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1637. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Appendice » pp. 453-463

et la revoyant quelquefois ; et là, dans la paix, dans le silence, mûrissant quelques beaux fruits préférés, résumant dans quelque livre choisi, et qu’on ne recommence pas, les trésors de son imagination ou de son cœur, ou, comme Montaigne, le suc le plus exquis de ses lectures et de son étude ! […] On a cru couronner dans l’auteur de cette pièce (et on ne s’est point non plus trompé) un homme de talent et de sentiment, doué de fierté de cœur, une âme qui a souffert et qui s’y est aguerrie. […] Il y a, à cet endroit, de fort belles strophes, et qui expriment énergiquement la protestation de l’antique frugalité à la vue des poursuivants modernes de la richesse et des adorateurs du veau d’or ; j’en veux citer une seule, qui a bien du souffle et de la verdeur : Généreuse aristocratie Des grands cœurs sur terre envoyés, Ô Caton, ô La Boëtie, Fiers de vos indigents foyers !

1638. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

C’était le séjour le plus commode à une idée unique, à un culte de l’imagination ou du cœur, et j’en avais sous les yeux trois ou quatre existant ensemble, d’un ordre tout différent. […] Ces moqueries lui sortent d’abondance de cœur et se versent sur des classes entières, qui ont leurs infirmités sans doute et leurs ridicules, mais qui pourraient le rendre à la communion adverse. […] Autrement, vous vous exposez à ce qu’on vous accuse, comme on l’a fait, d’être encore moins un cœur et un esprit qui se soucie de la vérité, qu’un tempérament quise satisfait, un talent puissant et à jeun qui cherchepartout sa pâture.

1639. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Avant son intervention cependant et son installation au cœur du sujet, pour persuader aux hommes instruits qui sont entrés dans la pensée de cette édition nouvelle, qu’elle était importante, qu’elle était indispensable, qu’il ne s’agissait pas seulement de quelques points à rectifier çà et là, mais qu’il y avait lieu, en effet, à une réparation et presque à une restitution continue, il a fallu bien des instances, bien des pas et bien des paroles (je le sais, moi qui en ai été quelquefois le porteur et le messager), il a fallu montrer à l’avance bien des passages et des exemples comme preuve décisive de l’étendue du ravage et du mal profond qu’on avait à réparer. […] quand on trouve en son cœur toutes les préférences, et que rien n’est en comparaison, de quoi pourrait-on donner de la jalousie à la jalousie même ? […] Ce petit baron ou marquis de Sévigné est un aimable étourdi, d’un cœur excellent, qui a de la grâce de sa mère, et non de sa solidité qu’il a laissée à Mme de Grignan.

1640. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. »

M. et Mme de Senfft, en effet, « — cette dernière toujours portée par l’impulsion de son cœur du côté de la moins bonne fortune d’où tant d’autres sont tentés de se retirer, — se rapprochèrent davantage alors du prince de Talleyrand à qui ce mouvement n’échappa point, et avec lequel leurs relations n’ont plus jamais varié dans les retours de faveur et de disgrâce qu’il a éprouves dans la suite. […] Dans le cas présent il va se trouver engagé à continuer de représenter à Paris un souverain qui aura une autre inclination et inspiration politique que la sienne ; il va passer, même à Dresde et dans son pays, pour un partisan du système français, sans l’être pour cela devenu, et en ayant au cœur une politique toute différente. […] Il avait des connaissances et de l’aptitude au travail ; mais il manquait quelquefois de ce calme d’une tète froide qui ne se laisse point accabler sous le poids des affaires, et son âme n’était pas de la trempe qu’il aurait fallu pour soutenir toujours les mouvements nobles et justes de son cœur contre les volontés absolues de son maître.

1641. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Je ne sais rien de plus significatif à cet égard qu’une lettre du roi de Westphalie Jérôme, à son frère, écrite à la date du 5 décembre 1811, et qui exprime, qui résume la situation vraie, telle qu’elle se dessinait aux yeux d’un frère dévoué de l’Empereur, placé au cœur même de la difficulté, au centre du péril : « Sire, écrivait le roi Jérôme, établi dans une position qui me rend la sentinelle avancée de la France, porté par inclination et par devoir à surveiller tout ce qui peut donner atteinte aux intérêts de Votre Majesté, je pense qu’il est convenable et nécessaire que je l’informe avec franchise de tout ce que j’aperçois autour de moi. […] Aussi n’y eut-il aucun ami, et outre le scandale d’un divorce (qu’il avait causé)…, ses faits et gestes s’y bornèrent à diriger l’espionnage de tout ce qui se passait en Russie, dans le sens qu’il croyait convenir le mieux aux idées de l’Empereur et du duc de Bassano, mais faisant en même temps germer de plus en plus dans les cœurs polonais la défiance et le mécontentement contre Ja France. […] Quoi qu’il en soit, l’effet de cette séance d’ouverture fut grand ; la proclamation des mots sacrés et chéris qui déclaraient l’ancienne patrie existante et revivante, enleva tous les cœurs.

