J’ai fait autrefois quelques réserves à son sujet, lorsqu’il m’a semblé qu’on voulait le porter un peu trop haut ; j’en ferai peut-être encore quelques-unes ; mais ce sera le plus souvent en me servant de ses paroles mêmes et toujours en rendant hommage à son mérite, à son caractère et à ses vertus. […] Entre le jeune voyageur de 1831 et celui d’aujourd’hui, je fais la part de la physionomie individuelle, de la différence des caractères et des formes de talent ; mais aussi il me semble qu’on peut, en lisant les deux récits, se faire une idée des éléments tout nouveaux qui sont entrés dans l’éducation depuis trente ans, des excitants qui flottent dans l’air et qu’on y respire ; de la réalité en fusion qui circule, qu’on absorbe, et qui ressort ensuite par tous les pores ; en un mot, du changement introduit dans la nourriture générale des esprits, même de ceux qui sembleraient appartenir à un même courant d’opinions et de traditions. […] Ce n’est qu’après avoir épuisé un sujet qu’on sait nous être agréable et sur lequel on présume que nous aurons quelque chose à dire, qu’on essaye de diriger la conversation vers des objets plus vulgaires. » Sur l’aspect du Canada et des grands lacs, sur les pionniers, ces avant-coureurs sauvages d’une civilisation en marche, sur les Virginiens et leur caractère de gentilshommes qui tranche avec celui des Américains du Nord, sur le départ et l’expropriation des restes de l’antique et puissante tribu des Chactas, M. de Tocqueville a des pages d’une peinture modérée, dans laquelle l’observation et le sentiment moral se combinent de manière à former dans l’esprit une image durable. […] Votre caractère est complet, et votre esprit très-près de ce qu’il sera jamais ; mais votre autorité n’est pas ce qu’elle sera plus tard ; et il vous importe, il nous importe encore plus qu’à vous, qu’elle soit établie et autant inattaquable qu’il est possible, quand elle se produira dans les affaires publiques. […] — Michel Lévy. toujours en rendant hommage à son mérite, à son caractère et à ses vertus.
Cet écrit sur l’Amitié dont M. d’Andilly et les amis de Mme de Sablé faisaient de si prodigieux éloges, et dont elle accoucha sur la fin de 1660, n’est qu’une suite de maximes, placées les unes après les autres et formant à peine deux petites pages : il porte le caractère d’une réfutation, et voici ce qu’en dit M. […] Il ne faut pas demander aux hommes de ce temps-là une critique historique bien profonde en ce qui concerne l’Antiquité : il y a bien loin, comme l’on peut penser, de Saint-Évremond à Niebuhr et à Monvnsen ; mais, au sortir des doctes élucubrations du xvie siècle, et en se débarrassant du matériel de l’érudition et des questions de grammaire, il y eut alors quelques hommes de sens qui raisonnèrent à merveille sur les données générales qu’on avait à sa portée et sous la main : on dissertait volontiers sur le caractère des Romains et des Grecs, sur le génie de César et d’Alexandre. […] A partir de là, le niveau passa et s’étendit sur tout, sur les caractères comme sur les choses. […] Il lui demande plus de vérité, de vraisemblance historique, d’observer le caractère des nations, de tenir compte du génie des lieux et des temps : peu s’en faut qu’il ne réclame en propres termes un peu de couleur locale. […] C’est ce que fit la duchesse pendant plusieurs jours, pendant lesquels ses amis, entre autres M. de Saint-Évremond, ne la voyant pas revenir, connaissant son caractère, se doutèrent de ce que c’était.
C’est bien en le lisant qu’on peut sentir ce que dit quelque part Pline le Jeune dans une belle parole : « Quanta potestas, quanta dignitas, quanta majestas, quantum denique numen sit historiæ74… » Le caractère élevé, auguste et, pour ainsi dire, sacré de l’histoire est gravé dans tout ce qu’il écrit. […] Il y avait bien encore Louvois, l’organisateur de la guerre, l’administrateur essentiel et vigilant, mais avec tous les inconvénients de son caractère. […] Honneur et respect du moins, quand l’esprit supérieur et le grand caractère qui ne recule devant rien fait entrer dans ses inspirations un sentiment élevé, un dévouement profond à la puissance publique dont il est investi, quand il se propose un but d’accord avec l’utilité ou la grandeur de l’ensemble. […] Sa perte fut préparée avec une lenteur calculée par Philippe II, « qui traînait en longueur ses disgrâces comme toutes les autres choses. » Le caractère de ce sombre monarque, son indécision tortueuse, compliquée des rancunes mortelles de son humeur et comme des intermittences de sa bile, ne se révèle nulle part plus profondément que dans cette lugubre affaire et dans les suites opiniâtres qu’il y donna. […] Et puisque nous sommes en train d’oser, il ne serait pas juste, en quittant l’un des écrivains les plus respectés et les plus considérables de notre temps, de ne pas toucher à l’homme, et de ne pas au moins nommer en lui quelques-uns de ces traits si rares et qui accompagnent si bien le talent, sa simplicité, un caractère aimable, resté fidèle à ses goûts et à ses affections, quelque chose de gracieux qui, ainsi que nous l’avons noté chez son ami M.Thiers, se rattache à la patrie du Midi et aux dons premiers de cette nature heureuse.
