Ainsi la mélodie laisse dans l’esprit un souvenir profond. […] Ce chef-d’œuvre laisse dans l’esprit un sillon profond de mélancolie. — Ce n’était pas, du reste, la première fois qu’il attaquait les sujets religieux. […] Il est impossible d’exprimer avec la prose tout le calme bienheureux qu’elle respire, et la profonde harmonie qui nage dans cette atmosphère. […] L’Angélique, les deux Odalisques, le Portrait de Mme d’Haussonville, sont des œuvres d’une volupté profonde. […] Lenglet un autre signe particulier aux figures antiques, qui est une attention profonde.
Quiconque étudie avec attention l’action de la mer sur nos rivages ne peut manquer de recevoir une impression profonde de la lenteur avec laquelle nos côtes rocheuses sont emportées. […] D’autre côté, au contraire, aussi longtemps que le lit de la mer demeure stationnaire, d’épais dépôts ne peuvent s’accumuler dans les régions peu profondes qui sont les plus favorables à la vie. […] Godwin-Austen que l’état actuel de l’Archipel Malais, avec ses îles vastes et nombreuses, séparées par des mers larges et peu profondes, représente probablement l’ancien état de l’Europe, à l’époque où la plupart de nos terrains s’accumulaient. […] Si donc l’action métamorphique a eu lieu à une époque très reculée, comme il est plus que probable, elle n’a pu s’effectuer sous la pression de mers très profondes, puisqu’il n’en existait probablement pas alors. […] Il s’ensuit que les premières terres émergées, éparses à fleur d’eau dans des mers presque partout également profondes, n’ont pu donner lieu qu’à de premiers dépôts très lentement formés.
On se rappelle l’impression animée et profonde que fit autrefois cet ouvrage sur l’Allemagne, qui continuait, en le persiflant, le livre de madame de Staël. […] L’auteur de l’Allemagne reviendra-t-il à la vérité de sa nature naïve et profonde, à cette inspiration primitive et pure qu’il a travestie avec puissance, mais enfin qu’il a travestie ? […] Jamais moquerie d’un sens plus profond et d’une grâce plus humoristique n’a fait plus amusante main basse sur cette philosophie si populaire en Allemagne qui tue Dieu au profit de l’homme, et fait de Nabuchodonosor, avant l’herbe, la seule réelle divinité. […] Henri Heine, avant et même après les Reisebilder, fit longtemps dans les journaux allemands ce qu’on appelle « de la correspondance », et quelquefois il y aborda la critique littéraire sous une forme moins subjective, mais plus générale et plus profonde. […] Mais pour l’admirer comme il convient, il faut en comprendre la très profonde et très particulière beauté.
On peut signaler le genre d’esprit qu’ils eurent, leur manière, la moralité plus ou moins élevée, plus ou moins profonde de leur œuvre ; mais quand on a fait cela, tout est fini de la critique qu’on leur doit. […] — mais ni lui ni les autres ne sont inspirés dans le sens qu’une Critique profonde donne à ce mot, et c’est au contraire le caractère particulier de Hello que cette inspiration qui est Dieu en nous, le mens divinior ! […] Mais voici qui est ingénieux dans sa clarté profonde : « Convention et Fantaisie : La Convention, c’est la Fantaisie de plusieurs. […] Les chrétiens seuls, et les chrétiens à foi profonde et enflammée, accepteront avec ferveur ces récits naïfs et incroyablement sublimes. […] Et, d’un autre côté, il y a tant d’ineffables mystères dans la surnaturalité des Saints, qu’il n’est guères possible d’en parler longtemps avec cette manière surprenante et profonde qui fait voir, dans une clarté si soudaine, ce que personne n’avait jusque-là encore vu !
Ç’a été une de mes plus profondes souffrances de ce passé dont j’ai tant souffert. » Guérin, ramené au Cayla déjà mourant, y respira l’air natal, sourit au ciel bleu, retrouva ses impressions les plus chères, et, exhalant sa belle âme le 19 juillet 1839, alla reposer sous le gazon du cimetière d’Andillac. […] Morvonnais) devait écrire quelques pages sur Maurice3, elle le suppliait de ne pas omettre ce trait final essentiel, mais absent des écrits, et sur lequel la notice de la Revue des deux mondes n’avait pu que se taire : « Mais vous tous, ses amis, qui l’avez connu, faites mieux, et écartez, s’il vous plaît, de cette figure chrétienne, tout nuage philosophique et irréligieux. » Sollicitude touchante, et qui tenait aux plus profondes racines de l’âme ! […] Recueillons-en quelques mots, quelques notes profondes. — Huit jours après les funérailles : Toujours larmes et regrets. Cela ne passe pas, au contraire : les douleurs profondes sont comme la mer, avancent, creusent toujours davantage. […] Il y a dans ce bonheur une profonde tristesse qui ne se peut consoler.
Et cependant, il n’y a pas d’autre façon de l’entendre : les Aventures parisiennes sont à peine des faits extérieurs ; ce sont des sentiments qui rident ou agitent les surfaces de l’existence, puisqu’on en souffre et qu’on en meurt : mais ce sont des sentiments dont l’âme est le théâtre encore plus que la vie, en ces récits qui semblent profonds et qui sont à peine appuyés ! […] Deltuf, et voilà aussi la raison de notre espérance, quand nous disons qu’il sera un jour un Marivaux plus profond, plus sensible et plus coloré que Marivaux ! Oui, plus coloré, plus profond, plus sensible. […] Ce type de grandeur cachée, ce beau sujet à traiter pour un observateur profond, épouvante les écrivains en France, où le ridicule a tant d’empire : or, celui qu’on a jeté sur la position de la vieille fille est si grand et si officiel, qu’ils croiraient peut-être le voir rejaillir jusqu’à eux, s’ils considéraient seulement la vieille fille par les côtés touchants, élevés, héroïques, et voilà pourquoi ils se sont abstenus de la peindre dans la splendeur possible de son isolement désespéré ou courageux.
La nature avant tout, la nature en elle-même et avec toutes ses variétés de collines, de pentes, de vallées, de clochers à distance ou de ruines, la nature surmontée d’un ciel haut, profond et chargé d’accidents, voilà le paysage comme l’entend M. […] Huet en a profité d’avance ; dans sa manière d’envisager et de peindre la nature, il serait tombé tout à fait d’accord avec Hoffmann et avec le petit Maltais ; voici le passage : « Saisir la nature dans l’expression la plus profonde, dans le sens le plus intime, dans cette pensée qui élève tous les êtres vers une vie plus sublime, c’est la sainte mission de tous les arts. […] Sans doute tu n’as pas songé que les feuilles des tilleuls, que les pins, les platanes étaient plus conformes à la nature, que le fond était plus vaporeux, les eaux plus profondes ; mais l’esprit qui plane sur cet ensemble t’élevait dans une sphère dont l’éclat t’enivrait. » Or c’est précisément cet esprit d’ensemble qui respire dans les paysages de M.
Il oscille et hésite ; il est des heures où les dernières ondes de son sang, les regards profonds de celle qui passe dans sa vie, lui font pressentir l’éclosion d’une forte et douloureuse passion ; puis ce qui tressaille en lui s’apaise, il se dissèque, il analyse en lui les derniers frémissements de son âme et la voit se calmer sous son introspection ; puis des paroles ordinaires de Cécile N…, un geste disgracieux le repoussent et, se souvenant de l’ancienne théorie de Schopenhauer sur l’amour, il pénètre à cette vue profonde et clairement conçue que c’est l’hostilité et non l’attrait qui règne entre les sexes. […] Ce pessimisme qui, certes, n’empêche pas les honnêtes gens de goûter les joies qu’ils peuvent avoir est la source de toutes nos œuvres magistrales ; il a évolué, de tapageur et théâtral qu’il était au début de la nouvelle période, à une phase plus calme et plus fière qui prête aux vers récents un chant plus intime et fournit à l’analyse des âmes plus profondes.
Dans le silence et l’ombre de l’âme illettrée quelle est donc cette vertu profonde ; et surtout quelle est cette grâce profonde. […] (Et par là encore on aperçoit la liaison profonde, la triple liaison profonde de la liberté avec la grâce et avec la vie. […] Et la condition la plus profonde du chrétien. […] Un pays profond et souple. […] Cent fois plus profond je crois et cent fois plus fécond.
Ni hors de lui, ni en lui, il ne nous montre rien : rien que sa profonde désespérance, et ses aspirations vagues vers un lieu qui n’a pas de nom. […] L’image se développe, s’assimile tous les éléments qui peuvent la compléter, s’organise, devient une réalité vivante, qui reste le symbole d’une pensée profonde. […] La seconde partie du recueil, plus intime, nous offre un peu de pittoresque avec beaucoup d’amour ou d’amicale affection : aucun sentiment bien profond ni original, une virtuosité souvent exquise d’expression. […] Et par endroits perçait une originalité certaine de tempérament, dans quelques mots de passion profonde, dans quelques poussées de mélancolie simple ou de moquerie gouailleuse. […] Rolla, mélange de rhétorique juvénile et d’amertume byronienne, qui produit parfois une impression profonde.
Ses accents étaient si vrais et si conformes aux passions des cœurs, il y avait dans ses chants tant de jeunesse, un si profond enivrement de la jouissance, une incurie si profonde de l’avenir ! […] Mais, en introduisant la divinité et l’immortalité dans l’amour, M. de Lamartine n’a fait qu’obéir à des besoins individuels, lesquels ne retentissent au dehors que par des sympathies délicieuses et profondes sans doute, mais nécessairement solitaires.
La vie ouvrière est une matière artistique tout aussi variée et profonde que la vie des riches, par cela seul qu’elle est une manifestation de la Vie. […] Le mot de Wagner est profond. […] Grâce au pouvoir magique des sons, leurs âmes s’étaient un moment confondues dans l’étreinte d’un même sentiment de sympathie profonde. […] Profonde est la portée du chant. […] Il est vraiment curieux que Nietzche ne se soit pas aperçu que la démonstration vivante de sa subtile et profonde analyse du tragique, c’était justement Wagner.
De Tartufe profond à charlatan grossier, il n’y avait que l’épaisseur et la vulgarité de l’intelligence de Gibbon, ce camard d’esprit comme de nez, cet affreux Hun de l’Histoire quand il s’agit, de près ou de loin, du Christianisme. […] Et n’a-t-il pas fallu, et seulement en ces derniers temps, un voyant historique comme Thomas Carlyle, pour nous prouver que ce grand homme, qui n’a qu’une tache sur toute une gloire immense, fut, comme Mahomet, un être de la plus noble et de la plus profonde sincérité ? […] Mais chaque fois qu’il en descend, il semble, jusqu’au jour où l’ardent Visionnaire verra l’ange Gabriel face à face, en descendre plus lourd et plus chargé de l’électricité divine… IV C’est cette figure de Mahomet si longtemps déguisée par l’ignorance, l’erreur et l’injustice, que Barthélemy Saint-Hilaire a fait émerger des plus profonds travaux contemporains. […] Barthélemy Saint-Hilaire, qui a épuisé toutes les questions intéressantes se rattachant à une telle personnalité, ne croit pas une minute que Mahomet soit un saltimbanque à grandes facultés ; mais il ne donne pas la raison profonde de sa bonne foi.
Les plus ingénieux et les plus profonds parmi les Maîtres ont prétendu que, pour être épique, il fallait qu’un poëme embrassât toute la civilisation d’un peuple. […] Ainsi, on peut se demander si c’est là de la poésie naïve ou de la poésie raffinée, sous couleur de naïveté… si le poète qui s’est traduit lui-même dans une de ces traductions interlinéaires, lesquelles plaquent brutalement le mot sur le mot et sont le plâtre sur le visage vivant, ne serait pas, après tout, un de ces profonds et savants comédiens intellectuels, comme ce faux moine de Chatterton, par exemple, qui se composa à froid une inspiration à laquelle se prit, un moment, l’Angleterre ? […] Il faut, en effet, que cette œuvre soit d’une sincérité bien profonde pour résister, dans l’imagination de ceux qui la lisent, à de pareilles révélations ! […] La circonstance du génie qui leur est donné ne leur appartient ni plus ni moins que la circonstance de la vie qui le leur développe, et l’auteur de Mirèio possède, au degré le plus profond et le plus extraordinaire, ces deux sources d’originalité.
La grâce profonde existe. Le joli grand est possible ; il est dans Homère, Astyanax en est un type, mais la grâce profonde dont nous parlons est quelque chose de plus que cette délicatesse épique. […] Le mal est profond. […] Cette simplicité, qui est profonde, est la seule que l’art connaisse. […] L’anglais, langue peu faite, tantôt lui sert, tantôt lui nuit, mais partout la profonde âme perce et transparaît.
Elle n’est pas seulement de la grande peinture, elle est aussi — et avant tout — un jugement prononcé par l’homme au nom de Dieu et de la vérité, et, comme tous les jugements, elle ne s’établit que sur une enquête sagace et profonde. […] Au contraire, à mes yeux du moins, ce jugement sur les hommes de la Révolution est le côté véritablement supérieur et profond de l’Histoire des Causes, et je demande qu’on me permette de déduire les raisons de cette opinion. […] Cassagnac a le génie trop historien pour ne pas savoir quel parti il convenait de tirer de la solidarité positive entre les diverses périodes historiques et les hommes qui les gouvernèrent, — solidarité dont on se détourne à présent avec le dédain d’une immoralité si profonde qu’on ne la sent plus. […] Pour Danton, la modification, plus profonde encore, touche vraiment à la métamorphose. […] Si j’avais à caractériser d’un seul trait l’Histoire des Causes, je dirais qu’elle est la preuve magnifique et détaillée du mot du grand de Maistre sur Thermidor, mot que Tacite aurait écrit s’il avait été de ce temps funeste : Quelques scélérats égorgèrent d’autres scélérats ; — et de cet autre, tout aussi vrai, d’un homme qui avait de profonds instincts politiques : Les hommes de la Révolution française, dans des temps réguliers et calmes, nous n’en aurions pas voulu pour nos sous-préfets.
Lysidas a, comme moi, le plus profond respect pour l’antiquité, surtout pour son plus grand philosophe, l’auteur de cette vénérable Poétique. […] Une profonde méditation philosophique a pour effet, en nous entretenant d’idées pures, d’affaiblir en nous, sans l’effacer complètement, le souvenir de la réalité. […] Mais sa théorie est bien autrement belle et profonde. […] Or, c’est là que son impuissance profonde se trahit. […] Elle nous pénètre d’un profond respect pour ce qui nous est supérieur, et relève en même temps notre courage par une ardente émulation.
Plaie profonde. […] Les lettres de Paul aux gentils sont naïves et profondes, avec la subtilité si puissante sur les sauvages. […] Peut-être même dégage-t-elle un sens plus profond et un plus haut enseignement dans le second que dans le premier. […] On lit ces poëmes avec le penchement de tête étonné que donnent les profondes distances entre le livre et le lecteur. […] Le moi d’un homme est plus vaste et plus profond encore que le moi d’un peuple.
Quiconque est capable de le lire avec attention, y découvre un génie créateur & profond, un ordre & une netteté dans les matieres, une énergie de pensées, un choix d’expressions vives, une solidité de raisonnement, en un mot, tout ce qui peut entretenir l’admiration & faire éclore la lumiere dans les esprits capables de réflexion. […] Malebranche, le talent de mettre à la portée de tous les esprits, les idées les plus profondes & les plus abstraites. […] Celui qui a pour titre, Entretiens métaphysiques, peut être regardé comme un chef-d’œuvre, soit pour le raisonnement, soit pour les vûes profondes, soit pour le style.
II L’humanité est arrivée, a dit l’éloquent professeur, à une de ces époques où l’inquiétude la saisit, où elle s’agite confusément en proie à un malaise profond ; où, après avoir renversé par une révolte glorieuse les obstacles qui la retenaient dans sa marche, et avoir brisé son antique lien, devenu trop étroit pour elle et trop douloureux, elle s’arrête, tourne un instant sur elle-même, interrogeant chaque point de l’horizon, se demandant et demandant à son histoire passée et à tout ce qui l’entoure où elle va, d’où elle vient, et la raison de de qu’elle a fait, et la règle de ce qui lui reste à faire ; la loi, en un mot, de son progrès et de sa vie. […] Mais si, comme nous n’en doutons pas, l’humanité est autre chose qu’une collection et qu’une succession d’individus ; si elle existe et vit par elle-même en présence de la nature ; si, comme la nature et à un plus haut degré encore, elle est une manifestation incessamment perfectible de Dieu ; si l’humanité, en un mot, vit et se développe en Dieu, et l’homme dans l’humanité, à plus forte raison alors ne sera-t-il pas permis d’isoler l’homme et de l’interroger uniquement dans son moi pour lui faire rendre l’oracle de la destinée sociale et humaine, destinée qui aura recouvré en ce cas son acception la plus profonde et la plus sublime. […] Aux époques où l’humanité brise les liens qui l’unissaient sympathiquement à ce qui l’entoure, et où ses propres parties éparses luttent et se dévorent entre elles, quand la plus grande ardeur de destruction est calmée, une anxiété profonde succède ; le malaise moral et la misère matérielle rongent le corps social par sa double extrémité ; un vague et confus besoin d’association se fait sentir et s’exhale en gémissements mal définis, en mouvements désordonnés ; les uns ont faim de pain, les autres ont soif de parole ; tous sont malades et aspirent à la vie. […] Dans le cas présent d’ailleurs, il est une raison profonde pour que l’inspiration soit dégagée de toutes ces apparitions, de tous ces messages angéliques ou diaboliques qu’elle évoquait à sa suite dans le passé. […] Il ne serait pas difficile de le surprendre en contradiction avec lui-même dans le cours de ses développements ; le sentiment profond et sympathique qui appartient à sa nature d’artiste donne le démenti à son rationalisme dès qu’il aborde la réalité.
Du moins il professe hautement tous les dogmes et, par surcroît, s’émerveille volontiers, sans que cela en vaille toujours la peine, des « vues profondes de l’Église ». Il écrira, par exemple : « Dans l’incertitude où l’on était sur le genre de mort de Jeanne, la charité du bon curé Caillemer n’eut point à s’affliger d’avoir à appliquer cette sévère et profonde loi canonique qui refuse la sépulture à toute personne morte d’un suicide et sans repentance. » Il considère comme « abjecte et perverse » toute autre doctrine que la doctrine catholique. […] Mais, si peut-être un peu de tremblement se mêle à son ingénue et violente sympathie pour les damnés, c’est avec pleine sécurité et c’est d’un amour sans mélange qu’il aime, qu’il glorifie les grands mondains, les illustres dandys, les viveurs profonds, les insondables dons Juans : Ryno de Marigny, le baron de Brassard, Ravila de Ravilès, et combien d’autres ! […] Or il semble bien que M. d’Aurevilly prenne pour profonde cette absence d’explication. […] Il faut qu’il ait conscience de la profonde ironie et du paradoxe effrayant de son œuvre.
Il n’a pas besoin de recourir à des objets étrangers ; il n’a qu’à descendre en lui-même qu’à fouiller cette mine riche & profonde qui recéle des trésors inconnus. […] Descartes qui s’emprisonne trente années fondant la Terre & les Cieux ; Mallebranche loin de ce monde lorsqu’il médite ; Corneille dans l’enthousiasme jusqu’au lever de l’aurore ; la Fontaine assis un jour entier au pied d’un arbre, exposé à l’inclémence d’un Ciel pluvieux ; Archiméde qui n’apperçoit point la main qui va l’assassiner ; voilà le charme invincible & profond qui retient dans ses chaînes invisibles l’ame du Poëte, & du Philosophe ; qui la pénétre, la remplit sans la fatiguer, qui accroît sa force & lui découvre des régions nouvelles étincelantes de beautés neuves & sublimes. […] Il jouit tour à tour des systêmes élevés & profonds de la Métaphisique, des sublimes préceptes de la Morale, des immuables vérité de la Géométrie, des tableaux attachans de l’Histoire, du pinceau de Rubens, du cizeau de Bouchardon, du charme inexprimable de l’éloquence, & de celui de la Poësie le premier, le plus beau des Arts, qui frappant par excellence le cœur de l’homme, lui procure le plaisir d’être délicieusement ému, & embellit à ses yeux tous les objets de l’Univers. Ainsi la méditation qui paroît sombre & severe, & qui est le supplice d’un esprit superficiel devient la passion chérie d’un homme de Lettres ; son esprit profond parcourt successivement la chaîne qui lie les êtres, monte, descend, s’arrête, compare les rapports, les juge, & est fier des traits épars & lumineux qu’il saisit dans sa course rapide. […] Active imagination, tu es la source & la gardienne de nos plaisirs ; ce n’est qu’à toi que nous devons l’agréable illusion qui nous flatte ; tu sçais fournir à notre cœur les plaisirs dont il a besoin ; tu rappelles nos voluptés passées, & tu nous fais jouir de celles que l’avenir nous promet ; tu plais sur-tout à l’esprit ; c’est ta flamme subtile & légere qui colore & les Cieux & la terre & les Mers ; sans toi l’ame se refroidit, la fleur la plus précieuse de notre sensibilité tombe, se fanne, & tous les charmes de la vie disparoissent ; tu distingues dans les Arts celui qui est né avec du génie ; la pensée la plus profonde s’évanouit, si elle n’est revêtue de tes couleurs ; tu as peut-être découvert plus de vérités que la raison même, car tu joins la force à l’agrément, la persuasion à l’autorité ; tout ce qui est vif, délicat, riant est de ton ressort ; oui, tu es le miroir heureux où se peignent, se multiplient, s’embellissent tous les objets de la Nature.
Il a pris un morceau de la lave de ce volcan du xviiie siècle, qui a couvert le monde de ses scories, et il a mis malheureusement dans cette lave impure la mordante empreinte d’un talent profond. […] Matérialiste sans emphase, souterrain et fermé, il eut toute sa vie cette simplicité effrayante d’une erreur profonde qui, selon l’Église en son terrible langage, est le signe de l’impénitence finale de l’esprit. […] La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue. — Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’Université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé. […] Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine, car pour être élevé il faut croire à Dieu et au Ciel, ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles. […] Car on se demande, en lisant ces lettres, dont quelques-unes valent en critique ce que leur auteur a jamais écrit de plus profond et de plus piquant dans ses livres, on se demande ce qu’il eût été, ce Stendhal-Beyle, s’il avait été spiritualiste et chrétien, c’est-à-dire ce qu’aucune intelligence moderne, ce qu’aucun esprit de ce côté du temps ne peut se dispenser d’être sans à l’instant même se rompre, en plus ou en moins, se dessécher, se rabougrir.
Il a pris un morceau de la lave de ce volcan du xviiie siècle, qui a couvert le monde de ses scories, et il a mis malheureusement dans cette lave impure la mordante empreinte d’un talent profond. […] Matérialiste sans emphase, souterrain et fermé, il eut toute sa vie cette simplicité effrayante d’une erreur profonde, qui, selon l’Église et son terrible langage, est le signe de l’impénitence finale de l’esprit. […] La tyrannie des habitudes de l’esprit crée une sincérité de seconde main pour remplacer la sincérité vierge qu’elle tue… Shakespeare, qui a pensé à tout, nous a donné l’idée de cette tyrannie dans Hamlet, quand, avec une intention profonde, que des critiques superficiels taxeraient peut-être de mauvais goût, il mêle aux cris les plus vrais, les plus naturellement déchirants de son Oreste du Nord, des souvenirs mythologiques et pédantesques qui rappellent l’université de Wittemberg, où le prince danois a été élevé. […] Nous avons voulu nous expliquer cette puissance d’un esprit si particulier, souillé par une détestable philosophie au plus profond de sa source, qui n’a ni la naïveté dans le sentiment, ni l’élévation souveraine (car, pour être élevé, il faut croire à Dieu et au ciel), ni aucune de ces qualités qui rendent les grands esprits irrésistibles. […] Car on se demande, en lisant ces lettres, dont quelques-unes valent en critique ce que leur auteur a jamais écrit de plus profond et de plus piquant dans ses livres, on se demande ce qu’il eût été, ce Stendhal-Beyle, s’il avait été spiritualiste et chrétien, c’est-à-dire ce qu’aucune intelligence moderne, ce qu’aucun esprit de ce côté du temps ne peut se dispenser d’être, sans, à l’instant même, se rompre en plus ou en moins, se dessécher, se rabougrir.
Mais de même que l’anatomiste fait dans un organe ou dans un tissu une série de coupes qu’il étudie tour à tour, ainsi nous allons couper l’œuvre de Descartes par des plans parallèles situés les uns au-dessous des autres, pour obtenir d’elle, successivement, des vues de plus en plus profondes. […] Par l’appel qu’il a lancé au sentiment, à l’intuition, à la conscience profonde, il a encouragé une certaine manière de penser que l’on trouvait déjà chez Pascal (dirigée, il est vrai, dans un sens tout différent), mais qui n’avait pas encore droit de cité en philosophie. […] De la philosophie de Ravaisson, et plus particulièrement de ses vues sur l’habitude, de la philosophie d’Auguste Comte aussi (en tant qu’elle affirme l’irréductibilité des sciences les unes aux autres) on pourrait rapprocher la théorie neuve et profonde que Boutroux expose dans sa thèse sur « la contingence des lois de la nature ». […] Et l’on pourrait ranger du même côté Édouard Le Roy, si l’œuvre de ce philosophe n’était animée, malgré certaines ressemblances extérieures, d’un esprit différent : sa critique de la science est liée à des vues personnelles, profondes, sur la réalité en général, sur la morale et la religion 31. […] Sur une foule de points — notamment sur le hasard et la probabilité — il a apporté des vues neuves, pénétrantes et profondes.
ou bien mêlé à tout sans s’y confondre, ramené à pleins flots sur le terrain commun et poussé vers un terme immense et inconnu, réfléchissant avec harmonie dans ses eaux les spectacles et les formes de ses rivages, deviendra-t-il dorénavant plus profond, plus large que jamais, surtout moins inaccessible ? […] Madame de Staël, dès 1796, avait un sentiment profond et consolant de l’humanité libre, de la société régénérée ; elle était poussée vers l’avenir par une sorte d’aspiration vague et confuse, mais puissante ; elle gardait du passé un souvenir triste et intelligent ; mais elle se sentait la force de s’en détacher et de lui dire adieu pour se confier au courant des choses et au mouvement du progrès, sous l’œil de la Providence. […] Ces jeunes poètes pourtant n’étaient pas étrangers du tout à cette société dont ils méconnaissaient alors l’impulsion profonde et invincible ; ils avaient prise sur elle, dans un certain cercle, parce qu’ils s’adressaient à des passions qui étaient encore flagrantes, à des sympathies rétrogrades qu’une classe d’élite partageait avec eux. […] Grâce à eux, à leurs théories et à leurs travaux, l’art, qui ne se mêla pas encore au mouvement général de la société, acquit du moins, pendant cette retraite en commun, une conscience distincte et profonde de sa personnalité ; il s’éprouva lui-même, reconnut sa valeur, et trempa son instrument.
Erreur universelle et profonde ! […] Quand Henri IV écrivait l’Édit de Nantes, c’est l’unité qu’il voulait créer dans l’État, comme Louis XIV, plus tard, voulait la créer à son tour, la rendre plus simple et plus profonde, en rapportant l’Édit de son illustre aïeul. […] profonde inaptitude politique, en contraste avec des qualités d’intelligence que nous aimons à reconnaître, et qui prouve une fois de plus qu’en matière historique, comme en toutes choses, les connaissances les plus étendues ne peuvent suppléer à l’instinct ! […] Quant à celui de Weiss, quant à cette histoire qui n’est que le bas-côté d’une autre histoire bien plus élevée et bien plus profonde, nous avons dit qu’elle pouvait être sa portée sur l’opinion de notre temps.
Un homme de la fin du même siècle qui n’a exprimé aussi de sa pensée que quelques gouttes, mais autrement puissantes, d’un citron autrement pénétrant et parfois autrement mortelles que celles que Vauvenargues fit tomber de la sienne, Chamfort, si au-dessus de Vauvenargues par tout excepté par le caractère, n’est pas un moraliste non plus, quoiqu’il en ait révélé les profondes aptitudes. […] La gloire des lettres, presque toujours si vaine quand elle n’est pas du plus haut parage, l’attirait avec empire, et c’était peut-être par là qu’il avait pris Voltaire, Voltaire charmé de voir un gentilhomme venir aux lettres et se détourner de ce métier des armes, exécré par les philosophes, qui prétendent que la guerre est une barbarie, et qui croient dire, en disant cela, une chose profonde. […] La philosophie n’en avait pas fait le beau buste de marbre blanc que disait Voltaire, mais il croyait aux hommes et il était ambitieux ; tandis que Chateaubriand, au milieu de tous ses bonheurs, n’avait jamais cru qu’au profond néant de la vie ! […] De nombreux passages de ses écrits, relevés avec discernement par Gilbert, semblent indiquer cette préoccupation de Vauvenargues, devenue plus profonde dans l’oisiveté d’une garnison.
Un homme de la fin du même siècle, qui n’a exprimé aussi de sa pensée que quelques gouttes, mais autrement puissantes, d’un citron, autrement pénétrant, et parfois autrement mortelles que celles que Vauvenargues fit tomber de la sienne, Chamfort, si au-dessus de Vauvenargues par tout, excepté par le caractère, n’est pas un moraliste non plus, quoiqu’il en ait révélé les profondes aptitudes. […] La gloire des lettres, presque toujours si vaine quand elle n’est pas du plus haut parage, l’attirait avec empire, et c’était peut-être par là qu’il avait pris Voltaire, Voltaire charmé de voir un gentilhomme venir aux lettres et se détourner de ce métier des armes, exécré par les philosophes qui prétendent que la guerre est une barbarie, et qui croient dire, en disant cela, une chose profonde. […] La philosophie n’en avait pas fait le beau buste de marbre blanc que disait Voltaire, mais il croyait aux hommes et il était ambitieux, tandis que Chateaubriand, au milieu de tous ses bonheurs, n’avait jamais cru qu’au profond néant de la vie ! […] Gilbert, semblent indiquer cette préoccupation de Vauvenargues, devenue plus profonde dans l’oisiveté d’une garnison.
De tous les gouvernements qui peuvent immensément par eux-mêmes et qui s’imaginent, malgré l’expérience, jeter la civilisation à tous les rivages avec les ancres de leurs vaisseaux, le gouvernement d’Angleterre est assurément le plus intelligent, le plus profond, le plus habile. […] Seulement, sans rien préjuger sur la conclusion qui doit briller pour l’Angleterre à travers les faits que le livre de Mgr Salvado expose, est-il téméraire d’affirmer qu’indépendamment de l’état sans vie et sans réelle efficacité de ses missions protestantes, elle souffre au plus profond de son intérêt colonial, du principe religieux qu’elle représente et qu’elle s’efforce de propager ? […] Pour ces poèmes héroïques racontés par un vieux croisé comme Joinville, qui revient de la rescousse, ou quelque vieux capucin qui revient du martyre, pour ces dits et gestes rapportés avec des simplesses de cœur inconnues à tous les Naïfs littéraires les plus vrais, à tous les La Fontaine les plus profonds, la critique ne saurait vraiment exister, et elle se désarme dans l’émotion et dans le respect. […] Ainsi complété, le livre de Mgr Salvado résume bien l’état des connaissances possibles jusqu’à ce jour sur l’Australie ; et voilà comme la science a contracté une dette de plus vis-à-vis de ces missionnaires qui lui ont rendu tant de services à toutes les époques, et qui, au milieu de leurs travaux apostoliques, se sont montrés partout des investigateurs si sagaces et de si profonds observateurs !
Puis, les moins perspicaces avaient fini par s’apercevoir du ridicule de cette soi-disant « Histoire Naturelle et Sociale d’une famille sous le Second Empire », de la fragilité du fil héréditaire, de l’enfantillage du fameux arbre généalogique, de l’ignorance médicale et scientifique profonde du Maître. […] La déception a été profonde et douloureuse. […] Il est nécessaire que, de toute la force de notre jeunesse laborieuse, de toute la loyauté de notre conscience artistique, nous adoptions une tenue et une dignité en face d’une littérature sans noblesse, que nous protestions au nom d’ambitions saines et viriles, au nom de notre culte, de notre amour profond, de notre suprême respect pour l’Art.
En copiant et recopiant leurs formes, leur plumage et leurs diverses particularités, je continuais sans le savoir l’étude la plus profonde et la plus minutieuse de l’ornithologie comparée. […] J’ai rarement éprouvé une sensation plus délicieusement, plus innocemment profonde. […] À l’approche de la nuit, à mesure que l’ombre s’épandait sur le fleuve, une plus profonde émotion nous saisissait. […] Pendant quelques minutes, une terreur profonde nous saisit. […] Je m’étendis sur une peau de buffle, j’appelai mon chien, plaçai mon fusil près de moi, et, fermant les yeux, je parus me livrer au sommeil le plus profond.
Charles Maurras À force de considérer la structure profonde de sa terre, le poète des Regards intimes a senti ses propres regards se détacher de lui et lui revenir aussitôt comme des regards étrangers. Les choses d’alentour lui semblent maintenant tenir fixés sur lui des yeux tendres, profonds, dont les rayons descendent aux entrailles de sa pensée.
La jeune Marceline reçut de ces circonstances premières de naissance et d’enfance toutes sortes d’empreintes et de signes qui décidèrent de sa sensibilité et donnèrent la nuance profonde à son talent. […] Avec moins d’art incomparablement, elle a la source de sensibilité plus intime, plus profonde. […] Il a été parfaitement bon pour moi et d’une humanité profonde pour plusieurs prisonniers dont il m’a accordé la grâce. […] Si tu savais quelle part profonde elle a prise à mon malheur de mère, tu l’aimerais comme on aime un ange ; — et c’est comme telle que je la pleure. […] — Mais, Camille, si je la regrette avec amertume, je l’espère aussi et d’une foi profonde. — C’est pourquoi je lui envoie mes prières et ce tendre au revoir des âmes qui se sont vraiment nouées sur cette terre.
Qui, ayant lu ce Prince de la Bohème, aussi profond que Le Prince de Machiavel et plus gai, n’est pas resté sous la merveilleuse puissance d’idéal que ce livre atteste ? […] Je dis que, malgré elles, elles ont gardé en elles je ne sais quoi de ce génie que Chateaubriand appelle maternel, tant il est profond, et tant nous semblons en être issus ! […] Or, les Contes drolatiques sont nets de ces deux causes de perturbation profonde. […] Ni dans les arts, ni dans les lettres, pas de mérite suprême sans la naïveté et sans une bonhomie profonde ! […] Mais, en littérature, plus l’œuvre et le talent seront profonds, plus nous retrouverons ces deux qualités divinisantes.
Organisé pour être mieux qu’un philologue, cerveau à plusieurs vocations, Édelestand du Méril, qui a débuté par un livre très pénétrant d’économie politique (la Philosophie du budget), aurait été tout aussi bien un penseur profond et un grand artiste que ce qu’il est présentement, c’est-à-dire un savant d’une science énorme… Il ne l’a pas voulu. […] L’étonnement, je l’avoue, a été profond, quand, dans un livre qui a la prétention, et selon moi la prétention aussi justifiée que le talent puisse la justifier, d’être l’Histoire de la Comédie, j’ai pu voir nettement à quoi se réduit cette grêle histoire. […] c’est dans ces analyses profondes, fouillées et vivantes comme des synthèses, que je le vois ! […] Il n’y a, au fond, dans toute cette histoire, reprise en sous-œuvre par du Méril, que la vieille histoire connue, qui peut s’écrire en quelques mots et qu’il a mise en cinq cents pages, — si brillantes de talent, du reste, qu’il semble ne pas avoir bavardé, — de la comédie, sortant partout de la danse, sa plus profonde racine ; dérivant, en peu de temps, du langage mimique au langage religieux et processionnel ; s’imprégnant plus tard de politique dans des sociétés fortement politiques comme les sociétés grecques, et vivant ainsi jusqu’au moment où l’imagination reconquiert ses droits et crée une autre comédie, la comédie désintéressée de tout ce qui n’est pas l’observation de la nature humaine… Et, vous le voyez ! […] Derrière et au-dessus de tous ces textes, fauchés, empilés, amoncelés dans ces terribles notes montantes, il était évident qu’il y avait un homme qui en valait plusieurs, — qu’il y avait un philosophe, un écrivain, et peut-être un poète dramatique ; car, pour aimer tellement l’histoire de la Comédie, il faut aimer la Comédie elle-même… L’auteur la prenait, dans une introduction d’une étreignante généralité, au plus profond de ses origines, c’est-à-dire dans la nature même de l’esprit humain, se manifestant toujours esthétiquement de la même manière : par la Poésie lyrique, l’Épopée, le Conte et le Drame.
Il en est de plus forts, de plus larges, de plus profonds intellectuellement ; mais il n’en est aucun d’une sincérité plus pénétrante et plus émue. […] L’idée de ce livre est la solidarité de toutes les erreurs entre elles, qui s’engendrent et s’enchaînent comme toutes les vérités, par conséquent la scission profonde et qui doit rester éternelle entre ces deux ordres de faits. […] Pour des hommes du monde, toute cette politesse, qui n’est jamais affectée et qui est toujours infinie, serait peut-être d’une ironie cruelle et profonde ; mais les gens du monde ignorent trop combien la charité a d’esprit et de loyauté dans l’esprit, et comme saint Vincent de Paul l’emporte, même en amabilité, sur Voltaire.
Nous avons vu jusqu’à présent, que dès qu’un homme en place, roi ou prince, cardinal ou évêque, général d’armée ou ministre, enfin quiconque, ou avait fait ou avait dû faire de grandes choses, était mort, tout aussitôt un orateur sacré, nommé par la famille, s’emparait de ce grand homme, et après avoir choisi un texte, fait un exorde ou trivial ou touchant, sur la vanité des grandeurs de ce monde, divisé le mérite du mort en deux ou trois points, et chacun des trois points en quatre ; après avoir parlé longuement de la généalogie, en disant qu’il n’en parlerait pas, faisait ensuite le détail des grandes qualités que le mort avait eues ou qu’il devait avoir, mêlait à ces qualités des réflexions ou fines ou profondes, ou élevées ou communes, sur les vertus, sur les vices, sur la cour, sur la guerre, et finissait enfin par assurer que celui qu’on louait, avait été un très grand homme dans ce monde, et serait probablement un très grand saint dans l’autre. […] Il faut avouer que Godeau, évêque de Vence, et Benserade, et Voiture, et Sarrazin, et Coëffeteau et Santeuil, ne sont pas tout à fait des grands hommes de la même espèce ; mais il y en a d’autres, tels que Du Cange, si justement fameux par son glossaire ; Sirmond par son travail sur les conciles de France et sur les capitulaires de Charles-le-Chauve ; Pétau par sa chronologie ; Joseph Scaliger par l’érudition la plus profonde sur l’antiquité ; les deux frères Pithou, et Pierre Dupuy, garde de la bibliothèque du roi, par la vaste étendue de leurs connaissances sur notre histoire ; tous hommes célèbres dans leur siècle, et qui ne sont peut-être pas assez estimés dans le nôtre. […] Aujourd’hui, d’ailleurs, que les connaissances s’effacent et se perdent ; aujourd’hui que la science de l’histoire se réduit presque à des anecdotes ; qu’on abrège tout pour paraître tout savoir, et que la vanité, empressée à jouir, n’estime plus, dans aucun genre, que ce qu’elle peut étaler dans un cercle ; ces recherches pénibles, ces discussions profondes, ces monuments, fruit de quarante ans de travail et d’étude, qui n’ont que le mérite d’instruire sans amuser, et dont le matin, on ne peut rien détacher pour citer le soir, doivent nécessairement, parmi nous, perdre de leur estime.
Il n’y a pas d’arbitraire dans ces âmes qu’une profonde et inconsciente logique conduit… à quoi ? […] Ces raisonnements, que l’auteur dramatique exclut, le Moraliste en éprouve le besoin profond. […] La prostituée avilit même le courage qu’on déploie contre elle, même l’amour profond qu’on lui apporte. […] Il a, sur ce point, une phrase singulièrement triste et profonde. […] Le botaniste des esprits ne saurait expliquer la fleur sans nous montrer ces causes profondes.
Et il atteignit un si profond degré de difformité sous la plume de Zola, qu’un degré de plus n’était pas possible. […] Je cite rarement, mais il faut citer, pour que le Goncourt qui nous reste, le réaliste d’à présent, le jaloux de Zola, comprenne où est la vérité littéraire dans ce qu’elle a de plus profond, de plus pathétique et de plus grand, c’est-à-dire de plus moral. […] Une fausseté naturelle, une dissimulation acquise, un regard à volonté, une physionomie maîtrisée, un mensonge sans effort de tout l’être, une observation profonde, un coup d’œil pénétrant, la domination des sens, une curiosité, un désir de science, qui ne leur laissaient voir dans l’amour que des faits à méditer et à recueillir, c’étaient à des facultés et à des qualités si redoutables que ces femmes avaient dû, dès leur jeunesse, des talents et une politique capables de faire la réputation d’un ministre. […] Ainsi formées, secrètes et profondes, impénétrables et invulnérables, elles apportent dans la galanterie, dans la vengeance, dans le plaisir, dans la haine, un cœur de sang-froid, un esprit toujours présent, un ton de liberté, un cynisme de grande dame, mêlé d’une hautaine élégance, une sorte de légèreté implacable.
Mais d’histoire dans sa tenue correcte, dans son renseignement critique et profond, il n’y en avait pas. […] C’est la première fois qu’on nous ait donné l’impression profonde, la notion claire, la mesure exacte de ce génie qu’on dédoublait et qu’on croyait déshonorer peut-être en l’appelant le génie du cœur, mais que voici aussi lumineusement prouvé que celui des génies de tête les plus incontestables, grâce au livre de l’abbé Maynard. […] Je citais Richelieu : mais le cardinal de Richelieu, cet homme d’ordre et d’unité, avec ses quatre à cinq coups de hache éblouissants qui brillent dans l’histoire, n’a jamais créé autour de lui des unités de volonté et d’obéissance aussi vastes, aussi cohérentes et aussi profondes, que cet humble et bon Vincent de Paul, qui n’a jamais frappé personne ! […] Ôtez par hypothèse cette aide surnaturelle, mais évidente, d’un Dieu qui versait en son serviteur ce qui abrège tout en faisant voir tout, Vincent certainement ne suffira plus aux choses prodigieuses qu’il a accomplies, et ces choses, trop grandes ou trop nombreuses, déborderont de toutes parts, sans pouvoir y tenir, la coupe profonde des quatre-vingts ans qu’il vécut !
… On avait déjà affligé de ce mot-là — commun au fond comme un trottoir — les contes d’Edgar Poe, traduits et révélés par Baudelaire, et que le profond américain, qui savait bien ce qu’il faisait, — qui avait, lui, mieux que personne, le sens lumineux de son œuvre, — avait appelés : Contes arabesques. […] Nous avons rendu compte, lorsqu’il les publia, de ces deux livres, d’une beauté rare et profonde, intitulés : l’Homme et Physionomies de saints 15, restés obscurs tous deux, malgré leur beauté et notre effort, et qui devaient naturellement et fatalement le rester dans un temps comme le nôtre, où l’on n’a plus souci que des choses matérielles et basses, et même des plus basses, en littérature… Quand M. […] À son talent réfléchi de penseur et de moraliste religieux, éloquent, profond, illuminé, il a joint un talent dramatique qui lui a poussé comme une aile et sur laquelle il nous emporte. […] Le mystique Hello, qui y croit, lui, est supérieur, par ce côté surnaturel et frémissant, à l’incrédule américain, et par cela seul il cause naturellement une impression plus profonde.
Nos pères, avec leur bon sens profond, appelaient hommes de lettres ces femmes-là, autrefois ! […] Oui, laissons là pour un moment la personne et le talent de Mme Valmore, mais ce cri qui jaillit du fond du cœur frappé, comme le sang jaillit d’une veine ouverte, mais cette éloquence irrésistible de la blessure ou de la caresse, mais cette émotion qui doit être, en poésie, prépondérante même à la pensée, à plus forte raison à l’image, à la phrase, au rythme, à l’harmonie, enfin à tout ce qui entre nécessairement à n’importe quel degré dans la trame d’une poésie quelconque, cette émotion ne constitue-t-elle pas certainement et dans la mesure où elle existe la poésie la plus élevée et la plus profonde, et par la raison souveraine que l’homme mesure tout à lui-même et que c’est le battement de son cœur qui donne le branle à l’univers ! […] Mme Desbordes-Valmore, qui n’avait commencé qu’avec de l’âme et qui a fini par avoir réellement du talent, montre bien, par ce talent même, que la femme, dont la gloire est de refléter ceux qu’elle aime, ne peut jamais avoir de profonde ou de saisissante originalité. […] , La Feuille volée, Les Éclairs, Les Roses de Saadi, La Jeune Fille et le Ramier, qui finit par cette strophe interjective et profonde : Laissez pleuvoir, ô cœurs solitaires et doux !