1642. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Le séjour au château de Silly chez une amie d’enfance, l’arrivée du jeune marquis, son indifférence naturelle, la scène de la charmille entre les deux jeunes filles qu’il entend sans être vu, sa curiosité qui s’éveille bien plus que son désir, l’émotion de celle qui s’en croit l’objet, son empire toutefois sur elle-même, la promenade en tête à tête où l’astronomie vient si à propos, et cette jeune âme qui goûte l’austère douceur de se maîtriser, cette suite légère compose tout un roman touchant et simple, un de ces souvenirs qui ne se rencontrent qu’une fois dans la vie, et où le cœur lassé se repose toujours avec une nouvelle fraîcheur. […] Vous n’êtes pas fait pour vivre sans passions ; de légers amusements ne peuvent nourrir un cœur aussi dévorant que le vôtre. […] au moment où elle apprécie le mieux le dévouement et les mérites du pauvre Maisonrouge, c’est l’autre encore qu’elle regrette ; avec une âme si ferme, avec un esprit si supérieur, misérable jouet d’une indigne passion, elle fuit qui la cherche, et cherche qui la fuit, selon l’éternel imbroglio du cœur.

1643. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre V. La Fontaine »

C’est le cas de La Fontaine ; il a le cœur primesautier, et le sentiment peut tout sur ce grand enfant ingénu. […] J’aime le jeu, l’amour, les livres, la musique, La ville et la campagne, enfin tout : il n’est rien Qui ne me soit souverain bien, Jusqu’aux sombres plaisirs d’un cœur mélancolique. […] Mais le bonhomme avait son idée : il ne se voyait pas savant, mais poète et artiste, et derrière chaque vérité conçue par son esprit il sentait se lever toutes les émotions de son cœur, toutes les images de ses sensations.

1644. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre II. Le mouvement romantique »

« Les passions de l’âme et les affections du cœur, disait Hegel, ne sont matière de pensée poétique que dans ce qu’elles ont de général, de solide, et d’éternel. » Aussi le grand, le puissant lyrisme n’est-il pas celui par où le poète se distingue de tout le monde, mais celui qui en fait le représentant de l’humanité. […] si je suis capable de création lyrique, je la cherche dans tous les battements de mon cœur, dans tous les aspects de la nature. […] En Allemagne, Schiller (mort en 1805) avait produit toute son œuvre, et Goethe avait donné son premier Faust, si complexe d’inspiration et si peu classique de forme : puis avaient poussé les fantaisies romantiques, sentimentales, vagues, déconcertantes souvent pour l’esprit et troublantes pour le cœur, avec Novalis, Tieck, et autres.

1645. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le cardinal de Retz. (Mémoires, édition Champollion.) » pp. 238-254

Lors des conférences multipliées qu’il eut de nuit au Palais-Royal et ailleurs avec la reine, il est à croire que dans ces oratoires mystérieux, où elle le recevait pour conférer plus librement, il essaya s’il ne pourrait pas intéresser en elle la femme ; qu’il regarda souvent ses belles mains, dont Mme de Motteville nous a parlé ; qu’il eut l’air par instants rêveur et distrait aux questions mêmes de la politique ; mais la coquetterie de la reine ne prit pas à ce manège ; son cœur était fixé. […] Ce cœur que rien ne peut vaincre, cette bonté qu’on ne peut assez admirer, tous ces dons si précieux dont le ciel vous a si heureusement comblé, me donnèrent à votre Éminence. […] Pourtant, comme on suppose que les dernières parties en ont été écrites vers cette époque de 1675-1676, il serait téméraire de dire qu’une pensée de ce genre n’ait pas fini par germer dans le cœur du cardinal de Retz.

1646. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Stapfer, sans diminuer le côté frivole ou passionné d’un homme emporté par l’imagination qui « gouvernait sa plume » et sa vie, a vengé Sterne des incroyables attaques de Lord Byron, qui lui ressemblait tant, sinon par le génie, au moins par le plus noble des sentiments de son cœur. […] , reprocha à Sterne sa dureté de cœur envers sa mère, comme si, lui, avait été si tendre déjà avec la sienne ! […] Il avait la foi, la miséricorde, et cette suave humilité qui est la grâce de l’esprit autant que du cœur.