Ce qui distingue Racine, avant tout, dans la composition du style comme dans celle du drame, c’est la suite logique, la liaison ininterrompue des idées et des sentiments ; c’est que chez lui tout est rempli sans vide et motivé sans réplique, et que jamais il n’y a lieu d’être surpris de ces changements brusques, de ces retours sans intermédiaire, de ces volte-faces subites, dont Corneille a fait souvent abus dans le jeu de ses caractères et dans la marche de ses drames. […] D’après le peu qu’on vient de lire sur le caractère, les mœurs et les habitudes d’esprit de Racine, il serait déjà aisé de présumer les qualités et les défauts essentiels de son œuvre, de prévoir ce qu’il a pu atteindre, et en même temps ce qui a dû lui manquer. Un grand art de combinaison, un calcul exact d’agencement, une construction lente et successive, plutôt que cette force de conception, simple et féconde, qui agit simultanément et comme par voie de cristallisation autour de plusieurs centres dans les cerveaux naturellement dramatiques ; de la présence d’esprit dans les moindres détails ; une singulière adresse à ne dévider qu’un seul fil à la fois ; de l’habileté pour élaguer plutôt que la puissance pour étreindre ; une science ingénieuse d’introduire et d’éconduire ses personnages ; parfois la situation capitale éludée, soit par un récit pompeux, soit par l’absence motivée du témoin le plus embarrassant ; et de même dans les caractères, rien de divergent ni d’excentrique ; les parties accessoires, les antécédents peu commodes supprimés ; et pourtant rien de trop nu ni de trop monotone, mais deux ou trois nuances assorties sur un fond simple ; — puis, au milieu de tout cela, une passion qu’on n’a pas vue naître, dont le flot arrive déjà gonflé, mollement écumeux, et qui vous entraîne comme le courant blanchi d’une belle eau : voilà le drame de Racine. […] C’est elle que je me suis surtout efforcé de bien exprimer, et ma tragédie n’est pas moins la disgrâce d’Agrippine que la mort de Britannicus. » Et malgré ce dessein formel de l’auteur, le caractère d’Agrippine n’est exprimé qu’imparfaitement : comme il fallait intéresser à sa disgrâce, ses plus odieux vices sont rejetés dans l’ombre ; elle devient un personnage peu réel, vague, inexpliqué, une manière de mère tendre et jalouse ; il n’est plus guère question de ses adultères et de ses meurtres qu’en allusion, à l’usage de ceux qui ont lu l’histoire dans Tacite. […] Des reproches analogues peuvent s’adresser aux caractères et aux discours des personnages.
De là les caractères particuliers de sa charité. […] En sorte que la conscience qu’il a de cette élection surnaturelle peut également développer en lui, selon son caractère, l’humilité ou l’orgueil. […] Elle a parfois chez eux une intensité extraordinaire et toujours, comme on pense, un caractère particulier. […] Ainsi leur passion du pouvoir garde toujours un caractère religieux, car l’épiscopat est la plénitude du sacerdoce. […] Dans l’admirable conversation de l’évêque Jourfier avec le cardinal Finella (Balzac eût certainement signé ces pages), le subtil cardinal a une réflexion qui éclaire jusqu’au fond le caractère de « Lucifer » et toute cette histoire d’un prêtre qui n’est qu’un honnête homme : Le ton de votre langage m’épouvante, et c’est, moins par sa vivacité, hors de toute mesure, que par un tour trop direct où, passez-moi une expression hasardée, ne sonne pas assez l’âme ecclésiastique.
Parmi les changements qui se produisent dans nos impressions, nous distinguons d’abord les changements internes volontaires et accompagnés de sensations musculaires et les changements externes, dont les caractères sont opposés. […] Quoi que l’on doive penser de cette hypothèse, qu’on soit séduit par sa simplicité, ou rebuté par son caractère artificiel, le seul fait que Hertz ait pu la concevoir, et la regarder comme plus commode que nos hypothèses habituelles, suffit pour prouver que nos idées ordinaires, et, en particulier, les trois dimensions de l’espace, ne s’imposent nullement au mécanicien avec une force invincible. […] Qu’on ne puisse pas se représenter simultanément les diverses parties du temps, cela va de soi, puisque le caractère essentiel de ces parties est précisément de n’être pas simultanées. […] Autre chose : d’où vient à l’espace son caractère quantitatif ? […] Ainsi c’est la répétition qui a donné à l’espace ses caractères essentiels ; or, la répétition suppose le temps ; c’est assez dire que le temps est antérieur logiquement à l’espace.
Si l’on s’assujettit à la tyrannie des rieurs vulgaires, si l’on tient compte de leurs fadaises, l’on se défend toute beauté morale, toute haute aspiration, toute élévation de caractère ; car tout cela peut être ridiculisé. […] Parcourez l’échelle des caractères moraux : on a pu rire de Socrate, de Platon, de Jésus-Christ, de Dieu. […] En faisant au scepticisme moral la plus large part en supposant que la vie et l’univers ne soient qu’une série de phénomènes de même ordre et dont on ne puisse dire autre chose, sinon qu’il en est ainsi en accordant que pensée sentiment, passion, beauté, vertu ne soient que des faits, excitant en nous des sentiments divers, comme les fleurs diverses d’un jardin ou les arbres d’une forêt (d’où il résulterait comme Goethe et Byron le pensaient, que tout est poétique) en admettant que, parvenu à l’atome final, on puisse, librement et à son choix, rire ou adorer, en sorte que l’option dépende du caractère individuel de chacun, même à ce point de vue, dis-je, où la morale n’a plus de sens, la science en aurait encore. […] Je verrais un mouvement populaire du plus odieux caractère, une vraie jacquerie, l’égoïsme disant à l’égoïsme : « La bourse ou la vie », que je m’écrierais : « Vive l’humanité ! […] Je vis un jour dans un bois un essaim de vilains petits insectes, qui avaient entouré de leurs filets une jeune plante et suçaient ses pousses vertes avec un si laid caractère de parasitisme que cela faisait répugnance.