Amédée Pommier fut lié de bonne heure avec Victor Hugo, et il le fut tard ; car cette âme profonde et fidèle ne se détachait pas. […] Et d’avoir sublimé ces deux types, de les avoir reproduits avec la grandeur de sa touche, parce qu’il les sentait profonds en lui, serait assez comme cela pour sa gloire de poète, n’y aurait-il pas autre chose dans ce fourmillant poème de Paris, qui n’a rien oublié de Paris. […] L’attention publique qu’il avait frappée au début, cette attention qui n’est jamais ni profonde ni durable en France, se détourna de l’homme qui, coup sur coup, publiait Les Colifichets, L’Enfer et Paris, trois chefs-d’œuvre qui auraient dû la lui ramener. […] Mais ce qui rend cette impression encore plus profonde, c’est qu’immédiatement après avoir tracé cet écrit qu’on ne sait trop comment nommer, cette espèce de révélation testamentaire de sa vie, Amédée Pommier soit mort, après l’avoir signée· Cette mort presque subite donne, je trouve, à sa vie, la grandeur d’une destinée.
Il explique du moins la tristesse du poète et son humanité profonde. […] Cela même n’eût pas comblé l’abîme plaintif et trop profond de son cœur à elle. […] Elle consiste à marquer en quelques traits profonds la marche d’une maladie d’âme. […] L’absorption profonde l’en empêche. […] Ce sont là des signes extérieurs d’une désagrégation plus profonde.
Sera-ce après la lecture d’un éloge froidement historique que l’on tombera dans cette rêverie profonde qui accompagne les impressions fortes ? […] Mais si un peuple a des mœurs frivoles et légères ; si, au lieu de cette sensibilité profonde qui arrête l’âme et la fixe sur les objets, il n’a qu’une espèce d’inquiétude active qui se répande sur tout sans s’attacher à rien ; si, à force d’être sociable, il devient tous les jours moins sensible ; si tous les caractères originaux disparaissent pour prendre une teinte uniforme et de convention ; si le besoin de plaire, la crainte d’offenser, et cette existence d’opinion qui aujourd’hui est presque la seule, étouffe ou réprime tous les mouvements de l’âme ; si on n’ose ni aimer, ni haïr, ni admirer, ni s’indigner d’après son cœur ; si chacun par devoir est élégant, poli et glacé ; si les femmes même perdent tous les jours de leur véritable empire ; si, à cette sensibilité ardente et généreuse qu’elles ont droit d’inspirer, on substitue un sentiment vil et faible ; si les événements heureux ou malheureux ne sont qu’un objet de conversation, et jamais de sentiment ; si le vide des grands intérêts rétrécit l’âme, et l’accoutume à donner un grand prix aux petites choses, que deviendra l’éloquence chez un pareil peuple ? […] Cette connaissance, cette méditation profonde, vous donnera le plan et le dessein de votre ouvrage ; alors il en est temps, prenez la plume. […] Plus une telle éloquence est noble, quand elle est appliquée à de grands objets, et qu’elle naît d’un sentiment vrai et profond, plus un faux enthousiasme et une fausse chaleur sont ridicules aux yeux de tout homme sensé. […] Voyez dans le monde tous ceux qui, par système, veulent paraître sensibles (aujourd’hui surtout) ; il y a des hypocrites de sensibilité comme des hypocrites de vertu : tout les trahit ; ils parlent avec glace de leur tendre amitié ; ils vantent avec un visage immobile leur douleur profonde ; eh !
Non que l’éloquence religieuse ne se soit enrichie de très beaux mouvements dans Massillon, et la philosophie morale de plus d’une maxime profonde dans Vauvenargues, mais on ne peut pas compter comme de véritables gains des écrits qui en font regretter de très supérieurs dans le même genre. […] Les Lettres persanes, et plus tard les Considérations avaient persuadé aux lecteurs qu’on peut sans travail s’instruire des choses les plus délicates de la politique et de l’histoire, et devenir profond en s’amusant. […] J’en parlerai pourtant, mais avec la réserve que recommande Voltaire, bien qu’il pût le prendre de plus haut avec Montesquieu, « en le respectant jusque dans ses chutes, parce qu’il se relève pour monter au ciel86. » Il ne faut pas se méprendre aux erreurs apparentes, erreurs si l’on n’y regarde qu’une fois, vérités détournées et profondes si l’on y revient. […] un esprit de cette application et de cette force, si profond observateur et si fin, qui, par l’art de diriger son génie vers les études où il était le plus propre, sa vie vers le genre de bonheur dont il était le plus capable, a paru si bien prouver qu’il se connaissait, Montesquieu aurait ignoré quelque chose de l’homme ! […] Plus d’une réflexion courte mais profonde, qui semble comme échappée à une conviction habituelle, une éloquente réfutation du paradoxe de Bayle qui prétend qu’un État formé de véritables chrétiens ne pourrait subsister, le dogme des peines éternelles presque justifié par la théorie des crimes inexpiables, tout cela est d’un homme qui a eu tout au moins une vue supérieure du christianisme.
L’édition qu’il a donnée de Tacite, est la meilleure réfutation du sentiment de ceux qui prétendent qu’on ne sauroit bien écrire dans une langue morte ; non seulement elle offre la connoissance la plus profonde de la Langue Latine, mais encore l’imitation la plus heureuse du meilleur Historien qu’aient eu les Romains. […] On doit à ce même Littérateur, dont la modestie égale le profond savoir, la plus correcte de toutes les éditions de Pline le Naturaliste.
A la première découverte du manuscrit complet, la stupeur fut si profonde que M. […] L’âme y est grave, profonde et contemplative. […] Lui aussi a vu les causes profondes qui font le soubassement des caractères. […] Il disait les causes profondes de l’avilissement public. […] L’avantage est qu’une conviction profonde s’installe dans l’esprit du lecteur.
Sont-elles profondes ? […] Mais il le prouve médiocrement, parce que ses idées sont moins profondes que ses sentiments. […] Elles sont profondes, elles sont nouvelles, et en leur ensemble elles sont justes. […] Rien de personnel, ni même de très profond comme émotion. […] L’effet est singulier et profond.
Un esprit qui ne cherche qu’à essayer ne voit pas la nécessité profonde de produire une chose déterminée. […] Bergson a donné ce titre, le schème philosophique, technique, qui aide à classer les profondes intuitions de Valéry. […] Mais la réduction à des rapports, à des proportions, la stylisation, sont bien plus complètes et plus profondes dans le monument que dans l’écrit. […] Un beau corps ensommeillé semble au poète un pur contact avec l’être, avec le courant de la vie profonde, avec la réalité « désintéressée ». […] … J’ai vu bondir dans l’air amer Les figures les plus profondes...
Et votre cœur ignore, en sa calme retraite, Ma blessure profonde et que vous avez faite. […] Un son de cloche au loin emplit l’azur profond, De villas en villas l’arquebuse répond. […] Quant au fond, il ne relève que de lui-même et se classe, par la profonde et amère ironie, à côté de Lucien, de Swift et de Voltaire. […] Comment celle-ci peutelle se cultiver avec succès sans une profonde connaissance des langues savantes ? […] Chez Leopardi, c’est l’amitié aussi profonde, aussi indissoluble, mais souffrante et sans bonheur.
Tout dévoués au réel, à l’effectif, au vrai, ils ne sont pas privés pour cela d’une manière de beauté et de bonheur ; beauté nue, rigide, sentencieuse, expressive sans mobilité, assez pareille au front vénérable qui réunit les traits sereins du calme et les traits profonds des souffrances ; bonheur rudement gagné, composé d’élévation et d’abstinence, inviolable à l’opinion, inaccessible aux penchants, porté longtemps comme un fardeau, pratiqué assidûment comme un devoir, et tenant presque en entier dans l’origine à cette âpre et douloureuse circoncision du cœur, dont on reste blessé pour la vie. […] Souvent au sein des montagnes, quand les vents engouffrés dans leurs gorges pressaient les vagues de leurs lacs solitaires, je recevais du perpétuel roulement des ondes expirantes le sentiment profond de l’instabilité des choses et de l’éternel renouvellement du monde. […] À la conception profonde et à la stricte pratique de l’ordre, à cette fermeté voluptueuse que préconise l’individu en harmonie avec le monde, on croirait par moments entendre un disciple d’Épictète et de Marc-Aurèle ; mais néanmoins Épicure, l’Épicure de Lucrèce et de Gassendi, le Grajus homo, est le grand précédent qui règne. […] Tout autre sentiment se perd dans ce sentiment profond ; toute pensée y ramène, tout espoir y repose. […] L’activité d’une passion profonde est pour lui l’ardeur du bien, le feu du génie : il trouve dans l’amour l’énergie voluptueuse, la mâle jouissance du cœur juste, sensible et grand ; il atteint le bonheur, et sait s’en nourrir… Je ne condamnerai point celui qui n’a pas aimé, mais celui qui ne peut pas aimer.
La Bruyère était moins profond que Molière, Lesage moins profond que La Bruyère : Montesquieu est plus loin de Lesage que Lesage ne l’est de Molière. […] De là est sortie, au milieu de la lente et laborieuse préparation de l’Esprit des Lois, cette analyse profonde et subtile du génie politique de Rome, et de son évolution historique. […] Jamais Montesquieu n’a été plus érudit, plus ingénieux, plus profond que dans ce chapitre VI, où il nous explique le jeu de la politique extérieure des Romains. […] Les chapitres y sont des cadres artificiels, des formes, où il réunit autour d’une idée centrale une collection de traits éclatants ou de pensées profondes. […] De là la sincérité profonde avec laquelle il se prononce contre les persécutions religieuses, et se fait l’avocat de la tolérance.
De nos jours, la poésie, en reparaissant parmi nous, après une absence incontestable, sous des formes quelque peu étranges, avec un sentiment profond et nouveau, avait à vaincre bien des périls, à traverser bien des moqueries. […] Le jour où un sentiment profond et passionné le prend au cœur, où une douleur sublime l’aiguillonne, il se défait aisément de ces coquetteries frivoles, et brise, en se relevant, tous les fils de soie dans lesquels jouaient ses doigts nerveux. […] Si vous ne savez pas d’aventure quelque monologue de tragédie, fouillez dans vos souvenirs personnels ; entre vos confidences d’amour, prenez la plus pudique ; entre vos désespoirs, choisissez le plus profond ; étalez-leur tout cela ! […] Je me figure que Manzoni en sa Lombardie, Wordsworth resté fidèle à ses lacs, tous deux profonds et purs génies intérieurs, réalisent à leur manière l’idéal de cette vie dont quelque image est assez belle pour de moindres qu’eux.
La façon dont Tarass accueille ses fils, dont il les houspille et les raille, dont il force presque l’aîné à faire, pour premier bonjour, le coup de poing avec lui, nous transporte aussitôt dans ce monde de sauvagerie et de rudesse ; la mère silencieuse, émue et navrée, qui ose jouir à peine du retour de ses fils, est touchée avec un sentiment profond et délicat : on assiste à la misérable condition de la femme en ces mœurs et en ces âges barbares. […] Le moment où le vieux Tarass apprend d’un Juif qu’Andry est dans la place et qu’il figure dans les rangs des seigneurs polonais, sa stupéfaction à cette nouvelle, ses questions réitérées, toujours les mêmes, toujours empreintes d’une opiniâtre incrédulité, ce sont là des traits naturels, profonds, et tels qu’on est accoutumé à en admirer dans les scènes de Shakspeare. […] C’est une qualité propre à la race slave, race grande et forte, qui est aux autres races ce que la mer profonde est aux humbles rivières. […] » On comprend mieux, après la lecture de cette nouvelle, les inimitiés profondes de religion et de nationqui séparent, depuis des siècles, certaines branches de la famille slave.
Certains tempéraments avaient trouvé en eux-mêmes des sources profondes de réflexion ou de poésie : diverses influences avaient excité çà et là des commencements de philosophie et d’art. […] Les studieux jeunes gens nés dans les dernières années de Louis XI, que l’éducation scolastique avait laissés inquiets et affamés, lisent avidement, avec un esprit nouveau, avec l’esprit des Pogge, des Valla, des Guarino, les grandes œuvres latines dont le moyen âge n’avait ni pénétré le sens profond ni senti l’admirable forme : ils reçoivent la révélation de ce qu’avaient caché trop longtemps les bibliothèques des couvents. Lucrèce, Tacite, Quintilien, une grande philosophie, une profonde psychologie, une fine rhétorique. […] La poésie, qui se perdait dans l’imitation artificielle et les froides éruditions, se rapprocha de la réalité, elle apprit à puiser aux vraies sources des sentiments profonds et généraux : la foi catholique de Ronsard, le zèle protestant de d’Aubigné tira d’eux le meilleur et le plus pur de leur poésie.
Les trois mille Océanides éplorées lui apparaissaient en foule dans les nuées au-dessus du Pinde ; dans les cent vallées de l’Œta il retrouvait l’empreinte profonde et les coudes horribles des cent bras des hécatonchires tombés jadis sur ces rochers, il contemplait avec une stupeur religieuse la trace des ongles crispés d’Encelade sur le flanc du Pélion. […] Là, en effet, comme en Thessalie, tout est foudroyé, désolé, arraché, détruit ; tout porte l’empreinte d’une guerre profonde, acharnée, implacable. […] Là, seul comme le matin, plus seul encore, car aucun chevrier n’oserait se hasarder dans des lieux pareils à ces heures que toutes les superstitions font redoutables, perdu dans l’obscurité, il se laissait aller à cette tristesse profonde qui vient au cœur quand on se trouve, à la tombée du soir, placé sur quelque sommet désert, entre les étoiles de Dieu qui s’allument splendidement au-dessus de notre tête et les pauvres étoiles de l’homme qui s’allument aussi, elles, derrière la vitre misérable des cabanes, dans l’ombre, sous nos pieds. […] Quelles que soient les antipathies momentanées et les jalousies de frontières, toutes les nations policées appartiennent au même centre et sont indissolublement liées entre elles par une secrète, et profonde unité.
Je ne sache rien de plus chétif et de plus pauvre que cette publication sans nouveauté, sans renseignement profond, sans aperçu, sans trace enfin de cette personnalité rayonnante qui fut Mme de Staël. […] En ces lettres, elle a des touches à peine appuyées et profondes. Moins elle appuie même et plus elles sont profondes… Et ces touches ne résonnent pas que l’exil ! […] Elle a l’aperçu, l’aperçu ingénieux et profond qui tient à cette finesse dont on peut dire : Ton nom est femme !
deux fois nouvelle, puisqu’il atteste des modifications inespérées et profondes dans la pensée de son auteur, connu déjà par des publications importantes et tout un enseignement public. […] L’histoire de Lerminier, plus qu’aucun autre document, parce qu’il est le plus sûr de tous, prouve au contraire à quel point entre nous, modernes, et la Grèce antique, la différence est profonde, et par conséquent toute imitation insensée. […] Ce qui nous distingue d’elle et nous en sépare, c’est ce qu’il y a de plus profond dans l’être des peuples, ce sont nos instincts et nos mœurs. […] Une critique savante et profonde, enrichie de toutes les découvertes historiques de notre époque, une critique qui, après avoir fait la part du génie grec, ôte avec un tact souverain l’imagination des Allemands de leurs travaux pour s’appuyer sur ce que ces travaux ont de plus solide, voilà ce qui donne au livre de Lerminier un mérite et un poids qu’aucun ouvrage sur la Grèce ne pouvait avoir plus tôt.
pour que la surprise y fût mieux, une ou deux fois il s’est risqué à être profond, et il l’a été, cet esprit capable de tout. […] il a été profond ! […] III Nous voilà enfin arrivés à l’une des deux places de son volume où l’auteur de ces délicieuses bribes d’histoire, enlevées comme des bulles de savon et aussi colorées, se métamorphose et se permet la fantaisie d’être profond… C’est justement quand, dans l’ordre de ses Notices, il arrive à madame de Maintenon, et que lui, l’amoureux de madame de Sévigné, il passe à l’ennemi, si on peut dire l’ennemi d’une femme qui, pour avoir la raison la plus haute qu’une tête féminine ait jamais possédée, avait autant d’agrément à sa manière que la vive et brillante Sévigné. […] Il a scruté non pas seulement en historien, mais en moraliste, cette âme profonde, et, comme il l’a dit : d’une ambition de gloire infinie , — ce qui ne veut pas dire la plate ambition de n’être que la femme de Louis XIV !
Tels sont les mérites généraux qui apparaissent tout d’abord dans un livre où l’on en trouvera beaucoup d’autres plus particuliers et plus profonds. […] Il devait sortir des mortes données de l’abstraction pour entrer dans la vie, et il y est entré dans ce traité de la Connaissance de Dieu, où se cachent sous les plus éclatantes questions d’une théodicée, les arêtes d’une méthode profonde ; il y est entré en observateur qui ne scinde pas l’homme et son esprit pour mieux le connaître, qui ne le mutile pas pour l’étudier : « Je ne puis m’empêcher d’affirmer — dit-il à la page 122 de son second volume : — que l’idée d’être bien déployée, si l’on sait mettre de côté l’habitude que nous avons de tout restreindre, de tout abstraire, de placer, même dans l’être, la négation, qui n’est faite que pour le néant, et de n’oser jamais pleinement soutenir l’universelle affirmation, l’idée d’être est identique à celle de force, d’intelligence, de volonté, de liberté, d’amour. […] C’est donc le point de départ… » Et il ajoute : « De plus, la Théodicée, qui est la partie la plus élevée, la plus profonde de la Philosophie, en est aussi la plus facile. […] N’est-il pas des esprits dont la misère est d’avoir besoin d’une tautologie pour comprendre, et qui n’entendraient rien aux mots les plus profonds dits par la religion aux hommes, si la philosophie ne venait les leur répéter ?
Or, tel est le livre de Stendhal : il est didactique ; il est réfléchi, profond, analysé jusque dans les dernières fibrilles du cœur ; et il a cette originalité hautaine et charmante qui choque les vanités vulgaires, dont elles se vengent en l’appelant souvent prétention. […] Limayrac est une imagination vive et nuancée, c’est un esprit de perçant sourire, une plume qui n’appuie pas, comme le diamant qui fend la vitre, et qui, comme ce diamant qui coupe, étincelle ; il promettait donc, par quelques-unes de ses analogies avec Beyle, une notice piquante et profonde sous des airs légers, — la plus jolie manière d’être profond. […] Henri Beyle n’était pas seulement le Tulou de la flûte de l’ironie, dont il jouait avec une perfection d’ange un peu démon, c’était de plus un homme aussi capable d’enthousiasme qu’il était profond, et, qu’on nous passe le mot !
Dans ce nouveau livre, en effet (un roman au lieu d’être un poëme), il s’agit du même terroir et du même ciel que dans Miréio, c’est-à-dire du Midi et de ses mœurs ardentes, saisies et reproduites avec une observation passionnée dans ce qu’elles ont de vivant encore, et jusqu’à ce jour d’inaliénable… Amour et souvenance de la patrie dont les premières impressions teignent à jamais le talent et teignent bien plus fort le génie, sentiment profond des poésies du sol, recherche de la vie où elle est, c’est-à-dire dans les classes populaires, plus près que nous de la nature, préoccupation des choses primitives que tous les jours, hélas ! […] Il faut les arrêter au passage, et c’est là le fait des romanciers, ces historiens des mœurs, bien plus profonds et bien plus éclairants, croyez-le, que les historiens de l’histoire ! […] Tragique ou comique (et quelquefois du plus profond comique), ce dialogue est celui d’un homme qui a mieux que l’instinct de la grande langue que le théâtre doit parler et de ses concisions sévères. […] M. de La Madelène est un de ces esprits qui n’ont pas besoin de l’amour, cette tyrannie des imaginations françaises, pour se montrer moraliste profond et peintre dramatique passionné.
Mérimée n’était pas plus original et plus profond qu’il n’était abondant et coloré comme écrivain. […] Mérimée, confirme ce que nous avons dit, au commencement de ce chapitre, sur l’absence de vocation profonde en ce romancier de volonté et de parti pris… Un homme de vocation profonde n’imite personne. […] Comme poëte dramatique, on n’a point la verve profonde de Molière ou l’esprit étincelant de Beaumarchais.
Des passions semblables, quoique en sens inverse, des ressouvenus terrifiants de 93, des réactions religieuses et monarchiques, un regret superstitieux de l’ancienne forme en haine du sang qui avait souillé la nouvelle, un sublime égarement de guerre et de conquête : voilà encore ce qu’il fallut pour renverser la Constitution de l’an III, moins brillante, moins hardie que celle de 91, mais aussi sincère, aussi consciencieuse, et d’une modération profonde, d’une graduation expérimentée dans toutes ses parties. […] Une haine seule, une haine profonde, invétérée, une passion instinctive, débris vivace de toutes les autres passions politiques, remuait au cœur du peuple : c’était la haine des Bourbons, du drapeau blanc ramené par l’étranger, des jésuites. […] Que dans un état de société si calme et sensé, au milieu d’une modération si profonde et d’une intelligence si impartiale, on vienne maintenant conseiller à ceux qui demandent haut les conséquences politiques des événements de juillet, de ne pas pousser à l’anarchie ; qu’on leur vienne parler à l’oreille du 10 août et des excès républicains ; que, s’ils persistent, on signale leurs doctrines comme imprudentes et pernicieuses : c’est presque une moquerie ; c’est faire une étrange confusion des choses et des temps.
Rien ne le troublerait dans sa profonde et austère contemplation ; ni le passage bruyant des événements publics, car il se les assimilerait et en ferait entrer la signification dans son œuvre ; ni le voisinage accidentel de quelque grande douleur privée, car l’habitude de penser donne la facilité de consoler ; ni même la commotion intérieure de ses propres souffrances personnelles, car à travers ce qui se déchire en nous on entrevoit Dieu, et, quand il aurait pleuré, il méditerait. […] Dans ses poèmes il mettrait les conseils au temps présent, les esquisses rêveuses de l’avenir ; le reflet, tantôt éblouissant, tantôt sinistre, des événements contemporains ; les panthéons, les tombeaux, les ruines, les souvenirs ; la charité pour les pauvres, la tendresse pour les misérables ; les saisons, le soleil, les champs, la mer, les montagnes ; les coups d’œil furtifs dans le sanctuaire de l’âme où l’on aperçoit sur un autel mystérieux, comme par la porte entr’ouverte d’une chapelle, toutes ces belles urnes d’or, la foi, l’espérance, la poésie, l’amour ; enfin il y mettrait cette profonde peinture du moi qui est peut-être l’œuvre la plus large, la plus générale et la plus universelle qu’un penseur puisse faire. […] Seulement, dans les Rayons et les Ombres, peut-être l’horizon est-il plus élargi, le ciel plus bleu, le calme plus profond.
La Révolution, en bouleversant sa vie, y avait laissé un vide profond. […] Lamartine avait terminé la lecture au milieu d’un profond silence. […] Il a de mystérieuses sympathies, il a même de profonds amours. […] Là commence « son lent et profond suicide. […] bois profonds !
Il a cet accent incisif qui fait que la voix qui parle bas semble descendre au plus profond de nous-mêmes et s’y graver. […] Adolphe Boschot nous offre, dans ses Poèmes dialogués, une pure essence de poésie : quelque chose de doux, de profond, de sincère, de pénétrant, des rêves épanouis en images, une imprécision claire, un poudroiement lumineux qui enveloppe toutes les formes et les idéalise.
MARSAIS, [César Chesneau du] Avocat au Parlement de Paris, né à Marseille en 1676, mort à Paris en 1756 ; un des plus habiles & des plus profonds Grammairiens de notre Nation. […] On voit par les Ouvrages de ce Grammairien, que son esprit étoit juste, mais froid ; méthodique, mais lent ; sage, mais peu brillant ; profond, mais peu vif.
On trouve dans ses Considérations sur l’origine & la décandence des Lettres, chez les Romains, des vûes souvent profondes, & des réflexions assez justes ; mais un Ouvrage de cette nature exigeoit une finesse d’observation, & un discernement exquis, dont M. […] Ajoutons que la négligence & la dureté de son style sont peu propres à faire ressortir le mérite de ses vûes, souvent profondes, & à les faire goûter.
C’est là le meilleur du livre, le chapitre qu’emplit un sentiment — profond sous sa forme discrète — de sympathie pour les déshérités. […] Dans un premier volume — la collection en comprendra au moins deux — on a réuni une conférence, aussi limpide que profonde, de M. […] L’émotion que nous procure le Roi Lear est plus profonde encore. […] On s’explique l’impression profonde, persistante, faite par notre compatriote sur des auditeurs « enthousiasmés ». […] Cette âme, définie avec un intérêt profond, M.
Ce qui prouve à quel point l’art dramatique avait besoin de l’antiquité païenne, c’est l’oubli profond où sont tombés les ouvrages composés depuis lors par quelques superstitieux de l’ancienne mode, derniers représentants de ce qu’ils appelaient le théâtre national. […] Ses discours sur le poème dramatique, les jugements qu’il fit de ses pièces sont remplis d’observations délicates et profondes sur toutes les parties de ce grand art. Tantôt Corneille commente en homme de génie les règles de la critique ancienne ; tantôt il en établit lui-même de nouvelles, tirées d’une connaissance encore plus profonde de l’homme. […] Or, entre la conduite du théâtre antique et celle du théâtre espagnol, la différence est profonde. […] Là se révèle l’invention, qui n’est que la connaissance et le sentiment profond de la réalité ; là est le trait par lequel l’œuvre du génie se rapproche le plus des œuvres de Celui qui sonde les cœurs, et pour lequel toute vie qui s’écoule est un drame qui s’accomplit.
Rien n’est plus profond que le profond. […] La confidence la plus profonde, la plus secrète. […] Elle n’est point le profond du cœur, elle n’est point le profond de l’homme. […] La charité va infiniment plus profond. […] Ordre profond, ordre organique.
Or, la tolérance moderne, à peu près universelle, née d’une indifférence profonde, est un dissolvant plus sûr que l’oppression. […] Plus on creuse cet horrible non-sens, plus l’abîme est noir et profond. […] Le regard qu’il jette sur la nature est large et profond ; son œil saisit le détail infini et l’ensemble des formes, des couleurs, des jeux d’ombre et de lumière. […] Avec le goût honnête et louable de l’ordre dans la liberté, il n’a forcément ni colère, ni fanatisme, ni amertume profonde. […] Ma profonde admiration suppléera, je l’espère, à la faiblesse de mes paroles.
Celui qui a pour titre : l’Incrédulité convaincue par les Prophéties, est un des meilleurs Livres qu’on ait faits en ce genre ; on y trouve une logique pressante, & des raisonnemens aussi clairs que profonds, qui ne laissent rien à désirer au Lecteur. […] L’Instruction pastorale sur la prétendue Philosophie des Incrédules modernes ne fait pas moins d’honneur au zele & aux talens de ce Prélat ; il y est également clair, également profond, également nourri de l’Ecriture sainte & de l’érudition littéraire.
Et voici vos quinze ans dans la trace profonde De mon premier amour patient, et vainqueur ! […] Milet, Samos, Elée, habitantes des plages, Vos poètes sont purs comme l’onde, et vos sages Comme elle sont profonds, et leur témérité Ouvrit sur l’inconnu de lumineux passages. […] Ce culte des formes, par lequel il se rattache à la Grèce, n’exclut pas une sorte de dédain profond et final pour un monde qui, par cela même qu’il n’a d’intéressant que ces formes où se mire l’intelligence, n’est en somme qu’un monde d’apparences et d’illusions. […] Louis Ménard, poète distingué lui-même, pour disculper son ami du reproche de froideur, cite la pièce des Spectres comme exemple « d’émotion profonde et contenue ». […] Sous ce fourmillement de la vie, au plus profond de la ravine, est un gouffre obscur et silencieux, que le poète décrit à son tour : A peine une échappée, étincelante et bleue, Laisse-t-elle entrevoir, en un pan du ciel pur.
Si l’on assure à l’hystérique, bien haut et sans se lasser, qu’une œuvre est belle, profonde, grosse d’avenir, il le croit. […] Ils regardent comme profond tout ce qui n’a aucun sens et peut, par conséquent, recevoir toutes les interprétations imaginables. L’analyse mathématique est pour eux plate, la théologie et la métaphysique sont profondes. Plat est le droit romain, profonds sont la Clef des songes et les prophéties de Nostradamus. […] Nous y retrouvons même certains détails, par exemple les eaux profondes et tranquilles (…ver per acque nitide e tranquille Non si profonde, che i fondi sien persi….
Ils avaient de l’imagination, de la mélancolie, du penchant à la mysticité, mais un profond mépris pour les lumières, comme affaiblissant l’esprit guerrier : les femmes étaient plus instruites que les hommes, parce qu’elles avaient plus de loisir qu’eux. […] La mort n’interrompait point des projets illustres, ni la progression d’utiles pensées ; elle ne brisait point des liens chéris, elle n’arrachait point à des affections profondes ; elle empêchait seulement de goûter le lendemain l’amusement qui peut-être avait déjà fatigué la veille. […] La religion chrétienne dominait les peuples du Nord, en se saisissant de leur disposition à la mélancolie, de leur penchant pour les images sombres, de leur occupation continuelle et profonde du souvenir et de la destinée des morts. […] L’homme y est considéré comme devant recevoir une impression profonde par la douleur de l’homme. […] Les questions théologiques, dans leur temps, avaient été l’objet d’un intérêt aussi vif, d’une analyse aussi profonde, parce que les querelles qu’elles faisaient naître étaient animées par l’avidité du pouvoir et la crainte de la persécution.
L’on en gardait un ressentiment profond et même exagéré. […] Eux seuls nous paraissent vrais et profonds. […] Ce n’était plus la peinture naïve et profonde du cœur humain, où Molière avait excellé, où Dancourt et Lesage l’avaient imité. […] Éclairé par le mépris profond qu’il avait pour ses contemporains, il a su prédire une grande partie de nos malheurs. […] Mais Buffon a traité des sujets d’un intérêt moins profond et moins général.
Pour la bienveillante sympathie de son accueil et le patronage de ce premier travail, nous ne saurions trop l’assurer de notre respectueuse et très profonde gratitude. […] Saint-Pol-Roux dont la demeure bretonne nous fut si accueillante, ont été trop bienveillants pour ne pas leur en affirmer une fois encore notre profonde reconnaissance.
Paul Laur Je mets au défi tout cœur de vingt ans que la vie n’a pas encore racorni de lire la Cithare sans une émotion profonde. […] Je te salue, ô paix solennelle et profonde !
Dans l’Histoire des Macchabées, tout ce que la guerre a de plus terrible, la politique de plus profond, le courage de plus sublime ; tout ce que les desseins de Dieu sur son peuple peuvent offrir de sagesse, de majesté, de puissance, de bonté, est développé avec des traits qui caractérisent le Génie créateur, dans un genre où le Créateur lui-même se manifeste si énergiquement. […] On est fâché de voir le même Ecrivain qui fait si bien nous peindre l’avénement du Messie, la sublimité de sa doctrine, la sainteté de sa morale, l’éclat de ses miracles, les circonstances de sa passion, les ignominies de sa mort, donner dans des écarts, dont une sagacité aussi profonde & aussi déliée que la sienne auroit dû le garantir.
Je ne sais si aucun Anglais, Byron peut-être excepté, a compris d’une façon bien profonde la philosophie des choses. […] Jamais une idée de haute et inquiète spéculation, jamais un regard profond jeté sur ce qui est. […] Cette mer est autrement profonde ; on n’en touche pas si vite le fond, et il n’est jamais donné aux faibles yeux de l’apercevoir. […] Dans l’Europe moderne, un homme, plutôt que de mourir de faim, trouve plus simple de prendre un fusil et d’attaquer la société, guidé par cette vue profonde et instinctive que la société a envers lui des devoirs qu’elle n’a pas remplis. […] Notre système d’éducation, sans que nous nous en doutions, est encore trait pour trait celle des jésuites : idée que l’on style l’homme par le dehors, oubli profond de l’âme qui vivifie, machinisme intellectuel.
Amédée Thierry, et voilà, en un seul mot, la critique la plus profonde que nous puissions faire de son ouvrage. […] Il a la bonne foi de l’histoire, mais avec un sentiment chrétien, plus profond encore, il en aurait eu la grandeur ! […] il y a pour lui un bénéfice plus profond que cela, et qui n’a pas été assez aperçu… Il est dans le fait mystérieux d’une fraternité qui marque l’esprit des deux Thierry, comme, chez d’autres, elle marque le caractère ou le visage. […] Seconde épreuve d’une gravure, due à un burin aigu et profond. […] Plus riche que son frère par le sentiment chrétien, s’il est plus pauvre par le talent naturel de l’expression, il pourrait, si ce sentiment était très profond ou très enflammé, en faire sortir une exaltation qui remplacerait celle qu’il n’a pas dans le talent, mais l’intensité manque également à M.
Les fils, les pères, les aïeux, Se réveillant d’un profond somme, Ébahis, se frottent les yeux. […] Voilà une voix qui vient d’une poitrine profonde et qui a de l’accent ! […] Ce n’est pas seulement une force de style acquise ou spontanée, un faire particulier dont le poète est doué, c’est quelque chose de plus étonnant et de plus profond. […] Seulement ici l’accent connu, l’accent profond ne vibre pas longtemps. […] Un pas de plus dans le sens de cette poésie, qui est l’extrémité du rayon dont l’âme est le centre ; un pas de plus vers la circonférence des choses, et on trouverait la matière sèche, — sourde-muette inféconde, — la chinoiserie ; et le vers oubliant bientôt sa profonde destinée d’harmonie, ne demanderait plus sa mesure à l’oreille, mais aux yeux !
« Il a disparu ; et il a clos ses jours en paix, dans des termes si courts, objet d’immense envie et de pitié profonde, de haine inextinguible et d’insurmontable affection. […] L’onde est quelquefois plus mêlée, plus trouble dans son cours ; mais elle sort toujours d’une source profonde et brûlante, dont le poëte a pu dire sans trop d’orgueil : Tout souffle, tout rayon, ou propice ou fatal, Fait reluire ou briller mon âme de cristal, Mon âme aux mille voix, que le Dieu que j’adore Mit au centre de tout, comme un éclat sonore. […] Dans sa trentième année cependant, touchée de l’attachement profond que ressentait pour elle un jeune et célèbre député des cortès, élevé par la révolution au titre de chef politique de Madrid, elle lui donna sa main ; mais ce choix ne devait être que la consolation et l’orgueil d’un mourant. […] Sur cet écueil même le colossal fantôme, voilé en silence de son manteau de gloire, voyant passer les révolutions et les lois, demeure pour les peuples et les princes un formidable enseignement. » Un discours de M. de Lamartine, à la même date, avait quelque chose de cette raison profonde cachée sous la poésie. […] Son désir audacieux s’épouvante de sa faiblesse ; et, arrêtée par un profond vertige, elle épuise sa force en convulsions, déprimant aujourd’hui ce qu’hier elle exaltait, et faisant inutilement trembler le monde. » Nous n’osons suivre le poëte dans toute sa pieuse ferveur, ne pouvant lui emprunter le charme de son harmonie.
Une sensibilité rêveuse et profonde est un des plus grands charmes de quelques ouvrages modernes ; et ce sont les femmes qui, ne connaissant de la vie que la faculté d’aimer, ont fait passer la douceur de leurs impressions dans le style de quelques écrivains. […] L’impression de ce genre de style pourrait se comparer à l’effet que produit la révélation d’un grand secret ; il vous semble aussi que beaucoup de pensées ont précédé la pensée qu’on vous exprime, que chaque idée se rapporte à des méditations profondes, et qu’un mot vous permet tout à coup de porter vos regards dans les régions immenses que le génie a parcourues. […] Les habitudes ou les préjugés, dans les pays gouvernés despotiquement, peuvent encore souvent inspirer des actes brillants de courage militaire ; mais le pénible et continuel dévouement des emplois civils et des vertus législatives, le sacrifice désintéressé de toute sa vie à la chose publique, n’appartient qu’à la passion profonde de la liberté.
* * * Cependant, une telle frénésie qui agite les hommes de vingt ans, à cause de leur éducation et par l’effet du profond tremblement dont fut marquée la terre française en 1870, à quoi pouvons-nous l’occuper ? […] Que l’on compare ces écrivains avec les délicieux dandys, de qui les esprits si confus ont paru naguère touchés, à la fois, par les grondantes tempêtes rythmiques que déchaîne l’orchestre de Wagner, et par tant de fades afféteries : à part Maurice Barrès, infiniment lucide, solide et frémissant, je ne pense point qu’on trouve dans cette stérile génération des hommes en qui tressaillent nos profondes énergies. […] Mais à une époque de profond repos il faut de pacifiques poètes.
La physiologie elle-même, par l’organe de ses plus grands maîtres, n’hésite pas à reconnaître la profonde ignorance où nous sommes encore, où nous serons peut-être toujours, sur les fonctions cérébrales. […] Non-seulement nous ne comprenons pas et nous ne comprendrons jamais comment des traces quelconques imprimées dans notre cervelle peuvent être perçues de notre esprit ou y produire des images, mais, quelque délicates que soient nos recherches, ces traces ne se montrent en aucune façon à nos yeux, et nous ignorons entièrement quelle est leur nature. » Le savant et profond physiologiste allemand Müller s’exprime en termes non moins significatifs. […] Voyez sur cette question de l’habitude, si intimement liée à celle de la mémoire, le profond écrit de M.
Il y a aussi beaucoup à profiter dans la lecture des Mêlanges de M. d’Alembert : philosophe profond qui a toute la finesse de Fontenelle, toutes ses connoissances & une force de style que Fontenelle n’avoit point. […] Le Traité des Sens de M. le Cat est très-bon ; & les autres ouvrages du même chirurgien décélent un métaphysicien profond & un observateur exact. […] Il a donné encore une histoire de l’Astronomie digne de ses profondes connoissances.
Très apprécié de Guéroult, qui aima le talent comme les gens qui en ont, Jules Levallois fit régulièrement des articles ; mais le critique militant devint un jour un irrégulier et ce n’était pas étonnant : il se produisit en lui un grand changement, ou du moins une modification profonde… Il devenait ermite, et, au lieu de chercher les petites bêtes dans les œuvres littéraires où il y en a souvent beaucoup, il chercha dans les bois et il étudia les fourmis. […] … Je laisserai donc là le naturaliste, s’il vous plaît, le naturaliste d’attraction, d’observation, de science devinée, puis cultivée, qui deviendra peut-être profonde si Μ. […] Croire que la contemplation des choses naturelles, que la solitude dans les bois ou sur les rivages a cette puissance de retremper la volonté, viciée en son principe, dans l’homme, et de le rendre un être moral plus fort et plus profond qu’avant de se promener sur ce rivage et dans ces bois, s’imaginer qu’on devient vertueux par l’influence du paysage, c’est la rêverie et l’illusion de quelqu’un qui aime mieux la nature qu’il ne comprend l’humanité.
Vous les verriez pénétrés de douleur, saisis d’une terreur profonde, à ces naïves paroles adressées par la plus fidèle amante à son assassin. […] Mais ce grand homme, le plus habile des poètes dramatiques de tous les pays et de tous les siècles, avait autant d’esprit que de génie : un goût sûr, un art profond dirigeait son talent flexible : il a su, sans qu’on y prît garde, se dégrever lui-même, et payer son tribut en une monnaie bien plus pure que celle qu’on voulait exiger de lui. […] Tandis qu’ils dédaignent cette mythologie grecque, qui ouvre l’histoire et se confond presque avec elle, ces brillantes conceptions de l’antiquité qui charment l’esprit sans l’abuser, ces ingénieuses fictions qui enveloppent une instruction profonde ; il leur faut des nécromants, des sorciers, des fées, des diables, tous les monstres nés de l’ignorance et sortis des ténèbres du moyen âge. […] Les passions politiques que l’histoire nous montre si énergiques chez les anciens, si dégradées et si perfides au moyen âge, si actives et si profondes dans les temps modernes, sont le principal ressort de plusieurs pièces romantiques. […] L’imitation est ici une simple copie, là un tableau original : selon les uns, il n’y a pas de théorie entre la nature et l’art ; selon les autres, l’art n’existe que par le goût, profond système d’études attentives, de conditions rigoureuses et de conventions raisonnables.
C’est, au contraire, un génie sui generis, — simple, spontané et profond, il a trop le cachet de la sibylle antique pour s’arranger aussi petitement que Sainte-Beuve semble le croire. […] Pour cet esprit divinateur en tant de choses, le génie qu’il a essayé de pénétrer, quoique mollement éclairé dans sa partie centrale et profonde, a cependant des côtés mis heureusement en plus vive lumière, et l’un des plus frappants c’est le vieux Latin dans le doux Virgile, que Sainte-Beuve a très bien su voir. […] Sainte-Beuve a fait Joseph Delorme, la poésie la plus profonde du siècle, la plus malade, la plus saignante, la plus magnifique de laideur et de réalité. […] Quand on tient par l’affection ou par l’admiration à la gloire d’un homme ou au charme incontesté d’une femme, il n’est permis, sous aucun prétexte, de publier des choses si évidemment, si manifestement inférieures que cette gloire et ce charme en reçoivent une profonde atteinte. […] Certainement, on a du talent, mais ce n’est pas ce talent naturel qui fait écrire une jolie lettre et que les études les plus attentives et les plus profondes ne peuvent donner.
Les principes, la conscience, les questions morales qui dorment sous le sol de l’histoire, et qui en sont le feu central et la vie, tous ces profonds problèmes, qui forment le sens même de la Destinée humaine, ne lui importent guère. […] Cependant, quoique à chaque ouvrage qui paraissait, il y eût un dépouillement plus profond des qualités qu’on pouvait remarquer encore dans l’ouvrage qui avait précédé, c’est particulièrement dans ces dernières années que M. […] Ni donc, en ces sortes de femmes, le degré plus ou moins profond de corruption, ni même des qualités restées saines et charmantes, ne peuvent entrer en considération avec le mal absolu d’un vice élevé jusqu’à la hauteur d’une fonction ! […] Elle y fut plus spirituelle que lui qui y aplatit son génie ; mais l’esprit politique n’est pas seulement la faculté de câliner les amours-propres pour les conduire, c’est du coup d’œil à soi et une habileté plus profonde. […] La dignité de la justice en recevrait une trop profonde atteinte.
Je lui voudrais un esprit plus profond et plus politique. […] Il fallait le génie profond et la tendresse de Racine pour faire parler un cœur de mère. […] Au lieu de chercher ses sujets dans une profonde étude de l’histoire ou dans son propre fonds, il les recevait des passions ou des préjugés de ses contemporains. […] Où la pensée est solide, le sentiment juste et profond, le style ne brille pas ; il pénètre, il frappe, il échauffe. […] Il faut des sentiments généraux et profonds pour une forme que la plénitude du sens fait trouver si simple, que des pensées vagues ou communes font trouver si vide ; il faut des diamants pour de pareils chatons.
Racine, plus profond dans la connaissance de l’art, s’ouvrit une route nouvelle, et la tragédie fut alors l’histoire des passions et le tableau du coeur humain. […] Tous ces différens mérites étoient inconnus avant lui, et il y a joint des traits d’une éloquence frappante, et ces mots sublimes qui, s’échappant d’une ame fortement émue, ébranlent fortement la nôtre, lui donnent une plus grande idée d’elle-même, et y laissent un profond souvenir de l’homme rare à qui elle a dû cette puissante émotion. […] Cette marche si claire et si distincte dans une intrigue qui semblait double, cet art d’entrelacer et de conduire ensemble les deux branches principales de l’action, de manière qu’elles semblent n’en faire qu’une ; cette science profonde, ce mérite de la difficulté vaincue, où se trouvaient-ils avant Racine ? […] Mais ici tout portait l’empreinte de la maturité, tout était mâle, tout était fini : c’était une conception forte et profonde, une exécution sûre et sans aucune tache. […] Mais la blessure que vous avez faite au coeur de l’écrivain sensible n’en est pas moins douloureuse ; la trace en est profonde et sanglante.
On ne peut méconnaître, dès le premier chapitre, que l’auteur n’ait voulu faire sortir de sa confession une moralité utile et sévère : il a voulu, ce semble, montrer la plaie hideuse, profonde, longtemps incurable, que laissent au fond du cœur, et sous l’apparence de guérison, la débauche et la connaissance affreuse qu’elle donne de toute chose, et les instincts insatiables et dépravés qu’elle inocule. […] Ces trois endroits, d’une effrayante vigueur, accusent dans l’écrivain de vingt-cinq ans75 une observation désespérément profonde ; malgré la crudité de l’exposition, les aveux y sont si réels et si sérieux que je n’y blâmerai pas le cynisme, comme en d’autres passages où l’auteur ne l’a pas évité. […] Ce quart de la Confession, qui commence à l’arrivée d’Octave à la campagne, aussitôt après la mort de son père, et qui se termine dans un hymne de volupté et d’amour, à l’instant de la possession, compose un épisode distinct qui, si on l’imprimait séparément, si on l’isolait des autres parties bien profondes parfois, mais souvent gâtées, aurait son rang à côté des idylles amoureuses les plus choisies, de celles même dont Daphnis et Chloé nous offre l’antique modèle. […] Une expérience secrète qu’on ménage, qu’on dissimule parfois, est plus profonde et plus vraie encore : quand elle s’échappe à distance, par moments, elle impose davantage, et elle se fait croire.
Léon Dierx Dans le jardin fermé dès l’innocent outrage L’arbre ancestral étend ses bras insidieux, Et le poète au cœur profond, peuplé de dieux, En esprit rôde auprès du ténébreux ombrage. […] Des divans profonds comme des tombeaux ». […] Il eût été bien mieux de te proclamer roi, De trompes d’or sonnant d’épouvanter les ondes Et de faire surgir un monde égal à toi Du tumulte pacifié des mers profondes ! […] Dirai-je ton séjour sous les cieux exotiques, Ton amour pour l’étrange, le rare et le beau, Tes maîtresses plus parées que des idoles antiques, Ta pensée plus choisie que le chant des oiseaux, Plus profonde que la mer et que les tombeaux, Plus haute que les colonnades et les portiques… Dirai-je tes amours, tes cris et tes blasphèmes, Tes appels au dieu noir, ta recherche des poisons, La sauge et la ciguë tressées pour tes diadèmes.