1647. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre III. Contre-épreuve fournie par l’examen de la littérature italienne » pp. 155-182

De par le mélange des races, de par les conditions durables de la terre et du ciel, surtout de par sa très ancienne civilisation, le caractère de ce peuple a un charme unique qui prend le cœur par les sens. […] C’est la tragédie qui recommence ; quiconque étudie cette histoire dans le détail, sans parti pris, sent grandir dans son cœur la pitié, et, avec le remords, le désir de réparer par l’amour la brutalité de nos pères. […] Ces morts, qui s’appelaient Dante et Pétrarque, ont brisé la pierre des sépulcres ; Giusti l’avait prédit ; ils vivent aujourd’hui plus radieux que jamais, au cœur même de cette nation italienne qu’ils ont rêvée, qu’ils ont voulue, qu’ils ont créée, eux, les chefs d’une légion héroïque au service de l’Idée.

1648. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Nous sommes ici au cœur même de la vérité littéraire : un écrivain dont l’art est consubstantiel à son sujet et dont le sujet est consubstantiel à sa race. […] Du même fonds dont il enfouissait son cœur dans une église formaliste et étroite, il l’a alors enfoui avec une autre matière sans vie, celle de l’or. […] Combien elle manquait à mon cœur, cette dépendance qui m’avait révolté souvent ! […] Et cette parabole de la brebis perdue justifie pour lui toute la conduite aveuglée qui mènera son cœur à la ruine et Gertrude à la mort. […] L’état de joie, qu’empêchent notre doute et la dureté de nos cœurs, pour le chrétien est un état obligatoire.

1649. (1863) Histoire de la vie et des ouvrages de Molière pp. -252

D’ailleurs, c’est enfoncer le poignard dans le cœur de vos parents que de monter sur le théâtre ; vous en savez les raisons. […] quel est le cœur assez glacé pour y trouver un trait à reprendre, un mot à blâmer ? […] » Le trait peint son cœur, l’exclamation son génie. […] Toutes les choses du monde ont du rapport avec elle dans mon cœur : mon idée en est si fort occupée, que je ne sais rien, en son absence, qui me puisse divertir. […] La représentation du Misanthrope rouvrit nécessairement toutes les plaies de son cœur, et ralluma tout son amour.

1650. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Il croit son cœur en mauvais état, et va consulter un médecin, son livre fini. […] Ainsi dans une cervelle sémite tout est tarifé : choses honorifiques, choses de cœur, choses quelconques. […] L’attention de ces deux cœurs amis m’a touché. […] Et au milieu de ces sentiments, comme un monument s’élevant dans leur cœur, fait d’un tas d’illusions de leur passé, — de leur passé à distance, — en sorte que des femmes, qui ont été peu heureuses dans leur ménage, se figurent avoir aimé leur tyran, et en chantent l’éloge. […] Parmi ces lettres des contemporains amants ou amoureux de la femme, il y a tout un volume de lettres de Charles Hugo, de lettres très intéressantes, de lettres très belles, au moment, où Ozy, courtisée par le vieil Hugo, est prête à lui céder, et où le fils lui écrit, qu’il ne veut pas partager cet incestueux commerce, et qu’il se retire, le cœur déchiré.

1651. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Poésies d’André Chénier »

Enfin, une autre jeune femme de la même société, Fanny, la dernière, la plus noble et la plus idéale des passions du poëte et celle où le cœur se fait tout à fait sentir, n’est autre que Mme Laurent Le Coulteux, née Pourrat, sœur de la belle Mme Hocquart, et belle elle-même d’une beauté très-fine. […] Il a fallu bien des années, bien des efforts et des bégayements de l’admiration et de la critique pour arriver à le refaire et à le compléter ainsi ; mais ces efforts n’ont pas été vains, mais on ne s’était point trompé dans un premier élan d’enthousiasme et de sympathie filiale ou fraternelle ; on ne l’avait point porté trop haut, et l’étude attentive, approfondie, n’a fait que justifier les désirs du cœur et confirmer les pressentiments du goût.

