire le penchant qu’elle a d’être coquette, et je me trouve plus dans la disposition de la plaindre que de la blâmer.

1705. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

” » Mercredi 23 décembre Le malheur de n’avoir pas les nerfs assez bien portants, pour traiter la vie avec le mépris qu’on a pour une charge, pour une blague, pour une mauvaise plaisanterie, et de considérer les embêtements qui ne sont pas des pertes de gens aimés, ou même des révolutions absolues de votre position sociale, — de les considérer comme de bénins coups de pied au cul, qu’on recevrait dans une pantomime sur un théâtre des Funambules de société.

1706. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1888 » pp. 231-328

Mais enfin l’assommement a été au-delà de ce que je supposais : l’homme qui a fait les dessins de Vireloque, a été considéré comme un illustrateur pour confiseur. […] Vous avez été toujours, Monsieur, un étonnement pour moi, par le bouleversement, que vous avez porté dans la conception que je m’étais faite du normalien, car je dois vous l’avouer, je voyais dans le normalien, un homme tout nourri des beautés et des délicatesses des littératures grecque et latine, et allant dans notre littérature, aux œuvres d’hommes, s’efforçant d’apporter, autant qu’il était en leur pouvoir, des qualités semblables, et tout d’abord une qualité de style, qui, dans toutes les littératures de tous les temps et de tous les pays, a été considérée comme la qualité maîtresse de l’art dramatique.

1707. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

* Toutes choses considérées, connaissant l’homme depuis un demi-siècle, l’ayant ouï plus d’une fois parler et prêcher, ayant lu ses livres aussi longtemps qu’ils n’ont pas été le même livre avec des titres différents, je commence à croire que, sauf dans le lyrique qu’il a de génie, dans l’érotique où il écrit d’abondance de cœur, dans la satire où il a l’ongle, la dent et le venin, ce grand chanteur le plus souvent chante faux. […] Une autre, dans le même temps, marie son fils dans une famille considérée et prospère, à une belle jeune fille qui a appris le devoir comme on apprend les choses dont on a la vocation. […] Les considérer comme les agents nécessaires des affaires humaines, et, tantôt par le concours, tantôt par la critique modérée, les aider dans leur tâche ; honorer, dans ce qu’ils l’ont pour le bien public, moins leur intention que la loi d’ordre divin qui le leur fait vouloir ; et quand ils veulent le contraire, loin d’en être surpris, s’y tenir tout préparés, et avoir des mœurs publiques pour leur faire échec. […] J’y ai trouvé, à la fois, la liberté d’esprit et l’émulation nécessaire pour achever ce que l’indulgence de bons juges m’a permis de considérer comme le plus solide de mes écrits, l’Histoire de la Littérature française.

1708. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Considérons de près les extorsions dont il souffre ; elles sont énormes et au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer.

1709. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIIe entretien. Poésie lyrique » pp. 161-223

Pauvre enfant d’une veuve presque mendiante, recueilli par charité dans le château, il se considérait comme si subalterne, en naissance, en rang, en esprit, à tout le monde dans la ferme et à tous les jeunes garçons des deux villages voisins, qu’il aurait regardé comme un sacrilège de penser seulement à courtiser honnêtement cette belle jeune fille, objet de tous les regards et de toutes les ambitions de ses camarades.

1710. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Les papes, humainement considérés, sont une dualité dans un même homme : comme pontifes, ils représentent un principe religieux aussi durable que la foi qui s’attache à leur mission surnaturelle ; comme souverains, ils représentent un prince électif possédant de droit immémorial la ville et l’État romain au centre de l’Italie.

1711. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXIXe entretien. Tacite (2e partie) » pp. 105-184

Telle est la nature humaine, que l’on considère d’un regard malveillant la récente fortune d’autrui.

1712. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXIXe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin (2e partie) » pp. 321-384

C’était doux à considérer, et à se représenter l’épanchement de l’amitié dans ces deux petites fleurettes.

1713. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

On le considéra comme un déclamateur éloquent et habile, au lieu de le respecter comme un chrétien converti et convaincu.

1714. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

Le romantisme lyrique, considéré comme l’expansion d’une sentimentalité effrénée et de tous ces états extrêmes dont Chateaubriand et Byron donnèrent les modèles, s’exprima surtout dans le roman par George Sand818.