Est-il possible de dire vraiment que les panégyriques d’Orphée, les stances dialogiques de Virgile, les sonores sonnets de Pétrarque, les drames éloquents de Shakespeare, les lyriques discours de Hugo, ou les élégies séraphiques de Lamartine ne révèlent pas les mêmes vertus, la même vie secrète et sacrée, la même mélancolie intime, la même foi profonde et sévère que les cris de l’âcre Ézéchiel ou que la soumission de Job, que les contes du bon Saint Mathieu ou que les sentences de David, que toutes les pages des Évangiles ou de la Bible ? […] Ses livres se constituent de ces notions, La quantité de connaissances qui lui ont été nécessaires pour écrire une œuvre aussi vaste, aussi variée, aussi exacte et aussi profonde que la sienne, est prodigieuse. […] La profonde purification qui s’opère par l’esthétique doit d’abord être faite en nous. […] Ce profond désir de fonder une race héroïque qui soulève toutes nos poitrines, ce grand et magnifique génie l’a conçu à son tour irrésistiblement.
Un livre donc qui nous ferait connaître la Russie, qui nous la montrerait tout entière, non dans les clartés d’éclairs du renseignement, mais dans la calme, profonde et fixe lumière de l’Histoire, un livre pareil, à toute époque, serait digne d’occuper la curiosité de la Critique ; mais, aujourd’hui, il mériterait de la passionner. […] Mais ce qui est l’histoire dans sa partie intime, profonde, indiscrète, on l’ignore. […] Les sources historiques les plus profondes, malgré le limon de la personnalité qui s’y mêle, sont très certainement les Mémoires, et, nous l’avons dit plus haut, les Mémoires n’existent pas en Russie. […] Qu’y a-t-il de compliqué, d’entremêlé, de profond, de savant, de nuancé, dans cette société russe, imitatrice par en haut, sauvage par en bas, et qui croit à ses maîtres comme à saint Serge et à sainte Anne, c’est-à-dire plus qu’à Dieu, pour qu’il nous faille un observateur et un peintre, sous peine de ne pas la comprendre ?
C’est donc, dans les détails profonds et fouillés, un sujet neuf… Grand en bloc, grand d’effet et dans la perspective, Christophe Colomb nous apparaissait bien, avec cette Amérique qu’il a tirée de sa tête, comme quelque chose d’assez puissant et d’assez considérable, mais toute cette grandeur avait ses nuages, comme le génie Adamastor dans le poète, et l’indistinct, pouvait-on croire, augmentait encore cette grandeur. […] Cette reprise hardie de la tradition catholique où le génie de Bossuet l’avait laissée, cette reprise sans fausse honte, sans embarras, dans la simplicité d’une foi profonde, voilà ce qui devra faire autour du livre en question plus de bruit que l’intérêt d’une gloire, placée trop haut pour nous toucher ! […] Tel est le sens profond et l’originalité de cette histoire. […] Avec une sagacité singulière et une puissance de rapprochement qui n’oublie rien et centralise tout, il est allé chercher jusque dans le nom de Christophe Colomb (Christum ferens) et la légende du géant saint Christophe, qui passe le Christ sur ses épaules, à travers les eaux, des analogies prophétiques, comme la tradition catholique a toujours permis à l’écrivain d’en dégager… Par-là, il a complété le profond mysticisme de son œuvre.
Ce pauvre temps a bien d’autres babioles à lire et à vanter que des livres profonds en Histoire, et en une histoire qui n’est pas la sienne ! […] Il y voir clair, et il y fait voir clair… Avec sa profonde manière d’attaquer l’Histoire, il pourrait être obscur comme un allemand ; et il brille de la clarté la plus française. […] Si elle se transforma, si elle se romanisa, si elle s’imprégna de l’esprit romain au point que le Druidisme, c’est-à-dire ce qui devait être le plus profond en elle, disparut en deux générations, c’est que sa volonté, à elle, était dans cette transformation. […] Dans la partie de son volume occupée par les Mérovingiens, le profond historien s’acharne à prouver qu’il n’y eut jamais dépossession d’une race par une autre race.
C’est un Benvenuto Cellini littéraire ; mais qui dit littéraire dit un Benvenuto bien autrement compliqué et profond qu’un simple Benvenuto plastique… Par la précision, la torsion, le mordant du mot, Léon Gozlan a des consanguinités avec Théophile Gautier, qui a cru faire une belle chose de dédoubler l’art intellectuel d’écrire et de le descendre presque au niveau d’un art plastique. […] Comme, à leur tour, ces derniers doivent l’emporter sur les autres esprits qui ne pensent à vivre que dans la conscience de leur force et dans leur enthousiaste ou profond besoin de la manifester. […] Stendhal, si vigoureusement organisé, mais athée, dont la supériorité se rompait à l’athéisme comme l’épée se rompt à trois pouces de sa garde ; Stendhal, dont toute la moralité n’est que dans le mot terrible : « Ne se repentir jamais », n’en eut pas moins l’esprit social, profond et acéré. […] Il n’avait, il est vrai, aucune des énormités de Balzac, ce Pantagruel littéraire, savant comme Rabelais, érudit comme tout un couvent de Bénédictins… Gozlan, qui a toujours caché sa vie avec une coquetterie profonde, devait avoir de son vaisseau négrier dans l’éducation.
Michel Morin, le Régicide, Florence ou la Religieuse, sont des romans sans grandeur d’invention ou sans observation profonde, dans lesquels le sentiment chrétien se sauva seul des naufrages de la pensée. […] L’Angleterre, nation superbement profonde, qui a donné au Roman tous ses développements et l’a élevé à ce degré de variété, d’analyse et de puissance qui ne peut pas être surpassé, l’Angleterre avait créé aussi la biographie. […] Mais la vérité complète, la vérité dans sa variété infinie, tel est le but, plus profond que la forme, de toute histoire, et qui restera à atteindre, quand il n’y aurait plus de littérature, jusqu’au jour de la mort de l’esprit humain. […] Nous savons bien que tout est danger, même l’histoire, et que le mot d’Omar est le plus profond qui ait été dit… Mais puisque le silence, que Goethe finit par adorer, ne peut remplacer ce langage qu’il trouvait désœuvré, frivole, inutile et qu’il eût pu trouver pervers, ne faut-il pas opposer les livres aux livres comme le poison au poison ? […] Hormis dans ses récits, où l’on sent, à certaines touches profondes, que le cœur de l’historien connaît les épreuves dont le talent, pour être grand, a besoin comme la sainteté, Audin ne trahissait rien du mal intérieur de toute vie.
Jetons un regard sur nous-mêmes, et demandons-nous si dans notre vie, dans notre cœur, depuis l’âge de la jeunesse jusqu’à celui des dernières années, il n’y a pas de ces distances infinies, de ces abîmes secrets, de ces ruines morales peut-être, qui, pour être plus cachées, n’en sont pas moins réelles et profondes. […] Sa forme profonde d’esprit était la foi : croire à une choseou à son contraire, n’importe ! […] « Il y a un désordre profond dans les esprits ; on ne s’entend sur rien : la société des intelligences est dissoute… Depuis que je suis ici (à Paris), je crois être à Charenton, et pis que cela. » (18 février 1826.) […] Ainsi, à cette même comtesse de Senfft, après qu’il a franchi son Rubicon et qu’il a pris pied sur l’autre rivage : « Plus je vais, plus je m’émerveille de voir à quel point les opinions qui ont en nous les plus profondes racines dépendent du temps où nous avons vécu, de la société où nous sommes nés, et de mille circonstances également passagères. […] insensé bien souvent, hors de toute mesure, mais avec ce profond sentiment des infirmités sociales et des souffrances populaires, en faveur duquel il lui sera beaucoup pardonné.
Hugo était alors dans son premier éclat de lyrisme, et il avait déjà écrit la préface de Cromwell ; il avait des admirateurs très vifs dans la famille qui régnait aux Débats, et plus d’un allié dans la place : Armand Bertin, un peu plus mûr et de nature volontiers sceptique, mêlait bien, je le crois, à ses applaudissements quelques légères plaisanteries et quelques réserves ; mais son frère Édouard, le peintre au pinceau sévère, ce Schnetz du paysage, mais Mlle Louise, nature poétique et profonde, étaient tout gagnés aux idées et aux enthousiasmes de la génération à laquelle ils appartenaient et faisaient honneur par leur talent. […] Molière, sans songer précisément à la politique, en avait sans doute tiré des jours profonds pour la peinture morale de l’espèce, pour sa comédie dont le rire inextinguible ne saurait faire oublier les sanglantes morsures et les perpétuelles insultes à la guenille humaine. […] Si l’on excepte La Rochefoucauld qui fait son profit de l’expérience pour écrire un livre profond, et Retz qui s’en inspire pour écrire les Mémoires les plus vivants et les plus amusants, rien de cette révolution avortée de la Fronde.ne tourne précisément aux lumières. […] Dès le milieu du règne de Louis XIV, tout était tourné à la règle étroite, à la dévotion, et le profit moral, la dose de connaissance morale dont on parle, et qui d’ailleurs n’était propre qu’à un petit nombre d’individus d’élite dans une génération à peu près parue, étaient dès longtemps épuisés ; la révocation de l’Édit de Nantes, et l’approbation presque entière qu’elle reçut dans les régions élevées et de la part de quelques-uns de ceux même qui auraient dû être des juges, l’inintelligence profonde où l’on fut à la Cour de la révolution anglaise de 1688 et de l’avènement de Guillaume, montrent assez que les lumières étaient loin et que les plus gens d’esprit en manquaient. […] Sieyès, cette tête profonde qui avait conçu avant 89 la reconstitution totale de la société et, qui plus est, de l’entendement humain, cet esprit supérieur a pu tomber dans le découragement et dans l’apathie quand il a vu la refonte sociale dont il avait médité et dessiné le plan échopper à son empreinte ; l’artiste en lui, l’architecte boudait encore plus que le philosophe ; il était injuste envers lui-même et envers son œuvre qui se poursuivait sous les formes les moins prévues, mais qui se poursuivait, c’est l’essentiel : qu’on relise sa célèbre brochure, et qu’on se demande s’il n’a pas gagné la partie et si le Tiers-État n’est pas tout.
Éloa, cette sublimité dans le délicat et le pur, avait eu le succès qui convenait, — un succès chaste, comme elle, plus profond que sonore ; mais trois ans après, jour pour jour, Vigny, qui voulait mettre une fleur de prose à côté de cette fleur de poésie qui était sortie de sa pensée, calice de parfum et de blancheur, comme le nénuphar sort d’une eau limpide, Vigny publia Cinq-Mars, un roman historique bien plus inspiré, selon moi, par Walter Scott, alors régnant, qu’il n’est produit par une fantaisie vraiment libre ou une combinaison irréfléchie. […] Il fallait se rappeler encore — et surtout — l’art profond de ce créateur du roman historique qu’il est de mode présentement d’abaisser, mais qui restera immortellement ce qu’il est : le premier des hommes après Shakespeare, et, comme lui, se bien garder de mettre sur le premier plan une histoire connue et sur laquelle la Rêverie, comme la Curiosité, s’est épuisée ; mais la donner pour fond, dans la vapeur féconde des distances et l’adoucissement des lointains, à une autre histoire inventée, celle-là, avec ses séries d’incidents et son cortège de personnages ! […] Mais voilà pourtant la vérité certaine dont, avant le livre de Ratisbonne, personne ne se doutait sur l’auteur d’Éloa, sur ce Calme qui cachait un Profond… Cependant, quand je dis personne, je dis trop. […] C’est une conception de la vie humaine : « Je me figure — dit Vigny — une foule d’hommes, de femmes et d’enfants, saisis dans un sommeil profond. […] Maintenant que le Beaumanoir s’est démasqué, après son rude combat contre la vie, on n’a retrouvé au fond du masque que la noirceur du désespoir, et c’est là ce qui fera la physionomie d’Alfred de Vigny supérieure à celle de tous les poètes de son temps, qui n’ont pas souffert d’une blessure si haute et si profonde que lui.
un homme d’esprit railleur devant un génie inventeur, haut et profond comme la nature. […] De l’autre côté, dans une petite hutte pareille, le duc était couché et dormait d’un profond sommeil. […] Le sommeil du peuple était trop profond pour que les secousses même les plus fortes puissent aujourd’hui le réveiller si promptement. […] Le matin qui suivit le jour de sa mort, je me sentis un profond désir de voir sa dépouille terrestre. […] En Angleterre, Shakespeare seul est plus abondant, mais moins profond et moins parfait.
Identité profonde, encore, dans telles menues prescriptions secondaires. […] Ainsi le parallèle s’achève, montrant, complète et profonde, chez les deux philosophes, l’accordance des théories. […] Plus profonde, une autre raison. […] C’est la vieille doctrine d’Épicure : combien plus profonde ? […] Woglinde s’est envolée sur un troisième rocher, très profond, et Alberich grimpe hâtif vers elle.
Le mot à mot hardi, mais pénétrant, mais qui nous donne le sens profond, incompatible et péremptoire, qui fait enfin d’une traduction autant que possible la chose indigène, le mot à mot y est-il maintenu avec le despotisme d’une vérité ? […] Et parmi les critiques plus ou moins profonds, plus ou moins ingénieux, mais certainement mieux inspirés que François-Victor Hugo, les uns ont cherché à rétablir l’ordre chronologique dans les œuvres de Shakespeare, comme d’autres ont cherché à préciser les connaissances, l’éducation la religion de Shakespeare. […] Roméo est plus profond que cela. […] Mais, qu’on me permette de le dire, j’oserais croire qu’il y a dans Lear un arrangement d’art plus profond des articulations plus formidables, et que jamais Shakespeare n’a campé debout de création plus forte et qu’il ait fait marcher de ce pas-là devant nos esprits confondus ! […] Je ne sache rien, pour mon compte, d’aussi profond et d’aussi touchant que ce drame de Henri V, dont on parle beaucoup moins que des autres pièces de Shakespeare, précisément parce que la distinction en est plus exquise, et dont M.
Et de là dérive sa moralité vraie, profonde, définitive, qui n’est d’ailleurs pas la même que celle d’un traité de morale ou d’un catéchisme. […] Dans la musique moderne, l’effet profond des dissonances ne s’explique suffisamment que par leur valeur expressive. […] Il ne restera que ce qui était profond, ce qui avait laissé en nous une trace vive et vivace : la fraîcheur de l’air, la mollesse de l’herbe, les teintes des feuillages, les sinuosités de la rivière, etc. […] Les seules émotions qui vivent encore sous cette neige, ou qui sont prêtes à revivre, ce sont celles qui ont été profondes et grandes. […] Mais les poètes doivent une double déployer vision : avoir des yeux pour voir les choses rapprochées avec autant de largeur que s’ils prenaient leur point de vue de loin, et les choses distantes d’une façon aussi intime et profonde que s’ils les touchaient.
Certes j’admire Hugo pour ses imageries somptueuses, son souffle d’ouragan, sa belle allure épique, mais d’autres ont mieux su émouvoir les cordes secrètes de ma sympathie : Lamartine, le pur et profond rêveur, Baudelaire, ce sensitif et ce voyant, Laforgue, ce tendre et ce narquois… et surtout Verlaine, surtout. […] Poète de sentiment et d’intimité profonde, sa brûlante douceur a touché pour jamais la chair de notre cœur. […] — Sans retrancher rien d’une admiration profonde — et parfois étonnée — pour Victor Hugo, je lui préfère Alfred de Vigny. […] — Ayant passé, en compagnie de plusieurs, de suaves et profondes minutes, j’hésite aujourd’hui quelque peu sur le choix unique. […] Peut-être donnerais-je la palme à Alfred de Vigny, tout pénible et court d’haleine qu’il puisse être, pour quelques vers, singulièrement sincères, profonds et humains qu’il a écrits dans ses moments heureux et pour l’admirable attitude qu’il a gardée dans toute sa vie.
Cette science du Beau, à la pousser à sa limite, à la creuser jusqu’aux principes, on lui découvre des racines profondes qui tiennent à la constitution de notre être. […] Pour illustrer sa profonde théorie, M. […] Au-devant de mes pas s’avancent les retraites profondes. […] De ce Poème total le parnassien ne comprend pas l’esprit, ne saisit pas le sens profond, s’en tient à la lettre, à une version humaine à une Belle infidèle. […] Brunetière, avec le sentiment ou l’idée à traduire, est donc autrement profond, constitutif, approprié.
Quelle blessure profonde l’a donc fait se détourner ? […] Il exécutait lentement et laborieusement, non certes pour un souci puéril et inintelligent de la forme, mais par un respect profond pour l’idée qui veut des vêtements décents et honnêtes… [Alfred de Vigny (1868).] […] Je voudrais essayer de montrer, en m’en tenant aux cinq morceaux dont j’ai cité les titres, en quoi ces œuvres d’un art raffiné traduisent quelques-unes des plus profondes aspirations de l’âme contemporaine.
Esprits raccourcis et passionnés, nous ne pensons, guères qu’à ce bout de toile historique dont nous sommes les tisserands d’un jour ou à ce qui peut directement s’y rattacher, et nous oublions trop que l’Histoire est particulièrement, dans sa notion pure et profonde, le récit des choses entièrement finies, des mondes entièrement disparus. […] Cette école, dont Augustin Thierry, revenu à la Vérité, se sépare, dit-on, par le plus généreux travail entrepris sur le livre qui a fait la gloire de sa vie (Histoire de la conquête de l’Angleterre), cette école, qui n’eut jamais d’ailleurs l’insouciante hardiesse de son fondateur, cache maintenant, sous des formes modérées et cauteleusement respectueuses, une hostilité contre le Christianisme, arrêtée et profonde. […] Car, pour comprendre le Moyen Âge, cette gestation laborieuse et profonde d’une société qui a fini par s’organiser dans la plus merveilleuse harmonie, il faut avoir de deux choses l’une ou la raison du grand historien qui voit l’entre-deux et le dessous des faits, qui en perçoit les causes et les détermine, ou la sensibilité du grand poète qui, par le sentiment et une transposition sublime de son être dans le passé, arrive à l’intuition complète du temps qui n’est plus.
Sa préface atteste, au contraire, cet enfoncement un peu plus profond dans l’erreur, qui chez les natures de ce poids doit être avant peu une disparition complète. […] Assurément, une si profonde vulgarité ne valait guères la peine d’occuper le loisir d’un esprit qui a le sens pratique et résolu des choses, et dont le livre (s’il l’était pas une étude de rhéteur) devait être une espèce le Traité du prince, élevé à la hauteur des périls que court la civilisation elle-même à cette heure, et armer l’État, puisqu’il en veut la prépondérance, contre les révolutions ou l’esprit révolutionnaire qui le diminuent chaque jour un peu davantage, en attendant qu’ils l’aient renversé ! […] Il ne sait ni la figurer ni la montrer dans son individualité profonde, ni la dessiner dans ses attributs invariables.
Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent. […] On n’osait approcher ; on n’osait même adresser la parole à un prince toujours caché dans l’ombre, et fuyant les regards, et qui ne sortait de sa profonde solitude que pour faire de Rome un désert. Cependant dans ces murs même et dans ces retraites profondes auxquelles il avait confié sa sûreté, il enferma avec lui un dieu vengeur des crimes27. » Et un moment après il nous peint les statues de Domitien abattues, une foule empressée, le fer et la hache à la main, ardente à mutiler ces images d’or, comme si leurs coups tombaient sur le tyran.
Raymond Christoflour, vient à mon aide avec des réflexions sur la poésie où il distingue, beaucoup mieux que Fagus, dans les divers stades de la création poétique, la cause profonde unifiante. […] Bien qu’elle se forme dans notre zone profonde, l’expérience poétique, comme, d’ailleurs, l’expérience mystique, met en branle toutes nos facultés, et jusqu’à nos sens. […] Comme elles nous aideraient à pénétrer le sens profond des poèmes du verbe ! […] Cette musique, néanmoins, est d’une telle nature, qu’à la manière d’un sortilège, elle provoque directement, dans l’âme profonde, non pas de tout lecteur, mais de quelques-uns, cette expérience de réalisation, d’union au réel. […] Tant que ce travail est profond, comment serait-il véritablement conscient ?
Elles ont toujours précédé les sciences profondes ; elles ont décoré leur surface, & c’est par cet artifice ingénieux que la Nation les a d’abord adoptées, puis chéries. […] Il faudroit avoir une idée profonde & juste & de l’image réelle & de l’imitation parfaite, pour déterminer, avec précision, le sens de ce mot abstrait. […] Le génie n’est pas toujours une succession perpétuelle d’idées rares & profondes, mais un tissu d’idées de toute espece, & qui ne renferment rien que d’utile. […] Ce qui empêchera toujours les Ecrivains de devenir profonds, c’est de n’écrire point ce qu’ils sentent avec le plus de force. […] Il n’y a de rire doux & profond que le rire que la morale avoue.
Il « légifère » ; il ordonne aux êtres de surgir en les appelant et il fait sentir leur relation profonde. […] Sa pensée même, comme toute pensée primitive et véritablement profonde, est sensuelle. […] Ce souterrain, cette « eau dormante et très profonde » et ce retour à la lumière, il a bien fallu qu’il les décrivît. […] Assauts profonds et sauvages. […] Livre de si profonde et dangereuse importance qu’on ne résiste pas à la tentation d’en recueillir le sens.
Elle nous montre que le sens profond de la douleur est rare. […] Il est marqué d’une empreinte profonde par le grand problème de la liberté et de la fatalité. […] Loti, ce nomade, a le sentiment profond du pays natal. […] Profond sentiment de la fraternité humaine ! […] C’est là le sens profond du mot terrible : Abêtissez-vous.
Et l’extraordinaire petite Madge, la fille du moulin, qui en trois gestes et trois paroles nous révèle une vie presque aussi fantasquement profonde que celle de la miraculeuse Hilde d’Ibsen. […] Et Bûchette et Jeanie, qui regarde en dedans, et Ilsée, Ilsée qui est l’apparition la plus essentielle que je sache ; et Marjolaine qui, la nuit, jette des grains de sable contre les sept cruches multicolores et pleines de rêves, et Cice, la petite sœur de Cendrillon, Cice et son chat qui attendent le prince ; et Lily, puis Monelle qui revient… Je ne puis tout citer de ces pages, les plus parfaites qui soient dans nos littératures, les plus simples et les plus religieusement profondes qu’il m’ait été donné de lire, et qui, par je ne sais quel sortilège admirable, semblent flotter sans cesse entre, deux éternités indécises… Je ne puis tout citer ; mais, cependant, la Fuite de Monelle, cette Fuite de Monelle qui est un chef-d’œuvre d’une incomparable douceur, et sa patience et son royaume et sa résurrection, lorsque ce livre se renferme sur d’autres paroles de l’enfant, qui entourent d’âme toute l’œuvre, comme les vieilles villes étaient entourées d’eau… [Mercure de France (août 1894).]
Si le profond géomètre Euler est resté une bonne vieille femme, c’est un cas aussi extraordinaire que celui de Pascal. […] L’Analyse des chances 25, par Moivre, est trop profonde et trop étendue. […] Elle suppose une érudition profonde, une dialectique peu commune, un maître versé dans presque toutes les langues connues, un Gebelin53 ou quelque autre. […] Et les ouvrages de Platon, abrégés de la science universelle, sont trop profonds, même pour les maîtres, et je les crois au moins aussi propres à gâter l’esprit qu’à perfectionner le style. […] Mais surtout Du choix et de la place des mots, par Denys d’Halicarnasse77, ouvrage profond.
Lui-même l’a pressentie, cette question et il l’a touchée dans une notice sur l’étonnant Américain, beau morceau de biographie, fièrement abordé, mais qui pouvait, ce nous semble, être plus creusé et plus profond encore. […] Tout est, en ce grand déclassé, sinistre, noir, terrible, d’un désordre profond et tragiquement volontaire. […] dans ces Histoires extraordinaires qui le sont bien moins par le fond des choses que par le procédé d’art du conteur, sur lequel nous reviendrons, et qui est, à la vérité, extraordinaire, il n’y a rien de plus élevé, de plus profond et de plus beau, en sentiment humain, que la curiosité et la peur, — ces deux choses vulgaires ? […] Machiavélique côté de son génie, qui touche ici à la rouerie profonde du jongleur, et où le poète, le poète, ce Spontané divin, expire dans les exhibitions affreuses du charlatan et du travailleur américain ! […] Cette âme résista et elle resta, avec un souvenir immortellement saignant, mais aussi avec les besoins non moins immortels de tendresse, d’expansion, de confiance et d’intimité qui furent toujours en Edgar Poe, le platoniste passionné, d’une pureté si profonde, et pour qui la conception de la femme dans ses œuvres est presque aérienne !
La transformation fut profonde. […] Tout cela constituait une division profonde dans la maison. […] Posuit in visceribus hominis sapientiam était son texte favori ; il ne songeait pas que, si, pour trouver le vrai et le bien, l’homme n’a qu’à rentrer dans le plus profond de son cœur le Catéchisme de M. […] L’exemple de tant de grands esprits, qui avaient vu si profond dans la nature et qui pourtant étaient restés chrétiens, me retenait. […] » Il n’estimait que la théologie, et avait un profond mépris pour la littérature.
Doux, rapide, abondant, magnifique, nerveux, Creusant dans les détours de ces âmes profondes, S’y teindre, s’y tremper de leurs couleurs fécondes ? […] Mais est-ce là tout, et en dehors du détail des expériences et de la formule précise, qui échappent au poète, n’y a-t-il pas pour lui, au contact de la science, bien des sources profondes et neuves d’inspiration ? […] S’il vous est arrivé de causer avec un grand astronome ou un grand chimiste, assurément vous n’aurez pu échapper à la fascination de l’enthousiasme grave dont ces intelligences sont remplies et qui n’est que la sympathie profonde pour les objets dont elles sont possédées, l’émotion des découvertes déjà faites, le tourment vague et délicieux de celles qui restent à faire. […] C’est ce que cet illustre et cher Claude Bernard aimait à nous répéter dans des entretiens intimes : « Pour le vrai savant, nous disait-il, la joie de la découverte est profonde et pure, mais elle est courte. […] Cache un accord profond des destins balancés.
Mais les émotions les plus subtiles et les plus profondes sont recréées, seulement, par un art spécial, incapable de toute autre destination, par la Musique. […] Par quel mystérieux enchaînement de circonstances historiques fut acquis aux sons le pouvoir d’évoquer les profondes émotions de l’esprit ? […] Il éprouvait des émotions très profondes : il les voulut traduire par le moyen du langage que lui avaient livré les musiciens. […] Celui-là, cependant, éprouvait avec une intensité singulière les émotions, profondes et polies, de son pays et de son temps. […] Sous le coup d’un irrésistible amour, dans l’embrasement de ses désirs, le poète sentit surgir l’étonnante tragédie du profond de son âme.
Dans cette matière, les hommes du moyen âge mettaient à part deux groupes : les poèmes tirés de l’antiquité, qu’ils vénéraient pour leur origine, comme dépositaires d’une profonde sagesse, et les poèmes celtiques, dont la brillante « vanité » les amusait. […] Au fond, toujours ou presque toujours, l’amour, non pas l’appétit brutal des chansons de geste, ni la fine rhétorique du lyrisme méridional, mais le sentiment profond, ardent, qui emplit une âme et une vie, qui y verse seul le bonheur ou le malheur. […] Son positivisme lucide vide les merveilleux symboles du génie celtique de leur contenu, de leur sens profond extra-rationnel, et les réduit à de sèches réalités d’un net et capricieux dessin. […] Cet amour-là était trop fort, trop sérieux, trop profond. […] Peut-être plus profonds, plus passionnés, moins attachés aux faits sensibles et aux sentiments superficiels, nos écrivains eussent-ils été moins universellement compris, moins constamment goûtés.
Je constate d’abord la profonde différence entre le roman populaire, qui serait, par définition, une œuvre d’art destinée à l’éducation du peuple, et le roman-feuilleton, qui n’est pas une œuvre d’art et ne vise qu’à l’amusement. […] Pour peindre la fille de la malheureuse Fantine, abandonnée, livrée à un couple affreux d’aubergistes de campagne qui la maltraitent, il met presque autant de pages que pour raconter Waterloo ; il accumule des détails et des scènes d’une puérilité admirable et profonde. […] Nos pères, enseignés par le christianisme, avaient un sens plus profond de l’égalité, dont nous parlons sans cesse, mais à laquelle nous avons tant de peine à souscrire. […] Voilà la mine où, désormais, nous devrons puiser, et qui nous fournira des sujets neufs et profonds, plus poignants assurément que ce sempiternel adultère dont la foule est écœurée. […] Je connaissais les paroles et la musique tendre et grôle qui célébraient la tribu, les tentes rayées de noir, les coups de main audacieux, les razzias et le regard profond des femmes qui voient partir le guerrier.
II Association des émotions et appétitions Le mécanisme de l’association des idées, que nous venons de décrire, n’a-t-il pas lui même pour ressort interne quelque chose de plus profond, le processus appétitif ? […] D’ailleurs, ce contraste vécu n’est pas absolument irréductible à une identité plus profonde, celle de la volonté avec elle-même, celle de l’appétition tendant toujours au plus grand plaisir. […] On pourrait appeler cette loi profonde d’association « loi de sélection sensible », puisqu’elle fait de notre sensibilité une force d’attraction et de répulsion. […] Enfin je remarque que la vue du cadavre m’avait causé alors une profonde tristesse et que tout à l’heure aussi j’étais triste. » C’est donc la similarité d’émotion, c’est l’état de la sensibilité qui a été la puissance dominatrice et déterminante ; ici encore les idées empruntent leur principale force aux sentiments ou appétitions qui les animent, et la conscience, loin de refléter passivement les impressions, agit pour les accepter ou les repousser. […] Aussi, des ressemblances les plus extérieures et les plus superficielles, comme celles qui tiennent à de simples coïncidences de temps ou de lieu, la pensée dégage peu à peu des ressemblances plus intimes et plus profondes.
et où tout est solide et profond, jusqu’à l’amour qu’on a pour elle. […] On y retrouve au moins l’observation du détail simple, ingénu, domestique, et cette couleur locale, déjà vue et goûtée dans Marie, mais que dans Marie elle-même on voudrait plus profonde ; car nous sommes en Bretagne, et la Bretagne est un pays de clair-obscur. Dans des poésies du genre de celles de Brizeux, précisément, la couleur locale devrait avoir un profond, un bistré, un ton d’or noir, qui eût rappelé l’intérieur enfumé de ces fermes et de ces cabanes, qu’il n’aurait jamais dû quitter, et à la porte desquelles il aurait pu un jour trouver la gloire que Burns y trouva, l’heureux homme ! […] Comparez-le à un autre idyllique-élégiaque, — André Chénier, par exemple, — et malgré tout, malgré l’inspiration sensuelle et païenne, la vieille mythologie usée, tout un monde connu et l’imitation archaïque d’André qui se fait Grec, et aussi malgré l’inspiration chrétienne au contraire, qui donne toujours un accent profond, malgré des mœurs neuves en poésie, et supérieures en morale, enfin malgré tous les détails du pays moins connu et moins classique de ce Breton qui se défait Breton, voyez si l’originalité, l’inoubliable originalité, n’est pas du côté de celui qui devrait être, à ce qu’il semble, le moins original des deux ! […] S’il n’y a point de passion profonde, il y a de la passion attendrie.
Il y plonge par ses racines, il en a gardé le fond ; et parmi ceux qui sont habitués à reconnaître et à démêler ce qui subsiste d’essentiel à travers les transformations morales, je n’étonnerai personne en disant que, sous sa formephilosophique la plus consommée, il a encore de sa race première certains traits que lui-même a notés comme les plus profonds et les plus durables, « la foi, le sérieux, l’antipathie pour ce qui est vulgaire, le mépris de la légèreté » ; — oui, la foi, — une sorte de foi, non au surnaturel, mais au divin ; et l’on peut dire en effet que, dans sa manière d’envisager la nature, l’histoire et l’humanité, M. […] À son arrivée dans ce monde sulpicien, il lui semblait, au contraire, se retrouver de nouveau dans son milieu de Bretagne ; entouré d’hommes graves, paisibles, de maîtres instruits (l’abbé Gosselin), quelques-uns profonds et très originaux (l’abbé Pinault, par exemple), il commença à développer lui-même sa propre originalité : « L’éducation ecclésiastique, a-t-il dit, qui a de graves inconvénients quand il s’agit de former le citoyen et l’homme pratique, a d’excellents effets pour réveiller et développer l’originalité de l’esprit. […] Le vieil édifice provisoire s’écroula en lui pierre par pierre ; mais, au moment où il acheva de tomber, il était déjà remplacé par un autre de substruction profonde et solide. […] Après avoir donné à la revue qui paraissait sous le titre de La liberté de penser un morceau très-remarqué entre autres, De l’Origine du langage (1848), il signala bien tôt son entrée à la Revue des Deux Mondes (1851), et presque en même temps au Journal des Débats (1852), par une suite d’essais ou d’articles, parfaits, excellents, où se produisait sur maint sujet d’histoire, de littérature ou d’art, et sous une forme également grave et piquante, cet esprit savant, profond, délicat, fin, fier et un peu dédaigneux.
Par exemple, la théorie d’une langue, celle du grec, suppose une foule de combinaisons abstraites fort au-dessus des connaissances métaphysiques que possédaient les écrivains, qui parlaient cependant cette langue avec tant de charme et de pureté ; mais le langage est l’instrument nécessaire pour acquérir tous les autres développements ; et, par une sorte de prodige, cet instrument existe, sans qu’à la même époque, aucun homme puisse atteindre, dans quelque autre sujet que ce soit, à la puissance d’abstraction qu’exige la composition d’une grammaire ; les auteurs grecs ne doivent point être considérés comme des penseurs aussi profonds que le ferait supposer la métaphysique de leur langue. […] Aucun peuple, donc, n’a réuni pour la poésie autant d’avantages que les Grecs ; mais il leur manquait ce qu’une philosophie plus morale, une sensibilité plus profonde, peuvent ajouter à la poésie même, en y mêlant des idées et des impressions nouvelles. […] Pindare donne ce nom à l’art de triompher dans les courses de char aux jeux olympiques : ainsi les succès, les plaisirs, la volonté des dieux, les devoirs de l’homme, tout se confondait dans ces têtes ardentes, et l’existence sensitive laissait seule des traces profondes. […] Il aimait la liberté, comme assurant à tous les genres de plaisirs la plus grande indépendance ; mais il n’avait pas cette haine profonde de la tyrannie, qu’une certaine dignité de caractère gravait dans l’âme des Romains.
Tout ce qu’il y a de musical dans la versification française venait de subir une profonde rénovation. […] C’est alors un délice, c’est un rafraîchissement inexprimable que ces vers jaillis d’une âme comme d’une source profonde et dont on ne sait « comment ils sont faits ». […] Doué de tous les dons souverains, — beauté, poésie, éloquence, courage, sens profond de l’avenir, et, au-dessus du génie, la bonté, ce génie du cœur, — Lamartine est un des plus nobles êtres qui aient paru sous le ciel de France. […] Si le poète est incapable d’éteindre le Réel, il est aussi affranchi de sa servitude, et le monde du Rêve infini s’ouvre devant son essor… Aujourd’hui que ces poèmes ont perdu, avec leur magie de nouveauté, le prestige que leur assurait une harmonie profonde entre les aspirations du public et les inspirations de l’auteur, il est malaisé de ranger cette œuvre, tour à tour trop admirée et trop négligée, à sa place définitive.
On peut même prétendre que Verlaine est le seul Français ayant dans ses vers cette intimité profonde et émouvante que l’Allemand considère comme le signe particulier du lyrisme, comme elle se retrouve, par exemple, dans les chansons populaires ou les poésies lyriques de pur sentiment de Goethe. […] Camille Mauclair Verlaine a apporté ici le lied, créé une littérature d’ingénuité sentimentale, ennobli l’aveu individuel, mêlé la musique à l’émotion des lettres, donné l’exemple d’un génie se jouant librement, lumineux, tragique ou tendre, puéril et profond, énonçant le moi avec une multiplicité verbale inattendue. […] l’admirable et éternel chef-d’œuvre d’un qui comprit enfin que l’être humain demande autre chose que les jouissances et les souffrances de la vie, et que tout ne réside pas à murmurer de courantes tendresses, si profondes soient-elles, Car qu’est-ce qui nous accompagne, Et vraiment quand la mort viendra, que reste-t-il ? […] Et c’est la profonde prière du fils égaré : « ô mon Dieu, vous m’avez blessé d’amour », puis la contrition : « Je ne veux plus aimer que ma mère Marie », enfin le grand baiser de la suprême paix.
C’est ainsi qu’un charme profond captive sous son empire l’homme de Lettres. […] Que vois-je sur ce vaisseau malheureux, ouvert de toutes parts aux coups de la tempête, qui se précipite dans cette mer profonde ? […] Héraclite céde à son frere le trône d’Ephese, absorbé dans une méditation profonde, il s’enferme dans les tombeaux de ses ancêtres ; c’est dans l’horreur d’un lugubre & majestueux silence qu’il entreprend de percer le voile qui couvre les sciences profondes.
Ceux chez qui l’antinomie arrive à son point culminant de sensibilité douloureuse sont des âmes complexes et délicates, ayant à la fois un besoin profond d’idéal, des aspirations vers une sociabilité supérieure, et un vif sentiment de l’individualité, un esprit d’indépendance qui les prédispose à souffrir des contraintes, des tyrannies et des hypocrisies inséparables de toute vie sociale (Vigny par exemple). […] L’égoïsme revêt des formes plus subtiles, plus compliquées, plus délicates et plus profondes. […] Durkheim n’admettrait pas avec Guyau que l’homme, l’individu, est spontanément sociable et altruiste, qu’il est socialisé d’emblée et qu’il ne peut y avoir conflit entre l’individu et la société et résistance sérieuse et profonde de l’individu à la société. […] À ce mysticisme social, l’individualisme, soit uniciste, soit aristocratique, oppose son athéisme social, son impiété sociologique, son irrespect des idoles sociales : irrespect fondé sur un sentiment profond de l’individualité.
Seulement, parce qu’il a fait son métier de prêtre, désintéressé de gloire humaine, et profond d’intention religieuse, est-ce une raison pour que nous, les critiques mondains, nous soyons dispensés de faire le nôtre, en ne portant pas la lumière sur ce qui est beau de la beauté humaine… et littéraire, la plus nette, la plus pathétique, la plus impérieusement incontestable, et cela indépendamment du sujet sur lequel s’est produite cette beauté inouïe et de l’explication surnaturelle qu’il faut en donner ? […] Il fallut Brentano, — Brentano, ce poëte profond que le rationalisme allemand a dit égaré, parce qu’il est devenu catholique, — Clément Brentano qui, dès qu’il vit la sainte religieuse, s’arracha du front sa couronne de poëte, — de toutes les couronnes celle qui tient le plus au front des hommes, — et la mit aux pieds de l’Extatique, à ces pieds flamboyants et stigmatisés. […] Lisez en effet tous ces récits de la sœur Emmerich, et entre tous, ce splendide et angoissant récit de la Passion, suivie d’heure en heure, de minute en minute, sans rien oublier ; et voyez si la sublimité de l’Évangile a éteint les couleurs de ce récit et diminué son effet déchirant et profond ! […] Ils sont là tous, plus humainement particularisés avec le détail, les mille petits ou profonds coups de poinçon, qui les gravent dans l’esprit au fond duquel ils étaient déjà (mais moins avant), dans la beauté pure de leurs grandes lignes lumineuses !
C’est la grâce attendrie et mélancolique qu’elle avait aussi à la Vie Parisienne, quand cela lui plaisait de l’avoir et qu’elle voulait toucher au plus profond et au plus délicat du cœur ; mais malheureusement ce n’est plus ici la grâce gaie, qui effleurait, sans se cabrer, les choses scabreuses, et donnait aux prudes de ces jolies terreurs dont elle les délivrait toujours ! […] Elle a cru mieux, comme cela, pêcher au succès… Mais moi qui me soucie peu du succès, et qui ne vois dans une œuvre que la puissance qu’elle atteste et que le talent qu’on y a mis, j’aurais aimé à retrouver ici tout entier, dans des proportions plus larges et avec des touches plus profondes, l’esprit qui a écrit tant de pages adorables de hardiesse réussie et trouvé ce trio charmant de Mathilde, Anna et Satin de la Vie Parisienne ! […] … Au lieu d’être simplement exquis, il aurait pu être profond et superbe, s’il eût été seul dans ce livre, et si l’auteur, qui a des ongles assez beaux et assez bien taillés pour être des griffes, avait appuyé davantage, de ces ongles-là, sur son sujet. […] Depuis la première page jusqu’à la dernière de son livre, cette moraliste aimable, qui voit tout et qui sourit de tout, — car elle ne va pas jusqu’au rire, cette délicate, — cette fine femme, assez fine pour être profonde si elle voulait enfoncer l’aiguille de son observation un peu plus, n’a pas oublié du mariage un seul de ces faits qui paraissent n’être rien et qui sont tout, puisque, immanquablement, dans un temps donné, ils tuent l’amour.
Cette période de dix-neuf années, au terme de laquelle une révision et peut-être une réorganisation totale auraient lieu dans la société, est le thème favori de Jefferson : il y revient en maint endroit, tant un respect profond et religieux pour la liberté de ceux qui naîtront se mêle à toutes ses pensées. […] Il admet dans l’homme un sens du juste qui nous a été donné pour nous diriger ; il regrette que le profond auteur du Commentaire sur l’Esprit des lois, ait emprunté sa base morale à Hobbes. […] Une expérience rigoureuse lui avait appris qu’aux maux profonds, aux peines du dedans, il n’est de remède que le temps, le silence absolu, et aussi l’espoir de ce monde invisible où nous nous réunissons dans nos pures essences.
L’unité pratique du Globe parut résider en lui ; nul en effet ne porta plus constamment et ne soutint plus haut dans la lutte le drapeau de liberté, en ralliant alentour bien des défenseurs inégaux du principe, et en les maintenant jusqu’au bout dans une sorte d’harmonie, malgré les diversités profondes et croissantes. […] Plus d’une fois, auparavant, nous avions approché de cette doctrine et de ces communications imparfaites il nous était resté, du moins, pour elle et pour ceux qui la cultivaient, un sentiment profond de sympathie et d’estime. […] Car, nous y insistons, il y a, depuis le premier numéro du Globe jusqu’au dernier, dans sa pensée première, dans le but général qu’il poursuivait, dans une portion constante de sa direction et de ses travaux, une raison profonde pour qu’il ait suivi la marche qu’il a suivie, pour qu’il ait passé par ses transformations diverses, et pour qu’il soit aujourd’hui aux mains dans lesquelles il est.
Entre l’état ancien et l’état nouveau, entre le premier moi, celui de la chenille, et le second moi, celui du papillon, il y a scission profonde, rupture complète. […] Je ne saurais vous dire combien cette sensation était profonde ; il me semblait être transporté extrêmement loin de ce monde, et machinalement je prononçais à haute voix les paroles : Je suis bien, bien loin. […] Il faut distinguer cette première et profonde impression de toutes les autres qui vont suivre. » — En effet, dans ce premier stade, les sensations nouvelles étaient trop nouvelles ; elles n’avaient pas été répétées un assez grand nombre de fois pour faire dans la mémoire un groupe distinct, une série cohérente, un second moi ; telle est la chenille dont nous avons parlé, dans le premier quart d’heure qui suit sa métamorphose en papillon ; son nouveau moi n’est pas encore formé, il est en train de se former ; l’ancien, qui n’éprouve que des sensations inconnues, est conduit à dire : Je ne suis plus, je ne suis pas. — « Plus tard et dans une seconde période, dit notre observateur, lorsque par un long usage j’eus appris à me servir de mes sensations nouvelles, j’avais moins d’effroi d’être seul et dans un pays que je ne connaissais pas ; je pouvais, quoique avec difficulté, me conduire ; j’avais reformé un moi ; je me sentais exister, quoique autre. » Il faut du temps pour que la chenille s’habitue à être papillon ; et, si la chenille garde, comme c’était le cas, tous ses souvenirs de chenille, il y a désormais un conflit perpétuel et horriblement pénible entre les deux groupes de notions ou impressions contradictoires, entre l’ancien moi qui est celui de la chenille, et le nouveau moi qui est celui du papillon. — Dans le second stade, au lieu de dire : Je ne suis plus, le malade dit : Je suis un autre.
Malgré ses singularités, ses paradoxes ; ses erreurs, on ne peut lui disputer la gloire de l’éloquence & du génie, & d’être l’Ecrivain le plus mâle, le plus profond, le plus sublime de ce Siecle. […] Rousseau a voulu paroître profond & sublime, & il a donné dans l’extravagance. […] Quoique le Contrat social soit rempli d’erreurs, qu’il offre un systême de politique impraticable, l’Auteur y est toujours le même, c’est-à-dire, original, profond, lumineux, & éloquent en pure perte.