1652. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VIII. Du crime. »

Un homme véritablement criminel, ne peut donc point être ramené ; il possède encore moins de moyens en lui-même, pour recourir aux leçons de la philosophie et de la vertu ; l’ascendant de l’ordre et du beau moral perd tout son effet sur une imagination dépravée ; au milieu des égarements, qui n’ont pas atteint cet excès, il reste toujours une portion de soi qui peut servir à rappeler la raison : on a senti dans tous les moments une arrière-pensée, qu’on est sûr de retrouver quand on le voudra, mais le criminel s’est élancé tout entier ; s’il a du remord, ce n’est pas de celui qui retient, mais de celui qui excite de plus en plus à des actions violentes ; c’est une sorte de crainte qui précipite les pas : et, d’ailleurs, tous les sentiments, toutes les sources d’émotion, tout ce qui peut enfin produire une révolution dans le fond du cœur de l’homme, n’existant plus, il doit suivre éternellement la même route. […] Si l’on quitte la vie pour échapper aux peines du cœur, on désire laisser quelques regrets après soi ; si l’on est conduit au suicide par un profond dégoût de l’existence qui sert à juger la destinée humaine, il faut que des réflexions profondes, de longs retours sur soi, aient précédé cette résolution ; et la haine qu’éprouve l’homme criminel contre ses ennemis, le besoin qu’il a de leur nuire, lui feraient craindre de les laisser en repos par sa mort ; la fureur dont il est agité, loin de le dégoûter de la vie, fait qu’il s’acharne davantage à tout ce qui lui a coûté si cher.

1653. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Il la regarde et l’interprète selon le besoin de son cœur ; il y réalise son rêve d’ordre, d’harmonie, de bonté universelle, que la société avait trompé. […] L’innocence naïve, la nature sauvage, cela reposait du raffinement extrême des idées et des mœurs ; cela remplissait le vide secret, consolait le profond ennui des cœurs.

1654. (1898) Le vers libre (préface de L’Archipel en fleurs) pp. 7-20

« Enfin voici ceux qui cueillent les vers comme fleurs de nénuphar sur l’étang de leur cœur. […] « C’est peut-être traduire à miracle les aspirations d’un cœur néo-chrétien transporté parce que, las du ciel d’or, un vol gris de cigognes s’abattait sur une coupole assez laide. — Mais ce n’est pas un vers.

1655. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXV » pp. 402-412

Elle vivait fort mal avec madame de Montespan, qui, par les lettres qu’elle écrivait au roi, réussissait toujours à regagner, non son cœur, mais sa faveur. […] Du moment qu’elle devint confidente et dépositaire des sentiments et des pensées du roi, et même des secrets de l’État, elle cessa de s’appartenir à elle-même : ce fut un devoir pour elle de donner au roi une parfaite sécurité sur le dépôt que sa confiance mettait à la discrétion de son amie ; elle lui devait de rompre toute familiarité qui aurait pu compromettre ce dépôt : il n’y a rien de si difficile à cacher qu’un secret avec tes personnes à qui l’on parle habituellement à cœur ouvert ; et il y a des secrets à la cour qui se découvrent par le soin de les cacher ; si bien qu’affecter de taire certaines choses, c’est les dire.

1656. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Il avoua que, dans celui du prêtre Mathan, il avoit en vue le P. le T… Ce poëte, dont tous les ouvrages respirent la douceur & la mollesse, renfermoit, dans son cœur, le fiel le plus amer. […] Voyons, dans cet écrivain, rival des tragiques Grecs & de Corneille pour l’intelligence des passions, une élégance toujours soutenue, une correction admirable, la vérité la plus frappante, point ou presque point de déclamation ; partout le langage du cœur & du sentiment, l’art de la versification avec l’harmonie & les graces de la poësie porté au plus haut dégré.

1657. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des ducs de Normandie avant la conquête de l’Angleterre »

Sans être un poète de cette envergure et de cette hauteur, sans même avoir des facultés relativement supérieures, si Labutte avait eu seulement en lui cette poésie d’écho que les grands spectacles éveillent dans tout homme passablement organisé, il eût parlé autrement d’une époque dont Schiller disait : « Le Moyen Âge a sur nous l’avantage de la vertu poétique, — de l’enthousiasme du cœur, — de l’élan des idées, — de la force du caractère. […] Mais la Critique ne pouvait-elle espérer sans outrecuidance que ces faits, contre lesquels l’historien se révolte, le frapperaient puissamment par ce qu’ils ont d’extraordinaire et même pour lui d’incompréhensible, et que de cette indignation aveugle, mais vraie et largement vibrante, contre le Moyen Âge, ses passions colossales, ses déchirements nécessaires, ses institutions, tout cet ensemble de servitudes chevaleresques dont Labutte n’a pas même la notion première et que Schiller, qui était un grand poète et un noble cœur, appuyait sur un fond céleste, il serait au moins sorti un cri énergique, une réprobation digne de ce temps immense, quelque chose, enfin, qui aurait eu son éloquence, son injuste, mais réelle beauté ?

