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1213. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIIe entretien. Cicéron » pp. 81-159

Et, puisqu’il s’agit de la mort de Clodius, imaginez, citoyens (car nos pensées sont libres, et notre âme peut se rendre de simples fictions aussi sensibles que les objets qui frappent nos yeux), imaginez, dis-je, qu’il soit en mon pouvoir de faire absoudre Milon sous la condition que Clodius revivra… Eh quoi !

1214. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

Cela fait, il n’y eut plus d’hésitation, car les peuples tiennent plus à ce qu’ils imaginent qu’à ce qu’ils possèdent. […] Je m’imagine que vous viendrez avec Mme de Marzan et au surplus deux filles de chambre.

1215. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

J’imaginai, en outre, et je développai entièrement la mélo-tragédie d’Abel, dont je mis en vers la partie lyrique : c’était un genre nouveau, sur lequel j’aurai plus tard l’occasion de revenir, si Dieu me prête vie et me donne avec la force d’esprit nécessaire les moyens d’accomplir tout ce que je me propose d’entreprendre. […] on peut l’imaginer), je m’y jetai ; les postillons se remirent en selle, la grille s’ouvrit, et nous sortîmes au galop, accompagnés par les sifflets, les insultes et les malédictions de cette canaille.

1216. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CVIe entretien. Balzac et ses œuvres (1re partie) » pp. 273-352

Mettez la fortune de Bonaparte dans la destinée de Balzac, il eût été complet ; car il aurait pu ce qu’il imaginait ! […] C’est ce que j’ai lu de plus éloquent dans l’expression de la douleur. » XX C’est vers ce temps qu’il imagina de prendre son rang, la gloire et la fortune d’assaut par un coup de main.

1217. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre troisième »

Si le livre de Rollin n’est pas original par un plan d’études nouveau, il l’est par l’explication de celui que Rollin a vu pratiquer, qu’il a pratiqué lui-même ; il l’est par sa méthode, la meilleure qu’on ait imaginée pour cultiver, par les deux antiquités, l’homme et le chrétien. […] Ce n’est pas lui qui aurait imaginé, même par supposition, un maître assez mal instruit de son devoir pour omettre l’âme dans la culture de l’esprit.

1218. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Imaginez les Chevaliers du Temple s’enfermant dans une chapelle de Jérusalem, pour chanter l’office d’un Saint subalterne, tandis que leurs Turcs auraient escaladé les remparts. […] On peut imaginer sans doute que les peuples grecs dispersés se seraient plus ou moins rejoints, comme les tribus d’Israël pendant leur exil, qu’ils auraient emporté dans la captivité ou entretenu sur leurs ruines, quelques flammes éparses de leur feu sacré.

1219. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

Ceux qui imaginent ne doivent pas vivre. […] Imaginez un homme court et replet, la tête à la fois socratique et porcine, de petits yeux ronds pétillants de flamme, les lèvres appétentes, un double menton.

1220. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1868 » pp. 185-249

Il le retrouve avec une cravate à pois roses, en un costume ébouriffant, le costume qu’on peut imaginer d’un savant allemand, travesti en gandin : « Vous me trouvez un peu changé, n’est-ce pas ? […] L’un diminue l’autre : cela est si vrai, que les amoureux de la femme quittent, un jour, le tabac, parce qu’ils sentent ou s’imaginent que le tabac est un stupéfiant du désir et de l’acte.

1221. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1869 » pp. 253-317

Nous aimons mieux les rêver, et même peut-être, un jour, les imaginer. […] Qu’on imagine dans la nuit de la petite pièce, sur une feuille de papier — dont le rond d’une timbale de guerre du xviiie  siècle peut donner l’idée — les montagnes, les torrents, les omnibus, les chevaux, les passants, peints et touchés, comme par les plus admirables petits maîtres qu’on pourrait rêver.

1222. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Mme Daudet veut bien me lire une pièce de vers, où des fils dispersés d’un col, qu’elle vient de broder en plein air, la poétesse imagine un nid, fait par les oiseaux du jardin. […] La préoccupation de faire à son pauvre homme la vie douce, d’écarter tout ce qui peut mettre un nuage sur son front, de lui donner le plat qu’il aime, de lui sauver le désagréable d’une nouvelle, de défendre enfin, à toute heure, son système nerveux des mauvaises choses physiques et morales, dépasse tout ce qu’on peut imaginer.

1223. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Dans le premier cas, l’homme arrivât-il à compter les grains de sable sur lesquels toute la lumière dont il dispose est répandue, il n’avancera point dans son exploration du monde ; dans le second cas, il aura vu le chemin assez pour se conduire, assez peut-être pour l’imaginer encore là où il ne pourra plus le suivre. […] Il y a même des moments où Shelley dépeindra une chose avec des images que nous sommes forcés d’imaginer ; c’est une sorte de double évocation : Une Dame, la merveille de son sexe, dont la beauté Etait rehaussée par un esprit charmant, Qui, en se développant, avait formé son maintien et ses mouvements Comme une fleur marine qui se déroule dans l’Océan, Une Dame soignait le jardin de l’aube jusqu’au soir325… » Nos symbolistes, outrant encore cette poésie de rêve, en sont arrivés à la poésie de l’impression pure et simple.

1224. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Hirsch satisfait d’avoir des paysages à décrire et une peuplade nègre à imaginer, s’est laissé aller à écrire un délicieux roman d’aventures, avec de l’énergie de-ci de-là, et une idée directrice, noble et généreuse. […] On ne peut imaginer rien de plus curieux et de plus étrange.

1225. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVIII. J.-M. Audin. Œuvres complètes : Vies de Luther, de Calvin, de Léon X, d’Henri VIII, etc. » pp. 369-425

Au début d’une vie qu’on connaît à peine, tant elle fut modeste, on s’imagine que l’esprit d’Audin, gracieux, svelte et pur, devait ressembler à l’esprit et à l’âme d’une femme ; mais la religion et l’étude ouvrirent la poitrine à cet enfant bien fait et le développèrent. […] C’est à cause de cela, sans doute, que les hommes qui l’ont lu autrefois et qui ne sont pas revenus à sa lecture, s’imaginent qu’il a dû passer comme le temps et comme eux ; l’idée de la jeunesse étant éternellement liée dans l’esprit des hommes à l’idée contraire.

1226. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

C’est sans doute ce que voulait dire Sully lorsque, quittant Paris pour passer à Rosny la Semaine sainte de 1599, il disait à sa femme que la corde était bien tendue, et que le jeu serait beau si elle ne rompait, mais que le succès, selon lui, ne serait pas tel que se l’imaginaient certaines personnes.

1227. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

et comme on était très bien venu à lui en donner, on en imaginait lorsqu’on n’en avait pas : elle ne les avait pas plus tôt entendues, que, sans autre examen, elle reprenait toutes ses lettres commencées, pour y consigner ce qu’on venait de lui débiter20.

1228. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Le marquis de Lassay, ou Un figurant du Grand Siècle. — I. » pp. 162-179

Le duc Charles n’était jamais en reste en fait de promesses de mariage, mais ici l’offre fut des plus sérieuses : On peut aisément imaginer, dit Lassay, l’effet que fît une telle proposition sur une jeune personne dont l’âme était noble et élevée ; elle regarda un honneur si surprenant avec modestie, mais elle n’en fut point éblouie au point de s’en croire indigne.

1229. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

. — Un des épisodes les plus célèbres de l’Histoire de Venise est la fameuse et à la fois obscure conjuration de 1618, racontée par Saint-Réal avec tant d’art et de vérité que quelques-uns l’ont crue même en partie imaginée par lui.

1230. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

— Mais imaginez cependant la gaieté des espiègles modernes et des irrévérents mondains lorsqu’ils virent les partisans de l’Antiquité aux prises entre eux et ne pouvant s’accorder sur le sujet même du poème qu’ils offraient comme modèle à l’admiration et à l’imitation de tous.

1231. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Maucroix, l’ami de La Fontaine. Ses Œuvres diverses publiées par M. Louis Paris. » pp. 217-234

C’est là qu’il recevait Boileau et Racine lorsque ceux-ci faisaient quelque voyage de ce côté à la suite du roi ; et, à l’époque de la mort de La Fontaine, Boileau rappelait à Maucroix le souvenir de ces visites dans une lettre touchante et plus sensible qu’on ne l’attendrait du sévère critique : … Le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenais dans votre jardin, et que je vous revoyais encore, comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis.

1232. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — III. (Fin.) » pp. 479-496

Ces sortes de tableaux théoriques du géologue et de l’historien praticien des montagnes sont comme du Buffon mis en scène et en situation : ce que l’on imaginait et concevait à Montbard sur les époques de la nature, les autres le vérifient ou trouvent à le modifier sur place.

1233. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — II » pp. 71-89

» Ceux qui ne connaissent Montluc que sur sa réputation dernière et terrible s’étonneront de ne point trouver en tout ceci le farouche personnage qu’ils se sont imaginé.

1234. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — I » pp. 236-253

Est-il possible de rien imaginer si ridicule que cette misérable et chétive créature, etc., etc. ?

1235. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Charron — II » pp. 254-269

Dès la seconde partie du xviie  siècle Charron n’était plus guère qu’un nom, et on ne le lisait qu’assez peu, j’imagine, bien que les Elzevirs en eussent multiplié les exemplaires dans les bibliothèques.

1236. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Voiture. Lettres et poésies, nouvelle édition revue, augmentée et annotée par M. Ubicini. 2 vol. in-18 (Paris, Charpentier). » pp. 192-209

Au milieu des légèretés (qu’il continue d’écrire aux beautés de sa connaissance, on entrevoit là cependant un Voiture plus sérieux que celui qu’on s’imagine d’ordinaire, et M. 

1237. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Sénecé ou un poète agréable. » pp. 280-297

Mais qu’il l’ait inventé ou non, que de même il ait imaginé ou simplement arrangé et accommodé à sa guise cet autre joli conte de Camille, ou filer le parfait amour, Sénecé a très heureusement conduit et filé à son tour ces récits, et il a montré ce qu’il aurait pu faire s’il avait cultivé avec moins de distraction le genre.

1238. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — I » pp. 298-315

Ceux qui parlent du duc de Rohan, tout net, comme d’un grand écrivain, ne l’ont pas relu récemment, et se l’imaginent de souvenir.

1239. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

J’imagine que si elle écrivait directement au roi une lettre touchante et raisonnée, et qu’elle adressât cette lettre à la personne dont je vous parle, cette personne pourrait, sans se compromettre, l’appuyer de son crédit et de son conseil.

1240. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

On n’a plus, j’imagine, la peau si irritable qu’autrefois : on supporte même la critique littéraire exercée publiquement par des confrères ; j’en suis la preuve vivante, et (sauf un seul cas, que je regrette) je puis certifier, à l’honneur de ceux qu’il m’est arrivé de toucher et même de combattre, que les bons rapports académiques n’en sont pas altérés.

1241. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Connaissait-on mieux la nature humaine au XVIIe siècle après la Fronde qu’au XVIIIe avant et après 89 ? »

Beaucoup de choses l’auraient irrité, bien peu l’eussent étonné, j’imagine, s’il avait vécu la centaine.

1242. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite.) »

Pour le tirer d’affaire et le mettre au-dessus du soupçon, Pilate n’imagine rien de mieux que de lui faire épouser la veuve de ce Ruben, femme d’honneur et qui a du bien ; on brusque les choses, on passe sur la différence des âges ; c’est comme un mariage d’intérêt et d’argent.

1243. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Études de politique et de philosophie religieuse, par M. Adolphe Guéroult. »

Amis de l’ancien régime et partisans du droit divin, qui en étiez venus, en désespoir de cause, à préconiser le suffrage universel ; à qui (j’aime à le croire) la conviction était née à la longue, à force de vous répéter, et qui vous montrez encore tout prêts, dites-vous, mais moyennant, j’imagine, certaine condition secrète, à embrasser presque toutes les modernes libertés ; — partisans fermes et convaincus de la démocratie et des principes républicains, polémistes serrés et ardents, logiciens retors et inflexibles, qui, à l’extrémité de votre aile droite, trouvez moyen cependant de donner la main parfois à quelques-uns des champions les plus aigris de la légitimité ; — amis du régime parlementaire pur, et qui le tenez fort sincèrement, nonobstant tous encombres, pour l’instrument le plus sûr, le plus propre à garantir la stabilité et à procurer l’avancement graduel de la société ; — partisans de la liberté franche et entière, qui ne vous dissimulez aucun des périls, aucune des chances auxquelles elle peut conduire, mais qui virilement préférez l’orage même à la stagnation, la lutte à la possession, et qui, en vertu d’une philosophie méditée de longue main dans sa hardiesse, croyez en tout au triomphe du mieux dans l’humanité ; — amis ordinaires et moins élevés du bon sens et des opinions régnantes dans les classes laborieuses et industrielles du jour, et qui continuez avec vivacité, clarté, souvent avec esprit, les traditions d’un libéralisme, « nullement méprisable, quoique en apparence un peu vulgaire ; — beaux messieurs, écrivains de tour élégant, de parole harmonieuse et un peu vague, dont la prétention est d’embrasser de haut et d’unir dans un souple nœud bien des choses qui, pour être saisies, demanderaient pourtant à être serrées d’un peu plus près ; qui représentez bien plus un ton et une couleur de société, des influences et des opinions comme il faut, qu’un principe ; — vous tous, et j’en omets encore, et nous-mêmes, défenseurs dévoués d’un gouvernement que nous aimons et qui, déjà bon en soi et assez glorieux dans ses résultats, nous paraît compatible avec les perfectionnements désirables ; — nous tous donc, tous tant que nous sommes, il y a, nous pouvons le reconnaître, une place qui resterait encore vide entre nous et qui appellerait, un occupant, si M. 

1244. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

On ne saurait s’imaginer, en parcourant aujourd’hui ces écrits oubliés31, tout ce qu’on y rencontre de vues rétrospectives perçantes, et d’aveuglement aussi et d’aheurtement du côté de l’avenir.

1245. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine, Recueillements poétiques (1839) »

Adolphe Dumas, homme d’imagination généreuse et d’essor aventureux, écrivit, à ce qu’il paraît, à M. de Lamartine une épître pour le consoler du peu de succès de son Ange : c’était lui signifier ce peu de succès, et j’imagine que le premier mouvement dut être une légère impatience contre le consolateur malencontreux.

1246. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. PROSPER MÉRIMÉE (Essai sur la Guerre sociale. — Colomba.) » pp. 470-492

Dans sa superstition de vengeance, Colomba n’imagine rien de plus odieux, de plus ulcérant, que cette oreille fendue à la pauvre bête.

1247. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Mathurin Regnier et André Chénier »

Et comme si l’aspect de l’hypocrisie libertine avait rendu Regnier à de plus chastes délicatesses d’amour, il nous y parle, en vers dignes de Chénier, de … la belle en qui j’ai la pensée D’un doux imaginer si doucement blessée,  Qu’aymants et bien aymés, en nos doux passe-temps, Nous rendons en amour jaloux les plus contents.

1248. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Réception de M. le Cte Alfred de Vigny à l’Académie française. M. Étienne. »

Je leur dis alors que, mon discours leur ayant fait quelque plaisir, il auroit fait plaisir à toute la terre, si elle avoit pu m’entendre ; qu’il me sembloit qu’il ne seroit pas mal à propos que l’Académie ouvrît ses portes aux jours de réception, et qu’elle se fît voir dans ces sortes de cérémonies lorsqu’elle est parée… Ce que je dis parut raisonnable, et d’ailleurs la plupart s’imaginèrent que cette pensée m’avoit été inspirée par M. 

1249. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

L’homme qui s’égare dans les sciences physiques, est ramené à la vérité par l’application qu’il doit faire de ses combinaisons aux faits matériels ; mais celui qui se consacre aux idées abstraites dont se composent les sciences morales, comment peut-il s’assurer si ce qu’il imagine sera juste et bon dans l’exécution ?

1250. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Une radicale impuissance d’imaginer, qui avait concouru à faire prendre en gré le réalisme des classiques, la sécheresse de sentiment où glissent facilement les natures trop intellectuelles, l’impuissance de penser en dehors de certaines conditions générales, l’anéantissement de la spontanéité et le culte de la forme convenue, trois conséquences d’une vie enfermée dans les bienséances du monde, qui défendent à l’homme de se faire remarquer sous peine de ridicule et de mauvais ton, voilà les traits de cette société qui fera la littérature à son image.

1251. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « La génération symboliste » pp. 34-56

La France venait de vivre une période de prospérité inouïe et s’était imaginée partie à la conquête définitive du bonheur.

1252. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Stéphane Mallarmé » pp. 146-168

Et c’est ainsi qu’il en arrivait à déclarer à Edmond de Goncourt qui le rapporte dans son journal : « Le livre, c’est la parole sous la figure du silence » et encore : « Un poème est un mystère dont le lecteur doit chercher la clef. » Il voulut « incorporer l’abstraction » et pour cela imagina de substituer à la musique des instruments, la musique de la « parole intellectuelle à son apogée ».

1253. (1890) L’avenir de la science « XVI »

L’Orient n’imagine d’autre gouvernement que celui de l’absolutisme.

1254. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVI » pp. 413-441

Une nymphe disait au roi qui représentait le soleil : Je doute qu’on le prenne avec vous sur le ton          De Daphné ni de Phaëton, Lui trop ambitieux, elle trop inhumaine…          Le moyen de s’imaginer Qu’une femme vous fuie et qu’un homme vous mène.

1255. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Les soixante-dix éloges qu’il prononça dans l’espace de quarante ans forment le recueil le plus riche et le plus piquant qui se puisse imaginer.

1256. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres inédites de l’abbé de Chaulieu, précédées d’une notice par M. le marquis de Bérenger. (1850.) » pp. 453-472

Il avait le cœur haut, comme le lui disait La Fare, et, dans le talent, Le don d’imaginer avec facilité.

1257. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Le Palais Mazarin, par M. le comte de Laborde, de l’Institut. » pp. 247-265

On trouverait dans ces carnets de Mazarin des maximes d’État, d’excellents jugements des hommes, les menus propos du jour, tout enfin, j’imagine, excepté de la grandeur.

1258. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Cette harangue rassemble tout ce qu’on peut imaginer de plus excessif en louanges.

1259. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Le surintendant Fouquet. (Article Fouquet, dans l’Histoire de Colbert, par M. P. Clément.) 1846. » pp. 294-312

Vous n’aurez pas de peine à croire qu’il y en a eu de bien penauds ; mais je suis bien aise qu’ils voient que je ne suis pas si dupe qu’ils s’étaient imaginé, et que le meilleur parti est de s’attacher à moi.

1260. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « De la retraite de MM. Villemain et Cousin. » pp. 146-164

Nous osons rappeler, au milieu des portions florissantes et triomphantes de la nation industrielle et militaire, qu’il y a aussi un pays moral, littéraire ; et, sans trop imaginer les moyens de le rétablir et de le réconforter, nous désirons que de plus habiles que nous y songent.

1261. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Les Faux Démétrius. Épisode de l’histoire de Russie, par M. Mérimée » pp. 371-388

« Je n’aime dans l’histoire que les anecdotes, et, parmi les anecdotes, je préfère celles où j’imagine trouver une peinture vraie des mœurs et des caractères à une époque donnée. » Depuis le jour où M. 

1262. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1853 » pp. 31-55

Imaginez Toto Carabo à l’affût.

1263. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Si l’on ne s’explique plus devant des Claude Monet ou des Renoir les rafales de rire des anciennes expositions d’impressionnistes, encore moins peut-on s’imaginer comment en 1875 des personnes amoureuses de musique se dirigeaient vers le Châtelet avec des sifflets quand on y devait donner la Danse macabre, comment Carmen échoua, comment jadis des hommes d’intelligence pratique réelle eurent horreur d’Hernani, comment Baudelaire scandalisa, comment Flaubert froissa ; et je ne cite que des nouveautés où l’élément d’art était le seul en question, admettant que le naturalisme fut d’abord discuté simplement au nom de la morale, et que le patriotisme seul amena les Parisiens à manifester contre Lohengrin… En tout cas, le jour de Tannhauser ils n’avaient encore d’autres raisons que l’horreur du nouveau.

1264. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

C’est que, pour suppléer à la force puisée dans les mœurs, on a imaginé d’en créer une dans les intérêts ; et l’on n’a pu réussir, dans ce système habile, qu’en alarmant sur les intérêts : on a senti, de plus, qu’on ne pouvait espérer d’obtenir quelque faveur pour les intérêts qu’en leur ralliant les amours-propres et les vanités, car les intérêts tout seuls n’auraient pas eu la puissance d’émouvoir.

1265. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Moins critique ici que dans son chapitre sur Bacon, Chasles fut emporté, j’imagine, par l’opinion de Macaulay.

1266. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Bon œuvre demeurera l’exemple de la plus extraordinaire aberration de la peinture, et j’imagine que l’avenir, s’il prend souci de comparer les œuvres des préraphaélites avec les jugements qu’elles ont suscités, demeurera stupéfait de ce que l’on ait pu, pendant de longues années, considérer comme de la peinture, ce qui n’en est le plus souvent que la parodie ou la négation.    

1267. (1882) Autour de la table (nouv. éd.) pp. 1-376

Je ne crois pas à ma table tournante autant qu’on se l’imagine : ce n’est qu’un instrument qui écrit ce que ma pensée évoque. […] Imaginez l’épouvante de ce réveil, le désespoir, la rage de cette seconde agonie ! […] Il est impossible d’imaginer en quoi il a pu mériter l’abandon où Dieu le laisse, et en quoi il remplit ses engagements envers le diable. […] — Alors le sénateur rêve, et s’imagine être dans la faveur du czar. […] Tu n’imagines pas à quel point le génie peut s’obscurcir, et l’homme d’action se survivre à lui-même.

1268. (1936) Histoire de la littérature française de 1789 à nos jours pp. -564

3º Mais, surtout depuis Rousseau, les Confessions et les Rêveries, on en imagine volontiers un troisième : ce minimum absolu de public qu’est l’auteur lui-même, écrivant pour lui. […] Il imaginera d’aller en Amérique, d’y découvrir le passage du Nord-Ouest, de devenir une manière de Magellan polaire qui en passant à travers les glaces réunirait dans sa navigation l’Atlantique au Pacifique. […] Si le puritanisme de la Vieille-Genève n’avait pas infligé à la fille de Necker une longue quarantaine, on imaginerait, sur la rive du lac, le monument un peu déclamatoire d’une femme emphatique et puissante, le front ceint de son turban, comme à la place de la Concorde une statue de Pradier, sous sa couronne de tours, et parmi les eaux jaillissantes qui se rafraîchiraient de dialogue et de vie, quatre figures qui, à des titres divers, représentent dans les lettres la compagnie (on l’entendrait presque aussi au sens militaire) de Mme de Staël : Constant, Sismondi, Bonstetten et Barante. […] Le contraste entre Chateaubriand et lui est saisissant, et l’on n’imagine pas de coupure plus nette entre les analystes et les oratoires. […] Lamartine imagine dans l’Homme ce Byron français, repenti et chrétien appelé par les Salons.

1269. (1927) André Gide pp. 8-126

André Gide avait au moins une notion de la lumière, puisqu’elle imaginait le chant des oiseaux comme un de ses effets, ainsi que la chaleur qui caressait ses joues, et puisqu’il lui paraissait tout naturel que l’air chaud se mît à chanter, de même que l’eau bout près du feu. […] Maintenant c’est Jacques qu’elle aime, parce qu’il est tel qu’elle s’imaginait que devait être le pasteur. […] Alors ils ont imaginé de se faire un mérite de leur infirmité.

1270. (1841) Discours aux philosophes. De la situation actuelle de l’esprit humain pp. 6-57

Puis la jeunesse, quand la société laïque commença à se former, et se mit à réfléchir, à imaginer : c’est l’âge de la féodalité et de la scolastique, mais c’est l’âge aussi des hérésies, depuis le douzième siècle jusqu’au quinzième. […] Je dirai, au contraire, que ce qui a fait imaginer ces grandes et sublimes fables du Christianisme, c’est la souffrance horrible des hommes à cette époque. […] Vous l’avez bien vu, que la religion harmonise ce que vous ne pouvez pas harmoniser sans elle, puisque, dans ce moyen-âge, les conditions terrestres étaient les plus distinctes, les plus distantes qu’on puisse imaginer, et que, pourtant, grâce à la religion, l’égalité restait le droit.

1271. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre premier. La Formation de l’Idéal classique (1498-1610) » pp. 40-106

Imaginez que de nos jours on ne prétendît voir dans Rabelais ou dans Molière que les « précurseurs de la Révolution française », qu’ils sont bien dans une certaine mesure ou en un certain sens ; et comptez, de leurs traits les plus caractéristiques, essayez de compter combien il y en aurait de perdus pour nous. […] Mais assurément on n’en imagine point qui puisse différer davantage du Pantagruel de Rabelais, et on n’en saurait nommer qui soit moins « confit en mépris des choses fortuites », ni qui respire moins de confiance dans la bonté de la nature. […] Son Plutarque n’est qu’un rhéteur ; mais ce rhéteur a composé les plus intéressantes « biographies » que l’on connaisse peut-être ; et, de la manière qu’Amyot les a traduites, on ne saurait imaginer de « leçons de choses » plus instructives.

1272. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Mais s’il lui faut aller observer des phénomènes dans l’estomac, il doit imaginer des procédés d’expérimentation plus ou moins complexes pour voir dans une cavité cachée à ses regards. […] Mais il faudrait bien se garder de proscrire l’usage des hypothèses et des idées quand il s’agit d’instituer l’expérience ou d’imaginer des moyens d’observation. […] L’observateur ne raisonne plus, il constate ; l’expérimentateur, au contraire, raisonne et se fonde sur les faits acquis pour en imaginer et en provoquer rationnellement d’autres. […] Comme corollaire de ce qui précède, nous ajouterons que le physiologiste ou le médecin ne doivent pas s’imaginer qu’ils ont à rechercher la cause de la vie ou l’essence des maladies. […] En vue de cette idée préconçue, j’imaginai et j’instituai aussitôt une expérience propre à vérifier la réalité ou la fausseté de ma supposition.

