Cette lettre de Patru à Maucroix, donnée pour la première fois par d’Olivet, ne sent pas du tout son vieillard de soixante-treize ans ; elle est pleine d’entrain, de cordialité, et elle a ce ton de camaraderie affectueuse qui se trouve si peu dans les lettres de Racine et de Boileau, et qui marque une date antérieure. Racine et Boileau, après des années d’intimité, se disaient encore Monsieur.
J’ai ouï-dire que sitôt le fascicule paru, le samedi de chaque semaine, un jeune Parnassien se saisissait d’un numéro qu’il portait chez François Coppée et qu’on se réunissait à dix, jeunes gens et hommes mûrs, autour de cet exemplaire unique pour se gaudir d’abord, puis alterner les lamentations sur la décadence de la langue française et le toupet inouï de ces jeunes barbares qui démantelaient l’ancien alexandrin, tendre chez Racine, épique chez Victor Hugo, sourcilleux chez Leconte de Lisle et devenu sous l’archet de nos railleurs si tranquille et un peu valétudinaire. […] Si l’on pousse plus loin l’investigation on découvre que les vers sont ainsi scandés 3 3 3 3 Oui je viens — dans son temple — adorer — l’Éternel 2 4 2 4 Je viens — selon l’usage — antique — et solennel soit un premier vers composé de quatre éléments de trois pieds ternaires, et un second vers scandé 2, 4, 2, 4. — Il est évident que tout grand poète ayant perçu d’une façon plus ou moins théorique les conditions élémentaires du vers, Racine a empiriquement ou instinctivement appliqué les règles fondamentales et nécessaires de la poésie et que c’est selon notre théorie que ses vers doivent se scander.
Il en fui repoussé par des revers, et sa chute lui attira des épigrammes de Racine. […] La cause que Perrault avait soutenue sans savoir et sans esprit, contre Racine et Boileau, fut embrassée par Lamothe. […] Dans Œdipe, on voit un jeune auteur pénétré des beautés de Racine et de Corneille, et soumettant son génie à les suivre. Dans Mariamne, le soin extrême à imiter la poésie de Racine est encore plus marqué. […] On remarque que c’est un disciple de Voltaire, nourri de ses conversations journalières, qui a rendu cette justice à Racine.
Monsieur Racine soutient dans la préface de Bajazet, dont la mort tragique étoit un évenement recent quand il le mit au théatre, que l’éloignement des lieux où un évenement est arrivé peut suppléer à la distance des tems, et que nous ne mettons presque point de difference entre ce qui est arrivé mille ans avant notre tems et ce qui est arrivé à mille lieuës de notre païs.
Monsieur Racine et Monsieur Despreaux étoient de ces artisans beaucoup plus capables que les autres hommes de juger des vers et des poëmes.
En effet, Monsieur Racine ne paroît plus grand poëte dans Athalie que dans ses autres tragédies, que parce que son sujet tiré de l’ancien testament l’a autorisé à orner ses vers des figures les plus hardies et des images les plus pompeuses de l’écriture sainte, au lieu qu’il n’en avoit pû faire usage que très-sobrement dans ses pieces profanes.
… Il faut que nous soyons bien indignes de nos spirituels aïeux pour que le public du théâtre de Corneille, de Racine, de Molière, de Regnard et de Beaumarchais, ait, pu prendre un moment Émile Augier pour le successeur naturel de ces auteurs charmants et superbes !
Au reste, un style doux, facile, élégant peut être bref : Racine est concis, malgré l’ampleur de ses périodes.
Réfléchissez que la chirurgie d’aujourd’hui eût pu « prolonger » Bossuet, sauver Racine, sauver Napoléon… * * * Mais ce progrès, tout en restant un grand bien, n’a pas donné partout ce qu’on en pouvait attendre.
Bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style qu’il se fût moins permises auparavant et dont la trace se retrouve évidente chez lui, à dater de Louis XI.
Que vous soyez l’écho de Racine ou le reflet de Shakespeare, vous n’êtes toujours qu’un écho et qu’un reflet.
Louis XIV, par exemple, investissait bien deux des plus honnêtes grands hommes de son temps, Boileau et Racine, du soin de raconter une des campagnes qu’il menait en personne.
