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415. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Mais Michelet, qui veut remplacer le prêtre dans la civilisation présente, et qui est un casuiste de matrimonio à ciel ouvert, ne pouvait pas prendre cette honnête précaution du latin dans un livre de conseil pratique donné à tout le monde, et par là il nous force de parler de son livre — comme il l’a écrit — en français. […] Seulement, plus heureux que François de Sales, qui n’eut que le ciel, — cette billevesée, selon les philosophes, — Michelet eut sa récompense humanitaire. […] Nous doutons fort qu’elles soient heureuses de cela… Seulement, Michelet pourrait bien racheter la brutalité de sa définition à force de madrigaux immenses et de poésies dans la tonalité de celle-ci : « Au nom de la femme et par la femme, souveraine de la terre, ordre à l’homme de changer la terre et de mettre le ciel ici-bas. » Ce n’est pas facile, mais c’est assez flatteur, et les femmes, dit-on, aiment la flatterie.

416. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tessyl, Paul-Henri »

Et comme le volume débute par ce vers délicieux : Le ciel est doux comme un myosotis dans l’herbe, je veux croire que M. 

417. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Le Bas et Cochin »

Ce n’est pas seulement à Vernet, c’est à eux-mêmes que ces artistes sont inférieurs ; l’un a fait les figures par-dessous jambe, et Le Bas, les ciels.

418. (1868) Rapport sur le progrès des lettres pp. 1-184

À peine l’aube de la rénovation chrétienne commençait-elle à blanchir le ciel : M. de Chateaubriand charmait plus de lecteurs qu’il n’en persuadait. […] L’astronome ne jouit plus seul de la planète dont le calcul ou son télescope lui a révélé l’existence dans le ciel. […] Né au bord de la Méditerranée, il avait eu tout enfant l’œil rempli de cet azur amer, plus pur encore que celui du ciel. […] Tout est rigide, poli, miroitant sous un ciel sans lune, sans soleil et sans étoiles. […] Pleine mer, plein ciel, la Trompette du jugement dernier, sont en dehors du temps.

419. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [1] Rapport pp. -218

Vous n’avez jamais proféré une strophe où ne frémît l’essor d’un vol vers le ciel. […] des ciels artificiels ? […] Pénétrer dans l’œuvre poétique d’Armand Silvestre, c’est s’envelopper de plein air, de nuée et de splendide ciel. […] On est un peu gris, et, — c’est le calembour, — le ciel est si bleu ! […] Plaise au ciel, — car nous sommes affamés d’immensité neuve ! 

420. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Tout correspond avec l’homme par la médiation de ses sens, tant sur la terre qui le nourrit, qu’au ciel dont les astres l’éclairent ; et, soumis partout aux effets qui l’étonnent, il demande aux sciences d’en révéler les causes à la supériorité de son esprit, et n’estime leur exactitude qu’en raison des moyens qu’elle lui donne pour les concevoir. […] On s’imagina que les grands hommes n’avaient exécuté leurs actions prodigieuses que par l’assistance des êtres immortels, et le poème épique embrassa bientôt dans ses récits tous les intérêts des habitants de la terre, du ciel, et des enfers. […] Elle diffère des autres en ce qu’elle ne jaillit pas subitement par de courtes saillies, mais en ce qu’elle est, tant par la majesté des choses, tant par la rondeur des périodes, que par la magnificence des paroles, cette belle lumière, pleine, égale, et vive, qui du plus haut point du ciel au midi du jour, se répand sur les objets qu’elle colore et vivifie, et qui, rendant le relief à leurs formes, remplit tout l’espace qu’elle traverse de ses rayons lucides, et de son abondante et féconde chaleur.

421. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Des Guerrois, Charles (1817-1916) »

. — Entre ciel et terre (1895). — Depuis (1898).

422. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Les grands effets du ciel, les vastes paysages, la majesté de la nature alpestre, les Elysées des jardins, il trouva des couleurs, des mots, pour exprimer lumineusement tout cela, et il y fit circuler des rayons vivifiants. […] J’aime mieux y voir ce qui est fait pour attendrir, la pauvreté et la détresse ôtant à la dignité du génie, ce génie ne craignant pas de mendier comme une mère pour l’enfant qu’elle sent près de naître, le peintre ne demandant qu’un gîte, le vivre et une toile pour déployer à l’aise ses couleurs et ses pinceaux : « J’ai à mettre en ordre des matériaux fort intéressants, et ce n’est qu’à la vue du ciel que je peux recouvrer mes forces. […] Son livre, et en général tous ses ouvrages depuis les Études jusqu’aux Harmonies, sont en ce sens une espèce de compromis entre l’ancien spiritualisme chrétien et l’observation irrécusable, je dirai aussi, le culte croissant de la nature : dans ses croyances à l’immortalité, il essaye, par exemple, de donner au ciel chrétien une réalité naturelle en faisant aller les âmes dans les planètes ou dans le soleil. […] Je ne fais que rappeler tant de comparaisons, familières à l’auteur et éparses en toutes ses pages, de la solitude avec une montagne élevée, de la vie avec une petite tour, de la bienveillance avec une fleur, etc., etc. ; mais la plus illustre de ces images, et qui qualifie le plus magnifiquement cette partie du talent de Bernardin, est, dans la Chaumière, la belle réponse du Paria : « Le malheur ressemble à la Montagne-Noire de Bember, aux extrémités du royaume brûlant de Lahore : tant que vous la montez, vous ne voyez devant vous que de stériles rochers ; mais quand vous Êtes au sommet, vous apercevez le ciel sur votre tête, et à vos pieds le royaume de Cachemire. » Cela est aussi merveilleusement trouvé dans l’ordre des sentences morales, que Paul et Virginie dans l’ordre des compositions pastorales et touchantes. […] que son rayon de mélancolique et chaste douceur, s’il faiblit en s’éloignant, ne se perde pas encore, et qu’il continue de luire longtemps, comme la première étoile des belles soirées, au ciel plus ardent de ceux qui nous suivent !

423. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre III. Le Petit Séminaire Saint-Nicolas du Chardonnet (1880) »

Mais, ô ciel ! […] Ses relations avec Mme la duchesse de Dino, et surtout avec sa fille, dont il avait fait l’éducation religieuse, sa parfaite entente avec M. de Quélen, les protections aristocratiques qui, dès le début de sa carrière, l’avaient entouré et l’avaient fait accepter dans tout le faubourg Saint-Germain comme quelqu’un qui en est, le désignaient pour une œuvre de tact mondain plutôt que de théologie, où il fallait savoir duper à la fois le monde et le ciel. […] Ce fut une grande joie, sinon dans le ciel, au moins dans le monde catholique du faubourg Saint-Germain et du faubourg Saint-Honoré. […] Quand je me figure une de ces lectures spirituelles où le maître répandait si abondamment son esprit, cette salle du rez-de-chaussée, avec ses bancs serrés où se pressaient deux cents figures d’enfants tenus immobiles par l’attention et le respect, et que je me demande vers quels vents du ciel se sont envolées ces deux cents âmes si fortement unies alors par l’ascendant du même homme, je trouve plus d’un déchet, plus d’un cas singulier. […] Le saint prêtre insistait sur ce doute terrible : non, personne, absolument personne, n’est sûr qu’après les plus grandes faveurs du ciel il ne sera pas abandonné de la grâce. « Je crois, dit-il, avoir connu un prédestiné !

424. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Boissière, Jules (1863-1897) »

Boissière, lui, évoque dans Provensa, avec une chaude piété pour la terre natale, les paysages ensoleillés du Midi, et la lumière éclate dans ces vers ardents où il dit les plaines, les champs, les montagnes qui flamboient sous le ciel.

425. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

* * * — Les ballons, à force de monter, trouvent un ciel noir, où rien ne se voit plus… C’est à ce ciel que la science finira par arriver. […] À la pastourelle elle a tourné sur elle-même, en lançant continuellement sa jambe au-dessus de son visage, et en jetant au ciel, la tête toute renversée dans son dos, un regard ivre qui blaguait… Ce n’était pas impudique, c’était blasphématoire. […] Giraud, debout, peint le ciel d’un panneau faisant partie d’une décoration à personnages du Directoire, qu’il exécute pour l’escalier du château. […] Un ciel presque indéfinissable du plus fin cobalt, d’un bleu pareil au bleu au-dessus des montagnes où il y a de la neige. […] Ça ressemblait à un chérubin qui épellerait, dans le ciel, le catéchisme poissard.

426. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

On comprendra, d’après de telles circonstances, comment celui des philosophes du siècle qui sentit et pratiqua le mieux la moralité de la famille, qui cultiva le plus pieusement les relations de père, de fils, de frère, eut en même temps une si fragile idée de la sainteté du mariage, qui est pourtant le nœud de tout le reste ; on saisira aisément sous quelle inspiration personnelle il fit dire à l’O-taïtien dans le Supplément au Voyage de Bougainville : « Rien te paraît-il plus insensé qu’un précepte qui proscrit le changement qui est en nous, qui commande une constance qui n’y peut être, et qui viole la liberté du mâle et de la femelle en les enchaînant pour jamais l’un à l’autre ; qu’une fidélité qui borne la plus capricieuse des jouissances à un même individu ; qu’un serment d’immutabilité de deux êtres de chair à la face d’un ciel qui n’est pas un instant le même, sous des antres qui menacent ruine, au bas d’une roche qui tombe en poudre, au pied d’un arbre qui se gerce, sur une pierre qui s’ébranle ?  […] … » En disant ces derniers mots, j’avais les yeux tournés au ciel ; et mon religieux, les yeux baissés, méditait sur mon apologue. » Diderot a exposé ses idées sur la substance, la cause et l’origine des choses dans l’Interprétation de la Nature, sous le couvert de Baumann, qui n’est autre que Maupertuis, et plus nettement encore dans l’Entretien avec d’Alembert et le Rêve singulier qu’il prête à ce philosophe. […] A la manière dont Diderot sentait la nature extérieure, la nature pour ainsi dire naturelle, celle que les expériences des savants n’ont pas encore torturée et falsifiée, les bois, les eaux, la douceur des champs, l’harmonie du ciel et les impressions qui en arrivent au cœur, il devait être profondément religieux par organisation, car nul n’était plus sympathique et plus ouvert à la vie universelle. […] Pourtant, dans un ouvrage qu’il composa durant sa vieillesse et peu d’années avant de mourir, l’Essai sur la Vie de Sénèque, il s’est plu à traduire le passage suivant d’une lettre à Lucilius, qui le transporte d’admiration : « S’il s’offre à vos regards une vaste forêt, peuplée d’arbres antiques, dont les cimes montent aux nues et dont les rameaux entrelacés vous dérobent l’aspect du ciel, cette hauteur démesurée, ce silence profond, ces masses d’ombre que la distance épaissit et rend continues, tant de signes ne vous intiment-ils pas la présence d’un Dieu ? 

427. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLVIIIe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Tels sont les sentiments avec lesquels je vais poursuivre l’exécution de mon dessein, suppliant le ciel de m’accorder dans cette occasion la grâce de faire tout ce que chaque citoyen doit être prêt à entreprendre dans tous les instants pour le bonheur de sa patrie. » De San-Miniato, le 7 décembre 1479. […] Pense à la dignité de ton intelligence, qui ne t’a pas été donnée pour l’employer à la poursuite d’un bien mortel et périssable, mais au moyen de laquelle le ciel même peut devenir l’objet de ton ambition. […] J’ai appris avec bien de la satisfaction que, dans le cours de l’année passée, vous aviez souvent approché des sacrements de la confession et de la communion, de votre propre mouvement ; et je ne connais rien qui soit plus capable d’attirer sur vous les faveurs du ciel, que de vous habituer à la pratique de ces devoirs et autres semblables. […] C’est une attention que vous devez avoir pour notre saint-père, que de ne pas le fatiguer de prières indiscrètes, de ne l’aborder jamais qu’avec des choses qui lui fassent plaisir ; ou, si vous vous y croyez obligé, une requête humble et modeste lui plaira davantage et sera plus agréable à son humeur et à son caractère. » Voilà l’âme d’un père chrétien et politique unissant le ciel à la terre pour protéger son fils.

428. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Baudelaire est leur père direct, et toute l’école danse et voltige sur le rayon macabre qu’il a ajouté au ciel de l’art, suivant l’expression de Victor Hugo. […] Je veux un amour triste ainsi qu’un ciel d’automne, Un amour qui serait comme un bois planté d’ifs Où dans la nuit le cor mélancolique sonne ; Je veux un amour triste ainsi qu’un ciel d’automne Fait de remords très lents et de baisers furtifs. […] et vivre c’est respirer l’air du ciel et non l’haleine de notre voisin, ce voisin fût-il un dieu !

429. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

8 avril Il est touché presque par cela seul : les colorations de la nature et surtout les aspects du ciel. […] 11 juin Ce matin, il lui a été impossible de se rappeler un titre, un seul titre de ses romans, et cependant il possède encore deux facultés remarquables : la qualification pittoresque avec laquelle il caractérise un passant, l’épithète rare avec laquelle il peint un ciel. […] voici l’heure des merles et de leur sifflement dans le ciel devenu rose, et toujours dans les rideaux, le blanc éclair de ses yeux demi-fermés, qui ne dorment pas dans leur calme apparence de sommeil. […] * * * Ce jour levant, ce vert de l’arbre jaillissant de l’ombre, cet éveil du ciel et des oiseaux avec leurs notes bienheureuses, tombant dans une agonie, dans une fin de jeune existence, c’est bien horrible !

430. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Telle était cette Sophie Swetchine qui, dans la hiérarchie des Saints, embrassant comme on le sait, toutes les fonctions et tous les états de la terre, pourrait être, à ce qu’il semble, la patronne des femmes du monde, lesquelles, j’imagine, n’en ont pas eu beaucoup jusqu’ici… C’était l’amabilité, la bonté, la raison pratique, faites saintes et revêtues du calme du ciel… Moraliste chrétienne de bonne humeur, quand les moralistes, même chrétiens, sont plus ou moins moroses, elle introduisit la gaieté dans la foi, qui ne s’y voit guère, et c’est elle qui a pu écrire, en se rappelant son pays : « Je suis avec le bon Dieu comme les femmes russes sont avec leurs maris. […] En effet, la pensée parfois s’évapore à force de se raréfier dans tout cela, mais c’est toujours dans une pureté de ciel, c’est dans un genre de bleu que je n’ai vu que là, et ce n’est pas le bas-bleuisme !

431. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

Il y a de tout, dans les légions du ciel. […] Ce vagabond sublime, dont les pieds saignaient sur les cailloux et dans la boue des chemins, marchait la tête dans la lumière, voyant Dieu nettement dans le bleu du ciel, et répandant de ses lèvres infatigables des torrents de prières.

432. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Jésus, le Dieu qui a crucifié l’orgueil et la volupté humaine, qui est venu apporter au monde païen deux choses qui, pour la première fois, descendaient du ciel : l’humilité et la charité, n’est plus maintenant qu’un philosophe qui a dit aux peuples d’une voix plus douce, mais qui a dit comme les Gracques ou comme tous les souleveurs de plèbe : « Comptez vos maux et comptez-vous !  […] Si l’on nous demandait les noms de quelques-uns de ces grands hommes, nous répondrions avec saint Jean Chrysostôme parlant de ceux qui l’ont précédé, que c’est un Évode, la bonne odeur de l’Église, disciple et imitateur des Apôtres ; que c’est un saint Ignace, qui porte Dieu lui-même dans sa personne ; un saint Denis l’Aréopagite, qui poussait son essor jusque dans le ciel ; un saint Hippolyte-le-Grand, si plein de douceur et de bienveillance ; un saint Basile-le-Grand, presque égal aux apôtres ; un saint Athanase, si riche de vertus ; un saint Grégoire-le-Thaumaturge, soldat invincible de Jésus-Christ ; un autre du même nom et du même génie, un saint Éphrem, dont le cœur semblait être le temple particulier de l’Esprit-Saint ! 

433. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « La Bible Illustrée. Par Gustave Doré »

Or, ce rayon de l’Esprit-Saint ne tombe pas aussi souvent du ciel que le génie humain, qui lui-même est rare et n’en tombe pas tous les jours. […] Mais, quoique je n’aie jamais cru aux traducteurs ou aux illustrateurs à la douzaine, quoique la puissance de s’incorporer à un génie, déjà très rare, n’implique nullement la puissance de s’incorporer avec tous ou avec plusieurs, et qu’interpréter à merveille les Contes drolatiques de Balzac, par exemple, ne soit pas une raison pour bien interpréter Shakespeare, cependant la difficulté de traduire les différents génies qui concourent à cette grande œuvre de la Bible, à cette Babel sans confusion de langues qui ne menace pas le ciel, mais qui le fait descendre sur la terre, cette difficulté tient encore plus à la grandeur des scènes et des personnages qu’on y trouve qu’à la diversité des génies qui les ont exprimés, et ici la question du surnaturalisme revient par un autre côté, car bien évidemment l’Histoire, la stature de l’Histoire et de l’homme, sont ici dépassées.

434. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

pas que « le ciel de Milton n’est qu’un Whitehall de valets brodés ; son Dieu, un roi constitutionnel avec une barbe à la Van Dyck ; le Verbe Créateur, un prince de Galles ; Adam, un jeune homme sorti récemment de l’Université d’Oxford ; Ève, une jeune miss anglaise, bonne ménagère… ». […] Satan, cet Insurgé du ciel qu’il peignit si bien, ce Révolté et ce Désespéré sublime, ce n’est pas Milton.

435. (1902) La poésie nouvelle

La route est longue, la saison mauvaise, mais il se plaît aux ciels changeants, aux parfums de la terre, aux émotions, aux jouissances de la vie bohémienne. […] Une rencontre d’anarchiste incendiaire, qui rêve de faire aller au ciel les fermes en mèches folles. […] Le couchant ensanglante le ciel : assassiner, faire gémir des bouches, panteler de la chair, chavirer des yeux moribonds ; de la gorge ouverte coule un ruisseau de corail dans l’herbe. […] Les lueurs livides de jadis, qui suscitaient les redoutables fantasmagories du cauchemar, se sont éclipsées ; le beau soleil est sur la plaine, les terreurs vaines sont en fuite, le ciel est pur. […] Mais une aube heureuse éclaire un peu son ciel.‌

436. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIIe entretien. Cicéron (2e partie) » pp. 161-256