1273. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Imaginez-vous, mon cher Monsieur, que ce chien, qui, du reste, est un magnifique Terre-Neuve, est entre les mains de M.  […] Imaginez-vous que ces humbles lettres que je vous écris font ici un véritable tapage, et que le hasard le plus délicieux m’ayant entraîné, il y a trois jours, au théâtre du Gymnase, je me suis trouvé dans un groupe d’hommes de lettres, dont l’un (et je vous parlerai de lui plus tard) tenait en main. que tenait-il, mon cher Monsieur ? […] Jay et Kératryx) fut retardé d’un an pour la discussion de cinq ou six mots romantiques imaginés par M.  […] Imaginez-vous, mon cher Monsieur, qu’un libraire de Bruxelles est allé chez moi, nº 48, rue Montagne-aux-Herbes-Potagères, pour me faire visite.

1274. (1925) Proses datées

En vérité, j’imaginais moins que je ne me souvenais. […] Certes, ce n’est pas ainsi que l’on imaginerait l’un des plus puissants « argentiers » du règne de Sa Majesté Louis Quinzième. […] Elles forment, dites-vous assez plaisamment, « un corps vraiment respectable » sans que leur nombre vous ait paru répondre à ce que l’on s’imagine. […] Ils nous offrent de la vie à déchiffrer et nous nous plaisons à imaginer ce qu’ils furent, ne sachant rien de ce qu’ils ont été. […] comme j’imagine bien ma bonne bisaïeule, en son hôtel de la petite ville bourguignonne de Beaune !

1275. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

Telle est en peu de mots la théorie imaginée par M. de Lamartine pour sa justification. […] Il serait difficile d’imaginer un coup de théâtre plus digne de l’art primitif. […] Non seulement l’idée première est parfaitement vraie, non seulement la tristesse qui s’exhale dans cette élégie suprême n’a rien de factice, rien d’apprêté, mais les divisions imaginées par le poète semblent destinées à nous montrer clairement toutes les faces de sa pensée, toutes ses angoisses, toutes ses défaillances. […] J’imagine donc que le sujet traité par M. de  Lamartine, soumis aux lois acceptées par le xviie  siècle, n’eût rien perdu de sa grandeur, de sa vérité. […] Le premier ministre disgracié n’imagine rien de mieux que d’infliger à Marie de Neubourg la peine du talion.

1276. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Sully, ses Économies royales ou Mémoires. — III. (Fin.) » pp. 175-194

Henri IV mort, Sully manque de chef ; personnage considérable, homme d’État puissant, mais, somme toute, secondaire, il s’est plu lui-même à reconnaître que, dans tout ce qu’il a exécuté et imaginé de bien, il y avait du fait de Henri IV autant et plus que du sien propre ; cet aveu l’honore, mais il a du vrai.

1277. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — I. » pp. 262-280

Je sentais s’évanouir également ces idées naturelles ou plutôt de naturaliste et de médecin, qui ne s’y sont pas moins glissées ; ce qui faisait dire à Pline l’Ancien que de toutes les morts la mort subite était la plus enviable « et le comble du bonheur de la vie » ; ce qui a fait dire également à Buffon « que la plupart des hommes meurent sans le savoir ; que la mort n’est pas une chose aussi terrible que nous nous l’imaginons ; que nous la jugeons mal de loin ; que c’est un spectre qui nous épouvante à une certaine distance, et qui disparaît lorsqu’on vient à en approcher de près… ».

1278. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Il a parlé quelque part de cette forme et de cette espèce de directeur à la mode et très goûté de son temps, « qui semble n’avoir reçu mission de Dieu que pour une seule âme, à laquelle il donne toute son attention ; qui, plusieurs fois chaque semaine, passe régulièrement avec elle des heures entières, ou au tribunal de la pénitence ou hors du tribunal, dans des conversations dont on ne peut imaginer le sujet, ni concevoir l’utilité ; qui expédie toute autre dans l’espace de quelques moments, et l’a bientôt congédiée, mais ne saurait presque finir dès qu’il s’agit de celle-ci » : directeur délicieux et renchéri, exclusif et mystérieux, dont Fénelon est le type idéal le plus charmant (le Fénelon de Mme Guyon et avant l’exil de Cambrai).

1279. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — II. (Suite.) » pp. 434-453

On ne s’imaginerait point jusqu’où cela allait si je n’en donnais la preuve.

1280. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Une après-midi que lady Austen le voyait plus triste qu’à l’ordinaire et prêt à retomber dans ses humeurs sombres, elle imagina, pour le stimuler, de lui raconter une histoire de nourrice qu’elle savait d’enfance, très drôle et très gaie, L’Histoire divertissante de John Gilpin, où l’on voit comme quoi il alla plus loin qu’il n’eût voulu et s’en revint sain et sauf.

1281. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance inédite de Mme du Deffand, précédée d’une notice, par M. le marquis de Sainte-Aulaire. » pp. 218-237

Imaginez que tout à l’heure on m’annonce qu’un homme de Chanteloup est là qui veut me parler.

1282. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Je m’imagine que ces doux propos ressemblaient par l’esprit à ce qu’avaient dû être les entretiens de Basile et de Grégoire au rivage d’Athènes, à ceux d’Augustin et de ses amis au rivage d’Ostie.

1283. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset, professeur d’histoire au lycée Bonaparte. »

On peut donc s’imaginer quels furent l’étonnement et la joie d’un esprit studieux et véritablement historique lorsqu’il se vit introduit tout à coup au milieu et au centre de toutes les informations les plus copieuses, les plus précises, les plus lumineuses, au cœur même de l’œuvre de Louvois.

1284. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Histoire du roman dans l’Antiquité »

Une jolie aventure qui arrive au Lucius-Apulée avant sa métamorphose, c’est celle qui termine le joyeux souper qu’il est allé faire chez Byrrhène : rentrant de nuit et la tête troublée de vin, il s’imagine voir devant la porte de son hôte trois terribles brigands contre lesquels il dégaine et qu’il transperce à coups d’épée.

1285. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Maurice et Eugénie de Guérin. Frère et sœur »

Quand il créa le Centaure, son seul morceau achevé (et qui me fait regretter qu’on ait retrouvé la Bacchante, autre morceau de lui bien inférieur et capable, vraiment, de faire tort au premier), quand au sortir d’une visite au Musée des Antiques, après avoir admiré cette œuvre vivante, correcte, magnifique, irréprochable, qu’on attribue à des sculpteurs cariens, il se dit qu’il allait, « par sa plume, commenter et étendre le ciseau29 » que fit-il, qu’imagina-t-il dans sa conception vraiment puissante ?

1286. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet »

Il n’a pas contracté l’obligation ou de déployer des nus, ou d’imaginer certaines formes de draperies, ou d’observer certaines règles de genre : il prend les choses telles qu’il les voit, il leur laisse leur réalité ; et il en résulte que, sans avoir prétendu faire ni de l’histoire ni du genre, il a fait de l’un ou de l’autre ; il a été touchant, noble, terrible, ou bien spirituel, comique et original.

1287. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Qu’on s’imagine la situation d’esprit d’un éditeur (car M. 

1288. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Oeuvres inédites de la Rochefoucauld publiées d’après les manuscrits et précédées de l’histoire de sa vie, par M. Édouard de Barthélémy. »

Mais le jour où l’on rencontre de sympathiques encouragements, on est amplement dédommagé de ces petites misères… » Je puis assurer que je n’ai contre M. de Barthélémy aucune inimitié et que je n’ai pas même de jalousie : j’ai eu, je l’avoue, de l’impatience de le voir, pensant si peu et écrivant si mal, s’imaginer qu’il allait être le biographe définitif d’un moraliste et d’un écrivain tel que La Rochefoucauld.

1289. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Gavarni. (suite) »

Il faut au moins s’entrevoir… « Vous allez voyager, il est tout simple de vous dire que vous penserez quelquefois à moi ; pensez-y surtout quand le soir viendra et que la voiture montera lentement une côte ; imaginez que je suis auprès de vous et que nous ne sommes pas seuls, mais que j’ai pris votre main sous votre mantelet.

1290. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Le maréchal de Villars. »

On dit toujours que tout le monde est brave ; et vous ne sauriez imaginer, quand ce vient au fait et au prendre, le peu que l’on trouve de certains courages qui veulent bien marcher à la tète de tout.

1291. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « M. Émile de Girardin. »

Il imagina et entreprit coup sur coup plusieurs journaux et publications de divers genres qui répondaient à des besoins du temps, à des besoins encore vagues qu’il était l’un des premiers à deviner et à pressentir.

1292. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte (suite et fin.) »

J’admire comme, dans la bouche du plus grand fou de la terre, Cervantes a trouvé le moyen de se faire connaître l’homme le plus entendu et le plus grand connaisseur qu’on se puisse imaginer… Quevedo paraît un auteur fort ingénieux ; mais je l’estime plus d’avoir voulu brûler tous ses livres quand il lisait Don Quichotte, que de les avoir su faire. » Racine et Boileau lisaient Don Quichotte pour se divertir ; ils en parlent dans leurs lettres comme d’un sujet qui leur est familier et qui est entré dans la conversation des honnêtes gens.

1293. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise, par M. Taine, (suite et fin.) »

Le cardinal de Richelieu, pour réconforter le Père Joseph moribond, ce capucin comme il y en a peu, qui était son bras droit et un politique patriote, imagine de lui crier à l’oreille : « Père Joseph, Brisach est pris ! 

1294. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Mémoires de madame Roland »

« Faire, disait-elle, le bonheur d’un seul et le lien de beaucoup par tous les charmes de l’amitié, de la décence, je n’imagine pas un sort plus beau que celui-là. » Elle disait encore en ces années dans une lettre à Bosc, l’un de ses jeunes amis, — et dans ce tableau d’une de ses journées elle offrait l’image de toutes les autres : « Vous me demandez ce que je fais, et vous ne me croyez pas les mêmes occupations qu’à Amiens (elle venait de s’établir à Ville franche) ; j’ai véritablement moins de loisir pour m’y livrer ou pour les entremêler d’études agréables.

1295. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Mlle Eugénie de Guérin et madame de Gasparin, (Suite et fin.) »

Elle s’est développée comme je m’imagine qu’on se développera de plus en plus à l’avenir, par elle-même et sur place, sans se soucier beaucoup du qu’en dira-t-on ni de la tradition, sans demander la permission au voisin.

1296. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire de la Grèce, par M. Grote »

Ainsi il y aurait eu antérieurement, je l’imagine d’après M. 

1297. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Les fondateurs de l’astronomie moderne, par M. Joseph Bertrand de l’académie des sciences. »

A partir de cet endroit l’auteur, l’orateur éloquent qui plaide pour sa cause, combine et entrelace sans scrupule et avec beaucoup d’habileté les deux ordres de raisonnement, les possibilités indiquées par la science, les désirs conçus par le cœur, les conceptions imaginées par la philosophie.

1298. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

Le duc de Noailles, jeune, brillant, en faveur, est envoyé en Espagne ; il remporte en Cerdagne, en Catalogne, des succès militaires fort célébrés à Versailles, il prend Girone (1711) ; il est partout loué, vanté, lorsque, obéissant à son secret mobile et à cette inquiétude d’ambition qui le piquait, il imagine de concert avec le marquis d’Aguilar, pendant le séjour de la Cour à Saragosse, de donner à Philippe V une maîtresse, de le détacher ainsi de sa femme et dès lors de la princesse des Ursins, comptant bien, lui et son ami, s’emparer de toute l’influence ; en un mot, il noue une intrigue qui, découverte, le fait rappeler et le met à la Cour de Versailles dans une position infiniment moins bonne qu’auparavant.

1299. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Je sais comme vous qu’il ne faut pourtant pas que, sous prétexte de peindre, il se croie en droit d’imaginer, qu’il aille créer tout de bon et au pied de la lettre, et qu’il nous présente un roman au lieu de la réalité.

1300. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par le chevalier d’Arneth »

Mais que la vérité est donc chose délicate à connaître, et comme il nuit ensuite de la trop bien savoir à qui voudrait créer et imaginer !

1301. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Idées et sensations : par MM. Edmond et Jules de Goncourt. »

Venise également, la Venise de la fin plus que tout, celle des Tiepolo et des Longhi ; les attire et les fascine ; l’une de leurs compositions les plus originales, dans le présent volume, est cet enterrement fantastique de Watteau imaginé par eux et placé en plein carnaval de Venise : c’est le triomphe de tous leurs goûts et de tous leurs caprices qu’ils ont mené avec une pompe folâtre dans cette suite de pages qu’il appartient au seul Théophile Gautier de bien analyser116, et qui à nous, simples littérateurs, nous donnent un peu le vertige.

1302. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Qu’on n’aille point s’imaginer pour cela qu’elle est moins riche et plus stérile, et que la brusquerie militaire y avait supprimé les combinaisons romanesques ou les menées diplomatiques qui se pratiquaient sous le couvert des galanteries ; ce serait se tromper étrangement ; mais les mémoires particuliers n’ont point paru, les contemporains qui savaient ont cessé de vivre, et les fils, les descendants tiennent eu échec jusqu’à présent les révélations posthumes.

1303. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Si Jasmin avait vécu au temps des troubadours, s’il avait écrit en cette littérature perfectionnée dont il vient, après Goudouli, Dastros et Daubace, et, à ce qu’il paraît, plus qu’aucun d’eux, embellir encore aujourd’hui les débris, il aurait cultivé la romance sans doute, et quelques heureux essais de lui en font foi ; mais il aurait, j’imagine, préféré le sirvente, et, en présence des tendres chevaliers, des nobles dames, des Raymond de Toulouse et des comtesses de Die, il aurait introduit quelque récit railleur d’un genre plus particulier aux trouvères du Nord, quelque novelle peu mystique et assez contraire au vieux poëme de la vie de sainte Fides d’Agen.

1304. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « UN FACTUM contre ANDRÉ CHÉNIER. » pp. 301-324

Chénier est plein de la lecture d’Homère ; il voudrait en reproduire en français l’accent et quelques-unes des grandes images, en offrir un échantillon proportionné ; il a l’idée de ramener l’épopée au cadre de l’idylle, et l’histoire qu’il imagine pour cela n’a rien que de très-autorisé par la tradition.

1305. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Ainsi se couronne une des vies les plus brillantes, les plus complètes, les plus décemment mélangées qu’on puisse imaginer, où concourent la Révolution et l’ancien régime, où la naissance, et l’esprit, et la générosité, forment un charme ; une vie de simplicité, de grand ton, de monde et d’ardeur sincère ; une vie passionnée et pure, avec une fin admirablement chrétienne, comme on en lit dans les histoires de femmes illustres au dix-septième siècle ; un harmonieux reflet des talents délicats, naturels, et des morts édifiantes de ce temps-là, mais avec un caractère nouveau qui tient aux orages de nos jours, et qui donne un prix singulier à tout l’ensemble.

1306. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre premier. La structure de la société. — Chapitre II. Les privilèges. »

Si l’on veut se les représenter un peu nettement, on peut imaginer, dans chaque lieue carrée de terrain et pour chaque millier d’habitants, une famille noble et sa maison à girouette, dans chaque village un curé et son église, toutes les six ou sept lieues une communauté d’hommes ou de femmes.

1307. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre premier. Les sensations totales de l’ouïe et leurs éléments » pp. 165-188

. — Mais ces progrès, si grands qu’on les imagine, n’ajoutent rien à notre idée des sensations ; ils nous éclairent sur leurs conditions, et non sur elles.

1308. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Le cinquième élément nécessaire de cette création ou de cette poésie, c’est le don d’exprimer par la parole ce que nous voyons et ce que nous sentons en nous-mêmes, de produire en dehors ce qui nous remue en dedans, de peindre avec les mots, de donner pour ainsi dire aux paroles la couleur, l’impression, le mouvement, la palpitation, la vie, la jouissance ou la douleur qu’éprouvent les fibres de notre propre cœur à la vue des objets que nous imaginons.

1309. (1892) Boileau « Chapitre VI. La critique de Boileau (Fin). La querelle des anciens et des modernes » pp. 156-181

Perrault donc imagina trois personnages : un Président, savant homme, dit-il, et idolâtre des anciens, à qui il ne put prêter toutefois plus de science qu’il n’en avait lui-même, ni plus d’attachement à l’antiquité, qu’il ne croyait qu’on pût raisonnablement en avoir ; un abbé, savant aussi, mais « plus riche de ses propres pensées que de celles des autres », vraie image de l’auteur qui s’y mire complaisamment, sans se douter que cet autre lui-même a plus d’ignorance que d’esprit, et parmi l’abondance de ses idées une totale absence de sentiment esthétique ; enfin un chevalier, sorte de Turlupin de la critique, plus sot que spirituel, n’en déplaise à Perrault, qui l’a chargé d’avancer toutes les énormités qu’il n’osait faire endosser à son abbé.

1310. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Le père Monsabré »

S’imaginaient-ils que j’allais réfuter et gourmander ceux pour qui il n’y a pas de Dieu à offenser, pas de grâce à perdre, pas d’âme à déshonorer ?

1311. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Alphonse Daudet, l’Immortel. »

C’est ainsi qu’il imagine, dans le Nabab, les mémoires de Passajon, et, dans l’Immortel, les lettres du candidat Freydet à sa sœur.

1312. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Plus tard, les progrès des arts et les découvertes des sciences naturelles amenèrent le style technique ; Thomas et d’autres imaginèrent de transporter les termes abstraits de la science dans la littérature et dans la poésie.

1313. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre IV. Précieuses et pédantes »

» On ne peut imaginer la mollesse de Saint-Georges de Bouhélier écrivain, son imprécision et son bavardage.

1314. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Campagnes d’Égypte et de Syrie, mémoires dictés par Napoléon. (2 vol. in-8º avec Atlas. — 1847.) » pp. 179-198

David a peint le cheval le plus fougueux qu’il ait pu imaginer.

1315. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « La Mare au diable, La Petite Fadette, François le Champi, par George Sand. (1846-1850.) » pp. 351-370

Imaginez un peu de Raynal (du meilleur) cousu par mégarde avec un exemplaire de Paul et Virginie.

1316. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « M. de Féletz, et de la critique littéraire sous l’Empire. » pp. 371-391

Imaginez une feuille d’impression dont nous ne lirions qu’un côté ; le verso a disparu, il est en blanc, et ce verso qui la compléterait, c’est la disposition du public d’alors, la part de rédaction qu’il y apportait, et qui souvent n’était pas la moins intelligente et la moins active.

1317. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. » pp. 432-452

Que si nous prenons d’autres écrits de M. de Chateaubriand, d’une date très rapprochée de celle qu’on répute la meilleure, par exemple les Mémoires sur le duc de Berry, ou encore les Études historiques, nous y retrouvons toutes les fautes de mesure et de goût qu’on peut imaginer : c’est que l’Aristarque ici lui a manqué.

1318. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Vauvenargues. (Collection Lefèvre.) » pp. 123-143

Ceux qui sont nés éloquents, dit encore Vauvenargues, parlent quelquefois avec tant de clarté et de brièveté des grandes choses, que la plupart des hommes n’imaginent pas qu’ils en parlent avec profondeur.

1319. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame de Maintenon. » pp. 369-388

Qu’on essaie d’imaginer ce que suppose d’habileté de détail cette réserve savante qui entretient si longuement et sait contenir, sans l’étouffer, le désir !

1320. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La princesse des Ursins. Lettres de Mme de Maintenon et de la princesse des Ursins — I. » pp. 401-420

Mme de Coulanges, en apprenant cette nouvelle, et tout en estimant Mme des Ursins très digne de son emploi, trouvait qu’à cet âge il n’y avait plus rien à imaginer d’agréable dans la vie : c’est qu’elle n’était que femme, et ne concevait de son sexe que les passions aimables et tendres.

1321. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Tu sais que pour toi seule il fut imaginé ; Alors que du malheur nous ressentions l’outrage,          À te distraire il était destiné.

1322. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — II. (Suite et fin.) » pp. 436-455

Là-dessus cette société gracieuse et sentimentale s’émut : on imagina de faire à ce chien chéri des funérailles, un petit tombeau avec branche de saule pleureur à la Jean-Jacques.

1323. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le président de Brosses. Sa vie, par M. Th. Foisset, 1842 ; ses Lettres sur l’Italie, publiées par M. Colomb, 1836. » pp. 85-104

Croyez-vous qu’on puisse rien imaginer de mieux pour l’honneur des arts et de leur protecteur ?

1324. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

On ne saurait s’imaginer jusqu’où va chez lui cet abus, cette sorte de crédulité ou de complaisance, mi-partie poétique et scientifique ; et j’aime trop saint François de Sales pour citer des exemples qui compromettraient l’impression agréable sur laquelle il convient de rester avec lui.

1325. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — II. (Fin.) » pp. 476-495

Il ne faudrait pourtant pas s’imaginer, d’après ce que j’ai dit, que le grand guerrier ne se dénote point déjà en Frédéric.

1326. (1899) Esthétique de la langue française « Le vers libre  »

Kahn, imagina le système que nous avons indiqué et dont nous avons critiqué le principe.

1327. (1767) Salon de 1767 « Adressé à mon ami Mr Grimm » pp. 52-65

Ne convenez-vous pas qu’indépendamment des fonctions journalières et habituelles qui auraient bientôt gâté ce que nature auroit supérieurement fait, il est impossible d’imaginer, entre tant de causes qui agissent et réagissent dans la formation, le développement, l’accroissement d’une machine aussi compliquée, un équilibre si rigoureux et si continu, que rien n’eût péché d’aucun côté, ni par excès, ni par défaut ?

1328. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

Il est impossible d’imiter avec les pierres et les morceaux de verre dont les anciens se sont servi pour peindre en mosaïque toutes les beautez et tous les agrémens que le pinceau d’un habile homme met dans un tableau, où il est maître de voiler les couleurs et de faire sur chaque point physique tout ce qu’il imagine, tant par rapport aux traits que par rapport aux teintes.

1329. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Les expériences en ont donné fortuitement la connoissance aux philosophes, et même ils avoient si peu imaginé que l’air fut pesant, que, pour ainsi dire, ils ont manié long-temps la pesanteur de l’air sans la comprendre.

1330. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre V. Séductions pour la compréhension de la psychologie indigène. — Conclusion »

Cela est tellement probable que, pour certaines misères, celle par exemple des orphelins que tourmente une marâtre, ils sont pleins d’une pitié attendrie, comme le montrent les nombreux contes imaginés sur ce thème.

1331. (1892) L’anarchie littéraire pp. 5-32

Ils s’imaginent sans doute qu’adopter une formule connue et faire partie d’un clan équivaut à une abdication de la personnalité.

1332. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

n’aurait pas, j’imagine, beaucoup de respect pour les culottes philosophiques que sa petite-fille s’obstine à porter.

1333. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « J. de Maistre » pp. 81-108

On s’imaginait tout connaître de cette intelligence profonde et grave, et dont l’éclat est d’autant plus vif et plus dardant que son bloc, comme celui du diamant, est plus massif et plus solide, quand, bien du temps après sa mort, on s’est avisé de publier sa Correspondance avec sa fille, qui étonna tout à la fois et qui ravit, et modifia, pour la plupart des lecteurs, qui n’ont pas vu le lion quand il aime, la physionomie de ce lion-ci, qui avait la grâce au même degré que la force, car il ne pouvait pas l’avoir davantage !

1334. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Ernest Renan »

Il n’est, enfin, qu’un des mille rongeurs de cette vermine éternelle qui s’imagine dévorer, dans un temps donné, le grand lion.

1335. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Il est le misanthrope de la vie coupable, et souvent on s’imagine, en le lisant, que si Timon d’Athènes avait eu le génie d’Archiloque, il aurait pu écrire ainsi sur la nature humaine et l’insulter en la racontant !

1336. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

Nos petites paysannes elles-mêmes ne se sont-elles pas imaginé d’orner leurs cheveux, bien tirés sur les tempes et lissés à l’eau claire, de fleurs artificielles montées sur des fils de laiton, de chapeaux à cinq ou dix francs, jardins affreux, macarons déplorables et d’un bon marché trompeur !

1337. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre II : M. Royer-Collard »

Qu’il soit dans une tribune ou dans une chaire, il imagine.

1338. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome II pp. 1-419

Le poète a imaginé, pour épouvanter le nouveau chevalier, une fantasmagorie souvent ingénieuse, mais qui dure trop longtemps et finit par lasser la patience. […] Bulwer a choisi, pour peindre le parasite, la plus facile des méthodes, car qu’y a-t-il au monde de plus simple à imaginer qu’un homme qui dit : Je suis parasite ? […] Il est impossible d’imaginer des trahisons plus innocentes, des inimitiés plus maladroites, des mensonges plus transparents, des embûches plus faciles à découvrir. […] Il est difficile d’imaginer une confusion plus singulière et plus divertissante. […] Ces pages nous offrent à coup sûr une des lectures les plus stériles qui se puissent imaginer, Qu’enseigne-t-il en effet ?

1339. (1912) Chateaubriand pp. 1-344

C’est, un peu, Pascal parlant de Platon et d’Aristote : « On ne se les imagine qu’avec de grandes robes de pédants. […] Ces forcenés seuls pouvaient en imaginer les moyens et, ce qui est encore plus incroyable, parvenir en partie à les exécuter : moyens exécrables sans doute, mais, il faut l’avouer, d’une conception gigantesque. […] Peut-être même n’est-ce que de la littérature, c’est-à-dire la peinture d’une disposition d’âme imaginée plutôt qu’éprouvée. […] Voici donc, très en abrégé, la fable imaginée par Chateaubriand. […] Or, sur ce sujet, il avait dit tout ce qu’il pouvait dire, imaginé tout ce qu’il pouvait imaginer.