Les uns prennent notre jargon scientifique, et nos phrases ampoulées pour les progrès des lumières et du génie ; selon eux la langue et la raison ont fait un pas depuis Bossuet et Racine ; quel pas ! […] Que n’a-t-on point écrit contre le Télémaque, contre les Caractères de la Bruyère, contre les chefs-d’œuvre de Racine ! […] Racine même ne fut pas exempt d’affectation et de recherche dans sa jeunesse ; et le grand, le sublime, le grave Bossuet fut un bel-esprit de l’hôtel de Rambouillet. […] Si la langue de Joinville et celle de Racine ne nous avertissaient que quatre cents ans d’intervalle séparent saint Louis de Louis XIV, on pourrait croire que ces instructions sont du même siècle. […] Ne vaut-il pas mieux aujourd’hui, et pour nous et pour lui-même, que Racine ait fait naître sous sa main de pompeuses merveilles, que d’avoir occupé, même avec distinction, la place de Louvois ou de Colbert ?
L’abbé de Rancé, Nicole, Racine, prirent la plume contre le pur amour. […] Pour Racine, j’ai dit qu’il avait prêté à l’archevêque de Paris une plume que guidait certainement la plus pure conviction. […] Racine est-il un poète ? Racine est-il chrétien ? Voir ce que Racine en écrit à Boileau dans une lettre du 4 avril 1696.
Et Dante, et Racine, et Keats, et Vigny ? […] Ainsi Racine jadis « fabriqué » par Boileau et qui passera comme le café. […] M. Racine n’est qu’un homme d’esprit. " quoi qu’il en soit, voici, grâce à M. […] Qu’il s’agisse de Bourdaloue ou de Racine, une intelligence appliquée à l’analyse des passions joue exactement de la même manière ; mais les paroles, par où s’exprime ce jeu, rendent autre chose que ce jeu. […] Est-ce pour cela que Racine a renoncé au théâtre ?
Si l’art, la poésie, se doivent jamais appeler le produit précieux d’un mal caché, ce n’est pas de l’art, de la poésie d’Homère et de Sophocle, ni de celle de Dante, ni de celle de Shakspeare, de Molière et de Racine, qu’on peut dire cela : ces sortes de poésies, quelque travaillées qu’elles semblent, demeurent toujours le riche et heureux, couronnement de la nature, ramis felicibus arbos ; mais c’est bien de la poésie de Jean-Jacques, de Cowper, de Chatterton, du Tasse déjà, de Gilbert, de Werther, d’Hoffmann, et de son musicien Kreisler, et de son peintre Berthold de l’Église des Jésuites, et de son peintre Traugott de la Cour d’Arthus, c’est de toutes ces poésies, et c’est aussi de celle de Stello, qu’on peut à bon droit le dire. […] Je ris encore en pensant que j’ai passé il y a quelque temps deux heures avec vous sans vous rien dire de votre bel article sur Racine, et je venais d’en parler toute la matinée à quatre personnes de différentes opinions, à qui je disais ce que j’en pense. […] La vie de Racine est racontée avec une originalité et une finesse qui me font un plaisir infini, et il me semble qu’on doit vous savoir gré du soin que vous prenez de faire ressortir l’innovation de ses personnages moins surhumains.
Si vous tenez à lire le mot que nous hésitons à écrire, adressez-vous à Racine. […] VIII Aristophane aimait Eschyle par cette loi d’affinité qui fait que Marivaux aime Racine. […] C’est aussi un peu Racine.
Il raisonne sur Racine, Corneille, Molière, La Fontaine, et Mme de Sévigné, en maître élémentaire consommé ci comme il y en a peu. Le mot souvent cité de Louis XIV à Mme de Sévigné, après une représentation d’Esther : « Il est vrai que Racine a bien de l’esprit », amène sous sa plume le commentaire que voici, à la portée de la jeune lectrice : « Le mot esprit pouvait s’appliquer ainsi alors.
