Mais quoiqu’il sente celle-ci sous tous ses aspects, et assez pour la simuler et pour la calquer en perfection, quoiqu’il la recherche le plus souvent sous ses faces les plus étranges et les plus singulières, on sent au fond qu’il n’en est jamais épris ; il est de sang-froid et volontaire toujours. […] Outragé dans tes vœux, par ton espoir trahi, Un soir, cherchant en vain une forme envolée, L’écho te répondra du fond de la vallée : Séparons-nous ; cueillez les roses de l’oubli. […] Quel secret douloureux je porte au fond du cœur. […] Comme en tout ce qui est chrétien, le fond et le dedans est plus beau que le dehors : I Le soir rembrunissait ses teintes peu à peu, Et nous avions atteint la cime souveraine ; Mais il était trop tard, et nous pouvions à peine Jouir du riche aspect et des gloires du lieu. […] Mais non, cesse, mortel, de tant t’humilier : Comme un rêve la nue est fugitive et belle ; Qu’importe que son front éblouisse, étincelle, Si l’homme au fond de soi n’en jouit tout entier ?
La question peut paraître, à première vue, étroite et purement sectaire, mais en présence de la réaction romaine qui s’accentue de jour en jour, elle n’en est pas moins au fond d’une importance capitale, d’une poignante actualité. […] Je ferais seulement remarquer que non seulement, dans la loi que sollicite l’archevêque, il n’est plus question du Sacré-Cœur ni du Saint-Siège, mais que le « Vœu national » lui-même, origine et fond de la demande, en est totalement absent. […] Ceux qui, en petit nombre, prirent la parole en ce sens manquaient de perspicacité, et pas un n’attaqua la question de fond, clairement et vigoureusement. […] Un vieillard, autrefois tout-puissant, git au fond de son palais, gémissant de l’éloignement des hommes qui l’ont déshérité d’une partie de sa puissance et demeurent insensibles à sa voix. […] Au fond de lui-même, il cherche de sa main décharnée à ressaisir avidement cette foule indifférente pour en refaire sa chose.
Du fond de la solitude où son imagination s’était réfugiée, il entendait naguère la chute de nos autels : il peut assister maintenant à leurs solennités renouvelées. […] Ces objets étaient répétés dans l’eau d’un étang avec l’ombrage d’un noyer, qui servait de fond à la scène et derrière lequel on voyait se lever l’aurore. […] Un penchant mélancolique l’entraînait au fond des bois ; il y passait seul des journées entières, et semblait sauvage parmi des Sauvages. […] « Amélie, accablée de douleur, était retirée au fond d’une tour, d’où elle entendit retentir, sous les voûtes du château gothique, le chant des prêtres du convoi et les sons de la cloche funèbre. […] Que faites-vous seul au fond des forêts où vous consumez vos jours, négligeant tous vos devoirs ?
On place devant nous des assiettes, au fond desquelles, imprimés en triste bistre, figurent les grands écrivains de Louis XIV, ayant au dos la date de leur mort. […] Malgré tous leurs enthousiasmes, leur fanatisme, leur idolâtrie, je ne trouve pas au fond d’eux, le deuil des défaites, qui seul peut, selon moi, assurer le retour des partis vaincus. […] Il y a entre autres des grues d’une calligraphie baroque sur un fond rose groseille, une vraie joie des yeux. […] Au fond les hommes d’imagination, quand ils ont quitté, un mois, leur domicile, s’attendent, en y rentrant, à y trouver de l’imprévu heureux, et cela n’est jamais. […] On a été au fond du potager.
Le titre de ce volume en dit plus la forme générale que le fond. […] Il se serait contenté de la description sèche, rigoureuse, à l’emporte-pièce, de toutes ces pauvretés, de tous ces vices, de toutes ces misères qui sont le fond de ce livre de Jack. […] Sans cette faculté d’attendrissement, il resterait, je n’en doute pas, par son fond, mortellement antipathique aux esprits élevés et délicats, le vrai, le seul public pour un écrivain de la race de Daudet. […] La poésie, cette forme divine, emporte toujours le fond humain dans l’œuvre des hommes, quelle que soit la beauté ou la profondeur de ce fond. […] Seulement, le roman qui gisait là au fond de cette question d’histoire, comme un Dieu dans sa crèche, en est-il sorti ?
Ne voyez-vous pas déjà d’ici le siècle en perspective, avec sa prétention grandiose d’une part, et sa vocation positive de l’autre : le tombeau de Charlemagne pour décoration et fond de théâtre, et une caisse de receveur général tout à côté ? […] Le fond chez elle se dérobe ; elle glisse ; mais ici elle enfonce, elle souffre, elle crie. […] Au fond, tout au fond, sous la marée transparente, la demeure de l’homme s’aperçoit encore là où la voix de l’homme a expiré. […] Et pourtant, au fond, malgré ces déguisements, malgré ces greffes étrangères, je crois reconnaître encore beaucoup du même style d’autrefois, le vers sonore, spécieux, tout extérieur, se permettant parfois l’enflure et parfois la manière. […] Des mots heureux, imprévus, tout à fait drôles, font oublier l’absence du fond ; elle a du facétieux.
Ce n’est pas au Salon, c’est dans le fond d’une forêt, parmi les montagnes que le soleil ombre et éclaire, que Loutherbourg et Vernet sont grands. […] Que celui qui n’a pas étudié et senti les effets de la lumière et de l’ombre dans les campagnes, au fond des forêts, sur les maisons des hameaux, sur les toits des villes, le jour, la nuit, laisse là les pinceaux, surtout qu’il ne s’avise pas d’être paysagiste. […] Qui est-ce qui observe, qui est-ce qui connaît, qui est-ce qui exécute, qui est-ce qui fond tous ces effets ensemble, qui est-ce qui en connaît le résultat nécessaire ? […] Une loi assez générale, c’est qu’il n’y ait au fond aucune teinte qui comparée à une autre teinte du sujet, soit assez forte pour l’étouffer ou arrêter l’œil.
III Ni l’un ni l’autre ne sont des misanthropes, des atrabilaires comme Rousseau, cet ermite contre le monde, « ce chien — disait Voltaire, pas toujours poli, — qui s’était mis dans le fond du tonneau de Diogène pour aboyer », mais qui, par habitude, aboyait encore à la lune dans le fond des bois ; Rousseau, qui s’est plus blessé au monde que le monde ne l’a blessé réellement ; Rousseau, bien moins un solitaire qui herborisait qu’un malade qui cherche des simples pour les mettre sur ses blessures. […] Cette thèse, qui est tout le fond de son livre, il m’est véritablement impossible de ne pas l’arrêter au passage et de ne pas lui jeter dans les jambes le haro normand ! […] Il a oublié que les ermites, dans toutes les religions, placent toujours Dieu, un dieu personnel, — qu’il soit faux ou vrai, mythologique ou chrétien, — dans le fond de leurs ermitages.
Il ne l’a été que par veines rares ; il ne l’a été que par gouttes et par gouttelettes, retrouvées au fond de ce verre étroit qu’il a appelé ses Poésies complètes. […] Elle est ici, et, je l’ai dit, non pas partout, mais à beaucoup de places, cette note triste qui s’en vient du fond de la gaieté comme un soupir impossible à étouffer. […] Par-dessus l’élégiaque, il y a le lyrique, qui fait à tout instant des vers comme ceux-ci, par exemple (dans Le Harem) : L’une, soulevant ses cheveux Par un geste de canéphore, Montre au fond de ses deux grands yeux Une caverne de phosphore. […] » Je raisonnais ainsi, quand soudain, au détour D’une place, je vis dans le fond d’une cour Un homme pâle, usé, front courbé par la lutte.
D’ailleurs, indépendamment de la forme, du trait appuyé, du coup de burin, qui n’a rien de ce forcené d’Edgar Poe, de ce « diable devenu fou », comme disait lord Byron de celui qui a bâti Londres, Erckmann-Chatrian avait fait, pour le fond de ses Contes, ce qui réussit, hélas ! […] Au lieu de l’étrange visionnaire à la sensibilité renversée qui fait le fond d’Edgar Poe ou d’Hoffmann, il y a un écrivain sensible à notre manière, à nous tous, pour tous les phénomènes normaux de la vie, et un observateur du cœur, quand le cœur est rythmé par les sentiments de l’humanité saine et pure. […] Comment un tel esprit, rond et éveillé, qui se tient entre deux vins (le nom d’un de ses contes joyeux), et qui ne boit ni d’éther comme Hoffmann, le grêle et le pointu, ni d’opium comme ce frénétique, sombre et froid d’Edgar Poe ; comment ce peintre de genre littéraire, attendri souvent malgré sa gaîté, et qui pleure au fond de son sourire, comme dans cette chose émouvante et charmante : Les Fiancés de Grinderwald ; comment ce moraliste, qui dans dix ans sera bonhomme, la qualité la plus enviable très certainement pour un conteur, a-t-il pu se croire ou voulu être un fantastique, c’est-à-dire le peintre du sinistre, du mystérieux, du morbide et de l’incompréhensible humain ? […] Si Erckmann-Chatrian avait eu la moindre puissance fantastique, il l’aurait prouvé dans cette histoire si bien commencée, entre cet homme atteint d’une maladie sans nom, qui hurle comme un loup blessé au fond de son château féodal, et dont les crises deviennent de plus en plus épouvantables à mesure que s’avance dans la plaine, à travers les neiges, la vieille sorcière, ou plutôt la vieille inconnue, que la terreur de tout le pays a surnommée la Peste Noire.
Fond et forme, la poésie philosophique était créée en France. […] Sur le fond, exactement rien. […] Il n’est pas original comme fond. […] Le fond est moins qu’un lieu commun ; c’est un proverbe populaire. […] C’est le fond moral d’une épopée.
Le Discours sur l’histoire universelle est tout entier tiré de son fond. Il est vrai que ce fond était formé de la moelle des deux antiquités. […] L’autorité, la beauté de ces ouvrages sortent si naturellement du fond qu’on ne peut pas y trouver de plaisir sans s’engager dans le débat. […] C’est le même fond ; il n’y a de différent que la matière des débats et l’habit des combattants. […] Pour le fond, Bossuet s’arrête où cesse la lumière.
Fanny, dans son livre, est au fond aussi vulgaire que son amant. […] Au fond, lorsque l’on y regarde, cette fameuse Fanny n’était pas plus que cela. […] Feydeau, parce qu’il y a d’autres reproches plus vrais à faire à son livre, — au fond comme à la forme de son livre, — et que nous les lui ferons. […] Ce ne sont pas les actes de ces personnages qui me révoltent, moi, c’est eux-mêmes… Voilà pour le fond, pour le cœur même du roman. […] Tel est cependant, pour le fond et la forme, tout le livre de M.
L’une sociologique qui insiste sur la part prépondérante du facteur social dans la formation et l’évolution de nos sentiments ; et par suite sur la possibilité d’une uniformisation, d’une rationalisation et d’une socialisation progressive des sensibilités ; l’autre, individualiste, qui reconnaît dans la sensibilité de chaque individu un fond irréductible aux influences sociales et qui conclut de là à l’impossibilité de réduire les différences sentimentales non moins que les différences intellectuelles. […] Bergson, l’écrasement de la conscience individuelle (par le mot qui en est l’expression impersonnelle et sociale) n’est aussi frappant que dans les phénomènes du sentiment27. » Qu’une émotion profonde, une mélancolie indéfinissable, que le souvenir heureux ou triste d’une heure lointaine émergent du fond de notre passé et envahissent notre être tout entier ; le frisson de cette émotion ne pourra se propager dans l’atmosphère opaque qui nous sépare d’autrui de la même façon que se propage une onde lumineuse ou sonore. […] Il y a au fond de l’amour une volonté de lutte et de domination. — Ce qui se passe dans la série animale éclaire l’essence du phénomène amoureux chez l’homme. […] Ce qu’il y a de plus clair chez Stirner, dans cet ordre d’idées, c’est un besoin effréné d’indépendance, une revendication frénétique en faveur de la liberté des instincts ; revendication qui porte d’ailleurs sur les instincts les plus généraux de notre nature, ceux qui constituent le fond physiologique de tout être humain : l’instinct sexuel, la faim, l’instinct du bien-être. […] L’individualisme de la première période est au fond un altruisme supérieur, confiant dans sa propre réalisation.
Est-il possible, au contraire, de s’affranchir, de s’émanciper, d’ouvrir son intelligence à de nouvelles lumières, de transformer et de développer ses idées et ses opinions, sans paraître mettre en question le fond des croyances que l’on soumet ainsi à un examen sans cesse renaissant ? […] Sans doute cette lutte, si vive et si profonde qu’elle soit dans le fond des consciences, éclate rarement au dehors32 car il est de l’essence du catholicisme de couvrir les dissidences réelles par l’apparence de l’unanimité. […] Au fond, n’en doutons pas, on ne les laisse libres que provisoirement et dans la mesure où l’on a besoin d’eux. […] Le bruit qui se fait à la surface de notre société agitée ne lui est pas la vraie mesure de ce qui se passe véritablement au fond des esprits. […] Sur le fond de ce débat, voir le dernier chapitre de cet ouvrage : le problème religieux.
À l’époque où commença la prédication de Luther, si la question eût pu n’être qu’une question politique, la réformation n’aurait pas eu lieu : cela est si vrai qu’à présent ceux des luthériens et des calvinistes qui pensent, qui regardent au fond des choses, n’hésitent pas à prononcer que les communions protestantes devraient se réunir à la religion catholique. […] L’infini est toujours au fond de son cœur : sitôt qu’une idée a pris, pour ainsi dire, un corps ; sitôt qu’elle est devenue sensible par une transformation matérielle, cette idée a épuisé son énergie. […] Cette peinture, je puis l’avouer, sera toute d’imagination ; car c’est un ordre de phénomènes peu appréciables à la vue de l’esprit, et qui se passent au fond des cœurs. […] Il laisse avec mélancolie errer ses regards en arrière ; il porte au-dedans de lui une vague inquiétude dont il ignore la cause ; il se crée des sentiments factices, et qu’il sait être ainsi, pour suppléer aux émotions qu’il ne retrouvera plus ; il s’étonne du désenchantement où il est plongé ; il a beau être séparé de la religion, ou par les passions dont il est devenu le jouet infortuné, ou par les séductions d’un esprit raisonneur, qui, à force de vouloir approfondir, égare ; il ne peut être sourd aux plaintes touchantes d’une mère, qui ne devait pas s’attendre à lui voir trahir ce qu’elle regardait comme ses plus chères espérances, ni aux terribles accusations de ses aïeux, qui lui reprochent, du fond de la tombe, d’avoir abandonné la portion la plus précieuse de leur héritage. […] La génération dont nous venons d’esquisser la peinture est celle qui forme actuellement le fond de la nation : d’autres générations se sont déjà élevées autour d’elle.
, mais c’était la déification de l’humanité par la femme ; et le culte de cette religion fut l’adoration de la femme, qui, dans un temps qu’on ne précisait pas, devait faire des enfants toute seule… Je me contenterai de ce léger détail pour donner une idée de cet Illuminé ténébreux et à tendresse pleurnicheuse, malgré ses mathématiques, à qui quelques vieilles femmes et quelques très jeunes gens firent une rente, mais dont le dévouement ne put le tirer du fond de son puits, où il resta ; — seul rapport qu’il eût jamais, le pauvre homme ! […] Comte, et le propagateur humble et dévoué du positivisme, dont au fond il se croit peut-être le saint Paul. […] Je sais qu’il y parle peu de cette religion, et qu’il la fond avec la philosophie dans les dernières pages de son écrit ; je sais que les grands ridicules y sont estompés, mais cependant on les y aperçoit encore sous l’estompe de précaution qui les couvre. […] C’est un escamotage au profit des sciences physiques, les seules au fond qu’admette M. […] Et c’est avec tout cela pourtant que vous voulez éclairer le monde jusqu’au fin fond de sa dernière illusion !
— qui se font tout seuls au fond des âmes, par une mystérieuse assimilation du sentiment et de la vie, celui que Dargaud a publié sous le simple titre de : La Famille, nous semble un de ces livres-là. […] Mais Dargaud, qui n’a pas les mêmes raisons pour proscrire le moi sous sa forme la plus naïve, et j’ajoute la plus nécessaire, a écrit à la première personne un livre qui, restant tout ce qu’il est au fond, mais écrit autrement, aurait été froid et d’une réalité moins sentie. […] Supérieurs — quelques-uns, du moins, — par le sentiment aux tristes et secs théoriciens du rationalisme, ils ne valent pas mieux quant aux idées et lorsqu’on les force à descendre dans le fond des choses. […] À côté de la niaiserie du bon sens pipé et de l’invention d’une bourgeoise sagesse, à côté de cette religion naturelle qui est, au fond, si on creuse bien, toute leur doctrine, ils dressent de grands mots qui font rêver les imaginations sans guide et ils pataugent dans l’Infini… Nous ne savons personne plus digne de pitié que ces espèces de philosophes qui n’ont pas même une philosophie complète pour remplacer une religion qu’ils n’ont plus, — qui prennent les ondoyantes et capricieuses lueurs de leur propre sentimentalité pour la ferme lumière de la conscience et vivent en paix avec eux-mêmes. […] point par le fond de son être, par la substance de sa pensée, par l’étoffe de ses facultés.
Pour des créatures de passage comme nous, qui ne seront peut-être plus demain, l’accent désespéré ou résigné — au fond, si on veut bien y penser, la même chose, — est l’accent qui doit remuer le plus les cœurs ! […] Du Clésieux, dans son poème, est resté jusqu’à la dernière page et jusqu’à son dernier vers dans la beauté du sentiment chrétien le plus pur, et cette beauté s’ajoute à celle de l’émotion humaine qui fait palpiter tout son poème, comme un cœur vivant… IV Rien de plus simple que ce roman en vers qui pourrait bien être une histoire, et cette simplicité est si grande que la donnée du poème peut se raconter en deux mots… Le héros du livre, qui n’est pas nommé dans le poème, l’amant d’Armelle, est un Childe Harold de ce temps où toute âme un peu haute est plus ou moins Childe Harold, et n’a pas besoin d’aller au fond de toutes les coupes que nous tend le monde pour s’en détourner et revenir à la solitude, — et pour s’essuyer, comme un enfant à la robe de sa mère, de ses souillures et de ses dégoûts, à la Nature. Eh bien, c’est là que par un de ces hasards vulgaires de la vie, le héros de du Clésieux tombe amoureux d’une jeune fille rencontrée au fond des campagnes qu’il habite. […] Il faut avoir le courage amer de le dire : la Famille, telle que le Christianisme l’avait constituée, tombe, se détrempe et se fond dans l’égoïsme universel. […] Il est impossible que le fond de la langue poétique ne soit pas pur quand on a cette pureté dans l’inspiration.
Et comme avant Darwin et Proudhon, ces grands scélérats intellectuels, on n’avait pas encore vu ces abominations qui sont le fond de l’abîme dans l’ordre de la pensée et après lesquelles il n’y a plus que la mort de l’Esprit humain à plat ventre dans ses ténèbres, on n’avait pas entendu non plus — car dans les vieilles civilisations les poètes ne viennent qu’après les philosophes — de poésie vibrant à l’unisson de ces épouvantables et damnés penseurs. […] Je ne sais point par quelles spirales cette amie de Proudhon est descendue au fond du dernier cercle de l’enfer de la Philosophie, mais elle y est descendue, et c’est du fond de cet horrible trou que, comme la Sachette de Notre-Dame de Paris, elle élève une voix désespérée pour l’humanité et pour elle ; — car, après tout, si elle a la bravoure de l’athéisme, si elle fait de l’héroïsme contre le néant, elle n’est pas, pour cela, très heureuse d’être athée. […] je n’hésite pas à le dire du fond de ma foi religieuse outragée, une telle poésie est une monstruosité. […] Il s’est trouvé que cette femme mûre, calme et grave, cette Matrone, cette bonne femme, cet honnête homme, comme disait Ninon pour se dispenser d’être honnête femme, et cette honnête femme tout de même par-dessus l’honnête homme de Ninon, il s’est trouvé que malgré tout cela cette madame Ackermann est, au fond, quelque chose comme un démon, et, moralement comme esthétiquement, c’est intéressant, un démon !
Ils n’avaient pas ce qui doit se retrouver au fond de toute œuvre non pour qu’elle soit plus utile, mais pour qu’elle soit plus belle, car l’idéal dans les arts (si vous creusez bien), c’est la plus grande somme de moralité. […] A propos du Maçon, retouché par cet esprit que la religion a retouché aussi jusque dans le fond et le tréfond de son être, il est peut-être curieux et piquant d’esquisser à traits pressés une vie singulière, que les Mémoires du dix-neuvième siècle ne donneront pas, et qu’en bonne conscience l’Histoire littéraire de cette époque ne pourrait décemment oublier. […] Balzac en avait été profondément frappé, lui que si peu de chose pouvait atteindre du fond des merveilleux édifices qu’il bâtissait, les yeux sur l’avenir. […] Brucker alluma dans sa tête ce système, asphyxiant pour les imaginations vives, le Fouriérisme, et c’est ainsi que le suicide de sa vie, il ne l’accomplit que sur sa raison… C’est dans cette orageuse période de sa jeunesse qu’il écrivit avec un talent haletant et convulsé le livre intitulé Mensonge, où la Critique put remarquer un effrayant chapitre intitulé Le Fond des âmes, enlevé dans l’amère et ironique manière d’Henri Heine, un des plus grands poètes qui aient paru depuis Byron, mais une fleur de poésie mortelle aux âmes qu’elle touche, comme le laurier-rose, dont elle a les suavités de teinte et les poisons. […] Avant de tomber jusqu’au fond de l’abîme de sa vie, le rayon divin lui en dora les sommets.
» Au fond, c’est curieux qu’une boutade comme celle-là, ait le pouvoir d’inspirer de tels ressentiments dans une classe de gens. […] Le souvenir de ces êtres fond, dit-il, et il ne reste dans votre souvenir, que des réminiscences, pour ainsi dire, irréelles. […] Ça ne fait rien, le romancier, c’est au fond un grand, un très grand imaginateur. […] Sur l’armoire remplie de livres, prenant tout le fond de la pièce, se trouvent pendus quatre kakémonos. […] Mais au fond, il est amusant avec sa parole spirituellement exubérante.
Mais prenez-le tout entier, et vous vous trouverez en face d’un cas moral des plus intéressants et des plus irritants à la fois, par l’impossibilité où l’on est d’y voir clair jusqu’au fond. […] Qui donc connaît le fond des choses ? […] Rochefort est au fond très fier de sa noblesse, et de remonter à Louis le Gros, et qu’un jour, comme on lui rappelait que sa famille avait été alliée aux Talleyrand, il laissa entendre que tout l’honneur était pour eux. […] Il jouit de cette volontaire perversion de sentiments qui lui fait, comme on a dit, outrager ce qu’au fond il estime et exalter ce qu’il méprise. […] Mais au fond, rien de plus uni, de plus cohérent que l’âme d’un sectaire ou d’un forban.
Ceci établi, quel est le caractère essentiel de la tendance ou tension qui se trouve au fond de tout désir, et aussi de tout penchant plus ou moins conscient ? […] Pour lui, la tendance active qui se manifeste au fond de toute impulsion n’est que la tendance de la représentation dominante à se maintenir contre les représentations opposées, à atteindre son summum d’intensité et à s’élever ainsi dans la conscience au plus haut degré de clarté possible. […] Voici, par exemple, des vers et chenilles de diverses couleurs qui sont dans la verdure : celles dont la couleur se trouvera trancher plus sur le fond vert seront aperçues des oiseaux et dévorées ; celles qui auront par hasard une nuance rapprochée du vert se confondront avec le feuillage et seront épargnées. […] Au reste, nous ne pouvons avoir sur le fond des choses que des formules symboliques. […] C’est pour cette raison que l’existence même de cette activité a pu être niée ; mais l’impossibilité de représenter sous la forme d’un état particulier ce qui est le fond commun de tous nos états, ne prouve nullement que l’activité n’existe point et même n’ait pas conscience de son existence.
Quel que soit le fond dernier de notre être (ce qui est une question de métaphysique), ses déterminations caractéristiques sont, ou natives par l’effet de l’organisation, ou acquises par l’association des représentations et par la mémoire, qui tient elle-même à l’organisme. […] Je pense signifie au fond : moi, je pense comme vous, selon les mêmes lois que tous. Ce qui a encore accusé le contraste de la pensée impersonnelle avec la personne individuelle, c’est la vie en société, parce que la pensée impersonnelle est au fond une pensée sociale : c’est ce qu’on nommait chez les anciens la raison commune, ϰοινὸς λόγος, et ce qu’on nomme encore le sens commun. La pensée sociale ou logique sociale a son expression dans le langage, et l’intime union des deux vient de ce que la pensée, comme le langage, est au fond un moyen de communication et de communion entre l’individu et le groupe. […] Que ce sentiment, après s’être répété un grand nombre de fois, finisse par se détacher de la masse et, grâce à la réflexion, se pose à part, ce sera un commencement de pensée, et ce sera aussi, à son début, l’idée d’union, d’unité, de convergence, de consensus, qui fait le fond de l’idée du moi.
C’est qu’au fond les plus grands événements de la terre sont petits en eux-mêmes : notre âme, qui sent ce vice des affaires humaines, et qui tend sans cesse à l’immensité, tâche de ne les voir que dans le vague, pour les agrandir. […] Nous arrêterons un peu le lecteur sur ce sujet : il importe trop au fond de notre ouvrage, pour hésiter à le mettre dans tout son jour. […] Trop loin de la nature et de la religion sous tous les rapports, on ne peut représenter fidèlement l’intérieur de nos ménages, et moins encore le fond de nos cœurs.
Comme suite à la grille, vers le fond de l’allée, une porte grillée aussi, et non fermée, donnait entrée dans le bureau. […] La mère malade, et à jamais brisée au dedans, ne bougeait guère du fauteuil placé près de la fenêtre du fond. […] Ses lettres, à lui, étaient simples, sous enveloppe, sans cachet, adressées à Paris, poste restante, à un nom de femme qui ne devait pas être le véritable ; il semblait qu’elles fussent au fond bien plus sérieuses. […] Elle se taisait dans son fauteuil du fond, et palpitait, à en mourir, autant que sa chère enfant. […] C’était dans une chambre du fond proche de celle de Mme M…, qu’on vivait retiré.
Tel il était à l’âge de quarante-trois ans, tel au fond il resta jusqu’à la fin ; mais les dix années finales (1815-1825) où il devint et où il fit un personnage populaire, méritent d’être comprises à part : aujourd’hui je ne m’occuperai que du premier Courier, du Courier avant le rôle et le pamphlet. […] Vers la fin, engagé dans le parti libéral, il a fait quelques politesses à ce qu’on appelait les jeunes talents ; mais, en réalité, il n’a jamais prisé les plus remarquables des littérateurs et des poètes de ce siècle, ni Chateaubriand, ni Lamartine, qu’il raille tous deux volontiers à la rencontre ; il leur était antipathique ; c’était un pur Grec, et qui n’admettait pas tous les dialectes, un Attique ou un Toscan, au sens particulier du mot : « Notre siècle manque non pas de lecteurs, mais d’auteurs ; ce qui se peut dire de tous les autres arts. » C’était le fond de sa pensée. […] Il renouvelle en toute occasion, à cette heure splendide, ce blasphème contre l’histoire qu’il a trop vue du fond du cul-de-sac sanglant de la Calabre : Oui, monsieur, écrivait-il à M. […] Au fond de la Calabre, à cette extrémité de la Grande-Grèce, près de Tarente, en face de la Sicile qu’il convoite et qu’il voit là de l’autre côté du canal, « comme de la terrasse des Tuileries vous voyez le faubourg Saint-Germain », il a des accents et des tons pleins de chaleur et de largeur : Quant à la beauté du pays, les villes n’ont rien de remarquable, pour moi du moins ; mais la campagne, je ne sais comment vous en donner une idée : cela ne ressemble à rien de ce que vous avez pu voir. […] Les mécontents et les déclassés d’un régime, quand ils sont aussi riches de fond que Courier, et aussi armés de talent, se trouvent tout préparés du premier jour pour le régime suivant… 39.
Et ici, ce n’est pas même l’Histoire, pour laquelle il me semble beaucoup moins fait que pour l’analyse des œuvres de l’esprit et leur appréciation, que je reproche à l’écrivain : c’est l’absence de moralité certaine, de cette moralité qui doit être le fond de toute Histoire, et qui, pour cet homme trop anglais, n’est jamais tout au plus que cette espèce de comfort moral que les plus délicats parmi ses compatriotes expriment adroitement du grossier principe de l’utilité ! […] Il y en a un sur Goldsmith, sur Atterbury, sur Bunyan, sur Addison, vu jusqu’au fond de son dernier sourire comme à travers un cristal, — cet Addison, un Voltaire doux et pur, absolument comme Fénelon était un serpent sans venin, — et enfin sur Johnson, ce Samson anglais par la force de l’esprit comme par la force du corps, un grand critique anglais, mais, hélas ! […] Il est évident que l’homme et le talent sont pénétrés par Macaulay à travers tout ce qui ferait rempart pour un autre, et qu’il arrache la personnalité vraie, l’entéléchie, comme dirait Aristote, à cette nature épaisse, têtue, troublée, caverneuse, despotique et méchante, mais géniale au fond et tendre tout au fond ; car il aima sa femme d’un amour divinement fidèle, ce monstre de chair, d’esprit, de mémoire, de scrofules, ce Caliban de tout, qui s’appelle Samuel Johnson ! […] Quand le sujet tourne à l’histoire, le talent de Macaulay entre dans l’ombre de ses préjugés d’Anglais, et il y disparaît comme sous une voûte ; mais quand il revient à un homme ou à une question de littérature, son talent reparaît comme par enchantement dans la lumière, et il a sa vraie vie alors ; car l’auteur des Œuvres diverses est fait non seulement par le fond de l’esprit, comme tout le monde, pour la lumière, mais il est fait pour elle par la forme extérieure de sa pensée. […] L’auteur du Guillaume III et du Jacques II, qui n’est, après tout, que l’avocat très instruit, très ardent et aussi retors que s’il était froid, d’un parti, avait mieux à faire, pour l’état de services de sa gloire, qu’une histoire qui pourrait bien n’être, au fond, sous des formes larges et décevantes, que le plus éloquent des pamphlets.
Ce qui fait l’esprit et le fond de moralité des Lettres, ce n’est pas tout à fait, je le sais bien, la frugalité un peu rustique des Caton l’Ancien et des Fabricius ; la Muse, sans se corrompre, peut se permettre certaines élégances et délicatesses ; on peut dire même qu’elle en vit. […] au fond, la vraie sagesse, c’est la modération en toutes choses. » Certes, une telle tentative est honorable, une telle perspective ainsi présentée est spécieuse : mais est-ce là véritablement aller au fond des choses ? […] Le livre sur Jacqueline Pascal est d’ailleurs une très-bonne publication, qui réunit à l’intérêt du fond les qualités littéraires, et cette sorte de prestige éloquent que la plume, comme la parole de M.
Toutes les fois que l’auteur a besoin d’un personnage, il l’appelle du fond du néant, comme dans les contes de fées ou comme dans les contes de Voltaire, et le personnage obéit contre toute vraisemblance au signe de l’écrivain. […] Il sort enfin de cet asile quand Cosette a fini son éducation, et il déterre une maison isolée de la rue de Babylone, au fond d’un jardin. […] De longs rideaux de damas fond rouge à trois couleurs, pareils au lit, pendaient aux fenêtres du premier étage. […] Un fond de guerre remua en elle. […] Elle fond à l’amour, qui est son soleil.
Un dîner à 35 sous, un dîner bourgeois dont le fond est la soupe et le bouilli, et qui est le dîner de la littérature dans les moments de désargentement et de panne. […] Au fond un château Louis XIII. […] » Et dans le dîner qu’il nous donne au Moulin-Rouge, apparaît, au fond de ses pensées et de ses paroles, comme une charge pesante, une responsabilité sérieuse, presque une tristesse effrayée de tant d’or inespéré. […] Dans ce corps en retraite, tout fuit et s’efface et s’estompe, sauf une jambe qui avance, un genou qui se détache et sort du fond de la terre rose. […] Une vieille femme à cheveux blancs vous introduit dans une salle à manger, où sont encadrées, sur fond noir, des mains découpées sur du papier blanc et ponctuées de lignes, et margées d’annotations tracées à la plume.
Le système nerveux des races s’use comme celui des individus ; le fond de sensations et de sentiments communs à un peuple a toujours besoin d’être renouvelé et rafraîchi par l’assimilation d’idées nouvelles. […] L’idolâtrie de la forme aboutit le plus souvent au mépris pour le fond : tout devient matière à beau style, même le vice, surtout le vice. […] Sur le fond de mes nuits, Dieu de son doigt savant Dessine un cauchemar multiforme et sans trêve. […] Il n’en est pas moins vrai que le fond de l’art n’est point indifférent, et que l’art immoral demeure très inférieur, même au point de vue esthétique. […] En plaçant ainsi la fin de l’art en dehors du fond même de l’art (nous ne disons pas seulement de sa forme), on le rabaisse, on l’altère, on le fait dégénérer.
Nous ne pouvons pas dire comme Hafiz : « Laissez-moi vider ma coupe » sans savoir quelle lie amère il peut y avoir au fond du verre, et quel déboire suivra l’ivresse ? […] Chute sans fond d’où l’on ne remonte que le cœur brisé et par un effort surhumain de vigueur morale. […] Jamais, avant ce jeune homme, la poésie n’avait volé avec autant de liberté et d’envergure du fond des égouts au fond des cieux. […] Quel que soit le souci que ta jeunesse endure, Laisse-la s’élargir cette sainte blessure Que les noirs séraphins t’ont faite au fond du cœur ; Rien ne nous rend si grands qu’une grande douleur. […] Cependant des vieillards, des enfants et des femmes, Se barbouillaient de lie au fond des cabarets, Tandis que de la nuit les prêtresses infâmes Promenaient çà et là leurs spectres inquiets.
. — Le Beffroi (fond.), Mercure de France, Revue Encyclopédique, Revue Dorée, Ermitage. […] Collaboration. — Les Essais de Jeunes (fond.) L’Effort (fond.) le Midi Fédéral (fond.) […] Collaboration. — (Fond.) […] Aube Méridionale (fond.)
Au devant de la façade du palais, sur le fond, des femmes qui élancent de joie leurs bras vers un enfant. […] Sur le fond une table couverte d’une nappe. […] Sur le fond à gauche, au-delà des berceaux, des femmes tremblent pour lui.
J’y trouve quand même un fond de vérité. […] est au fond. […] Un fond si solide que j’en suis moi-même effaré. […] Au fond je ne suis pas fâché d’avoir attendu. […] Il y est, quelquefois bien au fond, mais il y est.
Heureusement pour Poe que de toutes les inventions la meilleure est l’expression, — cette petite chose immortelle, — et qu’il se sauve du fond des choses, comme les poètes, par quelques détails. […] La Table rase de Descartes est un mensonge, et jusque dans le fond de nos âmes nos pères sont plus puissants que nous ! […] Il y est caché au fond du grand poète. — Et parce qu’il y est faute de sujets moraux et grands, faute d’idées, faute de grandes croyances, faute d’imposantes certitudes, on peut dire hardiment que c’est le Bohème qui l’y a mis ! […] réellement, je suis contristé pour l’honneur du poète de Ligeia et du Corbeau, qu’on ait raclé le fond du bassin de ses œuvres et qu’on en ait tiré un tel gratin… Mais humainement, mais historiquement, c’est autre chose ! […] C’est peu de chose, comme on voit, mais le fond de l’histoire, c’est toujours l’Amérique, l’Amérique avec le matérialisme impitoyable de sa société, meurtrière de tout idéal.
* * * « Intimes », oui, puisqu’il y découvre ou y laisse apercevoir souvent le fond même de sa pensée sur la vie. […] Ses livres laissaient loyalement paraître que le fond du « naturalisme » était la « délectation morose » des théologiens, et que l’attachement même à considérer le laid y était encore une forme détournée de l’impureté. […] Les nerfs de Durtal ne lui permettent de séjourner que dans les extrêmes : il va jusqu’au bout du catholicisme, et jusqu’au fin fond. Or, le fond, c’est le monde considéré comme le champ de bataille de Dieu et du démon ; c’est la foi au surnaturel continu, au miracle chronique, à l’action directe et personnelle de Dieu sur les âmes et au jeu de la réversibilité des mérites. […] Avant de toucher ce vrai fond de Henri Lavedan, voyons d’abord en lui ce qui, tout de suite, apparaît.
Il est sage de s’en tenir à ces formalités sommaires puisqu’au fond « tout n’est que célibat ». […] Vivons dans le recueillement au fond de notre tour d’ivoire11. […] Le douloureux Charles Guérin, replié sur lui-même au fond de sa province étroite et mesquine, se souffle « Sois athée ! […] « Soyez chastes », ordonne à tous Germain Nouveau du fond de son exil errant. […] Désespéré de l’accord impossible, il se résigne, avec son fond de solide bonhomie, à vivre en partie double, parallèlement, et s’assied entre le vice et la vertu.
Au fond, c’est la pensée fixe de l’homme. […] Au fond de ce monologue à bâtons rompus, je sens la préoccupation et la terreur du au-delà de la mort, que donne aux esprits les plus émancipés l’éducation religieuse. […] Sur un fond brun violacé, des arabesques, genre Pompéi, en camaïeu d’un blanc bleuâtre, et où l’on voit, sous une figuration de la Légion d’honneur, Honneur et Patrie, d’un côté une tête d’homme antique surmontée d’un aigle, de l’autre, une tête de femme antique surmontée d’un crocodile. […] * * * — Au fond, la médisance est encore le plus grand lien des sociétés. […] Là, nous voyons des clowns, des sauteurs, des franchisseuses de cercles de papier, qui font leur métier et leur devoir : au fond, les seuls acteurs dont le talent soit incontestable, absolu comme les mathématiques ou mieux encore comme le saut périlleux.
Vendredi 9 mai Les attaques, ça vous embête, mais au fond c’est bon. […] Toute la journée, je suis à l’émotion de leurs rugissements au bord des grands fleuves, et le soir, me rappelant tout à coup, que Burty fait une conférence sur mes dessins à l’École des Beaux-Arts, le quai Malaquais m’apparaît lointain, lointain, comme si j’étais au fond de l’Afrique, — et je reste au Zambèze. […] Au fond, il faut l’avouer, ça fait, en mon par dedans, une espèce de tristesse qui se traduit par un cassement de bras et de jambes, une fatigue physique qui a le désir et le besoin de dormir. […] Au fond c’est lui qui a introduit dans le livre l’amant bossu, les pieuvres, et le mot « merde ». […] Une épreuve du Haut d’un battant de porte, épreuve du premier état, avec le fond blanc, a été, sous le nº 30, de la vente Burty, poussée par moi à 350 francs, et achetée 400 francs par M.
Si quelqu’un avait pu se figurer une enfance et une jeunesse de La Mennais orageuse, passionnée et romanesque dans le genre de celle de Chateaubriand, il en faut bien rabattre : avec quelques-uns des mêmes éléments au fond et plus d’un signe interne de la même race, tout y est triste au dehors, sans lueur aimable et sans éclair décevant. […] A peine a-t-il fait un pas dans la cléricature qu’il ne se sent aucun attrait à poursuivre, il exprime sous forme mystique et symbolique des fautes dont il s’accuse, et dont il est permis à chacun de soupçonner la nature : « (La Chesnaie, 1810)… Je crois que le Seigneur m’éclaire malgré ma profonde indignité ; je crois reconnaître au fond de mon âme quelques faibles rayons de cette lumière qui annonce sa présence et prépare à la goûter. […] Tout glisse sur un fond d’apathie stupide et amère. […] Au milieu de ce vaste océan des âges, quoi de mieux à faire que de se coucher, comme Ulysse, au fond de sa petite nacelle, la laissant errer au gré des flots, et attendant en paix le moment où ils se refermeront sur elle pour jamais ? […] Au fond, ne nous devons-nous pas plus mutuellement que nous ne nous devons à qui que ce soit ?
Je pencherais volontiers au fond pour cet avis, mais je crains fort que le relevé ne se fasse pas et que l’héritage ne reste un jour en voie de liquidation. […] Il y a un fond de De Sade masqué, mais non point méconnaissable, dans les inspirations de deux ou trois de nos romanciers les plus accrédités : cela gagne et chatouille bien des simples. […] En lisant certains de nos romanciers en vogue, si vous voulez le fond du coffre, l’escalier secret de l’alcôve, ne perdez jamais cette dernière clef. […] Toujours et au fond de tout l’argent, le dieu caché, cæsus. […] Par malheur, il n’admettait à aucun degré l’indépendance de la pensée, et il oubliait que le talent n’est pas un vernis qu’on commande sur la toile à volonté ; il faut que tout le tableau ressorte du même fond.
De Maistre ne put jamais s’y faire ; mais il faut lui rendre cette justice que, tout en résistant à la solution moderne qui, au fond, n’est autre que l’ancienne, sauf qu'elle est moins revêtue de mystère, il s’est toujours posé le problème. […] Mais n’oublions pas le fond, son arrière-pensée fixe : « Le monde est dans un état d’enfantement », répète-t-il souvent en ces années 1815-1816. […] Ce qu’il espère au fond, homme tout d’une pièce, joueur intrépide et buté qu’il est, c’est que par un vigoureux effort et je ne sais quel coup de collier ou quel coup de dé venu je ne sais d’où, toutes choses reprendront leur ancienne assiette ; on regagnera d’emblée tous les points. […] Quant au fond de ses idées, on en tient peu compte avec lui, qui est un homme de parti pris, un écrivain tout de montre et de parade, et qui nous offre le plus singulier assemblage de toutes les prétentions et de toutes les boîtes à onguent de style mêlées on ne sait comment à d’heureuses et très heureuses finesses qu’on en voudrait détacher. Mais du fond des idées avec lui, je le répète, et de la solidité du jugement, il en faut peu parler.