* * * — Un des caractères particuliers de nos romans, ce sera d’être les romans les plus historiques de ce temps-ci, les romans qui fourniront le plus de faits et de vérités vraies à l’histoire morale de ce siècle. […] Cette chose qui fait autour de lui le respect et une disposition des autres à s’incliner sous ses idées : c’est le caractère. […] * * * 8 septembre Amsterdam… Une terre sortie de l’eau et véritablement bâtie ; un pays à l’ancre, un ciel aqueux ; des coups de soleil qui ont l’air de passer par une carafe remplie d’eau saumâtre ; des maisons qui ont l’air de vaisseaux, des toits qui ont l’air de poupes de vieilles galères, des escaliers qui sont des échelles, des wagons qui sont des cabines, des salles de danse qui figurent des entreponts ; des hommes, des femmes à sang blanc et froid ; des caractères qui ont la patience de l’eau ; des existences qui ont la platitude d’un canal, des castors dans un fromage : — voilà la Hollande. […] Maintenant très original dans sa façon de s’exprimer, il l’est assez peu dans sa façon de penser, n’ayant une impression de la beauté et du caractère des choses, que lorsqu’il en est averti par un livre bon ou mauvais, croyant, à la façon d’une intelligence inférieure, à l’imprimé, et par cette servitude assez soumis dans le fond à l’opinion générale. […] Violent en paroles avec une grande faiblesse de caractère, avec des désespoirs enfantins à propos de rien, lui faisant monter les larmes aux yeux, traversé de caprices, de boutades, d’humeurs qui ont quelque chose de malaises physiques, — et souvent s’absorbant en des enfoncements qui lui viennent, m’a-t-il dit, d’un an de solitude passé à Rome, à l’âge de treize ans, époque où toute sa vivacité expansive d’enfant, est rentrée chez lui comme une gourme… Un garçon paraissant avoir toujours vécu seul, tant son corps est égoïste, et qui prend tout le trottoir s’il marche avec vous, et vous entre, en chemin de fer, les coudes dans les côtes.
Mais ces maîtres, trop célébrés jadis, trop méprisés aujourd’hui, eurent le grand mérite, si l’on ne veut pas trop se préoccuper de leurs procédés et de leurs systèmes bizarres, de ramener le caractère français vers le goût de l’héroïsme. […] Ingres une résignation ; je devine assez son caractère pour croire plutôt que c’est de sa part une immolation héroïque, un sacrifice sur l’autel des facultés qu’il considère sincèrement comme plus grandioses et plus importantes. […] Il a, en somme, l’admiration assez facile, le caractère assez éclectique, comme tous les hommes qui manquent de fatalité. […] De l’empereur Napoléon j’aurais bien envie de dire que je n’ai point retrouvé en lui cette beauté épique et destinale dont le dotent généralement ses contemporains et ses historiens ; qu’il m’est pénible de ne pas voir conserver le caractère extérieur et légendaire des grands hommes, et que le peuple, d’accord avec moi en ceci, ne conçoit guère son héros de prédilection que dans les costumes officiels des cérémonies ou sous cette historique capote gris de fer, qui, n’en déplaise aux amateurs forcenés du style, ne déparerait nullement une apothéose moderne. […] Le caractère principal d’une apothéose doit être le sentiment surnaturel, la puissance d’ascension vers les régions supérieures, un entraînement, un vol irrésistible vers le ciel, but de toutes les aspirations humaines et habitacle classique de tous les grands hommes.
Dans la suite, on n’y délibérait plus que sur les choses sacrées, dont les choses profanes avaient elles-mêmes emprunté le caractère dans les premiers temps. […] Le principe de cet ancien droit de la guerre fut le caractère inhospitalier des peuples héroïques que nous avons observé plus haut. […] Ces consuls étaient deux rois annuels d’une aristocratie, reges annuos , dit Cicéron dans le livre des lois, de même qu’il y avait à Sparte des rois à vie, quoique personne ne puisse contester le caractère aristocratique de la constitution lacédémonienne. […] Si la variété de tant de causes et d’effets observés jusqu’ici dans l’histoire de la république romaine, si l’influence continue que ces causes exercèrent sur ces effets, ne suffisent pas pour établir que la royauté chez les Romains eut un caractère aristocratique, et que la liberté fondée par Brutus fut restreinte à l’ordre des nobles, il faudra croire que les Romains, peuple grossier et barbare, ont reçu de Dieu un privilège refusé à la nation la plus ingénieuse et la plus policée, à celle des Grecs ; qu’ils ont connu leurs antiquités, tandis que les Grecs, au rapport de Thucydide, ne surent rien des leurs jusqu’à la guerre du Péloponnèse79. […] Le héros digne de ce nom, caractère bien différent de celui des temps héroïques, est appelé par les souhaits des peuples affligés ; les philosophes en raisonnent, les poètes l’imaginent, mais la nature des sociétés ne permet pas d’espérer un tel bienfait du ciel.
. — Son caractère oriental. — Conjectures diverses sur les rencontres et les imitations du génie humain. — L’ode hébraïque. […] Ce culte, ces chants religieux, marqués d’un caractère si particulièrement indigène, ont-ils dépassé leur berceau et de bonne heure éveillé la poésie chez d’autres peuples ? […] Le caractère même du chef politique retracé par le philosophe est modelé sur le législateur hébreu : c’est un naturel extraordinaire, une éducation miraculeuse, une égale aptitude à la vie contemplative et à la vie active. […] Ce caractère, ce genre de diction, je ne veux pas dire tempéré, comme l’ont nommé quelques hébraïsants trop classiques, mais unique, mais original, et semblable, pour ainsi dire, à une inspiration si divine qu’elle ne coûte aucun effort, qu’elle n’agite pas le prophète, qu’elle ne trouble pas le son de sa voix et qu’elle tombe doucement de ses lèvres, nous en avons de nombreux exemples dans Pindare ; mais une gracieuse image s’en retrouve aussi dans l’ode charmante d’Horace : Quem tu, Melpomene, semel Nascentem placido lumine videris, Illum non labor Isthmius Clarabit pugilem, etc. […] C’est qu’il ne s’agit plus là de la sublimité morale proprement dite, de cette sérénité de la raison révélée qui donne un caractère ineffable à quelques-uns des hymnes hébraïques.
Il domine à Paris comme à Londres, mais modifié par le caractère français, et transformé en amour-propre. […] En général, nous avons déployé dans notre marine notre véritable caractère : nous y paraissons comme guerriers et comme artistes. […] Young a surtout cherché à donner à ses méditations le caractère de la tristesse. […] En effet, ce caractère est bien dessiné, quoiqu’il soit souvent d’un comique peu naturel, bas et outré. […] Nos églises donnent à nos hameaux et à nos villes un caractère singulièrement moral.