Il soutenait que le vers de Racine avait été créé exprès par lui à l’usage et à l’instar de la Cour dédaigneuse de Louis XIV, et il allait jusqu’à dire en 1818 que la cause de Racine était la même que celle des Carrosses du Roi.
J’admire comme, dans la bouche du plus grand fou de la terre, Cervantes a trouvé le moyen de se faire connaître l’homme le plus entendu et le plus grand connaisseur qu’on se puisse imaginer… Quevedo paraît un auteur fort ingénieux ; mais je l’estime plus d’avoir voulu brûler tous ses livres quand il lisait Don Quichotte, que de les avoir su faire. » Racine et Boileau lisaient Don Quichotte pour se divertir ; ils en parlent dans leurs lettres comme d’un sujet qui leur est familier et qui est entré dans la conversation des honnêtes gens. Boileau, pendant un séjour aux eaux de Bourbon, où il cherchait à se guérir d’une extinction de voix, écrivait à Racine (9 août 1687) : « Je m’efforce de traîner ici ma misérable vie du mieux que je puis, avec un abbé très-honnête homme qui est trésorier d’une sainte chapelle, mon médecin et mon apothicaire : je passe le temps avec eux à peu près comme Don Quichotte le passait en un lugar de la Mancha, avec son curé, son barbier et le bachelier Samson Carrasco ; j’ai aussi une servante : il me manque une nièce ; mais de tous ces gens-là, celui qui joue le mieux son personnage, c’est moi qui suis presque aussi fou que lui… » Les poëtes français du grand siècle, en s’écrivant avec une bonhomie qui a certes bien son prix, n’ont aucune vue critique, aucun de ces aperçus littéraires qu’on serait tenté de leur demander.
J’insiste donc parce que le danger aujourd’hui est dans le sacrifice des littérateurs et poètes que j’appellerai modérés : longtemps ils ont eu l’avantage et tous les honneurs ; on plaidait pour Shakespeare, pour Milton, pour Dante, pour Homère même ; on ne plaidait pas pour Virgile, pour Horace, pour Boileau, Racine, Voltaire, Pope, le Tasse, admis et reconnus de tous. […] Pope nous résume toute sa théorie, qui est celle des Virgile, des Racine, des Raphaël, de tous ceux qui, dans l’art, ne sont pas pour la réalité pure, pour la franchise à tout prix, fût-ce la crudité !
A relire plus froidement aujourd’hui cette première moitié de son théâtre, on pourrait remarquer que, s’il se montre évidemment de la postérité de Racine par les soins achevés du style, il tiendrait plutôt de l’école dramatique de Voltaire par certaines préoccupations philosophiques et certaines allusions aux circonstances. […] bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style, qu’il se fût moins permises auparavant, et dont la trace se retrouve évidente chez lui à dater de son Louis XI.
… L’auteur de l’Immortel est bien le même homme que j’ai entendu traiter Racine de haut en bas, parce que Racine exprime rarement des choses concrètes, et qui disait n’avoir retenu, de tout Tacite, qu’une phrase pittoresque sur les funérailles de Britannicus.
On voit que Racine développe avec autant de soin le premier terme de la comparaison que l’image, et on peut remarquer aussi que c’est en termes abstraits qu’il développe cette idée abstraite. […] Hugo est tout différent de celui de Racine.
Dans le sens vulgaire, Lucain en eut plus que Platon, Brébeuf plus que Racine. […] J’ai emprunté à Voltaire ses articles « Goût » et « Style » du Dictionnaire philosophique, son Temple du goût, et quelques passages de ses lettres où il juge Boileau, Racine et Corneille.
Quand on étudie quelque grand écrivain ou poète mort, La Bruyère, Racine, Molière, par exemple, on est bien plus à l’aise, je le sens, pour dire sa pensée, pour asseoir son jugement sur l’œuvre ; mais le rapport de l’œuvre à la personne même, au caractère, aux circonstances particulières, est-il aussi facile à saisir ?
Mais elle s’en est supérieurement tirée, et nous a répondu franchement que les prédicateurs devaient prêcher la morale et point le dogme ; que l’esclavage avilissait l’homme jusqu’à s’en faire aimer ; que Louis XIV devait plus aux grands génies de son temps que Racine et Pascal ne devaient à Louis XIV, et que, d’ailleurs, Bonaparte était fils de la liberté, et qu’il avait tué sa mère.