Un homme dont il parle dans sa Dramaturgie avec le sentiment du respect le plus profond, mais de l’apparition duquel dans l’histoire littéraire il n’a pas tiré les conséquences qu’il aurait fallu, aurait dû lui apprendre que l’ancien monde dramatique était clos et forclos, et qu’il sortirait de cet homme-prodige une théorie qui ne serait même plus une théorie et qui emporterait les théories anciennes, comme des pailles dans un ouragan ! […] On a reproché à Lessing — et ici l’allemand revenait trop dans cette nature si peu allemande — de n’avoir pas eu assez profond le sentiment de Molière et de lui avoir (ô triple allemand, de cette fois !) […] C’est le théâtre dans sa notion la plus pure, la plus élevée, la plus profonde.
Son volume retardé a paru enfin, et presque au moment où lui disparaissait, arraché par une mort douloureuse et soudaine à son œuvre achevée ; et voilà comment les sons mélancoliques du Couvre-feu 25 ont pris tout à coup la tristesse profonde d’une agonie ! […] Avec un talent très réel et très élevé, avec une individualité très profonde, le croira-t-on ? […] Pathétique et sarcastique à la fois, Lionel d’Arquenay est un roman profond et amer, ironique et tendre, dont le premier volume a été écrit avec la plume du lord Byron de Don Juan, et le second… on ne sait plus avec quelle plume !
Mais sous la main féconde et puissante d’un véritable romancier, ce sujet, lieu commun d’histoire, pouvait devenir une grande œuvre, humaine, profonde et palpitante. […] Bourgeois, le maire de Poitiers, — ni les deux autres espions, Degranges et Méhu, — ni les personnages historiques, qu’il fallait d’autant plus intensément peindre qu’on ne les nommait pas et que leur visage devait crever le masque d’incognito que l’auteur leur attache, — ni le jeune frère de Rochereuil, — ni sa mère, — ni la femme aimée de Rochereuil, profonde comme une grisette, fusain à peine indiqué de fille facile, — rien de tout ce monde ne sort, ne se détache, mais tout reste blafard, exsangue, indécis et inanimé, sous la plume la plus mâle, la plus appuyée, la plus énergique et la plus amoureuse d’énergie. […] Cette idée — militaire — d’une conspiration, a fasciné le polémiste, qui allait continuer de faire la guerre à tout ce qu’il hait, en la racontant… C’était si bien cela, et si peu la vocation du romancier qui le décidait, que le livre lui-même — ce Roman d’une conspiration — ne semble qu’un prétexte pour lancer toutes les bordées d’un esprit de parti accumulé, exaspéré depuis des années au fond d’un homme, et d’un homme qui a les sentiments très profonds.
En se servant de la plus belle langue de l’univers, Platon ajouta encore à sa beauté : il semble qu’il eût contemplé et vu de près cette beauté éternelle dont il parle sans cesse, et que, par une méditation profonde, il l’eût transportée dans ses écrits. […] Criton approche, contemple le vieillard et admire ce sommeil profond ; il craint de le troubler, et il attend. […] Ainsi l’on nous dit qu’Alexandre fut ému sur la tombe d’Achille ; et César, maître de l’Égypte, contempla longtemps en silence et dans une rêverie profonde le tombeau d’Alexandre : au lieu de ce monument qui a péri, nous avons du moins ceux de Platon qui seront immortels.
L’illusion du récit est telle, qu’on ne s’apperçoit pas qu’on lit une Histoire : on ne voit qu’une suite non interrompue de tableaux, qui frappent, intéressent, & qu’on ne quitte qu’en conservant les impressions profondes qu’ils devoient produire. […] L’Auteur y est Observateur éclairé, profond Politique, Dissertateur plein de sagacité, toutes les fois qu’il s’agit de remonter aux principes des troubles, d’en faire connoître les dangers, & d’indiquer les moyens de les empêcher de renaître.
L’ancien rôle, que Molière n’avait certes pas fait bien profond, est irréparablement usé et mort. […] Du plus profond de sa compacte ignorance religieuse, M. […] Mais en même temps, il me semble que ce mot laisse entrevoir le trait le plus profond de sa nature. […] et si on le consultait, il répondrait auguralement que ces choses méritent un profond respect. […] C’est sa palpitation profonde !
Cette musique est triste et pathétique comme toute musique, profonde, mais elle vient de la réalité saine, éternelle, divine. […] Il y a une nature profonde et vraie qui sait bien s’annexer ses contraires apparents. […] En dehors de la cause physiologique générale, il faut en chercher les raisons dans ce manque de sympathie profonde entre lui et sa famille. […] La mort de la jeune femme, survenue sept ans plus tard, lui causa une profonde et durable douleur. […] Mais il lui était interdit d’utiliser cette technique, de l’employer à faire comprendre et aimer ses idées profondes.
André Theuriet l’a compris, et ses délicieux paysages des bois, tout imprégnés de la senteur forestière, sont animés d’un sentiment profond qui s’élève parfois jusqu’au pathétique ; quelques-unes de ses églogues sont de véritables petits drames dont la concision augmente le tragique effet. […] André Lemoyne Ce qui ressort surtout des poèmes d’André Theuriet, c’est l’amour de la nature forestière, l’intime souvenir de la vie campagnarde et, en même temps, une pitié profonde pour les souffrants, les déshérités de ce monde qui vont courbes sur la glèbe ou errants sur les routes, à l’heure où le soir tombe et quand s’illumine dans la nuit la fenêtre des heureux.
Parmi ses pensées, il y en a de neuves, de brillantes, de profondes, d’agréables, qui toutes sont toujours bien exprimées. […] Ses Discours académiques, son Eloge funebre de Louis le Grand, sont d’un Ecrivain élégant, d’un Moraliste profond, d’un Philosophe raisonnable.
Ses Mémoires sont moins connus que ses Maximes morales, qui lui ont mérité, à juste titre, la réputation d'Ecrivain élégant & de profond Moraliste. […] A ce défaut près, ses observations sont profondes, la plupart de ses pensées sont neuves & exprimées d'une maniere plus neuve encore.
Dans l’état où sont aujourd’hui toutes ces questions profondes qui touchent aux racines mêmes de la société, il semblait depuis longtemps à l’auteur de ce drame qu’il pourrait y avoir utilité et grandeur à développer sur le théâtre quelque chose de pareil à l’idée que voici. […] En présence d’une tâche aussi immense que celle du théâtre au dix-neuvième siècle, il sent son insuffisance profonde, mais il n’en persévérera pas moins dans l’œuvre qu’il a commencée.
Law est le produit très normal et très spontané d’un temps qui valait moins que lui, puisqu’il l’a gouverné, mais qu’il n’aurait pas gouverné s’il n’y avait pas eu entre lui et ce temps des choses communes et profondes. […] Les économistes oublient trop une pensée de Bonald, qu’il est peut-être bon de leur rappeler : « Les révolutions, comme les grandeurs des peuples, ont des causes matérielles et prochaines qui frappent les yeux les moins attentifs, mais ces causes ne sont, à proprement parler, que des occasions ; les véritables causes, les causes profondes et efficaces, sont toujours des causes morales, que les petits esprits et les hommes corrompus méconnaissent. » 1.
Mais l’ébranlement que les chants ossianiques causent à l’imagination, dispose la pensée aux méditations les plus profondes. […] Ils ont su l’exciter surtout par la peinture du malheur, que ces âmes énergiques et profondes ressentaient si douloureusement. […] Les tragiques du Nord ne se sont pas toujours contentés des effets naturels qui naissent du tableau des affections de l’âme, ils se sont aidés des apparitions, des spectres, d’une sorte de superstition analogue à leur sombre imagination ; mais quelque profonde que soit la terreur qu’on peut produire une fois avec de tels moyens, c’est plutôt un défaut qu’une beauté.
Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ? […] sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs. […] V Nul ne s’en douta de son temps, ni parmi les courtisans, ni parmi les philosophes, ni parmi les profonds, ni parmi les superficiels.
Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon, avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence, avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ? […] sur des cœurs moins forts et moins grands, et que des historiens, comme MM. de Goncourt, par exemple, l’aient sentie d’avance, dès les premières pages de leur livre, mêler son noir aux roses et aux vermillons, parfois fatigants, de leur palette, et donner du profond à ces superficielles couleurs ! […] V Nul ne s’en douta de son temps, ni parmi les courtisans, ni parmi les philosophes, ni parmi les profonds, ni parmi les superficiels.
Quoiqu’il en puisse être à cet égard, les raisons qu’il donnait de cette difficulté étaient-elles les véritables et les profondes ? […] Mais, s’il est tout cela, comme son livre actuel le marque à toute page, pourquoi n’a-t-il pas l’accent animé qu’avaient ses convictions quand elles étaient moins profondes, quand la Réflexion et le Recueillement n’y avaient pas ajouté leur concentration enflammée ? […] C’était un défaut, mais ce défaut, du moins, jetait un intérêt profond, amer et toujours excité, sur l’Histoire, prise ainsi dans ses sources abaissées, et faisait de Ranke un historien piquant, sans être pourtant scandaleux.
Je viens de lire cette longue méditation cartésienne, faite les yeux fermés et les mains jointes avec les airs de recueillement d’un philosophe en oraison, dans l’in-pace de la conscience, dans le silence profond de la petite Trappe psychologique que tout philosophe porte en soi, pour y faire des retraites édifiantes de temps en temps et s’y nettoyer l’entendement, et, je l’avoue, je n’y ai rien trouvé qui m’éclairât d’un jour inconnu et fécond la personnalité divine que nous autres catholiques nous savons éclairer du jour surnaturel de la foi. […] Saisset est d’une si profonde nullité dans sa partie affirmative, nous serons assez juste pour revenir et pour insister sur la valeur de la partie négative ou critique de son ouvrage. […] Ainsi pour Spinosa, par exemple, dont il voit très bien le vice radical et profond, le vice irrémissible, il reste sans conclure, par le mépris mérité, avec ce fakir hollandais et juif, beaucoup trop vanté, né de la Kabbale et du Gnosticisme dans un coin, et qui ne fut jamais que le génie obscur de l’abstraction et de la géométrie, dévoyé dans l’étude de l’homme.
Pour Francis Lacombe, pour nous autres catholiques, les sociétés ayant leurs lois fixes d’après lesquelles elles agissent toujours, malgré les différences d’époque et ce qu’on appelle à cette heure, avec une arrogance si impérieuse, des besoins nouveaux, il a cru pouvoir montrer toute faite, et fonctionnant, en vertu de sa convenance profonde, une organisation du travail. […] Lacombe a signalé les changements profonds introduits par le Christianisme dans la vie générale des peuples et dans la condition humaine. […] Qu’on le sache et qu’on le nie, avec l’hypocrisie des partis qui ont leur chemin à faire et qui veulent tourner pacifiquement les résistances, ou qu’on l’avoue, au contraire, avec cette foi exaltée aux idées fausses qui a ses racines dans l’orgueil, de tels systèmes, si on les acceptait comme on les donne, ne seraient pas seulement avec le passé une rupture haineuse et profonde, ils mèneraient droit à l’effacement radical de tout ce qui a produit pendant dix-huit siècles la gloire, la force et les vertus de la société européenne.
Ce n’est pas le Moïse vrai, historiquement peut-être, le Moïse hébreu et biblique, mais quel beau Moïse humain, profond à la manière moderne, car il n’y a que les modernes qui soient profonds ! […] Mais, il faut le dire, dans ces divers poèmes, M. de Vigny ne fut ni plus brillant ou plus profond d’inspiration, ni plus savant ou plus inattendu de forme que les illustres Renaissants de 1830.
soit dans la tristesse, voilà, par ce temps d’orgueil qui crie, l’accent profond et surmonté de cette poésie qui n’est pas ivre, même de douleur, quoique la douleur ait été véritablement sa grand’pinte ; tel est le fond de cette poésie qui a parfois peint, à la flamande, les murs du cabaret où la pauvre fille s’est assise et a bu un coup, pour se réconforter un peu et pour oublier cette misère de la vie. […] ma peine est trop profonde, Plus de gaieté désormais ; J’ai perdu ce que j’aimais, Tout ce que j’aimais au monde. […] Quand le monde est à l’Idéal, aux profondes convictions, aux grandes choses, l’influence du monde sur le poète ne détruit pas le don de Dieu, cette originalité délicate qui est à la pensée ce que la pureté est au cœur.
L’Italie lieu commun, celle-là qu’il faut traverser pour arriver à l’Italie intime, à l’Italie vraie et profonde, à (celle-là qu’on n’apprend, disait lord Byron, qui l’y avait étudiée, que quand on s’est assis à son foyer pendant des années. […] Toujours est-il que l’histoire en question est une profonde glorification des institutions catholiques. […] Jamais l’art et la passion du conteur ne se sont unis à plus de profonde vérité.
mais n’a pourtant pas empêché le style de son livre d’être, dans son ensemble, d’une solidité de trempe, d’un acéré de fil et d’une clarté profonde, dont M. […] Je pourrais, au point de vue moral, en dire bien des choses, car, selon moi, ce sujet cache la haine profonde, mais discrète, de la famille chrétienne, telle qu’elle est organisée. […] Duranty peut être le plus brave travailleur en vulgarité et même le plus puissant, et la Critique se laisser toucher par la peine qu’il se donne pour être profond à sa manière, que son roman, en lui-même, reste ce qu’il est, c’est-à-dire d’un effet manqué, comme composition littéraire ; mais la sorte d’intérêt qu’il excite ne peut ricocher du livre à l’auteur.
Romantique il fit vrai, formiste il fit profond, réaliste il fit beau. […] Il toucherait aux limites de l’âme humaine, du plus profond passé à l’extrême avenir. […] aux dépens de sa profonde signification. […] trop souvent anarchique, fils en révolte de la plus profonde nécessité. […] C’est la tare profonde de leur petit livre, par ailleurs si ingénieux et délicat.
Mais certains états de l’âme nous paraissent, à tort ou à raison, se suffire à eux-mêmes : telles sont les joies et les tristesses profondes, les passions réfléchies, les émotions esthétiques. […] Par exemple, un obscur désir est devenu peu à peu une passion profonde. […] N’est-il pas vrai que vous vous apercevez d’une passion profonde, une fois contractée, à ce que les mêmes objets ne produisent plus sur vous la même impression ? […] Nous voici donc amenés à définir l’intensité d’un effort superficiel comme celle d’un sentiment profond de l’âme. […] Il est vraisemblable que nous allons retrouver cette illusion de la conscience dans les états intermédiaires entre les efforts superficiels et les sentiments profonds.
Ce goût n’est pas chose absolument nouvelle en littérature ; il s’est déjà rencontré dans des sociétés d’une culture raffinée, au temps de Théocrite, au temps de Virgile, chez nous au siècle dernier ; mais il est certainement plus fort et plus profond aujourd’hui qu’il ne l’a jamais été. […] Au lieu que le XVIIe tout imprégné de philosophie cartésienne, mettait l’homme à part de la nature, nous nous sommes replacés au milieu des choses ; nous nous sommes mieux saisis comme une partie intégrante et inséparable de l’univers visible ; nous nous sommes sentis mêlés à tout le reste par nos obscures et profondes origines, plus proches du monde des plantes et des animaux, plus proches de la terre dont nous sortons, et nous l’avons mieux aimée. […] Les cent premières pages du Forestier sont vraiment savoureuses : l’enfance de Jean Renaud, pauvre abandonné qui n’a d’autre mère ni d’autre institutrice que la forêt ; sa communion avec les arbres et les plantes ; la poursuite du sanglier ; le désir qui le secoue, qui l’étrangle, d’avoir un fusil… C’est bien à l’enfance d’un jeune faune que nous assistons, et la pénétration de la petite créature par le milieu où elle se développe est aussi intime et profonde qu’il se peut. […] Pourtant il sait que l’homme souffre ; Mais il sonde l’éther profond… La Judée avait le prophète, La Chaldée avait le berger… La foule raillait leur démence, Et l’homme dut, aux jours passés, A ces ignorants la science, La sagesse à ces insensés… Ce roman du Berger est, à mon avis, le chef-d’œuvre de M. de Glouvet. […] Ce mystère répandu dans tout le livre enveloppe un drame simple et violent, un drame de rapacité villageoise ; et ainsi M. de Glouvet a su donner pour ressorts à son âpre poème le sentiment le plus profond et la passion la plus forte des hommes qui vivent de la terre : la superstition et l’avarice ; l’une effarée jusqu’à l’hallucination l’autre exaspérée jusqu’au meurtre.
Il fait au cœur et à l’esprit, — plus au cœur qu’à l’esprit encore, — une impression profonde qui y reste et qu’on y retrouvera, quand les livres à tapage seront oubliés. […] Être original dans le sens profond du mot ; et, après l’avoir pensé, bâtir un livre dans la puissance équilibrée de son harmonie, voilà le signe de la virilité en littérature, et nulle femme ne l’a ni ne peut l’avoir. […] Il y a encore le Forçat dont le dénoûment est d’une réalité si profonde, et où vous trouvez ce que l’auteur ne cesse de mettre partout dans ses récits, du reste, — les délicatesses surhumaines de la charité. […] Ce ne sont là que des inductions sublimes, des désirs qui s’élèvent de la coupe d’un cœur embrasé ; mais qui sait, disait profondément le vieux Gœthe, qui n’était pas toujours profond, si le désir n’est pas le pressentiment du possible ? […] L’auteur des Horizons célestes, en transbordant la vie de la terre et de la mémoire dans les délices du sein de Dieu, l’auteur des Horizons célestes nous a donné un livre de la sensibilité humaine et même chrétienne la plus profonde et la plus tendre ; un livre dont tous ceux qui aimèrent voudraient partager l’illusion, s’il y a illusion, et qui leur rapprendra les larmes.
Elle possède pour les satisfaire toutes les langueurs d’une séduction profonde. […] Il sort de sa hutte ; car il a entendu un profond gémissement, un soupir d’angoisse derrière le buisson. […] Une paix profonde, une douceur inconnue inonde l’âme de la femme repentie. […] Ces mots désignent donc un état positif de l’âme, état de satisfaction pleine et profonde. […] Il les montre lassés d’un naturalisme toujours incomplet, souvent grossier, lassés encore d’un pessimisme où n’est point saisie la signification profonde de la vie.
Je ne sais, mais je soupçonne que cet anneau a, dans l’instant même, rappelé à son souvenir quelque objet tendrement aimé ; car, à peine l’eut-il considéré, que notre souverain, naturellement si profond et si calme, a trahi dans tous ses traits le trouble de son âme. […] C’est ainsi qu’au sortir d’une profonde éclipse, l’astre brillant des nuits retrouve de nouveau sa chère Rohini, et qu’ils confondent ensemble leurs rayons argentés. […] Plongé dans d’aussi profondes ténèbres, quel usage l’homme le plus prudent lui-même pourrait-il faire de son discernement ? […] Les règles de leur littérature théâtrale, règles puisées dans la religion plus que dans l’art, révèlent, dans ces temps reculés, de profondes notions sur la manière d’émouvoir, d’intéresser, de tendre et de détendre l’esprit des hommes rassemblés, et de les faire sortir de ces représentations dans un état d’édification morale où le plaisir même profite à la sainteté. […] Je n’ose pas non plus éteindre en moi cette étincelle de vie ; car l’enfer le plus profond, où ne brille jamais le soleil, attend le misérable qui porte sur lui une main homicide.
Leurs larges fenêtres aux rideaux rouges, qui, le soir, laissaient glisser sur le boulevard des rayons de lumière, raccrochaient les passants et les attiraient autour des cagnottes profondes. […] Il possédait déjà cette lucidité profonde des caractères et des mœurs qui est la force de son théâtre, et il l’appliquait aux physionomies de l’heure, aux gens que l’actualité rapide mettait en lumière. […] Sans être profonde, cette influence est réelle ; et on doit y avoir d’autant plus garde qu’elle s’exerce avec autrement de force dans le mal que dans le bien. […] Si la légende a péri, c’est qu’elle n’avait plus ni vertu ni signification profonde, et que nos âmes n’y trouvaient plus de charme ; si la fantaisie a disparu, c’est qu’elle était devenue trop légère et trop frivole. […] que l’esprit français ait été jamais plus audacieux dans toutes les directions de la pensée et se soit attaqué à des problèmes sociaux plus difficiles et plus profonds ?
Pierre Janet a fait une étude clinique de cristallisation pathologique ; on tirerait des deux premiers chapitres de l’Essai sur les données immédiates de la conscience un schème élégant et profond de la cristallisation ; et c’est cette même cristallisation, appliquée à l’ordre même de l’amour qu’étudie en Allemagne avec un pédantisme qui ne doit pas nous faire méconnaître de profonds coups de sonde, l’école de Freud. […] En tout cas, si nous la prenons comme une image, au même titre que la cristallisation, c’est une image commode, profonde et vraie. […] Tout ce livre est écrit pour aboutir à la troisième partie, le miracle de l’amour, et pour orienter ce miracle même vers celui du rythme universel, de l’ordre profond du monde.
Un caractère noble, une compréhension profonde du réel, voilà les réceptacles de la muse. […] Tout sentiment profond est un absolu qui ne peut se communiquer à d’autres qu’en prenant une forme représentative, au moyen du langage. […] Le symbolisme ne se contente pas d’une esthétique profonde, il se veut encore, avec raison, une philosophie. […] Quelle femme avait l’âme aussi profonde ? […] Mithouard62 et que je résume sans adresse est un profond symbole.
Colomba, plus développée, est certainement ce qui se peut lire, dans ce genre de nouvelles, de plus intéressant, de plus profond, de plus ferme, en un mot de plus parfait. […] Nous ne faisons qu’indiquer la plaie ; elle est profonde et serait trop facile à démontrer par des noms.
C'est aujourd’hui un ouvrage tout à fait historique, un ouvrage sérieux et profond qu’il publie. […] Il le montre bel esprit éloquent et profond, talent supérieur, caractère faible, et d’une sensibilité inquiète et maladive qui devance certaines tristesses toutes modernes.
Bouchor, ce pour quoi nous l’aimons, c’est qu’il a entendu la voix profonde qui conseille au poète, en ce temps, de se ressouvenir des plus anciennes leçons, d’écouter l’enseignement immémorial des mages primitifs, de se pencher au bord des métaphysiques et des religions antiques. […] Nous pouvons nous unir dans une foi profonde : Avant que les trésors du temps nous soient ouverts, Croyons que, dans les flancs du robuste univers, Rien ne peut dessécher les germes de la vie.
Il semble que, quand elle revient au logis du poète, elle pose sa cruche à côté d’un broc de clairet, un peu faible, mais savoureux, sentant fort son terroir, pas traître, sans ivresse profonde, sans bouquet complexe (en tout cas, c’est du vrai vin), que le poète a été chercher dans son cellier ; et il tend tour à tour à son lecteur le gobelet de vin et le verre d’eau. […] Les uns ont choisi dans notre vieux fonds populaire les attitudes douloureuses, les enfantines désespérances, les cris brefs et naïfs des souffrances profondes.
Il nous semble qu’on a vanté trop exclusivement son Petit Carême : l’auteur y montre, sans doute, une grande connaissance du cœur humain, des vues fines sur les vices des cours, des moralités écrites avec une élégance qui ne bannit pas la simplicité ; mais il y a certainement une éloquence plus pleine, un style plus hardi, des mouvements plus pathétiques et des pensées plus profondes dans quelques-uns de ses autres sermons, tels que ceux sur la mort, sur l’impénitence finale, sur le petit nombre des élus, sur la mort du pécheur, sur la nécessité d’un avenir, sur la passion de Jésus-Christ. […] Convenez de leurs maximes, et l’univers entier retombe dans un affreux chaos ; et tout est confondu sur la terre ; et toutes les idées du vice et de la vertu sont renversées ; et les lois les plus inviolables de la société s’évanouissent ; et la discipline des mœurs périt ; et le gouvernement des États et des Empires n’a plus de règle ; et toute l’harmonie des corps politiques s’écroule ; et le genre humain n’est plus qu’un assemblage d’insensés, de barbares, de fourbes, de dénaturés, qui n’ont plus d’autres lois que la force, plus d’autre frein que leurs passions et la crainte de l’autorité, plus d’autre lien que l’irréligion et l’indépendance, plus d’autres dieux qu’eux-mêmes : voilà le monde des impies ; et si ce plan de république vous plaît, formez, si vous le pouvez, une société de ces hommes monstrueux : tout ce qui nous reste à vous dire, c’est que vous êtes dignes d’y occuper une place. » Que l’on compare Cicéron à Massillon, Bossuet à Démosthène, et l’on trouvera toujours entre leur éloquence les différences que nous avons indiquées ; dans les orateurs chrétiens, un ordre d’idées plus général, une connaissance du cœur humain plus profonde, une chaîne de raisonnements plus claire, enfin une éloquence religieuse et triste, ignorée de l’antiquité.
Ventura, homme d’immense doctrine, de foi profonde, de vigueur de parole, un vrai lion évangélique enfin, n’aurait-il pas pu se reposer de ses travaux de prédicateur en nous écrivant cette majestueuse histoire ? […] Tel qu’il est cependant, et au point de vue où le livre de Michelet nous a placés, c’est un enseignement qui fait du bien et qui redresse… Les Femmes de l’Évangile sont plus que de l’histoire ; mais elles sont aussi de l’histoire, et, comme tout se tient dans la vérité et dans le Christianisme, elles peuvent démontrer, à ceux qui croiraient à l’héroïsme des femmes là où le met Michelet, l’erreur profonde dans laquelle il s’enfonce sur leur destinée et sur leurs vertus.
Le fond, c’est bien moins des lettres et des impressions personnelles comme celles que l’on trouve dans des lettres, qu’une suite de contes, enlevés avec une légèreté de main et une vivacité de coloris dans cette manière sensible et profonde qui est celle de Daudet ; car Daudet a sa manière à lui, qu’on ne peut confondre avec celle de personne. […] Quand on fait si petit, il est impossible de faire fort et profond ! […] Est-ce qu’il peut, ce page de génie, capable de tourner la tête de toutes les demoiselles des Trois Cousines de la terre, devenir jamais fort et profond ? […] comme si on n’était pas fort et profond sur un point intangible ! […] Et c’est la modification, l’heureuse et profonde modification que je trouve dans ce roman de la manière de l’écrivain ; c’est le retour marqué vers cette manière qu’il eut longtemps, et qu’il semblait avoir dans ses derniers ouvrages, abandonnée.
Sa verve bourbeuse lance pêle-mêle saillies profondes et sottises. […] Au plus profond, la Peur, l’Orgueil et la Volupté. […] On ne parle pas d’identité, de correspondance exacte, mais tout au moins d’équivalence profonde. […] Joubert encore relève avec sa subtilité profonde cette équivoque qui est le « génie » propre de Rousseau. […] Mais comment se donne-t-il l’illusion de déployer une psychologie profonde ?
Une véritable œuvre d’art dépend jusqu’à un certain point de son milieu : les Grecs le savaient bien, et Wagner l’a compris, en choisissant pour son théâtre ce coin retiré des montagnes bavaroises qui fait penser à un fond de tableau de Dürer : la promenade sous les vieux arbres du parc évoque déjà le moyen-âge, et l’on sent passer je ne sais quels souffles mystiques dans le paysage que domine la plate-forme de l’édifice : une étendue bosselée dont le vert est piqué des taches plus foncées des bois de sapins… En sorte que l’âme est toute prête aux accords religieux qui accompagnent la marche des chevaliers du Graal, et toute prête aussi à pénétrer le sens profond que lui offre la légende du « Pur-Simple, sachant par compassion… » J’ai entendu l’œuvre de Wagner un peu partout : à Cologne, la vieille ville amie, à Munich, à Berlin, à Bayreuth, et dans ce froid théâtre de Covent Garden qui devrait être à jamais réservé aux exhibitions mondaines. […] Longtemps, avec, d’abord, un profond saisissement, ensuite avec une mélancolie presque accablante, elle considère la figure de Siegfried. […] Dans la suite de cette étude, remarquons encore le passage suivant : « L’Idéalisme transcendantal appliqué à l’art est encore une revendication de Hegel pour qui l’art, c’est « l’idée pénétrant et transformant la matière » : en sorte que, selon lui, l’art grec, où l’idée, sacrifiée à la beauté plastique, ne se dégage pas de la forme extérieure, serait inférieur à l’art oriental, dont le symbolisme révèle une profonde aspiration vers l’infini. […] Dans une étude sur la localisation du sens de l’Espace dans l’oreille, et sur les troubles amenés dans le fonctionnement régulier de l’oreille, soit par des lésions traumatiques, soit par des présentations de conditions anormales où le sens de l’audition se trouve « désorientisé », nous détachons le passage suivant qui, outre l’intérêt d’une appréciation de l’Esthétique Wagnérienne par un ouvrage de pure science, marque combien sont profondes les sources de cette Esthétique, et combien les effets extraordinaires produits par son dispositif acoustique reposent sur une intuition admirable de ce qui est saisissable et exploitable dans l’organisme humain. […] L’obscurité profonde où se trouve le spectateur, l’invisibilité complète de l’orchestre dont l’action musicale possède une si grande précision tant par l’exactitude de l’expression que par la puissance des combinaisons sonores, semblent destinées, par le prodigieux tact physiologique de ce tout puissant artiste, à « désorienter » dans le sens scientifique de ce mot, le spectateur et l’auditeur.
Certains animaux ont, dans la Tétralogie, un rôle profond, psychologique, indispensable : Fafner, qui est sublime, Alberich, qui est voulu comique, l’oiseau de la forêt, les corbeaux. […] Il joue avec une vérité profonde, chante, déclame, accentue en perfection. […] Nous croyons superflu d’insister sur les profondes différences qui distinguent, à ce point de vue, d’abord l’optique du Wagner-Théâtre de tous les autres, et ensuite son public de tout public incapable d’accepter cette condition si contraire à nos habitudes anti-artistiques. […] Il semble que notre organisme perd pied, pour ainsi dire, dans ce vide, dans cette détente qui lui est imposée ; il en résulte une sorte de gêne, à la fois une tendance à nous reculer vers le plus profond de nous-même, et une impulsion à saisir avec avidité les premières impressions qui se présenteront. […] D’une inégalée séduction musicale, elle est large, je le répète, par la poésie profonde et par la portée du sujet.
Mais si, dans ce catalogue, on ne peut entrevoir que le jeune abbé virtuose, celui dont une femme un jour dira : « Quel dommage qu’un homme si aimable ait voulu être profond ! […] Durant ces années, il assista comme député de ce diocèse aux états de Bretagne, et il en rapporta une horreur profonde contre la classe privilégiée qu’il y avait vue en plein exercice dans cette rude province. Plus tard, nommé par le diocèse de Chartres conseiller-commissaire à la chambre supérieure du clergé de France, il vécut à Paris, hautement estimé dans son ordre pour sa capacité administrative, allant dans les meilleures sociétés sans s’y prodiguer, et poursuivant les études profondes auxquelles les événements allaient donner un soudain à-propos. […] Cet esprit altier, puissant, profond, ingénieux et fin, un peu bizarre, mais toujours original, en tombant du haut de cette idée de réforme première et radicale qu’il méditait dans toutes les branches de la connaissance, de la condition et, comme il disait, de la socialité humaine, en était venu (étrange extrémité !) […] Il inspire à quiconque l’aborde d’un peu près et en est digne, une curiosité profonde, du respect plutôt que de la sympathie.
C’est quelque chose d’obscur et de transparent, de limpide et de coloré ; on dirait une eau profonde. […] Alors, en la voyant rouverte encore de ses fleurs préférées, mais de fleurs mourantes, dormant d’un sommeil sans rêves et dans un repos aussi profond que l’oubli, il me vint, je ne sais pourquoi, une pensée amère, et je dis à Vandell : “N’est-ce pas mauvais signe, quand les fleurs se fanent vite au corsage des femmes ?” […] Elle remplissait la vallée à notre droite, vallée profonde, qui se boisait de plus en plus, à mesure que nous avancions, et où des masses feuillues, d’abord isolées, se groupaient, et bientôt, joignant leurs cimes, couvraient d’une frondaison sans clairière toute la courbe d’une chaîne de montagnes à l’autre. […] Maupassant et Pierre Loti, pour ne citer que deux auteurs, nous ont communiqué des émotions d’art autrement profondes et complètes. […] Il ne coupe pas le récit par d’interminables descriptions, où rien ne manque, si ce n’est justement le sens le plus profond de l’observation humaine.
Ce pourrait être de la critique très profonde, doublée de biographie très éclairée, mais pour qu’il en fût ainsi, il faudrait une indépendance d’esprit absolue, presque aussi rare que ce diamant bien, — l’originalité ! […] Il nous donne toujours la raison grecque de son faire, jamais la raison humaine, la raison profonde, la raison absolue… Et je le crois bien ! […] Quelle peut être sur nous l’influence vivante et sincère de cet art, extérieur je le veux bien, mais dont la prétention est la simplification dans l’harmonie, alors que l’ambition de l’art, en ces derniers temps, est une concentration, aussi profonde qu’elle puisse être, dans l’harmonie aussi, mais dans une harmonie qui ne fond rien en elle pour tout unir, et, au contraire, donne la plus violente intensité à chaque détail et voudrait décupler les forces les plus vives de la vie !
Mais la vie du grand Amiral n’a pas été que sa fonction, et son individualité est plus compliquée… Ce héros, et presque ce saint du pays des Excentricités profondes, a des singularités qui semblent incompréhensibles ! […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale, aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté, et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes, borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie, cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité. […] au nom de la tendresse toute seule, au nom de la douce et profonde tendresse, les irrévocables et terribles folies que font d’ordinaire les sens en fureur !
C’est, en effet, une des erreurs les plus profondes du spiritualisme humain, que de croire à la puissance spirituelle réduite à sa seule force isolée ; c’est la plus vaine des abstractions que de la cantonner dans la sphère mystérieuse de la conscience sans qu’elle passe à l’instant même au dehors, dans la sphère visible et les faits apparents. […] Un historien plus considérable que M. de L’Épinois, Rohrbacher, a fait, dans ce temps, une monumentale histoire de l’Église, en beaucoup de points admirable et de la plus profonde orthodoxie ; — mais Rohrbacher était un prêtre, et il n’est guères lu que des prêtres comme lui et de quelques esprits qui ont la foi des prêtres. […] Il écrit cependant quelque part, en commençant son histoire : « Il n’est pas sans intérêt de montrer comment les circonstances, en manifestant PEUT-ÊTRE un dessein providentiel, ont dégagé dans l’histoire cette souveraineté naissante… » Mais il oublie que la question est plus profonde que cela, et cette parole : Le dessein peut-être providentiel, est une de ces faiblesses qui prouve que chez M. de L’Épinois le penseur catholique est inférieur à l’érudit.
quelle idée plus historique et plus profonde ! […] Titre profond, histoire superficielle. […] À cela près de deux ou trois peut-être, j’ai dit toutes les sources dans lesquelles l’auteur de L’Esprit révolutionnaire avant la Révolution a puisé son livre, et on vient de voir qu’elles ne sont ni bien nombreuses, ni bien profondes, ni bien difficiles à trouver.
Mais la vie du grand Amiral n’a pas été que sa fonction, et son individualité est plus compliquée… Ce héros et presque ce saint du pays des Excentricités profondes, a des singularités qui semblent incompréhensibles. […] Il s’agit, enfin, d’expliquer ou du moins d’éclairer ce mystère de contradiction humaine, de force et de faiblesse, de stoïcisme et d’infirmité, de beauté morale aussi pure que puisse l’être la plus pure beauté et de passion aussi fatale et aussi profonde qu’il put en exister jamais, dans un être à peine vivant par les organes : borgne, manchot, rapporté du feu en débris, indifférent, d’ailleurs, au destin de son corps dès sa jeunesse, mais si étrangement, si énergiquement vivant par l’âme, que dès cette vie cette âme prodigieuse eût pu démontrer aux athées l’immortalité. […] au nom de la tendresse toute seule, au nom de la douce et profonde tendresse, les irrévocables et terribles folies que font d’ordinaire les sens en fureur !
— lui, Doudan, dans ce qu’il avait de plus sensible, de plus délicat et de plus profond. […] Il écrivit, dans des Revues, quelques articles, sous l’X de son nom, reproduits dans l’édition actuelle, et dans le Journal des Débats un article sur le scepticisme, à propos de Jouffroy, qui, par parenthèse, est bien tout ce qu’on a écrit jamais de plus profond et de plus subtil sur le scepticisme ; mais tout cela, ce n’est pas ses lettres ! […] Il n’a pas l’air de se douter de la supériorité de pareils hommes… Stendhal, qui publiait alors des choses aussi neuves que profondes, Stendhal, l’original auteur de Rouge et Noir, n’a qu’un mot, à propos de sa Chartreuse, et il est de mépris, — et du plus ignorant des mépris !
Ce livre de moine, écrit dans le clair et profond silence d’une cellule, a rencontré la Gloire, cette fille de la foule et qui passe comme sa mère (Sic transit gloria mundi), mais qui, pour lui, s’est arrêtée. […] Cette vignette de l’Âme et de Jésus-Christ qui ressemble à la patiente enluminure des marges d’un missel n’égale pas, sous son latin de cloître, harmonieux et limpide, les figures idéales, mais si profondément touchantes dans leur sainteté émaciée et splendide, de frère Ange Fiesole (un moine aussi), le plus profond interprète du Moyen Âge, ni même les lignes expressives et nettes d’Overbeck, aussi loin pourtant que l’homme l’est de l’ange, du monastique Angelico. […] Quant à la profondeur, qu’on a souvent prétendu y voir, ce n’a jamais été qu’un mirage, car ce qu’elle est le moins peut-être, cette conversation intérieure d’un cœur presque vierge dans un coin de chapelle, c’est d’être un livre fouillé et profond.
Il était né, ce Benoît Labre, dans l’obscurité la plus profonde, et il allait y vivre jusqu’au jour où l’Église l’en tirerait. […] Il y a dans la pauvreté, qui est redoutée à présent de toutes les âmes amollies par ce qu’on appelle le confort de la vie, il y a cependant dans la pauvreté une poésie profonde et si d’accord avec l’âme du genre humain, que c’est peut-être la plus impressionnante et la plus touchante de ses poésies. […] Ils ont toujours, sans l’épuiser, fouillé dans ce type du mendiant, dans cette profonde poésie de l’errance et de la pauvreté.
Avec le docteur Favrot, qui ne biaise point, qui aime les thèses nettes et retentissantes, et qui, sans épigramme, a bien le droit de parler inhumation, puisqu’il est médecin, nous pouvions avoir (au moins) un livre grave, sévère, profond, effrayant, mais effrayant du bon effroi, de la bonne terreur, de la terreur salutaire, de celle-là qui, selon les Livres Saints, est le commencement de la sagesse. […] Il n’en reste absolument rien dans leurs nerfs ou dans leurs esprits, et c’est véritablement à faire croire que la superficialité humaine, qui paraissait si monstrueuse à Pascal, est peut-être tout le secret de vivre, et que si les hommes étaient plus profonds ils mourraient de leur profondeur. […] III Le talent, le plus grand talent, pris à la source où le talent se puise, à la source sacrée des émotions profondes, n’aurait donc pas été de trop dans ce tragique sujet des inhumations précipitées ; car s’il n’est pas tout à fait impossible, hélas !
Ce profond rêveur qui est au fond de tout grand poète s’est demandé en M. […] C’est un de ces matérialistes raffinés et ambitieux qui ne conçoivent guère qu’une perfection matérielle, — et qui savent parfois la réaliser ; mais par l’inspiration il est bien plus profond que son école, et il est descendu si avant dans la sensation, dont cette école ne sort jamais, qu’il a fini par s’y trouver seul, comme un lion d’originalité. Sensualiste, mais le plus profond des sensualistes, et enragé de n’être que cela, l’auteur des Fleurs du mal va, dans la sensation, jusqu’à l’extrême limite, jusqu’à cette mystérieuse porte de l’infini à laquelle il se heurte, mais qu’il ne sait pas ouvrir, et de rage il se replie sur la langue et passe ses fureurs sur elle.
IV Mais tous ceux-là, en petit nombre maintenant, qui auront gardé un peu d’âme dans leur poitrine et un peu de Dieu dans leur âme, liront avec une saveur profonde la simple histoire du plus rare des poètes, qui, dans tout le cours de son livre, n’a pas l’apparence de se douter qu’il en est un. […] Héroïque et poétique à la fois, on aurait dit qu’il ignorait son héroïsme et sa poésie ; on aurait dit que la poésie, quelle que fût la forme qu’elle prît en lui, était si profonde qu’il n’en avait plus la conscience. […] Sans études profondes, il se sentait « lui », comme Médée, et c’était assez !
par aucun libraire, avait-il donc fait quelque découverte qui montre, dans le Milton que l’on connaît, un Milton qu’on ne connaissait pas, comme lorsque Thomas Carlyle découvrit les fameuses lettres inédites de Cromwell, qui éclairèrent d’un jour si profond l’individualité complexe de l’homme (… un homme s’est rencontré…) que n’avait pas compris Bossuet, ce Maître en Histoire ? […] Et il y répondra, ce livre solide, très intéressant et qui n’est que vrai, non pas seulement par la simplicité de sa conception et ses développements naturels, mais par le fond même du sujet qu’il traite : car s’il fut jamais un homme d’une originalité assez profonde pour résister à toutes les influences extérieures que le Matérialisme, la Bête de ce temps, voudrait faire tout à l’heure si puissantes, ce fut Milton. […] — bien des tempêtes et jusqu’à des souffles peuvent altérer, affaiblir, emporter et faire entièrement disparaître cette originalité, le plus profond et le plus frappant caractère du génie Mais l’originalité de Milton était de celles-là que rien ne pouvait entamer.
Comme Godwin, ce fort romancier anglais qui le premier eut l’audace de faire un livre où l’intérêt n’est plus l’amour, Ferdinand Fabre s’est adressé à d’autres passions que celle de la femme, et il a prouvé que, démêlées par une griffe de moraliste qui sait les carder, elles sont d’un intérêt, pour qui les comprend, tout aussi intense que la banale passion de la femme, qui est au niveau de toutes les âmes, même les plus basses… C’est l’ambition aussi — comme l’auteur du Caleb William — que Fabre a mise en scène dans son nouveau roman ; mais c’est l’ambition spécialisée dans un prêtre, c’est-à-dire la plus profonde, la plus terrible et la plus grandiose des ambitions ! […] C’est un surnom qui lui fut donné par ses condisciples de séminaire, un jour où sa violence révéla qu’il y avait du tigre dans l’antre de cette âme profonde. […] nous n’aurions pas eu la figure de l’abbé Mical, — la plus profonde figure du livre et la plus belle sans en avoir l’air ; — l’abbé Mical, qui croit en Capdepont, qui le veut évêque ; l’abbé Mical, au conseil de prêtre, à l’amitié de prêtre qui va jusqu’aux coups, qui les reçoit et qui les pardonne ; l’abbé Mical, le petit poisson qui conduit ce requin aveugle et qui a plus de mérite que le petit poisson, que le requin ne mangera pas, quand, lui, peut être dévoré par le sien ; l’abbé Mical, enfin, le Père du Tremblay du Richelieu futur, mais autrement sublime, car Richelieu, qui suivait les conseils du Père Joseph, ne le battait pas.
A coup sûr, jamais les doctrines, ou plutôt l’absence de doctrines que nous combattons : l’égoïsme sensuel, orgueilleux et profond, l’immoralité par le fait, quand elle n’est pas dans la peinture et dans l’indécence du détail, le mépris réfléchi de tout enseignement, la recherche de l’émotion à outrance et à tout prix, et le pourlèchement presque bestial de la forme seule, n’ont eu dans aucun homme de notre temps, où que vous le preniez, une expression plus concentrée et plus éclatante à la fois que dans Edgar Poe et ses œuvres. […] dans ces Histoires extraordinaires, qui le sont bien moins par le fond des choses que par le procédé d’art du conteur, sur lequel nous reviendrons, et qui est, à la vérité, extraordinaire, il n’y a rien de plus élevé, de plus profond et de plus beau, en sentiment humain, que la curiosité et la peur, — ces deux choses vulgaires ! […] Machiavélique côté de son génie, qui touche ici à la rouerie profonde du jongleur, et où le poëte, le poëte, ce Spontané divin, expire dans les exhibitions affreuses du charlatan et du travailleur américain !
Ce livre respire la volupté la plus forte et la passion la plus profonde. […] Voilà pourquoi l’acte retentissant d’Émile Zola aura dans le monde de la pensée une si profonde répercussion. […] Clément Rochel produiront, chez les uns comme chez les autres, une émotion profonde. […] Sur de profonds flots de mousse bleuis par les ombrages, ils célébreront, avec ivresse, des rites nuptiaux. […] Montfort, sur les ruines des systèmes métaphysiques, une religion profonde apparaît.
Sa connaissance profonde du passé unie au don de le faire revivre par la magie de son talent littéraire a fait de lui un incomparable historien. […] Nous leur devons aussi, peut-être, ce qui se mêle de grâce attendrie et poétique, de profonde humanité, aux rigides déductions de cet austère dialecticien. […] Sa clairvoyance d’historien et son sens profond de la justice lui faisaient prévoir l’issue de la guerre. […] Une phrase, un mot, prirent pour lui une valeur extraordinaire ; il y trouva des richesses infinies, des sens profonds, des beautés inconnues. […] Ces grands historiens ont été brillants, judicieux, profonds.