1658. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Je ne sais qu’une définition du talent qui me satisfasse : C’est un tas de coups reçus dans le cœur ! […] Il y a, sous la pantomime, fort bien exécutée, de ces coups de cravache impitoyablement et froidement appliqués à toutes les vanités et les avidités ambiantes, par ce jeune chroniqueur qui ne se contente pas de raconter, mais qui châtie ; un faire de moraliste eu germe, de moraliste pour plus tard… Car le moraliste n’existe pas seulement en vertu de l’indignation d’un noble esprit ou d’un cœur haut.

1659. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Les honnêtes gens du Journal des Débats » pp. 91-101

Bohèmes, malgré tout, cependant, ces derniers, malgré leur attitude de Staters et d’olympiens, leur importance, leur influence, leur situation dans tous les mondes, officiels ou non officiels, leurs chaires quand ils sont professeurs, leurs bibliothèques quand ils sont bibliothécaires, leurs palmes d’académiciens quand ils sont de l’Académie : — le signe essentiel, caractéristique, du bohème, n’étant pas de n’avoir point d’habit, mais de n’avoir point de principes, de manquer de l’asile sacré d’une morale fixe autour de la tête et du cœur, de vagabonder dans ses écrits à tout vent de doctrine, et, comme déjà nous l’avons dit, de vivre, enfant de la balle politique ou littéraire venu ou trouvé sous le chou de la circonstance, sans feu ni lieu intellectuel, — c’est-à-dire sans une religion ou sans une philosophie. […] et elle serait digne de tous les mépris, que vous pourriez, pour sa bouche en cœur et ses révérences, lui rapporter plein votre chapeau !

1660. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Dupont-White »

Nous avons ouï dire que Guizot, l’illustre maître (et qui l’est trop) de Dupont-White, avait autrefois des joies singulières, des pâmoisons d’Ixion qui presse sa nuée sur son cœur, quand il disait ce simple mot, qui fut du reste toute sa politique : « le gouvernement !  […] En effet, pour les hommes d’État qui sauvent les nations comme pour les historiens qui devinent ce qui pourrait ou ce qui eût pu les sauver, la première condition est de les connaître, de les aimer et de leur plonger dans le cœur ce regard perçant de la tendresse qui voit peut-être plus clairement que le génie.

1661. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

— dit-il, — le courage me fait défaut et le cœur me lève… Seigneur ! […] Seigneur, donnez-moi la force et le courage De contempler mon cœur et mon corps sans dégoût !

1662. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Plein du sentiment religieux qui s’élève dans son cœur, il mêle sa voix à celle de la nature ; et du sommet d’une montagne, ou dans un vallon écarté, au bruit des fleuves et des torrents qui roulent à ses pieds, il chante une hymne en l’honneur de la divinité dont il éprouve la présence, et qui le fait exister et sentir. […] Génie de la nature, dans les cieux, sur la terre, sur les mers, rien ne se fait, ne se produit sans toi, excepté le mal qui sort du cœur du méchant.

1663. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Ce monstre fut aussi orateur ; et, à ce que nous apprend Tacite18, il avait même une éloquence mâle et forte ; il avait loué Drusus son frère : il prononça l’éloge funèbre d’Auguste son beau-père, et dans la suite il eut le triste courage de faire l’éloge de son fils unique empoisonné par Séjan ; mais ce qui eût passé peut-être pour fermeté dans un autre, ne fut attribué, dans ce cœur sombre, qu’à une dure insensibilité. […] Enfin, il vint à parler de sa rare prudence et de sa profonde sagesse, c’est-à-dire, de la profonde sagesse d’un empereur qui n’avait ni une idée dans la tête, ni un sentiment dans le cœur ; qui ne sut jamais ni vouloir, ni aimer, ni haïr ; toujours prêt à obéir à qui daignait lui commander, jouet de ses courtisans, esclave de ses esclaves même, et si stupide qu’il inspirait encore plus de pitié que de mépris.

1664. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1863 » pp. 77-169

En vous donnant la main, il l’approche de son cœur. […] Dans le seul grand assassinat de bourreau du temps, — et un assassinat de main de femme, — c’est la tête et non le cœur qui a mené la main. […] Oui les poumons, la poitrine, c’est bon… Il m’a ausculté… J’ai bien le cœur un peu trop petit. […] Jules, je le trouve si potelé, si gai, si joufflu, si gentil, que si j’étais riche, j’en ferais mon cœur !  […] « Cette force, dit-il, que j’ai, et qui m’a fait supprimer le cœur dans mes livres, c’est par le stoïcisme des muscles que j’y suis arrivé.