À la fin, comme l’amour-propre est un gouffre sans fond, il n’y a pas de « noirceurs » dont ces bourreaux polis ne soient capables, et les personnages de Laclos ont eu leurs originaux302 Sans doute, ces monstres sont rares ; mais l’on n’a pas besoin d’avoir affaire à eux pour démêler ce que la galanterie du monde renferme d’égoïsme. […] Ce n’est pas que le fond des mœurs devienne différent ; elles restent aussi mondaines, aussi dissipées jusqu’au bout. […] Néanmoins la mousse de l’enthousiasme et des grands mots laisse au fond des cœurs un résidu de bonté active, de bienveillance confiante, et même de bonheur, à tout le moins d’expansion et de facilité. […] En prison, hommes et femmes s’habilleront avec soin, se rendront des visites, tiendront salon ; ce sera au fond d’un corridor, entre quatre chandelles ; mais on y badinera, on y fera des madrigaux, on y dira des chansons, on se piquera d’y être aussi galant, aussi gai, aussi gracieux qu’auparavant : faut-il devenir morose et mal appris parce qu’un accident vous loge dans une mauvaise auberge Devant les juges, sur la charrette, ils garderont leur dignité et leur sourire ; les femmes surtout iront à l’échafaud avec l’aisance et la sérénité qu’elles portaient dans une soirée. […] La jeune Mme de Francueil, voyant Rousseau pour la première fois, fond en larmes.
Ajoutez que les problèmes philosophiques, toujours identiques dans le fond des choses, se présentent à chaque époque sous des aspects différents. […] Le sujet pensant ne se perçoit donc pas à la manière des choses externes, comme un phénomène ou une collection de phénomènes ; mais ne l’oublions pas, il ne se connaît pas non plus dans son essence, dans son fond absolu. […] Ce qui est l’objet de l’intuition, c’est le sujet pensant lui-même, sujet qui ne se disperse pas et ne s’épuise pas dans les phénomènes, mais dont le fond substantiel aussi bien que l’origine et la fin échappe à toute intuition. […] Ainsi le sujet ne sait rien de son propre poids, il ne peut rien fixer de son étendue ; de plus il ne sait rien de sa profondeur ; son dernier fond est inaccessible. […] Le regard intérieur, quand il se replie sur nous-mêmes, redescend des phénomènes à l’activité, de l’activité à l’être ; mais au-dessous il plonge dans une nuit sans fond.
Le fond même du débat retiendra seulement notre attention un moment. […] Or, cette somme d’infiniment petits, ce complexus d’aperceptions de toutes sortes, quels sont-ils, sinon le fond même de notre personnalité, de notre âme, en un mot ? […] La vieille question du fond et de la forme n’est même pas à poser en poésie. […] Et n’est-ce pas à ces fins que nous ont préparés tous nos glorieux devanciers, grands initiés de tous les âges, prophètes et voyants, grands émancipateurs de la conscience humaine, dont nous ne pouvons évoquer le souvenir sans une étreinte au cœur, mais dont le verbe puissant sonne si haut tout au fond de notre rêve, que nous levons la tête pour les suivre ? […] Il ne s’accomplira rien dans l’humanité, rien de durable et rien de vaste, aucun grand mouvement social ne pourra se perpétrer au nom de la plus éclatante vérité, si ce n’est pas la Poésie qui promulgue celle-ci au fond des âmes !
Qu’il y a des nuances et que très souvent La Rochefoucauld dit : « toujours », mais qu’assez souvent aussi il dit « quelquefois » ; qu’il est beaucoup moins tranchant au fond qu’il ne paraît l’être au premier regard ; qu’il ne faut pas le voir comme un bloc. […] Fort bien ; mais dès lors, si l’on peut dissoudre les vertus dans les défauts qui les avoisinent, on peut dissoudre aussi les défauts dans les vertus qui sont proches d’eux et dire : « Tel homme désire briller et pour cela se met toujours en avant ; mais au fond de cela, il y a du courage. Tel homme veut qu’on le sache généreux ; mais, pour qu’on le sache, il l’est en effet ; il faut bien qu’il le soit même au fond pour faire tant de sacrifices à vouloir qu’on sache qu’il l’est. […] Et d’abord, c’est un jeu divertissant, donc une jouissance ; mais ce n’est pas seulement un jeu ; c’est posséder son auteur jusqu’en son fond, c’est saisir comme sa racine, comme le germe d’où son œuvre est sortie et d’où elle pouvait sortir la même sans doute, mais dans une autre direction ; et c’est en vérité le bien connaître. […] Que l’égoïsme, l’intérêt, l’amour-propre, comme il dit, est le fond de tous nos sentiments et le mobile de toutes nos actions. !
Gustave Flaubert est trop intelligent pour n’avoir pas en lui les notions affermies du bien et du mal ; mais il les invoque si peu qu’on est tenté de croire qu’il ne les a pas, et voilà pourquoi, à la première lecture de son livre, a retenti si haut ce grand cri d’immoralité qui, au fond, était une calomnie. […] Tel est le défaut radical d’un ouvrage qui se recommande par des qualités d’une grande force, mais que la critique devait signaler tout d’abord, avant tout détail et toute analyse, parce que ce défaut affecte l’ensemble et le fond du livre même, — parce que cette indigence de sensibilité, d’imagination, et je dirai plus, de sens moral et poétique, se retrouve à toute page et frappe l’œuvre entière de M. […] Cet homme de tempérament et de tournure, qui a l’usage des femmes perdues, et qui n’est qu’un vrai drôle au fond, a trouvé la femme du médecin jolie, et à la première vue, à une séance de Comices agricoles, il lui débite toutes les bêtises et toutes les vulgarités dont se compose cette chose facile, dont les hommes devraient être moins fiers : la séduction. […] Il fait des tableaux de grandeur naturelle, au pointillé, dans lesquels rien ne se fond et où tout se détache. […] Il y a deux sortes d’esprits : les Intuitifs, les Divinateurs, les Inventeurs qui, dans un fond de sac, inventeraient, devineraient, et verraient, et les Descripteurs, pour lesquels il faut que la vie vienne en aide à la pensée et qui, sans de certaines rencontres d’événements et de personnes, n’auraient pas une idée à leur service… M.
Le fond de cet ouvrage, pour lequel il trouve la qualification de Mémoires trop ambitieuse, n’ayant jamais de son chef agi ni ordonné, et qu’il intitule simplement Témoignages historiques, ce fond se compose donc des principales affaires d’État qui l’ont occupé, depuis son entrée au ministère, dix jours après le 18 brumaire, jusqu’à la Restauration. […] Il s’agissait, pour plusieurs maréchaux et généraux, de faire disparaître l’homme, ou, en d’autres termes, de frapper Napoléon au fond de quelque défilé ou d’un bois écarté, de creuser un trou et d’y ensevelir son corps, sans qu’on pût en découvrir la moindre trace. […] L’intelligence des grands hommes d’action est subordonnée à leur vouloir : dès qu’il y a urgence sur un point, elle s’y porte et y fond comme l’éclair : elle se garde d’ailleurs de distraire l’énergie par des perspectives de côté, réelles peut-être, mais intempestives.
S’il n’a rien de la morgue, de la pesanteur universitaire ou aulique, on lui voudrait un fond d’enthousiasme plus fécond ; sa fantaisie brillante paraît quelquefois bien leste à ces Français jadis réputés frivoles. […] Heine est au fond poète et poète de son pays, nous donne un vif regret de ne pouvoir l’apprécier dignement par ce côté. […] Quand il parle des hommes surtout, on reconnaît le poète, soit que sa fantaisie, enthousiaste au fond et capable d’ébranlement, le fascine, et qu’il les peigne grandioses ; soit que sa malice satirique les prenne sur le fait et nous offre leur masque en grotesques silhouettes. […] Je crois que l’artiste ne peut trouver dans la nature tous ses types, mais que les plus remarquables lui sont révélés dans son âme comme la symbolique innée d’idées, et au même instant. » Et il ajoute avec justesse que Decamps a le droit de répondre au critique qu’il a été, en peignant, fidèle à la vérité fantastique, à l’intention d’un rêve, à la vision nocturne de ces figures sombres courant sur un fond clair.
Écoutons : sous ces voûtes antiques Parviennent jusqu’à moi d’invisibles cantiques, Et la Religion, le front voilé, descend : Elle approche : déjà son calme attendrissant, Jusqu’au fond de votre âme en secret s’insinue ; Entendez-vous un Dieu dont la voix inconnue Vous dit tout bas : Mon fils, viens ici, viens à moi ; Marche au fond du désert : j’y serai près de toi ? […] Je vois dans les débris de Thèbes, de Carthage, Au creux des souterrains, au fond des vieilles tours, D’illustres pénitents fuir le monde et les cours. […] plus d’une fois les soupirs de l’amour S’élèvent dans la nuit du fond des monastères ; En vain, le repoussant de ses regards austères, La pénitence veille à côté d’un cercueil : Il entre déguisé sous les voiles du deuil ; Au Dieu consolateur en pleurant il se donne ; À Comminge, à Rancé, Dieu sans doute pardonne : À Comminge, à Rancé, qui ne doit quelques pleurs ?
Au fond, lorsqu’on y regarde, il méritait moins qu’il n’a eu. […] Je me fie à ce fond de vieux tiroir, qui ne fut ouvert peut-être qu’après la mort du doyen, et qui m’éclaire sa personnalité restée obscure. […] Pour être poète, dit le terrible et opiniâtre railleur, qui ne se déferre jamais de sa plaisanterie effrayante de vulgarité, il faut d’abord « ne pas croire à Dieu et lire la Bible pour y prendre des métaphores ; — ne rien savoir, puisque les plus beaux génies de ce temps n’ont pas, en connaissances, de quoi couvrir une pièce de six pence au fond d’une cuvette ; — traiter tous les auteurs comme des homards, dont on choisit le meilleur dans la queue et dont on rejette le reste au plat ; — avoir toutes prêtes des comparaisons comme le cordonnier a ses formes ». […] IV Tel est pour nous, cependant, ce fameux Jonathan Swift qu’on a osé comparer à Rabelais qui, du moins, fait entendre un rire inspiré du fond de sa fange.
ils y sont, ces aromes, et même ils y sont trop… Nous les avons trop respirés dans cette ardente cassolette d’or et de jais qui s’appelle Les Contes d’Espagne et d’Italie, pour ne pas être un peu blasés sur le parfum vieilli de ce flacon qui fut étincelant et enivrant et qu’on a respiré autrefois, et que vous retrouvez aujourd’hui dans le fond de votre tiroir, ô poète ! […] Moi qui suis persuadé que la douleur peut magnifiquement féconder un homme, je m’attendais à voir sortir le grand poète, le poète définitif, du fond de cette riche nature de poète qui s’est tant dépensée sur les grands chemins, en entrant dans toutes les auberges ; je m’attendais à le voir clore cette vie qui n’a eu qu’un tort, c’est d’être trop heureuse, mais qui ne l’a plus… Je dirai tout à l’heure les qualités du recueil, et si j’ai cité, à une strophe près, toute sa préface, c’est qu’elle donne bien la teinte générale de son livre, et, comme il le dit lui-même, sa senteur. […] — Les débris d’un miroir Que l’on retrouve un jour au fond d’un vieux tiroir ; La figure y grimace, et la glace brisée Nous y montre des traits dignes de la risée… Tombez, vieux chênes morts ! […] Il pouvait être, dans un recueil qu’il n’a pas fait, le poète qu’il est, j’en suis sûr, au fond de son âme, s’il veut bien aller l’y chercher.
Compromis, suspects, arrêtés quand ce Roman d’une conspiration commence, c’est du fond même de leur prison qu’ils vont continuer la conspiration interrompue. […] C’est, pour le fond, la crânerie ordinaire, illusionnée et bête, de toutes les conspirations. […] C’est que cette plume, bonne pour la guerre et pour l’Histoire, pour l’histoire qui se fait ou pour l’histoire faite, n’est pas la plume du romancier, de l’homme de la nature humaine désintéressée, à l’observation suraiguë, à la grande bonhomie, à la rêverie poétique, qui est le fond indispensable du romancier. […] Cette idée — militaire — d’une conspiration, a fasciné le polémiste, qui allait continuer de faire la guerre à tout ce qu’il hait, en la racontant… C’était si bien cela, et si peu la vocation du romancier qui le décidait, que le livre lui-même — ce Roman d’une conspiration — ne semble qu’un prétexte pour lancer toutes les bordées d’un esprit de parti accumulé, exaspéré depuis des années au fond d’un homme, et d’un homme qui a les sentiments très profonds.
Sans doute tu n’as pas songé que les feuilles des tilleuls, que les pins, les platanes étaient plus conformes à la nature, que le fond était plus vaporeux, les eaux plus profondes ; mais l’esprit qui plane sur cet ensemble t’élevait dans une sphère dont l’éclat t’enivrait. » Or c’est précisément cet esprit d’ensemble qui respire dans les paysages de M. […] Rien sur le premier plan, hormis quelques vêtements laissés : une blouse, des instruments de travail, une chèvre couchée auprès ; puis, au premier fond, derrière le monticule du premier plan, une espèce de ravin fourré d’arbres, et, dessous, quelque paysan qui sommeille ; plus haut, la côte du château, blanche, nue, calcaire, avec les ruines sévères qui la couronnent ; mais à droite, cette côte blanche s’amollissant en croupes verdoyantes, souples, mamelonnées, et au sommet de l’une de ces croupes, des génisses qui paissent, et un rayon incertain de soleil qui tombe et qui joue. A gauche, au pied de la montée, commence la plaine : le village est là avec son enclos de verdure, et sa flèche qui domine ; on distingue en avant les sillons des pièces labourées et les plans potagers des jardins, mais au delà du village la plaine fuit en s’élargissant ; les fermes et les enclos s’y effacent ; la rivière y serpente comme un filet ; le ciel est voilé, bien que spacieux, et de grands nuages échevelés le parcourent, venus de l’Océan ; pourtant çà et là il est crevé en azur, et quelque rayon effleure par places le lointain de la plaine : une fumée montante anime le fond et se détache en tournoyant sur l’uniformité bleuâtre des horizons redoublés qui se confondent avec le gris plus foncé des nuages.
Vous niez l’inspiration. » À cela nous avons répondu notamment dans notre dernier livre, page 11 : « Non, le travail n’est pas et ne peut pas être la négation de l’inspiration, parce que les ratures sont au fond bel et lien de véritables inspirations successives. […] C’est cela surtout qui est important ; c’est cela qui fait le fond de l’art d’écrire ; et c’est bien aussi sur ce point que nous avons le plus insisté dans nos livres. […] C’est le fond de notre enseignement.
Le problème est pour chacun d’eux le même au fond. […] Au fond, la Germanie christianisée demeura païenne à demi. […] Car au fond de quoi une nation a-t-elle essentiellement besoin ? […] C’est Ià le fond du charme latin. […] Il n’en est pas moins vrai qu’elle n’est pas tellement immorale au fond.
Pour éclairer l’avenir encore obscur de Constantinople, il remonte dans les profondeurs de son passé et nous peint, dans une fresque au plus éclatant vermillon, l’énorme et houleux panorama d’hommes et de choses qui s’étend, se roule et se perd à l’horizon des siècles, depuis les rives du Bosphore jusqu’au Danube, et du fond de la Perse au Pont-Euxin ! […] Mais ces qualités éminentes de coloriste et de poète, qui sont le fond de l’être artiste de Méry, ne nous ont donné qu’une volupté sans surprise ; nous les connaissions. […] Mais ce que nous avons vu avec bonheur, et ce que la Critique marquera comme un affermissement de l’intelligence de Méry dans une voie où cette intelligence devait s’avancer hardiment en raison même de l’élévation de sa nature, c’est la mâle et saine manière de penser sur les choses religieuses qui sont le fond de cette grande histoire, que Gibbon, malgré un talent qui approchait du génie, n’a pas su juger parce qu’il n’était pas chrétien.
Mais il l’était au fond. Or, c’est ce fond intime et permanent que M. […] Au fond, il n’est point si faux. […] Mais au fond et malgré les inexactitudes et les partis pris relevés chez M. […] On sent que la constitution de l’âme de Napoléon devait être, au fond, telle qu’il nous la montre.
On vit bien dans cette circonstance la fidélité qui est le fond du caractère breton. […] Au fond je sens que ma vie est toujours gouvernée par une foi que je n’ai plus. […] Dans la bouche de personnes en qui j’avais une confiance absolue, ces saintes inepties prenaient une autorité qui me saisissait jusqu’au fond de mon être. […] Au fond de la cour était la maison, au toit aigu, au pignon tapissé de lierre. […] Repoussée, désespérée, la pauvre fille dépérissait, son œil s’égara, mais elle s’observait ; au fond personne ne voyait son secret, elle se rongeait intérieurement. « Quoi !
Si le positivisme des Comte et des Spencer a fini, comme nous le disions, par se couronner d’une métaphysique, c’est qu’il y avait, au fond et par-delà l’apparence, une métaphysique d’impliquée dans les affirmations premières de leur positivisme. […] Ou bien enfin, le monde extérieur existe, mais entre l’idée que la constitution de notre esprit nous permet d’en prendre et la réalité de ce qu’il est en son fond, il n’y a pas de rapport à nous connu, de communication certaine, de ressemblance ou d’analogie ; — et c’est la troisième solution. […] On a cru pouvoir dire que notre croyance « à la réalité d’une chose effective cachée sous les apparences » n’était pas plus indestructible que « celle du mouvement de la sphère céleste autour de la terre. » On a dit encore que le raisonnement de Spencer « revenait au fond à supposer l’absolu », qu’on lui déniait. […] La réduction, admise aujourd’hui de l’unique objet déterminable aux phénomènes mécaniques, forme extérieure de tous les inconnus, ce grand progrèspour lascience, est, à vrai dire, l’abandon de toute espérance de lui faire atteindre le fond des choses11. » C’est le point de vue même de l’agnosticisme, et l’Inconnaissable est précisément « le mystère de ces forces dont nous mesurons les effets », sans en pouvoir définir la nature. […] Obligée de convenir aujourd’hui qu’elle ne va pas au fond des choses, — que le sous-sol de son domaine, pour ainsi dire, échappe à son exploitation, — et quelle ne saurait nous dire ni ce que c’est que la chaleur, ni ce que c’est que la vie, ni ce que c’est que la pensée, quels titres aurait-elle à nous parler de notre destinée, des lois de notre conduite ou de la force qui gouverne le monde ?
disait le poëte ; et c’est un souhait qui s’élève cent fois au fond de notre cœur. […] N’oublie pas ce jeune homme que tu vois par le dos proche d’elles, courbé vers le fond, et s’occupant du même travail. […] L’abbé ne s’y méprit pas, il devina quelque chose de ce qui s’était passé au fond de la mienne. […] Plus encore sur le fond et presque en pleine mer, un vaisseau à la voile, et fesant route vers la fabrique ; puis une étendue de mer obscure, illimitée. […] Prêtres, placez vos autels, élevez vos édifices au fond des forêts.
Trois ou quatre sentiments, à qui va au fond, défrayaient la lyre romantique. […] Le mouvement scientifique et critique qui emporte notre âge est, au fond, hostile aux poètes. […] Et le fond d’or ? Qu’est-ce que ce fond d’or ? […] Zola le fond de l’homme.
Je dirai tout : oui, un baiser me plairait, un baiser plein de tendresse ; mais surtout la voir, la contempler, rafraîchir mes yeux, ma pensée, en les reposant sur ce jeune front, en laissant courir devant moi cette âme naïve ; parer cette belle enfant d’ornements simples où sa beauté se rehausserait encore, la promener les matins de printemps sous de frais ombrages et jouir de son jeune essor ; la voir heureuse : voilà ce qui me plairait surtout et ce qu’au fond mon cœur demande. […] VIII Il y a des hommes qui ont l’ imagination catholique (indépendamment du fond de la croyance) : ainsi Chateaubriand, Fontanes ; les pompes du culte, la solennité des fêtes, l’harmonie des chants, l’ordre des cérémonies, l’encens, tout cet ensemble les touche et les émeut. — Il y en a d’autres qui (raisonnement à part) ont la sensibilité chrétienne , et je suis de ce nombre. […] J’ai commencé franchement et crûment par le xviiie siècle le plus avancé, par Tracy, Daunou, Lamarck et la physiologie : là est mon fond véritable. […] XXIX (Après une séance de la Chambre des Pairs :) Qui n’a pas vu une armée de braves en complète déroute, ou une assemblée politique qui se croyait sage, mise hors de soi par quelque discours passionné, ne sait pas à quel point il reste vrai que l’homme au fond n’est qu’un animal et un enfant : — (Ô éternelle enfance du cœur humain !)
Nous remontons sans doute au moyen âge aussi ; mais c’est là, surtout au théâtre, une fièvre chaude, un peu factice, et qu’il est difficile de faire partager au grand nombre : au lieu qu’avec le xviiie siècle, nous ne nous sentons pas tellement éloignés que cela ne rentre aisément dans nos goûts au fond et dans nos mœurs, sauf un certain ton, un certain vernis convenu qu’on jette sur les personnages, un peu de poudre et de mouches qui dépayse et rend le tout plus piquant. […] Une comédie pourtant qui ne roulerait au fond que sur une certaine plaisanterie physiologique et sur une aventure matérielle, serait classée par là même ; en amusant beaucoup, elle ne passerait jamais un étage secondaire ; un conte de La Fontaine reste un conte, et Sganarelle, bien que né d’un même père, n’est en rien cousin germain du Misanthrope. […] Voilà les questions qui s’agitent, voilà le fond et le nœud, si M. […] J’en demande bien pardon, mais il y a là une véritable question physiologique au fond de la question littéraire (anguis in herbis) et qui ne fait qu’un avec elle.
Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ? […] Nul penseur historique n’a pesé, sur aucun document, ce qu’un tel souvenir a eu d’influence sur la destinée de Marie-Antoinette ; mais l’Histoire s’arrache aussi du fond des âmes ! […] Dans cette lumière qu’il faut allumer, et que MM. de Goncourt n’ont pas allumée, on distingue, on discerne jusqu’au fond mystérieux, mais clair, de cette merveilleuse source d’innocence ; on peut enfin juger cette vie, dont on dira encore : « Est-ce sûr ? […] VI Telle est, en quelques mots que nous voudrions pouvoir appuyer davantage, la Marie-Antoinette que MM. de Goncourt n’ont pas cherchée au fond de l’échafaud, et qui s’y trouve pourtant, qui n’est pas une chimère, soyez-en bien sûrs !
Au regard de ceux qui vont au fond de cette femme, peut-être plus profonde qu’on ne croit, Marie-Antoinette, cette reine de Trianon, avant d’être la reine de France et la reine du Temple, Marie-Antoinette, qui fut un instant si frivole d’apparence, avant d’être si sublime de réalité, ne semblait-elle pas avoir un côté historique bien tentant pour les statuaires en pâte tendre ? […] Nul penseur historique n’a pesé, sur aucun document, ce qu’un tel souvenir a eu d’influence sur la destinée de Marie-Antoinette ; mais l’histoire s’arrache aussi du fond des âmes ! […] Dans cette lumière qu’il faut allumer, et que MM. de Goncourt n’ont pas allumée, on distingue, on discerne jusqu’au fond mystérieux, mais clair, de cette merveilleuse source d’innocence ; on peut enfin juger cette vie, dont on ose dire encore « Est-ce sûr ? […] VI Telle est, en quelques mots que nous voudrions pouvoir appuyer davantage, la Marie-Antoinette que MM. de Goncourt n’ont pas cherchée au fond de l’échafaud, et qui s’y trouve pourtant, qui n’est pas une chimère, soyez-en bien sûrs !
Mais le poète devait passer d’abord, parce qu’en toute matière il est le premier par l’invention, et aussi parce qu’il est universel, car, au fond de toute invention, il faut qu’il y ait plus ou moins de poète. […] Alfred de Vigny, le fond incommutable de son génie, l’âme qui a rayonné, — pressentiment ou souvenir, — dans tout ce qu’il a écrit et tout ce qu’il écrira jamais, s’il écrit encore ! […] et sa descente du ciel vers les fascinantes vallées de misère qui l’attirent du fond de la béatitude, et ce Satan, que la fierté du génie de Milton n’a pas fait si terrible que la tendresse de M. de Vigny, car la séduction est plus redoutable pour les cœurs purs que la révolte, ce Satan qui a en lui la beauté attristée, la suavité du mal et de la nuit, l’attrait des coupables mystères : Je suis celui qu’on aime et qu’on ne connaît pas ! […] que le son du cor est triste au fond du bois !
Il y a un mystère au fond de son unité, et au principe de sa continuité un autre mystère. […] Il n’y a rien de fort sur l’esprit des hommes comme ce mot : « depuis toujours. » C’est que toujours est le fond du cœur et de l’esprit de l’homme, et qu’on le trouve au fond de toutes ses idées et de toutes ses croyances, comme au fond de ses désirs et de ses espoirs. […] C’est ici qu’est le fond permanent de sa pensée, plus tard modifiée et enrichie. […] Or l’amour de Dieu, ce n’est pas tout le christianisme, mais c’en est bien le fond. […] Au fond, dans cet état, c’est nous, très pur, que nous adorons.
Dimanche 16 janvier Aujourd’hui, au milieu d’une bronchite tournant à la fluxion de poitrine, de Nittis est soudainement entré avec mon immense portrait à l’esquisse un peu spectrale, et aussitôt s’établissant dans mon cabinet, il s’est mis à peindre, comme fond, la neige qui tombait dans mon jardin. […] * * * — Au fond, Racine et Corneille n’ont jamais été que des arrangeurs en vers, de pièces grecques, latines, espagnoles. […] Mardi 22 novembre Un mot de cet aimable blagueur d’Hébrard à Gambetta, lui demandant, s’il avait assez rebondi : « Oui, oui… pour rebondir, il faut toucher le fond… et tu l’as touché en plein ! […] Dimanche 27 novembre Eh bien, dis-je à Daudet, en nous asseyant au fond d’un salon de Charpentier, eh bien, votre roman du Midi ? […] L’autre criant, sur un ton de mépris colère : « Il faut les foutre dedans les électeurs… étant donnée l’intelligence du suffrage universel… si nous ne nous livrions pas à des malversations électorales… nous serions des dupes, des foutues bêtes… » Au fond ce que ce dernier criait : c’est la pensée intime de bien des républicains.
Il restera honnête et pur, cachant au fond de lui-même son incroyance. […] il s’en croyait frappé, au fond des os, jusqu’aux moelles… La vie voudrait-elle de lui encore, n’avait-il pas été marqué pour rester éternellement à part ? […] Nui doute ne demeure plus au fond de son être renouvelé par la joie de vivre. […] Sa raison qu’il croyait ensevelie parle au fond de lui-même. « Est-ce vivre en vérité, se disait-il, que de poursuivre, avec un cadenas au cœur, des œillères à la raison, une perfection chimérique ? […] On va noyer ta raison naissante au fond d’un marécage d’erreurs, on va t’accabler sous l’énorme flot des tromperies.
Où le fond est si léger, comment le style serait-il excellent ? […] De ce hors-d’œuvre, dont le génie vigoureux de Molière s’était bientôt dégoûté, Dufresny fit le fond de tous ses repas. […] Mais ce qui au fond la pousse à parler, c’est l’amour. […] C’est le fond de l’homme, que trouble, sans le changer, la passion. […] Qui verra la fin d’un genre de comédie dont les conditions seront le fond ?
L’amour dévorant et le sombre désespoir : voilà le fond de la fable. […] Il ne touchera pas moins le fond de notre cœur que le brillant chevalier, fils de roi, qu’il devint plus tard ; peut-être plus. […] Il ne faudrait point s’exagérer la valeur de telles études, car le vrai fond de toute création artistique reste inévitablement caché. […] La Gœtterdaemmerung est, à l’exception de quelques scènes une vaste symphonie ; elle s’étaie sur des paroles disparates qui ne sont, au fond, qu’un matériel pour la voix humaine. […] Quant à l’épuisement du sujet, personne ne douta plus aujourd’hui que les paroles, servantes de la logique, ne sauraient jamais nous révéler le fond d’une âme.
Ici encore, nous voyons que le logique et le mécanique ne sont pas, comme l’a cru Wundt, le fond du sensible, au contraire, le sensible est le fond du logique et du mécanique. […] Ils supposent que les mailles du réseau scientifique laissent apparaître par endroits le fond métaphysique de l’être, sous la forme de contingence, de commencement absolu, de libre arbitre, etc. […] Mais comme ce fond, ainsi conçu, échappe par définition même à notre intelligence, nous n’avons pas besoin de nous en occuper au point de vue intellectuel. […] Sensation et réaction motrice, c’est-à-dire volonté, voilà le fond de la vie. […] Sur ce thème fondamental et continu on peut broder toutes les harmonies imaginables ; on retrouvera toujours au fond le même accord essentiel : présent et avenir, souvenir et attente.
Au fond du jardin, et à toutes les fenêtres de tous les étages, sur le fond éclairé des cabinets, ainsi que dans les loges d’un théâtre, des têtes de femmes saluant de gauche et de droite, quelques-unes de leurs anciennes nuits ou peut-être quelques-uns de leurs louis d’hier. […] cette vieille Marie-Jeanne, il faut l’entendre, dans le fond de la boutique de mercerie de son fils, contant avec sa voix cassée le bon temps de la famille, et rabâchant cette phrase : « Nous partions de Sommérecourt. […] Au fond, la cervelle absorbée par les mathématiques, et passant la journée à faire sous une incessante promenade, du sable, des cailloux des petites allées de son jardin. […] Au fond la lorette n’est que l’exagération de la femme. […] Au fond, une recherche voulue, de petites mains, lavées, écurées, soignées comme des mains de femme — et avec cela une tête de maniaque, une voix coupante comme une voix d’acier, et une élocution visant à la précision ornée d’un Saint-Just et l’attrapant.
Il est sans fond, et il est riant. […] Tout le poëme de Job est le développement de cette idée : la grandeur qu’on trouve au fond de l’abîme. […] Puis il se tait pensif dans les ténèbres, montrant du doigt à l’humanité, là-bas, au fond de l’horizon, une continuelle augmentation d’azur. […] Le fond de l’enfer touché, Dante le perce, et remonte de l’autre côté de l’infini. […] Il faut savoir Ère, particulièrement, les livres du seizième siècle ; il y a dans presque tous, à cause des menaces pendantes sur la liberté de pensée, un secret qu’il faut ouvrir et dont la clef est souvent perdue ; Rabelais a un sous-entendu, Cervantes a un aparté, Machiavel a un double fond, un triple fond peut-être.
Nous avons vu cela aux Indes, quand Alexandre, et plus tard Gengiskhan ou Timour, y sont accourus du fond de la Macédoine et de la Tartarie avec des nuées de barbares, comme des bêtes de proie alléchées par l’odeur de la mort. […] Je vais, en peu de mots, vous introduire au fond de mes pensées les plus secrètes, comme au fond de la situation qu’une révolution si soudaine faisait à la France, dont je dirigeais la politique extérieure. […] Le ciel était un cristal sans fond, légèrement terni de cette brume chaude qui donne le vague aux horizons dont sans cela on toucherait de l’œil les bords. […] De temps en temps, du haut d’une colline, une échappée de vue me laissait entrevoir au fond d’un bassin de verdure les dômes resplendissants mais encore lointains de Florence. […] Tout mon bagage consistait dans une petite malle de bois au fond de laquelle était caché mon trésor, épargne de ma mère, qui ne dépassait pas soixante louis d’or.
Empirisme et dogmatisme s’accordent, au fond, à partir des phénomènes ainsi reconstitués, et diffèrent seulement en ce que le dogmatisme s’attache davantage à cette forme, l’empirisme à cette matière. […] Science et conscience sont, au fond, d’accord, pourvu qu’on envisage la conscience dans ses données les plus immédiates et la science dans ses aspirations les plus lointaines. […] Solidité et choc empruntent donc leur apparente clarté aux habitudes et nécessités de la vie pratique ; — des images de ce genre ne jettent aucune lumière sur le fond des choses. […] L’espace n’est d’ailleurs, au fond, que le schème de la divisibilité indéfinie. […] Au fond, cette seconde théorie diffère beaucoup moins qu’on ne croit de la première.
… » comme si elle voulait arrêter le trait mordant, au fond de la gorge de son mari. […] Au fond, cet article du Gaulois me donne le trac. […] Au fond, il n’y a pas à se le dissimuler, la pièce a du plomb dans l’aile. […] Au fond, un vrai peintre n’est jamais, dans ses tableaux, un illustrateur de littérature. […] Et dans le fond du jardinet, une femme, une troublette à la main, pêchant dans le fond d’un tonneau, coupé par le milieu, des ablettes, et les jetant à Luce — c’est le nom de la cigogne, qui les attrape au vol.
Les gens que vous avez le plus écoutés autrefois sont infiniment secs, raisonneurs, critiques, et opposés à la vraie vie intérieure5 : si peu que vous les écoutassiez, vous écouteriez aussi un raisonnement sans fin, et une curiosité dangereuse qui vous mettrait insensiblement hors de votre grâce, pour vous rejeter dans le fond de votre naturel. C’est, en effet, le naturel du duc de Chevreuse qu’il faudrait refaire de fond en comble. […] » J’irai tout d’abord au fond, et je dirai : L’idée qu’on prend du duc de Bourgogne quand on a lu Fénelon n’est pas exactement la même que celle qui nous est donnée par la lecture de Saint-Simon. […] La religion, qui lui attire des critiques, est le seul appui solide pour le soutenir ; quand il la prendra par le fond, sans scrupule sur les minuties, elle le comblera de consolation et de gloire. […] Dans son exil, et malgré ses restes de relations confidentielles à la Cour, il n’était plus bien informé du fond ; il dit à tout moment qu’il est mal instruit de l’état général des affaires, et il a raison ; il n’en juge que comme le public et, selon qu’il le dit, par les morceaux du gouvernement qu’il entrevoit sur sa frontière.
Léon, au fond, n’est pas grand-chose ; cependant il est jeune, il a l’air aimable, il croit aimer. […] Ce discours solennel, officiel, et qu’on a soin de remplir de pathos, coupé de temps en temps par cette tendre déclaration en mineure et ces roucoulades sentimentales non moins banales au fond, est d’un effet très heureux, toujours ironique. […] Elle en vient, dans son égarement de passion, jusqu’à ne plus supporter un jour d’absence loin de Rodolphe, et à réclamer un enlèvement, à implorer une chaumière avec lui au fond des forêts, une cabane au bord des mers. […] Flaubert demeure très âpre et ironique ; le ton n’est jamais tendre ni complice : au fond, rien n’est moins tentant. […] J’ai connu, au fond d’une province du centre de la France, une femme jeune encore, supérieure d’intelligence, ardente de cœur, ennuyée : mariée sans être mère, n’ayant pas un enfant à élever, à aimer54, que fit-elle pour occuper le trop-plein de son esprit et de son âme ?
Walckenaer en particulier, nous nous condamnons à n’en rien dire de bien nouveau pour le fond, et à ne faire au plus que retraduire à notre guise et motiver un peu différemment parfois les mêmes conclusions de louanges, les mêmes hommages d’une critique désarmée et pleine d’amour. […] Il avait fini évidemment par y voir surtout un cadre commode à pensées, à sentiments, à causerie ; le petit drame qui en fait le fond n’y est plus toujours l’essentiel comme auparavant ; la moralité de quatrain y vient au bout par un reste d’habitude ; mais la fable, plus libre en son cours, tourne et dérive, tantôt à l’élégie et à l’idylle, tantôt à l’épître et au conte : c’est une anecdote, une conversation, une lecture, élevées à la poésie, un mélange d’aveux charmants, de douce philosophie et de plainte rêveuse. […] Nous conseillons aux curieux de comparer ce passage avec la fin de la deuxième épître d’André Chénier ; l’idée au fond est la même, mais on verra, en comparant l’une et l’autre expression, toute la différence profonde qui sépare un poëte artiste comme Chénier, d’avec un poëte d’instinct comme La Fontaine. […] Chez Molière au contraire, chez Dante, Shakspeare et Milton, le style égale l’invention sans doute, mais ne la dépasse pas ; la manière de dire y réfléchit le fond, sans l’éclipser. […] C’est alors surtout qu’il se livra, pour se désennuyer, à la société du prince de Conti et de MM. de Vendôme dont on sait les mœurs, et que, sans rien perdre au fond du côté de l’esprit, il exposa aux regards de tous une vieillesse cynique et dissolue, mal déguisée sous les roses d’Anacréon.
. — Le Fond du verre (1856) […] André Lemoine Amédée Rolland nous appartient comme l’auteur de deux recueils lyriques : Matutina et le Fond du verre, ouvrages spirituels, faciles, mais dans lesquels on trouve plus d’étrangeté que d’originalité.
De tout temps, au fond, ç’a été l’essence même de l’Art. […] C’est pourquoi toutes les religions ont à peu près le même fond. […] La forme, la formule nous intéresse autant sinon plus que le fond. […] La Musique est le fond originaire de nous-mêmes et de toutes choses. […] Au fond, M.
L’article de fond disparaîtra du journalisme. […] Le mercantilisme est au fond un très mauvais calcul. […] Avec quelle avidité on a regardé le fond de leur âme ! […] Mais ce n’est là, pour ainsi dire, que le fond général du tableau. […] Chateaubriand regarda au fond de ce cœur, comme il avait regardé au fond du cœur de toutes ses victimes.
Le Carrache a placé sur le fond une Ste Anne qui s’élance vers sa fille, en poussant les cris les plus aigus, avec un visage où les traces de la longue douleur se confondent avec celles du désespoir ; vous avez mis sur le fond du vôtre un homme qui fait à peu près le même effet. […] La Vierge passe sur le Du même. fond du tableau, portant entre ses bras l’enfant Jesus.
Au fond, une image soudaine vers laquelle tout semble converger, est la silhouette simple et placide de Parsifal, debout sur le rempart. […] Au premier plan, une triste hutte, maigrement découpée sur le fond, si gai et si riche, des arbres élevés, et à droite une fontaine sous un massif de verdures amoncelées. […] Du fond, à droite, surgit un groupe marchant lentement et d’un air accablé. […] Cette vision des gestes désordonnés de Klingsor, de cette forme immobile et bleuâtre, de ces vapeurs sur ce fond noir, suffit à imprimer au spectateur une sensation d’horreur et de trouble. […] Depuis la seconde représentation, Hunding vient mourir au fond du ravin et M.
En retour, l’aïeul, du fond de son repos, veillait paternellement sur ses descendants ; il inspirait leurs conseils et les protégeait dans les périls de la vie. […] Les transformations successives que l’idée de la vie future revêtit dans le monde antique n’atteignirent point au fond cette foi primordiale. […] Il prédisait encore que mon père darderait sur moi son œil flamboyant, du fond des ténèbres ; trait perçant que lancent les morts non vengés, qui livre le maudit aux terreurs nocturnes, et le chasse avec un fouet d’airain, hors de la cité. » — Oreste est donc lancé par la fatalité vers son crime qu’une autre fatalité châtiera. […] Deux bouches ardentes soufflent sur sa cendre pour susciter la colère qu’elle couve, leurs cris perçants aiguillonnent le mort au fond du tombeau. — « Plût aux dieux, ô Père ! […] Comme le damné du Dante qu’un serpent fond sous son étreinte, il s’identifie au dragon nocturne, et se réjouit du sang que lui promet sa morsure. — « Que par moi ce songe s’accomplisse !
L’homme passe, ce drame reste, ayant pour fond éternel la vie, le cœur, le monde, et pour surface le seizième siècle. […] Dans Cymbeline, on croit que Jachimo va devenir Iago, mais il fond. […] Elle est tout au fond de l’ombre, presque invisible à force de submersion dans la nuit, cette foule fatale, cette vaste et lugubre souffrance amoncelée, cette vénérable populace des déguenillés et des ignorants. […] Cela fait un frémissement qui dure peu, le fond de la douleur étant immobile comme le fond de l’océan.
Le fond, donc, et beaucoup de détails sont pareils. […] En son fond, Proudhon était certainement de ce second groupe d’esprits. […] C’est vaguement le fond de sa pensée. […] Il l’est quelquefois dans la polémique ; il ne l’est pas au fond. […] C’est bien dire qu’au fond il ne croit à rien, puisqu’il ne préfère pas.
Le Divin est le fond de la nature humaine174… Le tragique est le conflit du Divin aux prises avec lui-même dans l’Humanité. […] Mais avec le christianisme, l’esprit pénétra jusqu’au fond de sa nature spirituelle. […] Là, le salut public refoule au fond du cœur d’un général d’armée la tendresse paternelle. […] Tout ce qui est hors de propos, insignifiant, superflu, sans rapport avec le fond des choses, sans unité et sans sérieux, les impatiente et leur déplaît. […] Tout contraste entre le fond et la forme, le but et les moyens peut être risible.
Comme mademoiselle de Sombreuil, elle doit boire, jusqu’au fond, son calice de sang et de fange. […] Quant à, l’érudition qu’il atteste, et dont je suis le très respectueux et le très inutile serviteur, je la saluerai du fond de mon ignorance, mais ce sera tout. […] L’historien même est encore plus que le philologue au fond de la thèse que Cassagnac pose et discute pour son compte, après avoir jeté bas celles des autres. […] C’est le journaliste qui fera bomber, sur son fond d’œuvres, le relief de sa médaille historique. […] … Pour qui savait bien le juger et pénétrer dans le fond de sa conscience politique, Granier de Cassagnac était un autoritaire et un monarchiste.
Charles une erreur de fond. […] Au fond, ce n’est guère varié. […] Le fond de tableau est admirable. […] Soyez sûr qu’au fond c’est l’idée de Spencer. […] Qui donc sonde le fond des choses ?
