C’est à l’homme que vous vous adressez dans la tragédie ; mais c’est une telle époque, c’est un tel peuple, ce sont de telles mœurs, qu’il faut connaître pour obtenir dans la comédie un succès populaire : les pleurs sont pris dans la nature, et la plaisanterie dans les habitudes.
Au sortir de l’enfance, l’image de la douleur est inséparable d’une sorte d’attendrissement qui mêle du charme à toutes les impressions qu’on reçoit ; mais il suffit souvent d’avoir atteint vingt-cinq années pour être arrivé à l’époque d’infortune marquée dans la carrière de toutes les passions.
Comme beaucoup de penseurs de notre époque indécise, M.
Ils ne connaissaient d’autres époques historiques que celles de la vie de leurs mères, d’autre chronologie que celle de leurs vergers, et d’autre philosophie que de faire du bien à tout le monde et de se résigner à la volonté de Dieu… …………………………………………………………………………………………… Quelquefois, seul avec elle (Virginie), il (Paul) lui disait au retour de ses travaux : « Lorsque je suis fatigué, ta vue me délasse.
Fixer à des époques certaines la naissance, l’accroissement, la perfection, la décadence & le renouvellement de chaque art & de chaque science ; tracer avec netteté les principales actions & les traits les plus marqués du caractère de chaque auteur ou de chaque artiste, tel est le but de l’Histoire Littéraire.
Les Mémoires en question, les autres romans de l’auteur, ces drames de toute forme, très intrigués et dans lesquels les événements semblent des nœuds gordiens impliqués les uns dans les autres, frappèrent à poing fermé sur l’imagination d’une époque qui avait ressenti les étincelantes secousses du Romantisme.
Elles seront à l’histoire littéraire de notre époque ce que sont les Mémoires du temps à l’histoire sociale et politique. […] Une école nouvelle, de même qu’elle apporte une esthétique, contient une modification de la pensée même et des besoins de civilisation de l’époque qui la perçoit. […] Vicaire avait mieux à faire que de méchantes parodies, et, à cette époque même, il faisait mieux. […] Né à une époque où la poésie française se transforme, Vicaire ne put prendre parti, conformément à sa nature. […] La critique de cette époque — Taine par exemple — le mettait auprès d’Hugo, Lamartine et Musset, dans une classification en quatre grands poètes où Vigny était oublié.
Elle se fonde sur les époques assez reculées pour que les traditions romanesques se mêlent aux rapports historiques, et que le vrai s’y confonde avec le fabuleux. […] Ovide, en chantant les métamorphoses, les attacha historiquement d’époque en époque, depuis l’origine des temps jusqu’au sien ; mais il ne forme pas réellement une épopée. […] L’époque du règne de Néron sous lequel parut ce poème national redoublait sa puissance sur l’esprit des Romains. […] Mais, dira-t-on, la résistance magnanime de Louis IX, captif des Égyptiens après la bataille de Massoure, est un fait admirable de l’époque des croisades, époque doublement fameuse dans l’histoire moderne par la sainteté de la cause des chrétiens et par l’éclat des exploits qui l’ont soutenue. […] Or sa vraisemblance indispensable ne résulte que d’une complète analogie avec l’époque, les mœurs et les actions des personnages.
Il lui a fallu, pour se développer, une époque d’absolue liberté intellectuelle. […] Zola s’est volontairement enfermé l’attache à une époque qui n’est plus la nôtre. […] Mais il faut considérer que le devoir est difficile dans les époques troublées. […] On n’avait alors sur cette grande époque que le témoignage des contemporains. […] Il n’y a pas qu’un langage propre à une époque.