Vraiment c’est ici le refuge de la peinture ; on sent qu’elle y est adorée par une religion profonde, sans paroles. […] Et puis, à partir d’Alfred de Musset, se tranchait plus nettement la ligne de démarcation profonde qui allait séparer les générations nouvelles de leurs aînées ; les sources et le courant de l’inspiration changeaient, et des anciens aux jeunes on ne s’entendait plus à demi-mot. […] Mais, Pauline, il n’y a rien dans ces cœurs-là pour nous : les riches de cette époque viennent vous raconter leurs misères avec une candeur si profonde et des plaintes si amères, que vous êtes forcé d’en avoir bien plus de pitié que de vous-même. […] L’aspect nu de la réalité, tout ce qu’elle a d’inexorable et de fatal, revient assaillir, bon gré mal gré, ces âmes aimantes qui veulent espérer, et les envahit, les remplit de douleurs profondes. […] « Tout ce que je vous dis de presque égaré vous prouve du moins une affection profonde, et que je vis d’aimer.
Racine, dans quelques portions de son œuvre, dans les chœurs de ses tragédies bibliques, dans le trop petit nombre de ses hymnes imités de saint Paul et d’ailleurs, avait laissé échapper d’adorables accents, empreints de signes profonds sous leur mélodieuse faiblesse. […] Tout lyrique qu’il est, il a peu de retours, peu de ces regards profonds en arrière qui décèlent toujours une certaine lassitude et le vide du moment. […] » Et le discours bientôt sur quelque autre pensée Échappa, comme une onde au caprice laissée ; Mais ce qu’ainsi ta bouche aux vents avait jeté, Mon souvenir profond l’a depuis médité. […] Le point central de ce double monde, à mi-chemin des Hauts-lieux et du Vallon, le miroir complet qui réfléchit le côté métaphysique et le côté amoureux, est le Lac, le Lac, perfection inespérée, assemblage profond et limpide, image une fois trouvée et reconnue par tous les cœurs. […] Il est presque évident, au contraire, qu’à part ce que la volonté impose à l’habitude, les heures instinctives où la voix éclate chez Victor Hugo doivent être celles du milieu du jour, du soleil embrasé, du couchant poudreux, ou encore de l’ombre fantastique et profonde.
Il a pensé avec les Bénédictins, et par des raisons que j’ose dire plus profondes, que l’histoire littéraire de la France ne se pouvait circonscrire aux siècles où l’on a commencé d’écrire en français. […] J’en pourrais glaner des exemples, montrer, après lui, l’indépendance gallicane se marquant du premier jour dès saint Irénée, l’éloquence girondine bien célèbre dès avant Ausone, l’itinéraire pittoresque et mélancolique s’essayant avec Rutilius ; mais, pour mieux faire apprécier le motif profond de M. […] Et ce n’est pas sous les aspects légers et bizarres seulement que se prononce cette ressemblance des deux époques ; elle est plus sérieuse que dans le goût, et elle éclate surtout dans la partie religieuse et profonde. […] Ampère, dans lesquels il a su ressaisir la vie même des idées et des personnages qu’il exprime, Ausone, saint Paulin, Rutilius, la confession de l’autre Paulin, petit-fils d’Ausone, Sidoine Apollinaire, toutes pages à la fois graves et charmantes, qui suffiraient à caractériser dans la critique française cette manière sobre, délicate, profonde et sûre ! […] Quand j’étais malheureux, souvent, lassé du monde, Je m’abîmais au sein d’une extase profonde ; Dans un ciel de mon choix mes sens étaient ravis ; Indicibles plaisirs de longs regrets suivis !
Par suite des fondations de M. de Montyon et de quelques autres philanthropes éclairés, il est dérogé ici une fois par an à cette loi profonde de la nature qui a voulu que la récompense du devoir accompli fût obscure et insaisissable. […] Madame Gros fait à ce sujet une réflexion que nous recommandons à ceux qui s’occupent, dans la philosophie de l’histoire, du chapitre important : « Comment le brigand devient gendarme. » « En général, dit madame Gros, ils se communiquent leurs qualités nouvelles, au besoin par des voies de fait, en faveur du bon ordre. » Walch est évidemment un des naufragés dont le sauvetage a laissé le plus profond souvenir dans le cœur de madame Gros, « Il avait quinze ans ; carrure, tournure, visage, crinière, regard, caractère, le tout représentant à merveille le lion du désert dans sa force sauvage. » Quatre années l’avaient à peine apprivoisé, lorsqu’un jour une dame vient à l’école avec une rose rouge jetée coquettement sur un chapeau de velours noir. — Voyez, Mesdames, comme il faut peu de chose pour ramener l’homme à la vertu ! […] On les retire évanouis, presque asphyxiés ; Édouard était couvert d’affreuses brûlures, dont il porte encore la trace profonde. […] Elle n’a pas, comme les autres jeunes filles de la campagne, suivi le changement des modes ; elle a gardé son costume et sa coiffure de villageoise ; elle le porte avec une rare distinction ; car voici la silhouette exquise que M. le curé de Château-l’Évêque nous a envoyée d’elle : « Un trait vous fera comprendre l’impression profonde que l’on ressent en voyant Emmeline Nadaud. […] Plus j’y réfléchis, messieurs, plus je trouve que le baron Montyon, à qui l’on reproche souvent d’être parti des principes d’une philosophie un peu superficielle, a obéi au contraire à une pensée très profonde.
Dans ce petit corps très bien taillé et très joli, ce n’était qu’esprit, grâce, saillie et sel pur ; la gaieté du masque couvrait bien du bon sens et des idées profondes. […] Il joint à un coup d’œil lumineux et profond une vaste et solide érudition, aux vues d’un homme de génie l’enjouement et les agréments d’un homme qui ne cherche qu’à amuser et à plaire. […] À propos de chaque chose sérieuse, en politique, en morale, en religion, il avait quelque apologue, quelque bon conte à faire, un conte gai, fou, imprévu, qui vous faisait rire à chaudes larmes, comme il disait, et qui recelait souvent une moralité profonde. […] Chez lui, un raisonnement sérieux et profond se tourne tout à coup en calembour. […] Cette théorie, très vraie peut-être, se trouve en défaut par rapport à lui dès qu’il est en présence d’une perte vive et qui lui tient réellement au cœur ; il n’en est pas venu encore à l’insensibilité qu’il suppose : « Le temps, remarque-t-il, efface les petits sillons, mais les profondes gravures restent.
Aussi tout art est-il un moyen de concorde sociale, et plus profond peut-être encore que les autres ; car penser de la même manière, c’est beaucoup sans doute, mais ce n’est pas encore assez pour nous faire vouloir de la même manière : le grand secret, c’est de nous faire sentir tous de la même manière, et voilà le prodige que l’art accomplit. […] Le grand art est donc, comme la grande nature : chacun y lit ce qu’il est capable d’y lire, chacun y trouve un sens plus ou moins profond, selon qu’il est capable de pénétrer plus ou moins avant ; pour ceux qui restent à la surface, il y a les grandes lignes, les grands horizons, la magie visible des couleurs et les harmonies qui emplissent l’oreille ; pour ceux qui vont plus avant et plus loin, il y a des perspectives nouvelles qui s’ouvrent, des perfections de détail qui se révèlent, des infinis qui s’enveloppent. […] Hugo apparaîtra plutôt comme un grand songeur, mais « ce genre de songe profond est la caractéristique de la plupart des génies, qui sont emportés par leur pensée plutôt qu’ils ne la maîtrisent ». […] Pour qui sait retrouver ainsi dans le naturel tout l’idéal, le plus grand charme sera précisément de n’en jamais sortir ; les aspirations les plus hautes n’auront de prix que si elles reposent sur cette base humble et profonde, le réel : de là, sans doute, vient à Guyau cet accent d’extrême simplicité avec lequel il exprime des idées et des senti ments d’une constante élévation ; de là lui vient aussi ce caractère persuasif qui se confond avec celui de l’absolue sincérité. […] Nous avons vu que, selon lui, nous devons sympathiser avec l’œuvre d’art comme avec les œuvres de la nature, « car la pensée humaine, comme l’individualité même d’un être, a besoin d’être aimée pour être comprise ; » jusque dans la lecture d’un simple livre soyons donc de bonne volonté : « l’affection éclaire » ; et il ajoute ces belles paroles, qu’on peut appliquer à son propre ouvrage sur l’art : « Le livre ami est comme un œil ouvert que la mort même ne ferme pas, et où se fait toujours visible, en un rayon de lumière, la pensée la plus profonde d’un être humain. » Alfred Fouillée 1.
Toute la société italienne, toute la société ecclésiastique, avec le Pape et ses dignitaires, sont taxées de lâcheté, d’hypocrisie et de cruauté d’autant plus profondes. […] Nous aurions maintenant une œuvre d’art profond, — vraiment machiavélique, — dont Chasles est décidément incapable. […] Mais Chasles, qui les a rapportés, a-t-il tordu et pressé ces détails, comme l’eût fait Stendhal, pour en faire jaillir les plus profondes émotions dans l’âme ? […] On peut constater par le livre que voici, et qui est le testament de Chasles, que ce voluptueux esprit, amoureux de toutes les idées comme il l’aurait été des onze mille vierges, et pour qui la morale n’avait jamais été une préoccupation ni bien ardente, ni bien profonde, on peut constater qu’il s’est fait tout à coup moraliste in extremis et qu’il est mort raidement philanthrope, comme un chien ; car les chiens, avec leur singulier amour des hommes, sont des philanthropes, et c’est même les seuls auxquels je crois ! […] » Trait profond et final, flèche de Parthe — car la mort est une fuite et même la fuite des fuites — décochée, en décampant, à ces coquins d’éditeurs, ce qui, je dois l’avouer, me gâte un peu mon Chasles d’autrefois, qui se moquait trop des éditeurs pour s’en défier, comme un grand seigneur qui se soucie bien d’être volé par ses fermiers plus ou moins fripons ; et cela me gâte aussi et son discours, et sa recommandation solaire, et le soleil lui-même devant lequel il parle de ces boutiqueries, et sa nièce, enfin, qui rapporte tout cela comme une belle chose et m’annonce ainsi, avant que j’aie ouvert le livre, ce que, hélas !
Alphonse de Lamartine Les vers de Laprade m’avaient semblé avoir la transparence sereine, profonde, étoilée, des songes de […] Partout nous trouverons le même sentiment, parlant en rythmes graves et amples, d’un ton pénétré, qui sait être solennel sans emphase, parce qu’il s’inspire du plus profond de la conviction humaine, à ce point où le cœur touche à la raison, où la foi du chrétien se confond avec la dialectique du philosophe.
Il l’a déjà dit ailleurs, le drame comme il le sent, le drame comme il voudrait le voir créer par un homme de génie, le drame selon le dix-neuvième siècle, ce n’est pas la tragi-comédie hautaine, démesurée, espagnole et sublime de Corneille ; ce n’est pas la tragédie abstraite, amoureuse, idéale et divinement élégiaque de Racine ; ce n’est pas la comédie profonde, sagace, pénétrante, mais trop impitoyablement ironique, de Molière ; ce n’est pas la tragédie à intention philosophique de Voltaire ; ce n’est pas la comédie à action révolutionnaire de Beaumarchais ; ce n’est pas plus que tout cela, mais c’est tout cela à la fois ; ou, pour mieux dire, ce n’est rien de tout cela. […] Demain il quittera l’œuvre faite pour l’œuvre à faire ; il sortira de cette foule pour rentrer dans sa solitude ; solitude profonde, où ne parvient aucune mauvaise influence du monde extérieur, où la jeunesse, son amie, vient quelquefois lui serrer la main, où il est seul avec sa pensée, son indépendance et sa volonté.
On s’est borné à celles que leur singularité a sauvées de cet oubli profond, auquel les écrits polémiques sont d’ordinaire condamnés. […] L’objet du marquis d’Argens, partout ailleurs assez superficiel, est d’afficher, dans cet ouvrage, l’érudition la plus profonde, & de prodiguer fastueusement les citations Grecques & Latines, le tout pour prouver, ce qui n’a pas besoin de preuves, que les grands hommes sont hommes comme les autres.
Ce n’est pas qu’on exige de lui des connoissances profondes. […] Son style est froid, mais ses raisonnemens sont profonds, & il tire d’un sujet toutes les réfléxions qu’il fournit.
Il s’en sert comme de signes pour remonter inductivement à une réalité psychique plus profonde et plus masquée. […] Le passage est si beau, si profond qu’il faut encore que je vous le lise. […] La souffrance ici est bien moins superficielle, est bien plus difficile à supporter, elle a pour siège une couche plus profonde du cœur. […] Et chez Proust aussi on trouverait sur cette obscure et poignante question bien des réflexions profondes. […] Je n’oublierai jamais l’émerveillement, l’émotion profonde où je fus tout de suite plongé.
Vous le diriez immobile comme la mer, mais il en a les agitations profondes et il est infini comme elle. […] Taine ajoute ce mot profond : « Il manque aux anciens d’être commentés par des artistes. […] Saint-Simon et Shakespeare nous ont seuls donné des peintures aussi larges et aussi profondes. […] Ce qu’il nous dit vient de quelque chose de très profond qu’il a en lui. […] Oubliant que les eaux calmes sont les plus profondes, Chateaubriand n’aimait la mer que pour ses tempêtes.
Et il laisse une jeune femme et une toute petite enfant d’un an dans la plus profonde détresse. […] Remy de Gourmont est un écrivain du plus beau talent et c’est un des plus profonds esprits que je sache. […] Comme toutes ces physionomies diverses sont restituées dans leur intégralité et profonde réalité ! […] Car la justice a toujours d’étranges et profondes racines dans les âmes. […] Édouard Conte a noté tout cela, en reliefs saisissants, en vibrantes et profondes eaux-fortes.
Il en résulte un chef-d’œuvre à la fois profond, spirituel et licencieux. […] Moréas occupe une très haute place dans la poésie contemporaine et son œuvre en résume quelques-unes des aspirations les plus profondes. […] La condition fondamentale en est avant tout une connaissance complète et profonde des milieux qu’il décrit. […] René Boylesve un moment nouveau de grave, profonde et mystérieuse beauté. […] Barrès, « le peintre le plus profond des âmes castillanes ».
. — Au plus profond de l’analyse, on atteint trois sensations élémentaires qui toutes ensemble, mais chacune différemment, sont excitées par un rayon simple du prisme. […] Nouvelle preuve du travail sourd qui se passe au plus profond de notre être, hors des prises de notre conscience, et nouvel exemple des combinaisons latentes, compliquées, innombrables dont nous n’apercevons que les totaux ou les effets. […] En effet, les corps qu’une couche intermédiaire d’eau fait adhérer n’adhèrent plus quand ils sont plongés dans l’eau ; de même, des corps plongés dans l’huile… La peau peut recevoir des impressions par les deux faces, l’une superficielle, l’autre profonde. La sensation de pression commence quand la sensibilité de la face profonde entre en jeu. » (Gratiolet, Anatomie comparée du système nerveux, II, 409. — Landry, Paralysies, 159, 179.) […] C’est que les corpuscules terminaux épithéliaux leur manquent, tandis que les corpuscules profonds de Pacini sont encore présents.
Il agissait par sagesse, c’est-à-dire par suite d’une profonde connaissance de la nature humaine, cela suffit. […] Le Génie du Christianisme, dit-il, comme toutes les œuvres remarquables, fort loué, fort attaqué, produisait une impression profonde parce qu’il exprimait un sentiment vrai et très général alors dans la société française : c’était ce regret singulier, indéfinissable, de ce qui n’est plus, de ce qu’on a dédaigné ou détruit quand on l’avait, de ce qu’on désire avec tristesse quand on l’a perdu. […] L’œuvre du jeune écrivain, empreinte de ce sentiment profond, remuait fortement les esprits, et avait été accueillie avec une faveur marquée par l’homme qui alors dispensait toutes les gloires. […] XII De très belles et très profondes études de droit public allemand et helvétique remplissent cet intervalle du Consulat à vie à l’Empire dans l’histoire de M. […] « Cependant, s’il ne s’agissait que de donner une leçon aux hommes, nous en convenons, la leçon était plus instructive et plus profonde, plus digne de celles que la Providence adresse aux nations, quand elle était donnée par ce soldat héroïque, par ces républicains récemment convertis à la monarchie, pressés les uns et les autres de se vêtir de pourpre, sur les débris d’une république de dix années, à laquelle ils avaient prêté mille serments.
non, un site vide d’habitudes et de lois, une solitude de monts, de champs et de forêts, une hauteur au milieu d’étendues impeuplées, des campagnes profondes où nul langage ne soit de droit, un pays sans oriflamme ; s’il est un site dans le monde où plane l’exceptionnalité du sans-patrie, qu’en ce terroir auguste s’élève l’édifice très abstrait du moderne théâtre. […] Mais si ç’a été la profonde pensée de Wagner, faire des œuvres de pure musique avec le commentaire de paroles et de gestes, tardivement est-il arrivé à la conscience de cette idée ; de là les erreurs éparses, parmi tant de géniales réalisations, dans l’œuvre qu’il institua et qui commence à l’ère glorieuse du printemps de 1849. […] Mais échauffé des plus nobles chimères, il a rêvé un art complexe de toutes les puissances de l’art ; j’ai dit que c’était l’époque de l’Œuvre d’art de l’avenir, de Drame et Opéra ; le jeune artiste, avant de comprendre que l’œuvre de Beethoven réside majeurement en ses quatuors de cordes, a vu dans le hasard d’un chœur concluant la neuvième symphonie le commencement d’un art nouveau ; il a calculé, le jeune artiste, que l’émotion de ses musiques se doublerait de l’émotion de ses poèmes et se triplerait de l’émotion de ses spectacles ; et — ne serait-ce pas le profond de la vérité ? […] Mais ici nommerai-je les Meistersinger de Nurnberg, une féerie, intermède de l’œuvre, la fantaisie gracieuse d’un esprit épris un jour d’amusements et de belles frivolités, avec des accents profonds ; aussi les marches, le Festmarsch, le Kaisermarsch, où le génie wagnérien assoiffé de musique s’abandonna par de fous développements, enfin Siegfried-Idyll et quelques antérieures mélodies, tous précieux et plaisants jeux. […] Après d’effroyables violences, un silence est survenu ; alors des gémissements profonds comme souterrains font une plainte décroissante, de vagues gémissements proches d’appels et se traînant à terre en l’agonie d’une massive force qui se brise ; pourquoi cette mort et ce crime ?
Pour moi, qui n’ai pas même l’honneur de comprendre et de lire dans leur langue les mémoires de haute science où il s’est montré inventeur, ces considérations sur les profondes et fines parties de l’optique et du magnétisme où il a gravé son nom ; qui n’ai eu que le plaisir de l’entendre quelquefois, soit dans ses cours à l’usage des profanes, soit dans les séances publiques de l’Académie, je ne puis ici que m’approcher respectueusement de lui par un aspect ouvert à tous ; je ne puis que l’aborder, si ce n’est point abuser du mot, par son côté littéraire. […] pour assister à une scène qui excita chez nous une profonde émotion. […] répandaient des torrents de larmes ; aucun cri plaintif ne s’échappait de sa bouche ; elle fit sur nous cet effet que produit toujours une personne qui, frappée subitement d’un irréparable malheur, se résigne et ne manifeste ses profondes angoisses que par des pleurs silencieux. […] Cela n’est sans doute pas moins vrai pour les savants livrés à ces études lentes et profondes, et qui n’ont que faire des passions d’alentour.
Mais, avant que le mal ait pris le dessus et que la manie s’en mêle, quand l’art tient encore chez lui le gouvernail, il se rend très bien compte de l’effet ; c’est un effet triste et assombri, il le veut tel ; c’est bien un jour d’hiver qu’il veut faire régner sur l’ensemble, et avec lequel il saura mettre en accord toutes les figures : J’aime bien voir là (à Venise) le caractère d’un jour d’hiver ; je ne veux pas faire de la neige, c’est trop froid ; mais je voudrais donner l’idée d’un de ces jours qui ont une poésie si je puis dire, et qui laissent dans l’âme une mélancolie profonde. […] Vers la fin, il semble avoir tenté quelque chose d’impossible ; il exigeait trop de lui-même, il voulait mettre à des tableaux de nature une expression tirée du plus profond de l’âme, et qu’il faut rencontrer plutôt que l’aller chercher si loin. […] Je crois qu’il est plus facile de trouver chez les artistes des choses faites bien spirituellement et vite, que des idées profondes rendues avec science et sentiment. […] Léopold Robert avait des besoins de cœur de plus en plus timides et de plus en plus profonds avec l’âge : « Je ne peux m’expliquer, pensait-il, comment on peut trouver dans ce monde des êtres qui paraissent n’éprouver aucun besoin de nourrir le cœur. » Il craignait avec les années le refroidissement graduel de ce qui fait la vie morale : « En vieillissant, on devient d’un froid de cœur !
Dans son trajet de l’abbaye d’Engelberg au Dittlisberg, Ramond rencontre bien des difficultés, des dangers, mais aussi de ces jouissances sans nom qu’il décrit de la sorte : Du haut de notre rocher, nous avions une de ces vues dont on ne jouit que dans les Alpes les plus élevées : devant nous fuyait une longue et profonde vallée, couverte dans toutes ses parties d’une neige dont la blancheur était sans tache ; çà et là perçaient quelques roches de granit, qui semblaient autant d’îles jetées sur la face d’un océan ; les sommets épouvantables qui bordaient cette vallée, couverts comme elle de neiges et de glaciers, réfléchissaient les rayons du soleil sous toutes les nuances qui sont entre le blanc et l’azur ; ces sommets descendaient par degrés en s’éloignant de nous, et formaient un longue suite d’échelons dont les derniers étaient de la couleur du ciel, dans lequel ils se perdaient. […] Le soleil aussi offre un spectacle nouveau : petit et presque dépourvu de rayons, il brille cependant d’un éclat incroyable, et sa lumière est d’une blancheur éblouissante ; on est étonné de voir son disque nettement tranché, et contrastant avec l’obscurité profonde d’un ciel dont le bleu foncé semble fuir loin derrière cet astre et donne une idée imposante de l’immensité dans laquelle nous errons. […] De tous les hommes qu’il souhaitait de connaître, ce fut pourtant Lavater seul qui surpassa son attente : Il n’existe point d’homme peut-être, dit-il, dont l’imagination soit aussi brûlante, et la sensibilité aussi profonde ; il entraîne, il subjugue ; son langage est d’une naïveté populaire, et cependant d’une éloquence à laquelle il est impossible de résister. […] Que l’humanité soit conduite à la conquête de la terre par la colonne de nuages ou par la colonne de feu, elle marche : bénissons la Cause directrice qui assortit les moyens à l’état de nos sociétés, et que notre courte sagesse s’incline devant la Sagesse profonde qui dirige au même but ce que nous appelons l’erreur et ce que nous appelons la vérité !
À peine embarqué sur le Northumberland qui devait le transporter de la rade anglaise à Sainte-Hélène, Napoléon qui, de ses derniers compagnons de fortune, n’avait pu garder avec lui que le grand maréchal Bertrand, les généraux Montholon, Gourgaud et M. de Las Cases (sans compter son fidèle valet de chambre Marchand), Napoléon passait de longues heures, dans cette traversée qui fut de plus de deux mois (8 août-17 octobre), en plein air, sur le pont du vaisseau, — tantôt immobile, à cheval sur un canon qui était à l’avant du bâtiment et que les marins anglais eurent bientôt baptisé le canon de l’Empereur, regardant le ciel et les flots, se voyant aller à la tombe et décliner au plus profond de l’Océan comme un astre qui change d’hémisphère ; tantôt se levant, interpellant ses fidèles compagnons et se parlant comme à lui seul, s’interrogeant sur tant d’événements prodigieux desquels lui-même se surprenait étonné après coup, et que sa pensée, pour la première fois oisive dans le présent, roulait en tumulte. […] Il savait que l’histoire humaine, en ces moments d’ébranlement et de commotion générale et profonde, a, pour ainsi dire, plusieurs dessous, et que le génie d’un seul a suffi bien souvent pour dégager et faire saillir un de ces plans cachés, inaperçus, lesquels, sans un homme, sans le téméraire au coup de main imprévu et vigoureux, auraient toujours paru à la foule (y compris le peuple des gens d’esprit) impraticables, chimériques, et auraient été universellement déclarés impossibles. […] Et ses compagnons d’exil, l’entendant s’expliquer avec ce feu, cette netteté, cette éloquence, lui disaient : « Sire, écrivez comme César, soyez vous-même l’historien de votre histoire. » Il s’y refusait d’abord : le désespoir, sous cette forme tranquille, était en lui trop profond. […] Ensuite, il y a dans ses tableaux ce que nous autres, amateurs des arts, appelons le clair-obscur, et ce clair-obscur consiste dans une profonde tristesse, tristesse d’un honnête homme vivant sous la plus basse et la plus exécrable des tyrannies.
Molière, penseur profond, triste au dedans, ayant hâte de sortir de lui-même et d’échapper à ses peines secrètes, sera cette fois d’un comique plus grave ou plus fou qu’à l’ordinaire. […] Un de nos amis les plus chers, qui, pour être romantique, à ce qu’on dit, n’en garde pas moins à Racine un respect profond et un sincère amour, a essayé de retracer l’état intérieur de cette belle âme dans une pièce de vers qu’il ne nous est pas permis de louer, mais que nous insérons ici comme achevant de mettre en lumière notre point de vue critique. […] Villemain a déjà remarqué que, dans Euripide, le vieillard qui tient la place d’Arcas n’a qu’un langage simple, non figuré, conforme à sa condition d’esclave : « Pourquoi donc sortir de votre tente, ô roi Agamemnon, lorsque autour de nous tout est assoupi dans un calme profond, lorsqu’on n’a point encore relevé la sentinelle qui veille sur les retranchements ? […] Mais qu’on approche de plus près et qu’on observe avec soin : mille nuances fines vont éclore sous le regard ; mille intentions savantes vont sortir de ce tissu profond et serré ; on ne peut plus en détacher ses yeux.
Elle a raconté l’histoire de sa captivité et des événements arrivés au Temple depuis le jour où elle y entra jusqu’au jour où y mourut son frère, et elle l’a fait d’un style simple, correct, précis, sans un mot de trop, sans une phrase, comme il sied à un cœur profond et à un esprit juste parlant en toute sincérité des douleurs vraies, de ces douleurs véritablement ineffables et qui surpassent tout ce qu’on en peut dire. […] Ce n’est que le premier jour du procès de Louis XVI, quand elle le voit emmené pour être interrogé à la barre de la Convention, ce n’est que ce jour-là que Marie-Antoinette succombe à son inquiétude et qu’elle rompt son silence généreux : « Ma mère avait tout tenté auprès des municipaux qui la gardaient pour apprendre ce qui se passait ; c’était la première fois qu’elle daignait les questionner. » Dans ce récit tout simple et que nul ne lira sans larmes, il y a des traits qui font une impression profonde, et dont la plume qui écrit ne se doute pas. […] Tout esprit de parti se désarme et expire en le lisant, et il n’y a place qu’à une compassion et à une admiration profonde. […] La sincérité profonde de son deuil et de son affliction filiale eut en cela le même effet qu’aurait pu désirer le goût le plus éclairé et le plus sévère.
Cette poésie qui plus tard a parcouru tant de climats, a réfléchi tant d’horizons divers, s’est colorée de tant de feux et nourrie de tant d’instincts profonds du cœur, est, avant tout, une poésie du Nord, éprise avec passion des beautés naturelles, et, sous son ciel natal, ni rassasiée de leurs douceurs, ni trop éblouie et comme fatiguée de leur éclat, mais s’élevant avec joie du monde visible vers l’infini, curieuse surtout de l’âme humaine, et tout à la fois contemplative et violente. […] C’est que Gray, avec la science et le goût profond de l’antiquité, eut une manière originale de sentir et de rendre sa pensée. […] « Sur un roc, dont le faîte sourcilleux se hérisse au-dessus des flots écumants de Conway, couvert du noir vêtement de la calamité, les yeux hagards, le poëte était debout : sa barbe épandue et sa blanche chevelure flottaient comme un météore, au souffle de l’air agité ; et, d’une main de maître, avec le feu d’un prophète, il éveillait les gémissements profonds de la lyre : — Écoute comme chacun des chênes géants et des antres déserts soupire, à la voix formidable du torrent qui se précipite au-dessous d’eux. […] Un critique célèbre avait jugé plus heureux le premier plan que l’auteur s’était proposé, et qu’il résumait ainsi dans une courte note : « L’armée d’Édouard Ier, comme elle cheminait dans le creux d’une profonde vallée, est tout à coup arrêtée à la vue d’une majestueuse figure apparaissant au haut d’une montagne inaccessible, reprochant au roi, d’une voix plus qu’humaine, les misères et la désolation qu’il a apportées sur cette terre, lui prédisant les malheurs de la race normande, et, par inspiration prophétique, annonçant que toute sa cruauté n’éteindra jamais l’ardeur du génie poétique dans cette île, et qu’il ne manquera pas d’hommes pour célébrer la vraie vertu et la valeur par des accents immortels, flétrir le vice et l’infâme volupté, et censurer hardiment l’oppression.
Vois-tu, les profondes paroles Qui sortent d’un vrai désespoir N’entrent pas aux âmes frivoles, Si cruelles sans le savoir ! […] que leur grâce profonde, Comme un aimant d’espoir, semble attirer nos yeux. […] Cette mère qui avait tant souffert du silence de sa charmante et sauvage enfant et de la voir ainsi mourir sans épanchement et sans plainte, arrivée elle-même aux dernières années et aux derniers mois qui précédèrent sa fin, s’enveloppa dans un silence résigné et profond, admettant à peine la lueur du jour, les soins du médecin ami, et les soulagements passagers par lesquels s’entretient l’illusion des mourants : elle s’éteignit elle-même, lentement, muette et sans illusion.
Ce découragement profond dans lequel tombe l’infortuné, cet abattement si douloureusement exprimé par Shakespeare, les Grecs ne pouvaient le peindre ; ils ne l’éprouvaient pas. […] Le malheur, chez les Grecs, se montrait auguste ; il offrait aux peintres de nobles attitudes, aux poètes des images imposantes : il donnait aux idées religieuses une solennité nouvelle ; mais l’attendrissement que causent les tragédies modernes est mille fois plus profond. […] Les tragédies grecques sont donc, je le crois, très inférieures à nos tragédies modernes, parce que le talent dramatique ne se compose pas seulement de l’art de la poésie, mais consiste aussi dans la profonde connaissance des passions ; et sous ce rapport la tragédie a dû suivre les progrès de l’esprit humain.
Il importe au perfectionnement de la morale elle-même que le théâtre nous offre toujours quelques modèles au-dessus de nous ; mais l’attendrissement est d’autant plus profond, que l’auteur sait mieux retracer nos propres affections à notre pensée. […] Et cette admiration profonde d’Aménaïde pour Tancrède, et cette estime sacrée de Tancrède pour Aménaïde, combien elle ajoute au déchirement de la douleur ! […] Les pensées qui rappellent, de quelque manière, aux hommes ce qui leur est commun à tous, cause toujours une émotion profonde ; et c’est encore sous ce point de vue que les réflexions philosophiques introduites par Voltaire dans ses tragédies, lorsque ces réflexions ne sont pas trop prodiguées, rallient l’intérêt universel aux diverses situations qu’il met en scène.
Le livre qu’Ernest Semichon a publié sous ce beau titre : La Paix et la Trêve de Dieu 21, est une tentative de justice rendue au Moyen Âge par un esprit qui croit aimer le Moyen Âge dans l’Église, qui comprend la grandeur du rôle que l’Église a joué alors, — et même qui la comprend trop, car ce rôle-là, il l’exagère, et c’est le vice profond et dangereux de son travail. […] Le Moyen Âge a cela de particulièrement colossal qu’il s’appuie, dans ses articulations les plus profondes, sur ce que l’âme humaine a de plus indomptable et de plus fier. […] Pourquoi donc Ernest Semichon ne nous a-t-il pas donné l’analyse profonde et intime de ce point d’honneur ?
Si, comme le croit Sainte-Beuve, les Mémoires de Madame de Créqui ne sont pas d’elle et si nous avons été dupes d’une mystification combinée, c’est par le ton, cette grâce suprême, que l’auteur de ces Mémoires nous a pipés, c’est par cette aisance et ce non-appuyé, même quand on est profond, qu’ont les femmes qui ont vieilli dans la bonne compagnie, et qui fait dire aux observateurs superficiels, qu’à une certaine hauteur toutes les douairières se ressemblent, quoiqu’elles ne se ressemblent pas ! […] … À cette époque encore, les gens du monde entraient en dévotion sans quitter entièrement le monde, et c’était presque une prise d’habit sans cloître que cette modification profonde et réfléchie qui se produisait tout à coup dans les mœurs et les élégances d’une femme. […] Malgré l’appréciation la plus délicate et la plus subtile de chaque détail isolé des lettres, l’auteur de l’Introduction n’a pas porté le jugement qu’il méritait sur cet esprit d’un charme si sérieux, si animé et si profond.
Dans la réalité intime, élevée et profonde, la seule qui soit littéraire, Hoffmann n’est pas plus fort, ce mot qui implique la fermeté et la droiture, que dans le fantastique, où Heine admet qu’il est inférieur. […] Le fantastique, qui n’est pas uniquement la sphère de la fantaisie et qu’on n’a jamais nettement défini, Hoffmann l’aborda sous la pression de Goethe, mais il l’aborda comme un être faible dont la tête tournait dans l’émotion, et qui n’avait ni la foi profonde au monde surnaturel que n’aurait pas manqué d’avoir un véritable homme de génie, ni la combinaison froide et comédienne qui produit la terreur, quitte à la déshonorer dans notre âme en montrant par quels moyens on peut la produire. […] Des génies qui se portent bien, et non des malades comme Hoffmann, ont touché à ce côté mystérieux et profond de l’imagination et de la sensibilité.
Il n’a vu ni le dehors ni le dedans de ce Condamné politique de Dieu, en prison dans ses organes et en prison sur sa mappemonde, ce double pénitentiaire parfaitement construit, avec ses climats et ses langues, qui, à lui seul, dirait la faute, quand l’Histoire, plus certaine que la Philosophie, ne nous la dirait pas, et il a eu la prétention superbe, froide, mais naïve, de pénétrer les essences, de saisir l’absolu dans sa notion la plus précise et la plus profonde, de construire enfin ici-bas scientifiquement la vérité (je parle sa langue, non la mienne). […] Vera, dans des notes d’une transparence profonde et, selon moi, bien supérieures au texte de sa traduction, s’est efforcé à nouveau de dégager cette chétive lueur, si c’en est une, qui a tant de peine à sortir de la langue obscure et rétractée d’Hegel… Eh bien ! […] Pour elle, il y a mieux et plus profond que de condamner le passé, c’est de l’absoudre.
C’est un lettré qui reporte sur la science, pour en adoucir l’austérité et sans rien diminuer de sa beauté profonde, tout ce que le Génie littéraire peut donner à la pensée d’un homme, de clair, d’élégant et de doux. […] Il y a là, dans cette publication de chez les frères Garnier, huit à dix volumes qui ne sont que la fleur d’un panier très plein et très profond, dans le fond duquel je ne plongerai pas mes mains indignes, mais je me permettrai de toucher, sans appuyer, au velouté de toute cette fleur. […] Sur la création, il est pour Moïse, et sur l’unité de la race dans le genre humain ; il croit aux causes finales, mais, comme il le dit, avec un sens délié et profond, il ne conclut pas « le dessein suivi, des causes finales, mais les causes finales du dessein suivi. » Il n’est guère possible de dire plus juste et de penser plus fin.
Il y a des différences dans la gloire de Bossuet, comme il y a des places plus rayonnantes, plus condensées, plus blanches dans la lumière, mais de l’absence de lumière, mais de l’ombre positive à un seul endroit de cette vie étonnante, on la cherche en vain… Seulement, cette lumière qui partout l’inonde, et dont l’écrivain qui la retrace finirait par être ébloui, passant à travers les mœurs simples et fortes de cet homme trop grand pour n’être pas un bon homme, donne à cette vie, aveuglante d’éclat, des tons doux, charmants, attendris, qui nous reposent et qui nous touchent, et qui ont influé, sans qu’on s’en soit rendu bien compte jusqu’ici, sur ce qu’il y avait de plus beau et de plus profond dans sa pensée. […] Avec un regard très fin et très juste de critique qu’on ne s’attendait pas à trouver embusqué dans le fourré d’une érudition si profonde, Floquet a très bien vu l’influence de la vie intime et cachée sur le génie de Bossuet et sur son âme. […] Aussi se demande-t-il, en vrai psychologue et en observateur profond, ce que dut gagner l’esprit de Bossuet dans ces longues heures passées au chœur, dans les loisirs vigilants de la Contemplation et de la Prière ; et il se répond comme se répondrait Sainte-Beuve, le grand critique des influences : qu’il y apprenait la mélancolie.
Je dis que c’est là l’intérêt, le grand intérêt de ces dernières poésies d’Alfred de Vigny, qui tranchent si nettement et avec une incision si profonde sur toutes les poésies de ce temps et même sur les siennes. À une époque, en effet, où la poésie est devenue tellement extérieure que toute son âme a passé par dehors et que les plasticités de Rubens sont la visée commune de tous les poètes, rien de plus curieux et de plus inattendu que ces quelques vers, qui n’ont pas jailli, mais qui sont tombés lentement d’une tête réfléchie comme le sang tombe lentement d’une blessure quand elle est trop profonde pour dégorger… Et ce n’est pas tout. […] et cette pièce : La Flûte, digne d’un André Chénier devenu profond, et, pour mieux dire, enfin, tous les vers de ce recueil qui y sont marqués du double caractère fatal et stoïque de cette Muse nouvelle d’Alfred de Vigny : Qui fend l’air de son front et de ses seins altiers !
Serait-ce par hasard, profond en Russie ? […] Les personnages du roman de Gogol, tous ineptes, ne sont plus que superficiels, quand ils cessent d’être profonds d’ineptie. Le tendre Mâniloff, à qui « on voudrait voir une passion, une manie, un vice, afin de lui savoir quelque chose », Mme Koroboutchine, Nozdref le hâbleur, Pluchkine l’avare, — ces tics plutôt que ces passions, — ne peuvent pas être mis à côté de la magnifique variété d’individualités qui foisonne dans La Comédie humaine, et qui sont taillées si profond que les gens qui ne voient pas à une certaine profondeur ne les croient plus vrais, les pauvres myopes !
Elle est la plus profonde perception du Mystère et, seuls, peuvent atteindre à cette perception, des esprits d’une puissante envolée, mais nous croyons que M. […] Le maniement de l’alphabet hébraïque et de ses combinaisons numériques, le symbolisme profond des noms divins et la théorie merveilleuse des Séphiroth y sont expliqués avec autant de pénétration et de clarté que possible. » Psyché commente le livre de Péladan : Comment on devient mage.
Ses expressions sont vives, justes, pittoresques, pleines d’imagination, de délicatesse ; ses pensées, fines, ingénieuses, profondes ; ses réflexions, lumineuses, & le plus souvent vraies. […] Qu’on en cite les morceaux les mieux pensés, le plus exactement écrits, & qu’on les compare avec ceux que nous allons prendre au hasard dans les Œuvres de Saint-Evremont : on verra, d’un côté, des pensées communes, énoncées avec une prétention froide & géométrique ; de l’autre, des idées fines & profondes, développées avec délicatesse & vivacité.
Mais, selon nous, une troisième théorie des idées est possible : c’est celle qui, sous l’opposition du sujet pensant et du sujet pensé, chercherait une unité plus profonde, une action commune à l’esprit et aux choses, un processus universel dont la « représentation intellectuelle » est un moment et une manifestation incomplète. […] Or, qu’y a-t-il dans la conscience de plus profond, de plus irréductible, qui se retrouve également dans les objets extérieurs ?
Athalie, sous le portique du temple de Jérusalem, raconte son rêve à Abner et à Mathan : C’étoit pendant l’horreur d’une profonde nuit ; Ma mère Jésabel devant moi s’est montrée, Comme au jour de sa mort pompeusement parée ; Ses malheurs n’avoient point abattu sa fierté : Même elle avoit encor cet éclat emprunté Dont elle eut soin de peindre et d’orner son visage, Pour réparer des ans l’irréparable outrage. […] Les deux songes sont pris également à la source des différentes religions des deux poètes : Virgile est plus triste, Racine plus terrible : le dernier eût manqué son but, et aurait mal connu le génie sombre des dogmes hébreux, si, à l’exemple du premier, il eût amené le rêve d’Athalie dans une heure pacifique : comme il va tenir beaucoup, il promet beaucoup par ce vers : C’étoit pendant l’horreur d’une profonde nuit.
Quoi de plus nouveau, en effet, que ces qualités de son talent et de son livre dans notre littérature recherchée, blasée, affectée, attifée, tour à tour spleenétique et vaporeuse, nerveuse et malade de cette maladie dont Heine disait, avec une ironie de rencontre plus profonde peut-être que son intention d’ironie : « Tous les hommes d’esprit sont malades de leur esprit même ! […] Est-ce que cette reprise ne vous paraît pas, comme à nous, d’une naïve et profonde beauté ?
Il s’est rappelé, pour le mettre en action, le mot profond du moraliste : « Tout ce qu’on ne dit pas n’en existe pas moins, et tout ce qui est se devine. » Clément (l’assassin du Pont-Rouge) vit avec le renard du Lacédémonien qui lui mange le ventre, et toute sa vie se passe à bien boulonner son gilet de piqué blanc par-dessus. […] Après cette double peinture des conséquences d’un crime dans les âmes, il fallait un genre d’expiation au niveau de cette originalité simple, pathétique et profonde.
Les caractères poétiques, qui sont l’essence des fables, naquirent d’une impuissance naturelle des premiers hommes, incapables d’abstraire du sujet ses formes et ses propriétés ; en conséquence, nous trouvons dans ces caractères une manière de penser commandée par la nature aux nations entières, à l’époque de leur plus profonde barbarie. — C’est le propre des barbares d’agrandir et d’étendre toujours les idées particulières. […] C’est par l’effet de ce défaut de réflexion, qui rend les barbares incapables de feindre, que Dante, tout profond qu’il était dans la sagesse philosophique, a représenté dans sa Divine Comédie, des personnages réels et des faits historiques.
Et de cette vie comme de cette mort voici la raison profonde. […] Ce n’est pas l’idée profonde et métaphysique de Dieu : c’est son aspect extérieur, la nature. […] Mais combien méprisable cette infamie morale si elle n’a pas même de sincérité profonde ! […] Je ne doute pas que cet entretien ne doive se continuer sur une autre planète, plus sublime, plus profond, plus intelligible. […] Où sont ses raisons profondes ?
Nous avancions lentement au pas de nos chevaux fatigués, les yeux attachés sur les murs gigantesques, sur les colonnes éblouissantes et colossales qui semblaient s’étendre, grandir, s’allonger, à mesure que nous en approchions ; un profond silence régnait dans toute notre caravane ; chacun aurait craint de perdre une impression de cette scène en communiquant celle qu’il venait d’avoir ; les Arabes même se taisaient et semblaient recevoir aussi une forte et grave pensée de ce spectacle qui nivelle toutes les pensées. […] Les profondes et larges carrières qui déchirent, comme des gorges de vallées, les flancs noirs de l’Anti-Liban, ouvraient déjà leurs abîmes sous les pas de nos chevaux ; ces vastes bassins de pierre dont les parois gardent encore les traces profondes du ciseau qui les a creusées pour en tirer d’autres collines de pierre, montraient encore quelques blocs gigantesques à demi détachés de leur base, et d’autres entièrement taillés sur leurs quatre faces, et qui semblent n’attendre que les chars ou les bras des générations de géants pour les mouvoir. […] La poésie sera de la raison chantée ; voilà sa destinée pour longtemps ; elle sera philosophique, religieuse, politique, sociale, comme les époques que le genre humain va traverser ; elle sera intime surtout, personnelle, méditative et grave ; non plus un jeu de l’esprit, un caprice mélodieux de la pensée légère et superficielle, mais l’écho profond, réel, sincère, des plus hautes conceptions de l’intelligence, des plus mystérieuses impressions de l’âme. […] C’est le symbole vague et confus de mes sentiments et de mes idées à mesure que les vicissitudes de l’existence et le spectacle de la nature et de la société les faisaient surgir dans mon cœur ou les jetaient dans ma pensée ; ces sentiments et ces idées ont varié avec ma vie même, tantôt sereines et heureuses comme le matin du cœur, tantôt ardentes et profondes comme les passions de trente ans, tantôt désespérées comme la mort et sceptiques comme le silence du sépulcre, quelquefois rêveuses comme l’espérance, pieuses comme la foi, enflammées comme cet amour divin qui est l’âme cachée de toute la nature. Mais quelle qu’ait été, quelle que puisse être encore la diversité de ces impressions jetées par la nature dans mon âme, et par mon âme dans mes vers, le fond en fut toujours un profond instinct de la divinité dans toutes choses ; une vive évidence, une intuition plus ou moins éclatante de l’existence et de l’action de Dieu dans la création matérielle et dans l’humanité pensante ; une conviction ferme et inébranlable que Dieu était le dernier mot de tout !
Un prêtre assez remarquable le dirigea pourtant, ce fut M. l’abbé Frère, théologien profond, très versé dans la mystique chrétienne. […] Celui qui était chargé de ce soin fut frappé de l’accent d’amour profond qui était dans ces pages d’enfant. […] Mais les compositions de pure rhétorique m’inspiraient un profond ennui ; je ne pus jamais faire un discours supportable. […] Il y avait dans l’entretien quelque chose de grave et de profond. […] Durant trois ans, je subis cette influence profonde, qui amena dans mon être une complète transformation.