Ce livre-ci a plus que jamais cette liquidité qui noie tout, qui fond tout dans des mots qui luisent. […] Au fond, tout cela n’est que rêves, et de quel rêveur ! […] Renan, en lui faisant la part la plus large, est d’être un coloriste assez doux sur un fond de ténuité superficielle. […] Rien, au fond, n’est moins peintre que lui… Rien de moins grand historien, à l’ampleur puissante et tranquille, que ce ramasseur de commérages au détriment de la grandeur intrinsèque des hommes et des choses, que cette espèce de portier d’institut dans l’Histoire, qui « cancane » sur les choses historiques comme les autres portiers sur les choses de leur quartier. […] Seulement, comme ils ont dit qu’il y avait un écrivain et un grand écrivain au fond du philosophe et que le sujet de l’Antéchrist prêtait à l’écrivain, je l’en ai ôté, je l’ai regardé… Et j’ai dit ce simple mot sur le grand écrivain, — ce mot qui ne voulait être qu’un mot, car il ne méritait pas plus !
Et d’abord, hâtons-nous de le reconnaître, la pensée qui respire au fond de toutes ses compositions est éminemment poétique. […] Non pas que cette conception poétique me paraisse au fond plus à réprouver que celle des lutins et des diables : l’esprit humain a toujours eu un faible pour les géants, et notre enfance a été bercée avec des contes d’ogres. […] Il fond sur les armées comme un cormoran, et de son poing fermé les écrase comme d’une massue. […] Quel poète, au fond du cœur, n’a senti murmurer cette plainte, qu’une muse brillante n’a point rougi de confier à M.
Cette Chinoise d’avant la mort, qui brûle sous le nez de son vénérable mari, d’un âge d’ancêtre, les pastilles qu’on ne brûle que sur le tombeau ; cette Chinoise idolâtre retrouve à chaque instant sur le fond des ruines de la patrie, le visage béni de son Quinet, éternellement regardé par elle, de face, de trois quarts, de profil, sur ce fond maudit, qu’il lui fait oublier ! […] Enfin elle se fond tellement en son mari, ce modèle des femmes qui aiment le leur, qu’elle finit par dire notre esprit, du sien, comme la servante du vieux célibataire, dans Collin d’Harleville, dit notre maison. […] Quinet, rejaillit, du fond du bas-bleu, l’Ange adorateur, l’Épouse acharnée, et voyez comme en définitive, bas-bleu et épouse, il est impossible de les séparer !
C’est là le fond du livre, que cette traduction et que cette préface. […] Pour notre part, nous l’avouerons sans honte, nous aussi, nous avons donné dans la grande piperie qui est le trébuchet séculaire au fond duquel les Imaginations et les Sensibilités viennent chuter. […] Parce qu’il y avait eu, mêlé à cette fétide séduction d’une élève par l’homme chargé de l’instruire, d’une jeune fille par presque un prêtre, un crime terrible en expiation et en vengeance d’un crime odieux, nous avons cru longtemps qu’une passion immense, une rareté effrayante, mais belle peut-être à force d’impétuosité, de profondeur et de flammes, devait reposer, comme le Léviathan dans l’abîme qu’il a troublé, au fond de toute cette vase de sang et de larmes qui semble n’avoir pas séché encore. […] voilà le fond de cette bouteille d’encre de la petite vertu qu’on appelait Héloïse.
C’est là le fond du livre que cette traduction et que cette préface. […] Pour notre part, nous l’avouerons sans honte, nous aussi, nous avons donné dans la grande piperie qui est le trébuchet séculaire, au fond duquel les Imaginations et les Sensibilités viennent chuter. […] Parce qu’il y avait eu, mêlé à cette fétide séduction d’une élève par l’homme chargé de l’instruire, d’une jeune fille par presque un prêtre, un crime terrible en expiation et en vengeance d’un crime odieux, nous avons cru longtemps qu’une passion immense, une rareté effrayante, mais belle peut-être à force d’impétuosité, de profondeur et de flammes, devait reposer comme le Léviathan dans l’abîme qu’il a troublé, au fond de toute cette vase de sang et de larmes qui semble n’avoir pas séché encore. […] voilà le fond de cette bouteille d’encre de la petite vertu qu’on appelait Héloïse.
D’un autre côté, il y a certainement, dans ces Révoltés contre la mort, bien des sceptiques qui doutent de leur doute, mais qui ne doutent pas de leur effroi : depuis Pascal, qui, pour ne pas douter, s’abêtit dans son pot d’eau bénite, croyant y noyer l’Enfer et trouver au fond le Paradis, jusqu’à ce de Vigny, précisément, qui a chanté le silence du loup, de Vigny, l’irréprochable Stoïque de peau et de posture, mort inconsolable de n’avoir ni foi ni espérance. […] et c’est dans le fond de cette personnalité violemment écumante que nous trouvons encore, malgré tout, quelque chose d’immortellement religieux qui nous émeut, nous qui prenons parti pour le Dieu qu’on outrage, contre un si outrageant désespoir ! […] Cette idée, qui revient du fond de l’être comme le souffle qui sert à respirer, fouette éternellement le négateur, comme un vent de tempête. Elle fond vingt fois sur lui, et vingt fois il la brise sous des raisonnements qui lui en font voir l’absurdité resplendissante.
Pour cette raison, la Revue française, comme toutes les autres revues contemporaines, n’est qu’une espèce de mosaïque plus ou moins éclatante d’individualités, se détachant ou s’unissant sur un fond commun littéraire. Seulement, ici, ce fond est si franchement et si juvénilement littéraire, que la Critique lui doit encouragement et sympathie, surtout dans un temps où la littérature, pour des intérêts moins nobles et moins purs, est lamentablement trahie… Eh bien, parmi le groupe de jeunes gens qui desservent la Revue française, voici Henri Cantel, un poète qui réunit en volume les poésies jusque-là dispersées dans le recueil que nous venons de signaler. […] Elle est en péril avec l’inspiration que le poète a choisie ou subie, mais qui ne lui est pas venue — comme l’inspiration doit venir — de son propre fond. […] S’il moule quelque chose de sa main lumineuse et forte, c’est ce qu’il y a de plus divin au fond de nos âmes ; car c’est ce que l’homme n’a pas fait.
Au moment où j’écris, je ne doute point qu’il ne se fasse cent actions fortes sur la surface de la terre ; il s’en fait même dans le fond des forêts habitées par l’homme sauvage ; en aucun lieu du monde, il ne s’écrit peut-être pas une page sublime, sans en excepter nos capitales, le centre des beaux-arts. […] Le patriotisme qui bouillonnait au fond de l’âme d’un Grec et d’un Romain bouillonne de la même manière au fond de toute âme patriotique ; l’éloquence de Démosthène lui appartenait à lui seul. […] L’éducation, la circonstance, le moment, un tour de tête passager précipitent l’homme au fond du gouffre et l’entraînent à une action qui tient l’univers étonné dans le silence de l’admiration ; il n’en est pas ainsi de cent beaux vers.
Michelet, est-ce que le fantastique historien ne l’a pas aussi, cette forme comme le fond, avilie ? […] Il y a dans les derniers volumes qu’il vient de publier tels détails que nous n’oserions citer ici ni pour le fond ni pour la forme, et pour lesquels le fond et la forme font équation d’ignobilité. […] Comme penseur historique, n’avons-nous pas son dernier mot, le mot transparent à travers lequel on voit le fond dans sa pensée : « Robespierre est un grand citoyen ! […] Plus élevé que Jean-Jacques, je le reconnais, et pourtant ayant du Jean-Jacques au fond de son âme (hélas ! […] Sensible, inconséquente, entraînée, vraie femme au fond sous ses airs grenadiers de virago, Amazone de la pensée qui n’eut jamais le sein coupé, Mme de Staël se prit d’horreur pour la Révolution qu’elle avait aimée.
Au fond, je suis saoul du théâtre. […] Ici le café, c’est au fond l’émancipation de la femme bourgeoise de province, hors de sa vie d’intérieur, et son intronisation dans la vie extérieure de la cocotte. […] Il parle du théâtre, dont, dit-il, il est dégoûté, mais cependant, où il sent qu’il pourrait se renouveler, et est au fond, tenté de faire une pièce entre ses romans de Lourdes et de Rome. […] Ces œils-de-bœuf de lumière du fond des loges, ça tue tout, ça éteint tout, et le doux éclat des toilettes claires et des décolletages, et aujourd’hui, comme me le disait la comtesse Greffulhe, qui était charmante en blanc, il y avait trop d’uniformes de militaires, attirant l’œil à leurs chamarrures, et empêchant les femmes de ressortir du fond sourd des habits noirs. […] » Au fond, un médicament qui doit avoir une terrible action, car après en avoir pris quelques gouttes, il vous remonte de l’estomac des fumées, qui ont l’odeur de l’asphalte en fusion, pour la réparation des trottoirs.
Cependant, il sentait monter du fond de lui-même quelque chose d’intarissable, un afflux de tendresse qui l’énervait, comme le mouvement des ondes sous ses yeux. […] Alors, il sentait ses regards pénétrer son âme, comme ces grands rayons de soleil qui descendent jusqu’au fond de l’eau. » — « Les cœurs des femmes sont comme ces petits meubles à secret, pleins de tiroirs emboîtés les uns dans les autres ; on se donne du mal, on se casse les ongles, et on trouve au fond quelque fleur desséchée, des brins de poussière — ou le vide265 ! […] Au fond, la rime est elle-même une forme du rythme, puisqu’elle est une répétition, une harmonie, un retour régulier et mesuré du même son. […] L’art même de la ponctuation, devenu si important de nos jours, n’est au fond autre chose que l’art du rythme. […] Le poétique de la prose, encore une fois, ne consiste pas dans l’imitation des vers, mais dans l’effet significatif ou suggestif produit par l’entière adaptation de la forme au fond.
Au fond, tout au fond, ce que lui révèle Grégers lui est à peu près égal. […] Y a-t-il rien de plus simple au fond ? […] Elle aime, au fond, le jeune duc son cousin. […] Il tenait à sa toile de fond. […] Car elle n’est pas méchante au fond.
En l’état de santé, quand on écoute au fond de soi, on entend toujours une sorte de chant sourd et doux : se sentir vivre, n’est-ce pas là le fond de tout art comme de tout plaisir ? […] Or l’amour, croyons-nous, est plus ou moins présent au fond des principales émotions esthétiques. […] Ici la grâce proprement dite se fond avec l’émotion du sublime. […] Au fond, c’est sa simplicité qui a fait sa fécondité. […] Les Homère et les Shakespeare ont senti tressaillir en eux le fond éternel de la nature humaine.
Mais, puisqu’il l’aime tant au fond, pourquoi, parlant du poète, prend-il si souvent un air d’apologie ? […] Une fille qui aime mieux son amant que son père (car c’est cela au fond), une fille dont la volonté est impuissante à étouffer la passion et qui reste sympathique par cela même, quel scandale ! […] Et il y avait peut-être un fond de vérité dans cette boutade facile. […] Hermione, au quatrième acte, lui jette ses exploits à la face. « Je vous aime ; épousez-moi, ou j’égorge votre fils », c’est le fond de ses discours à Andromaque. […] Les personnages les plus exotiques, vrais au fond, ont donc l’air de contemporains de Louis XIV, qui (avec le même langage et la même allure que les gentilshommes de cette époque) auraient seulement en plus quelques sentiments extraordinaires et originaux.
Je considérerai seulement ce qui est au fond de ces deux romanciers, les idées maîtresses, les sentiments dirigeants, et comme le substratum de leurs œuvres respectives. […] Vicieuse et sotte, mais si naïve au fond, et si malheureuse ! […] Mais, au surplus, je n’ai voulu que vous suggérer cette idée, que la Guerre et la Paix et l’Éducation sentimentale étaient, au fond, deux œuvres de même espèce et de composition analogue. […] Il est évident que, dans ces moments-là, le fond chez eux ne se distingue plus de la forme : je sens, même dans la traduction, que tous les mots sont nécessaires, qu’on ne pouvait en employer d’autres. […] Ce sont ces ténèbres de la mort et de l’inconnu qui servent de toile de fond, dans ses romans, aux drames fourmillants de la vie, et qui se glissent dans les interstices de ces tableaux mêmes.
La franchise de la vie n’est qu’à la condition de percer ce voile intermédiaire et de poser incessamment sur le fond vrai de notre nature pour y écouter les instincts désintéressés, qui nous portent à savoir, à adorer et à aimer. […] Tout acte intellectuel, comme toute équation, se réduit au fond à A = A. […] Voilà le seul trait vraiment universel, le fond identique sur lequel les instincts divers ont brodé des variétés infinies, depuis les forces multiples des sauvages jusqu’à Jéhovah, depuis Jéhovah jusqu’à l’Oum indien. […] Ces religions ne sont, au fond, que l’État, la famille, l’art, la morale, élevés à une haute et poétique expression. […] Mais non, il n’y a que l’inflexible nature ; quand je cherche ton œil de père, je ne trouve que l’orbite vide et sans fond de l’infini, quand je cherche ton front céleste, je vais me heurter contre la voûte d’airain, qui me renvoie froidement mon amour.
Matérialiste de fond, je n’oserais pas dire de doctrine (je ne crois guères à ce qu’on peut appeler des doctrines en Flaubert), l’auteur de Madame Bovary se révéla matérialiste dans la forme comme personne, avant lui, ne s’était peut-être jamais révélé. […] Un jour, l’empereur Napoléon, qui voyait le fond des têtes comme il voyait le fond des cœurs, écrivait en Espagne à son frère Joseph, dont il était mécontent : « Vous avez un défaut terrible qui empêche toute action, toute décision et tout courage, c’est ce genre d’imagination qui, surtout, se fait des tableaux. […] Telle la condamnation, au fond, de L’Éducation sentimentale, qui est ici l’éducation sensuelle. […] Je dis qu’il n’y a là qu’un livre matérialiste de fond, matérialiste de forme, matérialiste de sécheresse, un livre comme le matérialisme en fait et n’en peut pas faire d’autres, puisqu’il nie la moitié, au moins, de la créature humaine ! […] On sent bien avec lui qu’au fond on a affaire à un impie, pour qui toutes les religions sont parfaitement égales entre elles ; mais, enfin, l’impiété n’est pas expressément articulée ici.
On aime à paraître se contrarier, même lorsqu’au fond on est d’accord ; cela fait aller la conversation et sortir toutes les idées. […] Le protestantisme, au xixe siècle, a eu comme le catholicisme son esprit nouveau qui a soufflé dessus et qui lui a rendu une nouvelle fraîcheur, au moins à la surface, et un peu aussi au fond. […] Au fond, pourquoi ne pas le dire ? […] Elles sont au parloir ; la description selon Mme de Gasparin commence : « Un banc à droite, un banc à gauche ; au fond la grille pose sur un mur d’appui ; à peine si les doigts passeraient entre les barreaux. […] L’une, la plus jeune, semble se dérober à l’arrière-plan ; elle a le geste furtif, la démarche hésitante ; elle glisse et se perd à chaque instant dans les ombres froides qui emplissent le fond.
Au fond, le rêve endormi dans quelque repli secret du coeur, chez moi-même et chez beaucoup d’autres, notre rêve inavoué, désavoué même souvent par nos habitudes et notre allure, c’est le rêve de don Juan. […] Roger de Trémont est un gentil garçon et un officier fringant, mais avec un assez grand fond d’ingénuité, et, s’il est charmant, c’est par ce qui lui manque pour être un mondain accompli. […] Au fond, les moyens les intéressent plus que la fin. […] Au fait, le fond des choses est le même dans les salons que dans les assommoirs. […] Rabusson a failli écrire plus d’une fois le roman naturaliste des mœurs mondaines (le naturalisme n’étant point une chose de forme, mais de fond).
Par une sorte d’hérédité romantique ils affichent des airs d’excentricité et manifestent leur goût pour les innovations ; dans le fond, ils sont pourris de la banalité de notre époque. […] Aussi, dans la rue, il se fond absolument dans l’impersonnalisme bourgeois. […] Du fond de la coulisse, il voulait régenter les idées. […] Saint-Pol-Roux s’est fait le porte-plume de cette idée qui végétait au fond de son cerveau depuis plusieurs années et qui n’a pu lui être suggérée que par la lecture des poésies liturgiques de Laurent Tailhade ou de Raoul Pascalis. […] Le Romanisme n’a que les apparences d’une école littéraire ; au fond il n’y a rien — qu’une préoccupation mercantile.
J’avais la bonne fortune récemment d’annoncer la traduction du plus beau livre de Thomas Carlyle, publiée depuis plusieurs mois à Paris absolument comme dans le fond d’un gouffre… Aujourd’hui, voici une bonne fortune, meilleure encore, car le livre que je vais signaler est français. […] À côté, il y a l’historien, il y a l’observateur, — un observateur d’un autre calibre que le porteur de loupe qui est le fond du philologue. […] Mais, au fond, tout cela n’a pas besoin d’être surfait, et l’histoire en est bientôt écrite. […] Il n’y a, au fond, dans toute cette histoire, reprise en sous-œuvre par du Méril, que la vieille histoire connue, qui peut s’écrire en quelques mots et qu’il a mise en cinq cents pages, — si brillantes de talent, du reste, qu’il semble ne pas avoir bavardé, — de la comédie, sortant partout de la danse, sa plus profonde racine ; dérivant, en peu de temps, du langage mimique au langage religieux et processionnel ; s’imprégnant plus tard de politique dans des sociétés fortement politiques comme les sociétés grecques, et vivant ainsi jusqu’au moment où l’imagination reconquiert ses droits et crée une autre comédie, la comédie désintéressée de tout ce qui n’est pas l’observation de la nature humaine… Et, vous le voyez ! […] Mais le livre, le fond du livre échappe, par la profondeur de sa spécialité et de son renseignement, ou plutôt il épouvante.
Le fond du système a toujours été ce qui m’a paru le plus probable, mais j’avoue que je n’ai pas une grande envie que cela me soit démontré. […] C’est ce que je crains : car je ne crains pas trop que vous ne trouviez pas qu’au fond cela est vrai. […] Lui, en effet, dans ce qu’il produisait, il était incontentable sur le fond ; Manzoni l’est sur le style. […] Ces nuances admises, le fond de son cœur était bien là où nous le disons. […] Le Cours qu’il professait à la Faculté des Lettres lui en fournissait le fond.
Il a eu ses raisons sans doute, mais, quel qu’ait été son dessein, il a glissé sur la pente où la pensée contemporaine glisse encore et continue de s’égarer… La question de la Renaissance, — cette question qui est partout à cette heure, dans l’enseignement, dans l’art, dans la philosophie et dans les mœurs, — la question de la Renaissance est au fond de son livre ; elle y sommeille, mais elle y est. […] Assurément il n’y aurait qu’à louer dans ce patient et consciencieux travail, si l’on ne regardait qu’à l’étendue des connaissances et au fond des choses. Mais le fond des choses n’est pas tout quand on fait un livre.
George Sand, cette vieille rouée littéraire, qui a roué son époque, et qui se disait avec affectation une campagnarde, était, au fond, trop homme de lettres de la trop bourgeoise Revue des Deux-Mondes pour aborder franchement et sans lourdeur cette littérature de terroir, fortement aromatisée de toutes les senteurs naïves et parfumées d’un pays. […] Et si un tel livre, qui à toute page fait oublier qu’il en est un, n’est au fond qu’un bouquet d’histoires recueillies dans le pays de cette Luçotte, qui est, par le langage, un chef-d’œuvre de vieille paysanne bas-bretonne, il faut féliciter sincèrement la femme qui les a réunies de tous les bonheurs de sa mémoire, et d’avoir gardé si fidèlement l’âme de son pays dans son âme. […] III Le génie, en effet, quelles que soient les œuvres dans lesquelles il se révèle, n’est que la puissance d’une force mystérieuse qui paraît toujours simple, mais qui ne l’est pas toujours ; car, vous le savez, un jour on a douté jusque de la naïveté du bon La Fontaine, qui n’était pas si bon au fond, et qui, comme ses chats, avait « le génie scélérat ».
Il y a du talent dans ce livre passionné, entêté, ulcéré, aveugle de parti pris et gardé… Mais le fond de cela n’est vraiment pas digne de la forme. […] Le titre du livre en dit, avec une assez obscure intention d’insolence, le fond et la portée. […] Ces quatre biographies, qui ne peuvent pas être justes, avec les opinions de l’auteur, ne manquent ni d’intérêt ni même de piquant, non dans le fond des choses et des jugements, qui sont, excepté sur l’un d’eux (Béranger), de la plus profonde pauvreté, mais dans la manière dont elles sont touchées. […] Et pourquoi n’avouerions-nous pas avec calme que, pour une nature comme la sienne, plus apostolique que narquoise, pour un disciple de Lamartine, qui n’aimait pas non plus de Maistre, dont le génie positif était désagréable au « dadais » que le cruel Chateaubriand disait exister au fond du poète des Méditations, Pelletan s’est mieux tiré qu’on n’aurait cru de sa besogne de journaliste irrévérent et pittoresquement gouailleur.
Nous sortons des Œuvres inédites pour entrer dans la Correspondance, qui est le fond réel et sérieux de cette publication, et nous n’avons plus devant nous que le Tocqueville connu, et qui n’est pas couleur de rose, le Montesquieu du xixe siècle pour la vieillesse de Royer-Collard, devenue indulgente ; car c’est un singulier Montesquieu, il faut le reconnaître, qu’un Montesquieu fluide et pâlot, sans épigrammes et sans facettes ! […] Le diable au corps n’est pas pourtant un diable qu’on puisse garder au fond de soi comme au fond d’une tabatière. […] Voilà pour la forme, c’est-à-dire pour ce qui fait la vie des livres et leur durée, quand les idées sur lesquelles ils reposent sont décrépites ou mortes ; mais pour le fond, c’est aussi les idées de tout le monde qui lui créent son originalité, à ce penseur, comme c’est la courte vue de tout ce monde qui se chausse de lunettes d’écaille qu’il promène sur les événements contemporains et la politique, qui devait les dominer… Seulement, penser et parler comme tout le monde pense et parle à une certaine hauteur de société, explique peut-être suffisamment aux esprits profonds que tout ce monde, qui se reconnaît en de Tocqueville, lui ait fait un honneur si exceptionnel !
Comme Byron, c’est un fils de la Bible, — de cette Bible qui est le fond de tous les grands génies anglais sans exception, tandis qu’elle n’a été chez nous que le fond du génie de deux hommes. […] Dans cette société de dandys qui ont six pieds de haut et qu’il nous peint, Georges Lawrence nuance la force ; mais une seule fois, exceptionnellement, il a opposé à toutes les riches nuances de la force, à toutes ces exaspérations ou extinctions de l’écarlate sur de l’écarlate, une faiblesse et le contraste d’une pâleur, et c’est quand il a fait raconter toute cette vie de Guy Livingstone à un pauvre camarade de collège, chétif et souffrant, qui la regarde et l’admire du fond de la sienne et de sa faiblesse. […] le byronien s’est brisé tout à coup, et le biblique, le Juif à la tête dure qu’il y a toujours plus ou moins au fond de tout Anglais, a disparu entièrement pour faire place au chrétien qui se trouve si peu dans l’imagination anglaise ; car, après tout, le génie du chrétien, c’est l’humilité !
Chacun, avec son petit lumignon, ne montrait, en tournant alentour, qu’un point isolé du Sphynx énorme qui, du fond de l’ombre, où il était aux trois quarts plongé, semblait défier tous ces porteurs de bobèche ! […] « Rien de certain, rien qui se démontre, la philosophie radicalement impuissante, la raison, sotte, Dieu donc et Dieu, c’est-à-dire Jésus-Christ », tel est le fond : mais la forme et plus que la forme, — car, au point de vue extérieur, cette forme, c’est Montaigne, Montaigne, c’est l’écorce du style de Pascal, — mais l’âme inouïe qui circule dans tout cela, qui passe à travers ce fond de si peu d’invention et cette forme de tant de mémoire, voilà le Pascal en propre, voilà l’originalité qu’on n’avait pas vue et qu’on ne reverra peut-être jamais ! […] avec la tête de mort que les solitaires mettent auprès de leur crucifix, et qui, s’il se rejette, comme l’autre Hamlet, en arrière devant le trou de la tombe, c’est qu’au fond il voit l’enfer, que l’autre Hamlet n’y voyait, pas !
Comme Byron, c’est un fils de la Bible, — de cette Bible qui est le fond de tous les grands génies anglais sans exception, tandis qu’elle n’a été chez nous que le fond du génie de deux hommes. […] Georges Lawrence nuance la force, mais une seule fois, exceptionnellement, il a opposé à toutes les riches nuances de la force, à toutes ces exaspérations ou extinctions de l’écarlate sur de l’écarlate, une faiblesse et le contraste d’une pâleur, et c’est quand il a fait raconter toute cette vie de Guy Livingstone à un pauvre camarade de collège, chétif et souffrant, qui la regarde et l’admire du fond de la sienne et de sa faiblesse. […] le byronien s’est brisé tout à coup, et le biblique, le juif à la tête dure qu’il y a toujours plus ou moins au fond de tout Anglais, a disparu entièrement pour faire place au chrétien qui se trouve si peu dans l’imagination anglaise, car, après tout, le génie du chrétien, c’est l’humilité !
Et qu’y a-t-il au fond de tout ce désespoir ? […] Au fond de ces gamineries il y avait un grand sens. — Je ne veux pas exagérer Musset. […] La seule différence quant au fond est dans le moins et le plus d’exactitude du détail. […] gros de forme et grêle de fond, mais mystique ! […] Au fond de leur pensée il y a le désir de : TOUT.
Son équilibre, sans cesse troublé, sans cesse rétabli, donne à mon âme une certaine sérénité gaie sur un fond triste. […] demandez-le même à toutes les professions libérales qui vous semblent plus douces parce que la poitrine du travailleur intellectuel est moins haletante que celle du forgeron, mais qui ne sont, au fond, que le même travail changé de nom, sueur d’esprit au lieu de sueur de corps ! […] Il y peint sur une toile sans fond et sans fin la bataille de Dieu et des esprits rebelles, corps aériens qui succombent sans mourir et qui roulent du sommet des cieux dans les abîmes des enfers sans jamais se heurter aux aspérités impalpables de l’élément ambiant des mondes. […] Je n’ai pas entendu, du fond de ses abîmes, Le Jourdain lamentable élever ses sanglots, Pleurant avec des pleurs et des cris plus sublimes Que ceux dont Jérémie épouvanta ses flots. […] Père et mère à toi seul, et seul né sans ancêtre, D’où sort sans t’épuiser la mer sans fond de l’Être, Et dans qui rentre en toi jamais moins, toujours plus, L’Être au flux éternel, à l’éternel reflux !
Nous entendrions chanter au fond de nos âmes, comme une musique quelquefois gaie, plus souvent plaintive, toujours originale, la mélodie ininterrompue de notre vie intérieure. […] Je regarde et je crois voir, j’écoute et je crois entendre, je m’étudie et je crois lire dans le fond de mon cœur. […] Tantôt il ira droit au but ; il appellera, du fond à la surface, les passions qui font tout sauter. […] Il y a au fond du comique une raideur d’un certain genre, qui fait qu’on va droit son chemin, et qu’on n’écoute pas, et qu’on ne veut rien entendre. […] Il y a toujours au fond du comique, disions-nous, la tendance à se laisser glisser le long d’une pente facile, qui est le plus souvent la pente de l’habitude.
Au fond, je perçois que son rêve aurait été d’être colonel de hussards, pour faire des femmes. […] Sur le fond raisin de Corinthe, sourd et foncé de la loge, Mariquita essaie ses élévations. […] Au fond, tout gouvernement quelconque qui diminue le nombre des illettrés, travaille à sa chute. […] Mais au fond, c’est ce larynx… » Nous lui parlons alors d’une consultation, à laquelle il ne se refuse pas trop. […] Au fond, je crois qu’à l’heure présente il n’y a plus de courtisanes, et que tout ce qui porte ce nom, n’est que des filles.
On peut faire mieux, on peut faire autrement ; on ne remplace pas plus une pensée poétique qu’on ne remplace une âme : chaque création de ce genre, pour autant qu’elle est poétique, est unique et irréparable ; ce qui a été dit par un poëte, un autre ne le redira pas. » De nos jours, où toutes les vocations sont remuées et où tous les numéros, même incomplets, ont chance de sortir, combien ne savons-nous pas de ces âmes poétiques qui essayent de s’exprimer partout où elles sont, en province, dans le fond d’un bureau, au creux d’une vallée, au bord de leur nid enfin, et cela sans trop de manie d’imitation, sans trop de rêve de gloire, mais pour se satisfaire humblement et se suffire ! […] Le poëte a dû trouver souvent son champ un peu raboteux et pierreux ; il n’en conviendra pas ; on s’aperçoit toutefois que le troupeau de brebis, là-bas, est noir et maigre ; l’aspect se relève par un fond de verdeur et de puissance : O terre de granit, recouverte de chênes ! […] Pétrarque à la main (roi des élégances), J’arrondis mon style et me crois Toscan : Le ton primitif se fond en nuances ; Mais soudain ma voix part en dissonances… Oh ! […] Mais notre poëte, qui est au fond très-civilisé et très-probablement de la postérité de Callimaque et d’Horace, ayant appris le méfait, s’en fâcha, et écrivit de belle encre cette charmante lettre au chanteur du cru, pour le féliciter à la fois et le tancer, pour le remettre au pas et lui donner des conseils. […] Plus d’une goutte généreuse demeure en réserve, comme il convient, au fond de l’amphore.
Le lyrisme qui nous prend, est celui où transparaît sans cesse l’universel : il trouve au fond des tristesses et des désirs de l’individu, il aperçoit à travers les formes multiples de la nature, il pose et poursuit partout les problèmes de l’être et de la destinée. […] Ce n’est pas sans doute un hasard si l’inspiration individualiste et lyrique, qui est le fond du romantisme, n’a paru encore que chez des prosateurs, Rousseau, Chateaubriand. […] Le romantisme en son fond était révolutionnaire et anarchique : on ne tarda pas à s’en apercevoir. […] Lemercier venait de manquer sa colossale Panhypocrisiade, quand Lamartine, du fond de sa province, apporta ses Méditations où l’on reconnut d’abord un grand poète (1820). […] Il y a un fond de vérité dans ce qu’ont dit Vigny (Servitude militaire, ch. 1) et Musset (Confessions d’un enfant du siècle).
Nous égayons les esprits par nos satires, par nos vers, par nos chansons ; le bruit des trompettes, des tambours et des timbales, la vue des étendards et des drapeaux réjouit les boutiques ; mais au fond paye-t-on les taxes avec la ponctualité avec laquelle on les a payées les premières semaines ? […] Ce n’est pas qu’il se dissimule les dispositions secrètes du Parlement et les procédés de cette compagnie : malgré ces belles paroles qui se disent aux grands jours, « le fond de l’esprit du Parlement est la paix, et il ne s’en éloigne jamais que par saillies », qui sont vite suivies de retours. […] Il sentait qu’on ne faisait pas fond en lui, qu’on ne le prenait que par une nécessité d’occasion ; il eût été homme à ressentir un procédé tout généreux de la reine et même de Mazarin, et un de ses plus vifs griefs contre ce dernier était qu’avec beaucoup d’esprit, il manquait absolument de générosité et d’âme, et que, supposant les autres à son image, il ne croyait jamais qu’on pût lui donner un conseil à bonne intention. […] Retz, en jugeant le fond des choses qu’il méprise, n’en haïssait pas le jeu et le tripot. […] Mme de Sévigné conseillait à sa fille de lui écrire également à ce sujet et de rentrer par là en correspondance avec lui : « Quand vous aurez écrit cette première lettre, croyez-moi, ne vous contraignez point ; s’il vous vient quelque folie au bout de votre plume, il en est charmé aussi bien que du sérieux : le fond de religion n’empêche point encore ces petites chamarrures. » C’était mieux pourtant ou pis que des chamarrures que les Mémoires où se complaisait en secret le cardinal de Retz, et qu’il venait d’achever à cette date, pour obéir à Mme de Caumartin, qui lui avait demandé le récit de sa vie.
Il jeta un coup d’œil rapide sur les Esquisses que Bachelier a faites d’après le poème de Gesner, et il mit sous son bras celle où l’on voit Adam soulevant le cadavre de son malheureux fils, une de ses filles éplorée à ses pieds, et sa femme échevelée sur le fond. En effet, si vous vous en souvenez, la tête de l’Adam est du plus antique et du plus grand caractère ; la figure de la fille est large et belle ; cette femme échevelée sur le fond, jointe à l’horreur du paysage qui l’entoure, fait frissonner.
Les questions de forme ne se séparaient pas des questions de fond ; la joûte se passait dans un camp tracé. […] Ce scepticisme corrosif, distillé goutte à goutte dans le vase récent, se retrouvera au fond de tout. […] La bonté devait donc faire comme le fond de notre cœur, et devait être en même temps le premier attrait que nous aurions en nous-mêmes pour gagner les autres hommes… Les cœurs sont à ce prix. » Ce qu’ici je traduirai de la sorte : La vraie gloire de l’art humain légitime est à ce prix. Ce n’est pas à dire peut-être que le bien plus que le mal fasse le fond de l’humaine vie ; tout n’est que confusion et mélange. […] Plus tard, en avançant dans la vie, on voit qu’on ne peut dire assez que le fond échappe toujours, que c’est inutile de trop presser.
Salomon, du fond de son harem, ayant tout goûté et tout épuisé, prononce sur la vie humaine des jugements mortellement amers. […] » L’idéal du néant, qui fait le fond du bouddhisme, projette ses reflets lugubres sur toute la poésie du Céleste Empire. […] Virgile parle « des larmes des choses. » Antoine et Cléopâtre fondent, à Alexandrie, l’académie de « ceux qui veulent mourir ensemble, après avoir vidé le fond des plaisirs ». […] Jamais ascète chrétien n’a jeté sur la vie, du fond de sa cellule, un regard plus triste que ce héros assis sur le trône du monde. — « Oh ! […] Diane vient consoler le pauvre captif, et lui apporte un bouquet de fleurs que Marguerite envoie à son chevalier, du fond de son fin corsage.
Que faisait-il donc au fond de sa voiture, cet homme pendant qu’on massacrait un homme ? […] Injustice sans doute, mais au fond de laquelle il y avait de la justice. […] Qu’au fond vous êtes ébranlés, interdits, inquiets, peu certains d’avoir raison, gagnés par le doute général, coupant des têtes par routine et sans trop savoir ce que vous faites ? […] Au fond de ce doucereux verbiage, vous ne trouvez que dureté de cœur, cruauté, barbarie, envie de prouver son zèle, nécessité de gagner ses honoraires. […] Mais comment les fera-t-il vivre du fond de son tombeau ?
C’est intitulé « comédie », mais ce n’est pas du tout une comédie ; au fond, c’est un conte, un conte fantaisiste, comme nous dirions de nos jours, c’est un conte moitié réel (pour ne pas dire réaliste) et moitié mythologique. […] Une goutte d’huile tombe sur lui, il se réveille et il est forcé d’accomplir les ordres du destin : Psyché est renvoyée, chassée et repoussée au fond du désert, et les dieux lui infligent une série d’épreuves qui, je vous le dis tout de suite, ne sont pas bien amusantes dans Apulée, et le sont à peine davantage dans La Fontaine. […] Le sens de Psyché serait celui-ci : Psyché ne s’est pas contentée de l’amour, tel qu’elle l’avait ; Psyché a voulu savoir le fond des choses de l’amour, elle a voulu savoir le fond des choses du sentiment, c’est-à-dire qu’elle a analysé ses sentiments. […] L’un nage à l’entour d’elle, et l’autre au fond des eaux Lui cherche du corail et des trésors nouveaux ; L’un lui tient un miroir fait de cristal de roche ; Aux rayons du soleil l’autre en défend l’approche ; Palémon, qui la guide, évite les rochers ; Glauque de son cornet fait retentir les mers ; Téthys lui fait ouïr un concert de Sirènes, Tous les Vents attentifs retiennent leurs haleines. […] Je vous dirai simplement mon sentiment : Acante, c’est bien Racine, un peu, même beaucoup « stylisé », comme nous disons de nos jours, arrangé, composé et recomposé par La Fontaine ; ce n’est pas le Racine véritable, mais il y a le fond de Racine.
Ce n’est au fond que l’exagération des doctrines politiques de ceux qui nous gouvernent. […] Au fond on n’a pas assez remarqué, qu’avant l’impressionnisme, la peinture du dix-huitième siècle a été une réaction contre le bitume, réaction amenée par les milieux clairs, dans lesquels vivait cette société. […] Au fond le vol produit une propriété personnelle qui est contraire à la doctrine. […] Au fond, dans le roman, la grande difficulté pour les écrivains amoureux de leur art, c’est le dosage juste de la littérature et de la vie, — que la recherche excessive du style, il faut bien le reconnaître, fait moins vivante. […] Il me parle de l’illustration des poésies de Baudelaire, qu’il est en train d’exécuter pour un amateur, et dans le fond desquelles, il aurait voulu descendre, mais la rémunération ne lui permet pas d’y mettre assez de temps.
Et pourtant on se trompe quand on s’imagine obtenir la fin du conflit et la solution du problème par l’identification pure et simple du fond et de la forme. […] Non ; car il règne sur les termes synonymes matière, fond, substance, une équivoque qui contribue beaucoup à éterniser le débat. […] moins encore ; c’est de le filtrer plutôt, de le rendre plus net et plus pur en son fond même, pendant que le travail de la forme l’éclaircit. […] Et voilà l’explication la plus simple du mystère qui nous rendait rêveurs : comment les gros ouvrages « de fond » disparaissent-ils ? […] La multitude myope continue à travailler au fond du fossé où elle périt sans gloire, pendant que le grand homme aperçoit le gué et passe le premier.
Il fond, le bras levé, sur Jobelin. […] Mais je vais vous dire le fond des choses et trahir le secret. […] Au fond, c’est peut-être vrai. […] Le prince Jean se dirige vers la porte du fond. […] Voilà le vrai fond de la pièce, à mon sentiment, et c’est de ce fond qu’il fallait faire un vrai drame, franc et sans alliage.
Il en gémit au fond de son cœur ; il gronde sourdement, sous la voix stridente qui l’excite, comme le feu qu’il recèle en lui, sous le fer aigu qui l’attise. […] Le retentissement de l’acier a pénétré au fond de nos grottes. […] Sa religion n’était pas fixée sur un fond rigide, par les clous du dogme : toujours flottante, toujours en mouvement, elle se pliait aux progrès de l’homme, s’adaptait à sa croissance et suivait sa marche. […] Telles, des chauves-souris, au fond d’un antre divin, voltigent avec un bruit strident, quand l’une d’elles tombe de la roche où leur essaim amassé s’attache ; de même les urnes volaient en bruissant. […] Assis et affermi sur son trône, la sécurité l’avait adouci ; le monde dont il n’était au fond que l’image divine, en s’amendant lui-même, l’avait corrigé.
» Quelque vérité empirique qu’il y ait dans ces observations, nous croyons que l’antithèse est au fond artificielle. […] L’attention est, au fond, la conscience même, et principalement, à son degré de développement supérieur, la conscience de soi se saisissant dans sa réaction sur les impressions extérieures. […] Son élément essentiel est cette perception d’une ressemblance que nous retrouvons au fond de toute pensée, avec la perception de la différence. […] Toute induction est une motion consciente de ses lois ; toute motion est une induction inconsciente, et comme la motion a pour fond l’appétition, c’est en réalité aussi l’appétition qui fait le fond du raisonnement, même du plus abstrait. […] Mouvement, induction et volonté sont donc au fond des manifestations d’un même principe109.
En vieillissant, il ne change pas au fond de sentiment. […] Il écrit à Arnauld lui-même qu’il n’a pas pris parti sur le fond de la dispute des Provinciales, et dans une lettre à Racine il se moque également de la grâce augustinienne efficace et de la molinienne suffisante. […] Au fond, il ne comprend rien à la fureur des disputes théologiques : son parti à lui, c’est le sens commun, et il n’entre dans le jansénisme que jusqu’où le sens commun le mène. Et même sa raison, c’est déjà celle qui ébranlera le dogme : s’étonner de l’intolérance, c’est nier au fond l’autorité et l’infaillibilité de l’Église. […] Au fond, sous le chrétien sommeillait le déiste.
Il s’est trouvé un homme qui, sentant, lui aussi, au fond du cœur la misère du présent, a eu la force de renoncer d’abord au lyrisme et de tourner la poésie à l’action, faisant à la fois œuvre de poète, de philosophe et d’homme d’État. […] Mais contemplez ceux à qui nous la devons, sondez le fond de leur cœur : ne voyez-vous pas que leur front est empreint de tristesse et de désolation ? […] Leurs chants ont beau être délicieux à mon oreille, le fond, le fond éternel de mon cœur est le doute et la tristesse. […] Les ouvrages remarquables qui appartiennent à cette poésie triste, malade, si l’on veut, mais prophétique, se sont tellement accumulés, qu’à l’exception des trois ou quatre œuvres d’un caractère différent dont nous avons expliqué la cause génératrice, tout le fond de la littérature européenne est teint de cette couleur. […] Au fond, l’esprit de la Réforme, soit qu’il conduisît à l’incrédulité, soit qu’il s’arrêtât dans certaines limites, était un esprit sublime, un esprit d’enthousiasme et de foi.
Nous fait-elle réellement pénétrer dans le fond même de cette espèce humaine dont M. de Quatrefages fait un règne à part ? […] Que si l’on en fait un principe essentiel et permanent de la nature humaine, encore faut-il y voir ce qui en ferait le fond, c’est-à-dire l’aspiration invincible et éternel de l’âme vers un monde d’espérances que la science et la philosophie ne peuvent absolument garantir. […] Supposez deux sujets d’observation très-divers au fond, un être libre et un être qui ne serait qu’une machine, et soumettez les aux procédés de l’école expérimentale. […] Elle seule, en effet, voit le fond des choses, le fond de l’être humain, tandis que la science de l’école expérimentale n’en saisit que les manifestations extérieures. […] Jouir de son bon sens ou de sa raison, de sa libre activité, pouvoir dire et se reconnaître moi, voilà le fond de l’existence humaine, et le point de départ, la donnée première, le fait primitif de toute science de nous-mêmes »24.