L’imagination de Mme de La Fayette, en composant, se reportait volontiers à l’époque brillante et polie des Valois, aux règnes de Charles IX ou de Henri II, qu’elle idéalisait un peu et qu’elle embellissait dans le sens où les gracieux et discrets récits de la reine Marguerite nous les font entrevoir. […] Je tiens d’autant plus à ce que la liaison intime et déclarée de M. de La Rochefoucauld et d’elle ne commence qu’à cette époque, qu’il me semble que l’influence sur lui de cette amie affectueuse est expressément contraire aux Maximes ; qu’elle les lui eût fait corriger et retrancher si elle l’avait environné avant comme depuis, et que le La Rochefoucauld misanthrope, celui qui disait qu’il n’avait trouvé de l’amour que dans les romans, et que, pour lui, il n’en avait jamais éprouvé, n’est pas celui dont elle disait plus tard : « M. de La Rochefoucauld m’a donné de l’esprit, mais j’ai réformé son cœur. » Dans un petit billet de sa main (inédit) à Mme de Sablé, qui avait elle-même composé des Maximes, je lis : « Vous me donneriez le plus grand chagrin du monde si vous ne me montriez pas vos Maximes. […] De 1666 à 1670, la santé de Mme de La Fayette qui n’était pas encore ce qu’elle devint bientôt après, et la faveur qu’elle possédait auprès de Madame, lui donnaient occasion et moyen d’aller assez souvent à la cour ; ce n’est guère qu’après la mort de Madame, et à l’époque aussi de cette diminution de santé de Mme de La Fayette, que la liaison, telle que Mme de Sévigné nous la montre, se régla complétement. […] Quant à La Fontaine, il est constant qu’à une époque il fut fort en familiarité avec Mme de La Fayette ; on a des vers affectueux qu’il lui adressait en lui envoyant un petit billard : ce devait être du temps où il dédiait un fable à l’auteur des Maximes, et une autre à Mlle de Sévigné123.
Cette croyance pure, morale, antique, existait ; c’était la vieille religion du Christ, ouvrage de Dieu suivant les uns, ouvrage des hommes suivant les autres, mais, suivant tous, œuvre profonde d’un réformateur sublime ; réformateur commenté pendant dix-huit siècles par les conciles, vastes assemblées des esprits éminents de chaque époque, occupées à discuter, sous le titre d’hérésies, tous les systèmes de philosophie, adoptant successivement sur chacun des grands problèmes de la destinée de l’homme les opinions les plus plausibles, les plus sociales, les adoptant, pour ainsi dire, à la majorité du genre humain ; arrivant enfin à produire ce corps de doctrine invariable, souvent attaqué, toujours triomphant, qu’on appelle unité catholique, et au pied duquel sont venus se soumettre les plus beaux génies ! […] Sans doute on y pouvait blâmer l’abus d’une belle imagination ; mais après Virgile, mais après Horace, il est resté dans la mémoire des hommes une place pour l’ingénieux Ovide, pour le brillant Lucain, et, seul peut-être parmi les livres de ce temps, le Génie du Christianisme vivra, fortement lié qu’il est à une époque mémorable ; il vivra, comme ces frises sculptées sur le marbre d’un édifice vivent avec le monument qui les porte. […] Cette époque ressemble beaucoup à celle où les orateurs athéniens du parti de Démosthène jetèrent, par leurs déclamations contre Alexandre de Macédoine, la Grèce et l’Asie dans les mains d’Alexandre. […] Thiers n’est pas le premier des poètes historiques de cette époque, mais il est le premier des compositeurs.
Combien ne m’en suis-je pas repenti depuis cette époque ! […] Dans mon ignorance, je leur prêtais une vie supérieure à la mienne ; mon respect, mon amour pour ces choses inanimées datent d’une époque que je puis à peine me rappeler. […] Un observateur clairvoyant l’eût prédit dès cette époque ; et je suis persuadé que ces premières impressions ont ébauché ma carrière et préparé mes travaux. […] C’est un fait dont j’ai été plusieurs fois témoin ; et, frappé de la prudence et de la propreté de cet être si mignon, ayant remarqué d’ailleurs qu’à cette même époque il ne voulait mordre à aucune espèce d’appât, je me mis en tête, un beau matin, de tenter plusieurs expériences, afin de voir ce que l’instinct ou la raison le rendraient capable de faire, si on le poussait à bout de patience.
