/ 2310
765. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers populaire  »

Au logis de son père Il y a trois fleurs de lys, Nous prierons Dieu pour elle ; Qu’elle aille en paradis. —  Au milieu du convoi. […] Les gens de la noce disent : Grand Dieu ! […] Ô beau rossignolet, Les gens de la noce disent : Grand Dieu !

766. (1902) L’humanisme. Figaro

Que ce soit le grand soleil ineffable de Dieu ou le grand soleil noir du néant, je saurai le regarder en face, sans être aveuglé par la lumière, sans être ébloui par l’ombre. […] Évidemment, dans l’esprit de ces jeunes philosophes, c’est le contraire du déisme ; c’est l’homme substitué à Dieu dans la conduite de la vie ; c’est une religion nouvelle qui rapporte tout à l’humanité, abstraction faite de la divinité, et qui prétend, au moyen de commandements spéciaux, nous enseigner nos devoirs envers cette humanité souveraine. […] Ces messieurs se mirent à causer de leur marotte, et conclurent assez vite qu’il n’y avait pas de Dieu : — Je le veux bien, dit Voltaire, mais éloignons les domestiques.

767. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Dieu aurait été un pédagogue, et l’homme un marmot. […] Un de mes amis, fort occupé lui-même de philosophie, me fit parvenir, dans le temps, des objections qui s’adressaient bien directement à la théorie que j’avais conçue, et non à celle de je ne sais quel drame où Dieu interviendrait pour faire épeler l’homme. […] Ainsi l’homme aurait commencé par s’inventer ; puis il aurait inventé le monde ; puis il aurait inventé Dieu.

768. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XVIII. Souvenirs d’une Cosaque »

Par Dieu, oui, elle est musicienne, et c’est parce qu’elle est musicienne qu’elle est allée droit, — ou de travers, — à l’homme qui fait le plus de bruit avec sa musique en Europe depuis quarante ans ! […] Avec l’impétuosité, la fierté, le mépris à l’Ajax pour Dieu et les hommes, l’intraitabilité qu’elle y affecte, on s’attend à y voir surgir des tragédies et des catastrophes, et il n’y a que son mari de cravaché, ce qui n’est pas une grande catastrophe. […] — l’abandon dans une société qui a exaspéré toutes les vanités de la femme jusqu’au délire de vouloir devenir des hommes contre les homme, et qui, pour les consoler de ces abandons qui prouvent bien qu’elles ne sont pas des hommes, ces pauvres orgueilleuses, ne leur a même pas laissé Dieu !

769. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Odysse Barot »

Byron, l’aristocrate Byron, dans cette histoire de la littérature anglaise, est sacrifié à Shelley, l’utopiste, l’humanitaire, qui était athée, c’est-à-dire un démocrate religieux qui eût voulu couper la tête à Dieu comme on peut la couper au roi, et qui, par conséquent, était un démocrate intégral de principe et d’essence. […] Mais le goût, l’applaudissement des masses, la popularité des œuvres, ne font rien, n’ajoutent rien à cette entité toute-puissante qui s’appelle le Génie et qui est parce qu’il est, comme Dieu. […] Règle générale, il grandit tous ceux-là, poètes, philosophes, historiens, qui ont touché à la chose suprêmement utile pour Barot, c’est-à-dire à l’idée révolutionnaire, et révolutionnaire dans toutes les sphères ; car la Révolution va jusqu’à Dieu, quand elle ne commence pas par lui.

770. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Justement effrayés du développement que prenait cette coutume du duel, d’origine religieuse, — puisque les jugements de Dieu, qui furent les premiers duels, partaient de l’idée (mal entendue, il est vrai), mais de l’idée de sa justice, — les rois, en France, ne cessèrent, depuis Louis IX jusqu’à Louis XIV, de s’opposer à ce développement et de le combattre. […] L’homme fut plus implacablement batailleur quand il ne se crut plus le bras vivant et visible de Dieu et quand on n’eut plus affaire qu’à son orgueil. […] à une époque irréligieuse qui ne s’appuie plus sur l’autorité de l’Église, laquelle est péremptoire comme la vérité et a condamné le duel, sans rémission et sans fléchissement, par la voix de son concile de Trente, il a, lui, abandonné comme impossible la suppression du duel, et s’est réfugié dans l’empirisme consolateur de ceux qui voient que l’absolu, en tout, n’appartient qu’à Dieu !

771. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

» si réellement il n’y en a pas… Si Lamennais est grand pour avoir manqué à une parole d’honneur donnée à Dieu, devant son autel (la seule parole d’honneur à laquelle on puisse manquer, apparemment !) […] Le 24 mai 1826, écrivant à la comtesse de Seult, un de ces anges d’amitié comme il en passa plusieurs dans sa vie, il se définissait sans regret, sans amertume et même sans tristesse : « un homme pauvre, sans nom, sans place, sans position, à qui bien prenait de ne rien demander aux hommes et de ne vouloir absolument rien d’eux » ; et excepté le sans nom, car la gloire, à cette heure-là, faisait du sien le plus beau qu’il y eût alors en Europe, tout était vrai dans cette définition qu’il donna de lui-même et qui resta vraie, même quand il eut abandonné Dieu pour les hommes. […] Ils veulent être Dieu, à la bonne heure !

772. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Th. Ribot. La Philosophie de Schopenhauer » pp. 281-296

Ribot ; ceux qui veulent prendre rigoureusement la mesure du système de Schopenhauer peuvent recourir au commentaire qu’il nous donne sur sa philosophie, commentaire détaillé, technique, germanique et ennuyeux pour qui ne croit pas à la métaphysique et qui ne s’intéresse pas à la manière de jouer de ce jeu sans fin… Mais pour qui cherche dans les méditations de l’esprit la certitude et la sécurité intellectuelles, pour qui croit que la vérité n’a pas été placée par un être ou un ensemble de choses incompréhensiblement moqueur hors de la portée et de la main de l’homme, les différences de force cérébrale attestées par la différence des systèmes importent peu si les résultats sont les mêmes, s’ils viennent se rejoindre dans les mêmes négations et se briser contre l’Χ inconnu, qui, dans toutes les philosophies de l’heure présente, a été mis à la place de Dieu ! […] Ce n’est ni celui de Hégel, ni celui de Fichte, mais ce serait peut-être celui de liant, si, du fond de son idéalisme transcendantal, ce captif du moi, comme Descartes, qui s’était enfermé le premier dans cette forteresse sans issue, n’avait pas aperçu la terrible vision d’un monde sans Dieu, et si, pour y échapper, il ne s’était pas jeté par la fenêtre de cette inconséquence que madame de Staël trouvait sublime ! […] Il ne veut ni de Dieu, ni des religions, qu’il appelle avec mépris « les métaphysiques du peuple », ni du théisme, enfin, sous quelque forme qu’il se produise.

773. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Achille du Clésieux »

Pourquoi Dieu l’a-t-il voulu ainsi ? […] Le poème, c’est l’histoire du déchirement de cette âme entre son serment et son amour ; c’est l’affliction désespérée de l’idéale et malheureuse Armelle ; et le dénouement de cette histoire c’est l’entrée au cloître de la jeune fille qui, après cet époux impossible sur terre et qu’elle adore, n’a plus que Dieu, cet époux après tous les autres : — Celui-là qui ne se refuse jamais à la main qui se tend vers lui ! […] Dieu l’a vu, et son noble pays le sait !

774. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Agrippa d’Aubigné »

L’Histoire n’a pas perdu une seule des paroles du soldat devenu prophète, et elles ont une beauté grandiose : « Dieu — dit-il — vous a frappé à la bouche, Sire (le couteau avait glissé, en remontant, jusqu’à la lèvre), parce que vous ne l’avez encore renié que débouché. […] — poète partout et toujours : en ces Psaumes traduits pour le service de Dieu, en ces sonnets, en ces élégies, en ces héroïdes, en ces stances, en tous ces vers humains et vécus dont le troisième volume de ses Œuvres est rempli. […] Avoir besoin de ce pauvre rayon d’une date au-dessus de sa tête, n’est-ce pas tout ce qu’on peut dire de pis du génie, qui ne relève pas du temps et qui est absolu comme Dieu ?

775. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Raymond Brucker » pp. 27-41

Il n’y en avait pas dans ce livre où plus d’une page semblait l’écho de celle théologie de cabaret qui inspira Le Dieu des bonnes gens au poëte le plus sottement vanté de cette époque. […] Brucker, puisqu’il se frappe dans son passé de toute la force de sa supériorité d’aujourd’hui) avait été élevé par un prêtre apostat et marié, qui, au lieu de lui apprendre à prier Dieu, avait empoisonné son enfance, en la plongeant dans le naturalisme païen du vieux Pline ? […] Isolé comme un chrétien dans ces temps d’épreuve pour les vrais serviteurs de Dieu, il n’est pas, comme Diderot, le centre d’une légion (le diable s’appelle parfois légion) de philosophes qui le regardent comme leur Ordonnateur en chef.

776. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

Eh Dieu ! […] Vrai Dieu ! […] Mais à présent, Dieu merci, grâce à M.  […] , grand Dieu ! […] Mais, grand Dieu !

777. (1924) Intérieurs : Baudelaire, Fromentin, Amiel

Mais on conçoit fort bien que la crainte de Dieu se tourne, dans un tempérament comme celui de Lucrèce ou de Nietzsche, en la haine de Dieu, qui en est à la fois le développement et le contraire. […] Il possède la foi en Dieu, la confiance en Dieu, qui fera ce qu’il faut. […] Et le juste doit avoir remplacé sa volonté individuelle par la volonté de Dieu pour devenir un saint. […] « Si le vrai Dieu est celui qui console, qui sanctifie et qui fortifie, écrit Amiel en 1870, à ce titre. […] Cette impuissance de vouloir, de choisir, de parier, interdit à Amiel le rôle de collaborateur de Dieu, d’agent de Dieu, de soldat de Dieu.