1340. (1899) Arabesques pp. 1-223

Tous leurs efforts tendirent à imaginer une région nébuleuse, crépusculaire, où n’habitent que des rois mélancoliques, phraseurs et couverts de pierreries, des héros casqués de vermeil pourchassant d’intangibles chimères, des chevaliers fluets et grelottants, des troubadours sous le balcon de princesses sataniques, des sirènes gélatineuses, des pâtres roucouleurs. […] Mais qu’ils ne s’imaginent pas que leur tâche sera facile. — D’abord, ils ne feront que préparer l’évolution future : pour que la pensée humaine enfante l’homme nouveau, ils auront beaucoup à souffrir, car tout enfantement est douloureux et, à cette heure, l’embryon commence à peine à se former. […] On convoque les électeurs ; on les étourdit d’une grêle de vocables dénués de sens précis ; on leur promet la lune pour après-demain sans faute ; on accuse le concurrent de coucher avec sa mère, avec le curé ou avec le vénérable de la Loge ; on ouvre un compte au Souverain chez le mastroquet ; on sème, à bon escient, les pièces de quarante sous. — Le jour du vote arrive, et l’électeur dépose, à peu près au hasard, dans un pot suspect, le bout de papier par lequel il s’imagine exprimer sa volonté… Après quoi l’Élu tire sa révérence et se met, tout de suite, à la besogne, à savoir : détourner du budget le plus d’écus possible afin de les distribuer, sous forme de places ou de subventions, aux membres de son comité, à leurs clients et à leur honorable famille. […] Cependant comme nous sommes lâches, nous préférons croupir dans notre lâcheté plutôt que d’indisposer, par une mine soudain sérieuse, notre Barnum et notre public… Rions donc ; et chassons les idées noires qui, malgré nos facéties, nous papillonnent à travers le cerveau. » Tous ces soi-disant indifférents s’imaginent être libres. […] Mais les hideurs du temps présent, l’atmosphère de haine où l’on vit, le mensonge triomphant, la bassesse des caractères font qu’on se réfugie éperdument en un songe d’avenir où tout serait harmonie, franchise, bonté, joie d’exister sans nuire au prochain… Que de fois, parcourant la forêt maternelle et la campagne paisible, j’imaginai une Arcadie où l’or servirait à faire des pelles, des pioches et des socs de charrue, où le poète scanderait ses vers parmi la rumeur des feuillages et les chuchotements des sources, ne penserait ni à devenir le Prince, ni à fonder une école.

1341. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

C’est l’ébranlement intérieur qui suscite les images ; n’étant point ébranlé, il n’imagine pas. […] Imaginez, si vous pouvez, l’orgueil de ces nouveaux seigneurs, orgueil de vainqueurs, orgueil d’étrangers, orgueil de maîtres, nourri par les habitudes de l’action violente, et par la sauvagerie, l’ignorance et l’emportement de la vie féodale. « Tout ce qu’ils voulaient, disent les vieux chroniqueurs, ils se le croyaient permis. […] Il a rêvé, il a imaginé une sorte de cérémonial élégant pour mieux parler aux seigneurs et aux dames, il a trouvé le code galant du petit Jehan de Saintré.

1342. (1883) La Réforme intellectuelle et morale de la France

. — Tels étaient nos principes, et ils avaient deux défauts essentiels : le premier, c’est qu’il se trouvait au monde des gens qui en avaient de tout autres, qui vivaient des dures doctrines de l’ancien régime, lequel faisait consister l’unité de la nation dans les droits du souverain, tandis que nous nous imaginions que le xixe  siècle avait inauguré un droit nouveau, le droit des populations ; le second défaut, c’est que ces principes, nous ne réussimes pas toujours à les faire prévaloir chez nous. […] Il est injuste, disons-le encore, de rejeter toutes ces fautes sur le compte du dernier régime, et un des tours les plus dangereux que pourrait prendre l’amour-propre national serait de s’imaginer que nos malheurs n’ont eu pour cause que les fautes de Napoléon III, si bien que, Napoléon III une fois écarté, la victoire et le bonheur devraient nous revenir. […] Les écoles spéciales, imaginées par la Révolution, les chétives facultés créées par l’Empire, ne remplacent nullement le grand et beau système des universités autonomes et rivales, système que Paris a créé au moyen âge et que toute l’Europe a conservé, excepté justement la France qui l’a inauguré vers 1200.

1343. (1902) La formation du style par l’assimilation des auteurs

Ceux-là n’étaient cependant guère sages, car ils clouaient les crânes des voyageurs au tronc des arbres et s’imaginaient que les harpes suspendues aux branches des sycomores étaient touchées la nuit par les Esprits. […] Ce qui a poussé tant d’auteurs dans le gris et l’inexpressif, c’est qu’ils s’imaginaient faire de la description vraie, en faisant de la description artificielle. […] C’est le seul moyen de donner l’apparence de la vie à ce qui est imaginé. […] Sans doute il est difficile de voir d’après nature des scènes imaginées, batailles, disputes… en un mot tout ce qui compose l’infinie variété des choses décrites dans un livre. […] Ayant remarqué, ou plutôt entendu dire que des génies reconnus ne sont pas toujours exempts d’un grain de folie, ils tâchent d’imaginer des folies, et ne font que des sottises.

1344. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Gabriel Naudé »

Gassendi est si délicat qu’il n’en oseroit boire, et s’imagine que son corps brûleroit s’il en avoit bu. […] IV) il avait dit : « Il ne faut donc pas croupir dans l’erreur de ces foibles esprits qui s’imaginent que Rome sera toujours le siége des saints Pères, et Paris celui des rois de France. » Je trouve que, de nos jours, les sages eux-mêmes ne sont pas assez persuadés que de tels changements restent toujours possibles, et l’on met volontiers en avant un axiome de nouvelle formation, bien plus flatteur, qui est que les nations ne meurent pas.

1345. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

En bonne foi, tu auras des bijoux, des robes, des parures, Ce que tu pourras imaginer ou demander. —  Va seulement l’embrasser, Ou touche-le, rien de plus. —  Pour l’amour de moi. […] imaginez que ces bonnes œuvres Serviront à cacher vos mauvaises.

1346. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (2e partie) » pp. 409-488

Mais ces hommes aimaient l’esprit, aimaient le talent, ils en avaient peut-être eux-mêmes, quoiqu’il soit plus sûr encore pour leur gloire, j’imagine, de ne nous être connus comme auteurs, Pollion, de tragédies, Gallus, d’élégies, que par les louanges et les vers de Virgile. […] « Et, dans tout ceci, je n’imagine rien ; je ne fais qu’user et profiter de traits qui nous ont été transmis, mais en les interprétant comme je crois qu’il convient le mieux.

1347. (1864) Cours familier de littérature. XVIII « CIVe entretien. Aristote. Traduction complète par M. Barthélemy Saint-Hilaire (2e partie) » pp. 97-191

L’âme, pour connaître les choses, n’a pas besoin d’être semblable aux choses, ni surtout, comme l’ont imaginé quelques esprits grossiers, d’être les choses mêmes. […] Il s’imagine toujours que je suis celui qu’il va voir mort tout à l’heure, et me demande comment il m’ensevelira ; et tout ce long discours que je viens de faire pour prouver que, dès que j’aurai avalé le poison, je ne demeurerai plus avec vous, mais que je vous quitterai, et irai jouir de félicités ineffables, il me paraît que j’ai dit tout cela en pure perte pour lui, comme si je n’eusse voulu que vous consoler et me consoler moi-même.

1348. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXXe entretien. Conversations de Goethe, par Eckermann (2e partie) » pp. 315-400

Mais ne vous imaginez pas que l’on pourrait rendre populaire ce qui est beau et naturel ; ou du moins il faudrait pour cela avoir beaucoup de temps et recourir à des moyens désespérés. […] — Je connais ce bois, dit Goethe, il pousse souvent dans les haies ; je m’imagine en effet qu’il doit être bon ; mais j’ai vu rarement une jeune tige sans nœuds, et il vous faut pour votre arc une tige absolument libre de nœuds.

1349. (1893) Du sens religieux de la poésie pp. -104

La langue qu’ils parlent évite à la fois la grâce et la passion : qui songerait à s’imaginer l’homme dans le savant ? […] Quand nous parlons de notion divine, si nous voulons l’analyser humainement, c’est-à-dire sans rien scinder du composé humain, en d’autres termes, sans léser aucune de nos trois facultés de raisonner, d’imaginer et de sentir, la notion de Dieu se ramène fatalement à un développement vers l’absolu de la notion humaine.

1350. (1856) Jonathan Swift, sa vie et ses œuvres pp. 5-62

… La ville jurera qu’il a trompé par des paroles magiques la jeune fille sans défense ; tous les fats en riront, et diront que les savants ne valent pas mieux que les autres hommes… Quel soin paternel de cette jeune fille ; cinq mille guinées dans sa bourse, le docteur aurait pu imaginer pis38. » En 1714, la mère de Miss Vanhomrigh mourut ; elle accourut en Irlande avec sa sœur, et le supplice mérité de Swift commença. […] I hope no reader imagines me so weak to stand up in the defence of real Chistianity… every candid reader will easily understand my discourse to be intended only in defence of nominal christianity… 21.

1351. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

Elles se sont encore limitées : des groupes furent formés, séparés, abstraits : la perception fréquente d’objets rouges a porté l’âme à imaginer un nouvel objet, dont le rouge était la qualité dominante. […] Wyzewa retrace l’histoire de la littérature et imagine une littérature qui mêlerait sentiments et raison et qui valoriserait la qualité musicale et sonore des mots.

1352. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VII : Instinct »

Il serait fort étrange que quelqu’un se fût jamais imaginé d’apprendre à un Chien à tomber d’arrêt, si quelques Chiens n’avaient montré une tendance naturelle à le faire ; or l’on sait qu’une pareille tendance se manifeste quelquefois chez diverses races, et je l’ai constatée moi-même chez un pur Terrier. […] Elles furent aussitôt enlevées par les esclavagistes qui, peut-être en les saisissant, s’imaginèrent qu’elles étaient demeurées victorieuses dans leur dernière bataille.

1353. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

On n’a jamais en effet, donné une théorie plus complète du despotisme pur, et il serait impossible d’imaginer un état social plus dégradant, plus voisin de la barbarie : le genre humain n’est plus qu’un bétail, il n’y a plus de société, plus de citoyens, mais des troupeaux dociles, défilant sous la verge du prince, qui est nécessairement, fatalement, le représentant de Dieu sur la terre. […] L’insupportable péronnelle qu’est la Sévigné s’écrie en parlant de la Révocation : « C’est la plus grande et la plus belle chose qui ait été imaginée et exécutée. » Fléchier, Massillon, l’abbé Tallemand, de l’Académie font éclater leur enthousiasme au même sujet.

1354. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Tu tires, sans toucher ; tu imagines, sans créer ; tu parles, sans convaincre ; et je devrais m’excuser d’être plus heureux que toi ! […] Au décor simultané du moyen âge et de Shakespeare, décor vraiment trop naïf pour nous, le classicisme avait substitué le décor unique ; puis on a ramené la variété et la liberté par les décors successifs ; comme ils ont de grands inconvénients et qu’ils sont fort coûteux, on a imaginé le décor tournant pour en revenir enfin à un décor, non plus unique, mais très simple, un peu vague, et facile à modifier à peu de frais, en quelques minutes.

1355. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — I. » pp. 301-321

Or, dans cet ordre nouveau, imaginez un hussard, un hulan, un chevau-léger d’avant-garde qui va souvent insulter l’ennemi jusque dans son retranchement, mais qui aussi, dans ses fuites et refuites, pique d’honneur et aiguillonne la colonne amie qui cheminait parfois trop lentement et lourdement, et la force d’accélérer le pas.

1356. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Daru (et avec lui les projets étaient bientôt mis à exécution), il y avait une tragédie de Néron : « Je n’ai rien à dire contre votre plan, lui écrivait le père Lefebvre, mais vous referez, je l’imagine, le récit de la mort d’Agrippine que vous avez volé à Suétone ; c’était Tacite qu’il fallait piller : un voleur honnête ne s’adresse qu’aux riches. » On voit que le goût du père Lefebvre, comme celui des Oratoriens en général, était quelque peu orné et fleuri ; c’était un compromis avec le goût du siècle92.

1357. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

» Le comte de Maistre, dans une des charmantes lettres à sa fille, Mlle Constance de Maistre, a badiné agréablement sur cette question, et il y a mêlé des vues pleines de force et de vérité : « L’erreur de certaines femmes est d’imaginer que pour être distinguées, elles doivent l’être à la manière des hommes… On ne connaît presque pas de femmes savantes qui n’aient été malheureuses ou ridicules par la science. » Au siècle dernier, un jésuite des plus éclairés et des plus spirituels, le père Buffier, qui était de la société de Mme de Lambert, dans une dissertation légèrement paradoxale, s’est plu à soutenir et à prouver que « les femmes sont capables des sciences » ; et après s’être joué dans les diverses branches de la question, après avoir montré qu’il y a eu des femmes politiques comme Zénobie ou la reine Élisabeth, des femmes philosophes comme l’Aspasie de Périclès et tant d’autres, des femmes géomètres et astronomes comme Hypatie ou telle marquise moderne, des femmes docteurs comme la fameuse Cornara de l’école de Padoue, et après s’être un peu moqué de celles qui chez nous, à son exemple, « auraient toutes les envies imaginables d’être docteurs de Sorbonne », — le père Buffier, s’étant ainsi donné carrière et en ayant fini du piquant, arrive à une conclusion mixte et qui n’est plus que raisonnable : À l’égard des autres, dit-il, qui ont des devoirs à remplir, si elles ont du temps de reste, il leur sera toujours beaucoup plus utile de l’employer à se mettre dans l’esprit quelques connaissances honnêtes, pourvu qu’elles n’en tirent point de sotte vanité, que de l’occuper au jeu et à d’autres amusements aussi frivoles et aussi dangereux, tels que ceux qui partagent la vie de la plupart des femmes du monde.

1358. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Maine de Biran. Sa vie et ses pensées, publiées par M. Ernest Naville. » pp. 304-323

La liberté ne serait-elle autre chose que la conscience de l’état de l’âme tel que nous désirons qu’il soitw, état qui dépend en réalité de la disposition du corps sur laquelle nous ne pouvons rien, en sorte que lorsque nous sommes comme nous voulons, nous imaginons que notre âme, par son activité, produit d’elle-même les affections auxquelles elle se complaît.

1359. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de l’Académie française, par Pellisson et d’Olivet, avec introduction et notes, par Ch.-L. Livet. » pp. 195-217

Je vous prie de ne communiquer à personne ces particularités, qu’on s’imaginerait peut-être que je fais vanité de publier… Telle est la version authentique.

1360. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Journal et mémoires du marquis d’Argenson, publiés d’après les manuscrits de la Bibliothèque du Louvre pour la Société de l’histoire de France, par M. Rathery » pp. 238-259

Il a des vues neuves et sensées sur quantité d’objets d’utilité publique ; il écrit des mémoires aux ministres pour les faire approuver, et il en vient résolument à l’application : C’est moi, dit-il (avril 1720), qui ai le premier proposé, imaginé et exécuté la fourniture aux troupes, de grain, pour ensuite être, par les soldats, donné à la mouture et fait du pain (Passez-lui cette première phrase, il en aura bien d’autres).

1361. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

Le frère Jean, j’imagine, eût fait comme lui, à sa place, et aurait volé à la frontière.

1362. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Calme, modéré, de bon conseil, actif et vigilant même quand il le fallait, mais prudent avant tout, il eût été, j’imagine, s’il eût vécu en 1814, un des chefs de cette municipalité de Paris qui consentit à capituler, après une journée de combat, plutôt que de risquer plus longtemps le salut et la sécurité d’une capitale.

1363. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Collé. »

Philémon, j’imagine, ne consultait point là-dessus Bancis ; mais M. 

1364. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Un professeur d’art militaire, tel par exemple que M. de La Barre Duparcq qui a tracé un si juste portrait de Catinat, pourrait faire, j’imagine, du thème de ces deux batailles un sujet d’exercice pour les jeunes théoriciens.

1365. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Réminiscences, par M. Coulmann. Ancien Maître des requêtes, ancien Député. »

—  « Imaginez-vous, disait-elle à M. 

1366. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Marie-Thérèse et Marie-Antoinette. Leur correspondance publiée par. M. le Chevalier Alfred d’Arneth »

Je ne sais quel est son projet dans ce moment : nous vivions fort bien ensemble, et même, depuis quelque temps, on me faisait compliment de mes attentions pour lui et sa femme ; il a imaginé de chercher l’intimité, et, pour s’y introduire, il a écrit (c’est son expédient ordinaire dans les grandes affaires, quoique jusqu’ici il y ait assez mal réussi) ; sa lettre est adressée à un homme de sa maison, mais en même temps il lui a indiqué un homme en qui j’ai confiance, pour me la montrer.

1367. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Canning, si l’on imagine un politique de l’école des doctrinaires ou de celle même de M. de Chateaubriand, écrivant une lettre, il s’y prendra d’une tout autre façon que M. de Talleyrand, se bornant à des faits précis et presque matériels dans le billet que voici : « 14 (août 1827).

1368. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Imaginez deux oiseaux du ciel qui vivent de quelques graines et miettes de pain, et qui voient arriver, sur le pied d’ami, un bon grand vautour affamé de chair, qui se dispose à faire honneur à leur repas.

1369. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [III] »

À chaque combinaison nouvelle imaginée par Napoléon, les adversaires ne répondaient qu’en se dérobant, en se plaçant hors du cercle de plus en plus élargi de son compas.

1370. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Né, j’imagine, avec une sensibilité profonde, il s’est bientôt aperçu qu’il y aurait duperie à l’épandre au milieu de l’égoïsme et de l’ironie du siècle ; il a donc pris soin de la contenir au dedans de lui, de la concentrer le plus possible, et, en quelque sorte, sous le moindre volume ; de ne la produire dans l’art qu’à l’état de passion àcre, violente, héroïque, et non pas en son propre nom ni par voie lyrique, mais en drame, en récit, et au moyen de personnages responsables.

1371. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

le loisir que je me suis trouvé aujourd’hui à Auteuil m’a comme transporté à Reims, où je me suis imaginé que je vous entretenois dans votre jardin, et que je vous revoyois encore comme autrefois, avec tous ces chers amis que nous avons perdus, et qui ont disparu velut somnium surgentis. » Aux infirmités de l’âge se joignirent encore un procès désagréable à soutenir, et le sentiment des malheurs publics.

1372. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Aloïsius Bertrand »

Son rôle eût été, si ses vers avaient su se rassembler et se publier alors, de reproduire avec un art achevé, et même superstitieux, de jolis ou grotesques sujets du Moyen-Age finissant, de nous rendre quelques-uns de ces joyaux, j’imagine, comme les Suisses en trouvèrent à Morat dans le butin de Charles le Téméraire165.

1373. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Victor Duruy » pp. 67-94

Il serait guéri de la vanité, de la haine et de l’envie ; car l’intelligence totale de ce qui est en impliquerait pour lui, j’imagine, la totale acceptation ; et puis, connaissant tout, j’aime à croire que, entre autres choses, il connaîtrait avec certitude que l’intérêt de l’individu coïncide avec celui de la communauté humaine.

1374. (1890) L’avenir de la science « XIII »

J’imagine néanmoins qu’on ne sortira de ce labyrinthe du travail individuel et isolé que par une grande organisation scientifique, où tout sera fait sans épargne comme sans déperdition de forces, et avec un caractère tellement définitif qu’on puisse accepter de confiance les résultats obtenus.

1375. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre IV »

Imaginez une maladresse ou une dissonance dans ce récit difficile, et la salle poussait le cri qu’arrache une plaie vive brutalement touchée.

1376. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Histoire du Consulat et de l’Empire, par M. Thiers. Tome IXe. » pp. 138-158

Encore l’horreur de l’événement moderne dépassait-elle l’horreur des événements anciens de toute la puissance des moyens de destruction imaginés par la science.

1377. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

On n’imagine pas quelles formes inépuisables elle sait donner au même sentiment : le fleuve de feu déborde à chaque pas en sources rejaillissantes.

1378. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) «  Mémoires et correspondance de Mme d’Épinay .  » pp. 187-207

Je me sentais de la pesanteur, de l’ennui ; je bâillais à tout instant, et, craignant qu’elle n’imaginât que sa présence me gênait ou m’était désagréable, je feignis d’avoir envie de dormir, espérant à la fin faire passer cette disposition.

1379. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Monsieur Bazin. » pp. 464-485

Il ne se peut imaginer de biographie de Henri IV plus épigrammatique d’un bout à l’autre que celle qu’a tracée M. 

1380. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Les Mémoires de Saint-Simon. » pp. 270-292

C’est ici que commence chez Saint-Simon un tableau qui surpasse tout ce qu’on peut imaginer de la sagacité d’observation et du génie d’expression en matière humaine.

1381. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Théodore Leclercq. » pp. 526-547

Cet homme lunatique, qui commence sa matinée du dimanche par contrarier femme et domestique en tout point, par se refuser au dîner périodique de famille sous prétexte qu’on ne l’a pas invité par écrit, qui ne sait qu’imaginer pour contredire les autres et lui-même, qui n’a pas plus tôt exprimé un caprice, qu’il le regrette ; que tout vient tenter et lutiner sans le fixer à un choix ; qui passe de l’envie du trictrac à celle de dîner tout seul, puis à l’idée de se purger, et qui finit, après avoir bien grondé, et sa lune déclinant vers le soir, par se laisser coiffer par sa belle-mère d’un bonnet de coton à longue mèche, et par se coucher docilement à jeun, comme un enfant honteux qui est puni d’avoir fait le malade ; tout ce portrait est délicieux, et si La Bruyère avait fait de son Distrait une petite comédie, c’est ainsi qu’il aurait voulu s’y prendre, qu’il aurait ménagé les scènes, en y semant les jolis mots.

1382. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Pauvre enfant orphelin, ou, qui pis est, enfant trouvé, il s’est imaginé que sa mère enfin s’était fait connaître.

1383. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

par l’aimable saint François de Sales, si on se l’imagine un seul moment jeune, non encore saint, helléniste et amoureux : Et sur le commencement du printemps, que la neige se fondoit, la terre se découvroit et l’herbe dessous poignoit ; les autres pasteurs menèrent leurs bètes aux champs : mais devant tous Daphnis et Chloé, comme ceux qui servoient à un bien plus grand pasteur ; et incontinent s’en coururent droit à la caverne des Nymphes, et de là au pin sous lequel étoit l’image de Pan, et puis dessous le chène où ils s’assirent en regardant paitre leurs troupeaux… puis allèrent chercher des fleurs, pour faire des chapeaux aux images (le bon Amyot, par piété, n’a osé dire : pour faire des couronnes aux dieux), mais elles ne faisoient encore que commencer à poindre par la douceur du petit béat de Zéphyre qui ouvroit la terre, et la chaleur du soleil qui les échauffoit. » Si vous croyez que ce petit béat de Zéphyre soit dans le grec, vous vous trompez fort ; c’est Amyot qui lui prête ainsi de cette gentillesse et de cette grâce d’ange, en revanche sans doute de ce qu’il n’a osé tout à côté appeler Pan et les Nymphes sauvages des dieux.

1384. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Notice historique sur M. Raynouard, par M. Walckenaer. » pp. 1-22

Cette première idée, fondée sur des preuves si légères, en vérité, que les gens de bon sens et neufs à la question souriraient si je pouvais les leur exposer ; cette première idée lui fut si précieuse, qu’il imagina là-dessus tout un système, à savoir que du vie au ixe  siècle, dans l’intervalle de la domination des Wisigoths à celle de Charlemagne, il s’était formé et parlé en France une langue romane unique, type et matrice de toutes les autres qui se sont produites depuis, et servant comme de médiateur entre le latin et elles toutes.

1385. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

C’était précisément ce qui déplaisait à Mazarin et ce qui le faisait se plaindre : « Ce reproche, ajoute-t-elle, marquait assez de défiance naturelle, et combien nous étions malheureux de vivre sous la puissance d’un homme qui aimait la friponnerie, et avec qui la probité avait si peu de valeur qu’il en faisait un crime. » À ces reproches du cardinal, qui ne laissaient pas de transpirer, elle tâchait de remédier par quelque bonne parole de la reine, qui en réparât les impressions devant tous ; « car à la Cour, remarque-t-elle, il est aisé d’éblouir les spectateurs, et il ne leur faut jamais donner le plaisir de savoir que nous ne sommes pas si heureux qu’ils se l’imaginent, ou que nous sommes si malheureux qu’ils le souhaitent ».

1386. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

« Ces gens-là s’imaginent que nous sommes des palissades », disait-il de ceux qui s’étaient rangés derrière lui dans la mêlée, et qui passaient outre après la victoire.

1387. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Tout lui est une occasion d’observations, d’affaires et de profits qu’il imagine pour les autres comme pour lui.

1388. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — I. » pp. 41-62

» C’est exactement de la même manière que, dans L’Esprit des lois, montrant un utopiste anglais qui a sous les yeux l’image de la vraie liberté, et qui va en imaginer une autre dans son livre, il dira « qu’il a bâti Chalcédoine, ayant le rivage de Byzance devant les yeux ».

1389. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Le cardinal de Richelieu. Ses Lettres, instructions et papiers d’État. Publiés dans la Collection des documents historiques, par M. Avenel. — Premier volume, 1853. — I. » pp. 224-245

Mais comme il paraissait en plus d’un endroit du récit que le cardinal de Richelieu parlait en son nom et à la première personne, on imagina de supposer que Mézeray dans sa jeunesse, par reconnaissance pour les bienfaits du cardinal, avait voulu, cette fois, prendre son personnage et se masquer sous son nom, et l’on se flattait d’expliquer par ce déguisement toutes les circonstances disparates de l’ouvrage.

1390. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Par je ne sais quel prestige, dont l’illusion se perpétue de génération en génération, nous regardons le temps de notre vie comme une époque favorable au genre humain et distinguée dans les annales du monde… Il me semble que le xviiie  siècle a surpassé tous les autres dans les éloges qu’il s’est prodigués à lui-même… Peu s’en faut que même les meilleurs esprits ne se persuadent que l’empire doux et paisible de la philosophie va succéder aux longs orages de la déraison, et fixer pour jamais le repos, la tranquillité et le bonheur du genre humain… Mais le vrai philosophe a malheureusement des notions moins consolantes et plus justes… Je suis donc bien éloigné d’imaginer que nous touchons au siècle de la raison, et peu s’en faut que je ne croie l’Europe menacée de quelque révolution sinistre.

1391. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — I. » pp. 329-349

Imaginez un petit tableau à la plume, le plus fini, le plus pointillé, le plus chinois pour la minutieuse exactitude, et qui nous rend les diverses nuances de politesse, de cérémonie et d’égards dans le grand monde du règne de Louis XVI, tout à la veille de la Révolution.

1392. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « M. Necker. — II. (Fin.) » pp. 350-370

Tombé cette fois devant l’Assemblée constituante et devant Mirabeau, il s’écrie encore, en revenant sur les moyens termes qu’il avait imaginés pour procurer le salut de la France, et en les opposant à ce qui a prévalu : Quels moyens on a préférés !