Nous y portions des livres italiens de la grande époque lyrique ou épique, tels que Dante, Pétrarque, Tasse, ces hommes qui ont doté l’Italie de chefs-d’œuvre. […] Il s’était voué de bonne heure à ce rôle de l’espérance et de l’activité dans les causes en apparence perdues ; il avait conspiré avec les flatteurs de la haute émigration en Suisse, en Russie, en Angleterre ; il s’était lié avec M. de Blacas, homme plus sérieux, mais moins aimable que lui ; Louis XVIII l’aimait pour sa légèreté, il tenait tête à ce monarque en matière classique et épigrammatique ; il avait écrit en 1814 des brochures royalistes qui lui avaient fait un nom d’homme d’État de demi-jour, à l’époque où une brochure paraissait un événement ; il n’était point ennemi des transactions avec la révolution pacifiée ; il savait se proportionner aux choses et aux hommes ; il n’avait aucun préjugé, grande avance pour faire sa place et sa fortune ; mais il la mangeait à mesure qu’il la faisait. […] Le parti autrichien affecta de s’en alarmer ; il n’en était rien, je n’avais, à cette époque, ni mérité, ni subi les rigueurs de ma patrie, et je n’aurais eu aucune excuse de chercher à changer de foyer et de devoir. […] De pareils morceaux n’ont jamais rien prouvé, que le plus ou moins de talent de leurs auteurs à se pénétrer des couleurs de leur sujet, ou à exercer leur verve satirique sur des nations ou des époques, c’est-à-dire sur des abstractions inoffensives.
D’abord, Richard Wagner fut, lui même, un fou ridicule… Ensuite, quand on lui épargna « les petites maisons » on voulut « le clouer au pilori de l’histoire » : Wagner fut le Diffamateur de notre patrie, l’Insulteur de nos défaites… C’est l’époque où quelque talent musical lui était accordé. […] L’histoire ne peut être expliquée, brièvement, de l’Œuvre de Bayreuth18 ; il faut que l’Association Wagnérienne, — le miracle de notre époque, — soit, précisément, connue. […] Jusque ce terme, en effet, il obéit à l’action des influences extérieures sur lui ; et cette action, pour le musicien, arrive, éminemment, des œuvres musicales créées par les maîtres son époque. […] Mais que l’on compare, entre elles, ces œuvres des deux époques ; que l’on mette, par exemple, la huitième symphonie, en fa majeur, devant la deuxième, en ré, et que l’on considère le monde qui de cet ouvrage plus tardif, sous des formes presque identiques, s’avance vers nous, merveilleux, pleinement nouveau !
Théoriquement, la différence est donc telle, absolue : eussent ils été écrits en la même époque, Lohengrin et Tristan seraient, par leur forme, Wagner l’a dit, plus différents que le Barbier et Lohengrin. […] Voilà pourquoi Wagner se croit en droit d’affirmer que la donnée ce Lohengrin repose sur ce qu’il y a de vraiment tragique dans la situation de l’artiste, à une époque comme celle-ci, où tout est régi par la mode et l’esprit critique. […] À la mélodie, il regagne la plus haute simplicité naturelle ; il lui rend la source où, en toute époque et toute tentative, elle se pourra renouveler et approcher au type de l’expression humaine le plus pur et le plus riche. […] Aussi la musique de Beethoven sera-t-elle comprise en toutes les époques, tandis que la musique de ses prédécesseurs nous demeurera, pour la plupart, compréhensible, seulement, par l’intermédiaire d’une réflexion historique.
Homère lui-même, s’il renaissait de nos jours, ne pourrait plus faire pour les nations modernes ce qu’il a fait pour les Grecs de son époque. […] XVI Nous donnons ces consolations en passant à ceux qui déplorent, comme les romantiques, que la littérature française, prête à naître originale à cette époque, se soit tout à coup dénationalisée elle-même en s’absorbant dans l’imitation superstitieuse de l’antiquité. […] Aussi est-il ramené forcément à l’originalité par la nécessité de copier, non ce qu’il a lu, mais ce qu’il a vu sous ses yeux dans les mœurs de son pays et de son époque. […] Cette tribune sacrée du sacerdoce moderne fut en réalité à cette époque, et à son insu, la plus puissante institution littéraire qui pût initier le peuple illettré au sentiment, au goût et même au jugement des lettres.
Ici comme plus haut, et à toutes les époques de ses travaux historiques, c’est toujours le pamphlétaire rétrospectif contre l’histoire de France, et principalement contre les hommes qui honorent plus que leur pays, en honorant, par leur effort de volonté ou de génie, ces choses que les âmes basses méprisent : le Pouvoir, le Gouvernement, l’Autorité. […] Grâce à ce livre qui parlait aux plus mauvaises et aux plus ignorantes passions d’une époque viciée, il recruta autour de sa chaire un public qui lui donna le vertige, — en l’applaudissant. […] Du reste, n’était-ce pas tout simple que dans une époque d’égalité et d’orgueil chacun cherchât ses titres de noblesse sous les débris que la Révolution a faits ? […] Que ce soient les femmes de telle société, de telle époque ou de telle autre dont on s’occupe et dont on jase, que ce soient les femmes de l’Antiquité ou du Moyen Âge, de la Renaissance ou des temps Modernes, de la Régence ou de la Révolution, peu importe !