« Quiconque veut se faire un style durable, disait très bien Joubert, ne doit en user qu’avec une extrême sobriété. » C’est dans la langue commune, héréditaire, vraiment nationale, langue de nos pères qui sera la langue de nos fils, dans cette partie immuable du vocabulaire que Pascal a transmise à Racine et que Voltaire a livrée à Chateaubriand, qu’il faut chercher les expressions qui rendent nos idées.
Il piochait des parallèles entre Virgile et Homère, entre Corneille et Racine, et il s’appliquait à rédiger en phrases « brillantes » son jugement sur Lemierre, Thomas et Jean-Baptiste Rousseau.
Lorsque la jeune cour délaissa le vieux Corneille pour l’auteur d’Andromaque et de Bajazet, il y eut, n’en doutez point, les snobs de Racine.
N’aimeriez vous pas connaître dans le détail la vie passionnelle de Racine et de Molière ?
Et à toutes ces factices richesses je préférerais quelques vers inestimables de Ronsard, de Racine ou de Verlaine… Les sous-titres des Trophées indiquent assez que son souci fut plutôt celui d’un historien en vers que d’un véritable chanteur : La Grèce et la Sicile, Rome et les Barbares, le Moyen Âge et la Renaissance, l’Orient et les Tropiques.
Ce ne fut pas seulement la mort de Molière qui marqua un terme à la protection que les lettres donnaient à la société licencieuse contre la société d’élite ; l’esprit satirique de Boileau, la courtoisie de Racine, la licence de La Fontaine, s’arrêtèrent en même temps devant les progrès de cette société : comme ces progrès atteignaient la cour elle-même, nos poètes virent que le temps était venu de prendre un autre ton, une autre direction, et ils furent plusieurs années à contempler en silence le changement qui s’opérait.
Outre l’exemple de Virgile, celui de Corneille, de Racine, de Despréaux, & généralement de tous nos grands poëtes, ne dément-il point cette maxime ?
La plus grande louange qu’on puisse donner à Corneille est de n’avoir pas cabalé contre Racine.
Rousseau trouva la pièce très-bonne en général, en releva quelques endroits, & finit par exhorter l’auteur à travailler dans ce goût, à s’élever toujours ainsi sur les pas de Corneille & de Racine.
Racine dans son Andromaque, a voulu faire « autre chose » que Corneille dans son Pertharite ; et Diderot, dans son Père de famille, a voulu faire « autre chose » que Molière dans son Tartuffe.
En effet le parterre rit presqu’aussi haut qu’à une scene de comedie à la répresentation de la derniere scene du second acte d’Andromaque, où Monsieur Racine fait une peinture naïve des transports et de l’aveuglement de l’amour veritable, dans tous les discours que Pyrrhus tient à Phoenix son confident.
Elles sont autant au-dessous des pieces de Corneille et de Racine, que les moins mauvais de nos poëmes épiques sont au-dessous du Roland furieux, de L’Arioste, et de la Jerusalem délivrée du Tasse.
Comme tout le monde, à un certain moment, voulut imiter Ronsard et Desportes, et plus tard Corneille et Racine, tout le monde veut maintenant imiter Balzac.
Un pareil assemblage est une grande et belle idée : c’est là qu’on retrouve avec plaisir Corneille et Condé, Turenne et Racine, Pascal et Sully, Colbert et Descartes, Molière et le maréchal de Luxembourg, La Fontaine et Quinault, avec le président de Lamoignon et Duquesne.
Votre Racine et Victor Hugo en est à sa sixième édition… » — Je me plains de rester, à la fin de ma vie, un débutant et un mendiant. […] Racine et celui de M. […] Le cas de Racine est singulier. […] L’œuvre qu’on attendait de Racine avec impatience, ce n’était point quelque Phèdre nouvelle, c’était son Histoire du Roi. […] Plus tard, en 1678, ni Corneille ni Racine n’occupant plus la scène, Thomas fit le Comte d’Essex, où il imite à la fois ces deux poètes.