1393. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand (1846-1853). — I. » pp. 455-475

En les lisant, je m’imagine qu’elles s’adressent à d’autres qu’à moi, et je ne me reconnais du tout point aux traits sous lesquels vous me dépeignez.

1394. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre VI. Le beau serviteur du vrai »

Vous en avez la démonstration certaine : un profond mépris de l’opinion publique. » — … — « Il est des gens qui ont la manie de fronder tout ce qui est grand : ce sont ceux-là qui se sont attaqués à la Sainte-Alliance ; et pourtant rien n’a été imaginé de plus auguste et de plus salutaire à l’humanité. » — Ces choses, diminuantes pour celui qui les a écrites, sont signées Gœthe.

1395. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

Pourtant cette lande était si stérile et si vaste, que nul ne se serait jamais imaginé que le bétail en quête de nourriture pût réussir à la dépouiller avec tant de soin et aussi complétement.

1396. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

de la transpiration d’une haine cachée sous les bassesses d’une ambition infatigable et infortunée à laquelle Louis XIV répondit toujours par l’écrasement de son dédain, ce formidable duc, à esprit et à physionomie diaboliques, devait inspirer une bien autre épouvante à cette femmelette de Louis XV qu’au grand roi… J’imagine que de certains mots, cruels et profonds, qui devaient parfois lui échapper, comme il en échappe aux hommes de génie, plus haut que leur temps, et qui se sont le plus voués au mépris reposant du silence, faisaient redouter davantage ces papiers qu’on ne connaissait pas, mais qu’on savait qu’il entassait toujours, et qui pouvaient être l’histoire de quelque Tacite, d’un Tacite doublé, triplé et accumulé par le temps… La peur a parfois de ces divinations !

1397. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Les bêtes non plus, parce qu’elles ne font aussi attention qu’à une seule chose, et quand une autre les en détourne, elles s’y tournent tout entières… Mais les rieurs ne considérant les choses qu’avec légèreté et s’en laissant détourner facilement, pour nous montrer que ces gens-là sont intermédiaires entre l’homme et la bête, on a imaginé les satyres rieurs… » Classification profonde !

1398. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Je ne m’imagine pas qu’il pût s’étendre jamais beaucoup dans un livre, avec le développement limpide et continu qui fait le livre.

1399. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

Nous aurions certainement eu une psychologie dont nous ne pouvons nous faire aucune idée aujourd’hui — pas plus qu’on n’eût pu, avant Galilée, imaginer ce que serait notre physique : cette psychologie eût probablement été à notre psychologie actuelle ce que notre physique est à celle d’Aristote.

1400. (1890) Dramaturges et romanciers

Imaginons pour un instant un historien littéraire essayant d’expliquer à ses contemporains, dans quelque soixante ans d’ici, la nature du talent de M.  […] La compensation qu’elle imagine pour dédommager M. de Camors de n’avoir pu obtenir cet amour n’est-elle pas encore une forme subtile de sa passion, et une veine de secrète corruption ne trouve-t-elle pas moyen de se glisser au sein de cette pureté ? […] Le cadre imaginé par l’auteur est des plus simples et peut être décrit en quelques mots. […] Nous nous imaginions les connaître parce que nous nommions chacune des particularités extérieures qui les distinguaient, et voilà que par derrière l’homme que nous connaissions nous en apercevons un second, et par derrière celui-là un autre encore. […] Difficilement on imagine un sentimental roman bourgeois se passant entre leurs pittoresques murailles.

1401. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

IV Certains qui, espérons-le, savent mal lire, se sont imaginés que les procédés habituels à l’attitude symboliste : la vision immanente des choses, les images intuitives, le libre déploiement de nos transports, devaient nécessairement compliquer jusqu’à l’obscurité l’expression de ces états d’âme vécus. […] Car en quel autre lieu du monde eût-on imaginé de faire une chaise avec deux écailles d’huîtres dont l’une fournit le siège et l’autre le dossier ? […] Or imaginez un poète vivant son amour au milieu de ce concert harmonieux de la nature. […] Le moi est donc une sorte de continu perpétuel, une polyphonie d’états d’âme, un courant intérieur peu commode à imaginer, car « ce qui est durée pure exclut toute idée de juxtaposition, d’extériorité réciproque et d’étendue ». […] « Tout semble enfin s’unir pour favoriser le développement libre du rythme. » Les symbolistes ont su comprendre que dans un alexandrin toutes les syllabes n’ont pas une égale durée ; « imagine-t-on une symphonie composée tout entière de noires ou de rondes, obligatoirement ? 

1402. (1898) Ceux qu’on lit : 1896 pp. 3-361

Ajoutons, sans entrer dans le détail de ce roman où la psychologie est poussée aussi loin qu’on le peut imaginer, que si le père, homme de science profonde, a usé son cerveau à vouloir se contraindre à pénétrer trop avant les secrets de la nature, sa fille porte dans le sien toutes les perversités ; et que, pour le décider à se jeter dans ses bras, elle lui apprend, par un odieux mensonge, qu’elle n’est pas née de lui. […] Quand nous imaginerons toutes les forces physiques ou chimiques, elles ne feront pas une force vitale et surtout une force pensante. […] » Cette chaleur qu’on retrouve par le souvenir qu’on imagine à nouveau est une force réelle, car elle réchauffe pendant le froid : oui, elle réchauffe réellement. […] À propos de ceux « qui aiment », Armand Silvestre déclare qu’ils exercent le métier le plus ingrat et le plus dur qu’on puisse imaginer : quel labeur comparable à celui du malheureux qui veut plaire à une rebelle et, jour et nuit, s’évertue à lui prouver qu’elle doit le payer de retour ! […] Les blessés russes ou français, pêle-mêle, les habitants mornes, hâves, mourant de faim, pleurant sur les débris de leurs demeures, formaient le spectacle le plus émotionnant qu’on puisse imaginer.

1403. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

 » Aussi, quand pour la première fois Luther aperçut Rome, il se prosterna disant : « Je te salue, sainte Rome, … baignée du sang de tant de martyrs. » Imaginez, si vous le pouvez, l’effet que fit sur un pareil esprit si loyal, si chrétien, le paganisme effronté de la Renaissance italienne. […] Imaginez, si vous le pouvez, la minutieuse et incessante oppression d’un pareil code ; à quel point toute la vie humaine, actions visibles et pensées invisibles, y était enveloppée et enlacée ; comment, par les délations forcées, il pénétrait dans chaque foyer et dans chaque conscience ; avec quelle impudence il se transformait en machine d’extorsions ; quelle sourde colère il excitait dans ces bourgeois, dans ces paysans obligés parfois de faire et de refaire soixante milles pour laisser accroché à chacune des innombrables griffes de la procédure333 un morceau de leur épargne, parfois toute leur substance et toute la substance de leurs enfants ! […] Si vous entrez dans cette tente, tout disparaît devant l’idée absorbante du maître ; vous ne voyez que lui ; nulle chose n’a d’être propre et indépendant ; ces armes ne sont faites que pour sa main, ces tapis ne sont faits que pour son pied ; vous ne les imaginez que pliés pour lui et foulés par lui. […] En revanche, et justement en vertu de cette même structure d’esprit, Taylor imagine les objets, non pas vaguement et faiblement par quelque indistincte conception générale, mais précisément, tout entiers, tels qu’ils sont, avec leur couleur sensible, avec leur forme propre, avec la multitude de détails vrais et particuliers qui les distinguent dans leur espèce.

1404. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Émile Deschanel vient de publier sur Lamartine deux volumes qui sont, j’imagine, le résumé de son cours du Collège de France. […] Non moins grande, j’imagine, devait être son affinité avec Bellini qui, lui aussi, était un féministe, et en mourut jeune, comme Mozart… » Oui, cela est spirituel ; mais cela est à mille lieues de ce que je sens, à mille lieues de l’impression que je viens de recevoir, une fois de plus, de la lecture totale des Harmonies. […] Même, malgré leur naïf étalage d’horreur matérielle, les « situations » imaginées par Lamartine n’égalent pas en subtile cruauté telles situations de Théodora ou de la Tosca ; car M.  […] Il est curieux, il est touchant de voir que quelques-uns des plus somptueux morceaux des Recueillements sont adressés à des êtres excellents, j’imagine, mais assez obscurs : M. 

1405. (1856) Articles du Figaro (1855-1856) pp. 2-6

II Depuis sa mort, un petit groupe de romanciers et de conteurs s’est formé, — ils sont trois ou quatre à peine, — lequel s’est imaginé qu’en appliquant à la reproduction de certains côtés, et plus spécialement du côté matériel et des détails vulgaires de la vie humaine, la quantité d’observation dont tout homme intelligent se trouve pourvu, on arriverait à créer un art nouveau et à rajeunir le roman. […] Imagine-t-on rien, disions-nous, de plus absurde que cette contradiction choquante qui se renouvelle perpétuellement sur les planches ? […] Qu’on s’imagine un foyer ardent, vu à travers un velours ! […] Le procédé habituel du conteur consiste à s’embusquer dans les broussailles orthodoxes d’une intrigue de l’autre monde, qu’il a soin d’imaginer aussi nulle que possible, pour, de là, tirer triomphalement sur l’essaim des idées nouvelles et sur le principe de la société moderne.

1406. (1856) À travers la critique. Figaro pp. 4-2

« Tout ce que la haine a de fiel, tout ce que la rage a de venin, tout ce que la langue des halles a d’insolentes injures, tout ce que le mépris peut imaginer dans ses brutalités, tout ce que des crocheteurs pris de vin, tout ce que des femmes de la halle brûlées de soif, peuvent trouver dans leur gosier desséché, d’horribles, de sales et infâmes mensonges, tout cela a été prodigué et versé à plein vase sur la tête de Fréron le journaliste. […] L’irritation du critique l’égare au point de lui faire commettre, — à lui, puriste et délicat, — des phrases aussi défectueuses que celles-ci : « Les natures ardentes, buvant à longs traits ces philtres grossiers, acceptent avec la même complaisance celui qui déprave leur raison que celui qui égare leur imagination et leur cœur. » Et plus loin, ce galimatias intolérable : « Cette manie des célébrités modernes, s’imaginent qu’il leur suffit d’être tombées dans un fossé, pour que ce fossé devienne le pensionnaire de leur génie et de leur gloire. » Quel style ! […] cette réputation, — l’engouement, le caprice, le joujou d’une soirée unique, — c’est un peu la baronnie de Muhldorf, dont Favilla, dans sa folie, s’imagine être le véritable propriétaire. […] Écornifleur et parasite d’une renommée dont le public est le souverain dispensateur, dira-t-il pour son excuse, en parodiant Favilla : Mais je n’étais pas un fou lorsque je m’imaginais être le plus grand comédien de l’époque… Il existe des feuilletons où des écrivains censés affirmaient la chose.

1407. (1898) Politiques et moralistes du dix-neuvième siècle. Troisième série

On ne peut pas imaginer à quel point, un peuple tient peu à ses Cinq Cents et les considère peu comme une source ou une garantie de liberté nationale, encore que dans une certaine mesure ils le soient. […] Avant d’examiner comment Tocqueville a pensé à corriger cet état de choses, voyons à quelles causes il l’attribue et à quelles origines il le fait remonter ; car ce n’est que sur l’idée qu’on se fait des causes qu’on imagine les remèdes, et ce n’est qu’en sachant l’idée que quelqu’un se fait des causes qu’on peut juger si les remèdes qu’il propose sont bien imaginés. […] C’est pour pouvoir aimer Dieu que les hommes l’ont imaginé si précisément personnel, au risque, je le reconnais, de le faire trop semblable à eux. […] Ce qui frappe le plus Proudhon dans la question du travail, c’est ce qu’il a appelé, d’un nom très heureusement imaginé, l’anarchie industrielle. […] La division du travail a été imaginée pour les affranchir et aboutit à les asservir davantage.

1408. (1910) Propos de théâtre. Cinquième série

De même, quoique moins célèbre, le mot d’Octave à Scapin quand Scapin, pour l’aguerrir, joue le rôle du père d’Octave gourmandant son fils et quand Octave perd contenance : « C’est que je m’imagine que c’est mon père que j’entends !  […] Il devrait bien, cependant, essayer au moins de s’imaginer qu’il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père et que le drame, comme le roman, peut être la réalité fécondée et agrandie par l’imagination. […] Ne voyez-vous pas, nous dit-il, qu’Hamlet c’est tout ce que Shakespeare pense, rêve, imagine lui-même et qu’il met dans la bouche d’un personnage qu’il a exprès créé assez vague et inconsistant pour lui faire dire n’importe quoi ? […] Corneille, après quatre ans de silence, agacé par le succès d’Andromaque et de Britannicus, a pu vouloir jouter avec Racine ; mais s’il n’avait pas été poussé par quelqu’un, c’eût été avec une pièce imaginée par lui et de son cru qu’il aurait engagé la lutte. […] Corneille a imaginé, sinon une conjuration en activité, du moins une conjuration latente entre Domitie et Domitian, et c’est la peur des périls que cette conjuration de demain, sinon d’aujourd’hui, fait courir à Titus qui détermine Bérénice à s’éloigner de Rome.

1409. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

On ne saurait imaginer à quel degré d’insignifiance et de pâleur en était arrivée la littérature. […] Comment s’imaginer qu’un vers comme celui-ci : Est-il minuit ? […] Il n’a un cheval que parce qu’il faut qu’on se l’imagine à cheval ; il lui suffisait donc de ramasser, parmi les premiers débris d’animaux qu’il a rencontrés, un squelette ayant encore sa peau. […] Il ne faut pas s’imaginer qu’il n’y eût pas de lions académiques et de tigres poncifs. […] Quoiqu’on ne les voie plus, elles sont présentes, et l’on a peine à s’imaginer qu’elles subissent le sort commun.

1410. (1890) Nouvelles questions de critique

C’est, j’imagine, un assez grand nom que celui de Calvin dans l’histoire de la prose française ; et parmi ces « trois cents fac-similé de titres », on n’eût pas été fâché de trouver celui de l’Institution chrétienne. […] Munier-Jolain, et des analyses mieux faites, ne laisserait pas, j’imagine, d’être instructive à cet égard, peut-être même divertissante ; — à moins pourtant qu’elle ne nous attristât. […] Dumas avait pris une histoire de la veille, « un drame de la vie réelle », pour en faire une pièce dont aucun détail n’était de son « invention », —  si l’invention consiste, comme on le pensait alors, à imaginer ce que l’on n’a point vu, — et surtout, une pièce dont il n’y avait pas une scène, qui ne fût la préparation, le commentaire, ou l’explication du fait… Nous retrouverons plus loin M.  […] C’est un droit qu’ils n’auraient pas, puisque, ce qu’ils ont reproché surtout au romantisme, c’est d’avoir mutilé la nature, en la limitant à ce que chacun de nous en peut savoir, ou pour mieux dire, imaginer. […] La mémoire de Victor Hugo paye en ce moment pour les adulations excessives et les flagorneries démesurées auxquelles je me suis imaginé quelquefois qu’en mourant il avait voulu se soustraire.

1411. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

J’imagine qu’en rédigeant ses notes de voyage Mlle Dugard a dû s’écrier plus d’une fois : Je suis Romaine, hélas ! […] Les fées bienfaisantes qui avaient jadis fait éclore, dans la lumière, l’âme légère, vibrante et colorée du « Petit Chose », ont essayé, j’imagine, de fleurir et de parfumer son berceau. […] On ne me fera pas un crime, j’imagine, de recueillir ces paroles d’un prophète que l’on considère, à bon droit, comme le grand docteur et le pape quasiment infaillible dont les oracles doivent, en cette fin de siècle, avertir notre esprit et diriger notre cœur. […] Il sait que les époques avancées, faisandées même, retournent volontiers, par une régression souvent observée, aux types imaginés ou copiés par les Primitifs. […] Aussi j’imagine que beaucoup de bonnes dames, amies des truismes, beaucoup de jeunes gens fameux par la prud’homie de leurs axiomes, beaucoup de clubmen, féconds en clichés, peuvent se faire, de ces deux hellénistes, une idée contraire à la vérité.

1412. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Combien de personnes s’imaginent que Parny est un précurseur de Lamartine à cause des douze vers de Parny : « Son âge échappait à l’enfance… » Et Dieu sait si Parny est un précurseur de Lamartine ! […] — Vous vous imaginez bien ? […] » « Voilà la scène à faire ; qui serait admirable, puisque c’est celle que j’imagine. […] D’autre part, c’est bien un peu Suzanne qui a jeté Aubier aux bras de Judith, comme vous l’avez vu, et cela semblait, aussi, avoir été imaginé par l’auteur pour que Suzanne en fin de pièce pût dire à Aubier : « Après tout, il y a eu là-dedans autant de ma faute que de la tienne », et pour rendre possible et assez naturel un dénouement heureux. […] Judith l’aime de cœur, de cerveau aussi et avec déjà, peut-être, un vague dessein, presque inconscient, de l’amener, sinon à la religion juive, du moins au monde juif, puisqu’elle ne peut plus guère, désormais, imaginer un être intelligent qui ne soit pas juif.

1413. (1866) Nouveaux essais de critique et d’histoire (2e éd.)

Imaginons enfin qu’ils appliquent au livre tous les doutes de la critique et de la logique. […] Personne ne niera que ce système ne soit fort beau, et qu’il n’ait fallu presque autant de talent pour l’imaginer que pour bâtir un poème épique. […] Excédé de tracas et de misères, il imaginait un banquier généreux, ami des lettres, qui lui disait : « Puisez dans ma caisse, acquittez-vous, soyez libre. […] « Rien n’a jamais approché, dit M. de Valincour, du trouble où me jeta cette lecture ; au moment où j’écris, je m’imagine voir encore Racine, le livre à la main, et nous tous consternés autour de lui ». […] On n’imagine point, avant d’avoir lu les Védas, une limpidité si grande.

1414. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Imaginez une sorte de défi général entre tous les poètes de l’Espagne et de l’Italie, à qui mettra en vers le plus de choses disparates et les choses les moins poétiques, à qui produira l’antithèse la plus inattendue, la métaphore la plus extravagante, la pointe la plus énigmatique. […] Boileau imagina, pour les justifier, un moyen plaisant. […] Mais si l’on imagine Boileau le récitant devant des personnes dont la tête était pleine de toutes ces belles passions, et donnant à chaque personnage le ton et le geste qui lui convenaient, on comprend qu’il y fût très applaudi.

1415. (1896) Le livre des masques

. — Humains à la verge rouge. » D’autres d’une violence magnifiquement obscène : « Il se replace dans son attitude farouche et continue de regarder, avec un tremblement nerveux, la chasse à l’homme, et les grandes lèvres du vagin d’ombre, d’où découlent, sans cesse, comme un fleuve, d’immenses spermatozoïdes ténébreux qui prennent leur essor dans l’éther lugubre, en cachant, avec le vaste déploiement de leurs ailes de chauve-souris, la nature entière, et les légions solitaires de poulpes, devenues mornes à l’aspect de ces fulgurations sourdes et inexprimables. » (1868 : qu’on ne croie donc pas à des phrases imaginées sur quelque estampe d’Odilon Redon.) […] Il y a une évidente contradiction entre l’art et la vie ; on n’a guère vu jamais un homme vivre à la fois l’action et le songe, transposer en écritures des gestes d’abord réels ; ou, si cela arrive, l’homme qui a d’abord vécu ne tire de ses aventures aucun profit : l’équivalence des sensations est certaine et les affres de la peur peuvent être dites par qui les imagine mieux que par celui qui les ressentit. […] Vraiment si ridicules ces femmes qui, pour se mettre au ton de plusieurs fins et galants poètes, imaginaient de nouvelles façons de dire et, par haine du commun, singularisaient leur esprit, leurs costumes et leurs gestes ?

1416. (1835) Critique littéraire pp. 3-118

Sainte-Beuve n’a imaginé ce style que pour son nouvel ouvrage, il ne l’a mis au jour que dans Volupté. […] Mais le désespoir qui s’empara des Indiens, ses camarades, dépasse tout ce qu’on peut imaginer ; ils n’avaient cessé de le veiller pendant sa maladie, faisant bonne contenance près de lui, cherchant à l’égayer par des contes qu’il n’entendait plus ; puis, quand ils pouvaient s’éloigner un instant de sa chambre, se retirant dans le jardin pour se rouler à terre et sangloter. […] Elle n’imagine rien de mieux qu’un tête-à-tête de six mois avec Saint-Julien ; pendant six mois, la princesse Quintilia, qui est puissamment organisée pour le travail du cabinet, retient son secrétaire à ses côtés, sans plus se troubler, sans plus s’interrompre que Napoléon quand il méditait nos Codes.

1417. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Roederer. — III. (Fin.) » pp. 371-393

Il n’a prétendu, j’imagine, dans ce jeu suivi et patient de sa vieillesse, que fournir matière à conversation, à contradiction, à quelques-uns de ces dissentiments agréables et vifs qui remplissent et animent les soirées d’automne à la campagne.

1418. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « [Chapitre 5] — III » pp. 132-153

Comme il avait observé que l’esprit quelquefois se dissipe, et pour ainsi dire s’extravase dans un lieu trop vaste, et que « pour étudier, pour lire, méditer, écrire, les petits endroits ont beaucoup d’avantages sur les plus grands », il avait imaginé et s’était fait faire une sorte de cabinet-sopha ou de cage allant sur roulettes, assez pareille à une maison de berger, où il n’y avait place que pour une personne, où l’on ne pouvait se tenir debout, où l’on était assis très à l’aise, à l’abri de tous vents coulis, et où il suffisait d’une bougie pour échauffer le dedans.

1419. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Benjamin Constant. Son cours de politique constitutionnelle, ou collection de ses divers écrits et brochures avec une introduction et des notes, par M. Laboulaye »

Si l’on avait à discuter, il y aurait à démontrer par les faits et par l’expérience que l’homme n’est pas si essentiellement raisonnable, que la société n’est pas une œuvre si naturelle, si facile, et où tout marche nécessairement de soi, qu’elle a été une création plus artificielle que ne l’imaginent des publicistes trop confiants, et que ce qui a été si pénible à construire et à élever n’est sans doute pas si simple à entretenir, tellement qu’il suffise de laisser faire et dire à tous les membres d’une nation tout ce qu’ils croient le mieux, pour que tout aille et tourne au mieux effectivement.

1420. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Il y serait venu, j’imagine, vers 1786, un peu avant son voyage d’Italie ; il aurait trouvé l’ancienne société française dans sa dernière fleur ; il aurait été un moment à la mode comme tous ces princes du Nord qui y passèrent, comme tous ces princes de l’esprit et de la pensée, Hume, Gibbon, Franklin ; on se serait mis à lire Werther et le reste comme on aurait pu, à la volée, pour lui en parler et le bien recevoir.

1421. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Qu’on imagine ce que dut produire d’explosion et de colère une telle évocation, une telle menace de reproche jetée à la face de cette Chambre plus que royaliste, accusée à bout portant de désemparer, de découronner, de décapiter la royauté !

1422. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Horace Vernet (suite.) »

» Nous croyons que Chateaubriand, ou Chateaubrillant (comme sa plume l’a écrit, soit par mégarde, soit d’après la parodie vulgaire) a mieux vu et plus loin qu’Horace Vernet ici ne l’imagine ; mais il n’est pas question de cela en ce moment.

1423. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Don Carlos et Philippe II par M. Gachard Don Carlos et Philippe II par M. Charles de Mouy »

En arrivant à Tolède, la nouvelle reine fut reçue par don Carlos, et, à la vue de ce jeune prince déjà malade de la fièvre et tout exténué, cette jeune femme fut saisie d’un mouvement de compassion et de tendre pitié qui se peignit sur son visage et dans son regard : don Carlos le sentit, fut touché de son accueil, et « dès ce moment il conçut pour elle des sentiments de respect et de déférence qui ne se démentirent jamais depuis. » C’est à cette limite qu’il convient de s’arrêter, et rien de ce que les romanciers et poètes ont imaginé d’un sentiment mutuel entre la reine et son beau-fils n’a le moindre fondement ni même le moindre prétexte historique.

1424. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Corneille. Le Cid (suite.) »

Un grand critique à ses heures perdues, Napoléon, assistant, sous le Consulat, à une représentation du Cid et s’apercevant qu’on avait supprimé le rôle de l’infante, en demanda le motif ; et comme on lui répondit que le rôle avait été jugé inutile et ridicule ; « Tout au contraire, s’écria-t-il, ce rôle est fort bien imaginé.

1425. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

C’est un coup d’œil unique, et, je le répète, rien n’a plus l’air d’un sacrifice. » Peut-on imaginer rien de mieux dit, de mieux senti et de mieux touché que ce récit ?

1426. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [V] »

Et d’abord il garda l’anonyme, — un anonyme assez transparent, il est vrai, — mais enfin il n’attacha point son nom au titre de l’ouvrage ; puis surtout il imagina de mettre toute cette relation sur le compte et dans la bouche de Napoléon lui-même, qui serait censé plaider sa cause aux Champs Élysées au tribunal de César, d’Alexandre et de Frédéric… Une fiction surannée, dira-t-on, imitée et réchauffée de Lucien et de Fontenelle, ou encore une manière de Dialogue de Sylla et d’Eucrate, un dialogue ou plutôt un monologue agrandi, démesuré et poussé jusqu’à quatre gros volumes, un bien long discours de 2,186 pages et bien invraisemblable assurément.

1427. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Œuvres françaises de Joachim Du Bellay. [II] »

À défaut du Roland devenu impossible, il y aurait eu moyen, j’imagine, d’aller choisir quelque grand fait, quelque épisode de nos chroniques nationales, de nos dernières guerres séculaires, comme les récits chevaleresques de Froissart en sont pleins ; quelque combat des Trente ; et, sans tant chercher, que n’est-on allé donner la main à la dernière chanson de geste de la seconde moitié du xive  siècle, à la chronique de Du Guesclin !

1428. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Lamartine »

Le public qui aime assez les belles choses, à condition qu’elles passeront vite, se l’était si fort imaginé ainsi, que, durant plusieurs années, à chaque nouvelle publication de Lamartine, c’était un murmure peu flatteur où l’étourderie entrait de concert avec l’envie et la bêtise : on avait l’air de vouloir dire que l’astre baissait.

1429. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

Vous imaginez-vous le Gouvernement désintéressant l’auteur de la Physiologie du Mariage, afin de la mieux répandre, et débitant les Contes drolatiques comme on vend du papier timbré ?