778. (1882) Types littéraires et fantaisies esthétiques pp. 3-340

Nos soldats ont rendu leur vie à Dieu comme un son meurt dans l’air ou comme un parfum s’évapore. […] Ceux-là mêmes qui sont le plus justement réputés divins ne sont rien moins cependant que rapprochés de Dieu. […] Comme la marque sacrée imprimée par Dieu sur toutes ses créatures apparaît visible ! […] À Dieu ne plaise que je veuille pédantesquement reprocher à Goethe le vagabondage des premières années ! […] Ce calme et cette discrétion silencieuse ont été donnés aux musulmans par la volonté fixe et arrêtée d’accepter les arrêts de Dieu quels qu’ils fussent ; cette assurance leur vient de la confiance que Dieu ne peut vouloir que ce qu’il y a de plus sage.

779. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Quel nom de Dieu de sale ronfleur !  […] de la communion par laquelle je participe au corps de Dieu ! […] Dieu de terreur et Dieu de sainteté, Hélas ! Ce noir abîme de mon crime, Dieu de terreur et Dieu de sainteté. […] Ce peuple, qui passe pour impie, a fait de grandes choses pour l’amour de Dieu.

780. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

La saison était caniculaire, malgré les haleines du torrent presque desséché dont nous suivions les bords, et qui montrait ses blocs roulés à nu dans son lit, comme Job montrait ses os à Dieu dans sa nudité sur sa couche. […] On ne peut trouver qu’un mot pour exprimer l’impression des Moissonneurs : Raphaël a fait la transfiguration d’un Dieu, les Moissonneurs sont la transfiguration de la terre. […] Nous ne l’excusons pas, à Dieu ne plaise ! […] Ils disent l’ivresse de la moisson qui commence, et la joie de la terre qui fait bondir les pieds de l’homme à la réception des dons de Dieu. — Que dit le visage de cette jeune et belle moissonneuse, regardant de loin les musiciens des Abruzzes ? […] Tout est infini en Dieu, même le pardon !

781. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier. — Correspondance de Chateaubriand (3e partie) » pp. 161-240

Ce qui se passa dans son âme à cette vue, Dieu seul le sait ; mais ses sens n’eurent pas la force de sa volonté : elle tomba inanimée dans les bras de son amie, qui la reconduisit à son palais, vide désormais de sa plus chère amitié. […] Vous m’avez fait réellement comprendre que tout est contemporain pour celui qui comprend la notion de l’éternité ; vous m’avez expliqué Dieu avant la création de l’homme, la création intellectuelle de celui-ci, puis son union à la matière par sa chute, quand il crut se faire un destin de sa volonté. […] La rhétorique tombait devant l’âge : on ne déclame plus devant Dieu ; il sentait l’approche de la vérité suprême, le néant de nos ambitions et de nos vanités ; il devenait plus sincère et plus naturel en cessant de poser et de phraser pour le monde. […] Je bénirai Dieu de tout cela, tant que vous vous obstinerez à ne pas vous guérir. […] Priez pour moi, Dieu vous écoutera.

782. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Elles nous mènent à Dieu par un chemin semé de toutes les merveilles qui témoignent d’une création libre, volontaire, toute intelligente et toute bienfaisante. S’il est vrai que tout ce qui est ôté au hasard est restitué à Dieu, aucune science ne réussit mieux que l’histoire naturelle à déposséder le hasard au profit de la Providence. […] Dieu seul connaît si ce qu’il a prophétisé doit s’accomplir, ou si ce n’est qu’une de ces illusions dont le génie humain paie son trop de confiance en ses lumières. […] Mais enfin on y arrive, et s’il plaît à Dieu de nous accorder quelques jours d’intervalle entre l’âgé où nous nous gâtons et le dernier terme, nous pouvons faire plus de bien par cette seconde innocence que nous n’avons fait de mal par nos fautes. […] Les pédants ne seraient pas les seuls surpris d’y voir le grec relégué parmi les études de pure curiosité, et le latin réduit à n’être « qu’utile. » Le monde moderne, grâce à Dieu, n’est pas près de penser comme Fleury.

783. (1857) Cours familier de littérature. III « XVIe entretien. Boileau » pp. 241-326

Nous aimons à rendre à toutes les races pensantes ce qui est à ces races, et à Dieu ce qui est à Dieu. […] On ne ravale pas impunément le plus beau don de Dieu, la poésie, à des trivialités ridicules. […] Sans sortir de leurs lits, plus doux que leurs hermines, Ces pieux fainéants faisaient chanter matines, Veillaient à bien dîner et laissaient en leur lieu À des chantres gagés le soin de louer Dieu ; Quand la Discorde, encor toute noire de crimes, Sortant des Cordeliers pour aller aux Minimes, etc. […] La beauté est absolue en elle-même ; elle résulte de quelques rapports mystérieux entre la forme et le fond dans toutes les choses morales ou matérielles, rapports qui ont été établis par Dieu lui-même, suprême type, suprême règle, suprême proportion, suprême mesure, suprême convenance de tout ce qui émane de lui. « Dieu fit l’homme à son image. » On pourrait dire encore : « Dieu fit toute chose à son image. » Or Dieu est le grand logicien par excellence.