On ne saurait étudier dans toute leur étendue le sujet et la forme de ses chants, sans être frappé de l’affinité naturelle qui, à des époques éloignées, sous des conditions sociales fort différentes, a souvent réuni dans la même personne, pour la même croyance et pour les mêmes admirateurs, le prêtre, le philosophe et le chantre lyrique. […] Certes, ce beau génie d’une époque de décadence, cet orateur qui, s’il est permis de mêler deux termes contraires, nous semble un Isocrate passionné, se laisse entraîner parfois, dans ses discours mêmes, à des mouvements d’une vivacité presque lyrique : témoin ses adieux à sa tribune patriarcale de Constantinople, à son peuple, à son auditoire, au sanctuaire qu’il a défendu, aux fidèles qu’il a charmés, à la terre, au ciel, à la Trinité même. […] Mais, en dépit de ces souvenirs que Synésius ne peut dépouiller, vous sentez désormais en lui l’inspiration chrétienne ; et le poëte a pu devenir évêque, surtout à cette époque d’une foi plus ardente et d’un formulaire moins rigoureux, où l’Église enveloppait dans sa communion des prosélytes parfois hétérodoxes sur quelques points, comme un vaste empire, aux premiers jours de ses victorieux agrandissements, reçoit et tolère dans son sein des cités et des territoires auxquels il laisse d’anciens usages et quelques libertés dissidentes de la règle d’obéissance commune. […] Il garde une opinion à part, et longtemps laissée libre, sur l’époque de la création des âmes ; il partage le dissentiment d’Origène quant à l’éternité des peines.
[NdA] Une dernière remarque qui porte sur l’époque la plus brillante de notre littérature et sur le poète le plus naïf de cette époque si polie.
Le vieil officier cherche à le détromper : il lui montre la différence qu’il y a entre un homme peu scrupuleux qui, dans la réalité, dans la conversation, se laisse animer et accepte les choses les plus fortes, et ce même homme, devenu tranquille, qui les apprécie en les lisant : « Il est vrai, dit-il, que ce lecteur est homme aussi : mais c’est alors un homme en repos qui a du goût, qui est délicat, qui s’attend qu’on fera rire son esprit, qui veut pourtant bien qu’on le débauche, mais honnêtement, avec des façons et avec de la décence. » C’est un éloge à donner à Marivaux que, venu à une époque si licencieuse, et lui qui a si bien connu le côté malin et coquin du cœur, il n’a, dans l’expression de ses tableaux, jamais dépassé les bornes. […] Un nouveau siècle était né et avait grandi : Marivaux appartenait à l’époque de transition, à la génération ingénieuse et discrète de Fontenelle, de Mairan, de La Motte, et le monde désormais appartenait à Voltaire régnant, à Montesquieu, à Buffon, à Rousseau, à d’Alembert, à cette génération hardie et conquérante qui succédait de toutes parts et s’emparait de l’attention universelle : Marivaux a eu parmi nous, disait Grimm en 1763, la destinée d’une jolie femme, et qui n’est que cela, c’est-à-dire un printemps fort brillant, un automne et un hiver des plus durs et des plus tristes.
Aux époques où l’on n’avait pas étudié la nature physique et où les causes secondes et les lois de l’univers étaient peu connues, la toute-puissance suprême semblait plus rapprochée de chacun en ce qu’on la voyait comme directement dans chaque événement inattendu, dans chaque phénomène. Le bon Joinville, en son voyage d’Égypte et de Syrie, nous est une image fidèle de ces époques naïves et ferventes, pour qui le miracle éclatait et renaissait à chaque pas.
J’ai souvent pensé qu’un homme de notre âge qui a vu le Premier Empire, la Restauration, le règne de Louis-Philippe, qui a beaucoup causé avec les plus vieux des contemporains de ces diverses époques, qui, de plus, a beaucoup lu de livres d’histoire et de mémoires qui traitent des derniers siècles de la monarchie, peut avoir en soi, aux heures où il rêve et où il se reporte vers le passé, des souvenirs presque continus qui remontent à cent cinquante ans et au-delà. […] Sur ce fond tout uni et qui s’est dessiné en nous sans qu’on y pense, se viendront ensuite placer les scènes piquantes des divers témoins, les anecdotes et les aventures ; mais le tous-les-jours, ce qui fait qu’on se souvient d’une époque non par saillie et fantaisie, mais par cette imagination positive qu’on appelle la mémoire, c’est à lui plus qu’à tout autre qu’on l’aura dû.