1430. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

Sa vie, la plus errante et la plus diverse qu’on puisse imaginer, n’apparaît que par lambeaux déchirés dans ses vers, que de pieux amis viennent enfin de recueillir147.

1431. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. CHARLES MAGNIN (Causeries et Méditations historiques et littéraires.) » pp. 387-414

Le Timon d’aujourd’hui, qui avait dès lors l’âge de la raison et même celui de la misanthropie, se serait bien gardé de se mettre du jeu ; s’il avait plus de motif, je l’ignore, je n’imagine que le motif littéraire très-suffisant : il attendait patiemment l’heure d’aborder les choses par le plus gros bout, de jeter à l’aise et crûment sa parole saccadée et cassante ; il se sentait le croc, non pas l’aiguillon.

1432. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Un livre, j’imagine, n’aura pas laissé d’exercer de l’influence sur la conception du sien.

1433. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DE BARANTE. » pp. 31-61

Arrivé d’hier de Versailles, tout plein des habitudes du bel air, il mettait au service de la cause, les jours de combat, la plus brillante valeur, après quoi il ne se souciait guère de rien de sage ; et, pour ne citer qu’un trait qui le peint, un jour, après ce fatal passage de la Loire, qu’il avait surtout conseillé pour se rapprocher de ses vassaux, ayant trouvé au château de Laval une ancienne bannière de famille, une bannière des La Trémouille, bleu et or, il imagina de la faire porter devant lui.

1434. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE PONTIVY » pp. 492-514

» Mme de Pontivy, qui allait consentir, rougit subitement, et sans trop savoir pourquoi, répondit avec bonheur : « Il serait peu convenable, j’imagine, de voir moi-même M. le Régent ; » et l’avis de Mme de Tencin, qui allait passer tout d’une voix, se retira et tomba de lui-même comme indifféremment.

1435. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Le comte de Ségur »

Un jour, à cette heure même de la promenade impériale, M. de Ségur imagina de se trouver dans la seconde des allées au moment du détour, et de ne pas s’y trouver seul, mais de se faire apercevoir, comme à l’improviste, prenant ou recevant une légère, une très-légère marque de familiarité d’une des jolies dames de la cour qu’il n’avait sans doute pas mise dans le secret. — Au dîner qui suivit, le front de Sémiramis apparut tout chargé de nuages et silencieux ; vers la fin, s’adressant au jeune ambassadeur, elle lui fit entendre que ses goûts brillants le rappelaient dans la capitale, et qu’il devait supporter impatiemment les ennuis de cette retraite monotone.

1436. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Pour nous mettre sous les yeux toute une série d’études de femmes, qu’il avait en portefeuille, il imagina de haranguer un ami fictif, supposé enclin à se marier ; il se donna un caractère déplaisant de célibataire grincheux : mais au moins, d’une suite de portraits, il avait fait un sermon et une Satire.

1437. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

À part quelques contes assez décents, comme le Vilain Mire, qui est purement comique, ou la Housse partie, qui donne à la faiblesse des parents une sage instruction, la même qu’on dégagerait du Roi Lear ou du Père Goriot, à part encore certain exemple de vertu féminine qui nous est offert dans la Bourse pleine de sens, la moralité ou, si ce mot paraît impropre ici, la conception de la vie qu’impliquent les fabliaux est ce qu’on peut imaginer de plus grossier de plus brutal, et de plus triste.

1438. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre IV. Le patriarche de Ferney »

On n’imagine pas la dévotion avec laquelle cette jeune femme de vingt ans approcha de Voltaire : « Jamais, dit-elle, les transports de sainte Thérèse n’ont pu surpasser ceux que m’a fait éprouver la vue de ce grand homme ».

1439. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « La jeunesse du grand Condé d’après M. le duc d’Aumale »

Si l’on avait à imaginer quelque chef de bande idéal, le type même de l’aventurier et de l’homme de proie, c’est bien cette tête-là qu’on lui mettrait sur les épaules.

1440. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Après quelques récriminations de Ricciardo, tout s’arrange à l’amiable. » Quoique Riccoboni nous apprenne que ce dénouement fut trouvé plus piquant et mieux amené que celui de L’Interesse et du Dépit amoureux, il ne faut point, à l’exemple de Cailhava, reprocher à Molière de ne s’en être point servi, puisque ce nouveau dénouement ne fut imaginé que bien longtemps après la mort de Molière.

1441. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7761-7767

Il ne suffit pas de montrer à l’ame beaucoup de choses, il faut les lui montrer avec ordre ; car pour lors nous nous ressouvenons de ce que nous avons vu, & nous commençons à imaginer ce que nous verrons ; notre ame se félicite de son étendue & de sa pénétration : mais dans un ouvrage où il n’y a point d’ordre, l’ame sent à chaque instant troubler celui qu’elle y veut mettre.

1442. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XI. La littérature et la vie mondaine » pp. 273-292

On imaginera surtout mille tours ingénieux pour rendre toutes les nuances et toutes les délicatesses de sa pensée.

1443. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Mais elle se relève, se réorganise au quinzième et elle peut croire qu’elle fait périr sur le bûcher de Jean Huss les projets de réforme et le libre examen ; elle peut s’imaginer qu’elle sort de la bataille plus forte et plus invincible que jamais.

1444. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XVIII. Formule générale et tableau d’une époque » pp. 463-482

Clovis, roi des Francs, leur apparaît comme un petit Louis XIV ; ils lui prêtent une cour, des palais splendides, un pouvoir presque absolu ; ils suppriment si bien l’élément pittoresque, ils se donnent si peu la peine de se figurer le costume et les usages des hommes d’autrefois, et surtout ils imaginent si naïvement la persistance à travers les âges d’un « cœur humain » identique à lui-même, que le tissu de l’histoire devient quelque chose de terne et de grisâtre où rien ne se détache en relief.

1445. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Oui, c’était bien ainsi que je m’étais imaginé le rôle de l’Art !

1446. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXVII et dernier » pp. 442-475

La plupart s’imaginent que je conspire avec elle.

1447. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Imaginez un statuaire d’Égine taillant âprement des divinités archaïques, sur la frise d’un temple dont Phidias sculpte le fronton : c’est l’image du vieil Eschyle concourant avec le jeune Sophocle, aux grandes Dionysiaques.

1448. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — CHAPITRE XIV »

Imaginez le type de Monsieur Alphonse présenté par des mains vulgaires : on n’en aurait pas supporté la vue.

1449. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Gil Blas, par Lesage. (Collection Lefèvre.) » pp. 353-375

Quand on est bien sombre, qu’on croit à la fatalité, quand vous vous imaginez que certaines choses extraordinaires n’arrivent qu’à vous, lisez Gil Blas, et laissez-vous faire, vous trouverez qu’il a eu ce malheur ou quelque autre pareil, qu’il l’a pris comme une simple mésaventure, et qu’il s’en est consolé.

1450. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Mme de Caylus et de ce qu’on appelle Urbanité. » pp. 56-77

Mme de Montespan, qui avait tant de piquant et un tour unique de raillerie et d’humeur, s’était imaginé gouverner toujours le roi parce qu’elle se croyait supérieure à lui par l’esprit.

1451. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Les philosophes, quelques philosophes du moins, ont imaginé que si l’homme, après sa naissance et dans ses premiers mouvements, n’éprouvait pas de résistance dans le contact des choses d’alentour, il arriverait à ne pas se distinguer d’avec le monde extérieur, à croire que ce monde fait partie de lui-même et de son corps, à mesure qu’il s’y étendrait de son geste ou de ses pas.

1452. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Condorcet, nouvelle édition, avec l’éloge de Condorcet, par M. Arago. (12 vol. — 1847-1849.) » pp. 336-359

voilà ce que Condorcet seul pouvait imaginer.

1453. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « L’abbé de Choisy. » pp. 428-450

Il reçut la plus funeste éducation qui se puisse imaginer, celle qui pouvait le plus aider au développement de sa nature féminine et puérile ; il fut élevé dans la ruelle de sa mère.

1454. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame de La Vallière. » pp. 451-473

Parlant un jour de Mme   Fontanges, cette maîtresse un peu sotte et glorieuse, Mme de Sévigné écrivait, en l’opposant à Mme de La Vallière : « Elle est toujours languissante, mais si touchée de la grandeur, qu’il faut l’imaginer précisément le contraire de cette petite violette qui se cachait sous l’herbe, et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse : jamais il n’y en aura sur ce moule. » Dès les premiers temps de sa liaison avec le roi, Mme de La Vallière avait déjà songé au cloître ; elle s’y réfugia jusqu’à deux fois avant la troisième retraite, qui fut la définitive et la suprême.

1455. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Hégésippe Moreau. (Le Myosotis, nouvelle édition, 1 vol., Masgana.) — Pierre Dupont. (Chants et poésies, 1 vol., Garnier frères.) » pp. 51-75

Ce vœu, ce n’est pas d’aller à Jérusalem en pèlerin, mais c’est d’y aller en idée et en poésie, c’est de retracer à sa manière, en une suite de chants, quelques-uns des sujets saints, à peu près, j’imagine, comme M. 

1456. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Correspondance entre Mirabeau et le comte de La Marck (1789-1791), recueillie, mise en ordre et publiée par M. Ad. de Bacourt, ancien ambassadeur. » pp. 97-120

Le mémoire du 15 octobre fut remis par le comte de La Marck à Monsieur (depuis Louis XVIII), dans l’espérance qu’il en parlerait à la reine : « Vous vous trompez, dit Monsieur au comte de La Marck, en croyant qu’il soit au pouvoir de la reine de déterminer le roi dans une question aussi grave. » Et insistant sur la faiblesse et l’indécision du roi, qui était au-delà de tout ce qu’on pouvait dire : « Pour vous faire une idée de son caractère, poursuivit Monsieur, imaginez des boules d’ivoire huilées, que vous vous efforceriez vainement de retenir ensemble. » C’est alors que Mirabeau tenta sincèrement de se rapprocher de La Fayette, qui, depuis les journées d’Octobre et par suite de la présence du roi à Paris, était le dictateur véritable.

1457. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Ayant perdu vers ce temps son père vénéré, et restant seule avec sa mère sans fortune, elle intéressa vivement toutes les personnes qui la connaissaient ; et comme, dans ce pays de la Suisse française, il règne un grand goût pour l’enseignement et l’éducation, on imagina de lui faire donner quelques leçons sur les langues et les choses savantes qu’elle avait apprises dans le presbytère paternel.

1458. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — II. (Suite.) Janvier 1830-mars 1831. » pp. 105-127

« D’un autre côté, si l’on s’imagine que les événements de Juillet n’ont fait autre chose que mettre un nom propre à la place d’un nom propre, une famille à la place d’une autre, … on se trompe d’une manière déplorable. » Ce n’est point là non plus sa solution.

1459. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Quand M. le baron de Breteuil, qui vous a toujours voulu du bien, quoique vous vous soyez éloigné de lui, aurait imaginé de vous en faire sans que vous lui en demandassiez, sans vous en prévenir ; quand, en lui parlant souvent de vous, je serais la cause indirecte de ce surcroît de bien-être, peut-il y avoir rien d’humiliant pour vous à être placé au rang des gens de lettres, puisque vous avez imprimé ?

1460. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

Il est plus commode d’imaginer ces incohérences que d’aller en rechercher de véritables dans la littérature des imbéciles ; car là, il y a imbécillité, il y a absence de toute sensibilité littéraire.

1461. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre I. Après la mort — Shakespeare — L’Angleterre »

Elle s’imagine voir du grand.

1462. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Notes et éclaircissements. [Œuvres complètes, tome XII] »

On a imaginé que la nature agit toujours par le chemin le plus court, qu’elle emploie le moins de force et la plus grande économie possible : mais que répondraient les partisans de cette opinion, à ceux qui leur feraient voir que nos bras exercent une force de près de cinquante livres pour lever un poids d’une seule livre ; que le cœur en exerce une immense pour exprimer une goutte de sang ; qu’une carpe fait des milliers d’œufs pour produire une ou deux carpes ; qu’un chêne donne un nombre innombrable de glands, qui souvent ne font pas naître un seul chêne ?

1463. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Nos beaux esprits commençoient à s’imaginer, que pour bien écrire, il falloit copier la langue de nos auteurs de ruelles ; ils ont même voulu les surpasser.

1464. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

L’Anglais a imaginé de nous ruiner.

1465. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Nous ne pouvons lire sans être attendris les péroraisons touchantes de Cicéron pour Flaccus, pour Fonteius, pour Sextius, pour Plancius et pour Sylla, les plus admirables modèles d’éloquence que l’antiquité nous ait laissés dans le genre pathétique : qu’on imagine l’effet qu’elles devaient produire dans la bouche de ce grand homme ; qu’on se représente Cicéron au milieu du barreau, animant par ses pleurs le discours le plus touchant, tenant le fils de Flaccus entre ses bras, le présentant aux juges, et implorant pour lui l’humanité et les lois ; sera-t-on surpris de ce qu’il nous apprend lui-même, qu’il fut interrompu par les gémissements et les sanglots de l’auditoire ?

1466. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

Parfois dupe de cette forme dont les regains, quand elle en a, sont dus à l’habitude d’une plume longtemps exercée, l’esprit du lecteur s’imagine que quelque chose va enfin sortir de cette intelligence qui a des velléités de vérité, mais rien ne vient.

1467. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre I. La quantité des unités sociales : nombre, densité, mobilité »

Mais que la circulation, de nos jours, ait pris un développement hors proportion avec tout ce que les anciens avaient pu connaître ou imaginer, on le sait de reste.

1468. (1888) Portraits de maîtres

Ce thème peut sembler banal, mais on ne saurait imaginer avec quel art le poète a établi, conduit, gradué sa narration, avec quelle intensité d’émotion il nous attache et tient suspendus, et comme la forme de son récit est serrée et pressante. […] Renan a fait fi trop hâtivement : car on ne saurait imaginer un dieu qui ne fût point paternel et qui ne sourît point aux bonnes gens, seuls conservateurs du genre humain. […] On ne peut s’imaginer à quel point Sainte-Beuve manifestait une sympathie efficace pour les vertus modestes et infortunées, pour les fonctionnaires injustement disgraciés, pour les savants dans l’embarras, pour les familles privées de leur appui. […] Mais en 1847 il demande, il imagine des allègements, des rajeunissements dans les méthodes que la France n’a pas attendus moins de trente ans. […] Qui peut l’imaginer cette chose insensée ?

1469. (1890) Le réalisme et le naturalisme dans la littérature et dans l’art pp. -399

Ces vers, comme ceux des vrais poètes, révèlent avec profondeur un sentiment général : c’est ici celui des foules chrétiennes dont nous imaginons malaisément l’état d’âme et d’esprit. […] Ce penchant est favorisé encore par la tendance qui porte l’esprit populaire à faire passer peu à peu la métaphore à l’état de réalité concrète, et qui l’empêche de bien distinguer ce qu’il voit, de ce qu’il imagine. […] Une composition imaginée à plaisir. […] Remarque souvent faite, pour qualifier un bon ouvrage on disait autrefois : bien imaginé ; tandis qu’aujourd’hui l’on dit : bien observé. […] « Je voudrais que les êtres que je représente aient l’air voués à leur position et qu’il soit impossible d’imaginer qu’il leur puisse venir à l’idée d’être autre chose que ce qu’ils sont ».

1470. (1864) Le roman contemporain

Cabet, qui avait imaginé un phalanstère d’un genre particulier, où l’on devait couler des jours filés d’or et de soie, comme dans tous les départements du beau royaume d’utopie. […] La combinaison imaginée par l’auteur se réduit à ceci : il met dans la tête de la fille d’un fermier, mariée à un médecin de campagne, un roman irréalisable, rempli d’aventures et de plaisirs, de coups d’épée et de péripéties, de luxe et de fêtes, et place son héroïne dans la vie la plus prosaïque et la plus monotone qu’on puisse imaginer. […] J’imagine qu’il ne vous plairait pas plus d’entendre l’étrange histoire de Coquinel le saltimbanque et le paillasse qu’il ne me conviendrait de la raconter. […] Il imaginera un gentilhomme de vingt ans ruiné par son père et chez qui l’horreur des dettes prend le caractère d’une espèce de monomanie morale. […] L’institutrice, mademoiselle Hédouin, qui écoute aux portes, a entendu la confidence, et, comme Maxime s’est montré envers elle bienveillant mais froid, elle s’imagine ou elle imagine qu’il est un coureur de dots, déguisé en intendant, pour conquérir la main et la fortune de la belle Marguerite.

1471. (1887) Études littéraires : dix-neuvième siècle

Imaginez la vie de Lamartine moins trente volumes de prose et une révolution et avec cette force de génie que j’ai montré qu’il a conservée jusqu’à soixante-dix ans, la grande épopée eût été écrite. […] Imaginerait-on un livre sur Shakespeare où il n’y eût rien ni sur la psychologie ni sur la philosophie de Shakespeare ? […] Imaginez qu’au contraire il supprime une partie au moins de la progression et du degré, et brusquement, tout en restant clair, passe à l’agrandissement final. […] Et tout cela, c’est Victor Hugo lui-même, s’abandonnant à sa manière propre d’imaginer et d’exprimer.

1472. (1929) La société des grands esprits

« Imaginez un terrain enclos de murs, qui est propriété divine, dont tous les revenus sont gérés par des hommes au nom d’un dieu. […] Nous connaissons ces théories sur le faux patriotique, ou le faux qui n’est pas un faux, mais elles n’ont pas été imaginées par des jansénistes, et l’on devine ce qu’en eussent pensé l’auteur des Provinciales et son groupe. […] L’homme n’est donc pas libre au sens où il l’imagine, ni pareil à un empire dans un empire, mais soumis lui aussi au déterminisme, car rationnellement tout s’enchaîne et rien n’est discontinu. […] Voltaire, toujours bien renseigné, écrit : « On se moque bien de tout cela dans votre Paris, et pourvu que les rentes de l’Hôtel de Ville soient payées et qu’on ait quelques spectacles, on se soucie fort peu que les armées périssent. » C’est que personne ne s’imaginait alors que la Prusse pût jamais constituer un danger sérieux pour la France. […] Ils brisent la tradition française et s’imaginent qu’il reste un patriotisme français.

1473. (1893) Impressions de théâtre. Septième série

Qu’on ordonne à chacune d’elles de nourrir vingt hommes, et vingt mille citoyens vivront dans l’abondance, couronnés de fleurs, et mangeront tous les jours les meilleurs fricots. » C’est bien là, si je ne me trompe, « l’appel aux plus mauvaises passions », et j’imagine que Lysiclès ou Cléon lui-même eussent rougi de parler ainsi à la multitude. […] Il rapproche Vulcain et Joseph, « inutiles témoins »… C’est là un trait que Henri Heine n’eût point dédaigné, j’imagine. […] Qu’ont imaginé MM.  […] Si nous ne pouvons imaginer, comme le démontre la féerie de la Porte-Saint-Martin, ni un site, ni une architecture, ni un costume qui ne soit terrestre, c’est que nous sommes incapables aussi de concevoir un autre mode de vie que le nôtre. […] Et, d’autre part, ces mouvements forcenés étant, en somme, très simples, et beaucoup moins variés qu’on ne se l’imagine, je crois que la peinture doit en être abrégée et ramassée (voyez Macbeth), sous peine de devenir fastidieuse et accablante.

1474. (1891) La bataille littéraire. Quatrième série (1887-1888) pp. 1-398

On s’imagine la joie avec laquelle Alphonse Daudet, un peu plus glacé à chaque pas qu’il faisait dans notre Nord, revit en ce bon gros garçon un rayon du soleil de là-bas. […] C’est, je le répète, dans la force, la persistance de l’analyse, du développement du moindre fait, du plus petit mouvement de l’âme, que l’auteur a placé son esthétique, et à ce compte, il a réussi cette fois au-delà de ce qu’on peut imaginer. […] Chaque matin, elle s’imaginait la voir pour la première fois, émue de sa découverte, comprenant que ces vieilles pierres aimaient et pensaient comme elle. […] Il s’imagina la traversée, le voyage indépendant, l’escale à Fort-de-France, l’arrivée à Saint-Nazaire dans la belle saison, puis son débarquement à Vérigny… Maman était à la gare. […] L’âme et les yeux vers elle, Évelin s’imaginait toute l’existence de cette jeune demoiselle sérieuse et laborieuse, qui cousait à la fenêtre d’une maison de faubourg, en province.

1475. (1863) Causeries parisiennes. Première série pp. -419

Je n’avais rien imaginé d’aussi familièrement improbable, depuis le temps où je croyais fermement que le petit Poucet avait pu reconnaître à tâtons les filles de l’ogre, parce que ces jeunes princesses couchaient avec leurs couronnes en guise de bonnets de nuit. […] Ces puissants magiciens de la pensée n’ont jamais rien imaginé d’aussi grand que leur propre influence. […] Pour obvier à la difficulté que nous venons de signaler, un journal, l’Union, a imaginé de faire précéder la signature de son rédacteur de cette phrase : « Tels sont les renseignements que nous extrayons de nos lettres et dont nous prenons la responsabilité. » Cette formule prudente, mais peu concise, ne semble offrir aucune nouvelle garantie. […] Il est difficile d’imaginer un système de critique plus ingénieusement injuste. […] Sérieusement, il est difficile de rien imaginer de plus puéril que cette conversation entre l’évêque royaliste et l’homme de 93, où l’auteur a voulu évidemment résumer-en quelques pages une apologie de la révolution française.

1476. (1900) La vie et les livres. Cinquième série pp. 1-352

On ne peut rien imaginer de plus plastique. […] Filon l’avait peut-être imaginé tout autre qu’il n’était. […] J’imagine que les élèves et le maître n’ont pas dû s’ennuyer un seul instant, si j’en juge par ce livre des Hétaïres, dont raffolait Victor Hugo. […] L’auteur des Morts qui parlent est obligé, pour répondre à son titre, d’imaginer des héros de roman, capables de contenir en eux une grande quantité de morts et, pour ainsi dire, de résumer des races. […] J’imagine que Paul Bourget goûte le même genre de volupté lorsqu’il jette les yeux sur Foncin ou Vidal-Lablache.

1477. (1891) Essais sur l’histoire de la littérature française pp. -384

Non qu’il faille s’imaginer que le théâtre soit un miroir et rien de plus, les mœurs de la scène celles de la ville, et que la fantaisie, même arbitraire, n’ait aucune part à la création des types comiques. […] Il ne se peut guère imaginer de contraste plus tranché entre la forme et le fond, et c’est certainement une idée moins exorbitante d’avoir mis, comme le marquis de Mascarille, toute l’histoire romaine en madrigaux. […] Gouverneur de Blaye et mestre de camp à un âge où Fabert et Catinat attendaient encore une compagnie, il imagine de s’offrir comme un exemple de l’acharnement des hommes de plume contre les seigneurs. […] Nulle part il n’a mieux témoigné de sa merveilleuse habileté dans la conduite d’une pièce ; nulle part il ne s’est joué avec plus de souplesse au milieu de la multitude des épisodes, imaginés et traités avec le même art charmant. […] On n’imagine pas d’honnête homme plus affranchi de ces préjugés incommodes qu’on appelle principes.

1478. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

Nous ne sommes pas dans un genre sévère ; une anecdote n’est pas de l’histoire ; on peut essayer de broder un conte, et pour moi je m’imagine très-bien que la scène en question a pu se passer ainsi ou à peu près. […] Qu’on imagine quelles devaient être les peines de son âme !

1479. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Imaginez un drôle spirituel et dévoué tel qu’il s’en présente en France à chaque insurrection intellectuelle ou autre, un enfant de Paris malgré son nom alsacien, aide-de-camp prédestiné pour toutes les journées de barricades. […] Au reste, il aura beau se soustraire par portions et vouloir se dérober, il est de ceux qui laisseront plus de trace qu’ils ne se l’imaginent et que les contemporains eux-mêmes ne le pensent.

1480. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

En lisant ces essais, on l’imagine encore plus aimable qu’il n’est ; nulle prétention ; jamais d’efforts ; des ménagements infinis qu’on emploie sans le vouloir et qu’on obtient sans les demander ; le don d’être enjoué et agréable ; un badinage fin, des railleries sans aigreur, une gaieté soutenue ; l’art de prendre en toute chose la fleur la plus épanouie et la plus fraîche, et de la respirer sans la froisser ni la ternir ; la science, la politique, l’expérience, la morale apportant leurs plus beaux fruits, les parant, les offrant au moment choisi, promptes à se retirer dès que la conversation les a goûtés et avant qu’elle ne s’en lasse ; les dames placées au premier rang929, arbitres des délicatesses, entourées d’hommages, achevant la politesse des hommes et l’éclat du monde par l’attrait de leurs toilettes, la finesse de leur esprit et la grâce de leurs sourires : voilà le spectacle intérieur où l’écrivain s’est formé et s’est complu. […] Comme j’observais dans son maintien quelque chose qui ressemblait à la folie, j’imaginai d’abord qu’il était là pour représenter cette sorte de démence que les médecins appellent hydrophobie ; mais m’étant rappelé le but du spectacle, je revins à moi à l’instant, et conclus que c’était l’Anabaptisme942. » C’est au lecteur de deviner ce que représentaient ces deux premières figures.

1481. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Rien, j’imagine, n’égale en puissance ces mystérieuses raisons. […] C’est comme si le grand dramaturge, pour avoir, dans sa vie, trop imaginé de ces situations violentes, trop développé de ces tragiques conflits, n’avait plus eu, cette fois, le courage de faire l’effort qu’il faut pour se mettre à la place de ses personnages, pour se congestionner consciencieusement sur leur cas, pour se représenter leurs émotions et trouver des phrases qui les expriment avec quelque précision et quelque force.

1482. (1879) À propos de « l’Assommoir »

Quand il a réuni une quantité suffisante de matériaux, il les groupe sous diverses légendes : il possède tout un dossier sur chacun de ses personnages ; il parle d’eux comme s’ils vivaient réellement ; il indique leur âge, les circonstances dans lesquelles ils se sont développés : il imagine même souvent des détails qu’il ne livre pas au public, mais dont il tire les conséquences Surtout, il soigne le portrait. […] C’est lui qui a eu l’idée magnifique d’ouvrir au milieu son immense pain, et d’y enfermer son petit morceau de fromage ; c’est encore lui qui a imaginé la charmante scène muette de Gervaise, embrassant la rose que Goujet lui a offerte pour sa fête.