On ne peut être quelqu’un, ayant talent et caractère, sans qu’il en soit ainsi. […] Nécessaire peut-être pour l’auteur, ce voyage l’était moins pour le public, et il ne ressortait d’un récit toujours agréable ni renseignements ni peintures d’un caractère original bien nouveau. […] Ampère redoutait l’esprit de domination de Cuvier ; il ne se dissimulait pas qu’on ne deviendrait son gendre qu’en subissant un joug, condition inacceptable pour un caractère essentiellement indépendant comme le sien. […] Sa mobilité de caractère, ce vague besoin qu’il prenait pour de l’indépendance, et qui n’était au fond que de l’assujettissement à l’Abbaye-au-Bois, le déterminèrent à une longue absence. […] Voilà la vérité. » Ampère, comme tous les caractères excessifs et les cœurs errants, eut ensuite des regrets, des remords sous forme nerveuse.
Caractères anglais de son talent. — Sa rudesse. — Sa plaisanterie. — Sa poésie. […] La seule partie de la philosophie qui plaise aux hommes de ce caractère est la morale, parce qu’ainsi qu’eux elle est toute pratique, et ne s’occupe que des actions. […] Les avocats de Charles, comme les avocats d’autres malfaiteurs, contre lesquels on produit des preuves accablantes, évitent ordinairement toute discussion sur les faits, et se contentent d’en appeler aux témoignages portés sur son caractère. […] Non, car, puisqu’elle a pour cause toute une situation et tout un caractère, il faut que j’aperçoive d’un seul coup et en abrégé tout le caractère et toute la situation qui l’ont produite. […] Un second caractère de cette histoire est la clarté.
Mais il faut alors que l’expéditeur fasse la preuve devant les tribunaux et il est toujours trop tard, je veux dire que le mal déjà a été commis du caractère strictement privé de ces lettres. […] Mais il faut que vous ayez donné cette propriété mobilière sans condition ni restriction ; fait qui n’a pas lieu lorsque votre lettre offre un caractère secret, confidentiel. […] Les tribunaux ont toujours assuré le respect du contrat qui s’est formé tacitement autour d’une missive de caractère strictement privé. […] Il en serait ainsi notamment dans le cas de lettres confidentielles, présentant un caractère strictement privé. […] Je dis : en principe, ouvrant la porte à l’appréciation des tribunaux pour des cas d’espèce ; et réservant bien entendu, les lettres à secret, confidence et caractère strictement privé.
C’est là le caractère particulier de la mort par le curare. […] Son caractère est de ne relever que d’elle-même, parce qu’elle emprunte à son critérium l’expérience une autorité impersonnelle qui domine toute la science. […] Tout ce qui reste en dehors de ce caractère n’est qu’empirisme ou ignorance, car il ne saurait y avoir des demi-sciences ni des sciences conjecturales. […] L’universalité d’un tel phénomène, la constance qu’il présente, sa nécessité, en font le caractère fondamental de l’être vivant, le signe plus général de la vie. […] La combustion vitale au contraire suppose une régénération corrélative, phénomène de la plus haute importance dont il nous reste à tracer les caractères principaux.
Mais, encore, en général, l’école des arts à Genève eut plutôt un caractère de patience, d’application et d’industrie ; l’utilité pratique ne s’en sépara point, et l’artiste serra de près l’artisan. […] Pourtant l’influence de Jean-Jacques sur lui fut immense, et, à cet âge de seize à vingt ans, elle prit dans son âme tout le caractère d’une passion. […] Les temps de la chevalerie présentent le même caractère. […] Cette arme véritable prend une physionomie, un caractère ; elle devient un personnage qui a sa bonne part dans l’intérêt que nous portons au vieux chasseur des prairies… » Puis revenant à son bâton d’encre de Chine : « Ceci, dit-il, tient à notre vie privée ; aussi éprouvé-je quelque répugnance à en entretenir le public. […] De là une pensée un peu mélancolique, non que j’envie à mon pauvre bâton ce privilége de sa nature, mais parce qu’il n’est pas donné à l’homme de voir sans regret la jeunesse en arrière et en avant le déclin115… » Le chapitre qui suit, sur le pinceau, a beaucoup de piquant ; le caractère du pinceau, suivant M.
. — Comment elle a établi la race et fondé le caractère. — La conquête normande. — Comment elle a infléchi le caractère et établi la constitution. — La Renaissance. — Comment elle a manifesté l’esprit national. — La Réforme. — Comment elle a fixé le modèle idéal. — La Restauration. — Comment elle a importé la culture classique et dévié l’esprit national. — La Révolution. — Comment elle a développé la culture classique et redressé l’esprit national. — L’âge moderne. — Comment les idées européennes élargissent le moule national. […] Ils sont conquis pour toujours et à demeure, conquis par des Normands, c’est-à-dire par des Français plus habiles, plus vite cultivés et organisés qu’eux ; là est le grand événement qui va achever leur caractère, décider de leur histoire et imprimer dans leur caractère et dans leur histoire, l’esprit politique et pratique qui les sépare des autres peuples germains. […] II Mais parmi tant d’ébauches et d’épreuves, un caractère s’est formé et le reste en dérivera. […] Presque jamais un livre ici ne peint l’homme d’une façon désintéressée ; critiques, philosophes, historiens, romanciers, poëtes même, ils donnent une leçon, ils soutiennent une thèse, ils démasquent ou punissent un vice, ils peignent une tentation surmontée, ils racontent l’histoire d’un caractère qui s’assied. […] V Au fond du présent comme au fond du passé, reparaît toujours une cause intérieure et persistante, le caractère de la race ; l’hérédité et le climat l’ont entretenu ; une perturbation violente, la conquête normande, l’a infléchi ; à la fin, après des oscillations diverses, il s’est manifesté par la conception d’un modèle idéal propre, qui peu à peu a façonné ou produit la religion, la littérature et les institutions.