Ou encore, un souvenir obstiné lui crie : Quand il pâlit un soir, et que sa voix tremblante S’éteignit tout à coup dans un mot commencé ; Quand ses yeux, soulevant leur paupière brûlante, Me blessèrent d’un mal dont je le crus blessé ; Quand ses traits plus touchants, éclairés d’une flamme Qui ne s’éteint jamais, S’imprimèrent vivants dans le fond de mon âme, Il n aimait pas, j’aimais ! […] Ses paysages, à elle, ont de l’étendue ; un certain goût anglais s’y fait sentir ; c’est quelquefois comme dans Westall, quand il nous peint sous l’orage l’idéale figure de son berger ; ce sont ainsi des formes assez disproportionnées, des bergères, des femmes à longue taille comme dans les tableaux de la Malmaison, des tombeaux au fond, des statues mythologiques dans la verdure, des bois peuplés d’urnes et de tourterelles roucoulantes, et d’essaims de grosses abeilles et d’âmes de tout petits enfants sur les rameaux ; un ton vaporeux, pas de couleur précise, pas de dessin ; un nuage sentimental, souvent confus et insaisissable, mais par endroits sillonné de vives flammes et avec l’éclair de la passion. […] Ainsi dans le Berceau d’Hélène : Mais au fond du tableau, cherchant des yeux sa proie, J’ai vu… je vois encor s’avancer le Malheur : Il errait comme une ombre, il attristait ma joie Sous les traits d’un vieil oiseleur. […] Ils se sont détachés, frêles et angéliques, parmi les étoiles, les rossignols, les fleurs humides de rosée, et comme sur un fond imité des feuillages chatoyants de Lawrence. […] C’est pourtant ce que j’aime le plus au monde, au fond de ce beau temps pleuré. — Je n’ai vu la paix et le bonheur que là. — Puis une grande et profonde misère quand mon père n’eut plus à peindre d’équipages ni d’armoiries.
Le chasseur nomade, le pasteur errant, ont maintenant une étoile fixe qui, chaque soir, du fond des bois de l’horizon des prairies lointaines, les rappelle à sa lumière et leur promet sa chaleur. […] La guerre de dix ans que les Titans soutiennent sur le champ de bataille de la Thessalie, entre l’Olympe et l’Othryx, contre Zeus tonnant dans le ciel, n’est au fond qu’une époque géologique en action. […] tu n’as point oublié tes ruses adroites. » — Et châtiant sur Prométhée la race qu’il protège, content au fond d’avoir un prétexte de retirer aux hommes un élément dont il est jaloux, Zeus leur enlève le feu inextinguible ; il le souffle sur la surface de la terre, tous les foyers sont éteints. […] Cette fois, Zeus « fut mordu au fond de son cœur ». […] Au fond de leur âme assombrie, il laisse l’Espérance, captive divine qui la colore d’une teinte d’arc-en-ciel.
Il y avait de tristes, de hideuses vérités entrevues, et plus qu’entrevues, des monstres arrachés et traînés au jour du fond de cette caverne du cœur, comme l’appelle Bacon : mais le tout revêtu d’un éclat, d’une puissance sonore incomparable. […] Alfred de Musset, comme plus d’un des personnages qu’il a peints et montrés en action, s’était dit qu’il fallait tout voir, tout savoir, et, pour être l’artiste qu’il voulait être, avoir plongé au fond de tout. […] La conscience qu’a Lorenzo d’avoir trop vu et trop pratiqué la vie, d’être allé trop au fond pour en jamais revenir, d’avoir introduit en lui l’hôte implacable qui sous forme d’ennui le ressaisira toujours et lui fera faire éternellement par habitude, par nécessité et sans plaisir, ce qu’il a fait d’abord par affectation et par feinte, cette affreuse situation morale est exprimée en paroles saignantes : « Pauvre enfant, tu me navres le cœur », lui dit Philippe ; et il ne sait que répéter, à toutes les explications et révélations profondes et contradictoires du jeune homme : « Tout cela m’étonne, et il y a dans tout ce que tu m’as dit des choses qui me font peine, et d’autres qui me font plaisir. » Je ne fais qu’effleurer le sujet. […] Il était d’une génération dont le mot secret, le premier vœu inscrit au fond du cœur, avait été la poésie en elle-même, la poésie avant tout. « Dans tout le temps de ma belle jeunesse, a dit l’un des poètes de cette même époque, j’ai toujours été ne désirant, n’appelant rien tant de mes vœux, n’adorant que la passion sacrée », la passion, c’est-à-dire la matière vive de la poésie.
Le drame est plus court, plus concentré, plus fictif ; il est plus à la merci d’un seul événement, d’une seule idée ; l’exaltation en dispose aisément ; il peut se détacher, s’arracher davantage du fond de la vie commune. […] ce que c’est chez l’homme que le vice, le ridicule et la manie ; la science et le goût sont formés ; on a de tolérance et de pitié ce qu’on en aura jamais ; on a presque inévitablement l’ironie avec un fond d’indifférence. […] C’est une étude piquante et profitable à faire que de rapprocher l’une de l’autre ces deux productions, dont le fond essentiel et la forme, restés les mêmes, ont subi pourtant bien des intercalations et des refontes, à six ans de distance, dans un âge où chaque année, pour le poëte, est une révolution, et lui amène, comme pour l’oiseau, une mue dans la voix et dans les couleurs. […] L’amour d’Éthel et d’Ordener, l’invincible union du noble couple, le dévouement fabuleux du héros, composent le fond essentiel, l’âme de l’action : le chapitre xxiie, qui est le point central et culminant du livre, ne nous montre pas autre chose ; on y trouve le canevas exactement tracé, le motif d’un des plus touchants souvenirs d’amour des Feuilles d’Automne ; mais la crudité du dessin, l’impitoyable précision que l’auteur a mise à décrire les portions hideuses, cruelles, et à faire saillir le nain, le bourreau, le mauvais conseiller Musmédon, a donné le change aux autres sur son intention, et par moments l’en a dérouté lui-même.
Dire plus qu’on ne pense, c’est le fond du précieux, et ce fond est aussi indestructible parmi nous que l’esprit de société, par lequel nous aimons mieux réussir, en imitant ce qui réussit, que nous contenter nous-même, en gardant notre naturel et notre vérité. […] Tel est l’homme ; il n’aime au fond que l’agréable et le joli ; il ménage le vrai et le beau. […] Bouhours eut pour successeur direct, au commencement du dix-huitième siècle, l’abbé Trublet, autre bel esprit qui en avait moins de bon que Bouhours ; critique, lui aussi, conciliant pour sa commodité, mais, au fond, fidèle au mauvais Fontenelle, comme Bouhours l’était à Voiture.
Les civilisations47 I Si, au lieu d’Études sur les civilisations 48, Louis Faliés, dupe de ce grand mot moderne, qui dit moins réellement au fond qu’il ne semble dire, avait écrit sans sourciller : Histoire des civilisations, il aurait, pour les niais de ce temps, un titre de livre superbe et alléchant, et ils auraient tous mis le museau dans son panier. […] Du reste, quand on va au fond de ce mot, dont le monde actuel est follement épris comme d’une nouveauté, on y trouve une chose assez vieille : c’est l’action très connue et très continue des siècles, en vertu de laquelle les mœurs se polissent. […] Puisqu’il s’agissait de civilisations, le libre penseur se serait bien gardé de toucher à la seule qu’il y ait dans le monde, — la civilisation chrétienne, — car toutes les autres ne sont que des barbaries, policées peut-être à la peau, mais, pour peu qu’on gratte, atroces, abominables et immondes jusqu’au fond du sang de leurs veines ! […] A côté de celle-là, toutes les autres civilisations disparaissent, ou plutôt elles apparaissent toutes, et même celles que les esprits comme Faliés estiment les plus grandes, comme des Barbaries plus ou moins glorieuses, plus ou moins savantes, plus ou moins artistes, mais, au fond, sous cette fleur de gloire, de science ou d’art, d’épouvantables Barbaries.
Parmi tous les bonheurs et toutes les somptuosités de cette prodigieuse destinée que Dieu, après sa mort, continue à cet heureux, qui aurait pu jeter sa bague aux poissons du Jardin des Plantes, le meilleur, c’est cette gloire plus intelligente et plus pure, incarnée dans l’admiration d’un rare esprit qui sait, lui, pourquoi il admire, et qui se détache de ce fond d’éloges traditionnels et de sots respects qui compose le gros de toute renommée. […] Il avait beau être un homme de génie, c’était aussi un grand seigneur de sentiment, toujours prêt à l’hospitalité, vous tendant sa belle main du fond de ses manchettes ; qui se levait de son bureau pour vous faire accueil, « mis plutôt comme un maréchal de France que comme un homme de lettres », disait Hume étonné, car il avait cette faiblesse d’aimer la parure, qui fut la faiblesse de tant de grands hommes. […] Au fond, en effet, Buffon n’était pas, malgré des qualités de génie, un de ces Intuitifs qui sont les premiers en tout génie humain. […] Les idées de Buffon sur l’économie animale, sur la génération et sur la dégénération des animaux, etc., etc., etc., toutes ces diverses vues sont passées au crible de la plus subtile et de la plus patiente analyse, mais, la conclusion que nous venons de citer l’atteste, ce qui reste au fond du crible, c’est le génie de l’homme qui a remué toutes ces questions !
Saint-Bonnet ne serait pas chrétien que de nature et de physiologie intellectuelle il irait au fond des choses et creuserait les questions jusqu’au tuf. […] Le propre des esprits véritablement supérieurs est d’élever jusqu’à eux les questions qu’ils posent, et de n’en descendre pas moins jusqu’au fond de ces questions soulevées. […] Il ne peut pas l’avoir immédiatement, et voici pourquoi : il faut aux livres comme aux talents destinés au succès rapide, au succès à l’heure même, un côté de médiocrité, soit dans la forme, soit dans le fond, lequel ne déconcerte pas trop la niasse des esprits qui se mêlent de les juger. […] Daniel, et le meilleur de toute sa thèse : « Que l’homme qui enseigne est plus que l’enseignement, et que là où le maître est excellent, les mauvaises doctrines deviennent innocentes », cet argument n’est pas au fond beaucoup plus solide que les autres, et l’histoire elle-même ne s’est-elle pas chargée de le réfuter ?
Schopenhauer a atteint, malheureusement, dans ce vide sans fond qui est le fond de la métaphysique. […] Ce n’est ni celui de Hégel, ni celui de Fichte, mais ce serait peut-être celui de liant, si, du fond de son idéalisme transcendantal, ce captif du moi, comme Descartes, qui s’était enfermé le premier dans cette forteresse sans issue, n’avait pas aperçu la terrible vision d’un monde sans Dieu, et si, pour y échapper, il ne s’était pas jeté par la fenêtre de cette inconséquence que madame de Staël trouvait sublime ! […] Ribot : « Il faut être complètement aveugle, ou entièrement chloroformé par la puanteur judaïque (Schopenhauer déteste les juifs, comme les hommes du théisme qui a précédé le Christianisme sur la terre), pour ne pas voir qu’au fond l’animal est la même chose que nous et qu’il n’en diffère que par accident. » Ailleurs, il se demande ce « que serait l’homme, si la nature, pour faire le dernier pas qui conduit à lui, était partie du chien ou de l’éléphant », — et il se répond sans sourciller (pourquoi sourcillerait-il ?)
Mais chez celle-ci, le rêve est trahi par ce qui reste d’âme au fond de l’animalité. […] Seulement, le clocher ne tombe pas, par un miracle d’équilibre, et il est très solide au fond, tan dis que madame de Montmartel, qui ne l’est pas, ne tombe point parce que ce qui doit l’entraîner : l’illusion et le désir, s’en vont avant la chute, ce qui, certes ! […] L’hypocrisie n’est pas, au fond, si détestable qu’on l’a faite ; car elle prouve que la société croit à une Vérité absolue et régulatrice de la vie, puisqu’on est obligé d’affecter d’y croire comme elle, si ou veut emporter son respect. […] Dans ma préoccupation des deux figures peintes dans La Messaline blonde, je n’ai pas eu le temps de dire ce que je pense de tout ce qui leur fait fond et cadre, et de l’action rapide et changeante à travers laquelle elles sont emportées.
jusque sur la noblesse, l’impardonnable noblesse du fond. […] La Bruyère l’a fasciné, La Bruyère, cet opulent misanthrope, sans violence et sans brusquerie, poli et méprisant, triste au fond comme Chateaubriand, et qui a les mêmes raisons de l’être ; La Bruyère, qui sait le néant de la vie, mais qui, comme les gens du xviie siècle qui n’étaient pas de Port-Royal comme Pascal, avait trop de convenance mondaine pour montrer sa tristesse, cette coquetterie des temps égoïstes et débraillés ; La Bruyère est une terrible menace pour l’originalité de l’homme qui l’admire. […] Je n’ai point voulu percer devant vous une croisée régulière, à carreaux blancs, sobrement encadrée, selon les règles de la maison bourgeoise ; mais, disposant capricieusement ces quarante chapitres autour d’une idée centrale, j’ai prétendu élever, tout au fond de votre cœur, avec des images entassées jusqu’au fouillis et des couleurs étendues jusqu’à la profusion, la flamboyante rosace de la mort. » Et ce qu’il a voulu faire, il l’a fait, cet enlumineur de vitrail jusqu’à l’incendie, ce faiseur de rosace de la mort, dont il grave les feuilles de flamme jusque dans les plus noires obscurités de nos cœurs ! L’idée de ce livre fascinant de J’aime les Morts a, au fond, même quand on ferme les yeux à l’éblouissante enluminure, une douceur dans l’amertume qui y fera sans cesse revenir.
Le celtique est supplanté, repoussé au fond des campagnes, où il végète de plus en plus obscurément, perdant du terrain chaque jour, jusqu’à ce qu’il disparaisse enfin sans bruit aux environs du vie siècle. […] On ira reprendre dans le riche fond de la latinité ce que l’on y avait d’abord laissé ; et les mots savants viendront presque dès le premier jour s’ajouter aux mots populaires : de ces deux classes de mots, formés ceux-ci sous l’influence et ceux-là hors de l’influence de l’accent latin, ceux-ci par la bouche et l’oreille du peuple, et ceux-là par l’œil des scribes, de ces deux classes se fera une langue plus riche, plus souple, plus fine, plus intellectuelle. […] Donc la primitive province romaine, et tout ce vaste bassin de la Garonne où le premier élément de la race est fourni par un fond indigène de population non celtique mais ibère, d’autres régions encore, comme l’Auvergne et le Limousin, presque la moitié de la France ne parlait pas français, et ne produisit pas au moyen âge une littérature française.
De ce double regard toujours fixé sur son double objet naît au fond du cerveau du poëte cette inspiration une et multiple, simple et complexe, qu’on nomme le génie. […] Enfin, il relèverait partout la dignité de la créature humaine en faisant voir qu’au fond de tout homme, si désespéré et si perdu qu’il soit. […] Rien de plus divers en apparence que ses poëmes au fond rien de plus un et de plu : cohérent.
Le fond de la cause la plus claire disparoissoit sous cet entassement ridicule de compilations de toute espèce*. […] Au lieu de soutenir comme lui (ce qui pourtant est très-vrai dans le fond) qu’il n’y a presque point de cas où l’on soit obligé de citer, & que, de mille arrêts qu’on rapporte & dont on se prévaut pour sa cause, il n’y en a pas deux qui se ressemblent ou qui y reviennent ; ils dirent simplement qu’en fait de citations, il falloit du choix, de la justesse & de l’économie. […] En défendant aux avocats de faire le fond de leurs études de tant de livres inutiles à leur profession, ils les bornèrent à l’étude des loix naturelle, divine & humaine ; loix anciennes & nouvelles ; loix païennes & chrétiennes ; loix étrangères & loix du royaume.
Au fond, chez les hommes de 1660, il veut dire surtout naturel. […] Il est vrai que le fond de l’humaniste c’est l’anachronisme précisément. […] On croit que la splendeur de la forme cache la pauvreté du fond : c’est le contraire. […] elles forment et entretiennent des types nouveaux qui ont même fond, forme différente. […] Mais c’était vrai au fond, c’était vrai en puissance.
Les Pieces qu’il a composées en ce genre, annoncent une adresse heureuse pour ajuster le merveilleux au fond du sujet, & le faire naître des circonstances amenées sans effort . […] Pourvu qu’on choisisse bien son sujet, qu’on en regle ingénieusement l’economie, qu’on distribue ses personnages avec choix, que les situations forment des tableaux, pourvu que la fable soit susceptible d’incidens extraordinaires, de divertissemens délicatement variés & tirés du fond même de l’intrigue, de décorations pompeuses ou agréables, on sera toujours sûr de remplir l’objet de cette partie de nos spectacles, & de la sauver des dégoûts d’une ennuyeuse monotonie.
Là-dedans, tout au fond, on trouve, couchée par terre, une femme en chemise, dont le corps est entouré, sept ou huit fois, d’une grande chaîne d’or, une femme qui a les fesses froides comme de la glace. […] Je viens du fond de Paris. […] Le soir, dans le fond du salon de la princesse, j’ai causé, une bonne heure, avec l’avocat Doumerc, de l’affaire de ma désastreuse hypothèque. […] J’avais encore, au fond de moi, la vague inquiétude que la censure avait profité de mon absence pour détruire mon manuscrit, le manuscrit de mon œuvre dernière. […] Il fallait passer par une cuisine, où l’on trouvait les trois Gargamelles écumant des pots, puis on s’engageait dans un étroit corridor, éclairé au fond par une seule fenêtre, donnant sur des estacades de travers, où s’étageaient de malheureux pots de giroflées : un fond ayant quelque chose d’un logis d’une rue de province, dans l’ombre d’une grande église.
L’artiste, en créant le fond, doit aussi créer la forme. […] Le fond évolue perpétuellement. […] Cela dit, j’arrive au fond même de la discussion. […] Mais il ne toucha pas au fond même des choses. […] C’est là le fond même de la différence qui existe entre eux.
Depuis longtemps, Les chanteurs d’amour, de printemps, D’idéal et de fantaisie Ne sont plus écoutés ni lus, Et l’on compte trop peu d’élus Dans le ciel de la poésie… Prenez donc ce coffret où dort Mon passé, cher et jeune mort, Fleuri de fis et d’asphodèles, Et dans quelque abîme profond, Au fond, poète, jusqu’au fond, Jetez-le de vos mains fidèles !
Et puis, si l’on va au fond, qu’est-ce que cette pensée et cette philosophie, avec laquelle M. […] Les heures de la nuit s’écoulaient et je ne m’en apercevais pas ; je suivais avec anxiété ma pensée, qui de couche en couche descendait vers le fond de ma conscience, et dissipant l’une après l’autre toutes les illusions qui m’en avaient jusque-là dérobé la vue, m’en rendait de moment en moment les détours plus visibles. […] Je sus alors qu’au fond de moi-même il n’y avait plus rien qui fût debout. […] Jouffroy n’avait rien de cette activité extérieure, et toute la sienne se portait sur le fond même des questions morales et purement philosophiques qui faisaient son charme et son tourment. […] Or, voici sur ce point ce qui me semble : Supposez un homme assis au bord d’une rivière ou au bassin d’une source, qui s’appliquerait à considérer avant tout la réflexion des objets dans l’eau, à en saisir tous les reflets, les nuances, à en déterminer les rapports, les plans, les perspectives et les profondeurs apparentes ; que penseriez-vous de cet homme s’il posait comme premier principe que les reflets qu’il observe n’ont rien de commun avec les objets du rivage, avec l’état des bords ou du fond, que son étude ne se rattache en rien à cette partie de la physique qu’on appelle l’optique, et qu’il n’a rien de mieux à faire que de s’en passer ?
La Chênaie, « cette sorte d’oasis au milieu des steppes de la Bretagne », où, devant le château, s’étend un vaste jardin coupé par une terrasse plantée de tilleuls avec une toute petite chapelle au fond, était le lieu de retraite de M. de Lamennais, de M. […] Le voile qui s’est déchiré depuis, et qui a laissé voir le fond orageux et mouvant de ses doctrines, n’était qu’à peine soulevé alors. […] Elle se fond en tombant. […] Ce livre dégage et illumine un sens que nous avons tous, mais voilé, vague et privé presque de toute activité, le sens qui recueille les beautés physiques et les livre à l’âme. » Et il insiste sur ce second travail de réflexion qui spiritualise, qui fond et harmonise dans un ensemble et sous un même sentiment les traits réels une fois recueillis. […] Rencontre d’un site assez remarquable pour sa sauvagerie : le chemin descend par une pente subite dans un petit ravin où coule un petit ruisseau sur un fond d’ardoise, qui donne à ses eaux une couleur noirâtre, désagréable d’abord, mais qui cesse de l’être quand on a observé son harmonie avec les troncs noirs des vieux chênes, la sombre verdure des lierres, et son contraste avec les jambes blanches et lisses des bouleaux.
Surtout visez continuellement à renverser de fond en comble cette machine mal assurée des livres de chevalerie, réprouvés de tant de gens et vantés d’un bien plus grand nombre. […] Mais cette part légitime de pensées et de réflexions qu’ajoute incessamment l’esprit humain aux monuments de son héritage intellectuel, cette plus-value croissante qui a pourtant ses limites, doit être soigneusement distinguée de l’œuvre elle-même en soi, bien que celle-ci la porte et en soit le fond. […] Ils en ôtent un peu çà et là, mais ils y adhèrent au fond. […] Il faut savoir lire, particulièrement les livres du xvie siècle ; il y a dans presque tous, à cause des menaces pendantes sur la liberté de pensée, un secret qu’il faut ouvrir et dont la clef est souvent perdue : Rabelais a un sous-entendu, Cervantes a un aparté, Machiavel a un double fond, un triple fond peut-être.
Au fond, ce n’est pas là un cas de déduction logique ; c’est tout au plus un cas d’association empirique. — Vous pourrez répondre que bien des déductions de la science ont ce caractère d’empirisme ; telle est celle par laquelle on affirme qu’un courant électrique circulant dans une direction donnée fera dévier l’aiguille aimantée dans une direction définie. […] Un examen plus approfondi a permis de reconnaître que cette conception de différents agents spécifiques hétérogènes n’a au fond qu’une seule et unique raison : c’est que la perception de ces divers ordres de phénomènes s’opère en général par des organes différents, et qu’en s’adressant plus particulièrement à chacun de nos sens ils excitent nécessairement des sensations spéciales. L’hétérogénéité apparente serait moins alors dans la nature même de l’agent physique que dans les fonctions de l’instrument physiologique qui forme les sensations ; de sorte qu’en transportant, par une fausse attribution, les dissemblances de l’effet à la cause, on aurait en réalité classé les phénomènes médiateurs par lesquels nous avons conscience des modifications de la matière, plutôt que l’essence même de ces modifications… Tous les phénomènes physiques, quelle que soit leur nature, semblent n’être au fond que les manifestations d’un seul et même agent primordial ». […] IV Il se peut donc que la sensation et le mouvement intestin des centres nerveux ne soient au fond qu’un même et unique événement condamné, par les deux façons dont il est connu, à paraître toujours et irrémédiablement double. — Un autre ordre de raisons conduit à une conclusion semblable. […] Enfin elle montre non seulement que les deux événements peuvent être liés entre eux, mais encore que toujours et forcément ils doivent être liés entre eux ; car, du moment où ils se ramènent à un seul doué de deux aspects, il est clair qu’ils sont comme l’envers et l’endroit d’une surface, et que la présence ou l’absence de l’un entraîne infailliblement celle de l’autre. — Nous sommes donc autorisés à admettre que l’événement cérébral et l’événement mental ne sont au fond qu’un seul et même événement à deux faces, l’une mentale, l’autre physique, l’une accessible à la conscience, l’autre accessible aux sens.
Retiré au fond de sa province, il ne se renouvelle pas par le commerce des hommes : et de son fonds, il est sec. […] Seuls les jansénistes trop instruits pour estimer son fond, trop peu artistes pour sentir sa forme — le tenaient en médiocre estime. […] Leur fantastique amour se réduit au fond au culte de la perfection, conception intellectuelle et non sentimentale. […] Car ce qu’il y avait au fond de cet esprit mondain sous les incohérences fantaisistes de la surface, c’était un sentiment très obscur et très fort du pouvoir de la raison : là-dessus s’appuyaient précisément la force du préjugé mondain et la tyrannie de la mode. […] La perfection des œuvres classiques consiste précisément à combiner les deux formules, esthétique et scientifique, de la littérature, de façon que la beauté de la forme manifeste la vérité du fond.
Les Contes à Ninon étaient insignifiants comme fond, d’une assez agréable poésie de romance, caressante et fade, comme forme. […] Comme dit Joseph Prudhomme, au fond c’était superficiel ; autrement dit, en réalité, ce n’était que la façade de son œuvre. […] Il était moins net dans la réalité ; mais je l’ai vu. » Les personnages de Molière et de Balzac sont grossis, amplifiés, élargis, déformés déjà, parce que Molière et Balzac ont de l’imagination, mais ils sont très vrais en leur fond et ils nous font dire : « Je l’ai vu. […] Le maître est descendu au fond de l’immondice. » Soustraction faite de la véhémence inséparable d’une rupture que, du reste, on voulait rendre éclatante, le jugement est presque juste et la condamnation n’est pas imméritée. Ainsi s’était déformé et comme avili le romantisme aux mains d’un homme qui n’était pas capable d’en comprendre les parties hautes et qui était trop prédisposé à en saisir comme avec ravissement les aspects vulgaires, ou bien plutôt qui n’en pouvait comprendre que les dehors et était parfaitement inapte à en pénétrer le fond.
Voltaire au fond est très optimiste. […] Métaphysique au fond de moi, métaphysique derrière les choses, métaphysique au fond de Tout. […] Voilà le fond de Heine. […] Il avait un fond solide. […] Léon Tolstoï a voulu aller, sinon jusqu’au fond des choses, dont je le crois peu capable, du moins jusqu’au fond de ses idées.
Elle m’emmène dans sa petite loge au fond de la salle et tout en changeant de robe, elle me remercie chaudement, chaudement, de lui avoir donné ce rôle. […] Au fond, chez moi, une inquiétude de ce relèvement de la pièce, et une crainte de réaction au quatrième acte, de la part de cette salle, qui veut la chute de la pièce, et va sans doute chercher à l’égayer, ne pouvant la siffler. […] Au fond Paris n’est plus Paris, c’est une sorte de ville libre, où tous les voleurs de la terre qui ont fait leur fortune dans les affaires, viennent mal manger, et coucher contre de la chair qui se dit parisienne. […] Puis, au fond c’est trop grand, trop immense, et il y a trop de choses, et l’attention, comme diffuse, ne s’attache à rien. […] Au fond, le vrai talent de Millet est d’être un fusiniste, un dessinateur au crayon noir avec des rehauts de pastel, le dessinateur styliste de la « Batteuse de Beurre » et de tant d’autres dessins.
Sur le fond, je n’ai aucune envie de contester quoi que ce soit à M. […] Ce géant est, dans le fond, très simple. […] » Et là-dessus elle fond en larmes ; et là-dessus il s’attendrit. […] Au fond elle ne demanderait pas mieux. […] Mais un ouvrier est resté au fond.
Indépendamment de ces difficultés du fond et de la méthode, il y avait aussi celles du personnel. […] J’ai entendu juger diversement cette pièce : je suis de ceux qui, ayant peu d’avis sur le fond de ces choses et croyant qu’il y a plus souvent nécessité d’y recourir que de les dire, voient pourtant circuler dans la fin de la lettre une verve et presque une gaieté de Beaumarchais. […] et lui-même, au fond, qu’a-t-il voulu ? […] Ce que rêve et ce qu’ambitionne au fond chaque jeunesse, ce n’est pas un niveau commun qui fasse limite, « c’est une carrière ouverte à l’émulation de tous les talents pour atteindre à toutes les supériorités ». […] Le fond de ses goûts s’est déclaré avec honneur.
Moreau, de la bibliothèque Mazarine, apportant sur ce sujet une critique exacte et bienveillante, a depuis considéré Saint-Martin dans le fond même et le principe de ses doctrines, et s’est attaché à montrer comment il avait servi la vérité à son heure, et en quoi aussi il y avait manqué, en quoi c’était un chrétien peu orthodoxe, un hérésiarque qui en rappelle quelques-uns du temps d’Origène46. […] Tout en admettant sans contrôle et sans critique le merveilleux qui faisait le fond et l’attrait de ce genre d’opérations, Saint-Martin, plus tourné au moral, ne se livrait pas sans réserve à des procédés où la curiosité s’irritait sans cesse et où le cœur profitait si peu ; et lorsqu’en 1792, à Strasbourg, il lui fut donné auprès d’une amie, Mme Boechlin, de connaître les ouvrages allemands de Jacob Boehm, qu’il appelle le Prince des philosophes divins, il crut pouvoir renoncer absolument à toute cette physique périlleuse et pleine de pièges, pour ne plus cultiver que la méditation intérieure. […] C’est là une sorte de danger auquel n’échappent pas ces âmes humbles et douces, lorsqu’elles prétendent agir et marcher toutes seules dans les sentiers du divin, et faire œuvre d’apôtre et de pape en ce monde : il se trouve qu’il y a un énorme Léviathan d’orgueil caché et dormant au fond de leur lac tranquille52. — Et qu’il ne vienne pas nous dire que ce qu’il sent est plus beau que de l’orgueil, ce n’en est que le plus subtil et le plus spécieux déguisement. […] Témoin des désordres et du relâchement du haut clergé d’alors, jugeant du sacerdoce par ce qu’il en voit, et ne soupçonnant pas ce que la persécution prochaine peut y régénérer, il est au fond un ennemi, et il se croit d’avance l’héritier et le successeur. […] — Ce n’est pas qu’il n’y eût, par moments, bien de l’ambition et un gros orgueil au fond de ce doux Ballanche : il se croyait par éclairs un révélateur et un précurseur de je ne sais quel dogme futur qui serait plus vrai que tous ceux du passé ; mais le plus souvent le Léviathan dormait au fond du lac comme son doux maître. — Un jour, me parlant de Chateaubriand, Ballanche me disait : « Ne croyez-vous pas, monsieur, que le règne de la phrase est passé ?
On la suit dès le berceau, on assiste à ses jeux, à ses rêveries d’enfance, à son mariage, à sa première vie diplomatique, à ce premier débordement d’imagination qui cherchait un objet idéal, même dans son sage mari ; on la voit, à Venise (1784-1786), laissant s’exalter près d’elle la passion d’Alexandre de Stakieff, le jeune secrétaire d’ambassade, dont elle fera plus tard le Gustave de Valérie, ne favorisant pas ouvertement cette passion, ne la partageant pas au fond, mais en jouissant déjà et certainement reconnaissante. […] La figure de Valérie, encore belle, se détachait sur ce fond de vapeur. […] Je me laisse aller à dire la vérité comme moi-même au fond je la sens. […] Des physiologistes et des moralistes plus positifs pensent seulement que celui qui a l’air de se convertir se retourne, et qu’à la bien suivre, la même nature, aux divers âges et dans les divers emplois, se retrouverait au fond jusque sous le déguisement. — Dans toutes ses lettres au docteur Gay, Mme de Krüdner continue de commander instamment les vers désirés et de varier l’inépuisable thème cher à son amour-propre ; elle continue de faire l’article, comme on dit : « Je vous ai prié d’envoyer des vers à Sidonie, nous les ferons insérer ici. […] Eynard est dédié A mes amis Alfred de Falloux et Albert de Rességuier , avec une épigraphe tout onctueuse tirée de saint Paul, ce qui semblerait indiquer que la jeune Rome et la jeune Genève ne sont pas si brouillées qu’autrefois ; mais ces exceptions entre natures affables et bienveillantes, ces avances où il entre autant de courtoisie que de christianisme, ne prouvent rien au fond.
La science seule fournit le fond de réalité nécessaire à la vie. […] Il semble naturel de croire que la grâce vient d’en haut ; ce n’est que bien tard qu’on arrive à découvrir qu’elle sort du fond de la conscience. […] Car ces institutions qui semblent si absurdes ne le sont pas au fond autant qu’elles le paraissent ; ces préjugés ont leur raison, que vous ne voyez pas. […] En poésie, il substitua la composition artificielle à l’inspiration intime, qui sort du fond de la conscience, sans aucune arrière-pensée de composition littéraire. […] Cette mer est autrement profonde ; on n’en touche pas si vite le fond, et il n’est jamais donné aux faibles yeux de l’apercevoir.
Nous aimons mieux examiner le fond même d’un livre qui pèche dans sa notion première. […] … Telle est la déception produite par cette « Histoire d’Attila et de ses successeurs », qui est, au fond, l’histoire de Dieu et de la terre. […] Thierry suppose ne se fît pas exactement comme il le dit, dans cette tête déformée de kalmouck, ivrogne et superstitieux, dont les hordes ne devaient colporter ni dieux, ni morale, ni gouvernements à l’ancien monde, mais il n’est pas douteux que la bête humaine qui pataugeait au fond d’Attila n’eût flairé la jouissance romaine, et que l’envie d’y toucher ne se fût éveillée ! […] Thierry a publié sous le nom de Récits d’histoire romaine au ve siècle un livre sans progrès d’aucune sorte, sans amélioration de talent, sans nouveauté enfin, ni dans ses procédés ni dans le fond des choses, et où il est ni plus ni moins que ce qu’il était déjà, — c’est-à-dire un historien d’une valeur relative et le cadet d’un aîné, qui lui-même n’a pas un mérite absolu. […] Mais, si le fond des choses est aussi différent qu’il le dit, pourquoi ce titre de Récits qui est le même et qu’il emploie ?
Un piano, qui toussote au fond du Mirliton, l’accompagne discrètement. […] Et puis, au fond, ils croient que je suis un des leurs, les brigands. […] est un cri parti du fond de nos cœurs. […] « Car au fond, n’est-ce pas ? […] Au fond l’artiste et le monde ont le même idéal.
Ce dernier même, qui donne, en apparence, à la théorie de Dussault, un si superbe démenti, nous saura quelque gré peut-être de montrer que cette théorie au fond ne contrarie nullement l’hommage dû au plus digne interprète de Tacite, et que, puisqu’elle put s’accommoder autrefois avec le Pline de M. […] Dussault distingue d’abord chez les Anciens le fond et la forme, la partie technique et la partie littéraire : la première, selon lui, tombant complètement sous la prise du traducteur ; la seconde, lui échappant toujours plus ou moins. […] Ce qu’on doit peut-être le plus admirer en lui, c’est l’enchaînement étroit et continu, la contexture serrée et impénétrable qui fait qu’en ses récits tout se tient, et que les traits les plus saillants, les sentences les plus hardies, sortent du fond, y rentrent, et ne paraissent jamais qu’amenés et soutenus.
Il n’y a pas jusqu’au fond qui ne rappelle les soins qu’on prend du vieillard. […] Le fond, les couvertures, les vêtements sont du plus grand fini ; et puis, cet homme dessine comme un ange. […] Dans celui-ci, il a placé à côté du garçon qui apporte à boire à son père infirme, une grosse chienne debout qui a le nez en l’air, et que ses petits tètent toute droite ; sans parler de ce drap qu’il a étendu sur une corde, et qui fait le fond de son tableau.
L’idée générale, le concept, au lieu d’être regardé comme une simple construction, commode mais arbitraire, devient ainsi le fond même de l’être. […] Elle y voit et ne peut y voir qu’une apparence trompeuse, un non-être, un voile jeté sur le fond intelligible des choses et qu’il faut écarter. […] Or il est inadmissible que, pour atteindre la surface de l’être, il faille tant de tours et de détours et que la route soit si courte pour aller au fond.
Bosc, et dont on retrouve l’expression assez peu convenable dans la Correspondance avec Bancal (page 12), n’est autre chose au fond, dans sa crudité, que ce jugement instinctif et presque invincible des esprits de race girondine sur ceux de famille doctrinaire, jugement au reste si amèrement rétorqué par ceux-ci. […] Ses invectives sur Garat, par exemple, sont d’une grande dureté, et ne laissent pas jour aux qualités secondaires de cet homme de talent, de sensibilité même, aimable, disert, aussi bon et aussi sincère qu’on peut l’être n’étant que sophiste brillant et sans la trempe de la vertu : pourtant, après avoir relu l’apologie de Garat lui-même en ses Mémoires, je trouve que, malgré les dénégations de l’écrivain et ses explications ingénieuses, analytiques, élégantes, les jugements de Mme Roland subsistent au fond et restent debout contre lui. […] Ils se seraient radoucis pour le fond des principes de 89 ; leur antipathie contre les hommes de cette période aurait cessé, ou du moins l’estime aurait fait taire à jamais une guerre injurieuse. […] Je demande pardon de tant insister sur cet abîme, sur ce Rubicon étroit, mais sans fond, qui sert de limite entre les plus avancés Girondins et les Jacobins adversaires. […] Un éloge bien rare à donner aux grandes et glorieuses existences, tout à fait particulier à Mme Roland, c’est que plus on va au fond de sa vie, de ses lettres, plus l’ensemble paraît simple : toujours le même langage, les mêmes pensées sans réserve ; pas un repli, nulle complication ou de passions ou de vœux et de tendances diverses.
Seulement, pour que rien ne vienne nous distraire du fond, il faut que la forme ne contrarie pas l’idée que nous nous faisons de la réalité historique. […] Et même cette idée qu’il avait allait un peu au-delà de ce qu’exigeait à l’ordinaire le public : mais, au fond, il ne déroutait pas les spectateurs, et ne leur présentait rien que leur degré de culture ne leur figurât aisément : ainsi il atteignait son but, qui était seulement d’empêcher leur attention de se détourner sur le détail et l’accessoire, et de la ramener tout entière sur la peinture des passions. […] L’idée n’est rien sans la forme, et tout n’est pas fait, quand on a le fond. […] Il réduit le lyrisme à l’ode, et là, il n’atteint pas dans son fond l’inspiration de Pindare, et s’arrête à dresser un catalogue des sujets. […] Ce n’est pas par l’invention : Boileau, au fond, ne conçoit pas autrement l’épopée.
Il se tenait encore tout au fond, debout sur sa paille, de peur de se trahir en se précipitant trop vite vers moi ; mais, quand j’eus ouvert sa grille d’une main toute tremblante, il bondit comme un bélier du fond de l’ombre, il me prit dans ses bras et m’étouffa contre son cœur, où je me sentais mourir et où je restai longtemps sans que lui ni moi nous pussions proférer une seule parole ; lui baisait mes cheveux, moi ses mains, tels que nous nous serrions, vous et moi, ma tante, quand, après une longue absence dans les bois après mes chèvres, je revenais le soir plus tard que vous ne m’attendiez sous le châtaignier. […] Alors je lui ai tout dit, juste comme tu m’avais dit toi-même, et je me suis montré incapable de pardonner jamais dans le fond du cœur, ni dans ce monde, ni dans l’autre, à ceux qui m’avaient séparé de toi et toi de moi, à moins d’avoir la certitude en mourant que tu ne serais jamais à un autre sur la terre et que je serais éternellement ton fiancé dans le paradis. […] Et maintenant, son fils condamné pour homicide, au fond d’un cachot, sur la paille, attendant le jour du supplice ; son frère ayant perdu la lumière du firmament ; moi, flétrie et pâlie par les soucis, loin de ma fille que j’allais retrouver sans qu’il me fût permis de l’embrasser seulement quand je la reverrais ! […] et elle pourra entrevoir d’un coup d’œil, sans détourner trop la tête, tout ce qu’elle chérit ici bas ; ne lui parlez que des yeux et du geste du fond de la loge, elle ne vous parlera que par son silence ; vous aurez assez le temps de lui parler tous de la langue, si je parviens jamais à vous la rendre par la grâce de Dieu, et surtout empêchez bien le chien de japper et de s’élancer vers elle contre la grille, quand nous passerons et repasserons devant le cachot. […] Nous ne répondîmes que par des larmes, et quand Fior d’Aliza revenait à passer, elles redoublaient tellement dans le cachot que nous en étions comme étouffés pendant sa promenade au fond du cloître.
Au fond, il ne lui manqua que ce qui l’eût fait cesser d’être catholique, la critique. […] Il ne faut pas nier qu’un rationalisme très avoué ne soit au fond de tout cela. […] si elles savaient ce qui se passe au fond de mon cœur ! […] Je récite les psaumes avec cœur, je passerais, si je me laissais aller, des heures dans les églises ; la piété douce, simple et pure me touche au fond du cœur ; j’ai même de vifs retours de dévotion. […] Ma sœur, dont la haute raison était, depuis des années, comme la colonne lumineuse qui marchait devant moi, m’encourageait, du fond de la Pologne, par ses lettres pleines de droiture et de bon sens.
Convenons que la présentation d’un tel fond sous une telle forme fait bizarre effet. […] Et au fond, c’est contre ceux-ci que portaient le plus vertement ses coups. […] On n’a guère la curiosité de les y chercher, tant ce qu’il crée de son fond est de même venue, de même famille. […] Cela touche au fond même de la pensée. […] » On imagine combien le fond d’humour de Lekeu dut se délecter de ce personnage.
Ils dessinent sur le fond de leur siècle, et le fond ressort d’autant mieux que le dessin en diffère davantage. […] Au fond, ce n’était que justice. […] Je doute si je doute, est au fond la seule expression qui lui soit permise. […] Au fond, il doit s’y trouver un plan, une unité, un dessein, en un mot. […] Qu’est-ce au fond que cet ouvrage ?
