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718. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Saint-Martin, le Philosophe inconnu. — II. (Fin.) » pp. 257-278

La veille du jour où l’on apprit à Amboise la chute de Robespierre, Saint-Martin se sentit sollicité d’un ardent besoin de prier : Je repassais dans mon esprit les horreurs du règne où nous étions, et dont je pouvais à tout moment éprouver personnellement les cruels effets : je me résignais en conséquence à l’arrestation, à la fusillade, à la noyade, et je disais à Dieu que partout là je me trouverais bien, parce que je sentais et je croyais que j’y serais avec lui. Quand j’appris la nouvelle du lendemain, je tombai de surprise et d’admiration pour l’amour de ce Dieu envers moi ; car je vis qu’il avait pris de bon œil ce sacrifice que je lui avais fait, tandis que, lors même que je le lui offrais, il savait bien qu’il ne m’en coûterait rien. Il apprit ensuite qu’il y avait eu vers la fin un mandat d’arrêt lancé contre lui ; il ne le sut qu’un mois après et quand toute menace avait cessé.

719. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

Ce petit homme-là n’avait jamais eu quinze ans, n’avait jamais été amoureux comme les bergers, et n’avait jamais appris à jouer de la flûte auprès du divin Daphnis : Il façonnait ma lèvre inhabile et peu sûre À souffler une haleine harmonieuse et pure ; Et ses savantes mains, prenant mes jeunes doigts, Les levaient, les baissaient, recommençaient vingt fois, Leur enseignant ainsi, quoique faibles encore, À fermer tour à tour les trous du buis sonore. […] Ce n’est donc que quand le cours complet d’études tire sur sa fin, et que l’élève a appris ou passé en revue l’histoire, le théâtre et la littérature nationale, certains arts mécaniques, la logique, la physique, même la métaphysique, que le précepteur se dit : Mon disciple parle excellemment sa langue naturelle ; sa mémoire est ornée de tous nos meilleurs ouvrages, soit de prose, soit de poésie : cela est bon, mais cela ne lui suffit pas, nous allons apprendre la langue latine.

720. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il aurait apprécié de visu, ce qui est toujours mieux, cette légèreté, cette vivacité, ce bon sens un peu étourdi qu’il sentait très bien de loin, mais qu’il n’est que d’avoir éprouvé et observé de près ; lui-même, si attentif et si habile à profiter de tout, il y aurait appris peut-être à s’émouvoir un peu et à évertuer sa nature noble et digne. […] « Vous avez bien fait, disait un jour Gœthe à un étranger qui venait apprendre l’allemand à Weimar, de venir chez nous. Ici, où vous n’apprenez pas seulement la langue avec facilité et rapidité, mais où vous pouvez aussi voir sur quels éléments elle repose ; notre sol, notre climat, notre manière de vivre, nos mœurs, nos relations sociales, notre constitution, votre esprit emportera tout cela en Angleterre. » C’était à un Anglais qu’il parlait.

721. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

En ce qui est de Maurice, les Mémoires fournissent toutefois les premiers traits caractéristiques de sa physionomie ; « On me fit partir pour la Hollande ; j’avais pour gouverneur le baron de Lorme, et d’Alençon pour sous-gouverneur : mais j’étais si dissipé qu’il n’était pas possible de m’apprendre quelque chose. […] Je me souviens que mes deux gouverneurs se proposèrent un jour, l’un et l’autre, de faire faire une machine de fer pour me resserrer le crâne, assurant qu’il était entr’ouvert, et que c’était la cause physique de mon peu de conception. » On ne put jamais, dit-il, lui apprendre à lire. Tous les maîtres y échouèrent : « Je l’ai appris depuis tout seul, ajoute-t-il, et, pour ainsi dire, du jour au lendemain. » Quant à écrire, il ne le sut jamais : l’orthographe de ses lettres originales est inimaginable ; mais, quand on a une fois rétabli ce détail de manière que l’œil ne soit plus déconcerté, la langue en est courante, simple, franche, corsée, semée ou lardée de traits gais, gaillards, et même parfois grandioses.

722. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Il vit son père arrêté, il l’allait visiter en bonnet tricolore dans la prison de Thiers, il salua sa délivrance inespérée avec bonheur : la leçon des choses prit le pas dans son esprit sur la lettre des livres ; et, quand son père, profitant d’un premier instant de calme, le conduisit à Paris vers la fin de 95 pour y achever des études commencées surtout par la conversation et dans la famille, le jeune homme avait déjà beaucoup appris. […] Il n’y avait rien là d’appris ni de répété des livres ; les idées étaient neuves ; la conversation et la discussion les avaient mûries. […] « Ce qu’il a appris le matin, il semble le savoir de toute éternité. » Le mot a été dit en effet.

723. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Madame de Krüdner et ce qu’en aurait dit Saint-Évremond. Vie de madame de Krüdner, par M. Charles Eynard »

Eynard croit qu’à une certaine heure Mme de Krüdner s’est soudainement convertie et corrigée ; pour moi, j’aurais encore plus de confiance dans la sainte, s’il ne m’avait appris si bien à connaître la mondaine. […] En voyant cette étrangère, belle encore et fort élégante, descendre de voiture, d’un air si sûr de son fait, pour demander les objets de fantaisie qu’elle inventait, les marchands se sentaient saisis d’une bienveillance inexprimable et d’un désir si vif de la contenter qu’il fallait bien qu’on parvînt à s’entendre… Grâce à ce manège, elle parvint à exciter dans le commerce une émulation si furieuse en l’honneur de Valérie, que pour huit jours au moins tout fut à la Valérie. » On est aux regrets d’apprendre de telles choses, si piquantes qu’elles soient. […] Malgré tout, c’est chez lui désormais, et nulle part ailleurs, qu’il faut apprendre à connaître la vie religieuse de Mme de Krüdner ; journaux manuscrits, correspondance intime, entretiens de vive voix avec les principaux personnages survivants, il a tout recherché et rassemblé avec zèle, et, dans la riche matière qu’il déroule à nos yeux, on ne pourrait se plaindre, par endroits, que du trop d’abondance.

724. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Nous apprenons comment se jouait une partie de dés au xiiie  siècle, de quels cris de joie ou de colère les joueurs saluaient le point qu’ils amenaient, et que le perdant jurait par le corps de Dieu ou des saints. Nous y apprenons qu’un marchand qui s’en allait aux foires chargeait ses marchandises sur des chariots et avait des garçons pour les conduire. Nous y apprenons que les vilains suspendaient aux poutres de leurs toits des jambons qu’ils comptaient manger.

725. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

Comment cette intelligence s’est formée et successivement enrichie, ses livres même nous l’apprennent. […] Il acheva d’y apprendre l’adoration de la beauté plastique. […] Anatole France écrit ; « C’est dans ce jardin que j’appris, en jouant, à connaître quelques parcelles de ce vieil univers.

726. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Octave Feuillet »

… soyez enthousiastes, soyez romanesques tout à votre aise… Et, comme je serais flatté que les anges enviassent mes larmes, j’approuve tout à fait ces lignes du Journal d’une femme : Mais tu me restes, ma fille… J’écris ces dernières lignes auprès de ton berceau… J’espère mettre un jour ces pages dans ta corbeille de jeune femme, mon enfant ; elles te feront peut-être aimer ta pauvre mère romanesque… Tu apprendras peut-être d’elle que la passion et le roman sont bons quelquefois avec l’aide de Dieu, qu’ils élèvent les cœurs, qu’ils leur enseignent les devoirs supérieurs, les grands sacrifices, les hautes joies de la vie..   […] Octave Feuillet — des hystériques, dirait quelque mal appris. […] Feuillet ne nous le dissimule point : c’est parce qu’elle n’a pas appris le catéchisme, parce qu’elle a reçu d’un vieux médecin une éducation purement scientifique et laïque, et qu’avec son intrépide logique de femme elle pousse à leurs dernières conséquences les théories de la philosophie positiviste.

727. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

On apprend en même temps ce qu’il peut y avoir quelquefois d’originalité intellectuelle et morale sous la misère et l’humilité des apparences. […] Cependant il n’y travailla pas seul ; l’écriture change souvent, et dans tout le volume il y a tant d’emprunts à l’antiquité et à la fable, une si grande abondance de figures de rhétorique, une telle variété de rythmes depuis l’hexamètre jusqu’à l’ode tricolos tétrastrophos, le tout mêlé à une si profonde horreur de l’hérésie, qu’on peut attribuer l’œuvre au corps enseignant de Bourges. » Puis le duc d’Anguien apprend la philosophie et tes sciences. « Toutes ces études furent poussées à fond. » Pousser à fond l’étude des sciences et de la philosophie entre onze et treize ans, cela est tout à fait remarquable. […] Au moins l’apprendrons-nous dans les volumes suivants ?

728. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

Sans parler des écrivains qui causent leurs livres avant de les écrire, ainsi que faisaient, par exemple, Mme de Staël et Alphonse Daudet, n’est-ce pas là qu’on apprend à tourner vivement cette conversation écrite que l’on appelle une lettre ? […] Ils enseignent à causer, mais ils accoutument à dire des riens ; ils développent le travers du commérage et là manie du bel esprit ; ils apprennent à préférer les bons mots au bon sens, la crème fouettée qui amuse le palais au mets substantiel qui nourrit l’estomac ; à force de redouter l’ennui, ils rendent les gens incapables de pénétrer tout ce qui réclame peine et attention. […] Qui sait si ce n’est pas dans ces foyers d’agitation philosophique que les écrivains du temps apprirent à se serrer les uns contre les autres, à former malgré leurs querelles un parti compact, à concentrer leurs forces éparpillées dans cette œuvre énorme et collective que fut l’Encyclopédie ?

729. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Tous ceux qui ont parlé d’elle ont noté ce tour précis de son esprit et cette justesse dans le brillant : elle était de cette école de la fin du xviie  siècle, à qui Mme de Maintenon avait appris que les longues phrases sont un défaut. […] Vous verrez cette enfant gâtée de soixante ans et plus, à qui l’expérience n’a rien appris, car l’expérience suppose une réflexion et un retour sur soi-même ; vous la verrez jusqu’à la fin appeler la foule et la presse autour d’elle ; et à ceux qui s’en étonnent elle répondra : « J’ai le malheur de ne pouvoir me passer des choses dont je n’ai que faire. » Il faut que chaque chambre de ce palais d’Armide soit remplie, n’importe comment et par qui ; on y craint, avant tout, le vide : Le désir d’être entourée augmente de jour en jour, écrivait Mme de Staal (de Launay) à Mme Du Deffand, et je prévois que, si vous tenez un appartement sans l’occuper, on aura grand regret à ce que vous ferez perdre, quoi que ce puisse être. […] On la voit apprendre avec indifférence la mort de ceux qui lui faisaient verser des larmes lorsqu’ils se trouvaient un quart d’heure trop tard à une partie de jeu ou de promenade.

730. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Mme de La Vallière avait appris, par la confidence d’une amie, quelque chose des manèges de Madame et de son jeu avec le comte de Guiche ; elle ne le dit point au roi. […] Le roi fut hors de lui quand on lui dit qu’on ne savait ce qu’était devenue La Vallière ; il fit si bien qu’il apprit pourtant où elle était ; il courut à toute bride, lui quatrième, pour la ramener aussitôt, prêt à commander de brûler le couvent, si on ne la lui rendait. […] Il y avait eu, au mardi gras de 1671, un bal à la Cour, où elle ne parut point ; on apprit qu’elle était allée se réfugier dans le couvent de Sainte-Marie à Chaillot.

731. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Je me suis mis en tête une fois d’apprendre l’anglais ; en trois mois j’entendis les prosateurs ; ensuite, ayant fait l’expérience que, dans une demi-heure, je ne lisais que douze pages anglaises de l’Histoire de Hume in-4º, tandis que, dans le même espace de temps, j’en lisais quarante en français, j’ai laissé là l’anglais. […] J’ai appris l’italien comme on apprend sa langue, en écoutant : je conversais avec tout le monde, je prêchais même hardiment dans mon diocèse ; mais je ne serais pas en état d’écrire une lettre.

732. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

On le dit, mais ce n’est pas lui qui nous l’apprend : jamais homme, jamais voyageur ne fut plus sobre et plus discret sur ses propres impressions que Volney. […] Arrivé en Orient, après quelque séjour en Égypte, il comprit qu’il ne ferait rien sans la langue, et il alla s’enfermer durant huit mois au monastère de Mar-Hanna dans le Liban pour apprendre l’arabe. […] quoi, vous qui parlez et qui venez de si loin pour apprendre, dites-vous, la vérité et pour rapporter la sagesse, n’êtes-vous point d’une famille, d’une patrie ?

733. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

Nous apprenons de Moïse que ce grand et sage architecte, diligent contemplateur de son propre ouvrage, à mesure qu’il bâtissait ce bel édifice du monde, en admirait toutes les parties215 : Vidit Deus lucem quod esset bona : « Dieu vit que la lumière était bonne » : qu’en ayant composé le tout, parce qu’en effet la beauté de l’architecture paraît dans le tout, et dans l’assemblage plus encore que dans les parties détachées, il avait encore enchéri et l’avait trouvé parfaitement beau216. […] c’est que Paul a des moyens pour persuader, que la Grèce n’enseigne pas, et que Rome n’a pas appris. […] Elle a renversé les idoles, établi à la croix de Jésus, persuadé à un million d’hommes de mourir pour en défendre la gloire : enfin, dans ses admirables épîtres elle a expliqué de si grands secrets, qu’on a vu les plus sublimes esprits, après s’être exercés longtemps dans les plus hautes spéculations où pouvait aller la philosophie, descendre de cette vaine hauteur où ils se croyaient élevés, pour apprendre à bégayer humblement dans l’école de Jésus-Christ, sous la discipline de Paul… » Note K, page 310.

734. (1891) La vie littéraire. Troisième série pp. -396

Callimaque n’apprend la mort de celle qu’il aime qu’après qu’on l’a ensevelie. […] Elle apprit qu’un jeune disciple de M.  […] Apprends-moi la manière Comment l’amour se fait. […] Schnoudi y apprit à parler et à écrire le copte. […] Nous apprîmes du docteur que les pythonisses traversent les âges avec une notable rapidité, ce qui explique le phénomène.

735. (1908) Promenades philosophiques. Deuxième série

On apprit qu’il avait à Paris des amis puissants et des admirateurs : on admira aussi, sans bien comprendre. […] Apprends à jouir de la lumière et des aspects divers, toujours changeants, qu’elle donne aux objets qu’elle entoure. Apprends à écouter les harmonies de la nature. Apprends à goûter la douceur des nourritures qui te réconfortent. […] En un mot, apprends à vivre dans le présent, apprends à savourer la vie.

736. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Malgré le goût du Siecle pour les choses frivoles, on a accueilli, avec autant d’admiration que de reconnoissance, le savant Ouvrage qu’il a publié sous le titre d’Histoire véritable des temps fabuleux, dans lequel il nous apprend que tout ce qu’Hérodote, Manéthon, Eratosthène & Diodore de Sicile racontent de l’Egypte & des Egyptiens, n’est qu’une imitation défigurée & pleine d’erreurs des endroits de l’Ecriture-Sainte, qui concernent cette nation & la contrée qu’elle habitoit.

737. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre premier. Musique. — De l’influence du Christianisme dans la musique. »

Ainsi le musicien qui veut suivre la religion dans ses rapports, est obligé d’apprendre l’imitation des harmonies de la solitude.

738. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Amédée Van Loo  » pp. 139-140

Il est de 8 pieds de haut, sur 5 de large.C’est bien pis, quand on cherche le sujet, et qu’après l’avoir appris ou deviné, on s’en tient à dire, comme de la Guérison miraculeuse de St Roch ; c’est un pauvre assis à terre, vis-à-vis d’un ange qui lui dit je ne sais quoi.

739. (1912) L’art de lire « Chapitre I. Lire lentement »

Lire lentement Pour apprendre à lire, il faut d’abord lire très lentement et ensuite il faut lire très lentement et, toujours, jusqu’au dernier livre qui aura l’honneur d’être lu par vous, il faudra lire très lentement.