1715. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

Etre convaincu que toute émotion est vaine ou malfaisante, sinon celle qui procède de l’idée de la beauté extérieure ; regarder et traduire de préférence les formes de la Nature inconsciente ou l’aspect matériel des mœurs et des civilisations ; faire parler les passions des hommes d’autrefois en leur prêtant le langage qu’elles ont dû avoir et sans jamais y mettre, comme fait le poète tragique, une part de son cœur, si bien que leurs discours gardent quelque chose de lointain et que le fond nous en reste étranger ; considérer le monde comme un déroulement de tableaux vivants ; se désintéresser de ce qui peut être dessous et en même temps, ironie singulière, s’attacher (toujours par le dehors) aux drames provoqués par les diverses explications de ce « dessous » mystérieux ; n’extraire de la « nuance » des phénomènes que la beauté qui résulte du jeu des forces et de la combinaison des lignes et des couleurs ; planer au-dessus de tout cela comme un dieu à qui cela est égal et qui connaît le néant du monde : savez-vous bien que cela n’est point dépourvu d’intérêt, que l’effort en est sublime, que cet orgueil est bien d’un homme, qu’on le comprend et qu’on s’y associe ?

1716. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

L’Allemagne regarde Goethe comme le plus grand artiste de forme des temps modernes ; son style, particulièrement dans Werther, est considéré comme le type de la perfection classique : et pourtant il a passé longtemps pour certain en France que le style de Werther était aussi bizarre, aussi alambiqué, que les sentiments en étaient étranges.

1717. (1920) Enquête : Pourquoi aucun des grands poètes de langue française n’est-il du Midi ? (Les Marges)

Chaumié se refuse à considérer Chénier comme provençal, la Normandie se refuse à son tour à l’abandon de Clément Marot, né à Cahors, il est vrai, mais d’un père normand.

1718. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre sixième. »

Il était conseiller au parlement de Bordeaux à l’âge de 21 ans ; plus tard, gentilhomme de la chambre du roi Charles IX ; du reste, n’ayant pas connu l’ambition, dont sa fortune le dispensait ou, s’il en sentit un moment les atteintes dans sa jeunesse, s’en étant bientôt défait, « avec le conseil de ses bons amis du temps passé », y dit-il, et parce que l’ambition n’est convenable « qu’à celui à qui lafortune refuse de quoi planter son pied146. » Mais s’il n’en connut pas le principal mobile, il en put du moins considérer les objets d’assez près pour en porter des jugements purs d’illusions et de préventions.

1719. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Les idées de de Maistre sur la papauté ont, à l’heure même où j’écris, l’éclatante fortune de faire réfléchir bien des esprits et de remuer bien des consciences, et sa théorie des révolutions, considérées comme des expiations publiques, où ceux qui tuent n’innocentent pas ceux qui sont tués, est une leçon qui n’est pas près de perdre de son à-propos.

1720. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

C’est le caractère d’un écrivain, sa nature, qu’il faut considérer, et non pas sa pensée.

1721. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Mais je vous prie de considérer, à présent que Richard Wagner n’a pas seulement doté sa patrie de chefs-d’œuvre nationaux : il a donné le branle à l’universelle logique de la scène en ce qui touche la musique, Or, je ne vois, malheureusement, pas qu’on s’y soit abandonné jusqu’ici franchement.

1722. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

Si nous considérons chez maints modernes compositeurs allemands, le désordre sans bornes, le gâchis des formes, par lesquelles si souvent ils nous gâtent la joie de beaucoup de beautés isolées, nous désirerions bien voir ces pelotes enchevêtrées mises en ordre par cette forme italienne fixe ; et en effet, si elle est, avec tous ses sentiments et sensations, entièrement coordonnée et saisie d’un ferme trait en une claire et convenante mélodie, l’instantanée et simple compréhension de toute une passion sera de beaucoup plus facile, que lorsque, par mille petits commentaires, par telle ou telle autre, nuance d’harmonie, par le timbre de tel instrument ou de tel autre elle aura été cachée et à la fin tout à fait subtilisée.

1723. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

, je n’estime pas beaucoup meilleur le volume, mais je le regarde, ainsi que Mme Sand m’a appris à le considérer, comme un intéressant embryon de nos romans de plus tard, comme un premier livre, contenant très curieusement en germe, les qualités et les défauts de notre talent, lors de sa complète formation, — en un mot, comme une curiosité littéraire, qui peut être l’amusement et l’instruction de quelques-uns.

1724. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Division dramatique. » pp. 64-109

Ce récit des acteurs, interposé entre les chants du chœur, étant distribué en plusieurs morceaux différents, on peut le considérer comme un seul épisode composé de plusieurs parties ; à moins qu’on n’aime mieux donner à chacune de ses parties le nom d’épisode.

1725. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XIII] »

» Je ne considère pas seulement Louis XIV parce qu’il a fait du bien aux Français, mais parce qu’il a fait du bien aux hommes : c’est comme homme, et non comme sujet que j’écris ; je veux peindre le dernier siècle, et non pas simplement un prince.