1665. (1903) Légendes du Moyen Âge pp. -291

En effet, les habitants de ce « paradis » ne vieillissent pas et ne savent ce qu’est la douleur ; « chacun est servi de nourriture à l’appétit de son cœur ; ils ont des richesses en abondance, des plaisirs à souhait ; ils ne souffrent ni du froid ni du chaud ; enfin toutes les délices mondaines y sont telles que cœur ne saurait les imaginer ni langue les dire ». […] Mis au courant de mon projet de pèlerinage, il le prit tout de suite à cœur et voulut s’y associer : on ne pouvait souhaiter un compagnon de route à la fois plus agréable et plus précieux. […] Le Juif Errant est extrêmement populaire en Bretagne : tout le monde y sait par cœur le gwerz qui lui est consacré et qu’a traduit M.  […] Mais, ô petit oiseau, que le second est facile à donner et difficile à mettre en pratique, et comme on voit bien que dans votre léger corps emplumé ne bat pas un cœur pareil au nôtre ! […] « Et pour mettre leurs cœurs plus en joie. » 251.

1666. (1902) Le chemin de velours. Nouvelles dissociations d’idées

L’homme créait ; la femme apprenait par cœur. […] Les vieilles femmes maintiennent ainsi la jeunesse de leur cœur. […] On croit comme on aime et l’homme n’est point coupable des mouvements de son cœur. […] Ce sont leurs mains pieuses et pures qui ont pétri le cœur de toutes les grandes amoureuses. […] Mais l’amour leur appartient, et rien ne peut l’arracher de leur cœur, — de ce cœur qui a tant aimé les hommes.

1667. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

L’ingratitude, ce venimeux poison, vous aurait-il déjà rongé le cœur ?  […] *** — Mon dieu, chère madame, est-ce que votre charmante nièce ne m’accordera pas une petite place dans son cœur. […] Les comètes mêmes, particulièrement soupçonnées d’avoir de méchants desseins et de vouloir s’approcher souvent un peu trop près de la terre, ont prouvé jusqu’à la dernière évidence que le ciel n’est pas plus pur que le fond de leur cœur. […] Eh bien, cette même personne, dont le cœur restait fermé à triple tour et en dedans, à tous les plus ingénieux Sésames que peut inspirer le désir, fut, dit-on, attendrie l’autre soir au bal de l’Opéra-Comique. […] … *** En ce temps-là mademoiselle *** avait allumé une passion romanesque dans le cœur d’un jeune premier… connu pour l’ordre qu’il apporte dans tous les actes de sa vie.

1668. (1925) Proses datées

A vous de grand cœur. […] La maladie de cœur faisait des progrès. […] Viaud sont faites pour intéresser les cœurs honnêtes et sensibles. […] Deux grands tournesols se balancent dont l’un porte au cœur un gros bourdon de velours. […] Nous pénétrons au fond de son cœur tout aussi bien qu’au fond de sa bourse.

1669. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Je crois qu’il faut s’abstenir d’apprendre par cœur. […] Et alors les genoux d’Ulysse et son cher cœur se délièrent d’effroi, et gémissant, il dit en son esprit magnanime : « Hélas ! […] Massillon savait Racine par cœur. […] Ils faisaient des vers à tiroir avec le Gradus, ou plaquaient le style des orateurs romains retenus par cœur. […] Sous cette vigoureuse enveloppe, il y avait une intelligence puissante, un cœur indomptable, une âme ardente et profonde.

1670. (1924) Critiques et romanciers

Rien ne lui gâte son amie : « Ce charme, cette grâce et ce cœur simple, comment ne pas les chérir ? […] L’aveugle qui faisait voir avait à résister plus difficilement contre l’impatience de son cœur, de sa voix, de ses mains. […] Et concluez, si le cœur vous en dit ! […] Révolution des cœurs que nul ne reconnaît plus : tous sont arrachés par elle aux habitudes, aux lois, à la règle. […] Tous les cœurs sont murés.

1671. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Alors Donwald, « quoique dans son cœur il abhorrât cette action », excité par sa femme, appela quatre de ses domestiques instruits de son projet, et qu’il avait séduits par des présents. […] Mais il suffirait, pour y reconnaître Shakespeare, de quelques traits de morale qui attestent sa profonde connaissance du cœur humain. […] Cependant Nicuola avait aussi fait impression sur le cœur d’un jeune gentilhomme nommé Lattanzio Puccini, et n’était pas indifférente à son amour. […] L’amour possède son cœur sans envahir toute son existence. […] Pendant le séjour qu’il fit à la cour de Bohême son intimité avec Bellaria excita une telle jalousie dans le cœur de Pandosto, qu’il chargea son échanson Franio de l’empoisonner.