740. (1901) Figures et caractères

Il enseigna pour pouvoir apprendre. […] Elle lui apprit les oiseaux et les abeilles. […] Il nous y apprend les soucis du génie. […] Au manque de toute contrainte étrangère, il a appris à se dominer. […] L’avait-il apprise ou inventée ?

741. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXVIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 385-448

Tout cela n’est que pour vous dire que je ne me doutais seulement pas que j’aimais d’amour Hyeronimo, et que lui non plus ne se doutait pas qu’il m’aimait d’amour jusqu’au moment où les sbires, en l’emmenant à la mort, nous apprirent que l’un ne pouvait pas respirer sans l’autre. […] Quand il me disait : Allons ici ou là, j’allais ; quand je l’appelais, il venait partout où j’avais fantaisie d’aller moi-même ; nous ne savions jamais qui est-ce qui avait pensé le premier, mais nous pensions toujours la même chose : à la source, pour puiser l’eau de la maison ; sur les branches, pour battre les châtaignes ; aux noisetiers, pour remplir lui sa chemise, moi mon corset de noisettes vertes ; au maïs, pour sarcler les cannes ou cueillir les grains jaunis par l’été ; à la vigne, aux figuiers, pour couper les grappes ou pour sécher les figues mûres ; à l’étable, pour traire les chèvres, pendant qu’il les tenait par les cornes ; dans le ravin, où il y a l’écho de la grotte, pour nous apprendre à remuer les doigts sur les trous du chalumeau de la zampogna, à chercher à l’envi l’un de l’autre des airs nouveaux dans l’outre du vent qui s’enflait et se désenflait de musique sous notre aisselle ; ici, là, enfin partout, toujours deux, toujours ensemble, toujours un ! […] mon père et ma tante, le moment où les sbires l’enchaînèrent, le lendemain, là, sur le plancher, et l’entraînèrent à la prison de Lucques en l’accablant d’outrages et de menaces de mort, m’en apprit bien vite plus que je n’en aurais su en trois ans. […] Ma tante et mon père vous diront que nous nous étions appris dès notre tendre âge, Hyeronimo et moi, à jouer aussi bien l’un que l’autre de cet instrument, et que mes doigts connaissaient les trous du chalumeau aussi bien que les doigts de l’organiste des Camaldules connaissent, sans qu’il les regarde, les touches obéissantes de son orgue.

742. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

Et c’est lui qui apprend aux jeunes gens et aux jeunes filles de belles prières. » Serait-ce par hasard Chaulieu ou Désaugiers que vous rappellent ces passages, pris entre cent d’égale qualité, et dont j’ai affaibli, bien malgré moi, la beauté solide ? […] Les lettres à la petite cousine nous apprennent quelque chose de plus. […] Pendant trente ans Vigny fut le garde-malade patient et assidu de sa femme, massive, paralytique, demi-aveugle et qui, nous dit M. de Ratisbonne, « née en Angleterre, avait oublié l’anglais et n’avait jamais réussi à apprendre le français, ce qui rendait la conversation assez difficile » ; ne la quittant jamais, s’interdisant pour elle toute distraction, tout voyage, presque toute absence. […] Paul Deschanel cherche, travaille, progresse, apprend, ose de plus en plus.

743. (1894) Propos de littérature « Chapitre IV » pp. 69-110

Vielé-Griffin ne lira point cela sans protester ; il ne comprend pas qu’il soit besoin de règles, non pas imposées : apprises dans le travail et créées par lui ; mais ses écrits manquent précisément un peu des qualités objectives des justes bornes et de l’harmonie ; ils sont de belles paroles prononcées par une voix ; ils ne sont pas toujours la voix vivante. […] Il faudrait, pour qu’en art l’anarchie pût régner sans dommage, il faudrait que le sentiment de la consistance parfaite des formes, de l’Eurythmie, de l’élément objectif de l’art, se fût à ce point fortifié chez tous, que tous, sans le savoir, y obéissent par leur seule nature ; que, par exemple, sans avoir appris la musique, un artiste pût écrire des suites d’accords aux conclusions euphoniques. Je ne sais si pour les Grecs ce miraculeux instant ne fut pas entrevu ; mais n’y avait-il pas, chez Pindare lui-même, l’accord quasi régulier des rythmes parlés aux sons de la flûte et des tétracordes, et savons-nous quelles règles, de lui seul apprises, il avait prescrites à sa voix ? […] On pourrait aussi émettre timidement cette hypothèse peut-être d’avance controuvée : si la hauteur dans l’échelle des sons dépend du nombre des vibrations en un temps donné, (c’est-à-dire de leur succession dans la durée), et si l’intensité sonore procède de l’amplitude des vibrations, (c’est-à-dire de la mesure des mouvements de chacune d’elles dans l’espace) comme la physique nous l’apprend, — n’en serait-il pas ainsi pour les vibrations lumineuses ?

744. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE IX »

La maison est vide, le jardin désert ; une lettre équivoque, trouvée sur une table, lui apprend qu’il est trahi, en phrases mystérieuses et comme balbutiées à voix basse ; et le malheureux tombe dans les bras de son père, accouru aux cris de son désespoir. […] Armand, qui a appris enfin le sinistre dévouement de Marguerite, arrive à temps pour recueillir son pardon dans son dernier soupir, et la toile tombe, comme un suaire, sur cette mort consolée. […] Lorsqu’il apprend l’appel de fonds que Marguerite vient de faire pour défrayer son idylle, Armand recule d’abord et s’indigne. […] Il sait tout : une belle-sœur, acariâtre et jalouse, lui a tout appris ; mais il est gentilhomme et ne veut pas de scandale.

745. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Avant lui, autour de lui et même en lui, elle subsistait, travaillée par le milieu social dans lequel il pense et qui lui a appris à penser. […] Le penseur chrétien qu’il allait être, l’auteur du Curé de village et du Médecin de campagne, apprit plus tard que les enfants nus ne sont pas innocents quand ils portent la faute de leurs pères. […] Je citerai encore la scène où Boys-Bourredon apprend qu’il va mourir pour la connestable. […] Et ils l’ont introduite dans l’esprit des lecteurs aussi, qui ne sauront plus où ils en seront quand ils voudront apprendre comment s’est développé cet esprit, prodigieux de toutes manières, autant par sa nature que par ses développements, d’abord difficiles, mais qui, tout à coup, à un certain moment, partit en ligne droite, et foudroyant, comme le plus plein des boulets, après avoir fait, comme un boulet creux, tant de paraboles !

746. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Maintenant encore au milieu de tant de facilités pour apprendre le langage articulé, les enfants, dont les organes sont si flexibles, commencent toujours ainsi. […] Selon une tradition ancienne, Tyr, fondée d’abord dans les terres, fut ensuite assise sur le rivage de la mer de Phénicie ; et l’histoire nous apprend que de là elle passa dans une île voisine, qu’Alexandre rattacha par une chaussée au continent. Le postulat 97 et les deux traditions qui viennent à l’appui, nous apprennent que les peuples méditerranés se formèrent d’abord, ensuite les peuples maritimes. […] Admirons la définition que donne Ulpien de l’équité civile : c’est une présomption de droit, qui n’est point connue naturellement à tous les hommes (comme l’équité naturelle), mais seulement à un petit nombre d’hommes, qui réunissant la sagesse, l’expérience et l’étude, ont appris ce qui est nécessaire au maintien de la société .

747. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Il passe dix ans à Cahors, où l’on ne parle pas français, il le dit, et n’apprend « sa langue paternelle » qu’aux approches de l’adolescence, ce qui n’est pas mauvais, quand on est bien doué, pour parler cette langue, presque naturelle et presque apprise, avec soin, attention, scrupule et respect. […] Il le vous faut apprendre. […] Le bréviaire de Frère Jean nous apprend « qu’en la Révélation », je ne sais laquelle, « fut comme chose admirable, vue une femme ayant la lune sous les pieds. » Que signifiait ce symbole ? […] Au fond Montaigne désire qu’à l’enfant on n’apprenne rien du tout. […] Peut-être les choses qu’on apprend prennent-elles un peu le caractère de l’âge où on les apprend, et ont-elles, étudiées de bonne heure, la mobilité et la souplesse du jeune âge, abordées tard, la fermeté et la raideur de l’âge moins aimable.

748. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Poésies complètes de Théodore de Banville » pp. 69-85

Rendre à la poésie française de la vérité, du naturel, de la familiarité même, et en même temps lui redonner de la consistance de style et de l’éclat ; lui rapprendre à dire bien des choses qu’elle avait oubliées depuis plus d’un siècle, lui en apprendre d’autres qu’on ne lui avait pas dites encore ; lui faire exprimer les troubles de l’âme et les nuances des moindres pensées ; lui faire réfléchir la nature extérieure non seulement par des couleurs et des images, mais quelquefois par un simple et heureux concours de syllabes ; la montrer, dans les fantaisies légères, découpée à plaisir et revêtue des plus sveltes délicatesses ; lui imprimer, dans les vastes sujets, le mouvement et la marche des groupes et des ensembles, faire voguer des trains et des appareils de strophes comme des flottes, ou les enlever dans l’espace comme si elles avaient des ailes ; faire songer dans une ode, et sans trop de désavantage, à la grande musique contemporaine ou à la gothique architecture, — n’était-ce rien ? […] Théodore de Banville a réuni tous ses précédents recueils (moins un), je me suis dit avec plaisir : Voilà un poète, un des premiers élèves des maîtres, un de ceux qui, venus tard et des derniers par l’âge, ont eu l’enthousiasme des commencements, qui ont gardé le scrupule de la forme, qui savent, pour l’avoir appris à forte école, le métier des vers, qui les font de main d’ouvrier, c’est-à-dire de bonne main, qui y donnent de la trempe, du ressort, qui savent composer, ciseler, peindre.

749. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Lettres de la mère Agnès Arnauld, abbesse de Port-Royal, publiées sur les textes authentiques avec une introduction par M. P. Faugère » pp. 148-162

On avait essayé dans le temps de recueillir toutes les lettres de la mère Agnès comme on avait fait pour celles de sa sœur publiées en 1742-1744 ; mais l’entreprise était restée en chemin, soit qu’on n’eût pas réussi à réunir tout ce qu’on espérait, soit que le public qui s’intéressait à ce genre d’ouvrages eût fort diminué à mesure qu’on avançait dans le xviiie  siècle. « Il y a lieu surtout d’être étonné, remarquait dom Clémencet au sujet de ces mêmes lettres, que nous en ayons si peu de celles qu’elle a écrites à la reine de Pologne, avec laquelle les mémoires de Port-Royal nous apprennent que la mère Agnès continua la relation qu’avait eue la mère Angélique durant les sept années que cette reine survécut. » C’est qu’on avait eu, dès le principe, moins de précautions dans un cas que dans l’autre pour s’assurer de ne rien perdre. […] Il apprit le latin fort tard, à cinquante ans, et assez pour entendre l’office.

750. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) «  Œuvres et correspondance inédites de M. de Tocqueville — I » pp. 93-106

On apprend à l’y bien connaître, à ne pas le surfaire (car lui-même, si ambitieux, mais en même temps si modeste, ne se surfaisait pas), et aussi à lui voir dans leur juste degré tous ses mérites de philosophe politique, de citoyen passionné pour le bien, d’ami tendre et d’homme aimable dans l’intimité. […] [NdA] Quelqu’un de très judicieux et de très respectable a dit sur M. de Tocqueville ce mot dont on rabattra ce qu’on voudra, mais dont il reste quelque chose de vrai : « Il a commencé à penser avant d’avoir rien appris ; ce qui fait qu’il a quelquefois pensé creux. » f.

751. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Appendice. »

Quand je suis entré dans le monde littéraire (1824), j’avais pour maîtres quelques-uns de ces premiers amis de Cousin ; c’est par eux que j’ai d’abord appris à le juger, et je dois dire qu’ils étaient déjà à demi détrompés, mais seulement à demi ; et quels beaux restes d’admiration et de respect ils lui vouaient encore ! […] De nouveaux arrivants s’y plurent et apprirent à la connaître.