Le front, très haut, se gonfle au-dessus des yeux en deux bosses qui ne font guère défaut dans les têtes des hommes de génie ; les sourcils bien fournis sont très rapprochés des yeux, et ces yeux vifs, perçants, impérieux et spirituels sont comme embusqués au fond de deux cavernes sombres, d’où, avec impartialité, ils regardent passer tous les dieux. […] Tout est permis quand la sincérité fait le fond, d’autant plus que ce que vous avez conseillé aux poètes nouveaux de faire, vous l’avez commencé vous-même, résolument, patiemment. […] Ferdinand Brunetière Tout diffère dans les Poèmes barbares et dans cette Légende des siècles, à laquelle on les a si souvent comparés : l’inspiration, le dessin, la facture, le caractère, l’effet, la forme et le fond, le style et l’idée. […] Gaston Deschamps Dans un fragment très court, qui nous est parvenu du fond de l’antiquité grecque, et que l’on attribue à un musicien nommé Héraclite de Pont, on lit ceci : « L’harmonie dorienne a un caractère viril et magnifique ; elle n’est point relâchée ni joyeuse, mais austère et puissante, sans formes variées et recherchées. » Il semble que le poète altier des Érinyes, le pieux traducteur d’
Telle époque, dite grand siècle, et, à coup sûr, beau siècle, n’est autre chose au fond qu’un monologue littéraire. […] 1830 a ouvert un débat, littéraire à la surface, social et humain au fond. […] Voltaire et Machiavel sont deux redoutables révolutionnaires indirects, dissemblables en toute chose et pourtant identiques au fond par leur profonde haine du maître déguisée en adulation. […] Le contact du beau hérisse extatiquement la surface des multitudes, signe du fond touché.
Un tel fait, de quelque nom qu’on l’appelle, de quelque explication qu’on l’étaie, méritait d’avoir une plus large place que celle qui lui est accordée dans un livre ayant pour but de descendre au fond de la question du Mysticisme. […] Lui, dont les yeux sont fins et sûrs, n’a-t-il pas senti que, s’il les avait fixés profondément sur ce qui n’est pas seulement une distinction nominale, faite par la haute sagesse gouvernementale de l’Église, il n’aurait pu s’empêcher de voir, se détachant du fond commun des idées et des phénomènes imputés au Mysticisme, pris dans son acception la plus générale et la plus confuse, un autre mysticisme, ayant ses caractères très déterminés ; l’éclatante réalité, enfin, qui contient la vérité intégrale que la Religion seule met sous les mains de nos esprits, mais dont la Philosophie les détourne ? […] En détaillant, sous son analyse, l’individualité de Saint-Martin, il a compris que cette plante étrange avait pourtant sa racine dans le terrain de son siècle, et, pour qu’on ne pût s’y méprendre, il nous a retourné le siècle en quelques traits justes et profonds, et nous en a ainsi montré le fond et la superficie. […] En France enfin, le pays des railleurs, où, « les torrents » de madame Guyon ne s’étaient pas écoulés sans laisser les fanges molles et chaudes du Quiétisme au fond de bien des âmes, les dispositions à une mysticité sans guide et sans appui étaient si grandes, que l’odieux jansénisme même, cette froide chose, arrivait aussi au mysticisme, non par la tendresse, mais par l’orgueil… Tel était en réalité le dix-huitième siècle quand y apparut Saint-Martin.
dans ce traité qui s’intitule somptueusement de la Nature des sociétés humaines, le fond des choses, s’il en est un, n’est pas visible. […] En effet, si, philosophiquement, le fond des choses manque au livre des Sociétés humaines, si la théorie n’y bâtit même pas la première arche du pont sur lequel elle doit passer, il y a néanmoins, dans cette œuvre d’expectative, des opinions qui font prendre patience aux plus pressés et qui préviennent sur ce qui doit suivre. […] Au lieu d’une théorie, n’aurait-il pas fait une histoire, l’histoire de la constitution catholique qui n’est au fond que le jeu harmonieux des constellations de la famille dans le zodiaque de l’ordre et qu’il aurait opposée, comme une suprême réponse, à tous ces essais de société mécanique, rêvés par les philosophes du dix-neuvième siècle, en dehors du sociisme humain ? […] Pousser un esprit de bonne foi et de bonne volonté, mais sans connaissance de la profondeur des partis et de leurs desseins, sur la voie dangereuse où il s’est imprudemment avancé, lui retourner un jour ses idées contre ses intentions, compromettre un prêtre, compromettre Dieu, dans cette question du socialisme contre laquelle un gouvernement d’énergie ferait plus que tous les écrivains réunis, voilà ce que M. l’abbé Mitraud, dans les illusions de sa charité, ne voit pas au fond des éloges donnés à son livre par tous ceux-là qui devraient le plus le repousser.
— de ces lettres qu’on ne publie jamais, qui restent au fond des tiroirs et des cassettes inviolables, à moins que quelque main indiscrète ne les arrache au cercueil qui devrait toujours les emporter… Les Lettres de mademoiselle de l’Espinasse, morte en 1776, qui étaient des lettres d’amour, écrites à un homme qu’elle avait ardemment et cruellement aimé, n’ont été publiées qu’en 1809. […] Il n’y a dans tout ce flot d’amour, qui déferle d’un bout à l’autre en ces lettres éloquentes, qu’un seul événement, en dehors de cet amour qui est le fond du livre, et encore qui ne s’y accomplit pas. […] C’est comme si j’avais parlé au fond de la mer, où, perles qu’on n’y pêchera pas, elles sont allées rejoindre celles qu’on y pêche ! […] » Elle dit encore à l’homme qui doute et qui ne voit pas au fond d’elle, cette transparence !
Les créatures inférieures, ténébreuses, misérables, imbécilles, brutales et perverses, qui sont le fond commun de l’humanité et se mêlent au jeu de son action, et le troublent et le souillent ou l’empêchent, je les cherche en vain dans ce livre, où je ne vois que des étoiles… Livre plus orageux et plus passionné, il est vrai, mais aussi chimérique, aussi fabuleux que le livre de l’Astrée, et, comme on ne s’intéresse pas à l’impossible, tout aussi vide d’intérêt que lui ! […] Le peu de fer qu’il y avait dans la ouate plus ou moins enflammée de ce livre s’amollit et se fond, — et tout est bien qui finit bien ! […] Les diplomates, ces hommes de l’action, n’ont guères le temps, je crois, de s’asseoir dans leur rêve et de le réaliser comme les artistes qui ne bougent pas du fond du leur. […] À sa misanthropie on comprend qu’il soit observateur ; il n’est même misanthrope que parce qu’il a observé, et cette observation, très spirituellement pénétrante, est, au fond, celle d’un moraliste qui fait prévoir le moraliste futur.
Mais le doute sur tous points reste au fond du cœur. […] Laissez donc de côté, pour un moment, toute cette couleur de Christianisme qui est comme le fard dont une femme malade voilerait sa pâleur ; entrez dans le fond de leur pensée, et voyez ce qu’ils sont. […] Mais non seulement ils sont harmoniques par ce que je regarde comme le fond de leur nature et l’essence même de leur poesie ; ils s’harmonisent encore en ce que jusqu’ici ils ont adopté tous deux le même monde de convention, le même système social et religieux, la même révélation. […] Leurs chants ont beau être délicieux à mon oreille, le fond, le fond éternel de mon cœur est le doute et la tristesse. […] L’une répond à l’état vrai de l’Humanité de notre temps ; c’est le fond noir et profond du cœur humain dans notre époque.
Cette révélation de la grandeur vraie et simple m’atteignit jusqu’au fond de l’être. […] On y connaît à peine le soleil ; les fleurs sont les mousses marines, les algues et les coquillages coloriés qu’on trouve au fond des baies solitaires. […] L’application eût pu varier ; le fond eût toujours été le même. […] Au fond de la plupart de ses raisonnements, il y a cette opinion, fausse sans doute, que la fortune ne s’acquiert qu’en exploitant les autres et en pressurant les pauvres. […] Ma mère, qui par un côté était Gasconne (mon grand-père du côté maternel était de Bordeaux), racontait ces vieilles histoires avec esprit et finesse, glissant avec art entre le réel et le fictif, d’une façon qui impliquait qu’au fond tout cela n’était vrai qu’en idée.
Ce n’est pas qu’il eût changé le fond pessimiste assez noir de sa philosophie. […] Alors une voix terrible sort du fond de la basilique comme d’un tombeau et s’écrie : « — Amfortas ! […] » Malgré lui, Amfortas, pâle comme un mort, va prendre au fond de l’arche un vase de cristal et l’élève dans les airs. […] Pour le fond même, des conclusions analogues s’imposent. […] Puis Wagner, faisant voir la Nécessité inconsciente sise au fond des choses, explique le rôle de l’Art dans la société de l’avenir.
Il a voulu seulement sur ce fond constant, éternel, et qui pourra servir bien souvent encore, tracer quelques caractères intéressants et jeter quelques beaux discours d’une brillante facture et d’une langue riche… Je serais donc content des « beaux discours », n’était qu’il y en a de trop et qu’ils sont trop longs. […] Aussi n’est-ce point à la forme qu’il faut s’en prendre, mais parfois au fond même de l’idée.
Il détruira lui-même l’instrument qui aurait pu servir à l’élever ; il faudra attendre que la civilisation sorte de nouveau spontanément du fond de sa nature. […] Au fond, cela est peu logique. […] Pour moi, je déclare que, quand je fais bien, je n’obéis à personne, je ne livre aucune bataille et ne remporte aucune victoire, que je fais un acte aussi indépendant et aussi spontané que celui de l’artiste qui tire du fond de son âme la beauté pour la réaliser au dehors, que je n’ai qu’à suivre avec ravissement et parfait acquiescement l’inspiration morale qui sort du fond de mon cœur. […] La base de notre morale, c’est l’excellence, l’autonomie parfaite de la nature humaine ; le fond de tout notre système philosophique et littéraire, c’est l’absolution de tout ce qui est humain. […] Ces mystiques, sainte Thérèse d’Avila, Grenade, ces infatigables théologiens, Soto, Bañez, Suarez, étaient au fond d’aussi hardis spéculateurs que Descartes ou Diderot.
Les coquilles et les ossements se détruisent et disparaissent complétement, lorsqu’ils se déposent au fond d’une mer où aucun sédiment ne s’accumule. […] Cependant, en raison même du mouvement ascensionnel, la puissance de la formation ne pourrait être considérable, et serait toujours moindre que la profondeur du fond où elle s’est accumulée, profondeur que nous avons dû supposer peu considérable. […] Une compensation parfaite entre la quantité de sédiment accumulé et la vitesse d’affaissement du fond sur lequel il s’accumule est donc très probablement une circonstance des plus rares. […] Si, au contraire, le fond de la mer reste stationnaire, à mesure que la formation devient plus puissante, la vitesse d’accumulation doit progressivement diminuer ; mais elle doit aussi progressivement s’enrichir en formes organiques, et les espèces doivent encore changer, sans que leur changement ait pour cause leur transformation par sélection naturelle. Enfin, quand le fond de la mer se soulève, la vitesse d’accumulation s’ajoutant à la vitesse de soulèvement, les phénomènes doivent se manifester dans le même ordre que dans le cas précédent, mais avec une rapidité et une intensité doubles.
Cette date reste écrite dans le fond de notre passé en caractères flamboyants : la date de la première représentation d’Hernani ! […] Racine seul paraît classique aux délicats qui, au fond, n’aiment guère les mâles poètes et le vigoureux prosateur que nous venons de citer. […] Un lit à colonnes salomoniques et à dossiers dorés en occupe le fond avec ses amples pentes de vieux damas des Indes. […] S’il exécutait en peintre, il pensait en poète, et le fond de son talent est fait de littérature. […] L’Institut semblait craindre que ce feuille révolutionnaire ne renversât la société de fond en comble.
Ici, dans le Génie du christianisme, il reparaissait tout autre ; bien que les couleurs brillantes et poétiques donnassent le ton général, et qu’il s’attachât à émouvoir ou à charmer plutôt qu’à réfuter, il prenait l’offensive sur bien des points : il s’agissait, au fond, de retourner le ridicule dont on avait fait assez longtemps usage contre les seuls chrétiens ; le moment était venu de le rendre aux philosophes. […] Quand je dis qu’il y avait tout mis et tout versé de lui-même, je me trompe : il y avait des points sur lesquels il s’était montré moins explicite et moins décidé qu’il ne l’était au fond réellement Aussi, quelques mois après avoir publié cet écrit et quand il comptait en donner une seconde édition, il avait noté de sa main en marge sur un exemplaire diverses modifications à y introduire, et, oubliant bientôt que l’exemplaire était destiné à des imprimeurs, il s’était mis à y ajouter pour lui-même en guise de commentaires ses plus secrètes pensées. […] Ôtez les images, allez au fond, et vous obtenez l’entier aveu. […] votre Dieu n’est plus qu’un tyran horrible et absurde » ; tout à côté de ces mots imprimés Chateaubriand ajoutait de sa main ; « Cette objection est insoluble et renverse de fond en comble le système chrétien. Au reste, personne n’y croit plus. » On a maintenant sondé tout l’abîme et touché le fond de son incrédulité.
Au fond, il n’est pas fort étonnant qu’on se fasse haïr des hommes quand on attaque, sans utilité, les opinions sur lesquelles ils fondent leur bonheur. […] Le second ami, qui est, lui, un pur sceptique, et de ceux qui sous ce nom modeste savent très-bien au fond ce qu’ils pensent, est entré brusquement, m’a abordé d’un air contrarié et presque irrité, comme si j’y étais pour quelque chose, et m’a dit, — vous remarquerez que je n’avais pas encore ouvert la bouche : « Tu me diras tout ce que tu voudras (j’oubliais encore d’ajouter que ce second ami est un camarade de collège et qu’il me tutoie), ce livre est une reculade. […] Je n’examine pas le fond ; mais le temps a assemblé et amassé autour de ces établissements antiques et séculaires tant d’intérêts, tant d’existences morales et autres, tant de vertus, tant de faiblesses, tant de consciences timorées et tendres, tant de bienfaits avec des inconvénients qui se retrouvent plus ou moins partout, mais, à coup sûr, tant d’habitudes enracinées et respectables, qu’on ne saurait y toucher et les ébranler sans jouer l’avenir même des sociétés… » On voit la suite. […] Le paysage de la contrée de Génésareth en particulier, tel qu’il nous le décrit, riant, verdoyant, non épais, non feuillu ni trop païen, mais sobre encore, ouvert de partout à la lumière, à l’innocence, et d’une variété clair-semée, y fait le fond de ces prédications bienfaisantes. […] Havet, un écrivain qui sort tous les trois ou quatre ans de sa retraite et de son silence pour nous produire chaque, fois un chef-d’œuvre de critique en son genre, — que ce soit sur la Rhétorique d’Aristote, sur Pascal ou sur Isocrate, — a publié cette fois encore, dans la Revue des Deux Mondes, un essai de premier ordre pour le fond des idées comme pour l’élégance et la fermeté de l’expression ; il y a traité excellemment de cette Vie de Jésus.
A ce rude métier, il devint ce qu’il est surtout et au fond, un savant, l’homme d’une conception générale, d’un système exact, catégorique, enchaîné, qu’il applique à tout et qui le dirige jusque dans ses plus lointaines excursions littéraires. […] Sa thèse sur La Fontaine, en 1853, fut très remarquée : la forme, le fond, tout y était original et jusqu’à paraître singulier ; il l’a retouchée depuis, et fort perfectionnée, montrant par là combien il est docile aux critiques, à celles du moins qui concernent la forme et qui n’atteignent pas trop le fond et l’essence de la pensée. […] Il a causé, disserté, avec des amis de son âge, avec des artistes, des médecins ; il a échangé, dans de longues conversations à deux, des vues infinies sur le fond des choses, sur les problèmes qui saisissent et occupent de jeunes et hautes intelligences : il n’a pas assez vu les hommes eux-mêmes des diverses générations, des diverses écoles et des régimes contraires, et ne s’est pas rendu compte, avant tout, du rapport et de la distance des livres ou des idées aux personnes vivantes et aux auteurs tout les premiers. […] Taine, je suis si entièrement d’accord avec lui sur le fond et le principal, que je me sens vraiment embarassé à marquer l’endroit précis où commence mon doute et ma dissidence.
En même temps que les compliments au cardinal de Richelieu, au chancelier Séguier et à Louis XIV, s’en sont allés avec tant d’autres choses, le fond des discours s’est mieux dessiné : celui du récipiendaire est devenu plus simple (plus simple de fond, sinon de ton) ; après le compliment de début et la révérence d’usage, le nouvel élu n’a qu’à raconter et à louer son prédécesseur. […] Il rédigeait le Constitutionnel, et se laissa vivre de ce train d’improvisation facile et de paresse occupée qui semble avoir été le fond de ses goûts et de sa nature. […] Ce qu’il trouvera, ce ne sera pas sans doute ce que nous savons déjà sur la façon et sur l’artifice du livre, sur ces études de l’atelier si utiles toujours, sur ces secrets de la forme qui tiennent aussi à la pensée : il est bien possible qu’il glisse sur ces choses, et il est probable qu’il en laissera de côté plusieurs ; mais sur le fond même, sur l’effet de l’ensemble, sur le rapport essentiel entre l’art et la vérité, sur le point de jonction de la poésie et de l’histoire, de l’imagination et du bon sens, c’est là qu’il y a profit de l’entendre, de saisir son impression directe, son sentiment non absorbé par les détails et non corrompu par les charmes de l’exécution ; et s’il s’agit en particulier de personnages historiques célèbres, de grands ministres ou de grands monarques que le poëte a voulu peindre, et si le bon esprit judicieux et fin dont nous parlons a vu de près quelques-uns de ces personnages mêmes, s’il a vécu dans leur familiarité, s’il sait par sa propre expérience ce que c’est que l’homme d’État véritable et quelles qualités au fond sont nécessaires à ce rôle que dans l’antiquité les Platon et les Homère n’avaient garde de dénigrer, ne pourra-t-il point en quelques paroles simples et saines redonner le ton, remettre dans le vrai, dissiper la fantasmagorie et le rêve, beaucoup plus aisément et avec plus d’autorité que ne le pourraient de purs gens de lettres entre eux ?
Cela étant vrai, même des leçons, je ne pense pas qu’il y ait à établir au fond une différence si essentielle entre la leçon et la lecture. […] Pour reprendre ma comparaison, ce qui manque à tous ces cadres, c’est un fond solide et continu auquel ils viennent s’attacher. […] Elles ne mordent pas assez directement et ne trouvent pas d’avance dans l’auditoire un fond de connaissances générales qui les porte. Ce fond général une fois posé, il serait possible d’y rattacher les morceaux qui sont d’une manière plus sobre, modérée et légère, et l’on ne serait pas forcé de se tenir, dans les citations d’histoire, aux auteurs plus tranchés qui ont le relief un peu gros, et qui, avec du feu et de la sève, ne sont pas exempts de déclamation. […] On aurait ainsi plus de façade et moins de fond.
Au fond, ces sortes de querelles, qu’agitait un opposant comme Carrel, sont insolubles. […] Le fond est d’un raisonnement serré, exact, enchaîné, et qui ne donne point prise ; c’est un maître dialecticien. […] Nous connaissons tous l’excellent style et l’excellent esprit de notre ami M. de Sacy des Débats : eh bien, le style de Carrel, quant au fond, diffère peu de celui de M. de Sacy, et ce n’est guère que cette même langue, plus animée de passion, plus trempée d’amertume et plus acérée. […] Il y a dans ce portrait ce qui se rencontre rarement chez Carrel, un éclair lumineux qui tranche sur un fond de misanthropie, et le rayon de soleil. […] C’est que vous connaissez le fond de l’homme mieux que personne.
Et voilà Regnard et ses compagnons s’embarquant à Stockholm pour aller toucher au fond du golfe de Bothnie, et pour percer de là aussi avant que possible vers le pôle nord dans le pays des Lapons. […] Dans Molière, au fond du comique il y a un honnête homme qui n’est indifférent ni au bien ni au mal, ni au vice ni à la vertu, il y a même quelque peu un misanthrope : dans Regnard, au fond, il n’y a que le bon vivant et l’homme de plaisir le plus désintéressé et le plus libre, à qui la vie n’est qu’un pur carnaval. […] Les images sont vives, les expressions puisées au vrai fond de la langue. […] Mais il m’a semblé que cette leçon se perd dans le rire ; on oublie de la tirer, et la folie de la forme emporte le fond.
» dit l’autre voix du fond des cieux venue. […] Pour le fond des choses, pour le choix des sujets, liberté sans contrôle ! […] C’est d’abord, pour le fond, un abus de pensées bibliques. […] Aujourd’hui, le cadre est le principal ; le fond, ou la passion, n’est plus que l’accessoire. […] Je vais plus loin : j’y mets la petite part de malice, qui est au fond des plus honnêtes gens ; tout cela vaut-il une rétractation ?
» Oui, c’est vraiment positif, au fond le scientifique est devenu le goût de toutes les intelligences, depuis les plus hautes jusqu’aux plus basses, et ne voilà-t-il pas une pauvre petite créature, qui au lieu de couper des romans au bas des journaux, coupe des articles de science, et a l’envie passionnée d’aller à un cours médical, comme autrefois l’une de ses pareilles avait l’envie d’aller au bal. […] Il va mieux, merveilleusement mieux, mais au fond, il a une pauvre figure ruinée, avec dessus des rougeurs et des pâleurs d’un sang bien appauvri. […] Au fond, une grande déception devant le néant de la manifestation et la placidité des battus. […] Une composition très originale, la grande toile esquissée pour Gallimard, et représentant le paradis du théâtre de Belleville : cette grande toile faisant le fond de l’atelier, et où les personnages s’arrangent admirablement dans le croisement des courbes hémicyclaires de la salle. […] Au fond, j’ai vu rarement applaudir sur un théâtre un acte, comme j’ai vu applaudir la Cour d’Assises.
Dickens a fait trois ou quatre portraits de fous, très-plaisants au premier coup d’œil, mais si vrais, qu’au fond ils sont horribles. […] Il a la sensibilité fiévreuse d’une femme qui part d’un éclat de rire ou qui fond en larmes au choc imprévu du plus léger événement. […] Dickens est triste au fond comme Hogarth ; mais, comme Hogarth, il fait rire aux éclats par la bouffonnerie de ses inventions et par la violence de ses caricatures. […] Le fond du caractère anglais, c’est le manque de bonheur. […] Lorsqu’on remonte loin dans l’histoire du génie anglais, on trouve que son fond primitif était la sensibilité passionnée, et que son expression naturelle fut l’exaltation lyrique.
Néanmoins elle est bonne femme au fond, disent les pensionnaires, qui la croient sans fortune en l’entendant geindre et tousser comme eux. […] Mlle Victorine Taillefer, jeune personne pâlie par l’infortune, car le bonheur est la poésie des femmes, comme la toilette en est le fond. […] Combien de douleurs étaient cachées au fond de cette solitude monstrueuse ! […] Je descendis, l’âme émue, au fond de cette corbeille, et vis bientôt un village que la poésie qui surabondait en moi me fit trouver sans pareil. […] L’incorruptibilité était son essence ; écrivain léger et trop indulgent pour lui-même en matière légère, mais au fond un honnête homme.
Elle ne l’est pas moins, au fond, que dans le roman d’aventures, mais d’une toute autre manière. […] Et dans le fond n’est-il pas indifférent que je compte des pois ou des lentilles ? […] Il n’arrive pas à la synthèse de l’intelligence et du sentiment, qui rend seule la vie, exprime l’homme complet dans son fond le plus obscur connue dans son être le plus conscient. […] Une clarté, une limpidité parfaite, qui tient souvent à ce qu’on ne va pas jusqu’au fond du sentiment dernier et obscur, ou à ce qu’il n’y a pas de sentiment, pas de cœur, rien que des idées, des motifs puérils ou raffinés, des surfaces. […] Dans la réalité, l’homme supérieur ne porte aucune étoile au front, il ne brandit pas au-dessus de sa tête, à la façon de certains héros de roman, et ainsi qu’une lame d’épée brillante et tranchante, cette supériorité ; c’est tout au plus si on la devine parfois au fond de son regard ; il la prouve, et voilà tout.
C’est dans ce mode, sans une fausse note, à ce qu’il me semble, sans broncher une fois sur le fond, ni sur le ton, qu’il nous déduit les aventures des bonnes et des méchantes fées, du diable au moulin, des bons saints et des bonnes bêtes qui les aiment et qui les suivent jusqu’en paradis. […] En vers français, il présente de légendaires anecdotes de Fées, de Saints, de Rois, Héros divers, que, sur un fond changeant, J’ai de mes mains vêtues d’or et d’argent, Et que ma voix, afin de mieux vous plaire, Ne fait parler qu’en une langue claire.
Je citerai celle-ci, par exemple, qu’il intitule : Domine, non sum dignus : C’était dans l’épaisseur du bois le plus profond, Une source coulait et murmurait au fond Sur un lit de sable ou de pierre ; Et quand je fus auprès, sans que je visse rien, Une voix m’appela, disant : « Regarde bien, C’est la fontaine de ton Père. » Oh ! […] Il le demande en vain au fond des mers avides Où le rivage est abîmé. […] Le fond est à la voûte où tes pointes s’impriment, Ancre d’argent jetée au ciel !
Il nous paroît en avoir également méconnu & le fond & le style. […] Tant qu’ils se bornent à ne puiser que dans leur propre fond, on s’apperçoit d’une sécheresse, d’un désordre, d’une monotonie rebutante, partage ordinaire d’un esprit qui n’a pas su fortifier ses propres richesses par celles des autres. […] Ce qu’il y a de plus absurde, de plus contraire aux mœurs & à l’honnêteté dans le Dictionnaire de ce Philosophe, devient, entre ses mains, le fond principal d’une Compilation odieuse, condamnée au feu par le Parlement, & punie par la détention de l’Auteur à la Bastille.
Mais ces folies avaient une origine idéale, — un fond céleste. » Oui ! […] Mais la Critique ne pouvait-elle espérer sans outrecuidance que ces faits, contre lesquels l’historien se révolte, le frapperaient puissamment par ce qu’ils ont d’extraordinaire et même pour lui d’incompréhensible, et que de cette indignation aveugle, mais vraie et largement vibrante, contre le Moyen Âge, ses passions colossales, ses déchirements nécessaires, ses institutions, tout cet ensemble de servitudes chevaleresques dont Labutte n’a pas même la notion première et que Schiller, qui était un grand poète et un noble cœur, appuyait sur un fond céleste, il serait au moins sorti un cri énergique, une réprobation digne de ce temps immense, quelque chose, enfin, qui aurait eu son éloquence, son injuste, mais réelle beauté ? […] … Voit-il juste, même au sens le plus borné, quand, démocrate d’hier, talonné par son opinion jusque dans le fond du xe siècle, il s’étonne (ce ne peut pas être par ignorance) de ce que Richard II punit son frère d’avoir enfreint la loi fondamentale de la féodalité, et qu’il écrit, avec le point d’admiration et les italiques de la niaiserie : il avait refusé l’hommage !
Ainsi, plus tard, au xixe siècle, n’avons-nous pas vu l’étrange fortune de ce petit roman d’Adolphe, si horriblement sec de fond et de forme, et dont personne n’eût parlé peut-être si l’auteur, plus roué qu’on ne croit, n’eût intéressé la fatuité humaine à la réussite de son ouvrage ; car tout homme, en disant que ce livre est vrai, ne semble-t-il pas révéler qu’il a connu le friand tourment d’une Ellénore ? […] Elle vivait au loin, dans son pays, au fond du cloître qu’elle avait souillé, et à peine si ceux qui lisaient ses lettres en France savaient son nom étranger. […] Madame de Sévigné s’y est trompée, mais la pauvre sœur Louise de la Miséricorde, interrogée, aurait répondu, du fond de ses Carmélites de Chaillot, que les passions qui souffrent ont d’autres accents dans les maisons du Seigneur… Madame de Sévigné, le xviiie siècle, Saint-Simon, et plus tard Duclos, toute la terre enfin, ont été dupes de quelque mystification inconnue.
Or, cette plaisanterie, qui n’est pas le fond du livre d’Henri Rochefort, mais sa forme, je me permettrai de la décrire et de l’examiner ; car la forme d’un livre quelconque, fût-ce L’Esprit des Lois ou le Traité du Prince, est plus importante que le fond, malgré tous les pédants qui le nient ou qui pourraient le nier. Le Traité du Prince et L’Esprit des Lois, dépassés, jugés, presque méprisés, dans leur fond, à cette heure, grâce à notre éducation et à notre expérience politiques, sont encore vivants par leur forme, qui, si elle n’est pas immortelle, mettra du moins plus de temps à mourir… Et s’il en est ainsi pour les œuvres de Machiavel et de Montesquieu, qui eurent leur jour de nouveauté et de profondeur dans la pensée, à plus forte raison pour un livre inférieur à ceux-là, pour un recueil, écrit au jour le jour, d’observations piquantes, — je le veux bien !
On démêle presque toujours, au fond des théories du beau, du bien, de l’idéal, l’aspiration à une place, à une chaire, à un bon logement, — pour le théoricien. […] Au fond il semble qu’il veuille avoir la main forcée, de façon à être couvert par un ordre ministériel. […] Du reste, nous savons à peu près le fond de l’affaire. […] Salle dans la pénombre avec des lueurs de lune glissant d’un côté sur les toiles de couverte des balcons et sur les muscles des cariatides des avant-scènes ; au-dessous tout le fond de la salle obscurée, piqué de petits trous de jour cerise, filtrant par les rideaux rouges du fond des loges. […] Et derrière la toile du fond, nous entendons, pendant un quart d’heure, des vociférations féroces ne pas vouloir permettre à Got de dire notre nom.
Quelle superbe toile de fond, si je puis dire, à la tragédie de Racine ! […] Des blocs neigeux encombrent le fond de la scène. […] Bref, ailleurs c’est mieux que chez nous ; mais, au fond, c’est comme chez nous. […] Au fond, c’est d’hommes semblables à nous que notre songerie peuple les planètes. […] Cette absence n’a, au fond, rien de surprenant.
Vous avez dit ce qui était à dire : il aimait l’esprit et il en avait ; il avait un grand sens, — ce bon sens qui se trouve au fond de tout bonheur : il y mêlait, comme vous l’observez très bien, quelque légèreté (mot qui étonne à première vue) et de l’inconstance. […] Il était tout à fait bonne compagnie dans le sens de bon compagnon : aucun de ceux qui l’ont vu familièrement et dans le tous-les-jours ne saurait l’oublier. — Cette modération qu’il avait au fond et qui faisait partie de son humeur autant que de sa réflexion et de sa prudence, vous l’avez eue en parlant de lui, et c’est ce que j’appelle le ton juste.
Ce chant pareil, qui revient à chaque couplet sur des paroles variées, imite parfaitement la nature : l’homme qui souffre, promène ainsi ses pensées sur différentes images, tandis que le fond de ses chagrins reste le même. […] La leçon des Lamentations de Jérémie porte un caractère particulier : elle peut avoir été retouchée par les modernes, mais le fond nous en paraît hébraïque ; car il ne ressemble point aux airs grecs du plain-chant.
Le fond passe avant la forme. […] La description forme le fond même du style descriptif. […] Son procédé de description va droit au fond. […] C’est le fond qui transfigure la forme. […] Cet acte d’orgueil n’était au fond qu’un acte de foi.
Au fond il en est exactement de même dans la vie réelle. […] On le laisse comme s’enfoncer vers la toile du fond. […] Elle est juste au fond et excessivement dure dans la forme. […] C’est le fond qui manquera le moins, et tout peut être matière à procès. […] Athalie fait fond sur Abner.
… La jeunesse qui va aux cours de Michelet et de Quinet et qui fait tapage est froide au fond, indifférente, sans principes, sans même le nerf qui est le propre de la jeunesse. […] Mais au fond je trouvais que mon homme d’esprit académicien faisait preuve de goût et de franchise en me parlant ainsi ; et que nos autres académiciens non romantiques qui se sont pris subitement à vouloir revendiquer cette œuvre comme de leur école sont dupes et vraiment niais.
Il nous a semblé de plus que si cette circonstance nouvelle, si précieuse à nos yeux, en venant certainement compliquer pour nous les difficultés et multiplier les convenances, devait avoir un effet rétroactif et allait jusqu’à nous obliger à rétracter, à modifier les jugements du passé, il n’y aurait ni fond ni base solide à notre travail critique : nous n’avons donc pas hésité à maintenir dans presque tous les cas ce qui est écrit. […] Les inégalités mêmes et les brusqueries du retour ne sont pas au fond une preuve d’indifférence.
La nature humaine, plus forte au fond que tous les systèmes religieux, sait trouver des secrets pour reprendre sa revanche. […] Si comme tant d’autres je ne voyais dans la religion qu’une machine, une digue, un utile préjugé, je prendrais ce demi-ton insaisissable qui n’est au fond qu’indifférence et légèreté. […] Le siècle n’est plus controversiste parce qu’au fond il est incrédule et frivole. […] Au fond, les différences entre les sectes religieuses ne sont pas moindres. […] Et pourtant elles sont vraies au fond, toutes également vraies, mais étroitement exprimées.
Le Pessimisme de Richard Wagner La mystérieuse inconnue sise au fond des choses, n’est-elle point seulement, l’inconnue cachée au fond de nous-même ? […] Au fond des Apparences est l’Esprit, qui les connaît, et qui pour les connaître, les produit. […] au fond, une sorte d’hommage inconscient au Maître immortel ? […] Au fond c’était le besoin d’aimer dont son âme était remplie. […] Wagner expose la Théorie du Rêve ; il compare Shakespeare au Voyeur de Fantômes : mais Beethoven au Somnambule clairvoyant, qui, perçoit, sous les fantômes, le fond réel les produisant.
. — Le fond est aussi sérieux qu’il le fallait pour un pareil sujet. […] La fontaine, que quelques critiques trouveront sans doute un peu Séraphin, cette fontaine fabuleuse nous plaît ; elle se partage en deux nappes, et se découpe, se fend en franges vacillantes et minces comme l’air. — Dans un sentier tortueux qui conduit l’œil jusqu’au fond du tableau, arrivent, courbés et barbus, d’heureux sexagénaires. — Le fond de droite est occupé par des bosquets où se font des ballets et des réjouissances. […] Tout dans cet excellent portrait, les chairs, les ajustements, le fond, est traité avec le même bonheur. […] La tête, romantique et doucement pâle, se détache sur un fond gris, encore plus pâle autour d’elle, et qui, se rembrunissant vers les coins, a l’air de lui servir d’auréole […] Un seigneur, avec Marion Delorme onduleusement appuyée à son bras, n’écoute pas la complainte du Salomon qui gesticule comme un forcené dans le fond.
Ce fruit aride des années, Qu’à nos seules tempes fanées Un œil jaloux découvrirait ; Ce fond de misère et de cendre, Enfants, faut-il donc vous l’apprendre ? […] Dès la première des Lettres de Famille, que le ton est autre, lorsque Mme d’Attilly ouvre son cœur qui se fond, dit-elle, de tendresse à regarder ses enfants ! Le mordant se fait jour encore par places, par points, comme quand il s’agit de l’oncle de Revey, qui, en se mettant à son whist, prétend qu’on est toujours élevé ; mais le fond est en entier sérieux, ce qui n’empêche pas la finesse de bien des traits de s’y détacher. […] Elle n’aimait pas l’art avant tout, et voyait le fond plutôt que la forme, préférant la pensée moderne à la beauté antique. […] On l’y pouvait trouver un peu rude d’abord ; sa raison inquisitive, comme elle dit quelque part, cherchait le fond des sujets ; mais l’intérêt y gagnait, les idées naissaient en abondance, et, sans y viser, elle exerçait grande action autour d’elle.
Dès la première page je lis ce mot, qui révèle tout le caractère du peintre : « Un paysage est le fond du tableau de la vie humaine. » La lettre quatrième, écrite au moment du départ, m’apparaît, dans sa sensibilité discrète, comme toute mouillée de pleurs : « Adieu, amis plus chers que les trésors de l’Inde ! […] Bernardin, du fond de son faubourg Saint-Marceau, devenait le parrain souriant de toute une génération nouvelle. […] Lemontey, en sa dissertation sur le naufrage du Saint-Géran, excellent littérateur, à l’affectation près, a fort bien jugé au fond, bien que d’un ton de sécheresse ingénieuse, ce chef-d’œuvre tout savoureux : « M. de Saint-Pierre, dit-il, eut la bonne fortune qu’un auteur doit le plus envier : il rencontra un sujet constitué de telle sorte qu’il n’y pouvait ni porter ses défauts, ni abuser de ses talents. […] Ce moment, s’il avait pu se prolonger, était particulièrement propice au déisme philosophique, aux vues et aux vœux politiques du solitaire : Louis XVI pour roi, Bailly pour maire, Bernardin de Saint-Pierre pour moraliste du fond de son Jardin-des-Plantes ; et Rabaut-Saint-Étienne pour historien, qui proclamait, comme on sait, la Révolution close et cette constitution de 91 éternelle. […] Rien de plus piquant que les deux morceaux mis en regard avec les suppressions et les arrangements de Bernardin ; mais le fond est textuellement le même.
Le fond des choses contenues dans ces deux mots : noblesse et roture, n’existe plus en effet. […] Gaston de Presles était ruiné de fond en comble, et il lui a donné en mariage sa fille Antoinette, ornée d’une dot de cinq cent mille francs. […] Ainsi, les jeunes filles millionnaires du monde profane, les vierges sur fond d’or de l’aristocratie et de la finance reçoivent, bien souvent, des déclarations d’amour qui devraient si elles étaient sincères, être écrites en chiffres, comme les dépêches secrètes des diplomates. […] Il est ruiné, ruiné de fond en comble et du haut en bas ; une hausse gigantesque n’a fait qu’une bouchée de ses trois millions. […] J’aurais voulu que le bonhomme se détachât sur un fond de passé plus noir ; qu’il eût gagné ses millions, par exemple, à vendre des nègres, ou à faire l’usure dans quelque caverne sordide, pleine de frégates d’ivoire et de crocodiles empaillés.
Qu’y a-t-il au fond du risible ? […] On pourrait dire qu’elle nous livre la quintessence même du pédantisme, lequel n’est guère autre chose, au fond, que l’art prétendant en remontrer à la nature. […] Nous allons obtenir quelque chose de plus général : la forme voulant primer le fond, la lettre cherchant chicane à l’esprit. […] Ainsi le moyen se substitue à la fin, la forme au fond, et ce n’est plus la profession qui est faite pour le public, mais le public pour la profession. […] Considérez par exemple cette note comique : la forme voulant primer le fond.
Pendant ce temps les grands bœufs marchaient toujours, et les murs gris des remparts de Lucques, couronnés d’une noire rangée de gros tilleuls, commençaient à apparaître à travers la poudre de la route, au fond de l’horizon. […] Comment connaître si c’est lui qui se torture là-bas, au fond, dans la loge de bêtes féroces ; comment lui faire savoir, sans nous trahir l’un l’autre à l’oreille des autres prisonniers ou du bargello, que je suis là, tout près de lui, cherchant les moyens de l’assister ? […] Mais au moment où mes genoux touchaient terre, monsieur, voilà qu’un lourd bruit de chaînes qu’on remue monte d’en bas jusqu’à la lucarne, et qu’une faible voix, comme celle d’un mineur qui parle aux vivants du fond d’un puits, fait entendre distinctement, quoique bien bas, ces trois mots séparés par de longs intervalles : Fior d’Aliza, sei tu ? […] On ne voyait rien au fond de leur loge à demi obscure qu’un grabat, une cruche d’eau et une litière de paille fraîche semblable à celle que nous étendions dans l’étable sous nos chèvres. […] Quand on voulait leur passer leur nourriture, on les faisait retirer au fond de la loge, comme les lions ou les tigres qu’on montre dans la ménagerie ambulante de Livourne ; on faisait glisser au milieu du cachot une seconde grille aussi forte que la première ; on déposait entre ces deux grilles ce qu’on leur apportait, puis on ressortait.
À quoi bon les excès de la forme que ne rachète pas la moralité du fond ? […] Au fond, la grande faiblesse du livre, veut-on la savoir ? […] Nous allons au fin fond de l’hôpital, à une grande porte jaunâtre sur laquelle il y a écrit en grosses lettres noires : Amphithéâtre. […] Puis, de la chapelle, au fond du cimetière Montmartre, élargi comme une nécropole et prenant un quartier de la ville, une marche à pas lents et qui n’en finit pas dans la boue… Enfin les psalmodies des prêtres, et le cercueil, que les bras des fossoyeurs laissent glisser avec effort, au bout de cordes, comme une pièce de vin qu’on descend à la cave. […] Pourquoi, à l’heure actuelle, un romancier (qui n’est au fond qu’un historien des gens qui n’ont pas d’histoire), pourquoi ne se servirait-il pas de cette méthode, en ne recourant plus à d’incomplets fragments de lettres et de journaux, mais en s’adressant à des souvenirs vivants, peut-être tout prêts à venir à lui ?
Zola, dans sa prétention la plus accusée, qui était d’être de la peinture par les mots élevée à sa plus haute puissance plastique, n’est, au fond, qu’une suite parfois très fatigante de nomenclatures à épithètes violentes. […] Très peu original au fond, toujours en flagrant délit d’imitation de quelque chose ou de quelqu’un, mais croyant le dissimuler par la violence de son imitation et par l’épouvantable grimace qu’il fait faire à ce qu’il imite, M. […] Eh bien, la Critique est tenue d’expliquer ce succès, sur la nature duquel la vanité de l’auteur et la complaisance de ses amis pourraient se méprendre, et elle va l’expliquer avec les deux mots que voici : la haine du catholicisme, qui est le fond du livre, et la bassesse de son inspiration. […] Zola, avec sa grâce ordinaire, était au fond du trou, et les paysans retiraient les cordes. […] J’ai reconnu le tempérament de l’homme qu’était l’auteur de L’Assommoir avant que le réalisme l’eût pris tout entier et jeté dans le fond de son trou d’immondices !