1672. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

Il passa encore trois années au collège, de plus en plus inquiet de l’avenir, à mesure qu’il approchait du monde, appauvri, s’il était possible, par la mort de son oncle Godwin, secouru de meilleur cœur, mais avec aussi peu d’efficacité par son oncle William. […] La conduite de Swift avec Vanessa ne sera ni loyale, ni humaine, mais elle peut s’expliquer par les mauvais sentiments du cœur humain ; Stella fut victime d’une obstination cruelle et déraisonnable que rien n’explique, et que la folie peut à peine excuser. […] Sur cette déception, celui qui avait trouvé le premier échappatoire, reprit cœur et dit : Mes frères, il y a encore de l’espoir, nous ne pouvons tromper ces nœuds-d’épaule ni totidem verbis ni totidem syllabis, mais j’ose affirmer que nous les trouverons tertio modo ou totidem litteris. […] Le charme qui avait entraîné Stella vers son maître, agit avec autant de force sur l’esprit élevé, sur le cœur aimant de Miss Vanhomrigh. […] C’est lui qui perce par intervalle dans Candide, et qui s’y déguise sous tant d’images légères ; il éclate librement dans Gulliver, il y a toute sa force ; parce qu’il part d’un cœur déchiré aussi bien que d’un esprit sceptique, parce que ce contempteur de l’humanité doit être compté parmi les plus malheureux des hommes.

1673. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 octobre 1885. »

Ainsi, nous reconnûmes que, pour toute chose, il faut un génie et une vraie vocation, conditions que, dans ce cas, nous accordions de plein cœur à M.  […] Mais la Compassion est, pour Wagner, le pitoyant amour, l’intime charité des cœurs, souffrant toutes les souffrances. […] Et si vos cœurs restent vides, lorsque vos mains seront pleines de faveurs pour les hommes, laissez en paix vos cœurs et remplissez de faveurs pour les hommes, toujours, vos mains !  […] Par elle, nous oublions le besoin pernicieux d’aimer, livrant nos travaux, sans arrêt, dans le sommeil ininterrompu de nos cœurs. […] Puis affranchissons notre Ame de tout lien à cette apparence ; renonçons les désirs, vidons nos cœurs de vaines affections ; cessons aimer l’Irréel.

1674. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Et c’est ce que firent tous ceux qui avaient au cœur quelque sentiment d’indépendance. […] La littérature, jalouse de la politique, qui lui dérobe les cœurs et les intelligences, ne lui épargne pas les dédains et les colères. […] En 1830 et en 1848, cette large sympathie embrassant tous les peuples du monde a jailli de nouveau de son cœur, comme un pacifique jet de flamme, et dans ces dernières années, après avoir couvé sous la cendre de nos désastres de 1870, elle reparaît en flambées puissantes et vainement comprimées. […] En ces cas-là, elle peut créer des poètes et des orateurs comme des héros ; elle peut, dans un accès de fièvre et d’enthousiasme, faire jaillir du cœur d’un poète de rencontre un de ces chants vibrants où frémit l’âme d’un peuple prêt aux derniers sacrifices ; elle peut inspirer à un capitaine quelqu’une de ces harangues ou proclamations qui semblent sonner la charge. […] D’abord, l’Europe bouleversée, les royaumes et les républiques abattus et dépecés, la carte du monde remaniée sans relâche par la puissante main de Napoléon, tant de victoires et d’exploits merveilleux suivis si rapidement d’un effondrement terrible, c’étaient là de ces coups capables d’émouvoir les cœurs les plus calmes, d’ébranler les imaginations les plus paresseuses.

1675. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VI »