752. (1861) La Fontaine et ses fables « Première partie — Chapitre III. L’écrivain »

Nos enfants l’apprennent par coeur, comme jadis ceux d’Athènes récitaient Homère ; ils n’entendent pas tout, ni jusqu’au fond, non plus que ceux d’Athènes, mais ils saisissent l’ensemble et surtout l’intérêt ; ce sont de petits contes d’enfants, comme l’Iliade et l’Odyssée, qui sont de grands contes de nourrice. […] Platon, à ce qu’on rapporte, ayant appris que le grand roi voulait connaître les Athéniens, fut d’avis qu’on lui envoyât les comédies d’Aristophane ; si le grand roi voulait nous connaître, ce sont les livres de La Fontaine qu’il faudrait lui porter.

753. (1858) Cours familier de littérature. V « Préambule de l’année 1858. À mes lecteurs » pp. 5-29

Si ces ennemis parviennent (comme je ne le crains que trop) à briser dans ma main cette plume de l’homme de lettres, mille fois plus respectable quand elle cherche le salaire par honneur que quand elle cherche la gloire par vanité, ces ennemis apprendront trop tard (et avec regret, je n’en doute pas) que ce qu’ils appellent la mendicité du travail n’était que le devoir de la stricte probité. […] J’appris à t’estimer, non au vain poids d’un livre, Mais au poids d’un grand cœur qui sait mourir ou vivre.

754. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre I. Les mémoires »

En un mot, ces livres, dont la matière déjà nous échappe à proprement parler, nous appartiennent au même titre que les Mémoires : pour l’homme voué à l’activité intellectuelle, ses curiosités, sa quête de la vérité, ses découvertes et ses inventions d’idées, ce sont ses ambitions, ses campagnes, ses victoires et son butin ; et quand il raconte comme Pasquier ce qu’en soixante ans d’études il a appris, il fait aussi réellement les Mémoires de sa vie que le soldat qui raconte soixante années de guerres, comme Monluc. […] Éditions : Recette véritable par laquelle tous les hommes de la France pourront apprendre à multiplier et à augmenter leurs trésors, la Rochelle, 1563 ; Discours admirables de la nature des eaux et fontaines tant naturelles qu’artificielles, des métaux, des sels et salines, des pierres, des terres, du feu et des émaux, etc, Paris, 1580.

755. (1925) Méthodes de l’histoire littéraire « I. Leçon d’ouverture du Cours d’éloquence française »

Voici ce que j’ai appris ou cru voir. […] De plus, sa thèse si copieuse m’indiqua tout ce qu’on ne m’avait pas appris, les instruments de travail, les sources d’information qui doivent servir à l’étude du théâtre du XVIIIe siècle : c’est sur ses pas que je montai les cinq ou six étages au sommet desquels M. 

756. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre II. La mesure du temps. »

Car l’expérience nous apprendrait que la première durée αα′ est égale à la première durée ββ′ et que la seconde durée αα′ est plus petite que la seconde durée ββ′. […] Notre conscience nous apprend immédiatement que B′ précède C′ et nous admettons que B et C se succèdent dans le même ordre.

757. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VIII. La crise actuelle de la Physique mathématique. »

Supposons deux corps électrisés ; bien qu’ils nous semblent en repos, ils sont l’un et l’autre entraînés par le mouvement de la Terre ; une charge électrique en mouvement, Rowland nous l’a appris, équivaut à un courant ; ces deux corps chargés équivaudront donc à deux courants parallèles et de même sens et ces deux courants devront s’attirer. […] Il ne pourrait plus rien nous apprendre justement parce qu’il ne craindrait plus aucun démenti.

758. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

Les jeunes apprenaient le chemin de son réduit. […] J’apprends que le manuscrit des Valentines, par bonheur retrouvé, est aux mains de l’éditeur Messein.

759. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

Mais il considère comme évident que l’observation de nous-mêmes par nous-mêmes ne peut nous apprendre que très peu de choses sur les sentiments et rien au sujet de l’entendement : au fond, ce reploiement de l’esprit sur lui-même lui paraît impossible. […] 1° Étant donnée telle circonstance particulière, en déduire théoriquement les conséquences éthologiques et les comparer avec ce que l’expérience commune nous apprend.

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