C’est un beau sujet et qui, bien circonscrit, bien approfondi, doit amener des découvertes ou des nouveautés d’aspect au sein de cette époque confuse et si pleine, qu’on ne saurait entamer par trop de côtés. […] Au lieu de venir à l’une de ces grandes époques où le monde se rassoit, Ronsard tombait dans un temps où tout bouillonne, et où, pour ainsi dire, on entre dans la chaudière.
Involontairement on se demande, en lisant sa vie et en le voyant contenu autant qu’appuyé par Mme de Maintenon et par Louis XIV, ce qu’il serait devenu à une époque où la carrière était ouverte plus largement, et où il n’y avait pas de limites aux espérances : où se serait-il arrêté ? […] Elle lui vaudra un jour, quand il parviendra aux grands emplois, bien des ennemis et des envieux, à une époque où l’opposition frondeuse et dénigrante se sera glissée partout, même sur les terrasses de Marly.
Buffon lui accorde le génie créateur qui tire tout de sa propre substance : « Il n’existera jamais, lui dit-il, de Voltaire second » ; c’était une réplique au compliment de Voltaire qui avait appelé Archimède de Syracuse Archimède premier, pour donner à entendre que Buffon était Archimède second ; et faisant ainsi à son rival de Ferney les honneurs du génie, Buffon ne se réserve pour lui que le talent, lequel, si grand qu’il soit, dit-il, « ne peut produire que par imitation et d’après la matière. » Cette lettre à Voltaire, comme plus tard celles qui seront adressées à l’impératrice Catherine, passe la mesure ; Buffon y est deux fois solennel ; il y fait de la double et triple hyperbole, et l’homme qui, à son époque, avait le plus de sens et de jugement, nous fait sentir par là que ces qualités solides d’une éminente intelligence ne sont pas du tout la même chose que le tact et le goût. […] Ainsi encore, à propos des attaques dernières dont Les Époques de la nature furent l’occasion, et de je ne sais quel manuscrit de Boulanger qu’on l’accusait d’avoir pillé : « Il vaut mieux, disait-il, laisser ces mauvaises gens dans l’incertitude, et comme je garderai un silence absolu, nous aurons le plaisir de voir leurs manœuvres à découvert… Il faut laisser la calomnie retomber sur elle-même. » À M. de Tressan qui s’était, un jour, ému et mis en peine pour lui, il répondait : « Ce serait la première fois que la critique aurait pu m’émouvoir ; je n’ai jamais répondu à aucune, et je garderai le même silence sur celle-ci. » Ainsi pensait-il, et il ne se laissait pas détourner un seul jour du grand monument qu’il édifiait avec ordre et lenteur, et dont chaque partie se dévoilait, successivement à des dates régulières et longtemps à l’avance assignées.
On s’emparait aussi de phrases étranges qui lui étaient échappées sur le pape à l’époque du couronnement ; était-ce pour faire une niche à l’illustre auteur du livre du Pape qu’on les publiait ? […] Au lieu de l’enfant miraculeux, on aura l’éternel vieillard, l’antique monde patriarcal soudainement réintégré ; il y compte ; c’est là le coin mystique : « Il viendra un moment, dont la date seule est douteuse, qui changera tout en un instant. » Après tout, il n’y a pas trop d’hommes qui soient tout d’une pièce, surtout en ces époques de révolutions qui brisent souvent les meilleurs en plusieurs morceaux.
Avant cette époque, je ne lisais que des romans ; mais par hasard vos ouvrages me tombèrent dans les mains ; depuis je n’ai cessé de les lire, et n’ai voulu d’aucuns livres qui ne fussent aussi bien écrits et où il n’y eût autant à profiter. […] Elle ne ressemblait pas à Frédéric qui se passait de lecture allemande et ne lisait que des ouvrages français ; elle en lisait aussi en russe et trouvait à cette langue adoptive, qu’elle s’appliquait à parler et à prononcer en perfection, « bien de la richesse et des expressions fortes. » Les Annales de Tacite qu’elle lut en 1754 seulement, c’est-à-dire à l’âge de vingt-cinq ans, opérèrent, dans sa tête une singulière révolution, « à laquelle peut-être la disposition chagrine de mon esprit à cette époque, nous dit-elle, ne contribua pas peu : je commençais à voir plus de choses en noir, et à chercher des causes plus profondes et plus calquées sur les intérêts divers, dans les choses qui se présentaient à ma vue. » Elle était alors dans des épreuves et des crises de cœur et de politique d’où elle sortit haute et fière, avec l’âme d’un homme et le caractère d’un empereur déjà.