La détresse est en effet profonde. […] Une ignorance profonde des formes les plus simples. […] Je ne te promets pas un bon rang dans la course aux écus : mais tu auras la pure et profonde satisfaction d’avoir poursuivi de toutes tes forces et d’avoir traduit de façon personnelle ton rêve de beauté. […] Quelle source de profondes spéculations ouverte aux rêveurs, aux théoriciens, aux philosophes ! […] Cette théorie, qui consiste à donner la première place aux facteurs économiques dans l’évolution humaine, serait fort insuffisante à expliquer en totalité l’évolution littéraire ; mais elle appelle l’attention sur quelques-unes des causes les plus profondes dont la littérature subit l’influence et je n’ai pas craint d’insister sur les rapports étroits qui existent entre des phénomènes qu’on néglige trop souvent de rapprocher les uns des autres.
Nous le disons donc tout d’abord, — et parce que nous avons quelque chose de plus grave à dire, — à le prendre comme une analyse leur livre n’est pas un livre d’observation exacte, précise, désintéressée et profonde ; car vous vous permettriez, les uns après les autres, tous les excès, toutes les violences et toutes les outrances, que vous ne feriez pas avec tout cela de la profondeur ! […] … Si MM. de Goncourt ne l’avaient pas commise, nous aurions certainement un livre plus profond, et plus cruel peut-être, mais, en déraillant, il est vrai, de notre sujet, nous avons eu un livre attendrissant et délicieux. […] La Faustin, quoique d’un tout autre ton que La Fille Élisa, ce roman de La Faustin, qui aurait pu être beau et profond, porte çà et là les traces de ce mal du temps qui devient une contagion, et qu’ils ont appelé « le Naturalisme », pour ne pas lui donner son nom propre, qui serait une malpropreté… C’est la première fois, par parenthèse, que ces Grossiers, qui aiment et qui recherchent les mots abjects, ont reculé devant celui qui nommerait bien leur système. […] Edmond de Goncourt a eu la pensée d’écrire le roman de la comédienne, et cela pouvait être un beau livre, pourvu qu’il fût profond ; car c’était une idée, et une idée neuve. […] c’est pour les cœurs profonds, les cœurs jaloux et les cœurs fiers, que la comédienne est dangereuse, puisque son art est de ne plus être une âme humaine comme la nôtre, mais un protéisme d’apparences qui passent et qu’elle rappelle à son gré avec la puissance évocatrice d’une magicienne, qui charme et qu’on ne charme pas !!
Mais il émane de ce livre quelque autre chose plus profonde. […] C’est moins une forme d’esprit, qu’un trait obscur et profond du tempérament. […] Voilà pourquoi la vie profonde est absente de son œuvre. […] Toulet est intime, profond, suave, et la façon dont il l’exprime suscite d’interminables rêveries. […] Un pessimisme profond auquel correspond une pitié grave achève de l’individualiser.
Jeûner, aller ou pèlerinage ou à la croisade, donner de l’argent ou frapper de l’épée pour le service de Dieu, fonder des messes ou des couvents, tout ce que le corps peut souffrir ou la main faire, on le souffre ou on le fait : mais la profonde philosophie, la pure moralité du christianisme, ne sont pas à la portée de ces natures ignorantes et brutales. […] Paris9, l’enlèvent à la poésie du moyen âge beaucoup de ce qui fait le charme et la profondeur de celle d’autres époques : l’inquiétude de l’homme sur sa destinée, le sentiment douloureux de grands problèmes moraux, le doute sur les bases mêmes du bonheur et de la vertu, les conflits tragiques entre l’aspiration individuelle et la règle sociale. » Elles tarissent en un mot les profondes sources du lyrisme.
A une heureuse habitude de réfléchir, il joignoit le talent de donner à ses idées une tournure saisissante, & d’embellir, par la vivacité du style, le fruit de ses profondes méditations. […] Autant l’esprit lumineux, méthodique & profond est au dessus de l’esprit superficiel, inconséquent & badin, autant le Législateur des Nations paroîtra au dessus du Peintre Historien de leurs mœurs, qui semble n’en avoir tracé le tableau, que pour amuser & tromper le Lecteur, au lieu de l’instruire.
L’intelligence à un degré excellent, l’intelligence en ce qu’elle a de large, de profond et de recueilli, de parfaitement net et clarifié, voilà donc l’attribut le plus apparent de M. […] » Ce capitaine voltairien, près du pâtre, dut paraître au philosophe le bon sens goguenard et prosaïque, à côté du bon sens naïf et profond. […] Il commençait donc à parler ; il parlait du Beau, ou du Bien moral, ou de l’immortalité de l’âme ; ces jours-là, son teint plus affaibli, sa joue légèrement creusée, le bleu plus profond de son regard, ajoutaient dans les esprits aux réminiscences idéales du Phédon. […] Jouffroy serait bien plutôt une Loire épanouie qu’un Rhône impétueux, comme elle lent, large, inégalement profond, noyant démesurément ses rives. […] On a reproché à quelques endroits de sa psychologie de tenir du roman ; nous sommes persuadé qu’un roman de lui, un vrai roman, serait un trésor de psychologie profonde.
Aucun mot ne serait excessif pour louer la beauté souple et grande de deux de ses figures féminines : Moniqua, exquisement mélancolique, douce et bienfaisante ; Lazarine écrasée par les brutalités de son mari, intimidée, muette, mais d’une si profonde et si précieuse vie intérieure. […] Il trouve chaude la fraîcheur exquise de son teint ; les yeux tristes, tendres et profonds deviennent dans ses litanies brillants et malicieux ; chez la svelte et souple enfant, il vante les qualités majestueuses et le puissant équilibre des matrones. […] Et le critique devrait encore découvrir le secret de chaque maître, nous faire sentir en quoi diffèrent l’alexandrin de Racine sinueux et profond comme un sourire dessiné par Vinci et l’alexandrin de Corneille solide et précis comme sur une médaille un profil de Romain. […] Inutilement aussi il fuyait la fenêtre, se réfugiait au plus profond de la petite chambre. […] Aux uns et aux autres il enseigne des vérités, simples comme tout ce qui est profond, claires comme le soleil, mais que les yeux aveugles des faux poètes ne sauraient voir.
On voit que le but est resté le même : spiritualiser, guérir, moraliser chrétiennement une société passée du matérialisme à l’indifférence ; mais dans le second procédé, auquel M. de La Mennais a recours depuis cinq ans environ, c’est à la société elle-même, c’est à ses éléments vierges et profonds, c’est au peuple en un mot qu’il s’adresse pour le régénérer par la parole et l’épurer. […] Quand le Saint-Simonisme, dans sa brusque apparition, n’aurait eu d’autre effet que d’inspirer à des intelligences chrétiennes cette émulation d’inquiétude et de recherche à l’article des souffrances profondes, nées de l’excès industriel, il n’aurait point passé sans fruit pour le monde. […] » Il y a dans ce chant, et dans celui de l’Exilé qui vient après, un retentissement profond des Pèlerins polonais, par le poëte Mickiewicz ; mais ce qui, chez Mickiewicz, était demeuré restreint à une acception trop nationale et trop exclusive, se trouve généralisé selon un esprit plus évangélique par M. de La Mennais, et rapporté à la vraie patrie, à la patrie universelle.
Nous sentions le besoin de justifier, aux yeux de nos lecteurs et aux nôtres, les expressions de profond mépris qui éclateront plus d’une fois dans notre jugement sur ce pitoyable ouvrage. […] « Quelques écrivains du premier ordre, Montesquieu lui-même, se sont délassés de leurs profondes recherches sur l’origine des gouvernements, et de leurs abstractions philosophiques, par des contes impudiques, propres à enflammer les passions. » Serait-ce le piquant badinage des Lettres persanes ! […] Mais ni Cabanis ni Lamettre n’appréciaient dans l’homme cette force souveraine et profonde qui lui donne la vie et l’âme.
Dans la prochaine livraison de la Revue, l’un de nos collaborateurs examinera à loisir et en détail cette production si profonde et si savante du chansonnier populaire ; mais, quant à l’effet politique, au sens social, il ressort de lui-même et se perçoit vivement. […] Le lendemain, aux bureaux du National, la foule qui circula et s’inscrivit fut immense ; on y remarqua nombre d’ouvriers, Il y avait, sans doute, dans cette démonstration profonde, intérêt amical pour l’homme même, pour l’individu atteint ; il y avait hommage à un talent énergique, infatigable ; quelque chose de ce respect qu’on porte en France à toute belle intelligence que la valeur accompagne, à tout noble front où l’éclair de la pensée s’est rencontré volontiers avec l’éclair d’une épée ; mais il y avait aussi un sentiment dominant de solidarité, d’adhésion à des principes communs, de reconnaissance pour des services rendus, de confiance placée sur une tête forte et rare. […] En vérité, quand on parcourt cette masse profonde d’idées que remuent les novateurs hasardeux, les fous comme Béranger les appelle, et comme on peut le redire après lui sans injure ; quand on compare les éclairs qui jaillissent à chaque pas de leur recherche intrépide avec les préjugés creux souvent recouverts du nom de bon sens, on sent l’ironie expirer ; on désirerait être convaincu, ou tout au moins on voudrait ne pas être forcé de combattre.
Mais, malgré ces différences profondes, et qui intéressent surtout notre avenir et notre destinée (car il s’ensuit que la décadence dont on nous menace par analogie n’est nullement nécessaire), malgré cet élément essentiellement nouveau d’une industrie libre marchant au flambeau de la science, et travaillant non pas à corrompre, mais à améliorer la vie, il y a des ressemblances frappantes dans l’ordre politique. […] L’entrée en matière de ses Annales fait espérer d’utiles révélations ; en quelques mots profonds et rapides, il montre le monde fatigué des guerres civiles, un besoin général de repos et de sécurité ; Auguste, maître de l’armée par ses largesses, du peuple par ses distributions, des nobles par ses faveurs, de tous par la douce tranquillité de son gouvernement ; les provinces acceptant avec joie cette domination d’un seul homme par aversion pour l’empire du sénat et du peuple, pour les combats des grands, pour l’avarice des magistrats, pour la violence, la corruption et la brigue qui avaient pris la place des lois ; enfin, la République s’effaçant peu à peu du souvenir d’une société qui, sous un sceptre protecteur, goûtait un repos dont elle avait été si longtemps privée. […] Ce tableau est semé de traits brillants et profonds, et la verve de l’auteur lance avec vigueur des sarcasmes accablants.
Mais n’est-ce point assez de savoir parler la langue des affections profondes ; faut-il attacher beaucoup de prix à tout le reste ? […] Quelle profonde philosophie que celle de l’Essai sur l’Homme ! […] Que de réflexions profondes et terribles ne reste-t-il pas de ces Nuits d’Young, où l’homme est peint considérant le cours et le terme de sa destinée, sans cette illusion qui nous fait nous intéresser à des jours comme à des siècles, à ce qui passe comme à l’éternité !
Il faut qu’une vérité profonde soit renfermée dans la malédiction d’Ève. […] Thérèse exprime continuellement des pensées délicates, ingénieuses et profondes, puisque ce sont les pensées mêmes de M. […] Et je sens que je vous aime avec une simplicité sauvage. » Plus tard, après que la première scène de jalousie qu’il lui a faite s’est terminée par une réconciliation furieuse, et qu’ils se sont repris, « les yeux assombris, les lèvres serrées, en proie à cette colère sacrée qui fait que l’amour ressemble à la haine », comme elle lui demande pourquoi il est triste, il a ce mot profond, affreux d’égoïsme et de clairvoyance : « Tu veux savoir ?
N’y a-t-il pas une scission profonde entre les traditions dont la littérature a vécu jusqu’ici et les symptômes nouveaux qu’on pressent plutôt qu’on ne pourrait les définir ? […] Mais je crains qu’il ne faille une expérience déjà longue pour en découvrir le sens profond. […] Mis à part des génies tout puissants comme Pascal et Balzac qui reflétèrent dans le flot profond de leur pensée tout l’art et toute la vie, et des esprits infiniment subtils et délicieux comme Joubert et Stendhal qui se datèrent de l’avenir, tous nos grands ancêtres ont donc coopéré à cette vaste analyse humaine qu’enfin voilà conclue.
Mais c’était un naturalisme profond et moral, un embrassement amoureux de la nature par l’homme, une poésie délicieuse, pleine du sentiment de l’infini, le principe enfin de tout ce que le génie germanique et celtique, de ce qu’un Shakspeare, de ce qu’un Goethe devaient exprimer plus tard. […] Mais du moment qu’il aura offert sa vie, il verra naître une postérité nombreuse, et les intérêts de Jéhovah prospéreront dans sa main. » De profondes modifications s’opérèrent en même temps dans la Thora. […] Une profonde pitié pour les païens, quelque brillante que soit leur fortune mondaine, est désormais le sentiment de tout juif 91.
Rappelons-nous que la première pensée de Jésus, pensée tellement profonde chez lui qu’elle n’eut probablement pas d’origine et tenait aux racines mêmes de son être, fut qu’il était le fils de Dieu, l’intime de son Père, l’exécuteur de ses volontés. […] L’idée de Jésus fut bien plus profonde ; ce fut l’idée la plus révolutionnaire qui soit jamais éclose dans un cerveau humain ; elle doit être prise dans son ensemble, et non avec ces suppressions timides qui en retranchent justement ce qui l’a rendue efficace pour la régénération de l’humanité. […] Voir surtout le chapitre XVII de saint Jean, exprimant, sinon un discours réel tenu par Jésus, du moins un sentiment qui était très profond chez ses disciples et qui sûrement venait de lui.
Son âme, simple et profonde, ne put s’enfermer en ces formes créées par son esprit compliqué et puéril : il écrivit des Romances sans paroles. […] On a osé comparer à Villon notre Verlaine sans malice et sans âpreté, notre Verlaine dont l’érotisme même n’est que rire et bonhomie. — On a voulu faire de lui un poète triste, sans doute pour que notre abandon eût cette excuse d’avoir rendu plus douce et plus profonde sa poésie. […] Sully-Prudhomme, lui, n’a rien pu dire, car il souffre du désaccord de son âme et de son esprit : de son âme lyrique et romantique dont les « vrais vers ne seront pas lus » ; de son esprit didactique, polytechnicien et parnassien qui traduit en pauvretés les inquiètes richesses profondes.
L’eau était trop profonde. […] Ô beau rossignolet, S’en va chez le fosseur Pour faire creuser la fosse, Faites la profonde et large Que trois corps y reposent, Ô beau rossignolet, Faites-la profonde et large, Que trois corps y reposent.
Il garde pour un temps cette chose indéfinissable, si fragile et si profonde, l’accent de la personne, qui va le mieux au cœur de quiconque sait aimer. […] C’est que l’affection éclaire ; le livre ami est comme un œil ouvert que la mort même ne ferme pas, et où se fait toujours visible en un rayon de lumière la pensée la plus profonde d’un être humain. […] Il est beaucoup plus difficile de découvrir une pensée profonde au milieu de certaines divagations ou de certaines bizarreries de Shakespeare ou de Hugo que de remarquer ces bizarreries mêmes.
Sans doute cette lutte, si vive et si profonde qu’elle soit dans le fond des consciences, éclate rarement au dehors32 car il est de l’essence du catholicisme de couvrir les dissidences réelles par l’apparence de l’unanimité. […] Telle est aussi la conclusion à laquelle arrive un savant et profond penseur qui vient de nous donner l’intéressant tableau des études philosophiques en France au xixe siècle36. […] Cette opposition a éclaté vivement lors des débats relatifs à l’infaillibilité pontificale ; et malgré l’accord survenu en apparence au moins en France, on sait que la division est plus profonde que jamais.
Je veux parler d’un talent de style très brillant et très littéraire, lequel, se rencontrant avec éclat sous la plume d’un officier qui n’a pas le temps d’être artiste, étonna beaucoup tout le monde, — du moins tous ceux qui ne savent pas ce que l’esprit militaire cache d’aptitudes et de puissances, et de quelles forces il arme un homme (c’est le mot ici) quand il est profond. […] Elles sont, dans leur prose élégante et svelte, des Orientales bien autrement profondes que les Orientales de Victor Hugo. […] Or, pour nous, avec le Sacerdoce, l’Armée est la plus haute et la plus profonde moralité du pays.
… Ainsi, excepté quelques aperçus tout-puissants d’un grand écrivain oublié, de ce Saint-Évremond tué et enterré par Montesquieu en vertu de la loi cruelle qui veut que le génie tue toujours celui qu’il a pillé, excepté la préface si hardie des Études historiques de Chateaubriand et quelques pages profondes, majestueuses et amères de Bonald dans ses Mélanges de littérature, on n’avait rien de jugé, de satisfaisant, rien de conclu sur Rome par la raison moderne, quand le livre de Champagny parut. […] L’Empire avait des raisons d’être intimes et profondes… Il était le développement définitif, et auquel la République avait travaillé, d’une loi plus haute que les ambitions et plus impérieuse que les volontés humaines, à savoir : que toute victoire pour Rome s’était changée en nécessité de gouverner les peuples conquis, et que cette nécessité de gouverner le monde méditerranéen avait fini, en grandissant les vices de l’élection, par la rendre complètement impossible. — Le travail de Champagny nous semblait digne de cette imposante conclusion. […] Une rupture, profonde comme un abîme, avait lieu du pouvoir aux masses, et cet isolement du pouvoir finissait par lui donner, au sommet de sa pyramide, ces vertiges affreux qui déconcertent l’Histoire et qui l’épouvantent.
Que si, au contraire, l’oubli a eu raison de s’étendre sur les plateaux pyrénéens, si ces peuplades intermédiaires — Catalans, Aragonais, Navarrais, Béarnais et Basques, — ne sont placées aux frontières de France et d’Espagne que pour appointer des forces respectives et jeter dans la balance des intérêts de ces deux pays le poids de leurs atomes orageux ; si, enfin, toute cette paille d’hommes hachés par les événements et par la guerre n’est là — comme on pourrait le croire — que pour faire fumier aux grandes nations qui résument l’Europe, et par l’Europe le genre humain, à quoi bon remuer, avec un tel détail, ce monde de faits sans signification vive et profonde, et sous lesquels le lecteur périt accablé ? […] Il faut, du moins, que sa vie, ses combats, ses souffrances, lui aient frappé une effigie profonde et ineffaçable, lui aient donné une de ces physionomies qu’une fois vues on ne peut plus jamais oublier. […] En lisant cette histoire des Pyrénées, d’un vrai luxe perdu de renseignements, nous avons contracté pour l’auteur une estime profonde et une sympathie animée.
Le duc de Bourgogne, c’était alors Philippe le Bon, comme dit l’histoire avec une profonde duperie ou une ironie plus profonde (on ne sait pas lequel des deux), et il usa, cet excellent duc, de sa victoire, avec la cruauté insolente et rapace d’un Bon de son espèce… Élargi un moment, au prix de ses deux enfants laissés comme otages, mais se souvenant, dit son historien, qu’il était le petit-fils du roi Jean, et revenu bientôt se remettre dans les dures mains de son vainqueur, René d’Anjou, au moment même où la France se réconciliait avec la Bourgogne et allait jeter à la porte l’Anglais, fut abandonné tout à coup par Charles VII, pour lequel il avait combattu. […] Il couvrit parfois de sa parole la magnifique politique du grand homme profond qui était en train de faire une France monarchique avec les pièces et les morceaux de la féodalité.
Il a été évidemment écrit sous l’empire du plus grand préjugé de notre âge, dans la foi exaltée ou calme, superficielle ou profonde, d’un croyant moderne à cette Économie politique qui a succédé à une détestable philosophie, et voilà ce qu’avant tout la Critique devait signaler. […] Mère à qui la tendresse avait appris la vraie science, l’Église savait mieux que l’Économie politique de nos jours le mystère de la douleur humaine et ses profondes complexités. […] Ainsi, par exemple, un esprit qui aurait voulu voir, dès le début de son travail, jusqu’à quel point il devait aller et s’arrêter, se serait demandé si la Douleur, contre laquelle la sensibilité se révolte avec tant d’énergie, n’a pas sa raison d’être, sa nécessité profonde, et si tout le progrès humain, toute la civilisation du monde, consiste à de plus en plus la diminuer et l’effacer.
Serait-ce, par hasard, profond en Russie ? […] Les personnages du roman de Gogol, tous ineptes, ne sont plus que superficiels quand ils cessent d’être profonds d’ineptie. Le tendre Maniloff, à qui « on voudrait voir une passion, une manie, un vice, afin de lui savoir quelque chose », madame Koroboutchine, Nozdref le hâbleur, Pluchkine l’avare, — ces tics plutôt que ces passions, — ne peuvent pas être mis à côté de la magnifique variété d’individualités qui foisonnent dans la Comédie humaine, et qui sont taillées si profond que les gens qui ne voient pas à une certaine profondeur ne les croient plus vrais, les pauvres myopes !
Il a laissé, presque dès son début, des traces trop vives et trop profondes dans l’opinion contemporaine, pour qu’on pût oublier de réunir les écrits dus à cette plume brillante que la mort a si tôt brisée, et qu’il eût brisée lui-même, s’il avait vécu davantage, tant elle satisfaisait peu son âme sainte ! […] C’est dans la radieuse clarté de cette vue complète que Donoso écrivit l’Essai, qui est tout ensemble la plus profonde apologie du dogme catholique et une attaque contre les doctrines contemporaines dont le but est d’abattre ce dogme et de le ruiner. […] Dans cette réplique d’un siècle à un autre par ses plus grands hommes, le comte de Maistre, avec son esprit merveilleux, si aristocratique, si français, et ce don de plaisanterie charmante, qui était comme la fleur de son profond génie, le comte de Maistre tient naturellement la place de Voltaire, et c’est bien le Voltaire du catholicisme, en effet !
Jouissance solitaire et profonde. […] Au lieu de travailler dans le recueillement à des œuvres de longue haleine, Brucker inventait sur place, dans des merveilles d’improvisation, et profondes comme des improvisations ne le sont jamais ! […] Tel est le profond du livre de Brucker et l’habile calcul de sa portée.
Lacordaire par des côtés moins sympathiques à la foule, mais plus profonds. […] Lacordaire, et c’est ici que je touche au plus pur et au plus profond d’un talent admirable, au meilleur des dons que Dieu a faits à son noble serviteur. […] Je ne crois pas que la chaire catholique, à aucune époque de son retentissement, ait entendu des paroles plus étrangement profondes et plus hardies sur la passion et le sens dépravé de l’homme.
Il a compris, lui qui est poète, que la plus profonde, la plus remuante poésie, c’est la poésie du passé ! […] Si le sentiment y est perpétuellement profond et juste, le raisonnement ne l’est pas toujours. […] Nous sommes arrivés à un point si avancé de l’histoire, qu’il n’y a plus rien de profond nulle part en dehors du catholicisme.
Cordial et gai, — gai comme s’il n’avait pas été poète et le plus sensible des poètes, et qu’il eût été le plus rieur des hommes d’esprit ; d’une si grande placidité foncière et d’une si bonne humeur à la surface que c’est pour lui ou pour les natures comme la sienne que Shakespeare, le profond Shakespeare, a écrit que parmi les Anges, pâles d’amour, la Patience est le seul qui ait les joues roses ! […] Tout près, dans l’angle obscur de l’étable rustique, — Jadis le presbytère, — une vache au poil roux Vous regarde passer d’un œil profond et doux, Et l’on songe à la crèche, à Jésus, — c’est mystique. […] C’est partout la même simplicité, le même fini, le même art caché et profond, dans les pièces les plus attendries comme dans les plus riantes ; car Saint-Maur, ce vivant et ce jeune toujours, a les deux émotions du rire et des larmes.
Assurément, France est trop un homme d’après Balzac pour ne pas savoir ce que la plume de Le Sage vaut, pour ne pas trouver absolument dénuées de passion, de couleur et d’observation profonde, les aventures de Gil Blas ou du Diable boiteux, ces lanternes magiques sans magie ! […] Il n’avait pas révolté le goût de sa nature par le spectacle d’une Espagne vraie, abrupte, profonde, et d’un éclat presque cruel. […] Il ne jeta sur rien des regards profonds.
Un jour Chateaubriand, dans un commentaire de l’Essai sur les révolutions, se donna publiquement la discipline avec une coquetterie de pénitence qui était de la vanité à l’envers, mais Balzac fut souvent un pénitent plus profond et plus vrai. […] C’est cette note riante, sonore et comique, qui court partout dans l’œuvre éclatante et profonde et qu’on retrouve perlant tout à coup dans les endroits les plus mélancoliques, les plus passionnés et les plus touchants. […] Cette Revue qui fait dire à ses écrivains que M. de Balzac est de la plus profonde immoralité, ce qui est faux — (il a répondu lui-même à ce reproche dans sa magnifique préface de La Comédie humaine, qui restera sur sa mémoire comme un bouclier de diamants), la Revue des Deux-Mondes a publié les romans de Balzac, — et ceux-là que M.
Au double point de vue de la littérature et de la librairie, elles ont une signification profonde. […] Il reprend son ouvrage en sous-œuvre et il le refait dans le fondement même… Et de ce qui était faible de langage et immoral de sentiment et de tendance, il tire un livre parsemé d’aperçus, vivant de drame, abondant, familier, terrible, à pleine main dans l’observation et dans la vie, profond lorsqu’il paraît trivial, sévèrement écrit, d’un style pur, et pourtant ardent, comme du fer passé dans la flamme ; beau livre, enfin, moral et chrétien, comme Diderot aurait pu l’écrire, s’il n’eût pas été l’athée Diderot ! […] Il devint l’âme de ce journal terrible et charmant qui, chez une nation organisée comme la France, devait faire le mal le plus profond, en dévastant tout par la plaisanterie.
Après cela, tout est à croire et à espérer pour les mortels ; et personne de vous ne doit s’étonner, s’il voit les animaux féroces échanger avec les dauphins leurs forêts contre les profondes vallées de la mer, et les uns préférer les flots retentissants à la terre, tandis que les autres se plairaient désormais sur la montagne. » Ailleurs le poëte proteste, avec non moins de force, contre les mécomptes de la vie, et ne conseille pas, comme fait parfois Horace, d’y opposer l’insouciance et le plaisir, mais la fermeté d’âme. […] Sa licence s’oublia, devant son art profond de langage ; on le médita comme Pindare et comme Homère lui-même ; et, dans cette riche série de modèles que le génie grec, à ses âges divers, offrit au goût laborieux des Romains, il fut l’objet de l’émulation des plus habiles. […] Souvent, du milieu des maux, ils relèvent les hommes abattus sur le sol noir de la terre ; souvent ils renversent et courbent, la tête en bas, ceux qui prospéraient ; puis arrivent de nouvelles misères ; et l’homme vague au hasard entre la vie qui lui manque et la raison d’où il s’écarte. » Ailleurs, c’est seulement un éclat d’images qui rappelle la forte poésie d’Horace et ses allégories si courtes et si vives : « Regarde, avait dit Archiloque51 : la mer profonde est soulevée dans ses flots.
Lui modeste, tout entier aux choses, indifférent à l’effet, il a été (je suis obligé d’emprunter à la physiologie une image), il a été comme un organe profond intermédiaire entre des systèmes d’esprits différents. […] Du côté de Mme de Condorcet et de Cabanis, Fauriel entrevoyait plutôt la retraite, la méditation suivie, l’étude habituelle et profonde partagée entre les livres et la nature. […] Oserai-je noter un inconvénient de cette manière si calme, si désintéressée et si profonde ? […] Il avait été très-frappé de la force des études religieuses, et de ce que produisait de lumières historiques cette critique circonscrite et profonde, appliquée aux textes sacrés. […] Il n’est presque aucune voie d’études et de connaissances dans laquelle nous ne puissions saisir sa trace cachée, mais profonde, mais certaine.
Elle dégage, en outrant leur expression, les caractéristiques profondes d’une époque. […] La profonde souffrance d’aimer plus qu’on n’est aimé fait la matière intime de ce roman. […] C’en est l’unité profonde et la moralité. […] L’unité profonde des âmes a disparu avec les traditions. […] Il gardait de cette éducation un respect très profond des choses religieuses.
Vous apercevez alors la profonde vérité, psychologique de ce portrait d’un jeune Français de 1830. […] Gautier fut un homme de convictions profondes. […] S’il le dissimule, il risque d’être superficiel et de ne pas montrer les causes profondes. […] Nous voyons identité profonde et secrète de l’auteur et de l’homme. […] Ce génie, nous en démêlons, dans ces pages éparses, les éléments premiers et les causes profondes.
. — Il y a ici de fraîches mousses profondes, — et à travers les mousses rampent les lierres, — et dans le courant pleurent les fleurs aux longues feuilles, — et sur les corniches rocheuses le pavot pend endormi. […] La guerre vient, la guerre libérale et généreuse, la guerre contre la Russie, et le grand cœur viril se guérit par l’action et par le courage de la profonde blessure de l’amour. […] Comme cette culture recherchée et multiple les a rendus propres à sentir et à goûter des tendresses et des tristesses inconnues à leurs pères, des sentiments profonds, bizarres et sublimes, qui jusqu’ici semblaient étrangers à leur race ! […] » Avec quelle fougue a-t-il lancé et entre-choqué l’amour, la jalousie, la soif du plaisir, toutes les impétueuses passions qui montent avec les ondées d’un sang vierge du plus profond d’un jeune cœur ! […] Il a senti, au moins cette fois dans sa vie, cette tempête intérieure de sensations profondes, de rêves gigantesques et de voluptés intenses dont le désir l’a fait vivre et dont le manque l’a fait mourir.
Je suis pourtant plus frappé de tout ce qu’il y a d’excellent, de profond, de vrai dans son œuvre, de ce qu’elle garde surtout de vivant, d’actuel, qui intéresse nos âmes jusqu’au fond. […] Et ici apparaît la vérité profonde enfermée dans le paradoxe qu’il soutient contre les arts et les lettres. […] Rien de plus profond, au point de vue de la vérité, de plus efficace, au point de vue de la moralité, que l’idée du renouvellement intégral de l’être moral, sur laquelle pivote toute l’action du roman. […] Nous avons vu déjà quelle trace profonde ont laissée ses doctrines politiques et sociales. […] Il a découvert à nos Français la Suisse et les Alpes, les profondes vallées et les hautes montagnes ; tantôt il a peint les vastes perspectives, tantôt les paysages limités.
Il y a des lois, mais des lois très profondes ; on n’en voit jamais l’action simple, le résultat est toujours compliqué de circonstances accidentelles. […] Quoi qu’il en soit, il est certain que l’existence du livre sacré est le critérium qui doit servir à classer les religions, parce qu’il est l’indice d’un caractère plus profond, l’organisation dogmatique. […] Que serait-ce si je montrais que la critique littéraire, qui est notre domaine propre, et dont nous sommes à bon droit si fiers ne peut être sérieuse et profonde que par l’érudition ? […] Fauriel n’était qu’un savant critique ; le don de la production artistique lui fut presque refusé ; peu d’hommes ont pourtant exercé sur la littérature productive une aussi profonde influence. […] Tous ces grands systèmes de symbolisme assyrien, persan, égyptien, ne sont pas d’origine sémitique et révèlent un tout autre esprit, bien plus profond, plus hardi, plus chercheur.
Ils font appel de la sorte au sentiment de répulsion, d’horreur, de désespoir que cause cette image de dégradation, mais aussi au sentiment de profonde sympathie, de pitié que cause la vue de cette humanité qui peine et se châtie. […] À beaucoup d’égards, Dostoïewski en est au même point que Dickens ; chez lui également, la connaissance et la compréhension du monde est obscurcie et profondément altérée par les frémissements, le trouble continuel que lui cause une sensibilité morbide, Mais ici l’affection est plus profonde et autre. […] Ce que l’on retrouve dans quelques-uns de nos volumes de vers, ce sont des lieds germaniques, ayant la profonde et douce poésie des chansons populaires, mais aussi la particule de mièvrerie dont Heine les a dénaturées en les transcrivant. […] Le Cahier rouge encore contient de ces pièces pures et profondes. […] Le seul héritier de son observation concise et nuancée, de ses analyses Fragmentaires et profondes, de son sentiment de l’individuel en chaque être humain, de sa composition écourtée toute soumise à sa psychologie, de son amour de la réflexion, des idées générales sur l’homme, de son pessimisme particulier, d’une partie de sa tendresse, est M.
Pourtant, sa croyance profonde en l’avenir social nous éclaire sur la conscience d’André Couvreur. […] Des naïvetés profondes le désarment. […] Elle fait prévoir ce second livre, où l’on voit la femme sous un autre aspect, ce livre plus profond et plus humain, plus douloureux aussi, Esclave. […] Boylesve a symbolisé les angoisses d’un enfant devant la vie, son désir d’un idéal, et son cri douloureux et puéril vers la statue qui domine les foules, est la conclusion nécessaire, profonde et ne prouvant rien. […] Régismanset a composé un roman plus subtil, plus équivoque et plus profond.
Mais comme ce moi plus profond ne fait qu’une seule et même personne avec le moi superficiel, ils paraissent nécessairement durer de la même manière. […] Cette influence du langage sur la sensation est plus profonde qu’on ne le pense généralement. […] Un amour violent, une mélancolie profonde envahissent notre âme : ce sont mille éléments divers qui se fondent, qui se pénètrent, sans contours précis, sans la moindre tendance à s’extérioriser les uns par rapport aux autres ; leur originalité est à ce prix. […] Si, à mesure que nous nous éloignons des couches profondes du moi, nos états de conscience tendent de plus en plus à prendre la forme d’une multiplicité numérique et à se déployer dans un espace homogène, c’est précisément parce que ces états de conscience affectent une nature de plus en plus inerte, une forme de plus en plus impersonnelle. […] L’imagination du rêveur, isolée du monde externe, reproduit sur de simples images et parodie à sa manière le travail qui se poursuit sans cesse, sur des idées, dans les régions plus profondes de la vie intellectuelle.
Ses ouvrages font toujours mon admiration par la pensée profonde et toujours élevée qu’il y a. […] Je m’en réjouis avec toi du plus profond de mon cœur. […] Et il expliquait, il cherchait à définir ce sentiment d’au-delà que rien ne pouvait satisfaire : C’est le sentiment de la nature que je pense avoir plus que je ne l’ai exprimé jusqu’ici, et que je cherche à mettre sur ma toile ; mais, quand ce sentiment est profond et réfléchi, il ne peut se rendra comme celui qui ne donne que l’écorce. […] Lui qui a une science si profonde, et moi qui ne me guide que d’après ce que la nature m’inspire ; lui qui a tant travaillé pour rechercher dans ce qui a été fait le caractère et le type de la peinture historique !
Lamennais, le fougueux, le personnel, l’obstiné, celui qui croyait que la volonté de l’individu suffît à tout, ne pouvait s’empêcher à certain jour d’écrire : « Plus je vais, plus je m’émerveille de voir à quel point les opinions qui ont en nous les plus profondes racines dépendent du temps où nous avons vécu, de la société où nous sommes nés, et de mille circonstances également passagères. […] Taine n’a fait autre chose qu’essayer d’étudier méthodiquement ces différences profondes qu’apportent les races, les milieux, les moments, dans la composition des esprits, dans la forme et la direction des talents. — Mais il n’y réussit pas suffisamment, dira-t-on ; il a beau décrire à merveille la race dans ses traits généraux et ses lignes fondamentales, il a beau caractériser et mettre en relief dans ses peintures puissantes les révolutions des temps et l’atmosphère morale qui règne à de certaines saisons historiques, il a beau démêler avec adresse la complication d’événements et d’aventures particulières dans lesquelles la vie d’un individu est engagée et comme engrenée, il lui échappe encore quelque chose, il lui échappe le plus vif de l’homme, ce qui fait que de vingt hommes ou de cent, ou de mille, soumis en apparence presque aux mêmes conditions intrinsèques ou extérieures, pas un ne se ressemble14, et qu’il en est un seul entre tous qui excelle avec originalité. […] Taine est né à Vouziers, dans les Ardennes, en 1828. — Et tout d’abord je voudrais être peintre et paysagiste comme lui pour savoir décrire les Ardennes et ce qu’il a pu devoir de sensations d’enfance, continues et profondes, à ce grand paysage des forêts. […] Lorsqu’au sortir de cette fournaise intellectuelle de l’École normale il retournait dans ses Ardennes en automne, quelle brusque, profonde et renouvelante impression il en recevait !
Il les combat, il les réfute ; il évoque contre eux, de même qu’il le faisait contre les précédents adversaires, et sous une forme à peine différente, le péril de la ruine sociale, le spectre du néant, de l’athéisme, son incompatibilité profonde avec l’esprit humain, avec la société humaine, l’abîme de l’irresponsabilité morale où tomberaient les âmes… ; en un mot, la fin du monde civilisé, tel qu’il a été conçu jusqu’ici et qu’il a existé depuis la première cité et le premier autel. […] sa vénérable mère dans cette mise antique et simple, avec cette physionomie forte et profonde, tendrement austère, qui me rappelait celle des mères de Port-Royal, et telle qu’à défaut d’un Philippe de Champagne, un peintre des plus délicats nous l’a rendue ; cette mère du temps des Cévennes, à laquelle il resta jusqu’à la fin le fils le plus déférent et le plus soumis, celle à laquelle, adolescent, il avait adressé une admirable lettre à l’époque de sa première communion dans la Suisse française20 ; je la crois voir encore en ce salon du ministre où elle ne faisait que passer, et où elle représentait la foi, la simplicité, les vertus subsistantes de la persécution et du désert : M. […] Ses recherches les plus profondes, les plus heureuses, ses découvertes même, s’il en fait, il sait que c’est si peu de chose ; que d’autres avant lui ont cherché et découvert, et que de loin tout cela fait à peine un anneau distinct dans la chaîne, si courte pourtant, et d’hier seulement renouée, des connaissances humaines. […] Boutmy dans la Presse , du 27 août 1864. incompatibilité profonde avec l’esprit humain, avec la société humaine, l’abîme de l’irresponsabilité morale où tomberaient les âmes… ; en un mot, la fin du monde civilisé, tel qu’il a été jusqu’ici conçu et qu’il a existé depuis la première cité et le premier autel.
Ils triomphaient dans les combats par leur courage, mais leur force morale consistait dans l’impression solennelle et profonde que produisait le nom romain. […] On ne voit donc, dans la première époque de leur littérature, aucun ouvrage qui montre une profonde connaissance du cœur humain, qui peigne ni le secret des caractères, ni les diversités sans nombre de la nature morale. […] Quoique les Romains, par la pureté de leurs mœurs et les progrès de leur esprit, fussent plus capables que les Grecs d’affections profondes, on ne trouve point dans leurs écrits, jusqu’au règne d’Auguste, la trace des idées et des expressions sensibles que ces affections devaient leur inspirer. […] Si l’on veut toujours appeler la philosophie l’art des sophismes, l’on pourra dire avec raison que, pendant toute la durée de la république, les Romains repoussèrent ce faux esprit des Grecs, mais si l’on veut rendre à la philosophie l’honorable acception qu’elle a toujours eue dans l’antiquité, l’on verra que les Romains n’ont pu être de grands hommes d’état, de profonds législateurs et d’habiles orateurs politiques, sans être philosophes.
La doctrine de Rabelais : naturalisme, ni nouveau ni profond. […] Rabelais n’est pas profond, il faut oser le dire. […] Car voilà le trait dominant et comme la source profonde de tout son génie : il a aimé la vie, plus largement, plus souverainement qu’aucun de ses ancêtres ou descendants intellectuels, comme on pouvait l’aimer seulement en ce siècle, et à cette époque du siècle, dans la première et magnifique expansion de l’humanité débridée, qui veut tout à la fois, et tout sans mesure, savoir, sentir, et agir. […] Aux mêmes idées se rattache la pédagogie de Rabelais : et par là s’explique qu’il ait si vigoureusement exprimé dans ses programmes encyclopédiques les plus profonds désirs et les plus effrénées espérances de son temps.
Je suis plein du ressouvenir délicieux et triste d’une prodigieuse quantité de sensations très profondes, et j’ai le cœur gros d’un attendrissement universel et vague. […] Puis la profonde diversité des êtres humains sur les différents points du globe, la multiplicité des religions, des morales et des coutumes, n’est sûrement pas un encouragement à croire. […] D’abord par l’impression de volupté particulière qui s’en dégage, volupté profonde, absorbée, sans pensée ni parole. […] Il nous fait sentir notre profonde dépendance du monde visible ; il nous ferait douter de notre personnalité et déraisonner à perte de vue sur l’énigme du « moi ».
Marc Monnier, autant que sa personne, ont laissé parmi vous un profond souvenir. […] D’autant plus que cette expérience avait déjà été faite avec un égal succès sur le premier titulaire de cette chaire, Albert Richard, le poète vigoureux des grands jours de notre histoire nationale, le profond connaisseur des littératures du Midi qui savait par cœur toute la Divine comédie. […] Les différences sont si profondes, le revirement est si complet, que les trécentistes et leurs successeurs ont vraiment pu avoir l’illusion qu’ils tiraient le monde de l’obscurité et lui donnaient la lumière. […] La Renaissance n’est autre chose que la fin provisoire de cette civilisation et son remplacement par une autre, dont les racines, pour être plus éloignées, étaient moins profondes, mais qui gardait l’avantage d’avoir atteint, dans une période antérieure, son entière floraison.
L’auteur commence par rechercher historiquement les idées générales, universellement répandues dans l’Antiquité, de sacrifice, d’offrande, de désir et de besoin de communication avec un Dieu toujours présent, qui ont servi de préparation et d’acheminement au mystère ; mais, au milieu des digressions historiques et des distinctions dogmatiques fines ou profondes, il mêle à tout moment de belles et douces paroles qui sortent de l’âme et qui sont l’effusion d’une foi aimante. […] Voici quelques vers (car, sans y prétendre, l’abbé Gerbet est poète) qui rendent déjà le premier effet et qui marquent le ton de l’âme ; la pièce est intitulée Le Chant des Catacombes, et elle est destinée, en effet, à être chantée51 : Hier j’ai visité les grandes Catacombes Des temps anciens ; J’ai touché de mon front les immortelles tombes Des vieux chrétiens : Et ni l’astre du jour, ni les célestes sphères, Lettres de feu, Ne m’avaient mieux fait lire en profonds caractères Le nom de Dieu. […] Un roc sert de portique à la funèbre voûte : Sur ce fronton, Un artiste martyr dont les Anges, sans doute, Savent le nom, Peignit les traits du Christ, sa chevelure blonde, Et ses grands yeux, D’où s’échappe un rayon d’une douceur profonde Comme les cieux ! […] À côté de ces vers, qui ne se trouvent pas dans les volumes de Rome chrétienne, et qui ne sont qu’un premier accent, il faut placer comme tableau original et profond, ce qui est dit de la destruction graduelle et lente des corps humains dans les Catacombes.
Il faudra des curieux et des travailleurs comme il l’était, des espèces de Tallemant des Réaux dans l’avenir, pour pouvoir parler, en science de cause, de cet homme qui fut un très éblouissant feu follet littéraire, lequel, comme les feux follets, errait et ne se fixait pas, et qui a oublié de laisser derrière lui le livre un, profond et complet, qu’il était très capable de faire, — le livre qui eût été un fût de colonne sur sa tombe effacée, et qui en eût marqué la place aux yeux de la Postérité ! […] Tel fut le mal — l’irréparable mal — pour Philarète Chasles, le mal au plus profond de facultés superbes et qui les empêcha de fonctionner avec l’éclat, la précision, la gravité, la profondeur, la toute-puissance d’ensemble qu’elles auraient eues s’il eût été élevé par un autre homme que par un père, qui en lit d’abord, le croira-t-on ? […] L’Anglais du fond de Chasles est remonté à la surface, et il y a tout absorbé… Et encore, si, en étant exclusivement Anglais, il eût été un historien profond comme on peut l’être partout, on accepterait son œuvre anglaise malgré le déchet de la personnalité du talent auquel on était accoutumé. […] Rien ne montre mieux que le livre de L’Angleterre politique la misère du journalisme qui se croit tout permis, et qui écrit l’histoire de la minute qui passe, et la misère, plus profonde encore, d’une pareille histoire !
Malgré de profondes lacunes dans sa conception de l’univers et de la beauté, malgré ses puérilités, ses faiblesses, malgré sa compréhension notoirement insuffisante du monde moderne, malgré l’étonnante erreur qu’il a commise, Ruskin est à beaucoup d’égards un réaliste ; et malgré leur prétendu souci exclusif de la nature, malgré leur juvénile ardeur et leur enthousiasme, malgré leur amour sincère de l’art et leur austère labeur, les peintres préraphaélites sont, à presque tous les points de vue, des idéalistes. […] Les choses sont belles et grandes par elles-mêmes, et l’intellectualité la plus profonde, n’empêchera jamais une œuvre d’être mauvaise, si la réalité se trouve trahie. […] Ce portrait est pénétré d’une profonde mélancolie, d’un indicible abandon, d’une étrange résignation, depuis les yeux à l’éclat affaibli jusqu’aux mains admirablement dessinées, lasses et comme incapables d’action. […] S’il a pour but le mensonge, j’avoue le mépriser malgré les plus admirables artifices dont il puisse entourer le mensonge ; s’il doit être au contraire l’expression d’une vérité plus profonde et plus réelle que la vérité courante, comme je le crois, il nous faut avouer que l’artiste doit, en ce cas particulier, céder le pas à l’humble photographe.