C’était une belle âme, ce n’était pas un grand esprit ; mais il avait tout ce que l’âme donne à l’esprit, c’est-à-dire l’élévation des idées, la loyauté du caractère, la magnanimité des sentiments, la sincérité des opinions. […] Ce caractère est évidemment celui de sa vie entière ; elle appelait tout, elle trompait tout, excepté l’amitié. […] M. de Barante, jeune homme alors très distingué par madame de Staël, promettait à la France un homme de bien et de talent de plus ; madame Récamier apprécia une des premières l’honnêteté de caractère, l’indépendance de cœur et l’étendue d’idées dans cet ami de son amie. […] Sa beauté prit un caractère grave et pensif que les ruines de Rome donnent au regard qui les contemple longtemps. […] Dubois, philosophe politique de courage et de talent qui semait, dans la revue le Globe, le germe d’une liberté propre à élargir les idées sans préparer des révolutions ; David, le sculpteur, adorateur de la beauté et du génie, qui prenait ses sensations pour des opinions, mais dont toute la supériorité était dans la main et dans le caractère ; M.
Tel a toujours été le caractère distinctif du mensonge, il est susceptible de toutes les altérations possibles, au lieu que la vérité est inaltérable. […] On commençoit, il est vrai, à observer les règles Dramatiques, à dessiner mieux un plan, à soutenir davantage les caractères ; mais on ignoroit l’art de joindre (*) à ces mêmes règles la majesté de la Tragédie, la noblesse des caractères & la force de la versification. […] Peuple avide de gloire, dont les Arts annonçoient le goût, les Sciences le génie, & la gaïeté le caractère ! […] Quelle vérité dans les caractères ! […] Les Samaritains seuls ont conservé le Pentateuque en anciens caractères Hébraïques.
Et tout à coup il ajoute : « Cependant, quelque féroce que soit le caractère des naturels, rétive leur disposition et bestiale leur façon de vivre, il n’en est pas qui ne décèlent des germes de progrès (vous n’aviez pas prévu cette conclusion !) […] Voilà quelques-unes des raisons (et je laisse de côté le caractère de l’homme) qui font que, tout en admirant ce voyageur extraordinaire, je ne saurais aller jusqu’à l’amour ni à la confiance.
Tandis que la tradition burlesque régnait presque souverainement sur la scène italienne, et que les types, inventés une fois pour toutes, y reproduisaient chaque ridicule dans son expression générale, nos bouffons ne perdaient pas l’habitude de regarder autour d’eux, de peindre sur le vif un caractère particulier, de saisir l’actualité au passage, d’exercer enfin l’esprit observateur et satirique propre à la nation. […] Mais par son caractère aristophanesque et par les suites qu’elle aurait eues sans la spirituelle indulgence de Henri IV, elle tomba dans le domaine du chroniqueur, et son récit nous en a conservé les principaux traits.
Les pièces qu’il intitule Ballades ont un caractère différent ; ce sont des esquisses d’un genre capricieux : tableaux, rêves, scènes, récits, légendes superstitieuses, traditions populaires. […] Un écrivain qui a quelque souci de la postérité cherchera sans cesse à purifier sa diction, sans effacer toutefois le caractère particulier par lequel son expression révèle l’individualité de son esprit.
Elle commettait bien à cette charge, selon nous, immense, d’écrire l’histoire, des hommes éprouvés et capables, qui semblaient avoir conquis une telle position, de haute lice, par l’élévation du talent et du caractère et cette conséquence de l’esprit qu’on ne connaît plus et qui est autant l’honneur de la vie que de la pensée. […] Évidemment à cette hauteur, l’Histoire revêt le plus auguste caractère.
D’autres causes cependant ont contribué à lui donner son caractère. […] Encore si l’on se piquait de fidélité, si l’on rendait mieux le costume et le caractère des nations ! […] On l’a déjà fait : soit, mais on effaçait la condition devant le caractère : qu’on subordonne le caractère à la condition ; on montrait un financier, qu’on montre le financier. […] Ces musiciens eux-mêmes estimèrent qu’il était possible de donner à la musique un caractère tout individuel. […] Pour lui, l’habit c’est l’homme, ou du moins c’est le moule extérieur de sa personnalité, l’épiderme de son caractère.
Il prend l’homme dans les conditions communes, les caractères dans le train de chaque jour, moyens et changeants. […] Il se réfugia à Lemberg et y mourut de misère, ayant engagé ses caractères à un Juif. […] Elle fournit une pierre de touche qui décèle de prime abord l’intelligence et le caractère de chacun. […] Fond de caractères et fond d’idées. […] Chacune de ces fiches semblait avoir un caractère particulier, comme si elles trahissaient les caractères respectifs des moujiks.
Le laisser-aller, si conforme au caractère d’Isaac, envahit son ménage. […] Cette timidité est le fond du caractère de Benjamin. […] On dénie justement aux ouvrages de ce caractère d’appartenir à l’art. […] Ce caractère est loin de les épuiser. […] Impossibles, comment ces caractères engendreraient-ils aucune action ?
N’est-ce pas un moyen d’avertir le public de la nature particulière de ce roman et de marquer son caractère de vérité ? […] Ne sont-elles point, de telles vies, la rançon de l’indépendance du caractère et de l’originalité de l’esprit ? […] Du vivant même du poète, elle avait pris un caractère, si l’on peut dire, définitif et immuable. […] Servons-nous-en seulement pour mieux définir son caractère. […] Le témoignage qui s’y ajoute aujourd’hui a donc un caractère qu’il est aisé de définir.
Écrites par des ouvriers, faits pour la foule, ces chants sont artificiels et perdus par le caractère littéraire et factice de leur expression. […] Le plus souvent leur lyrisme garde cette mesure qui est, dit-on, un des caractères de leur race, et une des marques de leur esprit. […] Le Moïse de Vigny, descendant du Mont Sinaï où il a pris contact avec Dieu, s’applique à définir son propre caractère, et à marquer les traits dominants de la psychologie. […] Ce caractère actif est encore plus marqué chez les poètes italiens. […] Mais ces sensations, qui sont elle, ont pourtant un contenu propre, c’est à dire un certain caractère affectif, plaisir ou peine, jouissance ou souffrance.