Je trouve dans les Mémoires d’un Bourgeois de Paris, où il y a sur les grands compositeurs de notre époque bien des anecdotes authentiques, et que l’auteur a sues d’original, le récit d’un certain dîner dans lequel Halévy jeune, avant la gloire, avant le renom, entouré d’amis éloquents et doctes, tient bien sa place et a déjà son rôle. […] Quel dommage, encore une fois, qu’ayant à parler parmi des gens aussi susceptibles et légers que ceux d’Athènes, ce Grec de la grande époque, mais de mauvaise humeur, ait non-seulement négligé de plaire, mais qu’il ait même affecté souvent de mécontenter !
A cette époque, il fut appelé au Conseil d’État nouvellement réorganisé, et dans le sein duquel ses lumières et sa compétence lui conférèrent aussitôt une autorité incontestée, dès qu’il s’agissait d’apprécier nos affaires extérieures. […] Mais, on le conçoit, et même chez un esprit que les succès littéraires ne préoccupaient point, même pour le seul penseur, il y eut, il dut y avoir des tristesses intimes et profondes, de grandes défaillances morales, de voir ainsi l’œuvre de sa vie compromise et découronnée, de se sentir arriver au public tout haché et morcelé, lui qui précisément avait la conception une et entière ; d’assister au développement et au plein succès d’une autre vue que la sienne, et que naturellement il estimait moins exacte et moins vraie, sur cette grande époque et sur l’homme étonnant qui la personnifie.
C’était une époque difficile, et une bonne information n’eût pas été, je crois, inutile. […] On y verra aussi qu’il n’y reniait rien de la sincérité de ses sentiments à aucune époque de sa vie !
Ce qu’il y a de singulier et ce qui, à la réflexion, ne paraîtra point pourtant très extraordinaire, c’est que cette science qui de tout temps a été devinée, comprise et pratiquée par des hommes d’un génie naturel supérieur, et qui, dans les détails d’exécution, a été remaniée et travaillée à l’infini, n’a été rédigée et ramenée à ses vrais principes généraux qu’à une époque très récente, et quand elle atteignait à ses plus vastes applications. […] Les divers Mémoires de Monglat, de Saint-Hilaire, l’Histoire militaire du règne de Louis le Grand, par Quincy, donnent assez couramment au lecteur l’intelligence des mouvements qu’ils racontent et qu’ils exposent ; mais c’est surtout Feuquières qui est le grand critique de cette époque, et qui passe au crible les opérations de tous les généraux de son temps, sans faire grâce à aucun.
Cette ignorance authentique et splendide n’est à vrai dire plus possible en notre époque vulgarisatrice, surtout en ces dernières années de plus particulière attention médicale. […] à une époque où on n’avait pas encore nettement déterminé cette affection, même dans les traités de pathologie. » 39 Cette observation rentre donc nettement dans notre catégorie dernière de l’« observation involontaire », superbement ignorante de la portée du symptôme décrite.
Je ne le rencontre jamais sans me rappeler l’impression qu’il produisit sur moi ce jour-là ; depuis cette époque, il a marié sa charmante fille avec le fils de Raigecourt. […] Le prince de Léon, à l’époque où il voulut bien oublier la distance que la naissance et la fortune avaient mise entre nous, était officier des mousquetaires, et, je crois, aide de camp du roi Louis XVIII.
Il y aurait fort à dire sur le dessein philosophique de l’essai : Mme de Staël entreprend de prouver, ou du moins affirme avec constance que la liberté, la vertu, la gloire, les lumières ne sauraient exister isolément : elle tient pour acquis que les grandes époques littéraires sont des époques de liberté.
Cette crudité a été la marque éminente de la littérature de l’époque de Napoléon III. […] Weiss sur le théâtre de « l’époque actuelle ».