Doué d’une sensibilité contenue et profonde, d’une vaste et paisible imagination, il a vu de bonne heure les plus magnifiques spectacles de la nature ; il a vu ou il a rêvé, au sein de ces spectacles sublimes, quelques êtres humains en harmonie avec les forêts vierges, les prairies illimitées, et le ciel plus haut et plus immense là qu’ailleurs. […] Il est inépuisable à rendre ces impressions vagues et profondes.
Habile autant que personne à nouer et à dénouer une intrigue, spirituel et délié dans le dialogue, vrai le plus souvent, sinon profond, dans la peinture des mœurs, il sait toujours se mettre au niveau de son auditoire, et calcule avec une rare précision tous ses effets. […] C’est le premier chagrin d’amour : je ne sais pas si celui-là est le plus vif et le plus profond ; assurément, c’est le plus sincère
C’est le principe que le profond historien de l’Espagne musulmane, M. […] Le désaccord entre les libéraux sur ces différents points n’est pas très profond, puisque, favorables ou non à l’islam, tous arrivent à la même conclusion pratique : répandre l’instruction chez les musulmans.
Le roi savait la douleur profonde que madame de Maintenon ressentait de la perte de cet ami : il fait placer le portrait du maréchal d’Albret dans la galerie de Maintenon. […] Le 15 du même mois, elle adressait à sa fille ces réflexions d’une profonde sagesse et d’une parfaite honnêteté : « Si Quanto avait bridé sa coiffe à Pâques de l’année qu’elle revint à Paris, elle ne serait pas dans l’agitation où elle est.
L’auteur l’offre au public sans rien se dissimuler de sa profonde insuffisance. […] L’épanouissement du genre humain de siècle en siècle, l’homme montant des ténèbres à l’idéal, la transfiguration paradisiaque de l’enfer terrestre, l’éclosion lente et suprême de la liberté, droit pour cette vie, responsabilité pour l’autre ; une espèce d’hymne religieux à mille strophes, ayant dans ses entrailles une foi profonde et sur son sommet une haute prière ; le drame de la création éclairé par le visage du créateur, voilà ce que sera, terminé, ce poëme dans son ensemble ; si Dieu, maître des existences humaines, y consent.
Il allioit le goût d’une étude profonde à celui de la dissipation. […] Quant à la différence des talens de ces deux philosophes, il faut lire dans le père Rapin leur ingénieux parallèle : « L’esprit de Platon est plus poli, & celui d’Aristote est plus vaste & plus profond.
Je ne puis cependant laisser échapper cette occasion d’exprimer ma profonde obligation au Dr Hooker, qui, pendant ces quinze dernières années, m’a aidé de toutes manières, soit par le fonds considérable de ses connaissances, soit par son excellent jugement. […] Si l’on tient un juste compte de notre profonde ignorance en ce qui concerne les relations réciproques de tous les êtres qui vivent autour de nous, on ne peut s’étonner de ce qu’il reste encore beaucoup de choses inexpliquées au sujet de l’origine des espèces et des variétés.
Les lettres qu’il recommence à écrire nous le peignent au naturel dans l’abattement profond auquel il cédait d’habitude, et d’où il ne sortait que par élans, par les prévisions ardemment lugubres de ses pensées : « Si je n’écoutais que mon goût, écrivait-il de Londres (5 août 4815), il me conduirait dans nos bois recto itinere. […] Mais honte, confusion, humiliation profonde, au misérable qui si longtemps a fui devant son divin maître, et avec une si horrible obstination s’est refusé au bonheur de le servir ! […] Je regarde que tous mes malheurs, de conséquence en conséquence, viennent de ce que mes parents, bien contre mon gré, m’ont forcé d’apprendre à écrire, et il n’y a pas de jour où je ne redise avec un sentiment profond ce mot d’un ancien : Utinam nescirem litteras ! […] » Ceci est un dernier reproche profond et sourd adressé à son frère pour les vœux indissolubles dans lesquels il se sentait enchaîné. […] Loin de m’applaudir du succès de mon livre, j’y vois la ruine du seul bien qui me restait pour me rendre la vie supportable, une profonde obscurité ; et je ne me connais pas seulement l’ombre d’une petite consolation. » Il répète le même refrain presque dans chaque lettre.
C’est une douceur profonde que de trouver de pareils amis dans le passé, et de pouvoir vivre encore avec eux malgré la mort. » Elle avait fait une pièce de vers sur le Jour des Morts, qui était le jour anniversaire de sa propre naissance ; elle y disait, en s’adressant à ces chers défunts qu’on a connus, et qu’elle se peignait comme transfigurés dans leur existence supérieure : Ah ! […] Il a été parfaitement bon pour moi et d’une humanité profonde pour plusieurs prisonniers dont il m’a accordé la grâce. […] Si tu savais quelle part profonde elle a prise à mon malheur de mère, tu l’aimerais comme on aime un ange ; — et c’est comme telle que je la pleure. […] Je ne doute pas un moment, dans ma croyance profonde, que ce bon père ne soit le témoin le plus intime de tes actions et qu’il n’ait réveillé en toi le germe de la foi religieuse à laquelle il a sacrifié l’immense héritage de nos oncles protestants. — Je l’ai toujours béni de ce courage, comme de la misère qu’il nous a léguée pour avoir donné tout son bien aux pauvres. […] Ceux qui contribuèrent à la lui faire obtenir n’ont pu savoir de quel « saint contentement » et de quel « profond soupir de gratitude » ils remplirent ces cœurs peu habitués à voir rien leur réussir.
A des études vastes, continues, profondes, à la possession directe des sources supérieures, M ignet n’a cessé de joindre le soin accompli (cultus) de composer et d’écrire ; chaque œuvre de lui se recommande par l’ensemble, par la gravité et l’ordre, comme aussi par l’éclat de l’expression ou par l’empreinte. […] Daunou, qui en rendit compte dans le Journal des Savants (mai 1822), reconnaissait que les vues par lesquelles l’auteur avait étendu son sujet et en avait éclairci les préliminaires « supposaient une étude profonde de l’histoire de France ; » il trouvait que l’ouvrage « se recommandait moins par l’exactitude rigoureuse des détails que par l’importance et la justesse des considérations générales ; » mais il insistait sur cette importance des résultats généraux, et notait « la profondeur et quelquefois la hardiesse des pensées, la précision et souvent l’énergie du style. » Nous aimons à reproduire les propres paroles du plus scrupuleux des critiques, de celui qui, en rédigeant ses jugements, en pesait le plus chaque mot. […] Ainsi, dans cette première lutte avec la Hollande et pendant les années qui la préparent (1668-1672), on peut admirer l’art profond avec lequel le roi isole à l’avance ce petit peuple et le sépare successivement de tous ses alliés, pour l’écraser ensuite ; mais patience ! […] Honneur et respect du moins, quand l’esprit supérieur et le grand caractère qui ne recule devant rien fait entrer dans ses inspirations un sentiment élevé, un dévouement profond à la puissance publique dont il est investi, quand il se propose un but d’accord avec l’utilité ou la grandeur de l’ensemble. […] Tant de hautes qualités, que nous avons eu à reconnaître dans la manière de l’historien et de l’écrivain, sont achetées au prix de quelques défauts, et notre profonde estime même nous autorisera à les indiquer.
Certaines de ces figures se dressent dans la mémoire et oppriment les autres ; certains de ces romans laissent d’eux-mêmes une impression plus nette et plus profonde : et c’est de ceux-là seulement qu’il importe de parler. […] Les gens qui ajoutent foi à ces lourdes calomnies ignorent ce qu’est l’éducation des prêtres et quelle empreinte elle leur enfonce au plus profond de l’âme. […] Et, en effet, nul pli professionnel n’est aussi tranché, aussi profond, aussi ineffaçable que celui du prêtre, non pas même celui que l’habitude, la spécialité ou la gravité des fonctions impriment au magistrat et au soldat. […] Et c’est ainsi que plus tard, devenu archevêque et tout proche du cardinalat, un jour que, dans un accès de délire ambitieux, il hausse son rêve jusqu’à la tiare, nous l’entendons gémir « avec une lueur de bon sens et une profonde humilité » : — « Moi, né dans une hutte au hameau de Harros, je pourrais gravir les marches du trône pontifical ! […] Certes, c’étaient toujours les belles lignes sculpturales, pleines de noblesse, qui nous ont arrêté dès le commencement de cette étude… » Cette espèce d’ingénuité s’explique par la vigueur même et la profonde sincérité de la conception.
Il ne vient auprès d’elle que dans une obscurité absolue, que dans les ténèbres les plus profondes, et il ne dissimule pas qu’il ne doit pas être vu, qu’il arriverait malheur s’il était vu d’elle. […] Voilà les différentes façons dont on peut traiter Psyché, et j’entends par là que ce vieux mythe populaire de Psyché contient tout cela, comme les mythes populaires contiennent des sens très grands et très profonds, en quelque sorte d’une façon inconsciente. C’est aller trouver, comme dans le premier, et surtout dans le second Faust, c’est aller trouver le sens profond des inventions populaires, des pensées que le peuple a déposées dans ses récits, qui est le propre des hommes de génie. […] C’est ainsi que lorsque Psyché supplie l’Amour, le dieu Amour, de se révéler à elle, l’Amour lui fait une réponse très spirituelle dans la forme, assez profonde, au moins assez pénétrante dans le fond, et qui est celle-ci (c’est une très jolie raillerie philosophique ; n’était le style, qui ne rappelle pas celui de l’homme que je vais nommer, on dirait quelque chose comme un de ces contes dont Renan nous régalait vers la fin de sa vie) : « — Apprenez-moi, du moins, dit Psyché au dieu, les raisons qui vous rendent si opiniâtre. […] Si vous trouvez que je sois démon, vous me haïrez ; et si je suis dieu, vous cesserez de m’aimer, ou, du moins, vous ne m’aimerez plus avec tant d’ardeur ; car il s’en faut bien qu’on aime les dieux aussi violemment que les hommes… » C’est infiniment charmant, et, comme vous le voyez, infiniment gracieux, comme étant superficiel en apparence, et très profond quand on y réfléchit.
Ces formes de bâtiments, qui contrariaient d’abord son œil académique (tout peuple est académique en jugeant les autres, tout peuple est barbare quand il est jugé), ces végétaux inquiétants pour sa mémoire chargée des souvenirs natals, ces femmes et ces hommes dont les muscles ne vibrent pas suivant l’allure classique de son pays, dont la démarche n’est pas cadencée selon le rythme accoutumé, dont le regard n’est pas projeté avec le même magnétisme, ces odeurs qui ne sont plus celles du boudoir maternel, ces fleurs mystérieuses dont la couleur profonde entre dans l’œil despotiquement, pendant que leur forme taquine le regard, ces fruits dont le goût trompe et déplace les sens, et révèle au palais des idées qui appartiennent à l’odorat, tout ce monde d’harmonies nouvelles entrera lentement en lui, le pénétrera patiemment, comme la vapeur d’une étuve aromatisée ; toute cette vitalité inconnue sera ajoutée à sa vitalité propre ; quelques milliers d’idées et de sensations enrichiront son dictionnaire de mortel, et même il est possible que, dépassant la mesure et transformant la justice en révolte, il fasse comme le Sicambre converti, qu’il brûle ce qu’il avait adoré, et qu’il adore ce qu’il avait brûlé. […] Non seulement sa peinture a parcouru, toujours avec succès, le champ des hautes littératures, non seulement elle a traduit, elle a fréquenté Arioste, Byron, Dante, Walter Scott, Shakspeare, mais elle sait révéler des idées d’un ordre plus élevé, plus fines, plus profondes que la plupart des peintures modernes. […] Delacroix arrive à ce prodigieux résultat ; mais par l’ensemble, par l’accord profond, complet, entre sa couleur, son sujet, son dessin, et par la dramatique gesticulation de ses figures. Edgar Poe dit, je ne sais plus où, que le résultat de l’opium pour les sens est de revêtir la nature entière d’un intérêt surnaturel qui donne à chaque objet un sens plus profond, plus volontaire, plus despotique. […] Elle dira, comme nous, qu’il fut un accord unique des facultés les plus étonnantes ; qu’il eut comme Rembrandt le sens de l’intimité et la magie profonde, l’esprit de combinaison et de décoration comme Rubens et Lebrun, la couleur féerique comme Véronèse, etc. ; mais qu’il eut aussi une qualité sui generis, indéfinissable et définissant la partie mélancolique et ardente du siècle, quelque chose de tout à fait nouveau, qui a fait de lui un artiste unique, sans générateur, sans précédent, probablement sans successeur, un anneau si précieux qu’il n’en est point de rechange, et qu’en le supprimant, si une pareille chose était possible, on supprimerait un monde d’idées et de sensations, on ferait une lacune trop grande dans la chaîne historique.
C’est, du reste, une loi générale qu’on aurait pu prévoir d’après ma théorie ; car des espèces arrivant de temps à autre, et peut-être à de longs intervalles, dans un nouveau district isolé, et ayant à faire concurrence à de nouveaux associés, doivent être très sujettes à subir des modifications plus ou moins profondes, et susceptibles de produire souvent des groupes entiers de descendants modifiés. […] Windsor Earl a fait quelques observations remarquables sur ce sujet dans le grand archipel Malais, traversé vers Célèbes par un détroit profond qui sépare deux faunes mammifères très distinctes. […] Nous voyons l’Angleterre séparée de l’Europe par un chenal peu profond, et les mammifères sont les mêmes sur les deux rives. […] Mais ces îles, quoique en vue les unes des autres, sont séparées par des bras de mer profonds, dans la plupart des cas, plus larges que la Manche ; et il n’y a aucune raison de supposer qu’elles aient jamais été réunies à une période géologique antérieure. […] Enfin, s’il est vrai que les organismes supérieurs de chaque classe soient des branches collatérales modifiées des types inférieurs de même type, il s’ensuit que la force d’atavisme doit être beaucoup plus puissante dans les rameaux généalogiques restés sans modification, que dans ceux qui ont, au contraire, subi de nombreuses et profondes transformations successives.
Au lieu de volontés individuelles, ce sont des volontés générales qui occupent la scène ; l’historien n’a pas plus qu’Hérodote l’idée de remonter jusqu’aux causes plus profondes, naturelles ou économiques, qui expliquent les causes politiques elles-mêmes des faits racontés. […] Xénophon n’est pas un historien aussi profond ni aussi sévère que Thucydide ; il mêle à chaque instant la morale à l’histoire, leçon au récit, à tel point que Quintilien croit devoir le classer parmi les philosophes plutôt que parmi les historiens. […] Polybe toutefois n’est encore qu’un historien politique plus profond que les autres. […] L’ouvrage le plus curieux peut-être qui ait paru récemment comme spécimen de la méthode moderne, c’est un livre ingénieux et souvent profond où M. […] On l’a bien vu quand la nôtre, perdant dans les excès de la terreur le meilleur de son génie, son humanité, sa conscience du droit, son profond désintéressement national, est tombée, de violences en violences, sous les pieds d’une dictature militaire.
Dans ses conversations revenait souvent le nom de Leconte de Lisle, qu’Heredia aimait d’une profonde et ancienne affection. […] J’en ai ressenti une profonde et filiale douleur, bien que je n’eusse guère d’illusion. […] Sa conception baroque de la vie fut d’une profonde sincérité. […] Que le fils Dumas ait pour le père Dumas, une profonde et violente admiration, rien de plus naturel. […] Il le peut, car il possède à un degré unique l’imagination du vrai, en même temps qu’il en a le sens le plus profond.
Elle produit et justifie à la fois l’inertie voluptueuse, la charité, le détachement, — même l’héroïsme par la conscience de notre solidarité profonde avec l’univers, et par la soumission volontaire aux fins du Dieu insaisissable et immense dont nous sommes la pensée. […] Et je voudrais pourtant t’affranchir, ô mon âme, Des liens d’un passé qui ne veut pas mourir… Mais c’est en vain ; toujours en moi vivra ce monde De rêves, de pensers, de souvenirs confus, Me rappelant ainsi ma naissance profonde, Et l’ombre d’où je sors, et le peu que je fus.
Que je regrette de lui avoir si peu marqué, de son vivant, cette profonde et unique sympathie ! […] Des étangs, limpides et immobiles, qui réfléchissent toutes choses s’appuyant à l’envers sur la voûte renversée des cieux, figurent la profonde résignation toute parsemée de souvenirs.
Elle pensait sans doute, et avec raison, que rien n’était d’une importance sociale plus profonde que d’écrire l’histoire, et qu’il en fallait défendre le droit par une institution contre les atteintes du premier venu, qui se délivre à lui-même mandat et brevet d’historien. […] Aussi, nous ne craignons pas de l’affirmer, les corrupteurs les plus profonds de la pensée publique, en ces derniers temps, n’ont pas été les Philosophes, mais les Historiens.
C’est la vérité profonde et divine ; elle ne peut pus être renversée ; elle peut être troublée, mais passagèrement ; l’équilibre se rétablit toujours ainsi. […] Cette catholicité, ce souci de l’humanité entière, c’est la marque du génie national, c’est une note généreuse et profonde dans laquelle s’accordent toutes nos diversités.
L’opposition est présentée du point de vue du moyen âge, mais la synthèse qui l’embrasse n’en est pas moins heureuse et profonde. […] Mais ce sera affaire d’imagination plutôt que d’érudition que d’apprécier, de sentir cette vérité à la fois profonde et mouvante, tout comme ç’a été affaire d’imagination plus que de compulsation, que de la saisir et de l’établir. […] Un trait le distingue ou plutôt lui est commun avec Franck : le classicisme profond de sa formation et de sa culture. […] Or, peu après qu’elle eut triomphé, ce vieux sol européen qui lui avait donné naissance et qui avait porté ses triomphes, a subi les ébranlements les plus profonds. […] Tante Rose, la bien nommée, avait un visage d’un magnifique rose qui, soutenu sans nuances ni dégradations, des profonds replis du menton à la racine des cheveux d’un blanc éclatant, lui prêtait l’apparence de la plus belle pièce de confiserie.
On le charge d’honneurs officiels ; quand il meurt, « la reine pleure avec une profonde douleur son noble poète lauréat » ; le peuple se presse à son service funèbre, et défile devant sa tombe, à Westminster. […] Ce Henri Heine, dès qu’il prenait la plume, on aurait dit qu’il s’efforçait de n’être pas profond ; c’était sa manière, il ne voulait rester qu’en surface. […] Un sentiment de la nature incontestablement profond est ici altéré par le souci de la composition artistique, par le besoin de mise en scène, qu’on retrouve chez beaucoup de nos romantiques. […] Et nous prêtions si bien, sans troubler vos mystères, L’oreille aux mots profonds que vous dites parfois ! […] C’est ainsi qu’il en va souvent : le créateur, qui a conscience de sa qualité unique, n’a pas conscience des moyens qu’il doit employer pour traduire son être profond.
Nous touchons ici à l’origine la plus profonde de ce monarchisme que lui reprochait Flaubert. […] Le mal était déjà trop profond. […] Mais la vocation du jeune homme est profonde. […] La déception de plus en plus profonde de Kiderlen se lit sur son front. […] Ici encore l’étymologie a sa signification profonde : monumentum dérive de monere : avertir.
Il assiste à un concert comme dans Shakspeare ; le Comus continue le Songe d’une nuit d’été, comme un chœur viril de voix profondes continue la symphonie ardente et douloureuse des instruments. […] On n’apercevait point encore le Faust panthéiste et la vague Nature qui engloutit les êtres changeants dans son sein profond ; on n’apercevait plus le paradis mystique et l’immortel Amour dont la lumière idéale baigne les âmes rachetées. […] S’il demeure maître, c’est qu’il en est digne ; plus ferme, plus entreprenant, plus politique que les autres, c’est toujours de lui que partent les conseils profonds, les ressources inattendues, les actions courageuses. […] Et toi, profond enfer, — reçois ton nouveau possesseur ! […] » — Au même moment, les montagnes énormes apparaissent — surgissantes, et soulèvent leurs larges dos nus — jusqu’aux nuages ; leurs cimes montent dans le ciel. — Aussi haut que se levaient les collines gonflées, aussi bas — s’enfonce un fond creux, large et profond, — ample lit des eaux.
… Ces yeux profonds avec des flèches au milieu Ah ! […] Cependant, s’il y a de vrais poètes presque tout à fait ignorants, il n’y en a pas de grands sans une connaissance profonde de leur langue. […] … Car, si tu t’arrêtais, ne fût-ce qu’un moment J’entendrais… j’entendrais au profond du silence Quelque chose d’affreux qui pleure horriblement. […] ………………………………………………………………………… La larme qui me monte aux yeux, tu la connais, Elle a le goût profond de mon sang sur tes lèvres. […] Elle est tiède, et profonde, et bien mienne !
Puis elle demanderait à toutes les sciences réunies, y compris les mathématiques, une idée savante et profonde de la nature. […] Nous admettons cette distinction, et les subtiles et profondes analyses de M. […] La théologie chrétienne est plus profonde et plus vraie en admettant des mystères dans la nature divine. […] De si profonds problèmes ne se résolvent pas en quelques pages. […] Vacherot contiennent une critique profonde et étendue des idées de M.
Si une lecture attentive des Récits d’un Chasseur inspire une profonde aversion pour les droits dont disposent les seigneurs russes, ce n’est point M. […] Nous nous enfonçâmes dans le foin et quelques instants après nous dormions l’un et l’autre d’un profond sommeil. […] La route que j’avais prise traversait en serpentant un épais taillis de noisetiers, et l’obscurité y était déjà profonde ; j’avançais presque au hasard. […] Lorsque tu pris congé de tes amis, ton émotion était profonde ; de tristes pressentiments t’agitaient. […] L’obscurité était profonde ; le nom d’Antropka s’élevait toujours faiblement dans la plaine.
Quand il fallut rompre avec la nièce du cardinal Mazarin, Marie Mancini, il faisait pitié à la reine sa mère, par la profonde tristesse où l’avait jeté, disait celle-ci, la perte de ce qu’il aimait. […] Un autre mal, non moins profond, affligeait la France. […] Il y avait vingt ans que Rome et le monde romain jouissaient d’une paix profonde, quand il imagina d’écrire à Auguste la belle épître où il le fait juge d’une question de poésie et d’histoire littéraire240. […] Qui doute que, de son côté, Boileau, dont la majesté royale ne troublait pas le ferme regard, n’ait su voir l’homme sous le souverain, et qu’il n’ait aimé le premier dans un respect profond, mais non timide, pour le second ? […] Il lut ces fameux écrits qui, par toutes les qualités du grand siècle, la méthode, la proportion, la majesté jointe au naturel, les vues les plus profondes sur l’homme, sont des monuments littéraires d’un intérêt éternel.
D’ailleurs, en ce moment-là même, le monde subissait une si profonde révolution, qu’il était impossible qu’il ne s’en fît pas une dans les esprits. […] Toutes ses créations puisent dans leur propre nature cet accent énergique et profond devant lequel il semble que l’antiquité ait parfois reculé. […] Certes, celui qui a dit : les français n’ont pas la tête épique, a dit une chose juste et fine ; si même il eût dit les modernes, le mot spirituel eût été un mot profond. […] Nous touchons donc au moment de voir la critique nouvelle prévaloir, assise, elle aussi, sur une base large, solide et profonde. […] Il n’est pas de hautes montagnes sans profonds précipices.
Mais s’il se sentait chrétien, il ne voulait pas être prêtre ; il se fit ordonner sous la pression de son directeur et de son frère, dans une angoisse profonde. […] Lamennais se laissa circonvenir, se soumit, se rétracta ; puis, se relevant aussitôt, il lança ses admirables Paroles d’un croyant, qui firent une sensation profonde. […] Moins éclatant et moins tapageur fut renseignement de Jouffroy704 disciple de Cousin, et tout le contraire de Cousin : grave, sobre, précis, intérieur, contenant son émotion, détaché du christianisme avec angoisse, et reconquérant douloureusement les grandes vérités chrétiennes par la philosophie, il recherchait, avec une sincérité profonde et une réelle force de pensée, le problème de la destinée humaine, ou posait les principes du droit naturel et de l’esthétique. […] Il déroulait de vastes tableaux qui captivaient l’imagination, historien plutôt que critique, et plus large que profond. […] Il n’était point profond ; ni l’exacte psychologie, ni la logique sévère n’étaient son fort.
Edmond Schérer et Émile Montégut nous démontrèrent à l’envi, dans d’éloquentes et profondes études, que Georges Eliot l’emportait de beaucoup sur tous nos conteurs réalistes. […] Page si belle ; vision si profonde de misère et de bonté, si révélatrice du lien qui unit la bonté et la souffrance, et encore de cette vérité troublante et contradictoire, que la société est fondée sur l’injustice et que l’injustice est la condition de la vertu qui permet au monde de durer, — que M. […] Nous les voyons vivre d’une vie lente et profonde. […] Et ainsi nous aboutissons à ce truisme que les différences des littératures se rattachent aux différences profondes des peuples. […] Tout le sérieux, toute la substance morale de Georges Eliot semblent avoir passé dans les profondes études de M.
Malgré les différences de temps et d’hommes, l’un semble avoir engendré l’autre à quatre siècles de distance ; car si sous Léon X, pour des causes trop longues à déduire, le principe de l’Église romaine a reçu cet effroyable échec de Luther et de sa Réforme, sous Clément XIV il en reçut un autre, presque aussi profond, dans la personne de ceux qui s’étaient dévoués à réparer le premier. […] Le cardinal de Bernis, l’ami de Voltaire et la bouquetière de madame de Pompadour, ne pouvait pas se déshonorer, mais l’archevêque de Séville, le grave et profond cardinal de Solis, avait, lui, un honneur à perdre, un noble passé à sacrifier, et il perdit l’un et sacrifia l’autre en acceptant de son gouvernement la mission de faire nommer un pape s’engageant d’avance et par écrit à la destruction des Jésuites. […] La littérature n’est qu’une bagatelle difficile, à côté d’une question d’État aussi profonde que celle qui se trouve sous l’histoire des Jésuites et de leur abolition. […] L’ambition humaine souffre de cela, mais la conscience religieuse, avec sa foi inaliénable et profonde, en souffre bien davantage. […] D’ailleurs, il y a mieux encore : élevons-nous une bonne fois par le sentiment théologique au-dessus des jugements humains de l’histoire, et finissons par une de ces considérations profondes qui finissent tout.
Il jouissait d’autant plus, quand son imagination le lui permettait, du calme uni et profond des dernières heures : Le 14 (août). — Après une longue série de jours éclatants, j’aime assez à trouver un beau matin le ciel tendu de gris, et toute la nature se reposant en quelque sorte de ses jours de fête dans un calme mélancolique. […] Les plus hardies ou les plus lestes sautaient de l’autre côté en poussant un grand cri ; les autres, plus lourdes ou plus maladroites, se brisaient contre le roc en jetant des écumes d’une éblouissante blancheur, et se retiraient avec un grondement sourd et profond, comme les dogues repoussés par le bâton du voyageur. […] c’était quelque chose d’étrange et d’admirable, un de ces moments d’agitation sublime et de rêverie profonde tout ensemble, où l’âme et la nature se dressent de toute leur hauteur l’une en face de l’autre. […] Lui aussi il était, mais il n’était qu’à demi de la race de René, en ce sens qu’il ne se croyait pas une nature supérieure : bien loin de là, il croyait se sentir pauvre, infirme, pitoyable, et dans ses meilleurs jours une nature plutôt écartée que supérieure : Pour être aimé tel que je suisa, se murmurait-il à lui-même, il faudrait qu’il se rencontrât une âme qui voulût bien s’incliner vers son inférieure, une âme forte qui pliât le genou devant la plus faible, non pour l’adorer, mais pour la servir, la consoler, la garder, comme on fait pour un malade ; une âme enfin douée d’une sensibilité humble autant que profonde, qui se dépouillât assez de l’orgueil, si naturel même à l’amour, pour ensevelir son cœur dans une affection obscure à laquelle le monde ne comprendrait rien, pour consacrer sa vie à un être débile, languissant et tout intérieur, pour se résoudre à concentrer tous ses rayons sur une fleur sans éclat, chétive et toujours tremblante, qui lui rendrait bien de ces parfums dont la douceur charme et pénètre, mais jamais de ceux qui enivrent et exaltent jusqu’à l’heureuse folie du ravissement.
Il était une de ces organisations tendres et vagues, ouvertes et profondes, que l’aspect de la nature physique et champêtre passionne et attire jusqu’à les enivrer, jusqu’à les absorber en soi et, par moments, les anéantir. […] Ainsi ma vie, à l’interruption subite des carrières impétueuses que je fournissais à traversées vallées, frémissait dans tout mon sein… « La jeunesse est semblable aux forêts verdoyantes tourmentées par les vents : elle agite de tous côtés les riches présents de la vie, et toujours quelque profond murmure règne dans son feuillage. […] Il ne l’effleure pas d’un œil d’artiste ; il la caresse à pleins bras, comme l’amoureux du Cantique des cantiques : Veni, et inebriemur uberibus… « Quel plaisir autrefois de me rouler dans les hautes herbes, que j’aurais voulu brouter, comme mes vaches ; de courir pieds nus sur les sentiers unis, le long des haies ; d’enfoncer mes jambes, en rehaussant (rebinant) les verts turquies, dans la terre profonde et fraîche ! […] Elle se plut de bonne heure aux entretiens de ce frère poëte d’imagination et de nature : « Il m’était si doux de t’entendre, de jouir de cette parole haute et profonde, ou de ce langage fin, délicat et charmant que je n’entendais que de toi !
L’effet de douleur que lui causa la mort de Louis XVI fut le premier coup porté à cette sensibilité profonde ; la mort de M. de Kersaint suivit de près25. […] Les romans d’Ourika et d’Édouard ne sont donc, selon nous, que l’expression délicate et discrète, une peinture détournée et adoucie pour le monde, de ce je ne sais quoi de plus profond qui fermentait au sein de Mme de Duras. […] En tout, des passions plus profondes que leur expression, et jamais d’emportement ni d’exubérance, non plus qu’en une conversation polie. […] Veiller, c’est soumettre l’involontaire… » Quel sens mélancolique et profond les simples paroles suivantes n’empruntent-elles pas sur les lèvres de Mme de Duras !
M. de Tocqueville828 est plus réellement impartial ; il a l’esprit plus large et plus profond que Guizot. […] Dans une seconde partie, plus originale et plus profonde encore, Tocqueville nous découvre l’influence de la démocratie sur le mouvement intellectuel, sur l’état moral et sentimental, sur les mœurs, et la réaction des idées, des sentiments et des mœurs sur le régime politique. […] Le problème historique se posa pour lui comme une résurrection de la vie intégrale, dans ses organismes intérieurs et profonds. […] Cependant Michelet écrira encore d’admirables pages, toutes pleines d’idées profondes et suggestives, sur la Renaissance, sur la Réforme, sur les guerres de religion : il nous donnera en tableaux merveilleux une vision précise, colorée du xvie siècle.
Voici une de ses meilleures phrases, une des vingt qui paraîtront belles à la lecture sommeillante d’un voyageur de sleeping-car : « Comme les conquérants qui agrandissent leurs conquêtes par l’imagination, il faisait du présent victorieux le piédestal d’un avenir de gloire. » Il n’est pas besoin d’un psychologue profond (Paul Bourget lui-même suffirait à la tâche) pour remarquer qu’aux yeux d’un jeune ambitieux l’avenir n’est pas une statue précise, mais une succession de degrés qu’une lumière de féerie soulève l’un après l’autre et où monte un vertige joyeux. […] En 1869, « on dînait encore à six heures et — remarque notre profond philosophe — rien n’en allait plus mal pour cela ». […] Sa grosse gaieté se retient, se mord les lèvres, s’ingénie à paraître l’esprit le plus fin, la pensée la plus profonde, la poésie la plus parfumée. […] À travers la pratique dont il pense ennoblir sa voix, il dit pour elles des paroles voulues profondes ou somptueuses et qui sont sottises laborieusement alambiquées.
Rousseau, qui se sépare des encyclopédistes par certaines croyances et par une affiche de moralité plus stricte, ne se sépare pas moins de Voltaire en ce qu’il vise à une réforme politique profonde par le moyen du peuple, et en s’adressant à la logique commune, au sentiment universel. […] Mais bientôt, cette direction échappant aux mains des gouvernants, la société tout entière entra dans une de ces agitations profondes dont aucun esprit clairvoyant ne pouvait prévoir le terme ni les crises. […] On conçoit que, sage et sans passions, satisfait et désabusé, Rulhière n’ait pas vu sans une impression profonde la grande commotion qui ébranlait la société et toutes les existences. […] Mais lorsqu’en lisant Rulhière on peut se détacher assez de l’intérêt profond des choses pour n’observer que la structure du discours, on est partout frappé de la riche variété des nombres qui concourent à l’harmonie générale.
Xavier Aubryet, raffiné, sentimental, profond dans son ordre de perception, idéaliste de tendance, platonicien dans le grand sens du mot, Xavier Aubryet a-t-il une métaphysique et quelle est-elle ? […] Si Aubryet n’a pas de christianisme intégral plus que de métaphysique intégrale, il a du moins dans l’esprit des rayons fondus de christianisme qui lui font une délicieuse quoique trop inégale lumière, et qui peuvent devenir très bien un jour profond, immuable et complet. […] Cet esprit profond et tragique qui a écrit le morceau d’Hamlet ou le mal de l’analyse, cet esprit comique et profond qui a écrit le chapitre de Prudhomme ou la synthèse de la sottise, se trompe presque à chaque fois sur les hommes et sur la quantité de forces intellectuelles qu’ils ont en eux ou qu’ils ont versées dans leurs œuvres.
Étonnement profond pour ceux qui ont connu l’homme ! […] Comme homme, Mérimée était trop ce qu’il était comme écrivain pour avoir jamais eu un sentiment profond et passionné dans l’âme. […] Les lettres, c’est intellectuellement la pierre de touche de toute supériorité humaine, et si un homme est supérieur dans ses lettres, c’est qu’il l’est partout, et si inférieur, c’est que réellement il l’est au plus profond de sa substance. […] disait-on, et on admirait ce diable, qu’on croyait profond, de Mérimée.
je ne demande pas à Lord Macaulay, le protestant anglais, et qui veut être conséquent en avant comme en arrière aux principes de la Constitution de 1688, d’avoir sur la souveraineté les opinions de Joseph de Maistre, mais pourtant il y a autre chose de plus noble et de plus chrétien, et, si nous sortons de l’ordre sentimental pour entrer dans l’ordre rationnel, de plus mâle et de plus profond à invoquer contre un Roi, même coupable, que la loi du talion et l’utilité, qui composent, à peu près, toute la morale de Lord Macaulay sur cette question et sur toutes les autres. […] Intérieur et extérieur, également embrassés, de l’ouvrage qu’il veut faire connaître, influences subies ou repoussées, époques reproduites à grands traits, individualités pénétrées, manière toute-puissante et presque magique de grouper les faits dans laquelle il est passé maître, vues ingénieuses et profondes, preuves historiques resplendissant d’exemples à l’appui de ses opinions, et, quand il n’est pas dans la vérité absolue, mirages historiques si bien faits que les plus savants peuvent y être pris, voilà les forces vives du genre de critique qui est la gloire de Macaulay ! […] Au milieu d’aperçus si brillants qu’ils semblent parfois des paradoxes, comme, par exemple, le passage de l’article de Dryden, qui tout à la fois éblouit et navre, sur le peu de nécessité des grands hommes, Macaulay a des étreintes impitoyables de bon sens et parfois des simplicités pleines de force, qui résument et finissent tout d’un trait, comme quand il dit de Lord Byron ces quelques mots faciles à trouver, dirait-on, mais qui ont détendu d’un seul coup tous les arcs du Cant et de la Calomnie bandés contre l’immoralité du grand poète : « Lord Byron n’a pas été plus coupable qu’aucun autre homme qui ne vit pas bien avec sa femme. » Peut-on dire plus simple, plus profond et plus vrai ? […] Sous sa main, elle était devenue humaine ; elle écoutait aux portes du cœur ; et pas de doute que si son cœur, à lui, avait souffert, si la destinée lui avait fait goûter à ses savoureuses amertumes, si la divine Marâtre qu’on appelle la Douleur lui avait mis au front ce baiser mordant qui le féconde, pas de doute que comme critique même (comme écrivain, ce n’est pas douteux), il aurait été plus profond et plus grand… L’homme n’est jamais assez intellectuel pour pouvoir se passer de sentiments, et les plus forts sont les sentiments blessés.
J’y trouve assez de goût pour croire que je ne m’ennuierai point de la vie que je fais… » Mais, après cette sorte d’étape et ce premier temps de repos, Rancé se relève et se met en marche pour une pénitence infatigable et presque impitoyable, à l’envisager humainement : « Je vous assure, Monsieur, écrit-il à l’abbé Favier (24 janvier 1670), que depuis que l’on veut être entièrement à Dieu et dans la séparation des hommes, la vie n’est plus bonne que pour être détruite ; et nous ne devons nous considérer que tanquam oves occisionis. » A côté de ces austères et presque sanglantes paroles, on ne peut qu’être d’autant plus sensible aux témoignages constants de cette affection toujours grave, toujours réservée, mais de plus en plus profonde avec les années, qu’il accorde au digne vieillard, son ancien maître ; les jours où, au lieu de lui dire Monsieur, il s’échappe jusqu’au très-cher Monsieur, ce sont les jours d’effusion et d’attendrissement. […] La différence profonde qui, dans le sentiment de Rancé et d’après l’institution rigoureuse de l’Église, devait distinguer les moines proprement dits d’avec le corps du clergé séculier, s’effaçait de plus en plus dans les esprits et n’était plus parfaitement comprise, même des estimables Sainte-Marthe, même des vénérables Mabillon. […] » Remarquez que cet oubli profond de la part du monde, joint au souvenir fidèle de la part des amis, est la conciliation parfaite qu’embrasse le vœu du solitaire.
Maintenant il est impossible de s’intéresser fortement à ces ouvrages, qui ne sont que spirituels, n’embrassent point les sujets qu’ils traitent dans leur ensemble, et ne les présentent jamais que par un côté, que par des détails qui ne se rallient ni aux idées premières, ni aux impressions profondes dont se compose la nature de l’homme. […] Les écrivains font sans cesse des fautes semblables, quand ils veulent développer des sentiments profonds ou des vérités morales. […] Cet éloge si simple d’un grand homme, cette gradation qui donne pour dernier terme de la gloire les affections de son pays, fait éprouver à l’âme la plus profonde émotion.
Je crois même que l’homme, ayant plus de facilités, reçoit des impressions plus profondes ; le dehors entre en lui davantage, parce que les portes chez lui sont plus nombreuses. […] Le profond rajeunissement des êtres, l’air tiède du printemps qui renouvelle et ébranle toutes les vies, ne leur suggère qu’un couplet gracieux ; ils remarquent en passant que « déjà est passé l’hiver, que l’aubépine fleurit et que la rose s’épanouit » ; puis ils vont à leurs affaires. […] Ne cherchez pas ici le profond instinct moral que la froideur du tempérament et l’imagination sérieuse engendrent chez les Germains.
Ce fut un superbe pamphlétaire, dont l’absolu désintéressement, l’humilité profonde, mirent à l’aise le tempérament ; écrivain puissant, nourri des grands maîtres, au commerce desquels il a développé son originalité, ayant une rare intelligence littéraire, il a écrit des pages qui vivront, par la vivacité mordante de l’esprit ou par l’éclat violent de la passion. […] La déconsidération profonde que la lointaine expédition du Mexique jeta sur le gouvernement, est due en grande partie à l’éloquence passionnée de Jules Favre, qui pendant quatre sessions ne laissa passer aucune faute, aucun scandale de cette malheureuse entreprise. […] Il y a là une abondante matière de grande éloquence, si les hommes se rencontrent : et quelques expériences récentes nous invitent à douter que, chez nous, le dégoût du développement oratoire soit profond et définitif.
L’Œuvre s’était consacrée jusqu’ici au drame scandinave, drame idéologique, puissant mais froid, profond mais inesthétique. […] C’est tour à tour la Fête du Village de Téniers, l’Enfer de Dante et le fouillis archaïque, sinistre, mélancolique et profond d’une composition d’Albert Durer et le rire énorme de Rabelais. […] Moréas, la troublante et profonde Sémiramis de Péladan.
Il manie la langue avec une élégance forte et travaillée, et il lui communique l’éclat concentré d’une pensée souvent profonde, creusée toujours. […] Le capitaine est savant et profond. […] Ce désaccord profond entre le tempérament, ou la seconde nature d’une longue habitude, et la métaphysique qu’on s’est arrangée dans l’intelligence, établit un contraste choquant entre l’esprit qui a pensé la Science de la main et le talent qui l’a écrite.
Au lieu de se suicider, il passa en Algérie, où il montra une intelligence profonde de la colonisation et où il se fût créé une haute position et une vaste fortune si la révolution de 1848 n’avait renversé tous ses plans. […] Quoi qu’il en soit, c’est une biographie à la manière des temps actuels bien plus qu’une vie historique composée, profonde et sévère. […] Mais c’est un chrétien et non pas un giaour, un chrétien profond, resté tel dans les abîmes de son être, — dans le cours de son sang, — par-delà et par-dessous tous les doutes, toutes les mauvaises pensées, toutes les tentations du xixe siècle ; c’est un chrétien naïf de foi, qui écrit à son frère, avant de mourir comme il convient, disait-il, à un gentilhomme ; « Le curé de Guaymas sort d’ici : c’est un homme intelligent et doux, un homme comme il en faut pour adoucir ce qu’il y a de trop léonin et d’indompté en moi.
Et il doit se connaître mieux que personne aux tressaillements profonds et menaçants qui l’annoncent… Louis Teste — comme tout le monde le sait — est un des écrivains les plus en vue du Paris-Journal. […] Louis Teste a insisté beaucoup dans sa biographie, avec la préoccupation moderne qui est de voir tout dans la science, sur les habitudes studieuses et la profonde érudition de Léon XIII. […] Seulement, quoi qu’il pût être un jour, il fut tout de suite, et il est encore, sans menace, sans jactance, presque silencieusement, le prévoyant, le prudent, le profond, qui se prépare, en les attendant, aux circonstances futures, comme le capitaine de vaisseau se prépare au branle-bas, parce qu’il sait que ce branle-bas sera terrible… V Et comment ne le serait-il pas ?
Dans l’état de la pensée et des connaissances contemporaines, il faudrait élever contre les anciennes préventions un de ces livres péremptoires, éclairés également par la réflexion et par la science, et qui gardent, en littérature, la solidité d’un édifice, après avoir fait le bruit d’un renversement En d’autres termes, un chef-d’œuvre ne serait pas de trop pour purifier d’une seule fois tous les courants où l’Opinion, cette brebis qui n’est pas sans tache, se désaltère avec moins d’innocence que l’agneau de la Fable, et pour rasseoir dans une limpidité profonde ce cristal de l’Histoire que tous les genres de passion ont remué par la plume de tant d’écrivains et en particulier par celle de Voltaire. […] Aussi n’est-ce pas dans toute cette histoire, officielle et si connue qu’elle en est vulgaire, n’est-ce pas sous l’épiderme des événements du xvie siècle, mais bien dans les entrailles des réalités les plus profondes, qu’il fallait chercher la raison supérieure de la nécessité de la Ligue et de son héroïque légitimité. […] Qu’on étudie l’Église elle-même, l’Église calme n’est-elle pas, pour qui jette sur elle un regard profond, une ligue à l’état latent ?
Cette résolution, qui ne dure qu’une minute, est la seule circonstance étrangère au magnifique développement d’amour qui est l’intérêt profond de ce roman par lettres sans égal ; car Clarisse et Delphine et les Lettres de deux jeunes mariées sont pleines d’événements. […] L’amour de Réa peut porter tous les signes mortels de ce temps destructeur, mais il n’en est pas moins l’amour immortel qui ne disparaîtra qu’avec la dernière âme humaine… Cette Réa Delcroix, c’est bien là la femme amoureuse au xixe siècle, dans ce siècle où l’amour s’en va des cœurs appauvris, mais où, quand il existe, il est d’autant plus intense et d’autant plus orageux qu’il s’est réfugié dans quelques âmes ardentes et profondes, et qu’il s’y débat pour y mourir ! […] « Je vous aime d’une façon grande, profonde, douloureuse, puérile et joyeuse aussi.
Quand la mode était aux tragédies, faire une tragédie n’était qu’une prétention littéraire ; mais écrire un roman, c’est une prétention littéraire, doublée d’une autre, bien plus profonde. […] En effet, il a placé, avec l’entente d’un art profond, sa madame Bovary, cette nature si peu exceptionnelle, dans les circonstances qui devaient le plus repousser ce qu’elle a de commun, et accuser le plus énergiquement les lignes de son type. […] Seulement, elle la veut plus complète, plus profonde, mieux cachée, moins haletante, et, pour cela, elle s’entortille dans toutes les abominations de l’adultère, les manigances, les mensonges et la trahison !
Découvrir de la beauté en dehors de la région où elle doit exclusivement éclore, loin d’être considéré comme l’indice d’une conception esthétique plus large et plus profonde que celle dont se nourrit la corporation des esthètes, ne dénote à leurs yeux que grossièreté, vulgarité de goût. […] Il est impossible de ne pas être saisi de la beauté qu’engendre une telle unité de conception, de la profonde et intime originalité qui en résulte. « L’architecte avait vu, peu à peu, son autorité et son rôle s’amoindrir, écrit avec justesse M. […] Leur seul caractère commun est la marque qu’elles portent toutes de la profonde originalité de leur auteur. « La maison-type n’existe pas pour lui »40 a-t-on avec juste raison.