784. (1857) Cours familier de littérature. IV « XXe entretien. Dante. Deuxième partie » pp. 81-160

peuple qui devrais être plus dévoué à ton vrai maître et laisser ton César s’asseoir sur ta selle, si tu comprenais mieux ce que Dieu veut de toi ! […] — Le décret suprême de Dieu serait vain si l’on passait ce fleuve de l’oubli, et si l’on goûtait la manne céleste en ces lieux sans avoir versé une larme de pénitence, en signe d’absolution !  […] » Cette idée de s’ouvrir le ciel par l’amour et de voir Dieu par les yeux de la femme qu’il a tant aimée rappelle sans cesse l’amant dans le théologien. […] » Un chant tout entier est consacré à un récit des destinées politiques de l’Italie et à la gloire de Justinien ; Un autre à expliquer le mystère de Dieu sacrifiant son fils innocent représentant d’une nature coupable. […] Des soleils y chantent, des roues y argumentent, les chefs des ordres monastiques y défilent devant le poète ; le pape et les cardinaux y sont injuriés comme des déserteurs de cette crèche de Nazareth où l’ange de Dieu replia ses ailes.

785. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — I. » pp. 1-19

Ses exordes avaient quelque chose d’heureux et qui saisissait aisément, comme le jour où il prononça l’Oraison funèbre de Louis XIV, et où, après avoir parcouru en silence du regard tout ce magnifique appareil funéraire, il commença par ces mots : « Dieu seul est grand, mes frères ! […] Heureux, non celui dont l’histoire va immortaliser le règne et les actions dans le souvenir des hommes, mais celui dont les larmes auront effacé l’histoire de ses péchés du souvenir de Dieu même, etc., etc. […] « On peut quelquefois, dit Voltaire, entasser des métaphores les unes sur les autres ; mais alors il faut qu’elles soient bien distinguées, et que l’on voie toujours votre objet représenté sous des images différentes. » Et il cite un exemple de Massillon ; il aurait pu aussi bien citer celui qu’on va lire : Souvenez-vous d’où vous êtes tombé ; … remontez à la première origine de vos désordres, vous la trouverez dans les infidélités les plus légères : un sentiment de plaisir négligemment rejeté ; une occasion de péril trop fréquentée ; une liberté douteuse trop souvent prise ; des pratiques de piété omises : la source en est presque imperceptible ; le fleuve, qui en est sorti, a inondé toute la terre de votre cœur : ce fut d’abord ce petit nuage que vit Élie, et qui depuis a couvert tout le ciel de votre âme : ce fut cette pierre légère que Daniel vit descendre de la montagne, et qui, devenue ensuite une masse énorme, a renversé et brisé l’image de Dieu en vous : c’était un petit grain de sénevé, qui depuis a crû comme un grand arbre, et poussé tant de fruits de mort : ce fut un peu de levain, etc. […] Mais il ne s’en tient pas là ; il ne fait en ce moment que de commencer à interroger son auditeur ; il va le presser de plus en plus, le circonvenir, chercher à l’atteindre par toutes les surfaces jusqu’à ce qu’il ait rencontré le point vulnérable ; et il en vient graduellement à une énumération et presque à une désignation plus frappante : Grand Dieu !

786. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

» Vivez, Sire, vivez sous cette main de Dieu bienfaisante et toute puissante, qui ne vous a jamais manqué et qui ne vous manquera jamais. Vivez pour la consolation de vos sujets, et pour mettre le comble à votre gloire : ou plutôt, puisque vous êtes l’homme de la droite de Dieu, vivez, sire, pour la gloire et pour les intérêts de Dieu… Vivez pour consommer ce grand dessein de la réunion de l’Église de Dieu… Et comment, en entendant de telles paroles proférées par une telle bouche, en ces heures propices et attendries de la convalescence, le cœur de Louis XIV aurait-il douté, et n’aurait-il pas cru marcher dans la voie droite, dans la voie commandée et nécessaire ?

787. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Lammenais » pp. 22-43

Mais bientôt, jusque dans le Lamennais de ce temps-là, nous allons retrouver celui que nous avons connu en dernier lieu, le même caractère exactement, la même âme, une âme excessive, inquiète, haletante, appelant sans cesse et repoussant le repos, enviant la mort etactivant la vie, se croyant une mission d’en haut, unevocation, et tenu d’y obéir : car qui a résisté à Dieu et a eu la paix ? […] « C’est à peu près, dit-il, la seule consolation de ce monde : quand les hommes vous maudissent, c’est alors que Dieu vous bénit. » Il a besoin, je l’ai dit, de sensations intellectuelles aiguës ; cette ardeur effrénée et cette surexcitation que d’autres, poètes surtout et artistes, ont portée dans les jouissances sensuelles, il la porte, lui, dans les systèmes philosophiques et politiques. […] Il est d’un naturel, en effet, d’un sincère, d’une intrépidité sans égale, d’une imprudence à faire peur ; il justifie ce mot de l’abbé Frayssinous sur lui (seule réponse à tant d’injures) : « Cet homme d’une candeur effrayante… » Il justifie cet autre mot de son frère, l’abbé Jean, qui le nomme de son vrai nom : « Dieu l’a fait soldat !  […] Il a, dans tous les cas, de bien grandes et fortes paroles sur le silence dont là-bas on l’accueille, sur le sentiment de cette immobilité invincible, de ce peu de réponse et d’écho, de cette neutralité si prolongée qui était sans doute une sagesse relative, mais qui différait tant de la grande sagesse et de la haute politique d’autrefois : « Combien de temps Dieu permettra-t-il encore qu’on se taise là ?

788. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — Lamennais, Affaires de Rome »

Si un écrivain, dans un livre intitulé Manifestation de l’Esprit de Vérité, s’arme de l’Évangile et du nom de Jésus-Christ contre les riches et les puissants, l’abbé de La Mennais le renvoie à Diderot et à Babeuf, et termine ainsi : « Les passions les plus exaltées se joignant à tant de causes de désordre, personne ne peut dire quels destins Dieu réserve à la société. […] Du Fossé, voulant peindre dans le grand Arnauld cette colère de lion pour la vérité qui s’unissait en son cœur avec la douceur de l’agneau, nous dit naïvement : « L’exemple seul de Moïse, que Dieu appelle le plus doux de tous les hommes, quoiqu’il eût tué un Égyptien pour défendre un de ses frères, brisé par une juste colère les Tables de la Loi, et fait passer au fil de l’épée vingt-trois mille hommes pour punir l’idolâtrie de son peuple, fait bien voir qu’on peut allier ensemble la douceur d’une charité sincère envers le prochain avec un zèle plein d’ardeur pour les intérêts de Dieu. » En ne prenant les vingt-trois mille hommes et l’Égyptien tués qu’en manière de figure, comme il convient dans ce qui est de l’ancienne Loi, et en rapportant à l’abbé de La Mennais cette phrase de Du Fossé sur le grand Arnauld, je me rappelais bien que lui-même avait condamné ce dernier, et qu’il avait écrit de lui en le comparant à Tertullien : « Et Tertullien aussi avait des vertus ; il se perdit néanmoins parce qu’il manqua de la plus nécessaire de toutes, d’humilité. […] Immuablement fixées par le Très-Haut, ses destinées s’accompliront malgré les hommes, malgré les haines, les fureurs, les persécutions, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle ; » — ou bien quand il écrivait, en 1826, à la fin de la Religion considérée, etc. : « S’il est dans les desseins de Dieu que ce monde renaisse, alors voici ce qui arrivera.

789. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Prenant successivement les quatre ou cinq grandes idées auxquelles d’ordinaire puisent les poëtes, Dieu, la nature, le génie, l’art, l’amour, la vie proprement dite, nous verrons comme elles se sont révélées aux deux hommes que nous étudions en ce moment, et sous quelle face ils ont tenté de les reproduire. Et d’abord, à commencer par Dieu, ab Jove principium, nous trouvons, et avec regret, que cette magnifique et féconde idée est trop absente de leur poésie, et qu’elle la laisse déserte du côté du ciel. […] La campagne, le silence, la solitude et tout ce qui ramène plus aisément l’âme à elle-même et à Dieu, font place, en ses vers, au fracas des rues de Paris, à l’odeur des tavernes et des cuisines, aux allées infectes des plus misérables taudis. […] Ô Dieu !

790. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VI. Pour clientèle catholique »

Or les catholiques ont plusieurs façons de démontrer que Dieu leur a réservé le singulier privilège de penser. […] « Car Dieu est infiniment équitable et chaque homme, en ce monde comme en l’autre, a toujours ce qu’il mérite. » Je ne ferai pas remarquer ce que de telles paroles, écrites pendant que l’innocent souffrait encore, avaient d’odieux. […] J’aimais aussi des pamphlets extérieurement hardis et généreux, les Morticoles et même — Dieu me pardonne !  […] Il s’écrie, devant une phrase banalement oratoire et académique du duc de Broglie : « Dieu !

791. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Il fut Pascal, sans Port-Royal, sans cilice, sans conclusion, sans consolation ; — Pascal sous une forme douce, sous cette forme de la résignation qui ne trompe ni Dieu ni personne, et qui est la forme la plus poignante que je sache du désespoir ! […] L’esprit d’Alfred de Vigny, s’il n’est pas la négation de Dieu, est la négation absolue du Christianisme ; mais son âme, ce quelque chose en nous qui précède la réflexion et qui la défie, en protestant souvent contre elle, son âme est chrétienne de tendresse, de pitié, d’aspiration infinie. […] Vous jugerez de cette lutte acharnée entre l’esprit qui ne croit pas et l’âme qui veut croire : « Bonaparte meurt en disant : Tête d’armée, et repassant ses premières batailles dans sa mémoire ; Canning, en parlant d’affaires ; Cuvier, en s’analysant lui-même et disant : La tête s’engage… « Et Dieu ? […] Dans ce journal, il n’y a pas que le Vigny de l’incrédulité et du désespoir, le penseur à côté de la question de Dieu et de la destinée de l’âme.