C’est bien là au fond la vocation et le vœu de l’ardent disciple ; mais l’écrivain entraîné ne nuirait-il pas au chrétien intérieur et pratique ? […] Je ne peux pas en désavouer le fond, parce qu’il ne me paraît que trop vrai, et que l’on ne peut guère s’abuser sur ce qu’on sent ; mais j’aurais dû m’efforcer de mettre plus de mesure dans l’expression. […] Sa nature n’était pas de celles qui se guérissent par des conditions extérieures ; elle était trop marquée au fond et en elle-même d’un signe de désespoir, et ce désespoir le ressaisissait souvent sans cause : la bile noire reprenait le dessus. […] Est-ce que les tristes Amschaspands ne vous ont pas montré le fond d’une âme découragée ? […] J’ai beau me dire à cet égard ce qu’on souhaite, ce qui peut-être est raisonnable au fond, le sentiment l’emporte, il m’écrase.
Avec infiniment moins d’ambition qu’aucun, il a son point sur lequel il est autant hors de ligne : Manon Lescaut subsiste à jamais, et, en dépit des révolutions du goût et des modes sans nombre qui en éclipsent le vrai règne, elle peut garder au fond sur son propre sort cette indifférence folâtre et languissante qu’on lui connaît. […] On aime à s’étendre avec lui, en plus d’un endroit des Mémoires d’un Homme de qualité et de Cléveland, sur ces promenades méditatives, ces saintes lectures dans la solitude, au milieu des bois et des fontaines, une abbaye toujours dans le fond ; sur ces conversations morales entre amis, qu’Horace et Boileau ont marquées, nous dit-il, comme un des plus beaux traits dont ils composent la vie heureuse. […] Mais le monde habituel de Prévost, c’est le monde honnête et poli, vu d’un peu loin par un homme qui, après l’avoir certainement pratiqué, l’a regretté beaucoup du fond de la province et des cloîtres ; c’est le monde délicat, galant et plein d’honneur, tel que Louis XIV aurait voulu le fixer, comme Boileau et Racine nous en ont décoré l’idéal, qui est à portée de la cour, mais qui s’en abstient souvent ; où Montausier a passé, où la Régence n’est point parvenue. […] Toute différence s’efface, toute inégalité se nivelle, tout relief se polit et se fond dans cette veine rapide d’une invariable élégance. […] Du fond de ce déclin paisible, Prévost se détache plus vivement qu’aucun autre.
C’est le fond, de plus en plus mélangé, du panier où l’auteur entasse ses aphorismes de morale sociale, et dont les pêches à quinze sous du Demi-Monde offraient la primeur. […] Elle a aussi un mari réel, Yankee errant et intermittent, qui exploite des mines, fabuleusement lucratives, au fond du Far West. […] Cette vierge dorée sur fond noir, ne se donne à personne, et vend ses refus plus chers que les plus célèbres impures ne font payer leurs faveurs. […] Le succès a fait, à la surface, un grand bruit de bravos et d’applaudissements ; on sentait, au fond, une impression trouble et une secrète résistance. […] Quel démon cache, dans son double fond, ce coffre-fort à secret ?
… Le progrès, qu’est-ce que lui doit au fond Paris ? […] Quant à une restitution morale, le bon Flaubert s’illusionne, les sentiments de ses personnages sont les sentiments banaux et généraux de l’humanité, et non les sentiments d’une humanité particulièrement carthaginoise, et son Mathô n’est au fond qu’un ténor d’opéra dans un poème barbare. […] Une bonne chose au fond que cette habitude ancienne de la transmission des portraits de famille : c’était un enchaînement de la race. […] Maintenant très original dans sa façon de s’exprimer, il l’est assez peu dans sa façon de penser, n’ayant une impression de la beauté et du caractère des choses, que lorsqu’il en est averti par un livre bon ou mauvais, croyant, à la façon d’une intelligence inférieure, à l’imprimé, et par cette servitude assez soumis dans le fond à l’opinion générale. […] Au fond, dans ce recueil de pensées, les pensées n’ont pas la netteté française.
Il y était intéressé et parce qu’il était fort loué dans le poème, et par toutes sortes de motifs de revanche délicate ou de prosélytisme philosophique ; pourtant il loue si fort, et il y revient si souvent dans les mêmes termes, qu’il faut bien croire que c’était le fond de sa pensée : J’ai un remords, écrivait-il à Saint-Lambert (7 mars 1709), c’est d’avoir insinué à la fin du Siècle présent, qui termine le grand Siècle de Louis XIV, que les beaux arts dégénéraient. […] Je ne peux ici entrer dans aucun détail, parce que votre ouvrage court tout Genève, et qu’on ne le rend point ; mais soyez très certain que c’est le seul de notre siècle qui passera à la postérité, parce que le fond en est utile, parce que tout y est vrai, parce qu’il brille presque partout d’une poésie charmante, parce qu’il y a une imagination toujours renaissante dans l’expression… Et plusieurs années après (1er septembre 1773) : Je fus certainement l’avocat d’une cause gagnée quand je fus si charmé du poème des Saisons : soyez sûr que cet ouvrage restera à la postérité comme un beau monument du siècle. […] Le fond de son commerce, où il entrait du sens, de l’équité et des qualités sûres, était « d’une sécheresse et d’une aridité singulières. » Deux ou trois dîners chez Mlle Quinault, qui nous le montrent en gaieté et en veine d’enthousiasme, accusent en même temps et convainquent cet enthousiasme de ne se monter que pour des objets et des tableaux d’une sensibilité toute physique et toute sensuelle : il ne croit ni à la chasteté ni à la pudeur, ni à aucune religion, et ne fait pas même grâce à la religion naturelle : — « Pas plus celle-là que les autres », s’écrie-t-il. […] Et comment aurait-il parlé, en même temps que de la nature, de ce qui donne à la vie privée son embellissement et tout son charme, des femmes qu’il aimait, mais qu’au fond il estimait assez peu, dont il décomposait et niait les plus naturelles vertus par la bouche de Ninon, et en faveur de qui, sous le nom de Bernier, et pour tout réparer, il se contentait de dire : « Maintenons dans les deux sexes autant que nous le pourrons ce qui nous reste de l’esprit de chevalerie… » Mais ce reste d’esprit de chevalerie qui, dès lors bien factice et tout à l’écorce, était bon pour entretenir la politesse dans la société, est loin de suffire pour renouveler et pour réjouir sincèrement le fond de l’âme, pour inspirer le respect et l’inviolable tendresse envers une compagne choisie, et pour former au sein de la retraite une image de ce bonheur dont le grand poète Milton a montré l’idéal dans ces divines et pudiques amours d’Adam et Ève aux jours d’Éden. […] William Cowper est loin d’être parfait sans doute, et il a, lui aussi, ses excès, ses défauts ; il a ses parties pénibles et austères à côté de ses peintures les plus neuves et les plus riantes ; il semble déchiffrer parfois, en contemplant la nature, ce que d’autres après lui y liront avec plus d’ampleur et de facilité : mais ce qu’il possède incontestablement, sans parler de son style réel et hardi dans sa simplicité, c’est le fond même de la poésie qui lui est propre ; il en occupe toutes les sources pures émanées d’Éden, et il pratique tous les sentiers qui peuvent y ramener.
Tout d’abord je dois dire, pour qu’il n’y ait pas à se méprendre sur les éloges si dus à cet état d’une belle âme inaltérable et pure, que l’angélique princesse est au fond dans l’inintelligence politique la plus entière de la situation ; elle voit nettement les faits, et elle les rend comme elle les voit ; mais la raison, la nécessité qui les produit et les enchaîne lui échappe. […] Mirabeau a été mis d’abord en rapport avec le comte de Mercy, qui m’a dit en avoir été complètement satisfait, et a même ajouté que depuis longtemps Mirabeau, dégoûté de la marche des affaires, se sentait en disposition de s’entendre avec la Cour et s’attendait à des ouvertures de ce genre ; qu’on pouvait voir d’ailleurs, par ses travaux dans l’Assemblée, qu’au fond il avait toujours été l’homme des principes monarchiques. […] Il faut distinguer, ai-je dit, entre les lettres où la reine se contient un peu et celles où elle peut découvrir le fond de son cœur. […] La nature humaine est bien méchante et monstrueuse ; et cependant cette nation, j’en ai eu des preuves singulières, n’est pas mauvaise au fond. […] Elle ajoutait dans tout le feu de son indignation et l’ardeur profonde de son mépris : « Je ne vous charge pas de faire mon apologie ; vous connaissez depuis longtemps le fond de toute mon âme, et jamais le malheur n’y pourra faire entrer la moindre idée vile ni basse ; mais aussi ce n’est que pour la gloire du roi et de son fils que je veux me livrer en entier, car tout le reste que je vois ici m’est en horreur, et il n’y en a pas un, dans aucun parti, dans aucune classe, qui mérite qu’on fasse la moindre chose pour lui. » Voilà les accents du cœur, l’âme même qui déborde.
Le fond du cœur commence à percer : ce n’est pas un ami, ce n’est pas même un indifférent qui écrit ici sur André Chénier. […] André Chénier a imité dans les idylles attribuées à Théocrite celle qui a pour titre et pour sujet l’Oaristys, c’est-à-dire la conversation familière d’un pasteur et d’une bergère au fond des bois ; c’est une des pièces dont on trouverait le plus d’imitations chez nos vieux poëtes, qui d’ordinaire l’ont plutôt paraphrasée et légèrement parodiée en y substituant quelque chasseur moderne qui rencontre une villageoise. […] remy ne paraît pas avoir fait) la Vie d’Homère, faussement attribuée à Hérodote, mais qui, si fabuleuse qu’elle soit, exprime très-bien le fond des légendes populaires qui circulaient sur le poëte. […] Pour nous qui ne faisons que balbutier en ces matières, nous avons pourtant gravé au fond du cœur, et nous nous surprenons quelquefois à réciter avec émotion ce début de l’admirable élégie de Properce, dont M. […] Lui, comme tous les chantres de la jeunesse, de la beauté et de l’amour, il forme un vœu plus doux, il rêve une gloire plus charmante, quelque Françoise de Rimini au fond : Ut tuus in scamno jactetur sæpe libellus, Quem legat expectans sola puella virum96.
Selon Leibniz et Herbart, l’intelligence est le fond même de la sensibilité, les plaisirs et les peines sont des idées ou des rapports entre les idées. Selon Hartmann, l’intelligence est si peu le fond de la sensibilité que les plaisirs et les douleurs, en eux-mêmes, sont doués seulement d’intensité, sans être doués de qualités distinctives ; la qualité est l’apanage exclusif de l’intelligence et des idées. […] Nous extrayons cette représentation de l’émotion elle-même et de l’impulsion motrice qui la suit, tantôt répulsive, tantôt attractive, dès que nous pouvons réfléchir sur cette émotion et faire attention à ses limites plutôt qu’à son contenu, à ses relations plutôt qu’à son fond, à ses antécédents, à ses conséquents et à son lien avec le mouvement plutôt qu’à sa nature intime et caractéristique. […] En outre, la théorie de Herbart est impuissante à expliquer les plaisirs et les peines les plus élémentaires qui se retrouvent au fond des autres et qui, en se compliquant, produisent les sentiments supérieurs. […] On pourrait appliquer aux couleurs le raisonnement de Hartmann : nous comparons ensemble diverses couleurs, donc il n’y a au fond qu’une couleur plus ou moins intense à laquelle s’ajoutent des modifications étrangères à la couleur même.
Si on pouvait racheter la démocratie du fond par l’aristocratie de l’attitude, elle la rachèterait. […] mais patricien au fond, et patricien involontaire, — elle était faite pour mieux que pour vouloir être l’entremetteuse politique d’un sexe qui sait bien, d’ailleurs, faire ses affaires tout seul. — Pendant le bon temps, quand elles sont jeunes, les émancipées le sont de fait et n’en demandent pas plus ; et lorsque la vieillesse et la laideur fondent sur elles, c’est en vain qu’elles mendient le suffrage des portefaix et des prolétaires, à la porte des mairies, une sébile électorale à la main ! […] On reconnaîtrait le bas-bleu, — le bas-bleu savant, — qui ne tient pas à être artiste ; qui trouve qu’il y a mieux que l’art, c’est la pensée philosophique, et qui croit l’avoir au fond de son creux, comme on a une perle au fond d’une cruche. […] Le livre de Mme Stern est, par la forme, le pensum de la gravité affectée, comme il est, par le fond, le doctrinarisme de la Libre-Pensée et l’expression de ces misérables généralités philosophiques qui sont les vulgarités intellectuelles de ce temps.
Jourdain disait : « Nicole, apportez-moi mes pantoufles. » Pour lui, le fond, en toutes ses œuvres, a toujours mieux valu que la forme, mais quand, ainsi que dans ces Lettres, où je le trouve nul d’esprit et de cœur, le fond n’est rien, que devient le tout ? […] Il aurait donc pu nous donner, dans ses confidences épistolaires, du fond de cette maison où il a toujours vécu, le dessous de cartes de l’Empire, à nous qui n’en connaissions que les dessus… S’il y avait eu, dans cette tête de Mérimée que jusqu’ici on pouvait croire sagace, quelque chose de la pénétration d’un Commines, par exemple, nous aurions actuellement le livre intéressant sur lequel on a compté trop vite. […] Des lettres, qu’on écrit dans les négligences de l’intimité et au jet de la plume, sortent plus immédiatement de nous, laissent mieux voir le fond de l’âme, quand on en a, et l’aridité du fond si le fond est aride.
Quoique très lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] Ce profond rêveur qui est au fond de tout grand poète s’est demandé, en Baudelaire, ce que deviendrait la poésie en passant par une tête organisée, par exemple, comme celle de Caligula ou d’Héliogabale, et Les Fleurs du mal — ces monstrueuses ! […] … Quand un homme et une poésie en sont descendus jusque-là, — quand ils ont dévalé si bas dans la conscience de l’incurable malheur qui est au fond de toutes les voluptés de l’existence, poésie et homme ne peuvent plus que remonter. […] le moraliste qui est au fond de ses Paradis artificiels… ou, plutôt, derrière. […] Or, cet Edgar Poe, il faut bien l’avouer, tout en convenant de son génie, n’est au fond qu’un puffiste sublime, qui méprise son public et le lui prouve, sans le lui dire, en lui construisant une littérature à le dompter, ce public américain qui aime les tours de force, et à le tenir les yeux dilatés dans la terreur des extraordinaires histoires qu’il lui raconte.
Au fond, leurs émigrations consistent en petits voyages à Chaville, à Suresnes, à Meudon, dans le cercle de la grande banlieue, dans l’atmosphère qui est encore parisienne, dans les sites rapprochés où passe le mouvement de Paris, et le voyage, si court qu’il soit, est encore traversé de regrets. […] Et madame de Sévigné, malgré les grands airs qu’elle prend d’aimer les Rochers et leurs habitants, bien qu’on puisse voir en elle une aïeule des bergères patriciennes de la fin du xviie siècle, n’est au fond qu’une Parisienne parisianisante, qui regrette Paris dès qu’elle a mis le pied en Bretagne. […] Je pourrais prendre l’un après l’autre les différents rôles classiques du provincial : le petit marchand des villes, le gros marchand enrichi, le châtelain ignorant et vaniteux, le châtelain pauvre, le châtelain grand seigneur, les femmes surtout qui se ressemblent presque toutes dans les romans dits provinciaux, mal habillées, sentimentales, courtes d’intelligence, de dévotion étroite, intimidées et hypnotisées à la seule vue d’une Parisienne ; je pourrais prendre ces personnages et montrer que, sauf de bien légères nuances, ils n’ont pas changé en passant de livre en livre, qu’ils sont au fond les mêmes et comme immuables dans la littérature depuis trois siècles. […] J’ai rencontré, au fond d’une forêt, une châtelaine qui connaissait les cent trente-trois manières d’apprêter le lapin de garenne, mais personne ne les lui demandait. […] Ils reconnaîtraient que ce qui fait le génie de la France s’agite, plus ou moins obscurément, dans toute la France ; que les paysans, les ouvriers, les bourgeois des moindres bourgs n’ont pas seulement un esprit qui leur est propre, mais un fond de qualités solides sans lesquelles un peuple ne survivrait pas à tant de causes de désagrégation, bon sens, courage, initiative, générosité, et le reste ; ils diraient ce monde merveilleux de travail qu’est notre patrie, et comment nulle race n’est peut-être mieux douée pour la diversité des métiers et des arts ; et quelles preuves d’endurance et de probité peuvent offrir les plus humbles existences.
Rabusson, et à meilleur titre peut-être (car l’auteur de l’Amie a un fond d’amertume), M. […] Un amour de femme est au fond de presque toutes les vies humaines : à certains moments le conquérant même ou le grand poète donnerait tout son génie pour l’amour d’une femme. […] Sérieusement on retrouverait chez lui, tout au fond, un peu des idées de Saint-Simon et d’Enfantin sur le rôle de la femme, moins le mysticisme et le galimatias. […] Et je ne vous parlerai pas non plus de son style, souple, ondoyant, nuancé, dont la facilité abondante est pourtant pleine de mots et de traits qui sifflent, tout chaud de la hâte de l’improvisation quotidienne, avec un fond de langue excellente, mais avec des négligences çà et là, des plis de manteau qui traîne, comme celui de quelque jeune Grec, auditeur de Platon.
Est-ce par le fond ? Voici le fond. […] Au fond de l’un des autres ouvrages de l’auteur, il y a la fatalité. Au fond de celui-ci, il y a la providence.
Mais la dissolution du Globe n’en résultait pas nécessairement ; l’idée première, la conception fondamentale dont le développement avait dévié en se resserrant dans la politique de la Restauration ; qui pourtant s’était reproduite plus d’une fois dans des applications partielles, dans des pressentiments organiques ; qui, en plus d’une page, à l’occasion de l’union européenne et de la politique de Napoléon, à l’occasion du Comité de salut public et de sa tentative avortée ; qui, plus récemment, au sujet du libéralisme de Benjamin Constant, jugé par le noble et infortuné Farcy, avait percé au point d’offenser dans le journal le principe dominant, et d’y scandaliser les politiques pratiques ; cette idée qui nous en avait inspiré le début ; qui, par le choix intérieur des matières et des faits, en alimentait le fond ; qui, par des renseignements nombreux, par d’amples informés sur l’instruction primaire aux frais de l’État, sur l’émancipation des artisans, sur les essais divers de système coopératif et sur une foule d’autres sujets, avait sourdement lutté contre les doctrines économiques d’indifférence et de laisser-faire professées dans des colonnes plus officielles ; cette idée qu’une plume ingénieuse et délicate avait autrefois effleurée, sans l’entamer, dans un article intitulé de la Critique de la critique, et qui s’était hardiment résumée en Juillet sous ce cri prophétique, bien qu’un peu étrange : Plus de criticisme impuissant ; cette féconde et salutaire idée d’association universelle et d’organisation future restait entière à exploiter ; elle demeurait à nu, dégagée de tous les voiles factices, de toutes les subtilités prestigieuses que la Restauration avait jetées devant. […] Ce n’était plus dans une fermentation lente et obscure qu’on pouvait couver au fond de sa pensée un rêve d’organisation à venir ; on en était déjà à sentir le besoin de préciser les doctrines, et à prévoir le moment de les appliquer. […] Au fond, et sous nos formes de polémique démocratique, nous étions évidemment préoccupés d’une économie politique plus réelle que l’ancienne, d’une constitution plus équitable de la propriété, d’un art nouveau, d’une religion inconnue.
Vous avez beau remonter à l’origine des choses et des idées ou à l’A B C de la grammaire et de la rhétorique, suivre un à un les pas de la logique ou faire appel au sens commun simplement, mettre en avant la raison ou, ce qui vaut mieux, la nature ; au fond de toutes vos théories littéraires il y a un sentiment, pas autre chose, analogue, non point au sentiment large d’un homme libre de préjugés qui trouve belles toutes les belles fleurs et belles toutes les belles femmes, chacune dans son genre de beauté, mais au sentiment étroit d’un petit propriétaire qui n’a d’yeux que pour les fleurs de ses plates-bandes et de ses pois, ou d’un jeune amoureux prêt à rompre les os au premier qui osera dire que sa maîtresse n’est pas la plus belle femme du monde. […] Vous faites comme notre amoureux de tout à l’heure, qui, s’il adore une femme aux yeux d’un bleu tendre et aux cheveux d’un blond cendré, s’écrie avec l’accent de l’enthousiasme et de la foi : « Voilà le fond d’une vraie beauté ! […] vous montrez aux faiseurs de théories qu’au fond de tous leurs dogmes il y a un sentiment, pas autre chose, un sentiment étroit, exclusif, passionné, et puis vous donnez à la critique ce sentiment pour base !
Voltaire, quand il mit en honneur l’appellation consacrée de « siècle de Louis XIV », eut au fond une idée heureuse. […] Ainsi, notre siècle est coupé, d’une façon si visible qu’elle crève, pour ainsi dire, les yeux, par de grandes commotions nationales et internationales ; sur le fond uniforme des années se détachent, éclairées d’une lueur plus éclatante, joyeuse ou sinistre, ces dates mémorables : 1815,1830, 1848, 1870. […] Ainsi, la littérature française du xviiie siècle, à n’envisager que le fond des choses, est révolutionnaire avant la Révolution.
Sur le fond, au bord de son lit, des soldats affligés, les regards attachés sur lui, tiennent sa couverture levée. à droite, à son chevet, c’est un groupe de soldats debout, ils sont consternés. […] Je vois que ces soldats placés sur le fond qui tiennent la couverture levée feront une belle masse ; ils attendent sans doute que Pélopidas soit expiré pour la lui jetter sur le visage ; et je ne nie pas que cette idée ne soit simple et sublime. […] Il fait son compliment, et montre d’une main l’esprit-saint de ronde-bosse, à l’angle supérieur droit de la chambre, à la pointe du faisceau lumineux et fécondant qui passe sur la tête de la vierge et forme des sillons de bas-relief sur le fond.
Toutes les deux sont identiques de fond, de forme et de travaux. […] C’était un bon sens très guindé dans une tête excessivement aride, un homme né podagre du cerveau, travaillé par une infécondité infiniment douloureuse, moins heureux tout le temps qu’il vécut que le lion de Milton, auquel il ne ressemblait pas, lequel finit par tirer sa croupe du chaos ; car il ne put jamais, lui, se dépêtrer des embarras obstinés de sa pensée, du vague des mots et du vide des choses au fond desquels il est mort plongé. […] C’était un critique, — un des maçons de cette Babel qu’on appelle la critique en France, — mais il n’avait pas de critique au fond, pas plus que la revue magazine à laquelle il appartenait, pas plus que les autres journaux d’une époque qui, si elle continue, sera tristement remarquable dans l’histoire par l’indigence des doctrines générales et des principes absolus.
Elle a tantôt la face sérieuse et grandiose de Melpomène, tantôt le visage railleur de Thalie, et tantôt encore elle fond ces deux masques en un seul, comme Shakespeare les a fondus sur son immense front théâtral. […] Et ces esprits-là font des merveilles et rendent les plus grands services à la vérité quand ils viennent, le lendemain des amphigouris dans l’histoire, des impostures solennelles, des admirations déplacées, enfin du grossissement de toute chose par cette insupportable badaude que l’on appelle la gravité, mais qui, au fond, n’est que la niaiserie sans la primesautière naïveté de ce pauvre Jocrisse, que tous les jours nous apprenons à regretter. […] Esprit vraiment français de fond et de forme, sans déclamation d’aucune sorte, sans surcharge, sans pesanteur, sans pédantisme, Vitu est un voltairien, de l’autre bord, qui rendrait aux voltairiens et à Voltaire lui-même la monnaie de leur pièce en une plaisanterie qui vaudrait la leur.
Intellectuellement orateur, mais empêtré dans un corps qui ne l’était pas, — car le corps, c’est la moitié de l’orateur, — sagace comme le bel œil noir, un peu couvert, de son portrait, le dit, mais lourd, épais et gauche de tournure et de mains, comme le dit son portrait encore, cet indigéré de discours accumulés au fond de sa pensée et qui ne passaient pas assez vite dans ses organes pour qu’il les dardât de la tribune à ses adversaires, il les expectorait dans ses pamphlets, et Dieu sait avec quelle abondance, quelle facilité, quel jet de salive ! […] Mais ce fut une idée de Cormenin vieillissant, retiré de la mêlée, pensant à sa gloire qu’il voulait peut-être justifier, que ces portraits, publiés isolément d’abord, et qu’il tenta de relier entre eux par des idées intermédiaires et de ranger sur un fond de théories comme sur un lambris. […] Il n’avait pas non plus l’humeur de Timon, et si, par hasard, il en avait eu le figuier, il ne l’aurait pas gardé pour qu’on s’y pendit, mais pour en faire manger les figues à la ronde, n’étant pas mauvais, au fond, ce vieux Gaulois de Cormenin, découvert tout à coup sans bile, sans âcreté et sans mordant, et qui serait même bonhomme, sans son envie d’être dévorant et déchirant par amour pur du pamphlet et de cette vieille petite enragée de rhétorique !
Je crois bien que, au fond, M. […] il garde un fond de bons sentiments. […] Au fond, M. […] Soyez sûrs qu’au fond de son âme M. […] Au fond j’en conserve aussi.
Au fond c’est l’idée maîtresse de Platon. […] Au fond, il est surtout cela. […] C’est qu’au fond et en soi elle n’est rien du tout. […] On me dira : Comme forme, oui, mais non pas comme fond. Fort bien ; mais de quel fond parle-t-on ?
Nulle vraisemblance, une complication d’incidents bizarres, une exagération, une caricature presque continuelle, un dialogue étincelant de verve et d’esprit, mais où l’auteur paraît plus que le personnage ; voilà le fond de ses comédies267. […] Tirant le comique du fond des caractères, et mettant sur la scène la morale en action, un poète français est devenu le plus aimable précepteur de l’humanité qu’on eût vu depuis Socrate274.
Si cet esprit est le fond même de la race et reparaît à chaque siècle, l’écrivain est un La Fontaine. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.
… Indiquez-moi avec précision les qualités et de fond et de forme indispensables au métier de romancier… alors nous verrons. » La réponse est délicate. […] * * * Maintenant, madame votre mère parle de la forme et du fond.
Théophraste conjecture, La Rochefoucault devine, et La Bruyère montre ce qui se passe au fond des cœurs. […] La Bruyère nous manque ; la Révolution a renouvelé le fond des caractères.
Au fond, Rousseau n’abusait les hommes comme Lamartine que par ses qualités d’artiste. […] Et l’on peut faire fond de leur étonnement. […] D’ailleurs nous ne trouvons pas assez de fond et il nous faut chercher un autre endroit. […] Dans le fond, sur les hauteurs, on distingue de la neige. […] Du fond de la rue, tournant la petite église byzantine, une bande débouche.
»… et me montrant au fond un mur où il n’y a rien, — cette affiche, je ne peux la découvrir, la cherchant et la recherchant dans tous les coins de la Bourse. […] Qu’est-ce, au fond, que nos sauveurs, un général beau parleur, un littérateur distingué, un procureur onctueux, enfin une copie bourgeoise de Danton ? […] » Ce passant vague exprimait le fond des idées de tout le monde. […] Tout le monde fond, tout le monde maigrit. […] Le ciel fond dans un brouillard aqueux, transpercé de la clarté diffuse d’un clair de lune.
Au fond, le gouvernement de la France était à ce prix. […] Au fond, les idées se disputaient l’opinion de Napoléon, comme elles se disputaient autrefois l’opinion publique. […] La forme ne mérite pas moins l’attention que le fond. […] Qu’est-ce, au fond, que le type de Don Quichotte, si admirablement saisi par Cervantes ? […] Royer-Collard indique : Descartes n’avait pas aperçu que son raisonnement n’était point, au fond, un raisonnement.
Il y a un principe de nécessité; mais ce principe n’est pas le fond des choses, il n’en est que la règle. […] Car la forme et le fond des choses ne se laissent pas séparer ainsi radicalement. […] Les corps, dans le fond, nous ressemblent déjà, ou ils ne sont pas pour nous. […] Et ce fond des choses, c’était, selon eux, la forme parfaite et la cause finale. […] Cette action se trouve donc, malgré qu’on en ait, au fond de tout ce qu’on dit être donné.
Il le faut surtout, si l’on met au fond des choses la durée et le libre choix. […] C’est aussi celui que nous apercevons au fond de la philosophie grecque. […] Mais, pour l’artiste qui crée une image en la tirant du fond de son âme, le temps n’est plus un accessoire. […] L’une et l’autre répugnent à l’idée d’une réalité qui se créerait au fur et à mesure, c’est-à-dire, au fond, d’une durée absolue. […] Elles disent, au fond, la même chose.
Les humanités déistes et particulièrement chrétiennes, ces singulières humanités, qui ne nous paraissent ordinaires et communes que parce que nous y sommes habitués, ces singulières humanités, où l’homme occupe envers Dieu une si singulière situation de grandeur et de misère, si audacieuse au fond, et si surhumaine, — l’homme fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, — et Dieu fait homme, — avaient séparément le sens du parfait et de l’imparfait, du fini et de l’infini, du relatif et de l’absolu ; elles connaissaient donc les limitations de l’humanité ; ajouterai-je que généralement ces humanités étaient à la fois intelligentes et profondes, et que la constatation même des contrariétés intérieures, de la grandeur et de la misère, faisait peut-être le principal objet de leurs méditations ; dans ces humanités l’homme était reconnu créature et limité aux limites humaines ; l’historien demeurait un homme. […] Séailles en Sorbonne est surpopulaire, surhumaine, qu’il s’y passe des événements extraordinaires, et que, au fond, l’orateur y prononce des paroles surnaturelles ; quelle résonance n’aurions-nous pas obtenue si nous avions choisi un exemple maximum, et même des exemples communs ; les manifestations laïques ne sont-elles pas devenues des cérémonies toutes religieuses, des répliques, des imitations, des calques, des contrefaçons des cérémonies religieuses ; et pour la commémoration de Zola, pour l’anniversaire de sa mort, ne nous a-t-on pas fait une semaine sainte, une neuvaine ; sentiment religieux et naissance de la démagogie. […] Des deux côtés les versants qui le nourrissent se redressent avec un aspect énergique ou austère ; les pins couvrent les sommets de leurs draperies silencieuses, et descendent par bandes jusqu’au fond des gorges ; le puissant élan qui les dresse, leur roide attitude donne l’idée d’une phalange de jeunes héros barbares, immobiles et debout dans leur solitude que la culture n’a jamais violée. […] Si cet esprit est le fond même de la race et reparaît à chaque siècle, l’écrivain est un La Fontaine. […] Par lui nous voyons les gestes, nous entendons l’accent, nous sentons les mille détails imperceptibles et fuyants que nulle biographie, nulle anatomie, nulle sténographie ne saurait rendre, et nous touchons l’infiniment petit qui est au fond de toute sensation ; mais par lui, en même temps, nous saisissons les caractères, nous concevons les situations, nous devinons les facultés primitives ou maîtresses qui constituent ou transforment les races et les âges, et nous embrassons l’infiniment grand qui enveloppe tout objet.
Athées à tout, au fond ; — athées jusqu’à leur propre philosophie ! […] Personne, personne, au fond, n’avait lu et ne connaissait Diderot dans son intégralité, effrayante et assommante. […] Mais ce n’est pas seulement dans la forme qu’il a cette qualité première qui crée, et qui, en tout, est le génie : il l’a dans le fond même. […] Nulle substance ne fut jamais mieux de fond ce qu’elle était de superficie. […] C’est bien toujours, au fond, le même Diderot ; mais ici moins empanaché.
non, le fond n’a rien de rare. […] En haut, trois sœurs, penchant leurs cruches, les versent dans la tonne sans fond. […] Au fond, une maison, dont trois fenêtres du rez-de-chaussée sont éclairées. […] Mais le fond de son âme est exquis et rare. […] Cette sotte perruche mondaine est, dans le fond, une sensuelle et une passionnée.
Au fond c’est une cervelle très curieuse, et de toutes les cervelles de jeunes que je connais, la plus disposée et la plus prête à donner de l’original et du puissant. […] Au fond ce sont bien certainement le voyage de Philippe Sichel, et plus tard le voyage de Bing, qui ont fait faire connaissance intime à l’Europe avec le Japon, et qui ont vulgarisé l’art de l’Empire du Soleil, en Occident. […] L’illumination blanche dans le gris sépulcral de la pierre par le crépuscule, en faisait comme le palais fantomatique d’un fond de tableau de Gustave Moreau. […] Puis au fond, au théâtre, les choses dangereuses ne le sont pas, quand elles sont jouées par des acteurs de grand talent. […] Et aussitôt dîner, dans l’avant-scène de Porel avec les Daudet, moi, tout au fond, et invisible de telle manière, que Scholl, qui vient parler avec Mme Daudet sur le rebord de la loge, ne me voit pas.
Au fond la révolution qu’il rêvait était une restauration. […] Tel était le tempérament, le fond même de l’âme. […] Mais, au fond, c’est un appel à la nonchalance, au respect humain et à la peur. […] Mais comme, au fond, c’est vrai cependant ! […] Au fond, c’est le fanatisme qui lui a manqué.
« On vit paroître dans la lice, dit M. de Fontenelle, d’un côté le Savoir, sous la figure d’une Dame illustre ; de l’autre, l’Esprit, je ne veux pas dire la Raison, car je ne prétends pas toucher au fond de la dispute, mais seulement à la maniere dont elle fut traitée. […] Nous aimons mieux croire qu’il les devoit à son mérite & à ses manieres, que d’aller chercher dans le fond de son cœur un vice qui déprécieroit tous ses talens.
Pour que deux hommes soient parfaits amis, ils doivent s’attirer et se repousser sans cesse, par quelque endroit ; il faut qu’ils aient des génies d’une même force, mais d’une différente espèce ; des opinions opposées, des principes semblables ; des haines et des amours diverses, mais au fond la même sensibilité ; des humeurs tranchantes, et pourtant des goûts pareils ; en un mot, de grands contrastes de caractère et de grandes harmonies du cœur. […] Loin de flétrir l’imagination, en lui faisant tout toucher et tout connaître, il a répandu le doute et les ombres sur les choses inutiles à nos fins ; supérieur en cela à cette imprudente philosophie, qui cherche trop à pénétrer la nature de l’homme et à trouver le fond partout.
Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité : et tel est le néant des choses humaines, que, hors l’être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas… ……………………………………………………………………………………………… Une langueur secrète s’insinue au fond de mon cœur ; je le sens vide et gonflé, comme vous disiez autrefois du vôtre ; l’attachement que j’ai pour ce qui m’est cher ne suffit pas pour l’occuper : il lui reste une force inutile dont il ne sait que faire. […] Écoutez parler Clémentine ; ses expressions sont peut-être encore plus naturelles, plus touchantes et plus sublimement naïves que celles de Julie : Je consens, monsieur, du fond de mon cœur (c’est très sérieusement, comme vous voyez), que vous n’ayez que de la haine, du mépris, de l’horreur pour la malheureuse Clémentine ; mais je vous conjure, pour l’intérêt de votre âme immortelle, de vous attacher à la véritable l’Église.
Ainsi encore, nous avons noté sur l’intuition tout un passage qui doit renverser de fond en comble, pour les esprits naturellement déducteurs, ce que la philosophie nous donne pour vrai depuis Bacon, et replacer à son vrai rang dans l’ordre des grands faits de la pensée le mysticisme si insolemment dégradé. […] D’examen en examen et de négation en négation, ils en sont arrivés plus bas que le scepticisme, et ils ont précipité les peuples plus bas que leurs cœurs… Ingrate envers la science suprême d’où elle est sortie dans le monde chrétien, il n’y a plus que la théologie, méprisée par elle, qui puisse la tirer de l’abîme de nihilisme au fond duquel elle gît hébétée.
À mesure que mon horizon s’élargit, les images qui m’entourent semblent se dessiner sur un fond plus uniforme et me devenir indifférentes. […] Matérialistes et dualistes s’accordent, au fond, sur ce point. […] Voici un système d’images que j’appelle ma perception de l’univers, et qui se bouleverse de fond en comble pour des variations légères d’une certaine image privilégiée, mon corps. […] Telle est bien, au fond, la différence que chacun de nous établit naturellement, spontanément, entre une image et une sensation. […] Ils n’ont pas de peine à montrer que notre perception complète est grosse d’images qui nous appartiennent personnellement, d’images extériorisées c’est-à-dire, en somme, remémorées) ; ils oublient seulement qu’un fond impersonnel demeure, où la perception coïncide avec l’objet perçu, et que ce fond est l’extériorité même.
Des dettes oubliées se sont réveillées au fond de ma conscience, et ma conversion n’eût-elle produit que cela, nous devrions tous la bénir. […] Au fond il ne se soucie que de l’humanité et se soucie de toute l’humanité. […] Au fond, c’est à une conception toute matérialiste de la société que tend la bourgeoisie incrédule. […] Et ce qu’il a exprimé, on ne peut s’empêcher de croire qu’il le découvrait en lui-même, en y descendant jusqu’au fond. […] Rien d’extraordinaire, sinon la rencontre de la sévérité du fond et de la grâce infinie de la forme.
J’aime mieux que les personnes pèchent par le costume que par le fond. […] Racine recherchait les sujets dont cette passion est le fond, parce qu’il n’en est pas qui touchent plus d’esprits et dont la vérité soit plus générale. […] Telle doit être la passion de l’amour au théâtre : la même au fond pour tous les personnages, elle sera diverse dans l’expression, selon les caractères, l’âge, la condition, le temps et le lieu. […] L’objet de leur ambition, différent en apparence, au fond est le même. […] Il l’a tirée du fond de ces cœurs que troublent des passions si diverses, et qui sont à la fois les plus agités et les plus exercés à lire en eux-mêmes.
Il est donc nécessaire que l’idéal et le réel soient pénétrés tous deux l’un par l’autre, et se résolvent au fond dans deux affirmations corrélatives. […] Car, au fond, la justification du réalisme, c’est que tout parle et que tout mérite d’être entendu : le difficile est de savoir entendre. […] Tersite est peut-être au fond pour l’artiste un sujet d’étude valant Adonis ; mais. […] L’admiration d’un Chateaubriand devait remonter du fond à la forme, s’attacher aux procédés esthétiques et tâcher de les reproduire. […] comme lui, plonger sous les ondes des choses, et voir l’ombre que font les êtres sur le fond éternel de la réalité, le glissement confus des flots de la vie !
Je ne pense pas que Théophile Gautier, de qui on a souvent rapproché M. de Saint-Victor, et qui, en effet, a pu être son maître un moment, soit aussi neutre, aussi indulgent, aussi placide d’impression qu’on veut bien le dire : il est facile, quand on lit Gautier avec intelligence, de saisir sa vraie impression et de la discerner, comme un sable fin, au fond de ce beau lac d’indifférence où il se joue ; mais enfin M. de Saint-Victor se distingue absolument de lui par la vivacité avec laquelle il articule et accuse en toute rencontre ses affections ou ses répugnances. […] Il a un premier fond de culture italienne qui domine en lui. […] Ne cherchez rien de gaulois en lui : on parle souvent d’esprit gaulois, d’humeur gauloise, à tort et à travers, et on en prête à bien des gens qui n’en ont pas ; mais lui, soyez sûr qu’il n’en a pas un grain ; ces vieilles saveurs domestiques lui vont peu au fond ; il ne les prise pas très-haut : il a vu mieux que cela dans le monde des Médicis et dans la patrie du soleil.
Chaque portrait au fond est une confession du peintre. […] Dans la tragédie comme dans la comédie, sous la mythologie, sous l’histoire, sous les fictions convenues, n’est-ce pas vraiment la vie ordinaire qu’ils peignent, et ne sont-ce pas au fond des incidents communs, dans le raccourci vigoureux ou l’agrandissement idéal que les règles imposent ? […] Le fond de l’invention ne peut donc être ici que les observations qu’on a pu faire sur soi-même et sur ceux qui nous entourent.
Mais vous ne l’avez pas dédaignée ; et, quoique j’eusse préféré l’oublier moi-même (tout cela, au fond, a si peu d’intérêt !) […] Mais le fond est pire. […] Dans le fond, il y a ceci, qui est bizarre : il vous a été absolument impossible de supporter cette idée qu’il y eût en France un homme notoirement insensible aux beautés du 4e acte de Frédégonde.
Comme un homme, au milieu d’une fête, qui boit dans une coupe ciselée, debout, à la première place, parmi les applaudissements et les fanfares, les yeux riants, la joie au fond du cœur, échauffé et vivifié par le vin généreux qui descend dans sa poitrine et que subitement on voit pâlir ; il y avait du poison au fond de la coupe ; il tombe et râle ; ses pieds convulsifs battent les tapis de soie, et tous les convives effarés regardent. […] Le génie français, avec sa pondération, sa logique, sa netteté si fine et si harmonique, était le fond même de ce poète aux débuts tapageurs.
Bons décadents qui, ce jour de janvier, Suiviez, unis à la Fleur du Symbole, Notre cher Maître à son logis dernier, Au cimetière, au fond des Batignolles ; Doux névrosés qu’à Rome, V. […] On s’écarte pour laisser passer une masse noire que des femmes soutiennent : c’est la veuve secouée de sanglots, que l’on transporte au fond du hall, et que la barbarie du protocole force à recevoir les poignées de main et les paroles de condoléances, comme si elle avait encore la conscience des choses et la possession d’elle-même. […] La même pensée erre dans tous les yeux, tandis qu’au fond du hall se poursuit le bruit des hoquets et des sanglots.
le tigre passait au fond de toutes ces faiblesses. […] C’est que Camille Desmoulins, qui ne fut jamais homme… que de lettres, n’avait pas, au fond, d’autre sensibilité que la sensibilité littéraire, cette espèce de sensibilité qui fait le mal avec une phrase pathétique et spontanée au lieu de le faire avec la froide préméditation du cœur… Mais qu’importe ! […] », Camille avait pourtant, au fond, du Trissotin dans sa personne.
dans le fond d’une bibliothèque (toujours comme de son vivant !), pliée, repliée et figée dans une soixantaine de lettres, à peu près, adressées à Madame d’Albany, une femme dont Sismondi avait hanté la maison à Florence, comme il avait hanté, en Suisse, celle de Madame de Staël, — ces sortes de lanternes magiques où l’on voit passer devant soi beaucoup de figures, ces espèces de belvédères ouverts sur le monde, intéressant beaucoup le badaud qui est le fond de tout érudit, pour peu qu’il ne soit pas un distrait. […] Les huit piètres lettres adressées à Madame d’Albany que Taillandier publie à la suite de celles de Sismondi, quoique moins pataudes, ne se recommandent ni par le fond, ni par la forme, à une Critique saine et robuste, qui ne passe point son temps à compter, loupe en main, les grains de tabac tombés sur un jabot jauni !