C’était bon à l’époque de « l’inspiration » et du sentimentalisme à la Musset. […] Avec la ruine de la littérature du sentiment, de la peinture de genre et de la musique langoureuse, avec le retour de l’intellectualité française à ce genre d’ouvrages insolents, dont parle Stendhal, qui forcent le lecteur à penser au lieu d’émouvoir simplement ses nerfs, avec l’avènement de l’artiste aux suprématies morales dans une époque où les hiérarchies se meurent, le spectre grimaçant de l’ancien bohème, outrageant la noblesse vivante de l’artiste, avec celui du névrosé, de l’égotiste et de l’arriviste va reculer définitivement au fond de la région des ombres.
Il ne se cachait pas de cette admiration, même à l’époque de la guerre des Boers, et à ceux qui s’étonnaient, dans le Paris anglophobe et chauvin, de le voir afficher ses préférences pour nos voisins d’outre-Manche, il répondait imperturbablement : « Ils ont Shakespeare ! […] On s’est étonné des paradoxes et des excentricités de Baudelaire, C’est qu’on n’a pas réfléchi que cela provenait du besoin de réagir contre l’esprit de cant acclimaté en France à l’époque de la Restauration par les émigrés, retour de Londres.
Le dessin, la musique et la poésie le consolèrent et partagèrent ses moments, jusqu’à ce qu’il devint homme public, en 1300 : c’est là l’époque de tous ses malheurs. […] Quoique le génie n’attende pas des époques pour éclore, supposons cependant que, dans un siècle effrayé par tant de catastrophes, et dans le pays même théâtre de tant de discordes, il se rencontre un homme de génie, qui, s’élevant au milieu des orages, parvienne au gouvernement de sa patrie ; qu’ensuite, exilé par des citoyens ingrats, il soit réduit à traîner une vie errante, et à mendier les secours de quelques petits souverains : il est évident que les malheurs de son siècle et ses propres infortunes feront sur lui des impressions profondes, et le disposeront à des conceptions mélancoliques ou terribles.
Aujourd’hui, sous le titre de Gaietés champêtres, il rentre dans l’époque de Louis XV et se livre plus à cœur-joie que jamais à ses goûts instinctifs de style, de fantaisie et de couleur. […] Ceux qui croient que la vérité est une non seulement en morale, mais en religion, en politique, en tout, qui croient posséder cette vérité en eux et la démontrer à tous par des signes clairs et manifestes, voudraient à chaque instant que la littérature ne s’éloignât jamais des lignes exactes qu’ils lui ont tracées ; mais comme il est à chaque époque plus d’une sorte d’esprits vigoureux et considérables (je ne parle ici ni des charlatans ni des imposteurs) qui croient posséder cette vérité unique et absolue, et qui voudraient également l’imposer, comme ces esprits sont en guerre et en opposition les uns avec les autres, il s’ensuit que la littérature, la libre pensée poétique ou studieuse, tirée ainsi en divers sens, serait bien embarrassée dans le choix de sa soumission.
Je fais grâce des misérables intrigues domestiques dans lesquelles avait à lutter, à cette époque, cette âme si élevée et si délicate de Madame. […] L’époque de la mort de Madame fut un événement pour plusieurs.
Votre faible a été, de tout temps, de vous croire privilégiés, ne vous y fiez pas trop ; vous êtes hommes aussi, vous êtes dans une époque critique ; ne vous fixez pas dans le dépit. […] Dans le vieux temps, Sully, après la mort de Henri IV, prenait le bon parti, celui qui sied aux ministres survivants d’une grande époque et d’un grand règne : il en dictait l’histoire à quatre secrétaires à la fois, et se la faisait raconter tout le long du jour, s’enfermant et se murant ainsi dans ses souvenirs.
Chez Barthélemy, Platon commence à parler ; la vue de cette tempête ayant amené l’entretien sur les époques primitives de la nature, sur le débrouillement du monde au sein du chaos, il débute en disant : « Faibles mortels que nous sommes ! […] Doux, savant, modeste, né pour la vie académique et pour ses ingénieuses recherches, né pour la vie privée, pour ses plus affectueuses et ses plus agréables élégances, il offre en lui un composé des plus distingués et tout à fait flatteur ; mais il n’eut pas le grand goût, ni même cet autre goût qui n’est pas le plus simple ni le plus pur, mais qui, aux époques avancées, trouve des rajeunissements imprévus.