792. (1910) Variations sur la vie et les livres pp. 5-314

Dieu veut que je t’emmène en Enfer pour voir les tourments et la tristesse que souffrent là-bas les pécheurs. […] Tant de misère angoisseuse toucha saint Paul et saint Michel, et ils s’agenouillèrent en priant Dieu. […] Il paraît cependant, qu’à une certaine époque de sa vie, son cœur devint corrompu et sa pensée s’éloigna de Dieu. […] À la fin, les yeux du roi Dagobert se dessillèrent et il revint à la vertu et à la crainte de Dieu. […] — Par Dieu !

793. (1730) Des Tropes ou des Diférens sens dans lesquels on peut prendre un même mot dans une même langue. Traité des tropes pp. 1-286

Dieu a écouté la voix de son peuple, etc. […] Dieu dit à Moïse, je ferai pleuvoir pour vous des pains du ciel, et ces pains c’étoit la mâne : Moïse en la montrant dit aux juifs, voila le pain que Dieu vous a doné pour vivre. […] Le ciel, où les anges et les saints jouissent de la présence de Dieu, se prend souvent pour Dieu même : implorer le secours du ciel ; grace au ciel : j’ai péché contre le ciel et contre vous, dit l’enfant prodigue à son pére. […] Nous disons aussi, Dieu vous assiste, Dieu vous benisse, plutot que de dire, je n’ai rien à vous doner. […] « Dieu est notre ressource, notre lumière, notre vie, notre soutien, notre tout.

794. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Je ne les justifie pas, à Dieu ne plaise ! […] Ce mysticisme-là n’est pas, à Dieu ne plaise ! […] C’est tout simplement du panthéisme sous une nouvelle forme, du panthéisme immatériel, spiritualisé, mais proche voisin de l’autre ; car, dès l’instant que l’âme est Dieu, l’homme qui, d’après Saint-Martin, n’est qu’une âme, est aussi Dieu ; les objets extérieurs qui, toujours d’après le théosophe, n’existent que par leurs rapports avec l’âme, sont Dieu : le monde est Dieu ; le vieux Pan reparaît, tenant d’une main les mythes sensuels de la Grèce, de l’autre l’immobile cosmogonie de l’Orient ; et cet excès, ce raffinement, cette débauche de spiritualisme, tourne, en définitive, au profit de la matière. […] quelle joie et quel orgueil de pouvoir ajouter : ma guenille est Dieu ! […] Contester ses autres œuvres, ce ne serait que le critiquer ; attaquer celle-ci, ce serait le nier lui-même, et personne, Dieu merci !

795. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Chamillart, dans une lettre à Catinat du 22 juillet, en demandant pardon « de s’expliquer sur une matière aussi délicate, sur laquelle il ne raisonne, dit-il, que par le bon sens que Dieu lui a donné, et sans aucune expérience », se prodigue en exhortations des plus vives : Il me semble que des troupes aussi bonnes que celles que vous avez, et en aussi grand nombre, ne doivent point appréhender l’armée de l’empereur, pourvu que vous les puissiez rassembler avant que le siège de Landau soit fini. […] Au nom de Dieu, hasardez quelque chose pour vous en garantir ; car, si vous pouvez arrêter les ennemis, tout est sauvé ; si au contraire vous vous laissez entamer, il n’y aura plus de retour, et les suites de ce dérangement font trembler. […] Tout ira bien, s’il plaît à Dieu ; mais si quelqu’un vous dit que tout ceci est bien aisé, ayez la bonté de ne le pas croire. […] Et il lui réitère les ordres les plus précis de rentrer immédiatement en campagne. — Villars est touché et piqué du reproche : J’ose supplier Votre Majesté d’être bien persuadée que je tâcherai de mériter l’honneur de sa confiance par une très grande exactitude à ne rien prendre sur moi ; il est vrai que, depuis que sa bonté a daigné me confier ses armées, elle m’avait laissé une liberté entière, dont, grâce à Dieu, je n’ai pas abusé au détriment de ses affaires. […] En vérité, cela est plus sûr que de suivre l’avis des courtisans, qui, ne songeant qu’à détruire ceux qui n’ont pour eux que leurs services, pourraient établir, sous un roi moins juste et moins grand que celui que la bonté de Dieu nous a donné, cette maxime si dangereuse pour les maîtres de la terre, qu’il vaut mieux songer à leur plaire qu’à les servir.

796. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Du milieu de cette immense langueur, de cette espèce d’atonie à nombreuses nuances, il séparait, en se l’exagérant, la faction philosophique issue du xviiie siècle, la Révolution antagoniste, selon lui, du Christianisme, et endoctrinant contre Dieu le peuple. […] Dieu aidant, il n’est pas indispensable d’avoir marché jusqu’au bout pour être arrivé, et même on ne mériterait pas d’arriver du tout si, après un certain terme, on avait besoin de marcher toujours.  […] Il y a nombre de chapitres qui nous semblent l’idéal de la beauté théologique telle qu’elle resplendit en plusieurs pages de la Cité de Dieu ou de l’Histoire universelle, mais ici plus frugale en goût que chez saint Augustin, plus enhardie en doctrine que chez Bossuet, et aussi, il faut le dire, moins souverainement assise que chez l’un, moins prodigieusement ingénieuse que chez l’autre. […] Mais, après la crise dont nous approchons, on ne remontera pas immédiatement à l’état chrétien : le despotisme et l’anarchie continueront longtemps encore de se disputer l’empire, et la société restera soumise à l’influence de ces deux forces également aveugles, également funestes, jusqu’à ce que d’une part elles aient achevé la destruction de tout ce que le temps, les passions, l’erreur, ont altéré au point de n’être plus qu’un obstacle au renouvellement nécessaire ; et, de l’autre, que les vérités d’où dépend le salut du monde aient pénétré dans les esprits et disposé toutes choses pour la fin voulue de Dieu. »  Vers le même temps où l’esprit de M. de La Mennais acceptait si largement l’union du catholicisme avec l’État par la liberté, il tendait aussi à se déployer dans l’ordre de science et à le remettre en harmonie avec la foi. […] » « Et l’autre : « Nous vous louons, ô Dieu !

797. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Celui qui avait chanté Dieu comme poëte le pria comme mourant. […] Le genre humain n’est point de niveau, Dieu ne l’a point fait ainsi ; la démocratie absolue est une chimère, l’égalité est une utopie. […] La supériorité n’est point un abus, c’est une loi de Dieu, volontaire et mobile dans la démocratie, immobile et tyrannique dans la monarchie absolue. […] Il subit son exil jusqu’à ce que le roi de l’Italie, unitaire contre la nature et l’histoire, transporte son trône ambulant de capitale en capitale pour trouver une bonne place sur la terre des Romains ; il y détrône un pontife désarmé, sans soldats et sans peuple, vainqueur par les armes françaises, d’une théocratie qui ne devait être remplacée que par la liberté de Dieu sur la terre. […] Alors il nous jeta quelques paroles toujours remplies, selon sa coutume, d’urbanité, d’affection et d’amitié ; il plaisantait même avec nous, et, en nous regardant tous deux : « J’aurais bien voulu, nous dit-il, que la mort eût différé son arrivée jusqu’au jour où j’aurais entièrement complété votre bibliothèque ; il ne s’en fallait pas de beaucoup. » À peine Pic s’était éloigné, que Jérôme de Ferrare, homme remarquable et par son savoir et par sa sainteté, prédicateur distingué de la science céleste, entra dans la chambre à coucher et l’exhorta à bien garder sa foi : « Oui, et inébranlable, répondit-il avec assurance » ; de prendre la résolution de vivre le plus irréprochablement possible : « Sans aucun doute, répondit-il encore avec fermeté » ; qu’enfin, s’il le fallait, il supportât la mort avec calme : « Rien ne m’est plus agréable que de mourir, si Dieu le veut. » Après cela, Jérôme se retirait, lorsque Laurent : « Hé !

798. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Ce furent eux surtout qui contribuèrent à constituer en face de la théologie chrétienne une véritable théologie galante, assignant au Dieu d’amour la place de Jésus-Christ, formant son séjour délicieux à l’image de l’Éden, édictant en son nom un Décalogue, organisant enfin tout un dogme et tout un culte, et comme une Église des amants, qui avait ses fidèles et ses hérétiques, ses saints et ses pécheurs. […] Voulant traduire en faits les préceptes de l’Art d’aimer, et faire un roman didactique, il se souvint d’un poème latin du siècle précédent, le Pamphilus, où le poème d’Ovide est mis en action par quatre personnages, Vénus, le jeune homme, la jeune fille et la vieille : il prit à un Fabliau du dieu d’Amours le cadre du songe qui transporte l’amant dans le jardin du Dieu ; et, forcé par la tradition de donner un nom de convention à sa belle, il trouva, dans l’usage de donner poétiquement des noms de fleurs aux dames, plus précisément encore dans un Carmen de Roua et dans un Dit de la Rose, l’idée de représenter l’amante sous la figure de la Rose, c’est-à-dire l’allégorie fondamentale de l’œuvre, qui entraînait nécessairement toutes les autres allégories et personnifications. […] il est en révolte contre la nature, ennemi de Dieu, dont il aspire à détruire pour sa part la création. […] Cependant Jean de Meung se contente de consacrer la Nature au nom de Dieu : il laisse à un autre, qui viendra à son heure, à Rabelais, la charge d’excommunier l’Église, Antiphysie, au nom de la Nature. […] Aimer le prochain, l’aimer activement, c’est être bon chrétien, et Dieu ne demande pas autre chose.

799. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

On les joue « en l’honneur de Dieu pour l’instruction du pauvre peuple » : en 1407, à Chalon-sur-Saône, pour obtenir la fin d’une peste ; en 1500, à Amiens, pour remercier Dieu des bonnes récoltes. […] Dans le Paradis très élevé, Dieu apparaît entouré de rayons d’or, d’anges et de séraphins. […] L’homme tremble à voir l’ennemi : mais il voit Dieu, qui sera le plus tort, et se rassure. […] La Passion de Gréban nous offrirait quelques accents vrais et touchants dans le rôle de la Vierge, ou dans le couplet de la mère de l’enfant mort, de la vérité encore dans le reniement de saint Pierre et dans le suicide de Judas, un réquisitoire d’Anne contre Jésus qui amuse comme l’involontaire expression de l’effarement irrité du bourgeois devant le socialisme révolutionnaire du fils de Dieu.

800. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Le cœur restait intact au milieu des souillures des passions ; on savait quelque chose de mieux que se conserver, et la crainte de Dieu était autre chose que la peur. […] L’auteur de la Cité de Dieu explique la grandeur romaine par le dévouement. Il met les Romains au-dessus de leurs dieux, et il fait de la fortune de leur ville le juste prix dont il a plu à Dieu de récompenser leurs vertus. Vue de génie et témoignage de candeur chrétienne, d’autant plus méritoire que le paganisme était encore debout, que ses apologistes lui rapportaient les gloires de l’ancienne Rome et que le dessein du livre de saint Augustin est d’élever la cité de Dieu sur les ruines de la plus grande des cités terrestres ! […] Après ces enseignements, et comme au sortir de cette grande école, voici qu’une littérature nouvelle, « engageante et hardie », vient tirer le lecteur de lui-même, l’appelle au dehors, lui fait voir, au lieu de l’homme abstrait, l’habitant d’un pays et le citoyen d’une ville ; au lieu d’un type de société formé d’honnêtes gens qui s’occupent de leur réforme intérieure, sous une puissance établie de Dieu, des sociétés aussi diverses que les climats, les territoires et les religions.

801. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

L’évêque d’Antioche Théophile citait, pour inspirer la crainte de Dieu, ces vers du poëte tragique : Tu vois la justice muette, inaperçue pendant le sommeil, le voyage, le séjour. […] Un grand Dieu a inspiré ces lois ; et il ne vieillit pas. […] L’épreuve qui vient heureusement pour cette ville, je supplie le Dieu de ne pas l’éloigner. Je ne cesserai pas d’avoir le Dieu pour guide. […] Mais, j’ai encore à célébrer une autre gloire de cette ville, le don magnifique d’un Dieu puissant, l’orgueil de cette terre si riche de ses coursiers, de ses jeunes poulains et des flots de la mer.

802. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Qu’avez-vous fait du Dieu ?  […] Il en conclut que, pour Augustin, Dieu n’est pas un justicier redoutable, mais un tendre père. […] Dieu ne l’a pas permis. […] Il adore Pascal, ou l’homme en quête de la vie éternelle, l’âme à qui il faut un Dieu. […] Les hommes de Dieu évitent de contrister leurs ennemis.

803. (1769) Les deux âges du goût et du génie français sous Louis XIV et sous Louis XV pp. -532

Le Dieu n’en était guere moins étonné qu’eux-mêmes. […] Le Dieu leur imposa silence, en même tems, & pour toujours. […] Le Dieu joignit à cette décision quelques préceptes. […] Mais le Dieu leur imposa silence. […] L’instant d’après le Dieu reprit son premier ton.

804. (1880) Goethe et Diderot « Diderot »

Dieu sait comme il trembla dans sa peau de laquais, un jour, à l’idée d’appeler son chien Duc devant le duc de Montmorency, et il l’appela Turc. […] Voltaire haïssait Dieu et riait contre lui, comme Satan, qui est de bonne maison et qui a plus d’esprit que les autres diables dont il est le chef. Mais Diderot et Rousseau haïssaient Dieu sans pouvoir rire, sérieux, lourds, pesamment insolents. […] Shakespeare, comme Dieu, ne se révèle que par ses œuvres. […] Dieu revenait.

805. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

Sa doctrine célèbre du langage don direct de Dieu est d’une belle audace rectiligne. […] Elle l’éclaire en y montrant la présence et la volonté de Dieu. […] Le monde de Vigny est un monde sans Dieu, la conscience de Vigny est la conscience tragique d’un monde sans Dieu. […] Il est pour l’homme contre Dieu. […] La vingt-sixième et dernière strophe de la Bouteille à la mer commence par ce vers : Le vrai Dieu, le Dieu fort est le Dieu des idées Le recueil des Poésies, l’œuvre et la vie d’Alfred de Vigny sont tendus par la dialectique héroïque grâce à laquelle cet ennemi d’un Dieu donné, d’un Dieu non cherché, ni voulu, parvient à la notion platonicienne d’un Dieu vrai et fort, lieu des idées, comme l’espace est le lieu des corps.

806. (1895) Impressions de théâtre. Huitième série

Dieu, non. […] Il entendait montrer que nous ne pouvons rien, dans l’ordre du salut, sans la grâce de Dieu. […] Il sentirait qu’il est terrible de s’arroger le rôle de Dieu. […] si Dieu voulait se révéler ! […] Il croit à Dieu, à l’Evangile, à la justice future ; il croit, il espère, et ne sort pas de là.

/ 2310