Henri Martin, — on le verra mieux dans l’étude que nous lui consacrerons, — a sur un fond terne un relief comique, un seul, — il est vrai, — mais très comique, il faut l’avouer. […] Jules Simon n’a que le fond terne. […] Dieu trouvé au fond du cœur, quand on l’y trouve ; Dieu inné, étoile inconnue du monde invisible, aimable et brillante, — pas trop brillante cependant, si elle est aimable, — Dieu qui promet par la souffrance et le spectacle de l’injustice une immortalité… probable, et n’ayant pour tout culte qu’une prière qui ne demande rien, par respect pour les lois générales du monde, mais qui remercie, on ne sait trop pourquoi, telle est cette religion naturelle, mêlée d’un stoïcisme incertain qui voudrait bien qu’on lui payât les appointements de sa vertu, mais qui n’est pas sûr de les toucher.
franchement, que trouverez-vous, sinon un tourbillon d’atomes, une poussière d’intelligences que le vent de leur temps a soulevées, mais qu’il faut laisser maintenant tranquilles au fond de leurs cercueils ! […] Elle aurait, au fond, à peu de chose près, la même histoire, et ce sillage de quelques erreurs de plus ou de moins n’aurait guère altéré ou changé le miroir de cette mer immense. […] L’ordre universel le renferme par le libre arbitre ; il est au fond de nos consciences, dans l’exercice de nos vertus ; mais la fonction terrestre ne doit que l’ordre matériel, l’ordre dans les rues, mais elle nous le doit à tout prix, et si nous confondons notre dette, à nous, avec la sienne, tous les sophismes vont se redresser avec fureur.
Je prends acte à regret du fond des sentiments ; mais on n’aurait certainement pas trouvé dans la bibliothèque de Naudé de ces lacunes qui se notaient dans celle de M. […] Les conseils de modération qu’il y mêle ne font que mieux ressortir l’immoral du fond ; on croirait par moments qu’il se joue : c’est comme un chirurgien curieux qui assemble des exemples de tous les jolis cas, ou comme un chimiste amateur qui étiquette avec complaisance tous ses poisons, en inscrivant sur chacun la dose indispensable et suffisante. […] On assure qu’il eut alors les rieurs de son côté ; mais il dut être au fond mécontent de lui-même : le philosophe en lui avait fait une faute252. […] Le dernier des sceptiques érudits de cette race de Naudé et de beaucoup le plus mitigé et le plus élégant, quoiqu’au fond y tenant par les racines, c’est Huet, le très-docte évêque d’Avranches. […] La raison qu’allègue Naudé est un petit croc-en-jambe au fond.
Phosphore des marais, dont la fuite rapide Découvre plus à nu l’épaisse obscurité De l’abîme sans fond où dort l’éternité ! […] Puis, comme l’homme aussi se trouve au fond de tout, Tu ressentais parfois plénitude et dégoût. […] comme au fond de l’espace Tel soleil voyageur qui scintille et qui passe, Quand son premier rayon a jusqu’à nous percé, Et qu’on dit : Le voilà, s’est peut-être éclipsé ! […] que les colombes de Dodone quand l’aigle fond du haut des airs. » Puis il donne à entendre qu’il s’en est fallu de peu que Ménalque, cet aimable chantre de la contrée, n’eût perdu la vie : “Et qui donc alors eût chanté les Nymphes ? […] Il fallait quelque temps pour que cette urbanité qui était au fond de sa nature se dégageât.
Et quand le moment de l’initiation arrive, quand l’oracle parle enfin au fond du souterrain, est-ce que je me trompe ? […] Malgré tout, l’objection de fond subsiste toujours. […] Au fond, elle ne sait que l’amour. […] Le fond est tout à fait le même. […] Oubliez-le, si vous ne pouvez mener de front l’étude des choses de fond et l’essai des premières forces de l’invention. » L’étude des choses de fond, c’est la condition de l’écrivain futur.
Ce qui manque évidemment à Bernis dans toute cette carrière purement politique, c’est le caractère et la trempe d’un homme d’État supérieur ; n’en ayant ni le fond ni l’apparence, il ne sut point conquérir sur ses alentours cet ascendant qui ne s’accorde jamais à ceux à qui on peut le refuser. […] En février 1758, au milieu des plus graves circonstances, il s’était chargé d’une commission élégante auprès de M. de Choiseul : « N’oubliez pas, je vous prie, ma commission pour un grand habit de femme fond bleu brodé en soie blanche sur une étoffe de printemps. » Léger accident ! M. de Choiseul se trompe ; le grand habit arrive avec les dépêches fin de mars : « Il est fond blanc et les fleurs bleues ; on me le demandait fond bleu avec les fleurs blanches, mais on l’aimera autant tel qu’il est. » Et plus loin : « On a trouvé le grand habit fort joli. » L’abbé-ministre n’était pas entièrement brouillé, on l’entrevoit, avec les chiffonneries galantes. […] En ce moment, Bernis en était venu lui-même à un état tout à fait maladif, à une exaltation nerveuse réelle, infiniment honorable dans son principe, mais qui devait le rendre médiocrement propre au rôle qu’au fond il n’ambitionne même plus : « Ne parlez plus de moi pour la première influence, écrit-il d’un ton sincère à Choiseul ; vous me faites tort ; j’ai l’air de vous pousser et de n’être qu’un ambitieux, lorsque je ne suis que citoyen et homme de bon sens. » Dès août 1758, il s’ouvre nettement à Choiseul pour lui offrir sa succession : Réfléchissez mûrement sur une idée que j’ai depuis longtemps : je crois que vous seriez plus propre que moi aux Affaires étrangères en les considérant sous le point de vue de l’alliance.
À un moment, cette reine fière, sensible, élégante, bonne au fond et d’un cœur bienfaisant, s’aperçut avec douleur, avec indignation, qu’elle était méconnue, calomniée, outragée même du peuple de Paris ; qu’elle était impopulaire : Versailles était alors bien loin de Paris, et tout ce qu’on en racontait en mal était accueilli avidement et grossi à l’envi par la crédulité ou par la haine. […] Les trois tantes, filles du roi, Mesdames Adélaïde, Victoire et Sophie (il n’est plus question de Madame Louise la carmélite) sont assez difficiles à définir dans leur insignifiance, tantôt démonstratives à l’égard de la Dauphine, tantôt froides et piquantes, surtout la moins jeune (Madame Adélaïde) : « Ma tante Adélaïde m’intimide un peu ; heureusement que je suis favorite de ma tante Victoire, qui est plus simple ; — pour la tante Sophie, elle n’a pas changé ; c’est au fond, j’en suis sûre, une âme d’élite, mais elle a toujours l’air de tomber des nues : elle restera quelquefois des mois sans ouvrir la bouche, et je ne l’ai pas encore pu voir en face… » Cette tante Sophie, qu’on ne pouvait voir en face et qui était si habile à se dérober, est bien celle dont Mme Campan a dit que « pour reconnaître, sans les regarder, les gens qui étaient sur son passage, elle avait pris l’habitude de voir de côté à la manière des lièvres. […] Élisabeth, alors tout enfant, n’annonçait pas encore cette angélique personne qui mourra comme une sainte sur l’échafaud ; elle se montrait dès l’âge de six ans comme une petite sauvage, avec « un air déterminé et doux en même temps », mais au fond, avec je ne sais quoi « d’entier et de rebelle » qui ne se laissait pas aisément apprivoiser. […] Au fond, ce n’est point une méchante femme, c’est plutôt une bonne personne, et l’on m’a dit qu’elle fait beaucoup de bien à de pauvres gens. » Et trois ans après, lors du renvoi de Mme Du Barry, et quand Louis XVI, à son avènement, juge à propos de la faire renfermer quelque temps dans une abbaye pour la mettre hors d’état de commettre quelque indiscrétion, le même mot revient sous la plume de Marie-Antoinette, et avec la nuance précise : « Il paraît que si c’était une vilaine femme, ce n’était pas au fond une femme méchante. » Mais le plus beau mot de Marie-Antoinette au sujet de cette favorite, et qui ne se lit pas dans une lettre, est celui qui courut dans le temps même et qui se trouve partout cité.
Il y a une direction très prudente et très peu indulgente dans ses deux | ouvrages capitaux, son Introduction « la vie dévote et son Traité de l’amour de Dieu : il y a là plus de mollesse féminine, ici plus de mâle vigueur, mais l’instruction est la même au fond. […] Une légère sentimentalité enveloppe ses ingénieuses mignardises, et en fond la sécheresse. […] Mais il a vraiment un fond d’imagination mélancolique, comme très sincèrement aussi il est Français et chrétien, il est lyrique de tempérament : il a des épanchements d’une douceur lamartinienne. […] Après le vigoureux élan des humanistes pour s’élever à la hauteur des œuvres anciennes, après les convulsions politiques et religieuses qui ont remué les âmes jusqu’au fond, la littérature, comme la France, se repose. […] Cependant le fond révèle une pensée déjà indépendante, qui choisit sa matière selon le besoin, et la traite selon la vérité.
Le salon de Mlle de Lespinasse, à part cinq ou six amis de fond, n’était lui-même formé que de gens assez peu liés entre eux, pris çà et là, et que cette spirituelle personne assortissait avec un art infini. […] Une grande promptitude de coup d’œil à découvrir les caractères, de la pénétration à aller au fond de chacun, et un crayon qui ne manque jamais la ressemblance ; et elle est rarement en beau. […] Respectons, honorons donc la libéralité naturelle et raisonnée de Mme Geoffrin ; mais reconnaissons toutefois qu’il manque à toute cette bonté et à cette bienfaisance une certaine flamme céleste, comme il manque à tout cet esprit et à cet art social du xviiie siècle une fleur d’imagination et de poésie, un fond de lumière également céleste. […] On a cru qu’une petite commission diplomatique se glissa au fond de ce voyage. […] Tout en soutenant de ses libéralités l’Encyclopédie, elle avait toujours gardé un fond ou un coin de religion.
Qu’on relise dans leur suite ses lettres à Voltaire, à d’Alembert, et, au milieu de quantité de choses qui font tache et qu’on regrette d’y trouver, on reconnaîtra dans le fond des sentiments un sage et un roi. Son irréligion même, qui éclate pour nous dans ses rapports avec nos philosophes, et qui est le côté par lequel il les a le plus regardés, cette irréligion qui jure si fort avec son rôle de roi fondateur et instituteur de peuple, n’était pas au fond ce qu’accusent ses correspondances les plus connues. […] Henry est allé plus loin, il voudrait y joindre certaines convictions intimes en fait de religion, et, nous présentant le roi par un aspect allemand et tout nouveau, il dit : Frédéric voulait la loi et la religion avec toute la puissance de son génie ; c’était à la surface de son âme seulement qu’il plaisantait sur des sujets qui ne lui paraissaient pas tenir au fond des choses, et dans la pensée que ces plaisanteries n’arriveraient jamais à la connaissance du public. Il s’abandonnait à un mauvais ton de société ; le fond de son âme était sérieux ; il aimait la solitude et la méditation. […] Cependant le passage que j’indique, et vingt autres que je pourrais également citer, sont trop directs et trop expressifs pour ne pas ouvrir un jour vrai sur le fond premier de la nature de Frédéric, dussent-ils paraître en contradiction ouverte avec ce qui a suivi.
Tourguénef nous emmène à Bade, dans les salons de l’aristocratie russe, ou qu’il nous fasse entendre les paroles mystiques du nain Caciane, au fond d’une forêt du gouvernement de Kalouga, ou que ce soit la vie infiniment triste et monotone d’un propriétaire végétant seul au milieu des boues de son bien qu’il nous montre, immédiatement, de plain-pied, nous pénétrons dans le cercle de ces existences lointaines ; comme séduits par une incantation, nous prenons notre part à d’autres souffrances et à d’autres passions que les nôtres, jusqu’à ce que le rayon de nos émotions et de notre expérience comprenne toute une époque et toute une terre, où nous emporte une illusion aussi complète et aussi impérieuse qu’un rêve. […] Par un art fantasque, par des réticences, des demi-indications, des dialogues notés dans leurs temps, leurs arrêts, leurs inflexions, il esquisse peu à peu, comme un peintre dont on suivrait le travail, quelque physionomie plus complexe, qui ressort par brusques lumières sur un fond vague et brouillé. […] Tourguénef, de son procédé par lumières subites, de sa maîtrise à faire saillir d’un fond d’ombre le caractère individuel de l’objet ou de l’être qu’il reproduit, du mystère enveloppant de son style, de cette poésie de demi-jour qui rend ses livres doux et comme parfumés. […] La vie ne lui apparaissait pas comme cette mer aux vagues tumultueuses que décrivent les poètes ; il se la représentait unie comme une glace, immobile, transparente jusque dans ses plus obscures profondeurs ; lui-même, assis dans un petit esquif chancelant, et en bas, au fond de l’abîme sombre et limoneux, il entrevoyait vaguement, semblables à d’énormes poissons, des formes monstrueuses : toutes les misères de la vie, maladies, chagrins, démence, cécité, pauvreté. […] Mais de nouveau la forme semble devenir plus vague, le monstre descend, regagne le fond et s’y recouche, agitant à peine sa sombre nageoire.
Voluptueux aussi en littérature, d’une délicatesse presque morbide, mais naturaliste de fin fond, malgré les convenances morales de la surface, Sainte-Beuve a été séduit sans nul doute par cet enchanteur de Rivarol, qu’il a classé parmi les délicats qu’il aime, et chez lequel le critique du dix-neuvième siècle, assez indifférent· aux idées, a vu surtout les grandes qualités oratoires qui auraient pu devenir si aisément de grandes qualités littéraires. […] Seulement, nous que l’expression si enlevante qu’elle soit n’enlève pas au fond des choses, nous trouvons Rivarol, malgré sa supériorité de nature, sur ce fond de choses de la plus profonde infériorité, et ce n’est pas d’une infériorité relative, mais absolue. […] Rivarol n’était peut-être pas assez sûr de la noblesse de sa naissance pour n’avoir pas au fond du cœur la rage de l’aristocratie. […] Et alors il est beau, comme le Romulus nu de David dans Les Sabines, de la seule beauté de la pensée… De tous les Rivarols qui faisaient de Rivarol une gerbe de tant de couleurs différentes, c’est ce Rivarol-là que M. de Lescure a plus spécialement voulu nous faire admirer dans son édition, manifestement plus historique que littéraire· C’est le Rivarol très mâle au fond, sous son luxe de Sardanapale, qu’il savait grandement brûler comme Sardanapale brûle le sien, non pas quand il fallait mourir, mais quand il s’agissait d’écrire l’histoire.
Après des années, c’est par cet ouvrage sur son pays, sur l’Allemagne, que Henri Heine, mûri par la réflexion et par la souffrance, nous introduit à ses œuvres complètes, à l’ensemble de ses pensées, et voilà que nous trouvons, mêlés à un talent suprême, de telles modifications, de tels changements dans le fond même des choses et de l’intelligence, que la Critique — cette jaugeuse des forces spirituelles, qui met la main sur la tête et le cœur des hommes à travers les œuvres, — est obligée de s’y arrêter. […] Nous pourrions citer bien d’autres contradictions qui font du livre de Heine un modèle d’inconsistance dans le fond des choses, et qui altèrent jusqu’à sa forme de grand artiste. […] Quand le poète, le véritable poète est le fond d’un homme, et que cet homme est assez richement doué pour avoir une spécialité en dehors de sa poésie, il est plus fort — et on le comprend bien ! […] Allez au fond ! […] Henri Heine fut l’oiseau qui chante sur ces ruines, mais du haut du ciel ou du fond de son cœur amoureux et blessé, — ce qui est plus beau que le ciel !
Après s’être nourri de tout, il devient la nourriture de tous, dans ce mystérieux travail de renouvellement qui s’accomplit au fond de l’être humain supérieur. […] L’étude attentive du mécanisme d’une vie humaine normale ne peut pas ne pas dissiper la croyance à une opposition de fond entre la vie intérieure et la vie extérieure de l’individu. […] Et en effet, si l’on regarde au fond des choses, tous les hommes de bien sont inconsciemment ou consciemment solidaires, et les coquins, les brutes et les hypocrites toujours isolés, c’est-à-dire en perpétuelle menace de conflits. « Ceux qui recherchent le bien, aurait dit Antisthène, sont amis les uns des autres » Rien de plus juste, en effet. Le but vital de l’homme, pris dans l’ensemble, étant au fond semblable à celui de son voisin, il est naturel que les chemins qu’ils parcourent pour y atteindre soient parallèles et parfois confondus. Malgré l’individualité bien nette des idéals nationaux et la diversité des rôles que les peuples sont destinés à jouer dans l’histoire, il y a au fond de leurs efforts et de leurs luttes une identique aspiration vers un état meilleur, une commune recherche de plus de force et de plus d’équilibre.
Au fond, j’avais une foi médiocre dans l’infaillibilité d’Aristote, et je me souciais assez peu des règles accréditées et consacrées par son école. […] Lysidas compose lui-même les recettes de sa cuisine idéale au fond d’un laboratoire d’Allemagne. […] On n’est poète et poète comique, que lorsque la Muse se fait psychologue, et porte son flambeau jusqu’au fond du cœur humain289. […] Il faut donc que, sous la diversité des formes particulières, toutes ces œuvres aient une essence commune, et, pour dégager ce caractère général qui doit constituer le fond de chacune d’elles, l’analyse et l’abstraction sont suffisantes. […] Au fond, dit-elle, ce ne sont pas les événements qui importent ici ; c’est l’impression que les événements racontés produisent sur Arnolphe.
Sa beauté était une transparence ; on voyait au fond de son cœur, et tout ce qu’on y voyait était si bon, si tendre, si intelligent, si serein, si souriant et si compatissant à la fois, qu’on ne savait plus, en la regardant, si c’était l’enveloppe ou la personne qu’on admirait involontairement et unanimement en elle ; ou, pour mieux dire, on ne pensait plus à admirer, on s’attendrissait : l’attendrissement est la vraie forme, la forme pathétique de l’admiration. […] Quoique très exemplaire dans ses mœurs et très pieux dans ses pratiques, le canonico n’avait rien du rigoriste dans ses plaisirs d’esprit ; il avait un tel fond d’innocence dans le cœur, qu’il ne se scandalisait jamais des légèretés décentes de lecture ou de conversation autour de lui. […] etc. » Le guerrier qui soupire ainsi sur l’infidélité de son amante est Sacripant, roi de Circassie, éperdument épris d’Angélique, et qui l’avait suivie du fond des Indes jusqu’aux Pyrénées. […] Sa tragédie de Tancrède n’est au fond que l’épisode de Ginevra, sous un autre nom. […] La lecture de Ginevra avait laissé une légère teinte de gravité douce sur le visage de la comtesse Léna, et quelques folles larmes sur le fond d’azur des yeux de Thérésina
« “Certes, leur cœur, grâce à toi, s’épanouit sans cesse de joie quand ils voient une telle fleur entrer dans le chœur des danses ; mais plus heureux encore que tous les autres au fond de son âme celui qui, l’emportant par les dons du mariage, t’amènera dans sa demeure. […] mon fils, recueille tes pensées, gouverne sagement ta langue, et garde ta voix au fond de ton cœur. […] De distance en distance des portes d’allées, souvent solitaires et silencieuses, sur des cours tortueuses au fond desquelles on entrevoit de vieilles portes grillées comme des restes d’anciens couvents, de longues files d’enfants et d’habitants y entrent et en sortent muets, sous la garde sévère d’un homme en robe noire, pauvre troupeau qui se disperse de seuil en seuil, à mesure qu’il s’éloigne de l’école. […] » J’entrai en effet ; il était sur son lit, au fond de la chambre. […] Vous rempliriez le ciel de vos rugissements contre les dieux et contre les hommes, si ce chapelet de votre mère ne vous soulevait pas la nuit, au-dessus de votre couche de douleur, et ne vous rattachait pas au ciel, où elle vous entend ; vous tomberiez dans l’abîme sans fond du désespoir.
Au fond, y a un Chinois de paravent chez Sainte-Beuve. […] » Au fond, une véritable désespérance. […] Couchés dans le bateau de la princesse, sous le kiosque, Théo reprend : « Au fond il y a un grand mystère autour de moi… Je suis aimé, sympathique. […] Au fond, c’est énorme, cette masse d’émotions que nous mettons dans notre vie si plate, nous à l’apparence si froide, et si fous au dedans, et si passionnés et si amoureux. […] Seulement un fond de crainte, que cette vie pacifiée et provincialisée n’émousse en vous l’aigu de la littérature.
À ce propos quelqu’un racontait que des millions de volumes avaient été détruits sous le premier Empire : les navires de la contrebande faisant des chargements de bouquins, qu’aussitôt qu’ils étaient un peu éloignés de la côte, ils envoyaient au fond de la mer, revenant à la nuit, prendre un chargement de marchandises. […] La seconde journée commence et menace de finir comme la première, avec, au fond de l’artiste, un commencement de lâcheté et un vague désir de revenir chez son père. […] Au fond une peinture qui a de remarquables qualités, mais manquant un peu de consistance, une peinture comme légèrement voilée par les fumées, qui hantent la tête au rayonnement roux de l’artiste. […] Dans la tourbe, au milieu de laquelle il vit, dans le contact imbécile et fanatique qu’il est obligé de subir, dans les mesquineries idiotes de la pensée et de la parole qui le circonviennent, l’illustre amoureux du grand, du beau, enrage au fond de lui. […] Et une partie de la journée, je cause avec cet aimable malade, dont la conversation se promène, d’une manière presque enfantine, de l’espérance à la désespérance. « Le journalisme, dit-il, au fond, lui a rendu un service.
Quoique son eau soit aussi bleue que si les laveuses de ses bords les avaient teintes de leur azur, leur prodigieuse transparence laisse voir jusqu’au fond les veines blanchâtres ou rosées de la mosaïque de pierres roulées qu’elle lave et qu’elle polit sans fin. […] J’ai conservé par hasard et j’ai retrouvé récemment, au fond d’une vieille malle pleine de papiers à demi rongés des rats dans le grenier de mon père, quelques vers au Rossignol de ces nuits d’été à Belley, que je ne me souvenais pas d’avoir composés ; mais l’écriture à peine formée, le papier jaune et raboteux du collège attestent bien que ces vers furent un des premiers jeux de mon imagination. […] À défaut d’autres passions que mon cœur ne pressentait pas encore, je concevais une sourde et fervente passion de la nature, et, à l’exemple de mon surveillant muet, au fond de la nature j’adorais Dieu. […] Ces objets étaient répétés dans l’eau d’un étang avec l’ombrage d’un noyer qui servait de fond à la scène, et derrière lequel on voyait se lever l’aurore. […] M. de Chateaubriand nous révélait le style du dix-neuvième siècle : style composite, comme le genre d’architecture auquel on applique ce nom ; style qui mêle tous les genres, qui associe le raisonnement, l’éloquence, l’élégie, le lyrisme, la peinture, la poésie, et qui recouvre le tout d’un vernis magique de paroles musicales pour faire illusion souvent sur le peu de solidité du fond.
Ils ont tous un fond de générosité ou de bonhomie qui gagne les cœurs. […] Le fond, chez lui, pour être païen n’en est pas moins sain et vigoureux. […] Et l’on distingue, au fond de ce firmament noir. […] Il n’y a guère, pour le fond des choses, de comparaison à établir. […] Au fond, tout artiste en est une.
Plus de termes généraux, où elle se fond. […] Le fond de Vigny, c’est la solitude et la détresse amère qui accompagne le sentiment de la solitude760. […] Les genres ou thèmes objectifs convenaient à ce tempérament plus riche de formes que de fond ; ces romans, drames, voyages, mettaient V. […] Il était trop artiste, trop objectif, pour ne pas enfermer au fond de lui-même un classique. […] Le peuple n’avait pas attendu ce moment pour adopter le chansonnier : au fond, le peuple est très bourgeois.
Le phénomène dit externe est au fond identique au phénomène interne. […] La lutte pour la vie ne se comprend donc, au fond, que comme une lutte de volontés ; elle est une manifestation externe de phénomènes tout psychiques en soi. […] Simple métaphore, comme celles de cadre, de fond, de surface, etc. […] Il y a donc dans l’affection — qui est primordiale — un fond subjectif impossible à éliminer ou à représenter sous les formes de mouvements dans l’espace. […] — Le procédé de l’observation interne est, au fond, le même que celui de l’observation externe.
Sur le fond d’un paysage d’hiver, joliment neigeux, Mme de Nittis se détache dans une robe couleur d’une rose gloire de Dijon, les épaules et les bras nus, balayés de dentelles, dont le tuyautage est de ce blanc, de ce rose, de ce jaune qui ne sont, pour ainsi dire pas, des couleurs. […] Par moments, mes doigts se mettent à rouler mécaniquement le bout de papier, qu’ils rencontrent au fond d’une poche, et cette nuit j’ai rêvé, que je la passais à la recherche, chez tous les marchands de Paris, d’un paquet de tabac frais, sentant ce bon goût si agréable. […] Et il laisse échapper, sur la note d’une profonde tristesse : « Au fond, je ne referai plus jamais un roman qui remuera comme L’Assommoir, un roman qui se vendra comme Nana ! […] Nous constatons que l’enfant n’est plus exalté par des récits de bataille, mais remué et intéressé par des descriptions de voyages en ballon, de descentes de plongeurs au fond des océans. […] Zola est au fond assez content, au point de vue du naturalisme, de l’échec d’hier.
Or Bossuet combattit cet homme, Richard Simon, le dénonça comme coupable au fond « d’une dangereuse et libertine critique », d’une malignité profonde, « d’un sourd dessein de saper les fondements de la religion » ; il le fit taire tant qu’il put ; il déclara subversives du Christianisme, et des prophéties sur lesquelles il se fonde, les explications les plus irréfragables ou les plus vraisemblables qui sont du ressort de la philologie pure ; il l’accusa de substituer en toute rencontre des sens humains à ce qu’il appelait les sens de Dieu. […] Tous ces miracles tiennent plus de la bonté que de la puissance, et ne surprennent pas tant les spectateurs qu’ils les touchent dans le fond du cœur. » Quant à la doctrine, il la montre également humaine, appropriée, et tempérant la hauteur par la condescendance : « C’est du lait pour les enfants et tout ensemble du pain pour les forts. […] L’idée de discuter le fond des anciens récits ne lui vient pas plus pour Tite-Live qu’elle ne lui est venue pour Moïse ; il s’applique d’ailleurs avant tout à l’esprit des institutions. […] Le fond du dessein de Bossuet, on le sait maintenant, et on le tient de sa propre bouche, était dans ce livre de « prouver le Christianisme aux libertins. » C’est une démonstration par l’histoire, et les faits en main, qu’il avait entreprise.
L’érudit méprise au fond les poètes, les romanciers, les critiques, les journalistes. […] Il me plaît donc de croire que la plupart des érudits ont, au fond, l’âme bonne. […] Tout érudit a nécessairement au fond du cœur, qu’il le sache ou non, la profession de foi de Sully-Prudhomme : La Nature nous dit : Je suis la Raison même, Et je ferme l’oreille aux souhaits insensés60, etc. […] Est-ce parce que le sentiment chrétien, dont le moyen âge était pénétré, répugne au fond à la beauté proprement artistique et littéraire, comme à quelque chose qui tient trop à la matière et à la chair et dont la séduction a je ne sais quoi de païen et de diabolique ?
Durkheim n’est autre chose au fond que l’antique unité morale réclamée par les politiques autoritaires de tous les temps. […] Toute liberté politique est au fond un mode spécial de réglementation. La liberté de la presse est au fond une réglementation de la presse : la liberté d’association est au fond une réglementation du droit d’association ; la liberté du vote une réglementation du vote, et ainsi de suite.
Tous les partis étaient encore en présence ; toutes les ambitions subalternes, toutes les haines fermentaient au fond des cœurs. […] Un cri de douleur s’est fait entendre du fond de l’Amérique, qu’il avait délivrée. […] Ils ne savent pas, sous les formes du culte extérieur, pénétrer le fond des vérités éternelles qui maintiennent l’ordre de la société. […] Du fond de leurs cellules, des hommes intrépides volent à de saintes conquêtes. […] Cette femme illustre vit dans sa terre des Rochers, au fond de la Bretagne, et loin de tout ce qu’elle aime.
Il a publié assez récemment, chez Hetzel, deux petits volumes sur la Rhétorique même et sur la Mythologie, et en rajeunissant par la forme des sujets dont le fond semble épuisé, il s’y montre plus dégagé de ton et plus alerte qu’on ne l’est volontiers dans l’Université, il n’a pas prétendu creuser, il s’est joué sans pédanterie à la surface : on sent un auteur maître de sa matière et qui en dispose à son gré. […] Grimblot, qui, dans ses missions et ses fonctions consulaires à l’étranger, ne perd jamais de vue la littérature, non content de rapporter du fond de l’Orient toute une bibliothèque sanskrite et sacrée dont il vient d’enrichir, d’armer la science et l’érudition françaises, veut bien lire nos simples essais d’un œil à la fois vigilant et amical, et il m’a souvent aidé par ses bons avis à les rendre moins imparfaits.
Il nous faut du grand, diront-ils, mais ce grand à quoi ils rêvent sans cesse, ils ne sauraient le trouver eux-mêmes ni l’inventer ; ils sont en peine des voies et moyens, et resteraient bien empêchés tous seuls à le réaliser ; il faut qu’on le leur prépare, qu’on le leur présente tout fait, et alors ils l’acceptent, sans trop de discernement toutefois, sans distinguer toujours le fond de l’apparence et le simulacre d’avec la réalité. […] Mais encore une fois, ce cachet singulier à part et ce vague éclair excepté, n’allez pas au fond, ne sondez pas trop avant, n’y cherchez rien de net ni de précis ; ils ont des aspirations plutôt que des desseins ; ne leur demandez surtout aucune des grâces, aucun des hors-d’œuvre charmants de l’autre, du grand et aimable César.
Si le goût est une chose de caprice, s’il n’y a aucune règle du beau, d’où viennent donc ces émotions délicieuses qui s’élèvent si subitement, si involontairement, si tumultueusement, au fond de nos âmes, qui les dilatent ou qui les serrent, et qui forcent de nos yeux les pleurs de la joie, de la douleur, de l’admiration, soit à l’aspect de quelque grand phénomène physique, soit au récit de quelque grand trait moral ? […] C’est lui qui réfléchit et qui voit dans l’arbre de la forêt, le mât qui doit un jour opposer sa tête altière à la tempête et aux vents ; dans les entrailles de la montagne, le métal brut qui bouillonnera un jour au fond des fourneaux ardents, et prendra la forme et des machines qui fécondent la terre et de celles qui en détruisent les habitants ; dans le rocher, les masses de pierre dont on élèvera des palais aux rois et des temples aux dieux ; dans les eaux du torrent, tantôt la fertilité, tantôt le ravage de la campagne ; la formation des rivières, des fleuves ; le commerce, les habitants de l’univers liés, leurs trésors portés de rivage en rivage et de là dispersés dans toute la profondeur des continents ; et son âme mobile passera subitement de la douce et voluptueuse émotion du plaisir au sentiment de la terreur, si son imagination vient à soulever les flots de l’océan.
Sa manière, sa forme est toujours honorable pour l’homme, quand le fond l’est si peu. […] Lorsqu’au fond l’esprit est droit et le cœur bon, après bien des efforts dans le goût, on revient au simple ; après bien des écarts dans la morale, on revient au virginal amour, au moins pour le contempler. […] L’infirmité de l’esprit humain est telle que les impressions reçues des mêmes objets diffèrent selon les personnes, selon les âges et les moments : la forme ou le fond du vase fait la couleur de l’eau. […] Une chose des plus faites pour étonner, c’est lorsque, venant à retrancher tout ce qui n’est que bonne éducation, bonnes intentions, bonnes manières, jugements appris, on découvre un matin combien de gens au fond sont bêtes. […] Il y a des moments où la vie, le fond de la vie se rouvre au dedans de nous comme une plaie qui saigne et ne veut pas se fermer.
Au fond il n’y a ni mythologie, ni langues, mais seulement des hommes qui arrangent des mots et des images d’après les besoins de leurs organes et la forme originelle de leur esprit. […] Entre tant d’écrivains qui, depuis Herder, Ottfried Muller et Gœthe, ont continué et rectifié incessamment ce grand effort, que le lecteur considère seulement deux historiens et deux œuvres, l’une le commentaire sur Cromwell de Carlyle, l’autre le Port-Royal de Sainte-Beuve ; il verra avec quelle justesse, quelle sûreté, quelle profondeur, on peut découvrir une âme sous ses actions et sous ses œuvres ; comment, sous le vieux général, au lieu d’un ambitieux vulgairement hypocrite, on retrouve un homme travaillé par les rêveries troubles d’une imagination mélancolique, mais positif d’instinct et de facultés, anglais jusqu’au fond, étrange et incompréhensible pour quiconque n’a pas étudié le climat et la race ; comment avec une centaine de lettres éparses et une vingtaine de discours mutilés, on peut le suivre depuis sa ferme et ses attelages jusqu’à sa tente de général et à son trône de protecteur, dans sa transformation et dans son développement, dans les inquiétudes de sa conscience et dans ses résolutions d’homme d’État, tellement que le mécanisme de sa pensée et de ses actions devient visible, et que la tragédie intime, perpétuellement renouvelée et changeante, qui a labouré cette grande âme ténébreuse, passe, comme celles de Shakspeare, dans l’âme des assistants. […] On touche ici le fond de l’homme ; car pour expliquer cette conception, il faut considérer la race elle-même, c’est-à-dire le Germain et l’homme du Nord, sa structure de caractère et d’esprit, ses façons les plus générales de penser et de sentir, cette lenteur et cette froideur de la sensation qui l’empêchent de tomber violemment et facilement sous l’empire du plaisir sensible, cette rudesse du goût, cette irrégularité et ces soubresauts de la conception, qui arrêtent en lui la naissance des belles ordonnances et des formes harmonieuses, ce dédain des apparences, ce besoin du vrai, cette attache aux idées abstraites et nues, qui développe en lui la conscience au détriment du reste. […] Qu’y a-t-il au fond d’une religion et d’un art sinon une conception de cette même nature et de ces mêmes causes primordiales, sous forme de symboles plus ou moins arrêtés et de personnages plus ou moins précis, avec cette différence que dans le premier cas on croit qu’ils existent, et dans le second qu’ils n’existent pas ? […] De même qu’au fond l’astronomie est un problème de mécanique et la physiologie un problème de chimie, de même l’histoire au fond est un problème de psychologie.
Ce ne serait pas même rendre justice à la nature ; elle fond d’un seul jet l’âme et le corps, et elle ne permet pas qu’on les sépare, sans mutiler l’impression qu’elle veut produire en nous par les chefs-d’œuvre de sa création. […] De nos fenêtres nous entendions la chute de cette cascade d’un fleuve, comme un tonnerre continu au fond de la vallée ; l’aubergiste ajouta que la plus jeune et la plus belle des deux voyageuses était, d’après le récit de leur courrier, la plus célèbre improvisatrice de la France. […] Le fond de l’opinion de madame de Girardin, c’était le beau ; elle était du parti du beau en toute chose. […] Elle y prit part avec cette même élasticité de sentiments et de conversation qui couvrait d’intérêt ou de gaieté même, un fond de tristesse. […] Et quant au tendre reproche qu’elle m’adresse du fond de son cercueil sur la froideur et sur la déception de mon amitié pour elle, ce reproche serait pour moi un cruel remords, si ce n’était un malentendu de nos deux existences.
Taine des Philosophes français, le matérialiste de fond et de la première heure, et cela devait être, du reste. […] L’expression étincelante y brille à nombre de places sur le fond étoffé de cette phrase pesante comme les plis du velours, mais ce velours qui traîne ne s’enlève jamais sous les souffles irrésistibles qui donnent tant de grâce aux grands écrivains. […] IV On le voit par ce qui précède, ce n’est pas le fond du livre de M. […] Ce fond historique, sur lequel on sera bien obligé de se prononcer quand on aura la pensée tout entière de l’auteur touchant les Origines de la France contemporaine n’est point en solution dans ce premier volume. […] Elle n’a point de conclusion formelle nettement et rigoureusement exprimée dans le livre, mais elle en a une qu’on voit à travers le livre, comme à travers un cristal, dans le fond de la pensée de l’auteur.
Ne te vexe donc pas contre les cris des rabaisseurs de réputations ; laisse-les dire, et ne troublons pas notre quiétude intérieure en faisant attention à ces braillards qui, dans le fond, me représentent juste les chiens qui cherchent à mordre les roues d’un cabriolet qui passe dans la rue. » Dans une autre lettre écrite d’Alger, il disait encore, en réitérant sa profession d’indifférence sur les critiques : « Je n’estime que le succès que le bon sens vous accorde et non celui qu’on doit aux coteries ; il en est de même des critiques, qui n’atteignent pas le but lorsqu’elles le dépassent. » Je compléterai encore par deux autres citations, prises dans la correspondance de Russie, ces contre-jugements d’Horace sur la critique : « (3 mars 1843). […] Son amour-propre est direct, sans complication du moins et sans double fond. […] La scène se passe sur une guillotine et sur le corps d’un guillotiné ; le squelette de la Mort qui domine tient en main et lit le journal le Peuple ; un peu au-dessous, un jeune Asiatique joue de la flûte sur un os perforé : dans le fond, ce ne sont qu’incendies et ruines. […] vous avez bien des années de moins que moi, vous êtes dans la force de l’âge ; les succès vous abondent ; l’air qui nourrit l’imagination n’est pas dans un fromage, au fond d’une cave : c’est à ciel ouvert, et parmi les hommes, qu’on respire. […] Il avait exposé, à ce Salon de 1845, la Prise de la Smalah et le portrait du Frère Philippe, supérieur des Écoles chrétiennes ; il pouvait être tranquille au fond : ces tableaux combattaient pour lui.
C’était un homme de cœur, un écrivain assez habile, mais le fond était nul. […] Le fond resta le même ; la direction morale de ma vie sortit de cette épreuve très peu infléchie ; l’appétit de vérité, qui était le mobile de mon existence, ne fut en rien diminué. […] Ma douceur, qui vient souvent d’un fond d’indifférence ; mon indulgence, qui, elle, est très sincère et tient à ce que je vois clairement combien les hommes sont injustes les uns pour les autres ; — mes habitudes consciencieuses, qui sont pour moi un plaisir ; — la capacité indéfinie que j’ai de m’ennuyer, venant peut-être d’une inoculation d’ennui tellement forte en ma jeunesse, que j’y suis devenu réfractaire pour le reste de ma vie ; — tout cela s’explique par le milieu où j’ai vécu et les impressions profondes que j’ai reçues. […] » voilà bien souvent le sentiment qu’il y a au fond des invitations, en apparence les plus flatteuses, du public. […] Je n’y ai fait aucun fond.
un écrivain justement célèbre, qui serait mort de douleur s’il avait connu ses disciples, un philosophe aussi parfait de sentiment que faible de vues, n’a-t-il pas, dans ses pages éloquentes, riches en détails accessoires, pauvres au fond, confondu lui-même les principes de l’art social avec les commencements de la société humaine ? […] Croire que l’homme qui, dès 1772, réformait solitairement la société et préparait en silence ce qu’il appelait ses « délinéaments » politiques, aurait subitement changé de vue et de marche à l’aurore de 1789, et se serait retourné de fond en comble au gré de la Cour, c’est une méprise qui tient à l’ignorance complète du fond. […] Vers la fin, Sieyès habitait plus que jamais au-dedans et au fond de lui, et il n’en sortait plus. […] et Sieyès réédifiant, réinventant la société et l’entendement humain de la base au sommet, de fond en comble ! […] [NdA] Dans une note manuscrite de lui, écrite vers 1788, et peut-être plus tôt, on lit cette espèce de description intime qui nous livre le fond de son humeur morale : c’est le point de départ de son caractère avant la Révolution : Héraclite, Démocrite.
Vendredi 5 janvier Au fond la Bastille n’a pas cessé d’exister pour les hommes de lettres. […] » Je suis reconnaissant à la femme de cette phrase qui me la dévoile, dans le fond de sa pensée, comme préoccupée des menaces suspendues sur ma tête. […] Dimanche 8 avril Un peu de tristesse au fond de toutes ces attaques. […] Elles apparaissent ainsi, comme de rustiques cariatides, peintes en grisaille sur un fond d’or. […] C’est singulier, comme cette Sarah Bernhardt me rappelait aujourd’hui, par ce jour gris et pluvieux, ces élégantes et efflanquées convalescentes, qui, dans un hôpital, passent devant vous, en le crépuscule de cinq heures, pour se rendre à la prière du fond de la salle.
Au fond de La Fontaine, il y a un véritable Rousseau par la plupart de ses goûts, de ses tendances, de ses tournures d’esprit, et même un peu par sa sensibilité. […] La Fontaine a un fond qui ne change point, comme nous tous certainement, et ce fond c’est son bon caractère, c’est l’impossibilité où il est de s’irriter, ou de s’irriter longtemps (car je sais bien qu’il s’est irrité à un certain moment contre Lulli, d’une façon féroce ; mais enfin ce n’est qu’un tout petit épisode de sa vie). Le fond de son caractère, le fond permanent, c’est bien l’amabilité, la bonne grâce, et une sorte de polyphilie générale. […] Il cherche nos besoins au fond de notre cœur ; Il nous épargne la pudeur De les lui découvrir nous-même ; Un songe, un rien, tout lui fait peur Quand il s’agit de ce qu’il aime.