La maison touchait au cimetière de la paroisse de Notre-Dame, et prenait de ce voisinage un caractère religieux, austère ; un grand calvaire à côté dominait les humbles croix et les gazons. […] Il est à remarquer qu’elle et Victor Hugo entrèrent sous l’aile de la muse avec je ne sais quelle secrète influence espagnole, l’un né à Besançon, l’autre à Douai, deux cités françaises très-marquées de ce caractère étranger ; mais elle, son talent ne portait au cœur comme au front que le caractère espagnol attendri. […] La grande lettre en gros caractères à la Louis XVI, et signée du grand-oncle Antoine, est déployée : il y est mis pour condition expresse que les enfants seront rendus à la religion des aïeux pour reprendre droit dans la succession immense. […] Petite de taille, d’un visage charmant, elle avait quelque chose d’angélique et de puritain, un caractère sérieux et ferme, une sensibilité pure et élevée. […] Il a de plus le charme d’un caractère candide, et les goûts les plus sobres.
Sous le poète on sentait le philosophe à caractère sobre ; l’Arioste se retrouvait dans sa maison. […] Heureusement pour lui, le duc d’Urbin, qui estimait son caractère et son talent, apprit par hasard son passage à travers ses États ; il l’arrêta à Pesaro et lui donna l’hospitalité dans une maison de campagne située sur les collines qui entourent la ville, où les prairies, les bois, les eaux et la vue de la mer Adriatique, formaient un horizon inspirateur pour le poète fatigué des vicissitudes du sort. […] Le duc d’Urbin, charmé de la figure, du caractère et du talent précoce de Torquato, en fit le compagnon d’étude et l’ami de son propre fils Francisco. […] Alphonse était, selon l’historien le mieux informé, Muratori, brave, juste, magnifique, religieux, passionné pour la gloire des lettres et des arts ; ces qualités, dit-il, étaient obscurcies dans ce noble caractère par un mélange d’orgueil, de caprice, de susceptibilité, de ressentiment implacable contre ceux dont il croyait avoir reçu quelques offenses. […] Il se délassait de ce travail en écrivant aussi quelques notes sur la nature du pays et sur le caractère des habitants ; il compare, avec assez de justesse pour un étranger, la France à l’Italie ; il attribue, comme Montesquieu, la mobilité du génie français à l’inconstante variété du climat.
Le moment où les âmes des deux côtés s’exaspèrent et où la guerre, à la voix des prédicants, se démoralise, est énergiquement, et je dirai, vertueusement rendu par Mézeray (1562) : il nous fait assister à cette suite de représailles et d’horreurs où, à part un bien petit nombre d’exceptions, les caractères les plus forts se souillent et se dégradent. […] Une des choses qui me plaisent le plus dans Mézeray, à côté de l’agencement plein et facile de la narration, c’est le talent naturel et presque insensible avec lequel sont traités les caractères ; on les voit se développer successivement et sans parti pris selon les circonstances, avec tous leurs flux et reflux de passions ; Mézeray ne les fait jamais poser, il les laisse marcher et on les suit avec lui. […] Par exemple, il dira en un endroit, d’un des serviteurs infidèles du roi Antoine de Navarre : « François d’Escars, homme qui se vendait à tout le monde pour de l’argent, hormis à son maître… » J’avais noté bien d’autres remarques à faire sur les divers caractères et mérites de cette Histoire, mais il faut se borner et laisser quelque chose à ceux qui prendront le même chemin. […] Sous un régime qui redevenait absolu, Mézeray, du caractère dont il était, eut bientôt maille à partir avec les puissances.
Gibbon eut besoin de sa réputation d’auteur pour se faire dans son pays toute sa place ; il était peu préparé à être homme du monde par son enfance maladive, son éducation étrangère et son caractère réservé. […] Ainsi considéré, Virgile, dans ses Géorgiques, n’est plus seulement un poète, il s’élève à la fonction d’un civilisateur et remonte au rôle primitif d’un Orphée, adoucissant de féroces courages. — Touchant, en passant, les travaux de Pouilly et de Beaufort qui, bien * avant Niebuhr, avaient mis en question les premiers siècles de Rome, Gibbon s’applique à trouver une réponse, une explication plausible qui lève les objections et maintienne la vérité traditionnelle : « J’ai défendu avec plaisir, dit-il, une histoire utile et intéressante. » Celui qui exposera le déclin et la chute de l’Empire romain se retrouve ici, comme par instinct, défendant et maintenant les origines et les débuts de la fondation romaine. — En ce qui est de l’usage que les poètes ont droit de faire des grands personnages historiques (car Gibbon, dans cet Essai, touche à tout), il sait très bien poser les limites du respect dû à la vérité et des libertés permises au génie : selon lui, « les caractères des grands hommes doivent être sacrés ; mais les poètes peuvent écrire leur histoire moins comme elle a été que comme elle eût dû être ». […] Il s’est peint, au reste, au vrai et sans flatterie dans son Journal, à cet âge de vingt-cinq ans (mai 1762) : honnête de caractère, vertueux même, incapable d’une action basse, et formé peut-être pour les généreuses ; mais fier, roide, ayant à faire pour être agréable en société ; travaillant sur lui-même avec constance. […] Qui ne sent pas son prix n’est pas digne d’elle ; mais qui l’a pu sentir et s’en détache est un homme à mépriser… — Gibbon a l’honnêteté de renvoyer à cette lettre où les noms étaient restés masqués par des initiales ; il indique que c’est à lui qu’elle s’applique, et il ajoute : « Comme auteur, je n’appellerai pas du jugement, ou du goût, ou du caprice de Jean-Jacques ; mais cet homme extraordinaire, que j’admire et que je plains, aurait pu mettre moins de précipitation à condamner le caractère moral et la conduite d’un étranger. » j.