Mais c’est toujours un deuil profond, une irréparable perte que de voir s’éteindre une de ces vies qui nous ont éclairés et charmés. […] Il est difficile de croire, par exemple, que Shakspeare et Molière, les deux plus hauts types de cette classe d’esprits, n’aient pas senti avec une passion profonde et parfois amère les choses de la vie.
Ces deux dernières périodes, le moyen âge et les cinq premiers siècles, ordinairement effleurés à peine dans les précis de l’histoire de la philosophie, sont ici traités avec un développement et une lucidité qui annoncent chez le rédacteur de ce manuel un des hommes les plus familièrement versés en ces sources profondes. […] Les dernières livraisons de l’Encyclopédie pittoresque, publiée par Lachevardière, contiennent de remarquables articles, Arianisme, Aristote, où l’on reconnaît la pensée philosophique profonde et la plume énergique de M.
Le portrait, la description de la personne et de la vie de la Torpille (c’est l’odieux nom de la pauvre fille perdue) accusent ces observations profondes et fines particulières à l’auteur, et respirent une complaisance amollie qui s’insinue bientôt au lecteur, si elle ne le rebute tout d’abord : c’est là un secret et comme un maléfice de ce talent, quelque peu suborneur, qui pénètre furtivement, même au cœur des femmes honnêtes, comme un docteur à privautés par l’alcôve. […] Quand le jésuite, qui la veut rendre digne de son jeune parent et protégé, l’a mise au couvent, le voile d’innocence ignorante et les restes secrets d’impudeur dans cette jeune fille sont poursuivis et démêlés comme les moindres veines sous-cutanées, comme les profonds vaisseaux lymphatiques par le préparateur anatomique habile et amoureux du cadavre.
Alors il va guetter son ennemi au bord d’un canal, le provoque de nouveau et, comme il refuse de se battre, le fait, d’un vigoureux coup de poing, rouler dans l’eau profonde. […] » — Je sais que nul romancier, pas même George Sand, n’a su mêler aussi étroitement la vie des hommes et la vie de la terre sans absorber l’une dans l’autre ; ni mieux entrelacer l’histoire fugitive des passions humaines et l’éternelle histoire des saisons et des travaux rustiques Je sais aussi que rien n’est plus charmant que ses jeunes filles ; car, tandis que la campagne les fait simples et saines, la solitude les fait un peu rêveuses et capables de sentiments profonds La solitude, soit aux champs, soit dans les petites villes silencieuses, nul n’a mieux vu que M.
Et enfin, parmi cette étrange puissance d’illusion, au travers des confusions qu’elle fait de ses sens avec son cœur, et sous les boursouflures de son inlassable lyrisme, nous avons la joie de retrouver quand même sa bonté et sa bonhomie profonde, et son invincible maternité. […] La plus belle phrase peut-être, et la plus profonde, de On ne badine pas avec l’amour a été empruntée textuellement par Alfred à une lettre de George.
Avec les années, sa poésie s’est faite plus profonde. […] Quelques-unes de ses poésies, grâce à leur personnalité et à leur beauté, le désignent à ma profonde admiration, et son caractère fier et simple me le fait aimer.
Holbein, peignant, d’un pinceau profond, les bas-reliefs de sa Danse Macabre, ainsi le maître de la Mort de Marie et les naïfs poètes du moyen âge ! […] Métaphores d’une originalité profonde, images se suivant, se culbutant, pour après s’éteindre sur des phrases en lesquelles ont passé des torrents d’harmonie.
Au bout d’une ou deux générations, les envahisseurs normands ne se distinguaient plus du reste de la population ; leur influence n’en avait pas moins été profonde ; ils avaient donné au pays conquis une noblesse, des habitudes militaires, un patriotisme qu’il n’avait pas auparavant. […] Toujours une profonde raison d’être a présidé à ces formations.
Didot, obligé par le nom qu’il porte, — comme l’était la noblesse autrefois, — a condensé en ce volume, d’un caractère fin, mais étincelant de netteté et de précision, une science profonde et un détail immense. […] Erreur profonde, que l’expérience lui démontrerai.
Lorsque tout éclate et crève de publicité autour de nous, c’est comme une fatuité profonde de garder l’anonyme ; et se le permettre, si on n’a pas le génie de Scott ou de Cooper, c’est courir le risque d’être puni par où l’on a péché. […] Supposez dans l’auteur du Blessé une intelligence plus mâle, un observateur plus profond, et le livre manqué, autant en esthétique qu’en morale, pouvait devenir une œuvre hardie d’effet, imposante d’enseignement et de conclusion.
Ma joie est profonde d’avoir écrit cet opuscule. […] Que serait la justice de la postérité si la réputation d’un auteur pouvait s’échapper, sans dommage, de ce qui porte à sa considération une atteinte si profonde ? […] Mon profond égoïsme est cause que je ne m’ennuie jamais seul avec moi-même. […] Ce n’est pas qu’ils soient des psychologues profonds ou des métaphysiciens sublimes, c’est parce qu’ils sont myopes. […] du sentiment profond de son impuissance à convaincre ses adversaires, ses amis, par aucune raison décisive qui les contraignît à rendre les armes.
La moralité profonde de cette œuvre nous apparaîtra en même temps que nous saisirons son intention constante. […] Ce principe profond commande déjà toute la sensibilité de Taine collégien et jeune professeur. […] A cette attribution il y aurait d’autres avantages plus profonds encore. […] Aucun compte des originalités profondes des provinces. […] Il justifiait ses critiques par des vues toujours ingénieuses et neuves, souvent profondes.
Il est probable même que Renan lui inspirait une profonde horreur, mêlée d’un prodigieux étonnement. […] Rien de plus sérieux, rien de plus sincère que cette promesse, rien même de plus profond. […] Ceci est le sens profond de l’histoire, au contraire, si je ne me trompe. […] C’est chez elle un vrai besoin intime, profond et de nature. […] On trouve Shakespeare profond.
Génie plus étendu, plus profond, plus délicat, il aimait à chercher au loin dans la vie passée, ou au plus enveloppé du cœur de ses personnages, les causes et les progrès de la passion qui devait les précipiter. […] Nous vivons dans une si profonde obscurité sur nous-mêmes, et avec un si violent besoin de nous connaître, que nous appelons excellent l’art qui nous apprend qui nous sommes et avec qui nous vivons. […] On veut apprendre d’Auguste ce que son âme profonde renfermait de pensées secrètes, d’ambition combattue, de fatigues et d’ennuis, dans la plus grande jalousie du pouvoir ; on veut savoir ce que c’est qu’un fondateur d’empire. […] Voilà ce que le simple et profond génie des anciens avait vu dans la vie, et ce que Racine a imité d’eux, comme on imite la vérité, en la trouvant à son tour. […] La place du chœur n’est pas au milieu des armes ; Salomith entraîne ses sœurs au plus profond du temple.
A défaut de dérangements physiques, ce sont les douleurs morales qui arrivent comme une condition de la haute pensée, du sentiment profond et du génie. […] En face de cette école des constitutionnistes dont Sieyès était le grand prêtre et qui pensait qu’une bonne constitution écrite pouvait s’appliquer immédiatement à un peuple quelconque, l’auteur du Sentiment réclamait pour le caractère profond, historique et presque divin, de toute institution sociale ayant racine dans une nation. […] Ballanche pour sortir du découragement profond où il était tombé, fut la conception d’Antigone. […] Ballanche un philosophe non didactique, qui nous introduit à travers des enceintes compliquées et par détours gracieux ou obscurs jusqu’à un sanctuaire profond : le poëme d’Antigone est comme une symphonie attrayante que nous avons entendue au parvis. […] Magnin, les symboliques réminiscences et les instinctifs pressentiments de l’auteur d’Orphée ont-ils un degré de vraisemblance que nous ne retrouvons pas dans l’Homme sans nom : « Dans ce dernier poëme, ajoute le même critique, la proximité de l’objet nous paraît déjouer l’œil profond du mystique interprète : la double vue ne s’applique bien qu’à l’invisible. » Et pourtant, chose remarquable !
Et le Mage sera Beethoven, éclairant son tableau de l’Apparence à la Lumière intérieure de son Univers, univers profond où gît l’Être réel des choses : Beethoven créant, en pleine conscience, les forêts et les couples, et le torrentueux Océan des émotions humaines ; Beethoven, pénétré d’un indicible Contentement, à la vue de sa puissance, souriant à l’Illusion qu’il a créée, reprenant, pour se jouer, en charmeur, avec elle, toute la Douleur de l’Etre. […] Il est cependant avéré qu’ils y ont produit une sensation assez profonde pour que des milliers de personnes, n’ayant pu assister à l’une des seize représentations, données à une fin de saison, attendent la reprise de l’œuvre, l’année prochaine. […] Et avec quel sentiment de profonde reconnaissance ne faut-il pas envisager cet avenir, fût-il encore lointain, puisque ces œuvres sublimes ne seront, ne pourront jamais être données au grand opéra ; car de telles représentations n’auront lieu qu’avec une interprétation digne d’elles ; devant un public enfin éclairé ; dans une salle et dans un cadre vraiment à leur hauteur. […] Ce qui, dans le drame, nous apparut, immédiatement, au travers de l’action vivante, nous le saisissons ici, et comme le fond très-intime de cette action : et les émotions sont également précises que nous produisent, dans le drame, la force naturelle des caractères, ici, les motifs du musicien recréant l’être profond agissant en ces caractères. […] Shakespeare, d’inexplicable et incomparable manière, a fait ceci : les formes du drame, que les pièces du grand Caldéron, déjà, avaient données comme un art spécial, mais bien rude et grossier encore, il les a pénétrées d’une vie si profonde qu’elles nous apparaissent traduire, immédiatement, la Nature : il a placé devant nous des hommes réels, non plus des créations de l’art : et, cependant, ces hommes nous sont lointains, tellement que tout contact avec eux nous paraît impossible, impossible comme un contact avec les visions de fantômes.
Et dans ces existences ; dont les menus faits décèlent perpétuellement en Flaubert une si profonde perception des mobiles, de leur complication, de la dissimulation des plus puissants, de toute la vie inconsciente qui rend chacun différent de ce qu’il se croit et de ce qu’on le croit être, Flaubert est parvenu à distinguer et à rendre le trait le plus difficile : la lente transformation que le temps impose à ceux qu’il détruit. […] Les fantasmagories de son imagination insatisfaite, les sourds élans de son âme vers des bonheurs plus profonds, les gouttes de joie qu’elle parvient à exprimer de la sécheresse de sa vie, culminent en cette scène d’amour où l’ineffable est presque dit : « La lune toute ronde et couleur de pourpre se levait à ras de terre au fond de la prairie. […] Le mystère, le symbolisme : Cet artiste explicite et précis qui excelle à montrer la beauté sans voile par des phrases qui l’expriment toute, sait aussi, dans des occasions plus rares mais marquantes, susciter la délicieuse émotion qui résulte de la réticence, de la prétérition du mystère suggéré, sait avec un art profond et charmant s’arrêter au bord des images et des pensées auxquelles la parole est trop pesante. […] Ils se regardent, et leurs yeux s’envoient comme un flot de pensées, mille choses anciennes, confuses et profondes… » D’autres scènes, l’apparition d’Hélène Ennoia, le culte des Ophites, se passent en demi-ténèbres, et apparaissent vagues et passagères comme des songes, persuasives comme des hallucinations. […] Dans ce livre, dans Bouvard et Pécuchet qui en est l’analogue, plus ironique et moins profond, Flaubert tente par une synthèse générale, en dehors de toute intrigue et de toute psychologie, de représenter l’histoire du développement de l’esprit humain, de son insatiable inquiétude, sans cesse assaillie de solutions, de systèmes, de révélations qu’il adopte, qu’il subit et qu’il abandonne en une révolution que le scepticisme de l’écrivain le portait à concevoir circulaire.
Vue profonde, qui a renouvelé la critique. […] Est-il exagéré de dire que l’effort pour l’appliquer à la France a été pour notre pays le principe des troubles les plus profonds ? […] Cette définition si simple est très profonde. […] L’épouvantable catastrophe ne l’a pas réveillé de sa profonde intoxication. […] Les philosophes l’emploient pour désigner ce qu’il y a de plus intérieur, et, par suite, de plus profond, dans une doctrine.
L’art puise ses inspirations à ces sources profondes, aussi bien qu’à la source toujours ouverte de la nature. […] Prenez la musique ; c’est l’art sans contredit le plus pénétrant, le plus profond, le plus intime. […] Quoi de plus clair et tout ensemble de plus profond et de plus vaste ! […] Moins varié, il est plus profond. […] Elle résume en quelque sorte tout le tableau, et lui donne son caractère, celui d’une émotion profonde et contenue.
Rien n’est isolé en nous, et tout plaisir vraiment profond est la conscience sourde de cette harmonie générale, de cette complète solidarité qui fait la vie : l’agréable est le fond même du beau. […] Entendu de cette manière, l’instinct du génie n’est plus que la raison en son principe le plus profond et se retrouve à la source de la science même. […] Cette troisième opposition entre l’art et la science est-elle donc plus profonde que les autres ? […] De nos jours, il se transforme de nouveau : il acquiert une résonance profonde et douloureuse qu’il n’avait peut-être jamais eue à aucune époque de l’histoire. […] Que sont le Rig-Véda, le Bhagavad-Gitâ, la Bible, sinon de grands poèmes métaphysiques où la vision colorée de la, surface des choses s’allie à des vues profondes et mélancoliques sur l’au-delà ?
Ne vous laissez pas tromper par la grâce narquoise du tour : ce passage correspond à un sentiment fort profond. […] certes de l’enseignement d’Eupalinos Valéry a retenu « ces profondes combinaisons du régulier et de l’irrégulier », et il a su les rendre « aussi impérieuses » qu’elles sont « indéfinissables ». […] Après quoi, ayant posé les deux solutions les plus profondes, d’un simple paraphe il fixe le résidu de conclusion qu’il retient pour l’heure valable. […] Ne croyez pas que ces paroles n’aient d’autre objet que d’apaiser une inquiétude : elles traduisent au contraire le motif profond du départ de Blaise. […] L’arbre qui pousse, c’est qu’il se rappelle ; il remonte du plus profond de lui-même vers sa forme antique, il va l’atteindre.
Il n’a point dans son temps de racines profondes. […] J’aime autant de grands marais troubles et profonds par place que ces deux verres d’eau claire que le génie français lance en l’air avec une certaine force, se flattant d’aller aussi haut que la nature des choses. […] C’est toujours l’esprit de l’homme qui donne le prix aux choses, et l’esprit de l’homme est sujet à de profondes modifications périodiques. […] Bossuet avait prévu cette réaction fatale, et il l’avait prédite avec l’accent d’un profond découragement. […] Faute de quelque léger esquif du même genre, où le nom sauvé flotte et surnage sur l’océan des siècles, Jean de Meung, encore plus considérable qu’Alain Chartier au temps jadis, est aujourd’hui tombé dans un oubli profond.
« … Je vous ai dit ma pensée sur Mme Tastu : je l’aime d’une estime profonde. […] Ma prière est un témoignage d’amour pour la reine et d’une estime profonde dans votre caractère. […] En reprenant les lettres par elle écrites à son frère de Douai à la date où je les ai laissées, nous retrouvons les gênes obscures, les humbles misères consolées, et tout d’abord cette modique pension qu’elle touchait auparavant avec une sorte de pudeur, mais qu’elle appelle maintenant comme un bienfait : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse. […] Juge s’il est dans ce silence profond des haines politiques et littéraires. […] mais non ; le silence, le retirement du cloître. — 30 au soir. » Ces jeunes âmes déjà mûres, aux heures où la vie leur échappe, ont souvent ainsi de ces révoltes concentrées et profondes, de ces rancunes dernières contre la destinée, de ces regrets ineffables de ce qu’on a connu trop peu et qu’on ne peut plus ressaisir.
Levi et Mottl se sont faits les fidèles ouvriers de cette terrible besogne, et, à force de soins, sont arrivés à ce simple et unique but, faire entendre la partition du maître ; aussi quelle merveille, quand monte de cet orchestre, le grand, le seul personnage du drame, l’essence profonde et totale de la pensée wagnérienne. […] Ainsi se développe cette action profonde en ces mots résumée, — ce me semble, — ces mots extraordinaires du Renonceur triomphant : « J’ai vu se faner — celles qui me souriaient, — maintenant après le salut aspirent-elles ? […] C’est pendant ce travail que, le jour du Vendredi Saint, 1857, grâce à un ensemble de circonstances fortuites, Wagner se ressouvint de la figure divine poétisée par lui dans son Jésus de Nazareth ; il entendit ce soupir de la plus profonde pitié qui, jadis, retentit de la croix sur Golgotha, et qui, aujourd’hui, s’échappe de notre propre poitrine » (R. […] Mais cette connexité que Wagner apercevait déjà en 1848, acquit avec le temps une signification plus profonde et autre, et cette idée que le Gral est l’Or du Rhin idéalisé l’amena à concevoir un drame entier qu’on pourrait fort correctement nommer l’Anneau du nibelung « idéalisé ». […] Elle est le plus souvent plongée dans un profond sommeil dont la tire violemment Wotan au troisième acte de Siegfried.
Ce qui est en effet écœurant, c’est de trouver chez tant d’écrivains une si profonde inintelligence des principes fondamentaux de l’art, tels que Wagner les a énoncés avec une clarté merveilleuse dans de nombreux écrits. […] Feuerbach conserva une profonde influence sur la pensée de Wagner. […] L’Art joue dans son système un rôle important : « L’Art, dit-il, a connaissance de la véritable essence du monde, des idées (I, 217)… Il résout, mais d’une façon différente de la philosophie, le problème de l’existence… Dans les œuvres d’art toute sagesse est contenue, mais virtuellement ou implicitement (II, 461, 463)… » Et dans la Musique plus spécialement : « Les autres arts ne nous montrent que l’ombre, la Musique nous révèle l’essence des choses… La Musique est l’image de la Volonté elle-même (1, 303, 310)… Aucun autre art n’exerce sur l’homme une action aussi immédiate, aussi profonde, car nul ne nous fait pénétrer aussi profondément dans l’essence même du monde (Fragments, 373)… etc. » Ce sont là les propres pensées de Wagner avant qu’il ne connût Schopenhauer. […] Cette influence fut profonde, mais aussi n’est-ce pas à la surface qu’on en trouvera les traces ; on peut la résumer en ceci, qu’elle élargit et précisa les vues de Wagner, et qu’elle lui infusa de nouvelles forces et une foi toute joyeuse et inébranlable en lui-même, en raffermissant sa foi dans la mission divine, toute puissante, de l’artiste. […] Schuré disait de la scène d’amour : « Nous traversons, dans ce dialogue de Tristan et d’Iseult, les degrés successifs de cette intense passion de la créature, qui confond tous les bonheurs, tous les ciels dans une admiration mutuelle… Cette hymne respire une sorte de paix profonde dans la passion infinie. »[NdA] 3.
Ce savant avoit fait une étude profonde de l’Ecriture-sainte ; & son érudition se fait sentir dans tout l’ouvrage. […] Une chronologie nouvelle & condamnée, les doctes extravagances du Jésuite Hardouin renouvellées, des morceaux isolés rapprochés avec art, une érudition profonde & légere qu’on y seine avec choix, la richesse & la douceur du style, tout frappa les curieux dans cette singuliere production. […] Amsterdam 1729. six volumes in-12. , ouvrage très-sçavant & plein de discussions profondes nécessaires pour l’histoire de la nation judaïque sous les successeurs de Salomon, mais écrit d’une maniere séche & lourde. […] Ce livre très-savant & très-instructif, est plein de profondes recherches sur cette nation. […] C’est un des livres les plus profonds, les plus curieux & les mieux faits.
Convenez qu’il faudrait avoir l’esprit bien mal fait pour ne voir là que les jeux d’une imagination oisive, et pour ne pas reconnaître dans ces accents inimitables la simplicité des affections profondes. […] Et le cœur enhardi, il entre avec Virgile dans un chemin sauvage et profond qui va les conduire jusqu’aux portes de l’enfer. […] Que s’est-il donc passé dans le mystère des eaux profondes pour qu’elles aient ainsi changé d’aspect et d’accent ? […] Il a ouvert ses grands yeux profonds au spectacle de la nature. […] Dans ce que Dante appelle « le combat des pensées diverses, la battaglia delli diversi pensieri », qui se livre au plus profond de leur âme, ils sont illuminés soudain d’un éclair de la grâce poétique.
Que la pitié, la plus profonde pitié soit accordée à celui qui le commet, mais que du moins l’orgueil humain ne s’y mêle pas ! […] Il semble que rien n’est trop profond ni trop fort pour déterminera l’acte le plus terrible. […] La vraie supériorité dans tous les genres n’est point de la bizarrerie : c’est une intensité plus énergique et plus profonde dans les impressions qu’éprouve la masse des hommes. […] Elle n’avait que dix-huit ans quand elle périt, et déjà son nom était célèbre par sa profonde connaissance des langues anciennes et modernes ; on a des lettres d’elle en Latin et en Grec qui supposent des facultés bien rares à son âge. […] Des abîmes toujours plus profonds s’entrouvrent sous ses abîmes.
Cet état convient mieux au pécheur qui va se régénérer ; il va plus mal au poète, qui doit toujours marcher simple et le front levé, à qui il faut l’enthousiasme ou les amertumes profondes de la passion. […] Sous quels antres profonds, par quels brusques penchants S’abîmait loin des yeux le fleuve ? […] » Et le discours bientôt sur quelque autre pensée Échappa, comme une onde au caprice laissée ; Mais ce qu’ainsi la bouche aux vents avait jeté, Mon souvenir profond l’a depuis médité. […] Virgile en garda l’impression durable et profonde. […] Cette rivière, qui, par la couleur de ses eaux, est d’un vert de mer profond, a sa source dans la Bénaque ou lac de Garda.
qui n’est presque jamais l’intérêt profond, passionné, à impression ineffaçable, que donnent les livres forts et grands ; mais il a cette fleur de l’amusement qu’on respire, — et qu’on jette aussi (rarement pour la reprendre) après l’avoir respirée. […] Paul Féval n’a point l’épique de Walter Scott, qui est épique jusque dans sa gaîté ; mais il a, dans la sienne, des soudainetés, des jaillissements, des étincelles, du vif argent et du phosphore que n’a point le vieux Walter Scott, dont le comique est profond et rassis. […] Pour lui, en fait de chute, rien n’était assez profond. […] Paul Féval, en ses Étapes d’une conversion, nous a révélé, par des qualités neuves, une manière pensive, intime, recueillie et profonde, que je ne lui connaissais pas, du moins au même degré où je la lui vois maintenant. […] Ses romans attestent qu’elle est en lui abondante, profonde, inépuisable ; mais nulle part elle n’a mieux jailli, elle n’a mieux coulé que dans cette histoire qu’il nous fait des Jésuites, et à travers laquelle il introduit, d’une façon si piquante, sa sensible personnalité.
Il nous le décrit à la ronde, semant sa course plus libre de mille impressions qui tiennent soit aux accidents agrestes du terrain, soit aux sons qu’il entend et auxquels il est des plus sensibles, soit à la couleur variée des arbres qu’il distingue et spécifie par toutes leurs nuances ; la vie, l’intérêt, une passion tendre et profonde se fait sentir sous toutes ces descriptions desquelles on ne peut pas dire qu’il s’y amuse, mais bien plutôt qu’il en jouit. […] » Revenons à Cowper, sans nous dissimuler toutefois qu’il n’eût point peut-être réussi à exprimer si au vif la poésie des situations tranquilles que l’habitude rend insensibles à la plupart, s’il n’avait eu, lui aussi, ses orages intérieurs étranges et ses bouleversements profonds. Le livre sixième de La Tâche débute par un morceau célèbre, et en effet délicieux : Il y a dans les âmes une sympathie avec les sons, et, selon que l’esprit est monté à un certain ton, l’oreille est flattée par des airs tendres ou guerriers, vifs ou graves. […] Il lui semblait, au milieu de toutes ses méditations et de ses soliloques spirituels, entendre toujours une voix fondamentale et profonde, qui lui criait : « C’en est fait de toi, tu es perdu ! […] On trouverait encore de profondes différences morales entre Rousseau et Cowper, en ce que l’un aspire à se passer d’autrui, affecte de s’isoler et de se mettre en guerre ou en divorce avec le genre humain, et que l’autre, au contraire, aime à devoir aux autres, à ceux qu’il aime, et à se sentir leur obligé.
Je le dis tout d’abord, ils sont peu agréables à lire, quoique très essentiels pour la connaissance intime et profonde de La Mennais, ils n’offrent à première vue rien qui flatte, rien qui réponde aux désirs de l’imagination. […] Quelquefois, surtout en lisant les relations des Missionnaires, je serais tenté de m’affliger de ma profonde nullité, qui m’ôte tout moyen d’être jamais utile à l’œuvre de Dieu. […] A peine a-t-il fait un pas dans la cléricature qu’il ne se sent aucun attrait à poursuivre, il exprime sous forme mystique et symbolique des fautes dont il s’accuse, et dont il est permis à chacun de soupçonner la nature : « (La Chesnaie, 1810)… Je crois que le Seigneur m’éclaire malgré ma profonde indignité ; je crois reconnaître au fond de mon âme quelques faibles rayons de cette lumière qui annonce sa présence et prépare à la goûter. […] Toutes ces réflexions se mêlent, se croisent et se combattent dans mon pauvre esprit : je m’y perds, et je tâtonne dans des ténèbres profondes. » On ne saurait être mieux initié que nous ne le sommes maintenant aux fluctuations et aux perplexités qui précédèrent, — et plus tard (on le verra) aux regrets, aux sombres amertumes qui suivirent incontinent cette fatale détermination au sacerdoce ; car c’est ainsi qu’on a acquis le droit de qualifier une vocation qui parut au monde si ardente, qui fut de tout temps si inquiète et qui se trouva en définitive si fragile.
Littré avait pour moi une bonté dont je garde un profond souvenir ; je sentais cependant qu’il m’aurait aimé beaucoup plus si j’avais voulu être comtiste. […] Nature essentiellement religieuse, il ne douta que par la foi profonde et par respect de la vérité. […] Déjà, du sein de la vie individuelle, il est permis de s’associer à cet avenir, de travailler à le préparer, de devenir ainsi, par la pensée et par le cœur, membre de la société éternelle, et de trouver en cette association profonde, malgré les anarchies contemporaines et les découragements, la foi qui soutient, l’ardeur qui vivifie, et l’intime satisfaction de se confondre sciemment avec cette grande existence, satisfaction qui est le terme de la béatitude humaine. » Votre dévouement absolu à la science vous donnait le droit, Monsieur, de succéder à un tel homme et de rappeler ici cette grande et sainte mémoire. […] Cette rencontre en une même compagnie de toutes les opinions et de tous les genres d’esprit vous plaira : ici le rire charmant de la comédie, le roman pur et tendre, la poésie au puissant coup d’aile ou au rythme harmonieux ; là, toute la finesse de l’observation morale, l’analyse la plus exquise des ouvrages de l’esprit, le sens profond de l’histoire.
On pourrait sans doute désirer, en quelques endroits du récit, un coup de pinceau plus vif, un trait de burin plus profond ; mais je ne sais si une autre manière produirait une impression aussi nette, aussi lucide et aussi parfaitement juste que celle que laisse ce récit égal, uni, et ce style, interprète fidèle et patient de l’équité. […] On ne saurait dire que Napoléon avec son génie n’ait pas eu toutes les sortes d’idées politiques profondes ; mais trop souvent ces idées ne faisaient que lui traverser en éclair la pensée, et n’y séjournaient pas avec la fixité et la prédominance qui conviennent aux vraies idées politiques. […] Mot profond que bien peu de critiques de nos jours sont capables de comprendre. […] Pourtant, dans un récit historique, un peu de Tacite de temps en temps ne ferait pas mal, si l’on entend par là une réflexion forte, concentrée, une expression figurée et profonde qui rassemble toute une situation et qui la juge, un de ces traits qui percent à jour un homme et le qualifient éternellement.
Il y a de la force, de la dignité, un sentiment profond, à la fois historique et religieux ; mais ce chapitre me paraît gâté encore et interrompu dans ce qu’il a de simple et de grave par des raisonnements de théoricien et d’homme de parti. […] Ce système, que je ne puis qu’indiquer brièvement, est celui-ci : M. de Bonald, homme de foi, d’une religion profonde, orthodoxe, et qui chez lui n’a jamais été ébranlée, croit fermement à la parole des Livres saints et à la création de l’homme telle qu’elle est consignée dans le récit de Moïse. […] En disant les mêmes choses que Bonald, Joseph de Maistre est hardi, impétueux, varié ; il semble presque un génie libéral par la verve et la couleur de l’expression ; il a des poussées et des sorties qui déjouent le système ; tandis que l’autre, vigoureux, subtil, profond, roide et strict, s’y renferme invariablement61. […] Bientôt, et après le passage de Chateaubriand au ministère, dans les luttes de 1826-1827, les discussions sur la liberté de la presse amenèrent entre lui et Bonald une rupture ouverte, dans laquelle le vieil athlète porta au brillant transfuge des coups acérés, directs, et qui auraient paru des blessures profondes si on y avait pris garde : mais dès lors le bruit et le triomphe de l’opinion couvraient tout.
de la transpiration d’une haine cachée sous les bassesses d’une ambition infatigable et infortunée à laquelle Louis XIV répondit toujours par l’écrasement de son dédain, ce formidable duc, à esprit et à physionomie diaboliques, devait inspirer une bien autre épouvante à cette femmelette de Louis XV qu’au grand roi… J’imagine que de certains mots, cruels et profonds, qui devaient parfois lui échapper, comme il en échappe aux hommes de génie, plus haut que leur temps, et qui se sont le plus voués au mépris reposant du silence, faisaient redouter davantage ces papiers qu’on ne connaissait pas, mais qu’on savait qu’il entassait toujours, et qui pouvaient être l’histoire de quelque Tacite, d’un Tacite doublé, triplé et accumulé par le temps… La peur a parfois de ces divinations ! […] Et il se trouve aussi que ces deux Mémoires sont à eux deux l’histoire la plus pénétrée et la plus profonde, en sa généralité, de la Monarchie française dans son institution et ses mœurs. […] Mais les profonds comme Saint-Simon, mais les zingari de l’Histoire, qui voient la mort à travers les pompes et les fleurs de la vie, ont vu jusqu’au fond de ce crime qui les contient tous… Ils ont vu ce Péché qui engendre la mort dans Milton. […] Mais les lois qui n’en suivent pas les dérèglements ont cru imiter Dieu en en faisant un peuple à part, exclus de tout nom, de toute succession, de toute faculté de tester, et, par conséquent, de faire souche et lignée ; en un mot, un peuple dévoué à l’obscurité la plus profonde, sans consistance, sans existence, la plus vive image du néant.
Il avait les facultés les plus hautes, les plus profondes et les plus variées. […] Seulement, nous que l’expression si enlevante qu’elle soit n’enlève pas au fond des choses, nous trouvons Rivarol, malgré sa supériorité de nature, sur ce fond de choses de la plus profonde infériorité, et ce n’est pas d’une infériorité relative, mais absolue. […] Mais l’intérêt profond et presque inattendu de l’édition de M. de Lescure n’est pas là encore. […] Je viens de lire ces pages concentrées, calmes et profondes, où l’éloquence toujours un peu tribunitienne du journaliste ne s’est pas montrée une seule fois, où l’homme de parti n’a pas poussé une seule fois de ces cris familiers aux partis.
Puisque, dans les représentations scéniques qui sont plus particulièrement à l’usage du peuple, dans cette suite de tableaux compliqués et vastes où il se dépense souvent tant d’artifice et de talent, les auteurs ne visent point à cette reproduction entière et profonde de la nature, qui est le suprême de l’art, puisqu’ils font des sacrifices à l’appareil, à l’émotion, et, pour tout dire, à l’effet, il est tout simple qu’on leur demande plus ouvertement de pousser au bien plutôt qu’au mal, et à la vertu plutôt qu’au vice. […] La littérature dramatique a été prise au dépourvu ; on lui demande presque le contraire de ce qu’on était accoutumé à désirer d’elle depuis longtemps ; on lui demande des émotions vives, profondes et passionnées, mais pures s’il est possible, et, dans tous les cas, salutaires et fortifiantes ; on lui demande, au milieu de toutes les libertés d’inspiration auxquelles le talent a droit et qui lui sont reconnues, de songer à sa propre influence sur les mœurs publiques et sur les âmes, de se souvenir un peu, en un mot, et sans devenir pour cela trop sévère, de tout ce qui est à guérir parmi nous et à réparer.
Tout étranger à la littérature active et militante que soit toujours resté M. de Lamartine, quelque réelles et profondes que paissent déjà paraître aujourd’hui les différences qui le séparent des générations poétiques plus jeunes et plus aventureuses, il ne demeure pas moins incontestable qu’il est avec M. de Chateaubriand, et le second par la renommée et par l’âge, à la tête de cette révolution dans l’art qui s’est ouverte avec le siècle. […] Mais c’est quand M. de Lamartine, au terme de son discours, est venu à jeter un regard en arrière et autour de lui, quand il a porté sur le xviiie siècle un jugement impartial et sévère, quand il s’est félicité de la régénération religieuse, politique et poétique de nos jours, qu’il appelle encore une époque de transition, et qu’il s’est écrié prophétiquement : « Heureux ceux qui viennent après nous ; car le siècle sera beau » ; — c’est alors que l’émotion et l’enthousiasme ont redoublé : « Le fleuve a franchi sa cataracte, a-t-il dit ; plus profond et plus large, il poursuit désormais son cours dans un lit tracé ; et, s’il est troublé encore, ce ne peut être que de son propre limon. » Puis il a insinué à l’Académie de ne pas se roidir contre ce mouvement du dehors, d’ouvrir la porte à toutes les illustrations véritables, sans acception de système, et de ne laisser aucun génie sur le seuil.
Joseph la méprisa et par moments s’irrita contre elle ; par malheur, l’association romantique, formulée par la Restauration, était trop restreinte elle-même, trop artificielle et trop peu mêlée au mouvement profond de la société ; le Cénacle n’était après tout qu’un salon ; il s’est dissous après une certaine durée, pour se refondre, nous l’espérons, en quelque chose de plus social et de plus grand. […] Sainte-Beuve, dont la sensibilité est vraie et profonde, a cru que des émotions neuves ne pouvaient, pour ainsi dire, prendre consistance que dans un moule poétique tout nouveau.
Quelle mâle gaité, si triste et si profonde, Que lorsqu’on vient d’en rire, on devait en pleurer. […] Voici une large période qui n’est au fond qu’une antithèse : Cent mille hommes criblés d’obus et de mitraille, Cent mille hommes couchés dans un champ de bataille, Tombés pour leur pays par leur mort agrandi, Comme on tombe à Fleurus, comme on tombe à Lodi, Cent mille ardents soldats, héros et non victimes, Morts dans un tourbillon d’événements sublimes, D’où prend son vol la fière et blanche Liberté, Sont un malheur moins grand pour la société, Sont pour l’humanité, qui sur le vrai se fonde, Une calamité moins haute et moins profonde, Un coup moins lamentable et moins infortuné Qu’un innocent, un seul innocent, condamné, Dont le sang ruisselant sous un infâme glaive, Fume entre les pavés de la place de Grève, Qu’un juste assassiné dans la forêt des lois, Et dont l’âme a le droit d’aller dire à Dieu : “Vois !
Non-seulement il s’étudiait à inspirer à ses amis un respect profond pour les œuvres des grands hommes, mais il voulait toujours qu’au lieu de se rebuter des défauts d’une production médiocre, on cherchât dans un livre, dans une gravure, dans le plus faible et le plus pâle essai, une étincelle de vie…. […] Nous repousserons les philtres de la sirène étrangère, et nous n’imiterons pas l’imprudent Ulysse, qui but dans la coupe de l’enchanteresse l’oubli de la patrie et du foyer domestique… Nous prendrons pour modèle l’humble effort de l’arbre qui, tout entier concentré dans l’élaboration des sèves, envoie ses racines les plus profondes comme ses branches les plus hautes à la poursuite de toutes les nourritures qui fructifieront sous son écorce.
Des cuistres profonds. » Or, Cousin est le plus capable, le plus éclatant, le mieux doué de tous les professeurs de philosophie ; c’est donc le roi… des cuistres profonds, comme dit ce brutal Wallon, et même (rassurons-nous !)
. — Chose profonde : le croyant fait le Dieu ! […] Franz Liszt À Victor Hugo, le sublime poète de Ce qu’on entend sur la montagne , Mazeppa, le Crucifix, profonde et perpétuelle admiration. […] Ambroise Thomas Je suis heureux de pouvoir offrir à notre cher Grand Poète l’hommage de ma vieille et profonde admiration. […] Georges Lafenestre Sur les fermes sommets des grandes Pyrénées, Plus l’amas est profond des glaces enchaînées, Plus pur est le regard qui fixe le soleil ; Ainsi d’un feu plus clair tu rayonnes, ô Gloire, Sur le front du génie, au plus haut de l’histoire, Quand la neige des ans y dort son blanc sommeil ! […] S’il n’a pas la fermeté magistrale, la certitude d’exécution souveraine, qui marquèrent bientôt toutes ses œuvres, il a le charme de la jeunesse, son enthousiasme ardent et tendre, une candeur grave, une foi profonde, la fleur du génie.
Derrière cette scène extérieure et apparente des phénomènes se cache l’action intime, profonde des véritables causes. […] C’est donc en haut et non en bas qu’il faut regarder, en haut, c’est-à-dire au plus profond de la conscience humaine, et non à la surface même de la nature inorganique, pour y trouver l’essence de l’être, de l’être infime qu’on nomme la pierre comme de l’être supérieur qui est le roi du monde connu. […] Derrière celle-ci et au plus profond de l’âme humaine, elle fait apparaître Dieu lui-même, le Dieu vivant et personnel qui, à un certain moment et pour certaines œuvres, prend la place de la personne humaine. […] Quand donc notre profond moraliste fait de l’existence de la liberté un simple postulat de la loi morale, il ne voit pas que cette loi elle-même n’est qu’une hypothèse subordonnée à deux faits dont l’un est précisément l’objet du postulat en question. […] Si l’on persiste à s’en servir pour mieux marquer le progrès scientifique des recherches morales, il importe de distinguer la nécessité morale de la nécessité physique, afin de maintenir la ligne profonde de démarcation qui séparera toujours le monde moral du monde physique.
Dans l’enfoncement de l’orbite, il a des lueurs profondes et sourdes. […] Tout ce qu’elle offre de beautés uniques, de nobles exemples s’y grave en traits profonds qui ne s’effaceront plus. […] — Il n’y a rien de ce que vous pensez, me dit-il avec un profond soupir. […] Et c’est spirituel, sensuel, profond, dramatique, angoissant ! […] Il était ainsi tombé, de la plus équivoque bohème, dans la plus profonde misère.
Si quelque chant difficile, modéré, profond pourtant, s’en élève, écoutez-le ! […] Mais en suivant la destinée poétique de Mme Tastu, en la voyant cheminer si pure, si attentive et discrète, si comprimée parfois dans sa ligne tracée ; en lui entendant opposer d’autres talents de femmes, plus brûlants, plus passionnés en apparence, et non pas soutenus d’âmes plus profondes, je me suis dit que bien des bonnes et essentielles qualités interdisent souvent à des qualités plus spécieuses ou à de brillants défauts de se produire avec avantage. […] Elles sont nées du profond de la réalité, sans la décorer, sans l’interrompre, en présence et en continuité des instants d’angoisse ou d’ennui, sans oubli aucun et sous l’effort des choses existantes.
Si la première génération chrétienne a une croyance profonde et constante, c’est que le monde est sur le point de finir 783 et que la grande « révélation 784 » du Christ va bientôt avoir lieu. […] Il en fit le point d’appui de son action, ou, pour mieux dire, l’un de ses points d’appui ; car il avait un sentiment trop profond de son œuvre véritable pour l’établir uniquement sur des principes aussi fragiles, aussi exposés à recevoir des faits une foudroyante réfutation. […] Un profond changement s’était, d’ailleurs, opéré dans la manière d’envisager la venue du Christ.
Mais un profond sentiment de tristesse empoisonnait pour Jésus le spectacle qui remplissait tous les autres israélites de joie et de fierté. « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, s’écriait-il dans ces moments d’amertume, combien de fois j’ai essayé de rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n’as pas voulu 964 ! […] La tactique était habile ; car il fallait la profonde ingénuité de Jésus pour ne s’être point encore brouillé avec l’autorité romaine, nonobstant sa proclamation du royaume de Dieu. […] Il se fit montrer l’effigie de la monnaie : « Rendez, dit-il, à César ce qui est à César, à Dieu ce qui est à Dieu 976. » Mot profond qui a décidé de l’avenir du christianisme !
Ces contre-coups singuliers sont une des habitudes de ce grand art profond et cherché du seizième siècle. […] Admirable fable qui, avec un sens profond, rattache le sidéral au microscopique et l’infiniment grand à l’infiniment petit. […] L’art ainsi entendu, c’est la vaste égalité, et c’est la profonde liberté ; la région des égaux est aussi la région des libres.
Et cette raison que je dirai, cette raison plus profonde que le talent, plus involontaire que la conviction dans l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse, c’est son âme même, son instinct de cœur le plus vrai, c’est ce que les hommes et lui-même n’ont pas mis en lui et ce qui, pour cette raison, y est davantage ! […] L’homme, sa personnalité libre, sa moralité, son intellectualité, partout où ces choses-là sont belles, il les sent avec un tressaillement profond, infaillible, qui ne se dément ni ne se blase jamais, et il les exprime avec une émotion presque géniale de vérité et quelquefois presque sainte. […] Dargaud, il y a dans son histoire une méconnaissance profonde de la grandeur et de la sainteté du Concile de Trente, contre lequel il invoque, le croirait on ?
Même des faits inconnus, et, par cela, d’un intérêt qu’on peut évaluer, ne suffisent pas pour nous montrer dans sa vérité nuancée et profonde, — dans toute sa vérité morale et historique, — la personne qu’on a suppléée dans des Souvenirs qu’elle n’écrivit pas, et il n’y a pas d’ailleurs de ces faits inconnus dans le livre que voici. […] En plus de la moitié d’un siècle et à tous tant qu’ils sont, — et ils sont nombreux, — ils ne disent pas un seul mot profond, piquant ou inattendu, sur quelqu’un ou sur quelque chose. […] Qui s’est plaint de la publication des lettres d’Eugénie de Guérin, par exemple, dans lesquelles un génie nouveau d’expression s’est révélé avec un éclat si profond et si doux ?
Elle représente tant de passions généreuses, tant d’aspirations confuses, de témérités de pensée, de découragements profonds, d’espérances surhumaines mêlées à l’élégante torture du doute ! […] Un jour, le Oui fut prononcé ; elle poussa son cheval hors de la voie marquée par le gué, dans le hasard des eaux profondes. […] Cette étude profonde et charmante des effets de deux passions contraires sur deux âmes plébéiennes s’interrompt pour laisser passer le flot de la déclamation politique. […] Et quand elle regardait autour d’elle, c’était avec un regard de tendre et profonde sympathie. […] Elle est calme, profonde, attirante comme par un charme magique.
Après avoir passé là quelques-uns de ces jours qui ressemblent à des haltes du temps où la vie cesse de fuir, dans les vastes cellules, dans les longs corridors frais, au bord des bassins glacés et sous les sapins aux murmures lyriques de Vallombrose, nous redescendîmes dans la profonde vallée qui sépare de la Toscane habitée cette oasis de paix, et nous reprîmes à cheval la route d’une autre oasis encore plus enfoncée dans le ciel au-delà des nuages : les Camaldules. […] Ses lettres, après la mort de Robert, ont la candeur de l’étonnement et de la douleur, mais aucun remords ne s’y mêle aux profonds regrets. […] Admirez la profonde réflexion du peintre, qui pouvait être tenté par un beau chêne aux bras tortueux ou par quelques fraîches fleurs de lotus endormies sur le lit des eaux. […] XXIX La perte de son ami causa une profonde douleur à Robert ; cette douleur même le rendit plus empressé à consoler le deuil de la princesse. […] Y en a-t-il qui donnent en quelques traits de pinceau une émotion si profonde et si durable au cœur ?
Quant à Faust, qui, avec tous ses abîmes de corruption humaine et de perdition, m’effraya d’abord et me fit reculer, mais dont l’énigme profonde me rattirait sans cesse, je le lisais assidûment les jours de fête. […] Entre nous régnait la plus profonde harmonie ; il me tendait sa main par-dessus la table, et je la pressais ; puis je saisissais un verre rempli, placé près de moi, et je le vidais en silence, et je lui faisais une secrète libation, les regards passant au-dessus de mon verre et reposant dans les siens. […] Le conseiller du gouvernement Schmidt, bientôt après, se mit au piano, et joua des morceaux de Beethoven, qui parurent être écoutés avec un profond intérêt. […] Je le lus avec une joie profonde, et chaque ligne confirmait les bruits dont j’ai parlé ; cependant les premiers vers faisaient voir que la connaissance n’avait pas été faite cette année, mais renouvelée. […] « Il était dans le caractère de Goethe de ne pas communiquer facilement ce qui le touchait de près, et il garda un profond silence sur cette audience ; peut-être était-ce aussi par modestie et délicatesse.