1726. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Villemain » pp. 1-41

c’est lui qui se croit menacé dans la personne de la littérature, parce qu’au rebours d’exorbitantes prétentions trop longtemps soutenues, la littérature n’est plus considérée maintenant comme la première des forces sociales !

1727. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari, à ne la considérer que comme une histoire, en dehors de toute théorie philosophique et sans le point de vue supérieur de sa conclusion.

1728. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Joseph Hudault, toutefois, ne considère pas seulement sa vocation propre ; il y a aussi la vocation de la France.

1729. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

Presque toutes les difficultés de la vie viennent de ce sentiment de l’homme qui ne veut pas se considérer comme un être fait pour le viager, mais qui se prend pour le propriétaire éternel des choses et des créatures. […] Il remue avec joie tout son vestiaire de mascarade orientale, et le voilà se costumant, et montrant, sous le tarbouch, une tête de Turc magnifique, avec ses traits énergiques, son teint sanguin, ses longues moustaches tombantes… et du fond de ses loques colorées, il finit par retirer, en soupirant, la vieille culotte de peau de ses longues chevauchées, une culotte de peau toute ratatinée, — et qu’il considère avec l’attendrissement d’un serpent qui contemplerait sa vieille peau.

1730. (1857) Causeries du samedi. Deuxième série des Causeries littéraires pp. 1-402

Considérée en elle-même, cette méthode, ou plutôt cette manie, est déplorable. […] Il dit vrai : ç’a été le malheur de la France, au milieu de tant de grandeurs et de gloires, que sa noblesse n’y ait jamais formé une aristocratie proprement dite, mais que la royauté, après l’avoir, pendant plusieurs siècles, considérée comme une rivale, après s’être justement effrayée de ses prétentions et de sa turbulence, ait dû, à sa période de parfaite éducation royale, la débiliter pour s’affermir, et asseoir sa majesté solitaire sur les débris des grandes races féodales. […] La philosophie du dernier siècle et cette épidémie d’irréligion qu’elle répandit sur la France, ce n’était pas seulement une attaque contre l’Église considérée comme puissance séculière, contre le clergé à l’état de corps politique. […] Voici cette belle page ; elle donnera une idée de ce style nerveux, concis, où la lumière et le jour éclairent des profondeurs au lieu de faire chatoyer des surfaces : « Quand je considère cette nation elle-même, je la trouve plus extraordinaire qu’aucun des événements de son histoire, En a-t-il jamais paru sur la terre une seule qui fût si remplie de contrastes et si extrême dans chacun de ses actes, plus conduite par des sensations, moins par des principes ; faisant ainsi toujours plus mal ou mieux qu’on ne s’y attendait, tantôt au-dessous du niveau commun de l’humanité, tantôt fort au-dessus ; un peuple tellement inaltérable dans ses principaux instincts, qu’on le reconnaît encore dans des portraits qui ont été faits de lui il y a deux ou trois mille ans, et en même temps tellement mobile dans ses pensées journalières et dans ses goûts, qu’il finit par se devenir un spectacle inattendu à lui-même, et demeure souvent aussi surpris que les étrangers à la vue de ce qu’il vient de faire ; le plus casanier et le plus routinier de tous quand on l’abandonne à lui-même, et, lorsque une fois on l’a arraché malgré lui à son logis et à ses habitudes, prêt à pousser jusqu’au bout du monde et à tout oser ; indocile par tempérament, et s’accommodant mieux toutefois de l’empire arbitraire et même violent d’un prince que du gouvernement régulier et libre des principaux citoyens ; aujourd’hui l’ennemi déclaré de toute obéissance, demain mettant à servir une sorte de passion que les nations les mieux douées pour la servitude ne peuvent atteindre ; conduit par un fil tant que personne ne résiste, ingouvernable dès que l’exemple de la résistance est donné quelque part ; trompant toujours ainsi ses maîtres, qui le craignent trop ou trop peu ; jamais si libre qu’il faille désespérer de l’asservir, ni si asservi qu’il ne puisse encore briser le joug ; apte à tout, mais n’excellant que dans la guerre ; adorateur du hasard, de la force, du succès, de l’éclat et du bruit, plus que de la vraie gloire ; plus capable d’héroïsme que de vertu, de génie que de bon sens, propre à concevoir d’immenses desseins plutôt qu’à parachever de grandes entreprises ; la plus brillante et la plus dangereuse des nations de l’Europe, la mieux faite pour y devenir tout à tour un objet d’admiration, de haine, de pitié, de terreur, mais jamais d’indifférence ?  […] Il faut se méfier de cette façon sommaire et expéditive de considérer les hommes et les choses d’une époque.

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