Pour apprécier le caractère de l’homme d’administration en M. […] Laissons les comparaisons : il ne s’agit pour le moment que de bien définir, par un caractère général qui l’honore, ce groupe littéraire de Collin d’Harleville, d’Andrieux, de Picard, d’Alexandre Duval (avant la brouille), de Roger (avant l’esprit de parti), de Campenon, Lémontey et autres. […] Daru alors en Allemagne, en Westphalie (août 1808), et lui apprenant que « les bons Parisiens sont menacés de quatre grandes, comédies en vers », d’Andrieux (Les Deux Vieillards), de Picard (Les Capitulations), de Lemercier (Le Faux Bonhomme), et de lui-même Duval qui se met à lui citer des vers de son Aventurière, et qui regrette de ne le pouvoir consulter plus en détail : « Je me rappelle vos observations sur Le Tyran domestique, ajoute-t-il ; elles m’ont contrarié sans doute, mais j’en ai profité. » D’un caractère à part dans ce groupe des amis d’alors ; ombrageux, jaloux, très sensible à la critique, mais doué d’une certaine force de conception dramatique et de la faculté d’intéresser, Alexandre Duval, Breton de naissance, se pliait malaisément au ton de la petite société des dimanches ; il dépassait un peu par sa chaleur et sa poussée d’imagination l’ordre de critiques de style et d’observations de détail si goûtées d’Andrieux et de ses dociles émules. En reconnaissant des défauts de goût et peut-être de caractère chez Alexandre Duval, il faut pourtant honorer en lui le producteur courageux et fécond qui, au milieu des hasards de sa veine, a trouvé des inspirations heureuses dans des genres différents (Maison à vendre, Édouard en Écosse, Le Tyran domestique, La Fille d’honneur).
Car des quatre grands hommes, c’était Molière surtout qui aimait à le consulter non seulement dans ses ennuis de cœur, mais dans ses embarras de directeur de théâtre (deux sortes de peines qui se mêlaient en lui volontiers) : il avait dans sa troupe trois principales actrices entre lesquelles il s’agissait de distribuer les rôles et dont il importait de mener à bien les rivalités ; et Chapelle, de la campagne, lui écrivait : Il faut être à Paris pour en résoudre ensemble, et, tâchant de faire réussir l’application de vos rôles à leur caractère, remédier à ce démêlé qui vous donne tant de peine. […] Sur ce point même, les auteurs ne dérogeaient pas du tout à leur caractère de francs Gaulois : un vif et très rapide éclair de sentiment, à côté de beaucoup de bombance et de médisance. […] Ces imitateurs, au xviiie siècle, deviennent moins excusables parce qu’avec Rousseau on est revenu, péniblement il est vrai, mais on est revenu enfin à voir et à décrire la nature en elle-même, dans ses beautés et dans son caractère. […] Rigault, dans un article sur Chapelle (18 mai 1855), me semble lui avoir beaucoup prêté quand il a dit : « Partout, dans le monde et dans l’intimité, parmi les grands seigneurs et les grands esprits, à Chantilly avec M. le prince, à Auteuil avec Roileau, Racine et Molière, Chapelle plaît à tout le monde par l’enjouement de son caractère, par l’agrément de son esprit naturel et cultivé, et par cette finesse de goût qui est peut-être la première de ses qualités, et le trait caractéristique de son mérite.
Son père fut envoyé, dès 1707, en Saxe, avec le caractère de ministre. […] Il fut généralement regretté dans le premier moment ; mais quelques ouvertures, quelques faits éclaircis donnèrent lieu à de plus grands éclaircissements encore, et bientôt le caractère du comte se dévoilant, fit voir à chacun qu’il avait été sa dupe. […] C’est l’homme du monde que j’envie davantage : il a un caractère unique. » À merveille pour un homme de société et qu’on appelle aimable ! mais dans un politique et un ministre qui a charge d’intérêts généraux et qui devrait avoir à cœur la grandeur ou le bien de la chose publique, il y a là un vice radical de caractère et qui ruine les autres qualités : il rit de tout.
Taine examine successivement, dans le grand fabuliste, les caractères, l’action et l’expression. Les caractères, suivant lui, les personnages des fables de La Fontaine, quels qu’ils soient, animaux, hommes ou dieux, ce sont toujours des hommes et des contemporains du poète ; et il s’applique à de démontrer, en parcourant les principales catégories sociales, roi, courtisans, noblesse, clergé, bourgeoisie, peuple, et en les retrouvant en mille traits dans sire lion, dans maître renard, maître Bertrand, ours, loups, chats et rats, mulets et baudets, etc., etc. […] Le sol, la lumière, la végétation, les animaux, l’homme, sont autant de livres où la nature écrit en caractères différents la même pensée. » De même, en étudiant l’histoire, il est porté à voir dans les individus, et sans excepter les plus éminents, une production directe, un résultat à peu près fatal du siècle particulier où ils sont venus. […] Il en est de même pour les hommes et pour les esprits qui vivent dans le même siècle, c’est-à-dire sous un même climat moral : on peut bien, lorsqu’on les étudie un à un, montrer tous les rapports qu’ils ont avec ce temps où ils sont nés et où ils ont vécu ; mais jamais, si l’on ne connaissait que l’époque seule, et même la connût-on à fond dans ses principaux caractères, on n’en pourrait conclure à l’avance qu’elle a dû donner naissance à telle ou telle nature d’individus, à telles ou telles formes de talents.
Une pensée, et non pas une pensée affichée, mais une pensée infuse et sous-entendue, se mêle à ces dessins qui déjà se suffiraient à eux seuls par leur caractère de vérité. […] Dans la première moitié de son œuvre, on a un charmant petit maître dont le crayon se joue aux costumes et aux ridicules : dans la seconde, c’est un dessinateur vigoureux, coloré, d’un grand caractère, un vrai peintre par le génie du crayon. […] Parmi les sujets que vient de reproduire excellemment la photographie, je ne puis m’empêcher de signaler encore, pour le dessin comme pour le sentiment, cette scène de l’homme du peuple, de l’ouvrier faisant choix d’une épouse, lui posant la main sur l’épaule, et dans un langage grossier, que la légende a rendu au naturel, lui déclarant une affection grave pourtant et des plus sérieuses : l’attitude et le visage de cette femme debout, les yeux baissés, acceptant avec simplicité une vie commune qui lui sera rude, ont un véritable caractère de chasteté. […] Son intelligence de la physionomie humaine est telle que rien qu’à voir un individu il lui arrive souvent de mettre sur son visage non seulement son caractère, mais sa profession.