1483. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

C’est ainsi qu’indirectement la folie de Rousseau a servi la vérité dans l’art, et que son insociabilité maladive a conduit les Bernardin de Saint-Pierre, les Chateaubriand et les Lamartine à imaginer des types littéraires nouveaux, plus sympathiques, doués de sentiments plus profonds et plus simples tout ensemble, enfin une nouvelle cité de l’art, avec des lois plus conformes aux règles éternelles de la vie. […] En effet, si la vie des choses, — des montagnes, de la mer, du soleil et des étoiles, — pouvait arriver jusqu’à la conscience, jusqu’à la volonté, cette conscience ne saurait être alors identique à la nôtre ni à celle qu’imagine le poète : son drame, quoi qu’il fasse, sera toujours trop mesquin, trop étroit pour contenir la nature, sa force et sa vie.

1484. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre dixième. Le style, comme moyen d’expression et instrument de sympathie. »

Après de pareils tours de force, il n’y a plus rien à imaginer. […] Les riches de la terre qui, durant cette vie, jouissent de la tromperie d’un songe agréable et s’imaginent avoir de grands biens, S’éveillant tout à coup dans ce grand jour de l’éternité, seront tout étonnés de se trouver les mains vides.

1485. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Il compilait, compilait, lisait beaucoup et n’imaginait rien, comme Trublet. […] Or le poète ou l’auteur comique est tenu, avant tout, même avant d’être profond, ce qu’il faudrait qu’il fût aussi, d’être spirituel et gai, les deux choses les plus antipathiques, les plus impossibles à l’essence de Gœthe, assez infatué de soi pour se croire un Aristophane, mais qui ne pouvait l’être qu’en plomb, comme son écritoire… Il a laissé à peu près un volume de comédies, dans lesquelles on trouve les très pâles giroflées de deux à trois pastorales, plates berquinades de Céladon pédant, fadeurs et fadaises qu’il imagina être du Florian pondu en se jouant, comme si, tout Florianet qu’il fût, Florian n’avait pas de l’esprit et de la grâce !

1486. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

Cette âme, cet Absolu, cette Réalité, qu’il les considère, suivant sa religion, comme Dieu personnel ou comme Conscience universelle, il s’efforce en tout cas, requis par l’Au-delà, de les imaginer, de les concevoir, de les appréhender derrière les formes illusoires de la nature visuelle. […] « Entre le symbole et l’allégorie on peut faire cette différence : L’allégorie est un ingénieux artifice littéraire, qui consiste à traduire sous une forme imaginée des idées abstraites dont on pourrait reconstituer la teneur précise ; une allégorie se déchiffre comme un rébus.

1487. (1865) La crise philosophique. MM. Taine, Renan, Littré, Vacherot

Voyez par exemple : vous critiquez la théorie de la perception extérieure des Écossais, et il y aurait en effet bien des choses à dire à ce sujet ; mais tout ce que vous imaginez, c’est de reprendre la théorie des idées-images, théorie aussi vaine qu’inutile. […] Ne nous y trompons pas, la nature n’est ici qu’un mot qui représente la somme des phénomènes perçus ou imaginés. […] Or je suppose que, vu la faiblesse de l’esprit humain, je me trompe en attribuant à Dieu telle ou telle perfection ; je suppose qu’entre les diverses perfections que j’imagine, il y en ait d’incompréhensibles ou de contradictoires ; je suppose enfin que, pour rendre Dieu plus accessible et plus aimable, je le rapproche trop de ma propre image : s’ensuivrait-il que la notion d’un être parfait devrait succomber avec celle de tel ou tel attribut scolastique ?

1488. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « L’obligation morale »

Mais on a beau ne pas donner au soldat de raison, il en imaginera une. […] Le naturel est en grande partie recouvert par l’acquis ; mais il persiste, à peu près immuable, à travers les siècles : habitudes et connaissances sont loin d’imprégner l’organisme et de se transmettre héréditairement, comme on se l’était imaginé. […] Non pas, certes, que ce que nous en avons laissé de côté ne soit pas obligatoire : imagine-t-on un devoir qui n’obligerait pas ?

1489. (1927) Des romantiques à nous

Les synthèses, institutions, règles d’action de cette époque, plus arbitrairement imaginée et reconstituée d’ailleurs que représentée dans ses traits réels, sont donnés comme la vérité absolue et éternelle qui suffit à tout et où il faut intégralement revenir. […] » On imagine combien le fond d’humour de Lekeu dut se délecter de ce personnage. […] Docile à mes maîtres de Sorbonne, j’avais de l’admiration, ou je m’imaginais que j’en avais, pour ce travail dont la fortune universitaire fut grande, mais ne s’est pas soutenue longtemps après que Lachelier eut résigné ses fonctions officielles. […] Les germes dont son esprit était déjà chargé à vingt-quatre ans étaient si nombreux et si forts qu’on n’imagine point qu’il eût pu avorter.

1490. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

Si Fréron, le rédacteur de L’Année littéraire, n’a pas toujours manqué d’esprit, de bon sens, et surtout de courage, il serait difficile de rien imaginer de plus court, de plus étroit, de plus superficiel que sa critique ; et sa mauvaise réputation, qu’elle fût ou non justifiée, — ce n’est pas ici le point, — enlevait tout crédit à ce qu’il pouvait dire. […] De l’utilité de ces détails pour l’intelligence des romans de Prévost : — il a vraiment vécu son œuvre ; — les hasards de sa vie en expliquent le décousu ; — et ce qu’il n’en a pas vécu, il l’a moins « imaginé » que « senti ». — Du caractère sombre et mélodramatique des romans de Prévost ; — et combien ils diffèrent des romans de Le Sage et de Marivaux. — La passion de l’amour dans les romans de Prévost ; — comment elle les remplit à peu près uniquement ; — et qu’elle y affecte les mêmes caractères de soudaineté ; — de violence ; — et de fatalité que dans les tragédies de Racine. — Que là même, et non pas du tout dans une peinture de la fille ou de la courtisane, est le mérite éminent de Manon Lescaut. — La peinture des mœurs dans les romans de Prévost ; — et combien elle y est insignifiante ou superficielle. — Les romans de Prévost sont des romans idéalistes ; — nullement psychologiques d’ailleurs ; — et le style en est celui de la passion ; — c’est-à-dire, tantôt capable de la plus haute éloquence ; — et tantôt de la pire banalité ; — toujours facile d’ailleurs, harmonieux, abondant et prolixe. […] Taine, L’Ancien Régime] ; — toutes ou presque toutes il les a résumées sous « une forme portative » ; — assez grossière quelquefois ; — mais le plus souvent spirituelle, ingénieuse, plaisante ; — généralement claire. — Il en a vu les « apports sommaires ; — indiqué les liaisons suffisantes ; — il les a rattachées, tellement quellement, les unes aux autres ; — et ainsi son mérite éminent est d’avoir soulagé ses lecteurs de ce que l’attention a nécessairement de pénible. — Il leur a procuré l’illusion de comprendre les grands problèmes ; — et ils l’ont à leur tour admiré et aimé de se trouver eux-mêmes si intelligents. — C’est probablement quelque chose de cela que Goethe voulait dire quand il l’appelait « le plus grand écrivain que l’on pût imaginer parmi les Français » ; — et, à ce propos, qu’avant d’accepter l’éloge, — où se mêle un peu d’envie peut-être, — il faut y faire attention ; — et se demander s’il n’envelopperait pas, au fond, une critique, assez méprisante, — de toute notre littérature et du génie de notre race. […] Montégut, Souvenirs de Bourgogne], — sa froideur en présence de quelques-unes des grandes scènes qu’il a décrites ou imaginées ; — et on pourrait être tenté de dire que ces critiques se compensent ou s’annulent. — Mais il est plus vrai de dire qu’elles se concilient ; — et que le style de Buffon, parce qu’il est naturellement ample, — et qu’il s’égale sans effort aux plus grands sujets, semble être un peu au-dessous de ce que nous en attendions dans ces sujets ; — ce qui est une raison pour que dans les moindres, — et notamment dans les descriptions, — nous le trouvions trop majestueux ; — et supérieur en quelque sorte à la dignité de son objet. — Il s’anime d’ailleurs quand il le faut ; — et, pour ne rien dire de ses qualités de nombre, d’exactitude et de couleur, — il a plus d’une fois atteint jusqu’au lyrisme [Cf. l’Histoire naturelle de l’homme] ; —  et plus d’une fois au ton de l’épopée [Cf. les Époques de la nature].

1491. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Cependant, Guillaume Colletet, qui n’est mort qu’en 1659, admirait toujours Remy Belleau, et proclamait ses vers sur les Pierres précieuses, un ouvrage considérable, d’une richesse éclatante, un ouvrage rare, curieux et bien imaginé. […] Agrippa s’imaginait avoir été cause de cette mort. […] Je l’ai découvert Dans ce panier rempli de vert : C’est un Melon, où la nature, Par une admirable structure, A voulu graver à l’entour Mille plaisants chiffres d’amour, Pour claire marque à tout le monde Que d’une amitié sans seconde Elle chérit ce doux manger Et que, d’un souci ménager, Travaillant aux biens de la terre, Dans ce beau fruit seul elle enserre Toutes les aimables vertus Dont les autres sont revêtus… Non, le coco, fruit délectable, Qui lui tout seul fournit la table De tous les mets que le désir Puisse imaginer et choisir, Ni le cher abricot que j’aime, Ni la fraise avecque la crème, Ni la manne qui vient du ciel, Ni le pur aliment du miel, Ni la poire de Tours sacrée, Ni la verte figue sucrée, Ni la prune au jus délicat, Ni même le raisin muscat (Parole pour moi bien étrange), Ne sont qu’amertume et que fange Au prix de ce Melon divin, Honneur du climat angevin, Que dis-je, d’Anjou ? […] … » Il faut savoir que Corneille fait de Dircé une fille de Laïus, et la seule héritière de sa couronne, et qu’il se réjouit d’avoir imaginé l’heureux épisode des amours de cette princesse avec Thésée. […] Ce prince imagine de se faire passer pour le fils de Jocaste, afin d’être la victime expiatoire et de sauver Dircé.

1492. (1891) Esquisses contemporaines

Et, par cette pensée qui ne manque pas d’une sorte d’héroïsme, on s’imagine avoir fortifié son âme ; pour avoir soumis son intelligence, on se figure avoir dompté son cœur. […] Secrétan pratique généreusement le sacrifice, et non pas l’un des moindres qu’on puisse imaginer pour un philosophe : celui des idées qui lui étaient chères et qui constituent peut-être le plus clair de son apport aux richesses philosophiques du siècle. […] On comparait l’œuvre d’art à un certain modèle de perfection que l’on imaginait ; c’était encore du dogmatisme. […] On étendit à tous deux, sans distinction, les prérogatives de l’infaillibilité la plus stricte, et l’on s’imagina candidement avoir répondu cette fois d’une façon définitive aux exigences particulières de la situation et aux exigences de la conscience chrétienne universelle. […] Mais on les tenait pour apparentes seulement ; on s’imaginait les concilier par des artifices de raisonnement et des distinctions subtiles qui, parfois, touchaient de près au manque de droiture et déguisaient mal la force du préjugé ou la crainte de l’inconnu.

1493. (1910) Rousseau contre Molière

Il ne s’agit plus du Philinte de Molière, mais d’un Philinte que Rousseau rêve et du Philinte d’une comédie que Rousseau imagine, et par conséquent ce n’est plus de la critique proprement dite et nous pourrions ne nous point occuper de ce passage de Rousseau. […] Oui ; car comme on rit du mystifié en proportion de sa bêtise, et c’est-à-dire en proportion de la grossièreté du piège tendu, on ne peut avoir ni sympathie ni approbation, même intellectuelle, pour celui qui imagine des tromperies si épaisses, et plus le trompé est ridicule, plus le trompeur est méprisé. […] Et plus il était pessimiste à interpréter la réalité qui était sous ses yeux, plus il était optimiste quand il imaginait une réalité, quand il inventait un monde. […] Et de même qu’on pourrait se plaire aux actes du héros fantastique dont je parlais tout à l’heure, mais seulement d’un plaisir d’imagination amusée et sans songer ni à approuver ni à désapprouver, de même avec les Géronte et les Scapin on s’amuse par la partie fantaisiste de l’esprit, par le goût de l’imprévu drôle ou de l’énormité burlesque, sans songer qu’on ait affaire à des hommes, en dehors de toute appréciation, sans imaginer même qu’il puisse y avoir place à l’approbation ou au blâme. […] Un de mes collègues me montrait une dissertation de licence où il était dit qu’« Andromaque était la femme la plus ridicule, et jusqu’à en approcher du burlesque, que jamais auteur eût imaginée ».

1494. (1880) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Première série pp. 1-336

Mais cependant qu’ils prennent garde que le mal qu’ils ont déjà fait est plus grand qu’ils ne l’imaginent. […] Molinier nous vient de l’École des Chartes : c’est louer d’un seul mot, j’imagine, l’étendue, la solidité de sa science paléographique ; et il ne saurait nuire d’être un peu paléographe pour déchiffrer l’écriture de Pascal. […] Elle imagine de remplir, au moyen des actes notariés, — tels qu’obligations, contrats de mariage, de vente, de louage, inventaires après décès, — les vastes lacunes qui séparent un acte d’un autre acte de l’état civil. […] Quand il vit contre son Athalie le déchaînement des insultes, « il s’imagina, dit son fils, qu’il avait manqué son sujet ». […] Buffon, dit-on, n’imaginait pas de plus complet éloge des beaux vers que de les déclarer beaux comme de la belle prose.

1495. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Charles-Victor de Bonstetten. Étude biographique et littéraire, par M. Aimé Steinlen. — III » pp. 455-479

Ce qui s’est perdu de richesses autographes du cabinet de Bonstetten ne peut s’imaginer.

1496. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « M. Boissonade. »

savoir le grec, ce n’est pas comme on pourrait se l’imaginer, comprendre le sens des auteurs, de certains auteurs, en gros, vaille que vaille (ce qui est déjà beaucoup), et les traduire à peu près ; savoir le grec, c’est la chose du monde la plus rare, la plus difficile, — j’en puis parler pour l’avoir tenté maintes fois et y avoir toujours échoué ; — c’est comprendre non pas seulement les mots, mais toutes les formes de la langue la plus complète, la plus savante, la plus nuancée, en distinguer les dialectes, les âges, en sentir le ton et l’accent, — cette accentuation variable et mobile, sans l’entente de laquelle on reste plus ou moins barbare ; — c’est avoir la tête assez ferme pour saisir chez des auteurs tels qu’un Thucydide le jeu de groupes entiers d’expressions qui n’en font qu’une seule dans la phrase et qui se comportent et se gouvernent comme un seul mot ; c’est, tout en embrassant l’ensemble du discours, jouir à chaque instant de ces contrastes continuels et de ces ingénieuses symétries qui en opposent et en balancent les membres ; c’est ne pas rester indifférent non plus à l’intention, à la signification légère de cette quantité de particules intraduisibles, mais non pas insaisissables, qui parsèment le dialogue et qui lui donnent avec un air de laisser aller toute sa finesse, son ironie et sa grâce ; c’est chez les lyriques, dans les chœurs des tragédies ou dans les odes de Pindare, deviner et suivre le fil délié d’une pensée sous des métaphores continues les plus imprévues et les plus diverses, sous des figures à dépayser les imaginations les plus hardies ; c’est, entre toutes les délicatesses des rhythmes, démêler ceux qui, au premier coup d’œil, semblent les mêmes, et qui pourtant diffèrent ; c’est reconnaître, par exemple, à la simple oreille, dans l’hexamètre pastoral de Théocrite autre chose, une autre allure, une autre légèreté que dans l’hexamètre plus grave des poètes épiques… Que vous dirais-je encore ?

1497. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure  »

Imaginez-vous une tradition, suivie depuis le commencement du monde jusqu’à présent, des maux que la fausseté peut avoir faits.

1498. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Et puisque j’en suis moi-même à aller ainsi à la picorée dans les auteurs, voici une assez belle pensée de lui sur les Grecs ; elle lui est échappée en parlant du Dialogue sur la Musique des Anciens, de l’abbé de Chateauneuf : « Nous ne sommes pas si vifs ni si chauds que les Grecs ; je m’imagine qu’ils avaient l’âme d’une âme au lieu d’un corps. » Ce n’est pas mal pour un Gaulois.

1499. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres de Virgile »

Il ne voulait pas davantage des chefs du grand parti whig, et il s’imagina qu’il aurait meilleur marché de Pitt, qu’il avait obligé en 1761 de sortir du ministère et qui, depuis, vivait fort à l’écart, faisant pourtant à l’occasion une vive opposition à son beau-frère George Grenville.

1500. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Or c’était elle-même (on l’a su depuis) qui avait imaginé ce moyen de faire accepter un don.

1501. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Béranger en 1832 »

Dans son enthousiasme pour Jean-Jacques, ce représentant imagina un institut d’enfants d’après les maximes du citoyen-philosophe : plusieurs villes de France en créaient alors de semblables.

1502. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE BALZAC (La Recherche de l’Absolu.) » pp. 327-357

Par nécessité et en suivant ça pente, il se livra, de moitié avec de joyeux compagnons, à cette facilité d’imaginer et d’écrire que la littérature inférieure d’alors réclamait à si peu de frais, et il dépensa de la sorte une portion de l’effervescence fiévreuse dont sa jeunesse dut être plus secouée qu’une autre.

1503. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Voici, j’imagine tout spécieusement d’après lui-même, de quelle façon il s’y est pris pour atteindre à cette difficile perfection : « Il s’agit, dit-il14, d’apprendre notre langue à fond, d’en pénétrer le génie, d’en connaître les ressources, d’en apprécier les qualités et les défauts, de nous l’approprier dans tous les sens ; et ne me sera-t-il pas permis d’ajouter (puisque je parle du français et que j’en parle en vue de la culture vaudoise) que le français est pour nous, jusqu’à un certain point, une langue étrangère ?

1504. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « UNE RUELLE POÉTIQUE SOUS LOUIS XIV » pp. 358-381

Jusque près de la fontaine de Vaucluse, elle s’est imaginée (qui le croirait ?)

1505. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Ses plaintes continuelles, ses inquiétudes, sa profonde tristesse, confirmèrent M. de Beauvau et les autres dans l’opinion qu’ils avaient de sa faiblesse et de sa peur ; et il n’y avait personne à Trianon ou à Versailles qui imaginât encore que l’incommodité du roi pût être le commencement d’une maladie.

1506. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Introduction »

Je n’ai point imaginé cependant de consacrer cet ouvrage à la destruction de toutes les passions.

1507. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre troisième. L’esprit et la doctrine. — Chapitre II. Deuxième élément, l’esprit classique. »

.) — « Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m’avaient donné occasion de m’imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s’entresuivent de même. » (Descartes, Discours de la méthode, I, 142.) — Au dix-septième siècle, on construit a priori avec des idées, au dix-huitième siècle avec des sensations, mais toujours par le même procédé, qui est celui des mathématiques et qui s’étale tout entier dans l’Éthique de Spinosa.

1508. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

On ne saurait imaginer en effet de combien de choses Jean de Meung trouve moyen de parler, tandis que son Amant poursuit la conquête de la Rose.

1509. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre II. Le théâtre du quinzième siècle (1450-1550) »

Il montre tout ce qui se peut montrer : mais il supprime tout ce qui ne se peut montrer, et suppose tout ce qui se peut imaginer.

1510. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre III. Montaigne »

Il a trouvé dans les institutions, les opinions, les mœurs, depuis la façon de s’habiller jusqu’à la morale et la religion, le plus universel, épouvantable et grotesque conflit qui se puisse imaginer.

1511. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

On ne saurait imaginer ce qu’il dépense d’adresse, de ressources et de force d’esprit, d’éloquence, pour obtenir de rentrer en France en gardant son archevêché, où un homme comme lui pourrait recommencer une carrière, sans compter les riches revenus, qu’il ne dédaigne pas ; il faut lire ses lettres pour le connaître.

1512. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre II. La Bruyère et Fénelon »

J’imagine qu’ils rendirent la vie dure à La Bruyère, et qu’en même temps ils lui firent trouver impossible de vivre ailleurs.

1513. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Non, vous n’imaginez pas la joie intime et profonde que sent la fille d’un concierge le jour où elle a prononcé pour la première fois désir.

1514. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Ferdinand Fabre  »

Songez donc qu’à moins d’un mensonge sacrilège, qui ne doit guère se rencontrer, tout prêtre, quelles qu’aient pu être ensuite ses faiblesses, a accompli, le jour où il s’est couché tout de son long au pied de l’évêque qui le consacrait, la plus entière immolation de soi que l’on puisse imaginer ; qu’il s’est élevé, à cette heure-là, au plus haut degré de dignité morale, et qu’il a été proprement un héros, ne fût-ce qu’un instant.

1515. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Victor Hugo, Toute la Lyre. »

Imaginez je ne sais quel taureau de Phalaris d’où sortirait, amplifiée, la voix de Lucain, de Juvénal, de Claudien, et aussi de d’Aubigné, de Malherbe, même de Corneille, de tous ceux enfin qui ont le mieux eu le verbe classique.

1516. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Tout créateur possède, avec le don d’imaginer, c’est-à-dire de voir, le don de critiquer, c’est-à-dire de situer à son plan ce qu’il a vu. — Pour quoi le succulent gnômique de l’Art poétique et délicieux chanteur du Lutrin ; pour quoi l’immense Baudelaire réalise des critiques de premier ordre ; pour quoi tant d’extravagances dans Shakespeare de ce dadais épique de Hugo, n’empêchent qu’on ne le déguste avec plus de plaisir et de fruit que l’œuvre entier du petit bonhomme envieux, Sainte-Beuve, consacré tout à rapetisser les Lettres.

1517. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

On a parlé des héros grecs avec le langage de la France, c’était une âme française qui se pliait à imaginer Thésée, Brutus ou Cinna.

1518. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre douzième »

Il en adopte le paradoxe que la nature fait l’homme bon et que l’éducation le déprave, et il imagine, lui aussi, un plan d’éducation publique pour conserver à l’homme sa bonté native.

1519. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIII. La littérature et la morale » pp. 314-335

Ainsi l’état moral de la société féodale se reflète, sous ses deux faces contraires et inséparables, dans les types imaginés par les poètes.

1520. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

La confusion et le désaccord viennent d’une théorie erronée de la causalité qui considère le rapport de cause à effet comme nécessaire, qui imagine une contrainte mystérieuse exercée par l’antécédent sur le conséquent, laquelle ne pourrait en effet exister sans ruiner le libre arbitre.

1521. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Comme je ne puis douter que ce bruit calomnieux ne soit une ruse imaginée pour décréditer mes Censures, en les attribuant à des motifs étrangers à mon zele, je crois devoir déclarer que je n’ai été payé par personne, que je n’ai ni bénéfice, ni pension de l’Eglise, & que le Clergé ne m’a pas donné de quoi acheter la plume qui m’a servi à combattre les ennemis de la Religion & les siens, Je puis ajouter, qu’en écrivain contre la Philosophie & ses partisans, je n’ai été animé que par le désir d’être utile.

1522. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre Premier »

Nous nous imaginons avoir inventé, nous autres modernes, la mélancolie, la satiété, l’inquiétude, le dégoût consommé et raffiné de la vie, le sentiment du néant final et de l’universelle vanité.

1523. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre VIII »

Au point de vue de la scène, il n’y avait qu’un dénouement dans ce beau récit, plutôt imaginé qu’observé, coloré d’une teinte romanesque, visant à la moralité de la parabole.

1524. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chateaubriand homme d’État et politique. » pp. 539-564

Il est difficile d’imaginer ce que Napoléon a pu trouver de juste dans une brochure où on lit à chaque page des phrases comme celle-ci : Il a plus corrompu les hommes, plus fait de mal au genre humain dans le court espace de dix années que tous les tyrans de Rome ensemble depuis Néron jusqu’au dernier persécuteur des chrétiens… Encore quelque temps d’un pareil règne, et la France n’eût plus été qu’une caverne de brigands.

1525. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préface des « Derniers Jours d’un condamné » (1832) »

Il y a trois ans, quand ce livre parut, quelques personnes imaginèrent que cela valait la peine d’en contester l’idée à l’auteur.

1526. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Là-dessus Descartes est d’une précision à laquelle il n’y a rien à désirer, qui ne laisse certainement rien à désirer. « Au reste, je me suis étendu ici sur le sujet de l’âme à cause qu’il était plus important ; car après l’erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle je pense avoir ci-dessus assez réfutée, il n’y en a point qui éloigne plus tôt les esprits faibles du droit chemin de la vertu que d’imaginer que l’âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, et que, par conséquent, nous n’avons rien à craindre ni à espérer après cette vie, non plus que les mouches et les fourmis.

1527. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre IX. Eugénie de Guérin »

Pour contre-balancer, du reste, le mépris des forts qui nous menace, imaginons ce que penserait Pascal, entre les écrits d’Eugénie de Guérin et la vie qu’elle a menée, — lui qui disait que toutes les conquêtes, révolutions et remuements de l’histoire viennent « de cela que certains hommes n’ont pas su rester assis tranquillement dans une chambre », et qui en riait comme il savait rire, ce formidable plaisant !

1528. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre I. La conscience et la vie »

Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée.

1529. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

Et on ne saurait, je crois, imaginer un plus grand effet de poésie lyrique et tragique à la fois, que la rencontre de cette prophétesse solitaire, portant le deuil de sa famille et de son peuple, avec la foule triomphante des femmes de la maison grecque et royale, où sa présence amène la jalousie et la mort.