Des mois dura, par l’habitude et des vouloirs étrangers, le hantement des maisons universitaires, et j’appris étudier aux documents, lire les chronologies et savoir des choses qu’enferme une belle critique historique ; mais, depuis la triste décision des directeurs de l’École Normale, le démon musical s’était promu à une forte position en mon cœur ; les plus beaux procédés des critiques historiques eurent moins de mes faveurs ; elles allaient, mes faveurs, à la composition de musiques. […] vous-mêmes ne vous croyez pas… quand vous sortirez du théâtre de Bayreuth, n’occupez pas tous vos esprits, et ne faites plus retentir la belle route ombrée sous la lune, et les brasseries, et l’auguste toit de Wahnfried, et les wagons ; « la Malten fut-elle plus belle que la Sucher, le Vogl eut-il un plus beau moment à cet acte que le Gudehus… » puisque vous êtes en une œuvre d’art, ayez quelque respect ; rêvez d’être le Rhein-Thor, mais ne soyez pas seulement le Thor admirez ce que vous pourrez entendre ; vous, brave homme, la jolie anecdote ; vous, musicien, la savante musique ; vous, dilettante, l’harmonieuse féerie ; et laissez que les cœurs poignables d’émotions palpitent de l’immortelle symphonie ; fauteurs obstinés de l’art complexe, si votre chimère vous tient, soyez à vous réjouir de la salle obscure et du chef d’orchestre invisible ; et que ceux que possède le désir des suprêmes hautanités entrevues ferment les yeux, et songent en ces musiques ! […] Encore ainsi : Un prélude qui m’annonce, au loin des cœurs, un Gral d’amour, et vers lui une aspiration puissante et timide et croissante ; un drame qui m’enseigne — après combien d’angoisses — la possession jubilante du tout aimé. […] Parsifal (vêtu de lys et de sang ; il chante d’une voix ferme) : Issu de l’inconscience des possibilités premières, un jour je fus mené par Dieu dans un temple de révélation, et dans le rougeoiment d’un Gral je vis le cœur vif de l’Amante et combien, en les souffrirs, aimer et l’aimer était bon. […] Wagner y considère que, la religion déclinant, «  il échoit à l’art de sauver le cœur même de la religion  ».

1676. (1739) Vie de Molière

Il est bien difficile de réussir avant cet âge dans le genre dramatique, qui exige la connaissance du monde et du cœur humain. […] L’autre2 écrivant à une maîtresse en l’air, lui dit : Votre nom est écrit en grosses lettres sur mon cœur... Je veux vous faire peindre en Iroquoise, mangeant une demi-douzaine de cœurs par amusement. […] Voyez surtout cet endroit : Allez, tous vos discours ne me font point de peur ; Je sais comme je parle, et le ciel voit mon cœur : Il est de faux dévots, ainsi que de faux braves, etc. […] C’est que la peinture de nos passions nous touche encore davantage que le portrait de nos ridicules, c’est que l’esprit se lasse des plaisanteries, et que le cœur est inépuisable.

1677. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « L’abbé Fléchier » pp. 383-416

et il allume les cœurs et il attise les flammes : chacune est en proie à ses partialités, chacune a son désir. […] Et ne put s’affranchir de ma première chaîne ; Mais après cette chaîne et ces liens rompus, Il a repris son cœur et ne l’engage plus. […] C’était, on le conçoit, une partie de plaisir et un régal unique pour ce beau monde de Paris, que cette expédition et ces quartiers d’hiver au cœur d’une province réputée des plus sauvages, cette série de grands crimes, ces exécutions exemplaires auxquelles on n’était pas accoutumé de si près, et entremêlées de dîners, de bals et d’un véritable gala perpétuel. […] Aussi, tiennent-ils la conquête de ses yeux sûre, et ne croient pas que les cœurs les plus sévères puissent tenir une demi-heure contre elle, lorsqu’elle a bien entrepris de les toucher. […] Faites que je le prenne en repos et à mon aise, autrement je recommencerai à tousser, et vous répondrez à votre cœur de tous les accidents qui pourraient arriver à ma poitrine. » Ces lettres inédites de Fléchier à Mlle Des Houlières sont en bonnes mains, et j’espère qu’elles seront bientôt publiées.

1678. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

C’était le goût du temps ; M. de Malesherbes, si honnête et si grave, savait par cœur et récitait la Pucelle ; du plus sombre des Montagnards, Saint-Just, on a un poème aussi lubrique que celui de Voltaire, et le plus noble des Girondins, Mme Roland, a laissé des confessions aussi risquées, aussi détaillées que celles de Rousseau462  D’autre part, voici une seconde boîte, celle qui contient le vieux sel gaulois, je veux dire la plaisanterie et la raillerie. […] Comme une araignée effarouchée et solitaire, il a tout ourdi de sa propre substance, avec les plus chères convictions de son esprit, avec les plus intimes émotions de son cœur. […] Étranger, protestant, original de tempérament, d’éducation, de cœur, d’esprit et de mœurs, à la fois philanthrope et misanthrope, habitant d’un monde idéal qu’il a bâti à l’inverse du monde réel, il se trouve à un point de vue nouveau. […] Tous les abus, tous les vices, tous les excès de raffinement et de culture, toute cette maladie sociale et morale que Rousseau flagellait en phrases d’auteur, étaient là sous leurs yeux, dans leurs cœurs, visible et manifestée par des milliers d’exemples quotidiens et domestiques. […] Mais son idylle touche les cœurs encore plus fortement que ses satires.

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