Ce qui est à remarquer de bonne heure dans les plus anciennes productions de nos voisins, c’est comme le caractère saxon tient ferme et résiste en matière de langue et de littérature, de même que pour la Constitution politique ; il conserve ses goûts, ses traditions, son accent et son vocabulaire sous les couches brillantes superficielles. […] Cromwell ne brisa pas le caractère de la nation ; il le pétrit, il le cimenta et le consolida. […] Plus qu’aucun roi de ce royaume, Mylord protecteur a contribué à faire passer le caractère hautain de la nation dans sa politique extérieure, à faire d’elle ce qu’elle se vanta d’être si longtemps, l’arbitre et la modératrice des tempêtes, la souveraine des mers (celsa sedet Æolus arce). […] Son caractère sombre, triste ou grossièrement gai, la teinte de fanatique et de visionnaire dont il s’est revêtu et qui recouvre le noyau solide, qui dissimule à des yeux superficiels le bon sens le plus sain et le mieux équilibré, tout le sépare des figures héroïques qui sont de nature à séduire le génie français : il n’en est que plus foncièrement d’accord avec le génie de sa race ; il en est comme l’incarnation énergique.
L’honnête homme en personne, sans arrière-pensée, sans intrigue, fidèle à sa cause, mais fidèle noblement et tristement, esprit juste, caractère élevé, nous le connaissons, nous avons l’honneur d’avoir notre fauteuil non loin du sien à l’Académie : c’est le duc de Noailles. […] Dans la plupart des cas, en effet, avec les personnages connus, mais secondaires, de l’histoire, il faut se résigner à ignorer le fond, le secret des esprits et des cœurs, la valeur absolue des talents, la trempe des caractères : les actes publics sont là, on se règle de loin là-dessus, à peu près, et il est hasardeux de conjecturer au-delà. […] Le marquis d’Argenson n’est pas, comme Saint-Simon, un ennemi personnel du maréchal de Noailles, mais c’est un antipathique, d’une autre race morale, d’une tout autre humeur et d’un caractère tout au rebours. […] Dans la suite, le temps épura son caractère sans corriger tous les défauts de son esprit.
Et en effet c’est bien là, avec les réserves que chacun fait, et deux ou trois noms comme ceux de Bossuet et de Montesquieu qu’on sous-entend, c’est là, jusqu’en 1789 environ, le caractère distinctif. le trait marquant de la littérature française entre les autres littératures d’Europe. […] Si donc aujourd’hui, et avec raison, l’on s’attache à réviser et à remettre en question beaucoup de jugements rédigés, il y a quelque vingt ans, par les professeurs d’Athénée ; si l’on déclare impitoyablement la guerre à beaucoup de renommées surfaites, on ne saurait en revanche trop vénérer et trop maintenir ces écrivains immortels, qui, les premiers, ont donné à la littérature française son caractère d’originalité, et lui ont assuré jusqu’ici une physionomie unique entre toutes les littératures. […] On ne disserte point comme autrefois, à perte de vue, sur le sonnet de Job ou d’Uranie, sur la carte de Tendre ou sur le caractère du Romain ; mais on cause ; on cause nouvelles de cour, souvenirs du siège de Paris ou de la guerre de Guyenne ; M. le cardinal de Retz raconte ses voyages, M. de La Rochefoucauld moralise, Mme de La Fayette fait des réflexions de cœur, et Mme de Sévigné les interrompt tous pour citer un mot de sa fille, une espièglerie de son fils, une distraction du bon d’Hacqueville ou de M. de Brancas. […] Ce caractère religieux et résigné augmenta chez elle avec l’âge, sans altérer en rien la sérénité de son humeur ; il communique souvent à son langage quelque chose de plus fortement sensé et d’une tendresse plus grave.
. — Caractères propres et primitifs de la sensation. […] La psychologie est, par rapport à elles, comme la chimie était par rapport aux composés chimiques avant la découverte des corps simples. — Analyse des sensations de son. — Diverses sortes de sons. — En apparence, elles sont irréductibles l’une à l’autre. — Roue de Savart et sirène d’Helmholtz. — Son musical. — La sensation continue se compose alors de sensations élémentaires successives. — Cas des sons très graves. — Nous pouvons alors démêler les sensations élémentaires successives. — Chacune d’elles a une durée et passe d’un minimum à un maximum d’intensité. — Cas des sons musicaux quelconques. — Expérience de Savart. — Nombre énorme des sensations élémentaires qui se succèdent en une seconde pour former la sensation totale d’un son aigu. — Ce nombre croît à mesure que le son devient plus aigu. — En ce cas, les sensations élémentaires cessent d’être démêlées par la conscience. — Aspect que doit prendre la sensation totale. — Elle le prend en effet. — Les caractères de grave, d’aigu, de haut, de bas, de large, d’effilé, d’uni, de vibrant, que nous trouvons dans la sensation totale, s’expliquent par l’arrangement des sensations élémentaires. […] Le même sol chanté avec la même force par une clarinette, une flûte, un violon, un cor, un basson, s’empreint, selon les divers instruments, d’un caractère spécial ; il est plus perçant dans le violon, plus éclatant dans le cor, plus doux dans la flûte, plus mordant dans la clarinette, plus étouffé dans le basson. […] En sorte que ces différences de la sensation, jusqu’ici irréductibles et notées par des métaphores lâches, se réduisent à l’intervention de petites sensations subsidiaires et complémentaires de la même espèce, qui, se collant sur la sensation principale, lui donnent un caractère propre et un aspect unique, sans que la conscience, qui voit le total et seulement le total, puisse démêler ces faibles auxiliaires, ni partant reconnaître que, inférieurs en force à la sensation principale, ils sont les mêmes en nature, et que, tous semblables entre eux, ils ne diffèrent, de timbre à timbre, que par le nombre et l’acuité.