1530. (1894) Études littéraires : seizième siècle

Ceci, quoi qu’en ait pensé Sainte-Beuve, sans aucune malice, et simplement dans le regret de ne pas savoir le latin ; car en ce temps-là et même plus tard, On écrivait l’histoire pour toute l’Europe, et l’on n’imaginait guère qu’on pût l’écrire autrement qu’en langue européenne. […] De la terre ne sera fait eau ; l’eau en l’air ne sera transmuée, de l’air ne sera fait le feu, … et de ce monde rien ne prêtant ne sera qu’une chiennerie. » Voilà la parodie, et l’une des plus fines et des plus fortes qu’on ait imaginées. […] Nous ne pouvons pas nous imaginer autrement que libres, même dans le moment où nous faisons le raisonnement qui nous démontre esclaves. — Il est vrai ; mais le bon sens n’est pas juge de ces choses, a « L’homme naturel, comme a dit saint Paul, ne comprend point les choses qui sont de l’esprit de Dieu. […] « La plupart des hommes imaginent une justice mêlée de la foi et des œuvres… La justice de foi diffère tellement des œuvres que si l’une est établie, l’autre est renversée… Il faut que celui qui veut obtenir la justice du Christ abandonne la sienne… Tant qu’il nous reste quelque goutte de justice en nos œuvres, nous aurons quelque matière à nous glorifier. » La prétendue justice des œuvres, le prétendu mérite des bonnes actions n’est que cela, de l’orgueil. […] Il est un être qui nous aide beaucoup, que nous aidons aussi, qui fait beaucoup en nous, pour qui nous faisons quelque chose, à qui nous pouvons ne pas obéir, qui s’en irrite alors, et qui nous punit, et qui nous pardonne ; à qui nous pouvons obéir, à qui nous plaisons alors, aux yeux de qui c’est un mérite, faible sans doute, mais réel, parce que nous pouvions faire autrement, et qui nous aime alors, non comme des choisis, mais comme des serviteurs qui ont su se faire choisir. — C’est ce Dieu que nous imaginons sans cesse, qui est à la portée de nos intelligences faibles, et il faut confesser que c’est à condition de l’imaginer ainsi que nous l’aimons. — Tout cela est plein de manichéisme et infecté de pélagianisme, c’est incontestable ; mais c’est cependant à cela que l’humanité moyenne et même assez élevée se ramène toujours, et c’est sur quoi les religions les plus épurées, les plus fières et les plus rigides finissent toujours par fermer un peu les yeux.

1531. (1895) La vie et les livres. Deuxième série pp. -364

On a grand-peine à imaginer la figure extérieure du monument, à suivre la série de ses transformations, à saisir les détails de sa tragique histoire, depuis le temps où Salomon fit bâtir, près de son palais, sa chapelle royale, jusqu’au jour où le Temple, profané et incendié, fut reconstruit avec une magnificence inouïe par Hérode l’Iduméen. […] Imaginez l’étonnement d’un lecteur habituel des saintes Écritures, en lisant cette phrase : « On peut dire que le premier article de journaliste intransigeant a été écrit huit cents ans avant Jésus-Christ et que c’est Amos qui l’a écrit. » Cela est vrai à condition que l’on atténue cette affirmation par quelque tempérament. […] « On s’imagine trop souvent, ajoutait-il, que la moralité seule fait la perfection, que la poursuite du vrai et du beau ne constitue qu’une jouissance, que l’homme parfait, c’est l’honnête homme, le frère morave par exemple. […] Alors, comme pour se rendre compte de tous les raffinements que l’anxiété humaine peut imaginer dans l’invention du surnaturel et de l’absurde, il visita, pèlerin orgueilleux et désabusé, les diverses églises où la foule adore, dans la prostration et l’effroi, le symbole du divin. […] J’imagine que M. 

1532. (1906) Propos de théâtre. Troisième série

Il suffit d’imaginer ou de prendre dans une chronique du moyen âge des gens uniformément féroces et capables, sans aucune intelligence, de tous les vices, de toutes les passions et de tous les crimes ; de rouler cela et de l’envelopper dans une action singulièrement obscure ; et la chose est faite. […] Vaillat qui le dit ; mais je me l’imagine), la manière dont M. de Féraudy joue le rôle l’adoucit et l’atténue, aussi, extraordinairement. […] Vous vous en douteriez vous-même, si votre vanité ne vous crevait pas les yeux agréablement et si vous ne vous imaginiez pas que c’est pour vous que Trissotin fréquente en votre maison. […] Alceste est né chagrin ; je me suis toujours imaginé qu’il dut avoir l’enfance maussade. […]Imagine une jeune merveille, Elégance, fraîcheur et beauté sans pareille, Taille de nymphe.

1533. (1903) La vie et les livres. Sixième série pp. 1-297

Nous apercevons, au lieu du fantoche de mélodrame qu’inventa la crédulité populaire, à la place du mannequin de comédie qu’imagina le dilettantisme des lettrés, une créature humaine, sujette aux lois de l’existence, soumise à l’action du temps, accessible aux changements qui nuancent la série de nos actes. […] C’est ainsi qu’on peut imaginer les séductions de cette créole entreprenante, lorsqu’elle vint s’asseoir devant Bonaparte intimidé, dans le boudoir de la rue Chantereine. […] Imaginez-vous que Frédéric Masson, après avoir été républicain sous l’Empire, devint subitement bonapartiste, le 4 septembre 1870, au matin ! […] Ce n’est pas sans dessein, j’imagine, que l’on publie en ce moment une nouvelle édition de cette œuvre, gênante peut-être pour ceux qui oublient, mais douce au cœur pour ceux qui se souviennent. […] Admirable prétexte pour pérorer sur les nombreux thèmes qui alimentent l’éloquence de nos orateurs et qui ne sont, à les regarder de près, que des diversions imaginées par l’esprit de bagatelle pour éviter la hantise d’un remords.

1534. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre I. Les Saxons. » pp. 3-71

Si le barbare carnivore, belliqueux, buveur, dur aux intempéries, apparaît encore sous la régularité de notre société et sous la douceur de notre politesse, imaginez ce qu’il devait être lorsque, débarqué avec sa bande sur un territoire dévasté ou désert et pour la première fois devenu sédentaire, il voyait à l’horizon les pâturages communs de la Marche, et la grande forêt primitive qui fournissait des cerfs à ses chasses et des glands à ses porcs ! […] » Quatre fois de suite ils l’imaginent et toujours sous un aspect nouveau.

1535. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

Voyez le sage roi Salomon, j’imagine qu’il avait plus d’une femme. […] On l’imagine comme « une monstrueuse image, la face cruelle et terrible, les regards hautains et menaçants, à chacun de ses côtés cent mains, les unes qui élèvent les hommes en de hauts rangs de dignité mondaine, les autres qui les empoignent durement pour les précipiter. » On contemple les grands malheureux, un roi captif, une reine détrônée, des princes assassinés, de nobles cités détruites231, lamentables spectacles qui viennent de s’étaler en Allemagne et en France, et qui vont s’entasser en Angleterre ; et l’on ne sait que les regarder avec une résignation dure.

1536. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIe entretien. L’homme de lettres »

Elle rougissait en le regardant, elle frissonnait à ses paroles ; elle n’osait pas s’avouer qu’elle l’aimait ; mais il lui inspirait seul un attrait sérieux qu’elle n’avait jusque-là imaginé pour aucun autre. […] Elle se jetait aux pieds de ses directeurs, et elle imaginait contre elle-même des tortures et des supplices ; car le ciel, le juste ciel envoie aux âmes cruelles des religions effroyables.

1537. (1867) Cours familier de littérature. XXIV « CXLIIe entretien. Littérature cosmopolite. Les voyageurs »

J’y ai été une fois avec lui, par ordre du roi (car aucun ne se peut présenter à l’entrée s’il n’est mandé expressément): c’était pour faire des habits d’hommes à l’européenne, avec quoi je m’imaginai que quelques femmes du sérail voulaient faire une mascarade. […] Ni Montesquieu qui ricane, ni Chateaubriand qui déclame n’ont compris l’Orient, parce qu’ils ont voyagé d’imagination seulement, et qu’au lieu de voir et de raconter, ils ont imaginé d’éloquentes caricatures.

1538. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Ainsi d’autres psychologues ne pouvant ni ne voulant méconnaître les rapports incontestables du physique et du moral et le travail prouvé des cellules nerveuses, mais ne pouvant pas admettre le mécanisme absolu dans la création poétique, ont imaginé une explication intéressante, mais un peu vague. […] Fénelon, lorsqu’il imagina son Télémaque, en eut presque une idée distincte.

1539. (1911) Études pp. 9-261

C’est pourquoi il évite de la réaliser ; sa conception est d’abord si claire qu’il lui semble, en prenant ses pinceaux, qu’il va se répéter, et le tableau qu’il peint s’applique à différer de celui qu’il imaginait. — Les grands artistes sont en face de leur œuvre comme d’une étrangère ; ils n’en prévoient pas du premier coup toutes les démarches ; ils l’épient se développer ; ils la découvrent peu à peu passionnément. […] La société n’est pas un engin à imaginer, une organisation à combiner : elle est un fait, elle existe. […] La sobre délicatesse d’Iberia permet d’imaginer une déclamation dramatique tout imprégnée de sévérité, une musique toute serrée et nue, et dont l’expression ne sera que par sa rigueur même émouvante.

1540. (1862) Notices des œuvres de Shakespeare

Quand on voit dans une indication du premier Hamlet, au troisième acte, le spectre apparaître, sauf votre respect, en chemise de nuit, au moment même où son fils le contemple et le décrit avec la plus respectueuse terreur, ou s’imagine sans peine que ce pauvre fantôme pouvait bien n’avoir, au premier acte, sur la plate-forme d’Elseneur, qu’un manteau de cuir pour figurer sa fameuse armure connue des Polonais et qu’une torche de résine pour jouer quelque reflet de « ces flammes sulfureuses et torturantes » où il va être obligé de rentrer. […] Regnard a imaginé une autre fable. […] Le méchant enseigne ne tenant compte ni de la fidélité qu’il avait jurée à sa femme, ni de l’amitié, ni de la reconnaissance qu’il devait au More, devint violemment amoureux de Disdémona, et tenta toutes sortes de moyens pour lui faire connaître et partager son amour… mais elle, qui n’avait dans sa pensée que le More, ne faisait pas plus d’attention aux démarches de l’enseigne que s’il ne les eût pas faites… Celui-ci s’imagina qu’elle était éprise de l’officier… L’amour qu’il portait à la dame se changea en une terrible haine, et il se mit à chercher comment il pourrait, après s’être débarrassé de l’officier, posséder la dame, ou empêcher du moins que le More ne la possédât ; et, machinant dans sa pensée mille choses toutes infâmes et scélérates, il résolut d’accuser Disdémona d’adultère auprès de son mari, et de faire croire à ce dernier que l’officier était son complice… Cela était difficile, et il fallait une occasion… Peu de temps après, l’officier ayant frappé de son épée un soldat en sentinelle, le More lui ôta son emploi. […] Richard n’a jamais imaginé qu’il fût ou pût être autre chose qu’un roi ; sa royauté fait à ses yeux partie de sa nature ; c’est un des éléments constitutifs de son être qu’il a apporté avec lui en naissant, sans autre condition que de vivre : comme il n’a rien à faire pour le conserver, il n’est pas plus en son pouvoir de cesser d’en être digne que de cesser d’en être revêtu : de là son ignorance de ses devoirs envers ses sujets, envers sa propre sûreté, son indolente confiance au milieu du danger. […] Richard, agent bien plus direct, bien plus volontaire de l’esprit du mal, semble plutôt jouter avec lui que lui obéir ; et dans ce jeu terrible des pouvoirs infernaux, c’est comme en passant que s’exerce la justice du ciel jusqu’au moment où elle éclatera sans équivoque sur l’insolent coupable qui s’imaginait la braver en accomplissant ses desseins.

1541. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

» Sur Gambetta, il aurait conté cette anecdote, joliment imaginée, si elle n’est pas vraie. […] Les aberrations et les inventions de la cervelle de cette plèbe armée dépassent tout ce qu’on peut imaginer. […] Il s’imagine sauver la France actuelle, avec du dilatoire, de la temporisation, de l’habileté, de la filouterie politique, de petits moyens pris sur la mesure de sa petite taille. […] Mais il ne faut pas qu’il s’imagine qu’il nous trompe, que nous sommes ses dupes ! 

1542. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La matiere et metal convenable pour estre en sang transmué est baillee par nature : pain et vin… » Suit un détail sur la formation et le mouvement du sang, où l’on dirait que Rabelais a reconnu la circulation du sang : « Chascun membre l’attire à soy et s’en alimente à sa guise : piedz, mains, yeulx, tous ; et lors sont faictz debteurs, qui paravant estoyent presteurs… Enfin, tant est affiné dedans le retz merveilleux, que, par apres, en sont faictz les esperitz animaulx, moyennant lesquelz l’ame imagine, discourt, juge, resoult, délibere, ratiocine et rememore. […] Il avait déjà dit que sans instruction, elle imagine, entend, retient, raisonne et discourt89. » On peut même discerner dans la manière dont Charron envisage les acquisitions de l’esprit humain, les premiers linéaments de l’arbre généalogique des sciences de Bacon. […] La nature humaine veut croire ; quiconque cherche à la détourner de cette impulsion la rejette en définitive du côté de l’autorité, et cela dans un sens bien plus étendu qu’on ne se l’imagine. […] Je m’imagine de reste tout ce que vous diriez des autres choses. […] Je ne me suis point loué au public pour faire des portraits qui ne fussent que vrais et reste semblants, de peur que quelquefois ils ne fussent pas croyables, et ne parussent feints et imaginés.

1543. (1881) Études sur la littérature française moderne et contemporaine

Ce jeune homme s’imagine que le vice pur a quelque chose de poétique. […] Cette politique naïve qui consiste à voir des tyrans dans tous les rois, et dans les nations leurs esclaves, à proposer les révolutions comme le grand moyen ou même comme le but, et à s’imaginer qu’un peuple a conquis sa liberté quand il a renversé un trône, est d’une simplicité tout à fait enfantine. […] À côté d’une étude très forte par la profondeur de l’analyse morale et la vérité du style, il y a des choses trouvées, qu’aucun effort ne donne des choses qui sont de création, non de déduction et de patience : des personnages vus, des caractères vivants, une fable simplement imaginée et assez intéressante en soi pour que le lecteur superficiel puisse lire ce roman pour le seul amusement de la curiosité. […] Tu peux t’imaginer ce que moi, démissionnaire pour les Bourbons, écrivain religieux, royaliste, homme d’antipathie par une certaine élévation sociale aux masses des boutiques, des comptoirs et des cafés et des études d’avoué, etc., aux officiers de Mâcon, etc., tu peux t’imaginer ce que je dois être aux yeux de cette classe ardente, agitable, non intelligente en général.

1544. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

On s’est imaginé autrefois que c’étaient les intérêts des maîtres qui mettaient en feu toute la terre, et c’étaient les passions des valets. […] Bayle, que nos historiens de la littérature ignorent en général, est le premier des « philosophes » du xviiie  siècle ; et beaucoup d’idées que l’on s’imagine que Voltaire, par exemple, a rapportées d’Angleterre, c’est à Bayle, c’est aux Pensées sur la Comète qu’il les doit, c’est dans le Dictionnaire de Bayle qu’il les a puisées. […] Mais l’auteur des Origines du christianisme, de l’Histoire du peuple d’Israël, des Études d’histoire religieuse, est-ce qu’il s’imagine qu’il doit la célébrité de son nom à tel mémoire, dont je doute que vous connaissiez l’existence, sur la Dynastie des Lysanias d’Abylène ou sur L’Agriculture nabatéenne ? […] Et, sans doute, pour faire entrer et mouvoir tout cela dans son cadre, si je pouvais montrer aussi l’aisance et la souplesse de la composition que Sainte-Beuve a imaginée, vous partageriez mon avis. […] Quoi qu’il en soit, on arrivera avec le temps, j’imagine, à constituer plus largement la science du moraliste.

1545. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre IV. Que la critique doit être écrite avec zèle, et par des hommes de talent » pp. 136-215

Nous voilà, j’imagine, assez loin de Don Juan, revenons-y tout de suite, et sans autre détour. […] Alexandre Dumas avait imaginé d’encadrer l’intermède de Molière dans un intermède de la composition de l’auteur d’Antony, et il arriva, chose étrange et chose incroyable, et toute à la louange du poète moderne, que cet habile et intelligent auditoire du Théâtre-Français confondit d’un bout à l’autre, de ces trois petits actes, beaucoup trop allongés, le principal et l’accessoire, la comédie et la mise en scène, la sauce et le poisson ! […] Enfin au quatrième acte, il y avait encore entre Lauzun et madame de Montespan, la plus incroyable scène qui se puisse imaginer. — « Athénaïs, disait Lauzun à madame de Montespan : Maîtresse du roi, avez-vous demandé au roi la place que vous aviez désiré de me faire obtenir ?

1546. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Vaugelas, docile à l’usage jusqu’à en être esclave, faiblit étrangement en ce cas, je dois l’avouer ; il transige et capitule, et voici le biais qu’il imagine : « Je voudrais tantôt dire recouvré et tantôt recouvert : j’entends dans une œuvre de longue haleine où il y aurait lieu d’employer l’un et l’autre ; car dans une lettre ou quelque autre petite pièce, je mettrais plutôt recouvert, comme plus usité.

1547. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

Un fragment de lettre ou de conversation ; imaginé ou simplement encadré au chapitre des Jugements : Il disoit que l’esprit dans cette belle personne étroit un diamant bien mis en œuvre, etc., est lui-même un adorable joyau que tout le goût d’un André Chénier n’aurait pas mis en œuvre et en valeur plus artistement.

1548. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mendès, Catulle (1841-1909) »

Je me l’imaginais claustré, ainsi qu’un simple Fils du Ciel, au fond d’un farouche lyrisme, où il vivait, muet solitaire, refusé aux regards des profanes ; — car je ne doutais pas qu’il se tînt à l’écart de la conversation des hommes, faite, selon moi, pour écœurer de nausées son absolutisme hautain de chantre éternellement visité par la Muse.

1549. (1889) Les premières armes du symbolisme pp. 5-50

Verlaine, dans un sonnet très admiré, il s’imaginera qu’il est à lui seul l’empire romain tout entier : Je suis l’empire à la fin de la décadence Qui regarde passer les grands barbares blancs, En composant des acrostiches indolents D’un style d’or où la langueur du soleil danse.

1550. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

J’imagine que c’est pour des vers comme ceux qui suivent que Malherbe s’adoucissait118 ; il s’agit de la justice de saint Louis : Lui voyant ces abus ouvrir ainsi la porte Aux lamentables maux que l’injustice apporte Le bon droit ne servir, le tort ne nuire en rien.

1551. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quinzième. »

Enfin Royer-Collard aimait Mme de Sévigné comme j’imagine qu’elle dut être aimée à Port-Royal.

1552. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 août 1885. »

Le Moderne dédaigne d’imaginer ; mais expert à se servir des arts, il attend que chacun l’entraîne jusqu’où éclata sa puissance spéciale d’illusion, puis consent.

1553. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

(L’Harmattan, 2011), Philippe Godefroid imagine même que Kundry, ou plutôt Gundryggia ait pu, en tant de Walkyrie, annoncer sa mort à Gamuret, le père de Parsifal.

1554. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Wagner imagine une mise en scène particulière : c’est le décor qui change alors que les personnages marchent sur place.

1555. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

La lumière, la couleur, le son, le goût sont tous des états de conscience : ce qu’ils sont en dehors de la conscience, à titre d’existence per se, nous ne pouvons le savoir ni l’imaginer, parce que nous ne pouvons les concevoir que comme nous les connaissons.

1556. (1863) Le réalisme épique dans le roman pp. 840-860

Battre le briquet sur son cœur sera peu apprécié, j’imagine, en dehors du cercle de Cathos et de Madelon.

1557. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

Je n’imaginais point que tant de respect pût laisser place à tant d’affection ; qu’on pût aimer le même homme et l’adorer. » Et, rappelant l’instant de cette bénédiction solennelle il s’écrie dans sa pieuse extase : Étais-je encore sur cette terre quand vos regards ont rencontré les miens, quand vos mains se sont étendues vers moi ?

1558. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre V. Le Bovarysme des collectivités : sa forme idéologique »

Que l’on imagine, sur le thème de l’apologue de La Fontaine, un peuple de cigognes se laissant persuader par la prédication d’une horde de renards, que la moralité commande de se nourrir de brouet clair dans des assiettes plates, voici le peuple des cigognes au bec pointu, au long cou, voué à la famine au grand profit des renards qui, du revers de la langue, laperont vite et sans peine les meilleures pitances.

1559. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

Les plus grands comiques n’ont jamais imaginé une si féroce chose.

1560. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

La vraie poésie est surtout dans les grands symboles philosophiques et même dans les mythes ; l’imagination poétique se confond avec l’imagination religieuse : la poésie est une religion libre et qui n’est qu’à demi dupe d’elle-même ; la religion est une poésie systématisée qui croit réellement voir ce qu’elle imagine et qui prend ses mythes pour des réalités.

1561. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre III. Le théâtre est l’Église du diable » pp. 113-135

Il avait donc imaginé d’envoyer sa muse habillée en marquis, au petit lever de Sa Majesté.

1562. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Il fait voir que les Congrégations & les Chapitres des Moines ne sont pas si nouveaux qu’on s’imagine.

1563. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Imaginez une société de saints, un cloître exemplaire et parfait.

1564. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Même dans les temps actuels où l’influence de la patrie et de la race paraît de plus en plus défaillir, le génie n’est pas encore devenu le prolem sine matre creatam que ses bâtards s’imaginent nous faire croire.

1565. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Μ. Ε. Renan » pp. 109-147

Renan, qui a beaucoup lu, mais qui n’imagine rien, M. 

1566. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’avenir du naturalisme »

Meunier, le fabricant de chocolat, et imagina en lui-même la luxueuse installation de l’intérieur, découvrant plusieurs années après, que sa description était peu éloignée de la réalité ; avant d’écrire Nana, il obtint une introduction auprès d’une demi-mondaine, avec laquelle il eut le privilège de déjeuner ; sa laborieuse préparation au prodigieux récit de la guerre de 1870, dans La Débâcle, se compose purement de livres, de documents et d’expériences de seconde main ; quand il voulut décrire le travail, il alla dans les mines et dans les champs, mais il ne semble pas qu’il ait jamais fait un travail manuel d’un seul jour.

1567. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Qu’on s’imagine un carrefour très animé et pourtant ordonné de grande ville ; disons : la place de l’Opéra.

1568. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

On se créa des Dieux ; on imagina des Héros peu différents de ces Dieux mêmes.

1569. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Ordinairement on commence l’histoire par des hypothèses : on imagine des états du monde dont il ne subsiste point de monuments, et c’est dans ces ténèbres antérieures à toute histoire qu’on cherche la lumière qui doit éclairer l’histoire réelle de la civilisation. […] Il ne faut pas s’imaginer qu’avec le temps l’homme prendra une autre nature, que cette nature contiendra de nouveaux éléments, lesquels engendreront de nouveaux rapports, des lois nouvelles. […] Ainsi, n’imaginez pas que quand je parle d’une époque où l’infini domine, j’entends que l’infini y soit seul sans aucune opposition ; mais concevez en même temps que dans tout état de choses il doit y avoir, aussitôt qu’on est sorti de l’unité primitive, un élément dominant. […] Ce serait de votre part un idéalisme un peu extraordinaire ; j’imagine que vous croyez avec tout le monde que l’âme est distincte, mais non pas absolument indépendante du corps. […] Encore tout cela peut aller, jusqu’à un certain point, dans un livre où l’auteur expose ses propres idées ; il est libre de les présenter comme il lui plaît ; mais imaginez des formules plus étranges les unes que les autres imposées à l’histoire entière de la philosophie durement et sans goût !

1570. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Molière »

Dans l’édition de Neufvillenaine, qu’il faut bien considérer, par suite du silence de Molière, comme l’édition originale, la pièce est d’un seul acte, quoique plus tard les éditeurs de 1734 l’aient donnée en trois ; mais il y a lieu de croire que pour Molière, comme pour les anciens tragiques et comiques, cette division d’actes est imaginée ici après coup et artificielle. […] Les comédies à ballets dont nous parlons n’étaient pas du tout (qu’on se garde de le croire) des concessions au gros public, des provocations directes au rire du bourgeois, bien que ce rire y trouvât son compte ; elles furent imaginées plutôt à l’occasion des fêtes de la cour.

1571. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Le résultat de ses visites dans le faubourg Saint-Germain est de se voir éconduit comme un fou dangereux, au moment où il s’imagine avoir séduit tous les cœurs de femmes par les grâces de son imagination, et conquis les hommes par la profondeur de ses aperçus. […] Je n’ai de la vie parlé à un censeur, mais je m’imagine qu’il pourrait dire pour excuser son métier : « Quand toute la France le voudrait à l’unanimité, nous ne pourrions nous refaire des hommes de 1780.

1572. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Vous imaginez d’ici l’éloquence ecclésiastique de mistress Bute. […] Lorsqu’il s’en écarte et imagine des âmes tendres, il exagère leur sensibilité pour rendre leur oppression plus odieuse ; l’égoïsme qui les brise paraît horrible, et leur douceur résignée est une mortelle injure contre leurs tyrans : c’est la même haine qui a calculé la bonté des victimes et la dureté des persécuteurs1349.

1573. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Oui, maintenant j’ai une espèce d’horreur de l’œuvre imaginée, je n’aime plus que la lecture de l’histoire des mémoires, et je trouve même que dans le roman, bâti avec du vrai, la vérité est déformée par la composition. […] Dans sa débine, il s’était imaginé de faire quelques dessins de femmes et d’amours — des réminiscences de l’École des Beaux-Arts — et les avait portés, dans la semaine qui précédait Noël, à un journal illustré.

1574. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre IV. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire. » pp. 87-211

Qu’on ne s’imagine pas que ce soit ici une traduction ; c’est un ouvrage qui est sorti de la plume de l’Abbé Guyon, & comme il est fait avec méthode & avec exactitude, il a été réimprimé en province avec l’Histoire d’Echard en 12. vol. […] Imaginez-vous les Lettres Provinciales à deux tranchans ; une plaisanterie distribuée à droite & à gauche avec une légéreté, une finesse, une naïveté charmante.”

1575. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre premier. Aperçu descriptif. — Histoire de la question »

VI, § 10], et l’âme, revenue à l’état normal, s’imagine à tort qu’elle a été momentanément vide de toute parole comme de toute pensée et de tout sentiment25. […] VI], de même l’écriture intérieure est inutile pour écrire, et la parole intérieure, chez tout homme exercé à l’écriture, dicte directement les signes visibles ; sans doute nous nous remémorons ou nous imaginons de temps à autre des images de lettres ou de mots écrits ; mais, lors même que nous écrivons, circonstance éminemment favorable à leur formation, ces images ne font jamais série dans notre conscience.