Enfin il s’élevait de raisonnements en raisonnements jusqu’au ciel, et il y découvrait, autant que la faible intelligence humaine le permet, la vraie nature de la Divinité, unique, infinie et parfaite à travers le nuage des idolâtries de son temps. […] dans quelle ville, ô ciel ! […] Nos vœux avaient obtenu de leurs bontés beaucoup d’autres avantages : sans votre volonté, tous ces présents du ciel seraient perdus pour nous. […] Alors notre vie sur la terre sera semblable à la vie du ciel ; et, quand nous serons au moment de rompre nos chaînes corporelles, rien ne retardera l’essor de notre âme vers les cieux. » Tout l’ascétisme chrétien qui allait éclore en Orient n’était-il pas là par pressentiment ? […] Que si le ciel nous laisse notre dernière heure inconnue, tenons-nous dans une telle disposition d’esprit que ce jour, si terrible pour les autres, nous paraisse heureux.

437. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIIIe entretien. Balzac et ses œuvres (3e partie) » pp. 433-527

Le jour où je m’accusai d’avoir maudit l’existence, mon confesseur me montra le ciel où fleurissait la palme promise pour les Beati qui lugent  ! […] Elle était, comme vous le savez déjà, sans rien savoir encore, LE LIS DE CETTE VALLÉE où elle croissait pour le ciel, en la remplissant du parfum de ses vertus. […] En ce moment, les moulins situés sur les chutes de l’Indre donnaient une voix à cette vallée frémissante, les peupliers se balançaient en riant, pas un nuage au ciel, les oiseaux chantaient, les cigales criaient, tout y était mélodie. […] Encadrez le tout de noyers antiques, de jeunes peupliers aux feuilles d’or pâle, mettez de gracieuses fabriques au milieu de longues prairies où l’œil se perd sous un ciel chaud et vaporeux, vous aurez une idée d’un des mille points de vue de ce beau pays. […] Sa coquetterie était devenue un mystère, elle faisait rêver au lieu d’inspirer l’attention galante que sollicitent les femmes, et laissait apercevoir sa première nature de flamme vive, ses premiers rêves bleus, comme on voit le ciel par des éclaircies de nuages.

438. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guttinguer, Ulric (1787-1866) »

Ainsi nul œil, Ulric, n’a pénétré les ondes De tes douleurs sans borne, ange du ciel tombé ; Tu portes dans ta tête et dans ton cœur deux mondes, Quand le soir, près de moi, tu viens triste et courbé.

439. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « À mon illustre ami, le comte Roselly de Lorgues » p. 

Vous seul, parmi les historiens des Deux Mondes, vous avec dissipé, au souffle tout-puissant de votre histoire, les brumes entassées par les plus basses fumées des hommes sur une gloire qu’il n’est pas plus possible d’abolir que d’arracher une étoile du ciel.

440. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vermenouze, Arsène (1850-1910) »

Sur le ciel qu’un rayon de couchant ensanglante, Il s’enlève, véloce et lourd, l’aile sifflante — Cependant que, dans l’ombre, éclate un coup de feu.

441. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Joinville. — I. » pp. 495-512

Et en bref temps le vent donna dans la voile et nous ôta la vue de la terre, si bien que nous ne vîmes plus que le ciel et l’eau ; et chaque jour nous éloignait le vent des pays où nous étions nés. […] Chaque point du temps répondait à une scène connue prise dans l’Évangile, à une figure secourable, penchée du ciel. […] Toute aventure nous est sûre : si nous sommes vaincus, nous monterons au ciel en qualité de martyrs ; si nous vainquons au contraire, on publiera la gloire du Seigneur ; et celle de toute la France, ou plutôt de toute la chrétienté, en sera plus grande.

442. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

En terminant cette oraison funèbre, genre de discours pour lui tout nouveau, et dans lequel il ne demandait qu’à être supporté de son auditoire, il faisait une prière directe au ciel pour le prince de Condé présent : C’est pour ce fils et pour ce héros que nous faisons continuellement des vœux ; et ces vœux, ô mon Dieu, sont trop justes, trop saints, trop ardents, pour n’être pas enfin exaucés de vous ! c’est pour lui que nous vous offrons des sacrifices : il a rempli la terre de son nom, et nous vous demandons que son nom, si comblé de gloire sur la terre, soit encore écrit dans le ciel. […] C’est ainsi qu’à certains endroits, chez Bourdaloue, le réseau de la dialectique se détend, s’interrompt tout à coup, et laisse apercevoir le cœur de celui qui parle ; c’est ainsi que son ciel un peu triste et surbaissé s’entrouvre, et laisse passer le rayon.

443. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Une Réception Académique en 1694, d’après Dangeau (tome V) » pp. 333-350

Telles sont les grâces de Louis le Grand, grâces semblables aux influences du plus beau des astres, et qui me donnent droit de dire avec plus de justice, à l’honneur du roi, que Tertullien n’écrit pour flatter les princes de l’Afrique : l’État et le ciel ont le même sort, et doivent leur bonheur à deux soleils… À ces mots, le voisin de Racine dut se pencher vers lui et lui rappeler à l’oreille la harangue de maître Petit-Jean : Quand je vois le soleil, et quand je vois la lune… Et le voisin de La Bruyère reçu l’année d’auparavant et avec un si éloquent discours, put lui dire : « Ah ! […] On y voyait l’église de Luçon encore toute remplie des souvenirs de son cher Armand, et aussitôt après on avait à suivre le vol de cet aigle qui s’élevait de la terre au ciel. […] Il voulait de la généalogie jusque dans le ciel.

444. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Exploration du Sahara. Les Touareg du Nord, par M. Henri Duveyrier. »

On dirait qu’ils craignent de ne pas avoir assez d’air à respirer ou assez d’espace pour se mouvoir, s’ils interposent quelque obstacle entre eux et l’immensité du ciel et de la terre. » Les marchands de Ghadamès commercent surtout avec le Soudan ; ils en tirent l’ivoire. […] Les caravanes ne se font faute de déposer sur leur passage, à ciel ouvert, des ballots, des charges de marchandises qu’elles retrouveront au retour. […] L’invasion des sauterelles, partout ailleurs si calamiteuse et redoutée comme un fléau, est considérée ici comme un bienfait et saluée comme une manne du ciel.

445. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Le ciel est bleu pâle, d’un bleu presque vert, comme si une émeraude y était fondue ; là-dessus marchent doucement, d’une marche harmonieuse et lente, des masses de petits nuages balayés, ouateux et déchirés, d’un violet aussi tendre que des fumées dans un soleil qui se couche ; quelques-unes de leurs cimes sont roses, comme des hauts de glacier, d’un rose de lumière. […] Dans l’eau, ridée par une botte de paille qu’un homme trempe au lavoir pour lier l’avoine, les joncs, les arbres, le ciel, se reflètent avec des solidités denses, et sous la dernière arche du vieux pont, près de moi, de l’arc de son ombre se détache la moitié d’une vache rousse, lente à boire, et qui, quand elle a bu, relevant son mufle blanc bavant de fils d’eau, regarde. » Une telle page, assurément, est ce qu’on attend le moins d’un littérateur : elle semble détachée de l’album d’un peintre, d’un Troyon consciencieux, sincère, qui ne marcherait point sans son carnet. […] La page de MM. de Goncourt vient précisément de me faire relire le tableau de Lucrèce, nous montrant la génisse à qui l’on a enlevé son jeune veau pour l’immoler aux autels : elle cherche partout et regarde également le ciel, l’horizon, l’immensité, d’un œil vague, mais dans un sentiment désolé indéfinissable, Omnia convisens oculis loca… Oh !

446. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Que de fois on passe dans la vie, sans le deviner, à côté de ce qui en ferait le charme, comme le navigateur franchit les eaux d’une terre aimée du ciel qu’il n’a manquée que d’un horizon et d’un jour de voile26 !  […] L’auteur de ces touchants récits aime à exprimer l’impossible et à y briser les cœurs qu’il préfère, les êtres chéris qu’il a formés : le ciel seulement s’ouvre à la fin pour verser quelque rosée qui rafraîchit. […] Entre toutes les scènes si finement assorties et enchaînées, la principale, la plus saillante, celle du milieu, quand, un soir d’été, à Faverange, pendant une conversation de commerce des grains, Édouard aperçoit Mme de Nevers au balcon, le profil détaché sur le bleu du ciel, et dans la vapeur d’un jasmin avec laquelle elle se confond, cette scène de fleurs données, reprises, de pleurs étouffés et de chaste aveu, réalise un rêve adolescent qui se reproduit à chaque génération successive ; il n’y manque rien ; c’est bien dans ce cadre choisi que tout jeune homme invente et désire le premier aveu : sentiment, dessin, langue, il y a là une page adoptée d’avance par des milliers d’imaginations et de cœurs, une page qui, venue au temps de la Princesse de Clèves, en une littérature moins encombrée, aurait certitude d’être immortelle.

447. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Nous en prendrons un autre exemple dans René : « Souvent j’ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui volaient au-dessus de ma tête… Un secret instinct me tourmentait : je sentais que je n’étais moi-même qu’un voyageur ; mais une voix du ciel semblait me dire : — Homme, la saison de ta migration n’est pas encore venue ; attends que le vent de la mort se lève, alors tu déploieras ton vol vers ces régions inconnues que ton cœur demande. — Levez-vous vite, orages désirés, qui devez emporter René dans les espaces d’une autre vie… » Nous pourrions multiplier les citations à l’infini ; car pour trouver des exemples de cette forme de style, il suffit presque de jeter au hasard les yeux sur quelques-uns des écrits qui ont fait bruit dans notre siècle, tandis qu’on se fatigue à en chercher dans la littérature classique. […] Il s’est élancé de l’une, et est allé expirer sur l’autre, en passant par-dessus tout un monde et en touchant le ciel : voilà l’idée plastique de cette belle ode ; et ceux qui ne verraient dans la comparaison de la bombe, qui la termine, qu’une simple comparaison et presque un hors-d’œuvre, n’auraient rien compris à une composition si artistique. […] (Le Feu du ciel.)

448. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Le Livre des rois, par le poète persan Firdousi, publié et traduit par M. Jules Mohl. (3 vol. in-folio.) » pp. 332-350

Mais bientôt se ravisant, et averti par la voix publique, il prétendit avoir vu en songe Ferdousi au ciel, revêtu d’une robe verte et portant au front une couronne d’émeraudes, et il se crut autorisé à lui payer le tribut qu’on accorde aux fidèles. […] Au premier rayon de l’aurore, Roustem prit un onyx qu’il portait au bras, et qui était célèbre dans le monde entier ; il le donna à Tehmimeh en disant : Garde ce joyau, et si le ciel veut que tu mettes au monde une fille, prends cet onyx et attache-le aux boucles de ses cheveux sous une bonne étoile et sous d’heureux auspices ; mais si les astres t’accordent un fils, attache-le à son bras, comme l’a porté son père… Là-dessus Roustem part au matin, monté sur son cheval Raksch ; il s’en retourne vers l’Iran, et, durant des années, il n’a plus que de vagues nouvelles de la belle Tehmimeh et du fils qui lui est né ; car c’est un fils et non une fille. […] Je suis venu comme la foudre, je m’en vais comme le vent ; peut-être que je te retrouverai heureux dans le ciel !

449. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mme du Châtelet. Suite de Voltaire à Cirey. » pp. 266-285

Il était temps, à la fin, que le feu du ciel tombât et prît à toute cette paille sèche pour renouveler la terre. […] Ici, elle pense évidemment à elle-même ; elle se flatte d’avoir reçu du ciel une de ces âmes tendres et immuables (voilà le coin d’illusion), qui savent se contenter d’une seule passion, même quand elle n’est plus partagée, et qui restent à jamais fidèles à un souvenir : J’ai été heureuse pendant dix ans, avoue-t-elle, par l’amour de celui qui avait subjugué mon âme, et ces dix ans, je les ai passés tête à tête avec lui, sans aucun moment de dégoût et de langueur. […] Ainsi, deux ou trois jours après cette mort, comme il s’inquiétait fort d’une bague que portait la marquise, et où devait se trouver son portrait sous le chaton, Longchamp lui dit qu’il avait eu la précaution, en effet, de retirer cette bague, mais que le portrait qu’elle renfermait était celui de M. de Saint-Lambert : « Ô ciel !

450. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Florian. (Fables illustrées.) » pp. 229-248

Dans sa fable d’Hercule au ciel, Florian commence par ces lignes prosaïques : Lorsque le fils d’Alcmène, après ses longs travaux, Fut reçu dans le ciel, tous les dieux s’empressèrent De venir au-devant de ce fameux héros… Certes, La Fontaine, ayant à peindre Hercule enlevé de son bûcher dans l’Olympe, et s’asseyant tout en feu entre les dieux, s’y serait pris autrement. […] Le ciel n’avait jamais été d’une sérénité plus pure, plus inaltérable.

451. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « De la poésie et des poètes en 1852. » pp. 380-400

Or, un joyeux bouvreuil, Son poitrail rouge au vent, son bec ouvert, et l’œil En feu, jetait au ciel sa chanson matinale, Hélas ! […] Voulez-vous, par exemple, une variante de l’Hoc erat in votis d’Horace, de ce vœu de tout poète et de tout sage qui ne demande désormais au ciel que le plus humble bonheur ? […] Midi, roi des Étés, épandu sur la plaine, Tombe en nappes d’argent des hauteurs du ciel bleu.

452. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Ils ont été aux voix, levant tous la main au ciel ; et, comme ils s’applaudissaient d’avoir une majorité très grande, je leur ai dit que je récusais leur témoignage, parce qu’ils étaient tous célibataires. […] Car vous sentez bien que plus on peut montrer que l’aigle était haute autrefois, plus il en résulte qu’elle doit paraître petite aujourd’hui : des deux aigles on prend la plus grande et on la laisse tomber comme du ciel pour griffer l’autre. […] « Dans cette halte de victoires qu’on appelait la paix, au bruit de ces crosses de fusils posées un moment à terre », il a montré le public d’élite accouru en foule à cette paisible fête littéraire, les bancs des académiciens envahis, l’auditoire en attente, et il s’est écrié : Quel contraste dans toutes les âmes, entre ces purs, ces gracieux souvenirs et ce ciel d’airain ?

453. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

* * * — Sous le ciel implacablement bleu, se profilant sur la mer, une procession de petits nègres qui marchent tout nus, à la queue leu leu, un gros cigare à la bouche, et au milieu du ventre un nombril comme leur cigare : c’est un tableau causé de Cuba, par Hérédia. […] Il s’arrête un moment, et avec un petit rire sarcastique, qui a l’air de moquer tout ce qui sort d’original de sa bouche, il s’écrie : « Oui cela, je veux le dire dans un livre, qui, sur la constitution des sociétés, serait, toute distance gardée, ce qu’est le livre de Laplace, sur la constitution du ciel !  […] Dimanche 26 décembre Ce soir, au milieu d’un lied chanté par la sœur de Berendsen, le traducteur danois de Renée Mauperin, Nittis me dit tout à coup : « Les dimanches de Naples, les dimanches de mon enfance… c’est par des bruits, des sonorités qu’ils me reviennent… Voyez-vous, le bleu du ciel et le plein soleil entrant par toutes les fenêtres… là-dedans montant les fumées de tout ce qui frit dans la rue… là-dessus le branle des cloches sonnant midi, et dominant les cloches, le chant d’un marchand de vin de l’extrémité de la rue, chantant, donnant de la voix, ainsi qu’on dit chez nous, avec une voix telle, que les cloches, je ne me les rappelle plus que… comme du paysage ! 

454. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

C’est à peu près comme si l’on disait : Il n’y a plus de roses, le printemps a rendu l’âme, le soleil a perdu l’habitude de se lever, parcourez tous les prés de la terre, vous n’y trouverez pas un papillon, il n’y a plus de clair de lune et le rossignol ne chante plus, le lion ne rugit plus, l’aigle ne plane plus, les Alpes et les Pyrénées s’en sont allées, il n’y a plus de belles jeunes filles et de beaux jeunes hommes, personne ne songe plus aux tombes, la mère n’aime plus son enfant, le ciel est éteint, le cœur humain est mort. […] On étonnerait fort Solon, fils d’Exécestidas, Zenon le Stoïcien, Antipater, Eudoxe, Lysis de Tarente, Cébès, Ménédème, Platon, Épicure, Aristote et Epiménide, si l’on disait à Solon que Ce n’est pas la lune qui règle l’année ; à Zenon, qu’il n’est point prouvé que l’âme soit divisée en huit parties ; à Antipater, que le ciel n’est point formé de cinq cercles ; à Eudoxe, qu’il n’est pas certain qu’entre les Égyptiens embaumant les morts, les Romains les brûlant et les Pæoniens les jetant dans les étangs, ce soient les Pæoniens qui aient raison ; à Lysis de Tarente, qu’il n’est pas exact que la vue soit une vapeur chaude ; à Cébès, qu’il est faux que le principe des éléments soit le triangle oblong et le triangle isocèle ; à Ménédème, qu’il n’est point vrai que, pour connaître les mauvaises intentions secrètes des hommes, il suffise d’avoir sur la tête un chapeau arcadien portant les douze signes du zodiaque ; à Platon, que l’eau de mer ne guérit pas toutes les maladies ; à Épicure, que la matière est divisible à l’infini ; à Aristote, que le cinquième élément n’a pas de mouvement orbiculaire, par la raison qu’il n’y a pas de cinquième élément ; à Epiménide, qu’on ne détruit pas infailliblement la peste en laissant des brebis noires et blanches aller à l’aventure, et en sacrifiant aux dieux inconnus cachés dans les endroits où elles s’arrêtent. […] Le génie humain est toujours dans son plein ; toutes les pluies du ciel n’ajoutent pas une goutte d’eau à l’océan ; une marée est une illusion ; l’eau ne descend sur un rivage que pour monter sur l’autre.

455. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Les jolies têtes des bouleaux se lèvent là-bas frissonnant, et leur bouquet de molle verdure se détache sur le bleu tendre du ciel, entre les flocons de nuages moites qui traînent en s’évaporant sur la forêt. […] Vous apercevez des pans de ciel lointain au bout des allées, des têtes de biches peureuses, des volées d’oiseaux effarés ; vous entendez des bourdonnements d’insectes, des bruissements de feuilles, les chuchotements du vent arrêté entre les branches. […] Pourvu que notre nerf optique et notre cerveau soient touchés à l’endroit convenable, ce soleil subsistera en l’absence de l’autre, et nous le verrons luire dans le ciel noir et désert.

456. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lacaussade, Auguste (1815-1897) »

Il en dit avec amour les horizons, le ciel, les savanes, les aspects tantôt riants, tantôt sévères.

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