1576. (1920) Action, n° 2, mars 1920

Que la femme ne soit — profondément — rien de ce que les psychologues s’imaginent ; ce n’est pas douteux. […] Prie donc, ô mon frère, toi qui lis ce livre, prie pour le pauvre Raoul, serviteur de Dieu, qui l’a transcrit tout entier de sa main dans le cloître de Saint-Aignant. » Imaginez-vous donc un moutier tel que celui de Saint-Martin de Tours où plusieurs milliers d’assembleurs de points tâchaient en silence.

1577. (1913) Le mouvement littéraire belge d’expression française depuis 1880 pp. 6-333

Préface Beaucoup d’érudits et de lettrés s’imaginent volontiers que la Belgique est une création artificielle, œuvre de l’histoire et des volontés humaines, et ne s’appuyant sur aucun fait éternel de la nature : un nom emprunté à la vieille chronique des Gaules, des intérêts communs unissant les villes, quelques circonstances heureuses, des adversaires qui ne peuvent s’entendre pour en finir avec ce petit peuple, voilà, croit-on parfois, ce qui l’a fait et ce qui le maintiendra. — Que l’histoire ou la vie des hommes ait fait pour lui plus que pour aucun autre, même que pour la Hollande sa voisine, cela serait facile à montrer. […] Dans un pays que des fortunes aussi diverses, mais également malheureuses, bouleversaient, où l’insécurité du lendemain obsédait, au point de détourner les intelligences et les énergies d’entreprises qui ne s’attachaient point à la défense d’intérêts immédiats, imagine-t-on des poètes, des prosateurs créant des œuvres immortelles7 ? […] Œuvre très personnelle, empreinte de la meilleure, de la plus belle charité chrétienne, Le Livre des Bénédictions est aussi le livre des consolations, et j’imagine qu’il doit raffermir bien des êtres ébranlés. […] Il fallait un poète et un poète tel que Verhaeren, pour imaginer un dénouement aussi imprévu et accorder le plus large paganisme au plus torride lyrisme !

1578. (1890) La bataille littéraire. Deuxième série (1879-1882) (3e éd.) pp. 1-303

En ménage est un roman réaliste plus qu’on ne peut l’imaginer, mais qui n’est certes pas sans intérêt ; je choisis, autant que possible, un passage qui peut donner idée de la tonalité générale du livre et de sa partie descriptive, par trop descriptive peut-être ! […] Cette répugnante aventure est contée sous forme d’idylle, non sans talent, mais avec tous les détails les plus nauséabonds qu’on puisse imaginer. […] Rosalie s’imaginait tout autre chose. […] J’imaginais des ruses de sauvage pour obliger Virginie, ma bonne, à passer avec moi devant la petite boutique de la rue de Seine. […] Il se plaignit surtout des Bourbons, et comme il négligea de me dire qui étaient les Bourbons, je m’imaginai, je ne sais trop pourquoi, que les Bourbons étaient des marchands de chevaux établis à Waterloo.

1579. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Pour arriver à se soustraire aux tendresses trop effectives de son mari, elle imagine de lui dire qu’il n’est pas le père de tous ses enfants. […] Qui n’a pas imaginé de pareils jeux, mais qui se les rappelle avec tant de fidélité et de charme : Je vais dire le jeu qui nous amusa le plus, Antoinette et moi, pendant ces deux mêmes délicieux étés. […] Avec d’autres créatures humaines, que j’ai adorées de tout mon cœur, de toute mon âme, j’ai essayé ardemment d’imaginer un après quelconque, un lendemain quelque part ailleurs, je ne sais quoi d’immatériel ne devant pas finir ; mais non, rien, je n’ai pas pu — et toujours j’ai eu horriblement conscience du néant des néants, de la poussière des poussières. […] « — Non, les acteurs pour moi ne sont pas des hommes comme les autres ; quand je les entends me parler d’amour, je m’imagine toujours qu’ils disent leur rôle, je crois être à une répétition et je cherche une réplique !  […] Imaginez un cercle de visages effrayants, au centre duquel j’étais.

1580. (1895) Les mercredis d’un critique, 1894 pp. 3-382

Aux prises avec une donnée au-dessus de ce qu’il était capable d’imaginer lui-même, M.  […] Et d’abord, j’imaginai d’observer ce qu’elle prenait à table, afin de goûter uniquement aux mets qui avaient sa faveur. […] Alors j’avais imaginé un enfantin subterfuge, une folie d’amoureux, pour faire prendre patience à mon désir. […] Ils imaginèrent, pour me duper, une ruse féroce : dès qu’on avait quitté la salle, le maître d’hôtel rangeait vivement tous les sièges contre le mur. […] Bazin a grand soin de nous cacher son habileté et à faire se présenter comme d’eux-mêmes les faits qu’il imagine pour obtenir tel ou tel effet.

1581. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre V. Comment finissent les comédiennes » pp. 216-393

« La vérité du théâtre consiste en ceci : la conformité des actions, des discours, de la voix, du mouvement, du geste, de la figure, avec un modèle idéal imaginé par le poète, et souvent exagéré par le comédien. » C’est pourquoi il ne faut pas s’attendre à reconnaître à la ville, l’homme que l’on a vu agir sur un théâtre. « Ah ! […] Je sais aussi que, plus tard, en pleine régence, quand la comédie ne demandait qu’un prétexte pour aller, le sein nu et les épaules peu couvertes, les deux amis, les deux égrillards, Brueïs et Palaprat, attirés par l’esprit, la verve et l’intrigue de la comédie latine, imaginèrent une incommodité moins révoltante pour un public français, et de L’Eunuque ils firent un Muet. […] Pourtant j’imagine que plus d’un, parmi ces Grecs ambitieux, se sont trouvés bien malheureux lorsqu’au retour des fêtes de Bacchus, dans ce théâtre rempli des joies et des délires de la comédie satirique, notre homme, qui espérait les honneurs de l’insulte publique, aura vu que son nom était passé sous silence. […] Voici le fait : quand le grand et généreux Alceste eut abandonné, à ses passions de chaque jour, cette femme dont il était la gloire et la force, Célimène s’imagina qu’elle n’avait jamais été davantage la souveraine maîtresse de ses actions, de ses amours. […] En ce temps-là, messieurs les comédiens ne s’imaginaient pas qu’ils exerçaient la plus difficile des professions ; ils s’estimaient heureux de gagner leur vie à si bon compte ; ils ne mettaient pas à ce métier-là plus d’importance que la chose ne vaut ; ils se donnaient pour ce qu’ils valaient : celui-ci pour un grand paresseux qui n’avait pas osé aborder les occupations sérieuses de la vie ; celle-là pour une fille vaniteuse et coquette qui faisait bon marché de la vertu ; tous enfin pour de bons vivants, très contents de vivre, en faisant rire ou pleurer leurs semblables, au gré des poètes qui les inspiraient.

1582. (1892) Un Hollandais à Paris en 1891 pp. -305

Alors arrivèrent des dépêches de tous les pays du monde, — j’ignore qui avait imaginé cela, c’était un coup de génie, — des félicitations venant d’Espagne, d’Italie, de Grèce, même de Norvège, — cette dernière dépêche du pôle Nord confondit les sceptiques les plus endurcis, — et la bienveillance se transforma en enthousiasme. […] La petite salle du restaurant, bien banale et toute nue, avec sa boiserie de chêne peint, comprimait les sons des paroles qu’on aurait voulu s’imaginer chantées en prière sous les voûtes d’une cathédrale. […] Vous ne pouvez guère vous imaginer jusqu’à quel point l’exhaustion nerveuse était arrivée : un seul verre de vin suffisait pour faire perdre la tête âmes hommes. […] Une fois même une enjôleuse lui a persuadé de charger son âme du plus grand crime qu’on puisse s’imaginer ici-bas : la désertion. […] Ces snobs viennent se mettre entre moi et la lumière qui émane des faits simples et clairs ; ils font violence à la science que j’aime et ils rendent fade la religion que je ne puis imaginer que sévère et haute. » Le torrent cessa un instant et je pus placer quelques mots.

1583. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

Viens, Fanny : que ma main suspende Sur ton sein cette noble offrande… La pièce reste ici interrompue ; pourtant je m’imagine qu’il n’y manque qu’un seul vers, et possible à deviner ; je me figure qu’à cet appel flatteur et tendre, au son de cette voix qui lui dit Viens, Fanny s’est approchée en effet, que la main du poëte va poser sur son sein nu le collier de poésie, mais que tout d’un coup les regards se troublent, se confondent, que la poésie s’oublie, et que le poëte comblé s’écrie, ou plutôt murmure en finissant : Tes bras sont le collier d’amour !

1584. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « M. Jouffroy »

Leroux avait imaginé, avec M. 

1585. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Considérons de près les extorsions dont il souffre ; elles sont énormes et au-delà de tout ce que nous pouvons imaginer.

1586. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIVe entretien. Littérature politique. Machiavel (3e partie) » pp. 415-477

Un Platon italien pourrait imaginer cela, un Machiavel ne pourrait le croire.

1587. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Relisons-le surtout pour y rechercher ses sophismes involontaires sur l’ordre et le désordre social, pour lui faire comprendre comment ce qu’il imagine comme le remède serait l’empirisme de notre pauvre condition humaine ; comment la vie, à quelque classe que l’on appartienne, n’est pas et ne peut pas être un sourire éternel de l’âme entre la faim, le travail et la mort ; épreuve, oui, jouissance, non ; et comment ceux qui, comme nous, sont condamnés à vie à cet emprisonnement cellulaire sur ce globe pour en expier un plus mauvais ou pour en mériter un meilleur, seraient révoltés jusqu’à la frénésie si l’on parvenait à leur faire croire que, pour les uns, ce globe est un Éden, pour les autres, un enfer, et que tout mal vient du distributeur du mal et du bien !

1588. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXIVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (3e partie) » pp. 365-427

Je m’imagine voir dans les étoiles, comme ici, une plaine couverte de gazon et une forêt traversée par un fleuve.”

1589. (1866) Cours familier de littérature. XXI « CXXIVe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 257-320

Je n’en sais rien ; j’imagine que ce fut précisément le contraste, l’étreinte de la volupté sur le cœur qui le presse trop fort, et qui en exprime trop complètement la puissance de jouir et d’aimer, et qui lui fait sentir que tout va finir promptement, et que la dernière goutte de cette éponge du cœur qui boit et qui rend la vie, est une larme.

1590. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

» XIV On doit s’imaginer l’impression que de pareils vers éclos du cœur d’une jeune femme et retrouvés sur les lèvres d’une grand’mère en cheveux blancs faisaient sur moi.

1591. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

LXVI En 1844, les légitimistes imaginèrent de porter un défi impudent à cette révolution en passant avec éclat une revue de leurs forces à Londres : c’était la revue des ombres.

1592. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre V. Le roman romantique »

On peut imaginer l’effet de cette voix douce et ‘ sans accent, quand elle raconte les pires atrocités.

1593. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Chacun s’évertuait, soit à retrouver les principes de la société humaine, soit à imaginer des ressorts nouveaux, comme si tous les anciens eussent été brisés, ou que les principaux ne se fussent pas redressés d’eux-mêmes dans la société conservée par la même providence qui conserve la vie humaine.

1594. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIV. La littérature et la science » pp. 336-362

L’âge d’or, tel que l’imaginaient les anciens, avec ses ruisseaux de lait, son printemps perpétuel, ses arbres d’où coulait le miel, ses hommes innocents parmi lesquels erraient des lions, des ours, des tigres aussi innocents qu’eux, cette idylle aimable et douceâtre a pu prêter à de jolis tableaux.

1595. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 février 1885. »

Berlioz, beaucoup de détails d’instrumentation, est un bien autre musicien que l’auteur de la Symphonie fantastique. » Quant au prélude de Tristan, Seudo, en ayant cité le scénario avec de plaisantes remarques, s’exprimait ainsi : « Sur ce texte, le compositeur a certainement dépassé tout ce qu’on peut imaginer en fait de confusion, de désordre et d’impuissance.

1596. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 février 1886. »

N’est-ce pas même pour remédier à ce manque d’une langue déterminée, que Wagner a imaginé d’exposer au début de ses drames les principaux motifs dont il se servirait et le sens qu’il leur attribuait, afin de donner du moins à ses auditeurs le vocabulaire spécial nécessaire à l’intelligence de l’œuvre qu’il leur présentait ?

1597. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juillet 1886. »

Wagner avait imaginé un festival qui devait avoir lieu dans la nature et non en ville.

1598. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre II : La Psychologie »

Si je me laisse aller à la rêverie, je puis bien m’imaginer errer dans les rues de Bagdad ou de Bassora ; mais en ouvrant les yeux, je me retrouve dans mon cabinet et je suis ramené bien vite à la réalité.

1599. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VII. Repos »

Mais il n’y a pas récit de faits arrivés ou imaginés, histoire ou roman historique.

1600. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Imaginez, à la place de cette froide poupée, une femme ardente et nerveuse, altérée des eaux furtives, affamée des fruits défendus, rôdant autour du monde interlope, finissant par enjamber la frontière ; et la moralité du drame croîtrait autant que son intérêt.

1601. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Romans et nouvelles » pp. 3-80

Je demande seulement comme une grâce à mon lecteur de demain, qu’au lieu et place de « Kistemaeckers, Bruxelles, 1884 », il veuille bien s’imaginer lire, sur la couverture du volume, le titre de la première édition : PARIS chez dumineray, éditeur , rue richelieu, 52.

1602. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

« Plus s’est étendue notre connaissance des faits et des lois, écrivait récemment l’un des plus sérieux adversaires de la théorie de l’inconnaissable, plus s’est épaissi le mystère des forces dont nous mesurons au dehors les effets comme mouvemens, et qui répondent en nous à des sensations avec lesquelles nous ne pouvons leur imaginer aucune similitude de nature.Nous nous voyons bien plus loin que ne croyaient l’être les anciens savans ou philosophes de comprendre ce que c’est que la chaleur.

1603. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Vous vous imaginez à tort que la trivialité est le naturel, et que de vieux mots, qui ne sont plus dans la langue, ajoutent beaucoup à la couleur du style.

1604. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ferrari ajoute, lui, que ce qui est fut et sera, et il s’imagine que cette majestueuse et fort innocente déclaration est une méthode historique !

1605. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

Si au plus fort du bombardement on a un moment de défaillance, l’idée que cinquante poilus ont l’œil sur vous suffit à vous donner une assurance et un sang froid inébranlables… Mes hommes m’aiment et je les aime… Lorsqu’un obus éclate trop près, comme eux, j’ai peur, mais il faut bien veiller sur le morceau de la frontière que l’on m’a donné à garder, aussi je reste debout… Si la tâche est rude, vous ne pouvez vous imaginer ma joie et ma fierté.

1606. (1904) Propos littéraires. Deuxième série

Tous s’occupent avant tout d’observer plutôt que d’imaginer, ou plutôt ne considèrent l’imagination que comme la mise en (ouvre brillante des matériaux patiemment accumulés par l’expérience, et répètent à satiété qu’il en faut revenir à la nature, au naturel, et à poindre « les mœurs des hommes ». […] Nous sentons, nous nous passionnons, nous nous imaginons parfaitement en commun, par contagion, épidémie ou endémie, et la psychologie des foules l’a assez démontré. […] Mettre sur la couverture d’un livre : Racine et Victor Hugo, c’est dire, ou du moins je me l’imagine : « Il a existé en France un art classique et un art indépendant. […] Remarquez, cependant, que ces grands poètes, qui étaient littérature personnelle tout entiers, des pieds à la tête, ont fait de la poésie lyrique une province de la littérature personnelle, à ce point qu’on n’imagine point, désormais, le lyrisme autrement que comme la confidence exaltée des sentiments les plus intimes, les plus profonds, et les plus secrets (ou qui devraient l’être) de l’auteur. […] Il ne verra rien sans le rattacher à une cause ; il supposera une force à l’origine de tout mouvement ; il lui sera impossible de comprendre un mouvement sans but ; et impossible d’imaginer, au-delà de tout ce qu’il voit, ou suppose, un je ne sais quoi qui soit rien.

1607. (1896) Les idées en marche pp. 1-385

Mais j’imagine que la main compatissante a plus fait que la main châtiante et que les plus nombreuses conversions se sont accomplies à la petite lueur si douce de la pitié. […] J’imagine très bien la débauche envahissant l’Hôtel de Rambouillet et l’on s’est toujours embarqué sur le même bateau pour Cythère et le pays du Tendre. […] Il ne s’agit pas de dire : J’aime ceci, J’aime cela, dans un langage imaginé. […] J’imagine le plaisir que ce lyrique pur devait éprouver à nourrir de faits précis, d’affaires vitales, immédiates ou concrètes, une imagination que l’excès du bleu devait fatiguer à la longue ou qui parfois broyait à vide. […] On sait comment on agit, on parle, on écrit, comment on imagine ; on prévoit les rouages de l’automate individuel, de l’automate social.

1608. (1854) Causeries littéraires pp. 1-353

Après que mademoiselle Delphine Gay eut échangé son nom déjà célèbre contre un autre nom plus problématique, il y eut pour elle, j’imagine, aux alentours de son mariage et aux débuts de ce ménage trop intelligent pour ne pas être ambitieux, un moment — un moment critique, où elle jeta sur la société et sur le monde un de ces regards décisifs qui percent à jour tout ce qu’ils touchent. […] En effet, à quelque école littéraire que l’on appartienne, que l’on jure par Aristote ou par Schlegel, il est impossible d’imaginer que les exploits de nos voltigeurs et de nos spahis, si héroïques, si poétiques qu’ils soient, doivent être chantés sur le même ton que les héros de l’Iliade ou de l’Énéide, on même que les croisés du Tasse et les chevaliers de l’Arioste. — « Mon pauvre Horace, tu fais des épaulettes parce que tu ne sais pas faire des épaules », disait le vieux David à M.  […] Que vais-je imaginer ? […] Je serais encore plus ridicule qu’il n’est permis à un critique, si je m’imaginais vous avoir donné une idée, même sommaire et incomplète, de la doctrine de Saint-Martin.

1609. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

Imaginez qu’on eût omis, dans une histoire du roman anglais au xixe  siècle, les noms de Walter Scott et de Fenimore Cooper. […] Mais, tandis que l’on s’imagine ainsi ruiner l’autorité des Provinciales, on ne fait rien que rapetisser les questions même que Pascal y agite. […] Il croit seulement à l’inutilité d’abord, et ensuite à la cruauté des moyens que les hommes ont imaginés pour combattre la nature, et ne réussir finalement qu’à être vaincus par elle.

1610. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Camille Jordan, et Madame de Staël »

Je n’imagine pas quel tour on peut prendre pour arriver à dire du mal de vous. […] Vous ne pouvez vous imaginer la tristesse qui s’était emparée de moi en arrivant au sommet de ce Montcenis et en le redescendant.

1611. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Jean-Jacques Ampère »

Et des autres rédacteurs du Globe, auxquels on aurait pu penser pour cette députation idéale que j’imagine et qu’il me plaît de rêver par les figures qu’elle me rappelle et qu’elle ressuscite, M.  […] L’imaginer, le désirer tel, n’est-ce pas substituer insensiblement un autre Ampère à celui qu’avait fait la nature et dont la société s’est si bien trouvée ?

1612. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Au moment où la révolution éclata, une fièvre d’enthousiasme saisit toutes les jeunes têtes, fit battre tous les jeunes cœurs ; on se dit qu’on allait trouver enfin la délivrance, et on s’imagina par conséquent que, la veille encore, on était nécessairement très-opprimé. […] On peut remarquer que Boileau lui-même, comme versificateur, lui laissait plus de scrupules de détails qu’on n’aurait imaginé ; il exigeait, même du poëte, la liaison des idées selon Condillac.

1613. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

À présent ouvrez un copiste plus littéral de la vie : sans doute ils le sont tous, et déclarent, Fielding entre autres, que, s’ils imaginent un trait, c’est qu’ils l’ont vu ; mais Smollett a cet avantage, qu’étant médiocre il décalque les figures platement, prosaïquement, sans les transformer par l’illumination du génie ; la jovialité de Fielding et le rigorisme de Richardson ne sont plus là pour égayer ou ennoblir les tableaux. […] Si grêles, si entrelacés, si enfouis qu’ils soient, il atteint jusqu’à eux ; il les démêle, il ne les casse point, il les rapporte à la lumière, et là où nous n’imaginions qu’une simple tige, nous contemplons avec étonnement la population et la végétation souterraine des fibres multipliées et des fibrilles par qui la plante visible végète et se soutient.

1614. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Après dîner, en fumant, Nieuwerkerke nous conte que Bénédict Masson, chargé de peindre l’Histoire de France dans la Cour des Invalides, avait imaginé de figurer le règne de Louis-Philippe par la représentation d’une barricade. […] C’est un peu une maison riante et lumineuse, telle qu’on s’imagine la maison d’un Fragonard.

1615. (1855) Louis David, son école et son temps. Souvenirs pp. -447

D’après la manière assez leste dont Mme de Noailles s’expliquait sur les habitudes et le talent de Moreau, il était difficile d’imaginer ce qui pouvait décider cette dame à venir se mettre sous sa direction, et quand Étienne vit Moreau et sa jeune élève en présence l’un de l’autre, l’écolière parla au maître avec une aisance et en même temps une familiarité protectrice si habituelle, qu’il semblait que, dans son installation à l’atelier des Horaces, Mme de Noailles cherchât principalement un lieu où elle put trouver les objets et les ressources matérielles indispensables pour étudier l’art du dessin. […] « Je gagerais, dit-il en se tournant vers un de ceux qu’il savait être des plus assidus aux études de l’Académie, que c’est toi qui as imaginé cette belle pose, qui fait tendre la poitrine du modèle comme une carcasse de volaille ? […] Étienne, naturellement peu disposé à prendre cette distraction avec un homme taciturne, et dont on ne débrouillait jamais facilement la pensée, se vit cependant forcé d’accepter l’invitation d’après l’avis de ses parents, qui s’imaginaient ne pouvoir mieux faire que de mettre leur fils sous la tutelle d’un homme plus âgé et plus expérimenté que lui. […] David, toujours enclin à l’imitation des anciens, imagina d’abord et fit même les dessins d’un habillement dont la forme et la coupe se rapprochaient de celles de l’uniforme des élèves de l’École de Mars.

1616. (1896) Les époques du théâtre français (1636-1850) (2e éd.)

C’est ainsi que la manière dont il a traité dans son dialogue les idées générales, les lieux communs de la morale ou de la politique, les cas de conscience encore, faisant un caractère éminent de son style, on s’imagine assez volontiers qu’il en a le premier porté l’expression sur la scène. […] Il est vrai, Mesdames, qu’heureusement pour nous, nos grand-mères l’étaient quelque peu davantage ; et vous pouvez vous imaginer, en entendant ces grossièretés, la figure, ou plutôt la grimace de dégoût, que faisaient celles que l’on appelait en ce temps-là l’incomparable Arthénice, et sa fille, Julie d’Angennes, un peu plus prude encore qu’elle, la même qui fut depuis la sévère et complaisante à la fois duchesse de Montausier. […] Mais cette mère barbare, qui ne descend du trône qu’à regret, s’imagine de déclarer que celui-là sera l’aîné pour elle qui la débarrassera de Rodogune, en l’assassinant ; Rodogune, de son côté, fait de l’assassinat de Cléopâtre une condition de son consentement au mariage qu’on sollicite d’elle ; … et voilà le sujet de Rodogune ! […] On ne forme pas d’abord un plan, comme il semble bien que faisait Corneille ; on n’imagine pas une succession ou une complication d’incidents, quitte à chercher ensuite les personnages qui s’y débattront ; on ne dispose point toutes les parties de la pièce par rapport à son dénouement. […] Pour cela donc, tout plein qu’il est du Grand Cyrus et de la Cléopâtre, il imagine de cacher, deux actes et demi durant, l’identité de Zénobie à Rhadamiste, son propre époux, et celle de Rhadamiste, pendant quatre actes et demi, à Pharasmane, son propre père… Et il vous semble que ce ne soit rien, mais c’est beaucoup, si, comme vous le verrez tout à l’heure, de ces deux méprises, la première lui donne sa péripétie, et la seconde son dénouement.

1617. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. LEBRUN (Reprise de Marie Stuart.) » pp. 146-189

J’imagine que les plaintes du vieil Évandre s’arrachant des bras de son fils unique, qui vole aux combats et à la mort, n’auraient pas convenu, pour l’attendrissement, au maître sourcilleux : N’as-tu pas des enfants ?

1618. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Or ce mot-là, j’imagine, ne devait pas encore se trouver dans le vocabulaire et dans l’Anthologie de Méléagre.

1619. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « M. DE LA ROCHEFOUCAULD » pp. 288-321

Pascal, Molière, Nicole, La Bruyère, ne flattent guère l’homme, j’imagine ; les uns disent le mal et le remède, les autres ne parlent que du mal : voilà toute la différence.

1620. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

» Animal ou arbre, elle le traite tout de suite comme une personne elle veut savoir sa pensée, sa parole ; c’est là pour elle l’essentiel ; par une induction spontanée, elle l’imagine d’après elle et d’après nous ; elle l’humanise. — On retrouve cette disposition chez les peuples primitifs ; et d’autant plus forte qu’ils sont plus primitifs ; dans l’Edda, surtout dans le Mabinogion, les animaux ont aussi la parole ; un aigle, un cerf, un saumon sont de sages vieillards expérimentés qui se souviennent des événements anciens et instruisent l’homme179.

1621. (1861) La Fontaine et ses fables « Deuxième partie — Chapitre II. Les bêtes »

L’imbécile s’imagine que la mère va lui donner son enfant, et, quand il se voit trompé, il s’amuse à menacer et à se plaindre.

1622. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCIe entretien. Vie du Tasse (1re partie) » pp. 5-63

On apercevait au-dessus du mur d’enceinte de ce couvent les cimes vertes de quelques orangers qui contrastaient avec la teinte sale et grisâtre des pierres, et qui faisaient imaginer entre les murs du cloître un petit pan de terre végétale, une oasis de prière, une ombre, une fraîcheur, peut-être une fontaine, peut-être un jardin, peut-être le cimetière du couvent.

1623. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Raphaël peignait, Jules Romain dessinait, Buonarotti changeait à volonté le marteau contre le pinceau, Bramante imaginait et concevait la transfiguration de l’architecture pour élever dans le ciel le Panthéon simplifié, exalté, glorifié.

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