1831 Voici deux livres nouveaux, deux œuvres de poésie éminentes et originales, deux productions bien diverses et en apparence tout à fait contraires de deux talents réfléchis et inspirés, de deux sensibilités, on ne saurait plus antipathiques au premier coup d’œil, et pourtant parentes au fond et presque sœurs. […] Si, laissant le fond, nous examinons l’art et la forme chez les deux poëtes, nous les trouvons également habiles, composant chacun leur œuvre avec une gradation savante, consommés aux procédés techniques et aux détails précieux. […] Tout homme de notre âge, dont la vie n’a pas été celle d’une jeune fille de province, tout homme que ses passions ou les circonstances ont mêlé aux diverses classes de notre civilisation si vantée, et qui ne les a pas envisagées, comme trop souvent, avec des yeux cupides et un cœur endurci, celui-là sait fort bien ce qu’il y a de trop misérablement vrai au fond de cette lie où M.
Les salons, c’est la rue qui a passé par le bain, la pâte d’amande, la grammaire et les bonnes manières, mais c’est toujours la rue, au fond des esprits et des cœurs ! L’esprit peut y briller, mais il n’y commande pas, et les femmes seules peuvent prendre des amusettes pour des influences… Du temps des salons du siècle dernier, que Mme Le Normand nous cite, les salons étaient, au fond, si peu puissants qu’ils n’empêchèrent pas la Révolution de se faire contre eux et de les fermer ! […] … Ce que je trouve, moi, dans Mme de Staël, c’est le fond de la Corinne et de la Delphine qu’elle a peintes, en se regardant, et qui lui ressemblent toutes deux, mais trop posées, mais arrangées pour un effet qu’elle ne connaissait pas ; ce que j’adore, enfin, dans Mme de Staël, c’est le naturel inaliénable.
L’Expiation de Saveli vaut beaucoup mieux, sans doute, par certains détails russes qui n’appartiennent pas en propre à l’auteur, et par l’idée même, qui en est le fond ; mais l’exécution en est si pauvre et d’une telle simplicité sans couleur, que cette exécution n’est jamais, un instant, à la hauteur de l’idée qui l’a inspirée. […] Elle n’a pas le regard qu’on rabat du ciel sur les choses de la vie et qui, tombant de si haut, va au fond… C’est une femme du monde, qui peint une société dont les surfaces l’attirent, bien plus qu’un romancier moraliste qui prend les passions et les jauge partout où elles sont… Mais, si elle n’est pas, si elle ne peut pas être le moraliste à la façon des grands romanciers qui savent l’ordre le cœur humain pour tirer la morale du sang, des larmes et de la fange qu’ils en font sortir, elle est toujours et partout la plume pure que j’ai dit qu’elle était. […] La princesse Oghérof, en dehors de ces détails russes dont Mme Henry Gréville aime à poudrer le fond de ses romans, est une histoire d’amour qui serait vulgaire sans le renoncement des deux amoureux, l’un à l’autre, et par là, l’échappement à l’adultère, — l’éternel adultère de tous les romans contemporains !
Le rideau, jusque-là baissé, en se relevant doit nous permettre de plonger dans le coin le plus sombre, le plus noir et le plus tragique d’un siècle (le XVIIe) qui a tout couvert de sa pourpre, et aussi dans cet autre coin de l’âme humaine qui résiste à toute lumière, et au fond duquel le moraliste, moins heureux que l’historien, enfonce ses regards et sa torche, sans pouvoir jamais l’éclairer ! […] Nul, parmi ces vicieux superficiels, n’avait soupçonné l’abîme d’âme sans fond caché sous la légère couche de carmin qui teignait cette joue meurtrie ; car Élisabeth avait cessé d’être jeune. […] Encore une fois, c’était le fond de pareilles âmes que l’historien digne d’un pareil sujet devait nous montrer.
Taine, qui n’a pas écouté ses facultés et qui, se croyant ou ne se croyant pas philosophe, a débuté par cette jolie risette, son livre des Philosophes français, lequel impliquait le plus impertinent scepticisme sur le fond des choses et le doute le mieux justifié, d’ailleurs, sur le mérite et la consistance de ses maîtres qui n’avaient pas su lui bâtir dans l’âme une conviction sur quoi que ce soit ; M. […] Doué des facultés les plus personnelles, il fond son originalité dans des idées qui ne sont à lui que parce qu’il les accepte. […] Au fond, pour les lynx, c’était un positiviste, mais sans avoir jamais consenti ou accusé le positivisme tout entier.
L’établissement de madame de Maintenon et de Louis XIV — car, ici, il faut mettre madame de Maintenon avant le grand roi, — n’a, au fond, rien de commun que le nom avec ce Prytanée de 1805, devenu une école d’officiers ; et, cependant, sous le nœud de ce nom commun qui les lie, ne dirait-on pas une même institution à double visage, autrefois visage de jeunes filles, maintenant visage de jeunes soldats ? […] Mais, nous devons le dire, nous souhaitons que celui-ci soit aussi ferme que celui-là est pur, et qu’il ressorte avec la même clarté d’idées et la même expérience de style, calme et simple, sur le même fond de renseignements et de lumière. […] « La France — a dit Sterne — n’a de salique que sa monarchie. » En ce pays, qui tient les femmes tient le fond même de la société, le secret de la civilisation.
Rivarol disait, avec la belle voix d’or de son esprit : « La grandeur de nos facultés dépend de Dieu, mais de nous dépend leur harmonie. » Quel que soit donc celui des trois systèmes sur la nature humaine que l’on adopte, il est d’observation indéniable qu’il y a au fond de nous-mêmes une tendance prononcée à nous croire le centre de tout, à ne juger les choses que par rapport à nous, à traverser incessamment et dans tous les sens le plan de l’ordre avec mépris, et même les armes à la main. […] Madame d’Alonville, la mère d’Adrien, est une jeune veuve, et nous aimons cette idée de veuve, cumulant le père et la mère dans la fonction sacerdotale de l’éducateur ; mais cette femme aimable, raisonnable, expériente des choses du monde, n’est, au fond, en matière d’éducation, qu’une agréable nullité. […] Il a celle-ci qu’il est tout à la fois élégant et vulgaire : élégant par la forme des choses, vulgaire par le fond.
D’immenses tristesses, au contraire, sont en Vauvenargues, voilées dans ses œuvres, mais perceptibles au fond, et dévoilées dans sa correspondance. […] Ainsi, au fond de ce griffonneur qui envoyait ses essais à Voltaire, le gentilhomme tenait bon comme le chrétien, et c’est ce fond de Vauvenargues — puisque son nom se prononce encore — qui mérite l’étude et l’intérêt de l’histoire.
Or c’était précisément un historien épique qu’il aurait fallu à Nelson, cet homme épique de grandeur, et cela n’aurait pas suffi : il lui aurait fallu un autre genre d’historien encore, celui-là qui sait regarder profondément au fond des cœurs pour débrouiller les sombres problèmes dont ils sont pleins, car Nelson fut romanesque aussi et même criminellement romanesque. […] Et cependant tout le temps qu’elle dura, cette incarnation, elle fut rongée par une passion, — une passion honteuse ; et ce lis d’honneur, pour la pureté, porta cette tache au fond de son calice, jusqu’au moment où il tomba dans le sang, versé pour le devoir, mais qui ne l’a pas effacée, car, lorsqu’on est si grand, rien ne s’efface. […] » sublime en tout, se racornir subitement en cette grandeur immense, et consacrer son dernier mot et sa dernière pensée à celle qui fut la rivale de la Gloire dans son âme et qui a pu abaisser sa vie, et l’on se sent aussi, comme il sentait la sienne, l’âme partagée entre deux sentiments contraires, et on voudrait s’arracher, du fond de son admiration, ce mépris !
Si délicieuses qu’elles soient, la mort est au fond de ces gaietés, et on n’en jouit plus qu’avec une volupté funèbre. […] Si, dans son scepticisme agité, elle ne put jamais se défaire de l’inquiétude de l’enfer, dont Pascal, qui la valait bien, avait la peur verte, elle ne prit pas contre cette effroyable perspective une seule de ces précautions que, du fond de son tonneau doublé de soie, Diogène délicate, elle prenait contre les vents coulis. […] Et c’était le bon sens, uniquement le bon sens, qui l’empêcha de chavirer dans la philosophie, au fond de laquelle Voltaire, le flatteur et l’irrésistible, la poussait avec des mains d’Hercule filant aux pieds d’Omphale.
Or, c’était précisément un historien épique qu’il aurait fallu à Nelson, cet homme épique de grandeur, et cela n’aurait pas suffi : il lui aurait fallu un autre genre d’historien encore, celui-là qui sait regarder profondément au fond des cœurs pour débrouiller les sombres problèmes dont ils sont pleins ; car Nelson fut romanesque aussi et même criminellement romanesque. […] Et cependant, tout le temps qu’elle dura, cette incarnation, elle fut rongée par une passion, — une passion honteuse ; et ce lys d’honneur, pour la pureté, porta cette tache au fond de son calice jusqu’au moment où il tomba dans le sang, versé pour le devoir, mais qui ne l’a pas effacée ; car, lorsqu’on est si grand, rien ne s’efface. […] » sublime en tout, se racornir subitement en cette grandeur immense et consacrer son dernier mot et sa dernière pensée à celle qui fut la rivale de la Gloire dans son âme et qui a pu abaisser sa vie, et l’on se sent aussi, comme il sentait la sienne, l’âme partagée entre deux sentiments contraires, et on voudrait s’arracher, du fond de son admiration, ce mépris !
Parce qu’il était gai, comme tous les esprits vigoureux qui se portent bien, il se crut la vocation du chansonnier quand, au fond, il en avait une autre, qu’il a prouvée, et dont personne ne parle comme il faudrait, même M. […] Sans amour-propre aucun, juste pour le plaisir d’être juste, désintéressé de lui-même, quand il se trompe, ce qui est très rare, sur le fond d’une chose ou d’un homme, il le dit et il ne s’épargne pas le mot meurtrissant. […] Sans doute, il y a dans ce volume d’autres conseils, d’autres enseignements, marqués, tous, soit au coin du goût littéraire soit à celui de l’observation humaine, du sens réel et positif, mais le fond de l’enseignement de Collé c’est la flatterie, la flatterie sur le plus grand pied, infatigable, continue, multiple, perpétuelle !
D’immenses tristesses, au contraire, sont en Vauvenargues, voilées dans ses œuvres, mais perceptibles au fond, et dévoilées dans sa correspondance. […] Ainsi, au fond de ce griffonneur qui envoyait ses essais à Voltaire, le gentilhomme tenait bon comme le chrétien, et c’est ce fond de Vauvenargues, — puisque son nom se prononce encore, — qui mérite l’étude et l’intérêt de l’histoire.
Nonobstant l’effort de ces grands hommes, — de ces grands Spirituels, — il resta au fond de l’enseignement, en s’aplatissant, il est vrai, en y rampant, en s’y coulant comme un reptile, mais il y resta. […] Méconnaissance de la nature spirituelle de l’homme qu’on définit un mammifère monodelphe bimane, et rien de plus, négation de l’unité de la race humaine, affirmation de l’activité de la matière, confusion de la physiologie et de l’histoire naturelle, au mépris des traditions médicales, depuis Hippocrate jusqu’à nos jours, enfin l’opinion qui implique le matérialisme le plus complet : « Que la vie ne doit pas être considérée comme un principe, mais comme un résultat, une propriété dont jouit la matière, sans qu’il soit nécessaire de supposer un autre agent dans le corps », toutes ces solutions et beaucoup d’autres de la même énormité sont attaquées et ruinées de fond en comble par le rude jouteur des Études. […] Réduit à ses seules forces et répugnant à regarder au fond de l’histoire, le rationalisme devait considérer ces questions comme vaines et insolubles, et il n’y a pas manqué ; en cela au-dessous de l’antiquité païenne, qui ne connaissait pas Bacon, mais qui n’en savait pas moins observer et conclure.
Mais il y a pourtant, entre Abélard et lui, cet intégral Charles de Rémusat, des ressemblances qui expliquent son admiration ; car les hommes, ces Narcisses, se mirent toujours un peu eux-mêmes dans les admirations qu’ils ont… En philosophie, Charles de Rémusat a des parentés très visibles avec Abélard, esprit au fond plus subtil que fort, qui n’allait point — comme les grands Décidés de l’Intelligence, lesquels en sont aussi les plus puissants, — à l’extrémité de toute doctrine, mais qui se plaçait entre deux… Oui ! […] C’est toujours la même toile de fond, le Moyen Âge usé de Victor Hugo et d’Alexandre Dumas, la même vieille tapisserie historique, les mêmes bonshommes de cartes à jouer ! […] Il manque même de haine philosophique, quoique de Rémusat doive avoir, tapies quelque part, les haines de sa philosophie, et quoique le scepticisme du temps et la glace de son tempérament aient bien diminué cette rage contre l’Église qu’ont tous, au fond du cœur, les philosophes, et que Cousin, lâche, mais indiscret, révélait en la couvrant de ce mot, dit justement à propos d’Abélard : « Il avait déposé dans les esprits de son temps le doute salutaire et provisoire, qui préparait l’esprit à des solutions meilleures que celles de la foi. » Charles de Rémusat n’a jamais eu de ces imprudentes et impudentes paroles d’un homme dont l’espérance trahit l’hypocrisie, mais à quelque coin, dans cet esprit moyen, dans cette âme de sagesse bourgeoise, il y a toujours, prête à se glisser au dehors, l’hostilité contre toutes les grandes choses que nous croyons… Comme Abélard, le héros de toute sa vie, comme Bacon, qu’il a aussi commenté, de Rémusat s’est toujours plus ou moins vanté d’être un écrivain de libre examen et de libre pensée, un philosophe contre la théologie, un adversaire de l’autorité sur tous les terrains, en religion comme en politique, — et comme l’Église est l’autorité constituée de Dieu sur la terre et qu’elle a le privilège divin « que les portes de l’enfer ne prévaudront jamais contre Elle », de Rémusat, qui est une de ces portes-là, — non pas une porte cochère, aux cuivres insolemment luisants et aux gonds tournant à grand bruit, mais une petite porte, discrète et presque cachée à l’angle et sous les lierres prudents de son mur, — de Rémusat entend bien prévaloir contre l’Église et lui prouver que son privilège divin n’est qu’une prétention !
Une de leurs femelles, car ils avaient des femelles, la marquise du Deffant, avait fait ouater et capitonner le sien, planté en plein salon, et du fond duquel elle aboyait, de sa vieille bouche vide, contre Dieu. Les cyniques d’alors n’avaient pas cassé leur écuelle pour boire dans le fond de leur main ; ils buvaient dans des verres à champagne. […] Le sang allait venir… Mais, avant qu’il vint, il naquit, de deux pauvres gens, au fond d’une province, — précisément celle-là qui nous a donné plus tard cet athée tremblotant de Sainte-Beuve, qui fait l’effet d’un magot d’athéisme après les grands athées intrépides et impudents du xviiie siècle.
C’est la liberté, la fureur de liberté, qui est la fureur de ce siècle, qui fait le fond même de cette question du divorce : sur laquelle les gens s’égosillent ! […] … Seulement, pris pour vrais, à cet instant du monde moderne qui pourrait bien être le monde mourant, ils sont les vainqueurs et les partisans de l’indissolubilité, qui veulent la défendre contre eux détachée du fond d’histoire sur lequel elle était puissante, n’ont rien à dire contre l’irréprochable et l’implacable logique révolutionnaire. […] IV Si ce qu’il a fait avait été du moins un beau livre, si la discussion à laquelle il s’était livré avait, à défaut de vérité sur le fond, montré les qualités d’un esprit fécond et vigoureux, je l’aurais signalé, malgré mon désespoir historique, parce que je parle ici littérature.
Cette rage, vieille comme le monde et éternelle comme lui, et qui n’est, en fin de compte, que la révolte délirante de l’orgueil, sait se masquer avec la figure de chaque époque ; mais une pareille mascarade ne change pas le fond des choses, et le fond des choses, c’est le travail destructeur, latent ou visible, mais implacable, de la philosophie. […] Le fond des choses y est si grand qu’on y sent réellement moins qu’ailleurs les différences de génie, et que la pensée y trouve presque, comme le cœur, son égalité devant Dieu.
Quoique très-lyrique d’expression et d’élan, le poète des Fleurs du mal est, au fond, un poète dramatique. […] Ce profond rêveur qui est au fond de tout grand poète s’est demandé en M. […] … Quand un homme et une poésie en sont descendus jusque-là, — quand ils ont dévalé si bas, dans la conscience de l’incurable malheur qui est au fond de toutes les voluptés de l’existence, poésie et homme ne peuvent plus que remonter.
Et cependant, si aujourd’hui, à propos d’un livre qu’il m’est impossible d’admirer, je veux prendre exactement la mesure de ce talent, et si j’ose introduire mes petites réserves sur des procédés d’exécution dont je connais la profondeur et la portée, dussé-je m’adresser aux esprits les plus connaisseurs, ayant au fond la conviction que la critique que je me permets est fondée ! […] Ce dernier des Sigognac vit, au fond des Landes, dans un vieux château délabré que l’auteur appelle le Château de la Misère, et qui par cela seul qu’il est une description physique faite avec cet acharnement de détails très-approprié au talent de M. […] Étonnés et touchés de l’épouvantable et idéal dénûment de cet hôte mélancolique et digne qui leur fait un si bon visage du fond de sa détresse, ils l’engagent à se joindre à eux, qui tirent vers Paris, où il trouvera peut-être fortune, et le jeune noble y consent d’autant plus vite, qu’il se sent invinciblement attiré par une jeune comédienne de la troupe.
Seulement, pour cela, il lui eût fallu le bénéfice et le soutien d’une éducation morale quelconque, et l’on se demande avec pitié ce que fut la sienne, à lui, le fils d’une actrice et de l’aventure, dans une société qui a trouvé, un beau matin, les Mormons, au fond de ses mœurs ! […] dans ces Histoires extraordinaires, qui le sont bien moins par le fond des choses que par le procédé d’art du conteur, sur lequel nous reviendrons, et qui est, à la vérité, extraordinaire, il n’y a rien de plus élevé, de plus profond et de plus beau, en sentiment humain, que la curiosité et la peur, — ces deux choses vulgaires ! […] Il y est caché au fond du grand poëte ; et parce qu’il y est, faute de sujets moraux et grands, faute d’idées, faute de grandes croyances, faute d’imposantes certitudes, on peut dire hardiment que c’est le Bohême qui l’y a mis !
L’humanité dont on se détourne alors est celle qu’on a découverte au fond de soi. […] Nous disions plus haut qu’au fond de l’obligation morale il y a l’exigence sociale. […] La raison en est qu’on ne peut pas ici, le plus souvent, retrouver au fond de soi l’émotion originelle. […] L’illusion fait le fond de maint problème philosophique, dont la Dichotomie de Zénon a fourni le modèle. […] Du fond des siècles ils élèvent leur protestation.
Donc au fond Malherbe a encore raison. […] que le son du cor est triste au fond des bois ! […] Mon Dieu, au fond, nous sommes d’accord. […] C’était là le fond permanent, très fixe, très arrêté, inébranlable. […] C’était là son fond.
La seule vérité historique que je tiens à marquerk, c’est que les deux frères appartiennent à des familles d’hommes politiques toutes différentes et même opposées, l’un étant de ceux qui vont au fond des objets et aspirent à un but réel et constant, l’autre de ceux qui s’en tiennent en tout aux expédients, et s’inspirent uniquement de la circonstance. […] Le fond de sa pensée attaque toujours ses supérieurs, quoique avec l’abord humble, honteux et embarrassé à leur égard, sans se jouer pour cela, mais par habitude ; mais il ne se ravale pas pour cela avec les inférieurs, ce qui est la suite de ce caractère chez les gens véritablement généreux ; au contraire, il y porte un air important et distrait qui en impose aux égaux et qui le fait respecter des inférieurs. […] Il s’y montre lui-même par contrecoup mieux que partout ailleurs, et il plaide indirectement pour ses propres qualités et un peu aussi pour ses défauts ; continuant donc son monologue et ce parallèle secret entre son frère et lui : Qui prendra, dit-il, pour des affaires sérieuses son choix à la figure, aux airs importants, au discours spirituel, et au bon air dans la dépense et dans le maintien, fera toujours une mauvaise affaire ; ce n’est là que la superficie, et même la perfection de cette superficie a dû nécessairement prendre sur le fond, et être faite à ses dépens. Il faut de la suite, du bon sens, un sens suivi, une méditation approfondie pour trouver du neuf échappé aux autres, et ce fond demande des négligences sur les choses extérieures. […] On l’avait fait passer en dernier lieu près du roi pour « incapable de toutes affaires publiques (pour un utopiste comme nous dirions)19 ; et toutes voies désormais lui étaient fermées. » Le fond de son cœur, à cette occasion, nous est révélé dans une sorte d’épanchement involontaire qui se trouve au milieu de ses Remarques sur ses lectures, et qui a pour titre assez singulier, De la Providence : « Que l’idée de la Providence est aimable !
Je n’ai nulle envie de diminuer un esprit éminent, ni de dénigrer un homme dont le caractère, malgré ses fragilités fréquentes, laissait voir au fond l’humanité et même la débonnaireté. […] Benjamin Constant, arrivant de Suisse à Paris, en 1795, à l’âge de vingt-huit ans, pour s’y lancer dans le mouvement politique, était un beau grand jeune homme, d’un blond hardi, muscadin, à l’air candide, mais au dedans très avancé, très désabusé, et qui était allé de bonne heure au fond de tout. […] Je ne savais pas alors qu’il n’y avait au fond de républicain en France que moi et ceux qui craignaient que la royauté ne les fit pendre. » Pour réparer son tort, il se hâta de se réfuter en composant pour Louvet un discours en sens opposé, et que celui-ci prononça à la tribune peu après, mais qui ne réussit pas. […] Tous deux politiques incomplets, et malgré les spécieuses constructions de leur libéralisme ou de leur monarchisme selon la Charte, ils ont (regardez-y bien au fond et par-dessous) une couche première essentielle de scepticisme. […] Tous deux sont blasés, et expriment ce fond d’ennui dont ils sont pleins, sous la forme d’un petit livre qui reste leur chef-d’œuvre : mais l’un, grand artiste, ajoute à son ennui la flamme, et l’on a René ; l’autre y met de son ennui et de sa tristesse partout, et l’on a Adolphe, qui, pour les connaisseurs psychologues, ne le cède pourtant point à l’autre, mais qui n’a ni l’action sur le public ni le prestige.
que Gœthe le connaissait bien, ce goût qui, sous tous les masques, même les plus romantiques, est toujours un peu au fond le goût de M. […] Toutes mes poésies sont des poésies de circonstance ; c’est la vie réelle qui les a fait naître, c’est en elle qu’elles trouvent leur fond, et leur appui. […] Gœthe y mettait des accidents de lui-même, sans entamer le fond. […] Ainsi, lorsqu’on jouait le Comte d’Egmont de Gœthe, à la scène de la prison, pendant qu’on lisait au comte sa condamnation, Schiller chargé de l’arrangement et de la mise en scène, avait pris sur lui de faire apparaître dans le fond le duc d’Albe en masque et en manteau, pour qu’il pût se repaître de l’impression que la condamnation à mort produirait sur Egmont. […] Il laissait reparaître en cela le fond de goût ovidien ou du moins olympien dont nous avons parlé.
Mme Hugo, femme supérieure, d’un caractère viril et royal, comme dirait Platon, s’était décidée à ne pas voir le monde, et a vivre retirée dans une maison située au fond du cul-de-sac des Feuillantines, faubourg Saint-Jacques, pour mieux vaquer à l’éducation de ses fils. […] Le fond de la philosophie de leur mère était le voltairianisme, et, femme positive qu’elle était, elle ne s’inquiéta pas d’y substituer une croyance pour ses fils. […] On se rappelle, en effet, les scènes délicieuses de cet ouvrage étrange, la pureté virginale d’Ordener, le baiser d’Éthel dans le long corridor ; le reste n’eût été qu’un fond noirci, un repoussoir pour faire ressortir le tableau, une ombre passagère et orageuse de désespoir. […] Le genre de monde qu’il fréquentait alors, et qui l’accueillait avec toutes sortes de caresses, entretenait journellement l’espèce d’illusion qu’il se faisait à lui-même sur ses croyances ; mais le fond de sa doctrine politique était toujours l’indépendance personnelle, et le philosophisme positif de sa première éducation, quoique recouvert des symboles catholiques, persistait obscurément dessous. […] Nulles poésies ne caractérisent plus brillamment le clair intervalle où elles sont nées, précisément par cet oubli où elles le laissent, par le désintéressement du fond, la fantaisie libre et courante, la curiosité du style, et ce trône merveilleux dressé à l’art pur.
assez fâcheusement et abondamment de s’y introduire ; mais on s’y laisse moins prendre qu’ailleurs ; on l’y sent tout aussitôt sous les déguisements et les emprunts qu’il tente ; on le rejette avec dégoût, ou plutôt il va naturellement au fond ; et, tandis que, sous l’écorce de la prose, bien des talents équivoques en qualité surnagent, tandis qu’ils atteignent à une contrefaçon assez difficile à démêler, et qu’avec le travail, l’instruction, l’imitation de ce qu’on lit, la répétition assez bien débitée de ce qu’on entend, avec tous ces mérites surchargés, on parvient souvent à une sorte de compilation de fond ou de style, décente, et qui fait fort honnëte contenance, en poésie la qualité fondamentale se dénote aussitôt, la substance des esprits s’y fait toucher dans le plus fin de l’étoffe ; aussi très-peu suffit pour qu’on ait rang, sinon parmi les grands, du moins entre les délicats, et qu’on soit, comme tel, distingué de la muse, de cette muse intérieure qui console : ce qui, j’en conviens, n’empêche pas d’être parfaitement ignoré du vulgaire, comme disent les poëtes, c’est-à-dire du public. […] Alors, désespéré, je garde le silence, Mais l’hymne est au fond de mon cœur ! […] Depuis le bon évêque de Belley, Camus, qui a fait tant et de si pauvres romans chrétiens, jusqu’à ceux qu’on renouvelle de nos jours, je sais que les auteurs ont cherché à éluder, à se déguiser l’inconvénient ; mais il est dans le fond et la nature des choses, et on peut au plus le dissimuler et le diminuer en s’avertissant. […] J’arrête souvent mon cheval au milieu des chemins ruraux que je traverse de préférence, et je demeure attendri jusqu’au fond du cœur des tableaux qui s’offrent à moi : Voici les charrues actives qui passent sous les pommiers jaunis ; le sac de bon grain est debout au milieu du champ, que parcourt en tous sens la herse traînée par de bons jeunes et vieux chevaux, qu’on a soin d’atteler ensemble, image de la vigueur et de l’expérience unies.
Il la put voir quelques instants du fond de l’entrée, avant qu’elle l’aperçut. […] Mme de Pontivy remarquait par instants ce peu de rayonnement d’un cœur au fond si pénétré, et elle lui en faisait des plaintes tendres qu’apaisaient bientôt de parfaites paroles ou mieux des soupirs brûlants ; et puis, son propre soleil, à elle, couvrait tout. […] Aux raisonnements aimables de M. de Murçay, Mme de Pontivy, charmée par instants et souriant en toute complaisance, répondait que c’était juste, mais au fond ne de meurait pas convaincue. […] Ne croyez pas, mon bien cher ami, que je puisse ne plus vous aimer ; au fond et au-dessous vous êtes toujours l’être nécessaire à mon existence… Mais votre Hermione n’est plus qu’une bien triste Aricie. […] Je croyais tellement à un abîme sans fond où aucun de mes torts ne s’amassait !
Pierre Corneille En fait de critique et d’histoire littéraire, il n’est point, ce me semble, de lecture plus récréante, plus délectable, et à la fois plus féconde en enseignements de toute espèce, que les biographies bien faites des grands hommes : non pas ces biographies minces et sèches, ces notices exiguës et précieuses, où l’écrivain a la pensée de briller, et dont chaque paragraphe est effilé en épigramme ; mais de larges, copieuses, et parfois même diffuses histoires de l’homme et de ses œuvres : entrer en son auteur, s’y installer, le produire sous ses aspects divers ; le faire vivre, se mouvoir et parler, comme il a dû faire ; le suivre en son intérieur et dans ses mœurs domestiques aussi avant que l’on peut ; le rattacher par tous les côtés à cette terre, à cette existence réelle, à ces habitudes de chaque jour, dont les grands hommes ne dépendent pas moins que nous autres, fond véritable sur lequel ils ont pied, d’où ils partent pour s’élever quelque temps, et où ils retombent sans cesse. […] La littérature et la poésie d’alors étaient peu personnelles ; les auteurs n’entretenaient guère le public de leurs propres sentiments ni de leurs propres affaires ; les biographes s’étaient imaginé, je ne sais pourquoi, que l’histoire d’un écrivain était tout entière dans ses écrits, et leur critique superficielle ne poussait pas jusqu’à l’homme au fond du poëte. […] Or, quand Corneille, né en 1606, parvint à l’âge où la poésie et le théâtre durent commencer à l’occuper, vers 1624, à voir les choses en gros, d’un peu loin, et comme il les vit d’abord du fond de sa province, trois grands noms de poëtes, aujourd’hui fort inégalement célèbres, lui apparurent avant tous les autres, savoir : Ronsard, Malherbe et Théophile. […] Le bon Corneille y manqua de mesure et de convenance ; il insista lourdement là où il devait glisser ; lui, pareil au fond à ses héros, entier par l’âme, mais brisé par le sort, il se baissa trop cette fois pour saluer, et frappa la terre de son noble front. […] J’insiste sur le style ; le fond du Cid est tout pris à l’espagnol.
sort du plus intime fond de la race, et en représente les plus générales qualités. […] Au fond, on ne s’étonne pas des méchants tours de Renart : il est naturel qu’il se serve de l’esprit que la nature lui a fait. […] Aussi devine-t-on combien, en sa substance, l’œuvre sera dure ; combien il y aura peu de tendresse, de sympathie, d’humanité, dans cette ironie, et quelle brutalité fera le fond de cette gaieté si légèrement aimable. […] Un premier fond est fourni par la tradition orale qui s’est perpétuée depuis la plus haute antiquité, vivant et circulant sous la littérature artiste des Grecs et des Romains, y pénétrant parfois et y laissant quelque dépôt : comme certains sujets de la Comédie nouvelle, ou ce conte scabreux, qui bien des siècles avant de se fixer chez nous dans un fabliau, fournit à Pétrone sa Matrone d’Éphèse. […] Ainsi, immoralité et fourberie, voilà pour le fond : ajoutez-y la malpropreté comme forme extérieure, et la cruauté comme ressort de l’action.
Du fond de cette province énergique et rude, d’où nous sont venus de grands écrivains, des novateurs plus ou moins révolutionnaires, les Lamennais, les Broussais, et un autre René, Alain-René Lesage nous arriva, mûr, fin, enjoué, guéri de tout à l’avance, et le moins opiniâtre des esprits : on ne trouverait quelque chose du coin breton en lui que dans sa fierté d’âme et son indépendance de caractère. […] Gil Blas est au fond candide et assez honnête, crédule, vain, prenant aisément à l’hameçon, trompé d’abord sous toutes les formes, par un parasite de rencontre qui le loue, par un valet qui fait le dévot, par les femmes ; il est la dupe de ses défauts et quelquefois de ses qualités. […] Lesage, même quand il raille, n’a rien au fond d’agressif ; il ne veut rien faire triompher. […] Lesage se ressentit de cet inconvénient : après avoir atteint le point parfait de l’observation dans Le Diable boiteux et dans Gil Blas, le vif du comique dans Crispin et dans Turcaret, il se relâcha, il se répéta, il baissa un peu, et alla ainsi jusqu’à se permettre des publications finales telles que La Valise trouvée et Le Mélange amusant, qui sont en effet le fond du sac et de la valise. […] Il est aussi joli qu’il est petit, et, quand Lesage est dans le cabinet du fond, il se trouve tout à fait éloigné des bruits de la rue et des interruptions de sa propre famille.
Le fond pourtant s’y fait sentir à qui le cherche ; et, après avoir vécu quelque temps auprès d’elle, on se dit qu’il n’est rien de tel encore qu’une race forte quand la grâce s’y mêle pour la couronner. […] À ce ton dont Mme de Caylus raconte des choses réputées si importantes, on se demande ce qu’au fond elle en pense. […] L’observation de Mme de Caylus est droite et prompte ; elle va au fond des caractères sans qu’il y paraisse. […] Ce qui distingue au premier aspect tous ces portraits de Mme de Caylus, c’est la finesse ; la vigueur et la fermeté qui y sont souvent au fond n’y paraissent que voilées. […] Les esprits tristes eux-mêmes n’y sont pas admis, car il y a un fond de joie et d’enjouement dans toute urbanité, il y a du sourire.
Il y eut en lui aussi une part de comédien et de personnage de théâtre qui tenait au talent même, et comme il en entre si aisément et à peu près inévitablement, on ose le dire, chez tous les hommes publics à qui il est donné de mener les autres hommes : mais le fond du cœur était chaud, le fond de la conviction était sincère, de même que plus tard nous verrons que le fond de ses vues politiques, en apparence si turbulentes et si orageuses, était tout à fait sensé. […] Il ne s’applique rien, mais saisit tout… De quelque art, science, littérature, antiquité, connaissance et langue quelconque que vous lui parliez, il en sait trois fois plus, enlève tout, brouille tout, mais il affirme avec une sécurité et une chaleur qui en imposent… Bon diable au demeurant, et, au fond, n’étant qu’un fantôme en bien comme en mal. […] Ne jugeons donc pas ces querelles de races et où, dans le fond, les génies de deux époques étaient aux prises, de notre point de vue domestique et bourgeois d’aujourd’hui.
Voulez-vous savoir, par exemple, comment M. de Maistre, au fond ennemi de la Révolution, l’estimant terrible et funeste, bien que trop méritée, juge les premières défaites de la Coalition armée contre la France ? […] Un sentiment profond d’amitié le ramène vers ceux qu’il a autrefois connus et qui lui sont restés au fond du cœur. […] Un tel ton jure assez souvent chez M. de Maistre avec le sérieux du fond. […] Après 1815, quand la maison de Savoie est rétablie dans son antique héritage, M. de Maistre, à la veille de rentrer dans sa patrie, mais lésé lui-même dans sa fortune et à peu près ruiné dans son patrimoine, ne forme plus que le vœu du patriarche ; il nous laisse voir l’unique fond de son désir au milieu de cet ébranlement de l’Europe, où le volcan ne se ferme d’un côté que pour se rouvrir d’un autre : « Ma famille, mes amis et mes livres suffisent aux jours qui me restent, et je les terminerais gaiement si cette famille ne me donnait pas d’affreux soucis pour l’avenir. » Faisant allusion à cette vivacité qu’il portait volontiers en tout, et dont il ne prétend pas s’excuser : Cependant, écrivait-il à un ami, si j’avais le plaisir de vivre quelque temps avec vous sous le même toit, vous ne seriez pas peu surpris de reconnaître en moi le roi des paresseux, ennemi de toute affaire, ami du cabinet, de la chaise longue, et doux même jusqu’à la faiblesse inclusivement ! […] Il avait coutume de dire qu’au fond ce qui sépare l’homme de la vérité suprême, c’est l’intérêt que chacun met à sa passion : « Croyez-moi, mon cher ami, entre l’homme et Dieu il n’y a que l’orgueil.
Et quand sur ce fond d’un paysage si neuf et si grand se détachent les deux plus gracieuses créations de figures adolescentes, et que la passion humaine y est peinte aussi dans toute sa fleur et dans toute sa flamme, il y a de quoi mériter à jamais de vivre, et de quoi couvrir bien des erreurs, des ignorances et des infirmités qui se trahissent ailleurs chez l’homme et dans son talent. […] Dans ce premier essai de Bernardin, on saisit déjà le fond et les lignes principales de son talent : c’est moins développé, moins idéal, mais, en cela même aussi, plus réel par endroits et plus vrai en un sens que ce qu’il dira plus tard dans les Études et les Harmonies. […] Le peintre ému se reconnaît pourtant dès les premières lignes ; les descriptions ne sont pas sèches ; le paysage n’est là que pour se mettre en rapport avec les personnages vivants : « Un paysage, dit-il, est le fond du tableau de la vie humaine. » Avant de s’embarquer à Lorient, et sans avoir encore quitté le port, en s’y promenant et en nous y montrant le marché aux poissons avec tout ce qui s’y remue de fraîche marée, l’auteur nous rend une petite toile hollandaise ; en nous peignant avec vérité le retour des pêcheurs par un gros temps, il y mêle le côté sensible dont il abusera : « C’est donc parmi les gens de peine que l’on trouve encore quelques vertus. » On reconnaît le petit couplet philosophique qui commence, mais il ne le prolonge pas trop, et cela ne va pas encore jusqu’au sermon56. […] … » Et Rousseau lui répondait dans la même pensée : « Il y a un si bel ordre dans l’ordre physique, et tant de désordre dans l’ordre moral, qu’il faut de toute nécessité qu’il y ait un monde où l’âme soit satisfaite. » Et il ajoutait avec effusion : « Nous avons ce sentiment au fond du cœur : Je sens qu’il doit me revenir quelque chose. » Que les personnes religieuses, avant de frapper sur Bernardin et sur Rousseau, veuillent toujours se rappeler ces deux belles paroles de l’un et de l’autre, ce quelque chose et ce quelqu’un. […] Hennin le 7 février 1781 ces paroles qui sont comme un chant ; il y a au fond de Bernardin une âme pastorale qui, du milieu de ses douleurs, s’éveille au moindre motif et se met à chanter : J’irai, dit-il, vous voir à la première violette ; j’aurai bien près de cinq lieues à aller, j’irai gaiement, et je compte vous faire une telle description de mon séjour, que je vous ferai naître l’envie de m’y venir voir et d’y prendre une collation.
Nous pouvons par là comprendre pourquoi, comme le remarque Bain, le toucher est toujours sous-entendu dans toutes les émotions tendres, pourquoi chaque créature est disposée à « donner quelque chose » pour le plaisir premier de l’embrassement, même lorsqu’il n’est que paternel ; pourquoi enfin ce plaisir de l’embrassement se retrouve au fond de toutes les affections bienveillantes, familiales ou sociales. […] Au fond, il n’y a que des sensations de mouvement, et, dans toute sensation de mouvement, on peut voir une imitation plus ou moins élémentaire du mouvement perçu. […] Le mécanisme de la vengeance et celui de la pitié, comme l’a bien vu Spinoza, ont un fond identique ; mais le plaisir de la vengeance tend nécessairement à disparaître par l’effet de l’évolution, car il est constitué par l’excitation du groupe de tous les sentiments antisociaux, que la civilisation tend à dissoudre. […] On le voit, non seulement notre pensée en son fond est impersonnelle, mais de plus notre sensibilité, qui semble nous constituer plus intimement, finit par devenir en quelque sorte sociale. […] Tous les arts, en leur fond, ne sont autre chose que des manières multiples de condenser l’émotion individuelle pour la rendre immédiatement transmissible à autrui, pour la rendre sociable en quelque sorte.
Shakespeare, Eschyle, Dante, sont de grands fleuves d’émotion humaine penchant au fond de leur antre l’urne des larmes. […] Et, au fond de ce drame prodigieux, sur la bruyère déserte, au crépuscule, pour promettre aux meurtriers des couronnes, se dressent trois silhouettes noires, où Hésiode peut-être, à travers les siècles, reconnaît les Parques. […] À ceux qui tâtent le fond de leur poche, l’inépuisable semble en démence. […] Il y a en lui du sans fond. […] De là son trouble, au fond duquel est le calme.
Cette comparaison facile, plutôt de surface que de fond, nous frappe moins que la confrontation mystérieuse de ces deux enchaînés : Prométhée et Hamlet. […] Œuvre troublante et vertigineuse où de toute chose on voit le fond, où il n’existe pour la pensée d’autre va-et-vient que du roi tué à Yorick enterré, et où ce qu’il y a de plus réel, c’est la royauté représentée par un fantôme et la gaieté représentée par une tête de mort. […] La maternité de la fille sur le père ; sujet profond ; maternité vénérable entre toutes, si admirablement traduite par la légende de cette romaine, nourrice, au fond d’un cachot, de son père vieillard. […] Hésiode vient de mourir, Homère, s’il vit encore, a cent ans, Lycurgue, voyageur pensif, rentre à Sparte, et l’on aperçoit au fond de la sombre nuée de l’Orient le char de feu qui emporte Élie ; c’est dans ce moment-là que Léir — Lear — vit et règne sur les îles ténébreuses. […] C’est sur cet épanouissement que fond la catastrophe.
En descendant au fond des causes qui l’ont produite, Cassagnac l’a profondément flétrie. […] Au fond, elle ne fut qu’une révolte, et si elle est devenue quelque chose, et quelque chose de monstrueux, c’est qu’elle a été grandie par les fautes et les magnanimités imprudentes d’une royauté trop généreuse. […] Au lieu de le serrer et de l’éteindre, ils s’échappèrent en réformes qui allèrent au loin chercher des abus au fond desquels ne gisaient pas les périls de la situation. […] Quand je creuse cette idée, je trouve qu’au fond, et si on y regarde bien, les causes n’existent pas en dehors des hommes, et qu’en fin de compte la loi qui gouverne le monde est la même loi qui gouverne nos faibles cœurs. […] Or, il se rencontra qu’au fond Danton était un lâche de la plus vile espèce.
Il l’a perdue en effet, non d’un coup et à jamais, de même que cette belle et célèbre chanteuse qui, un soir, dans tout l’éclat de son talent, perdit soudainement sa voix, comme si on lui eût enlevé avec la main l’appareil par lequel on chante, et qui, depuis, ne la retrouva plus, même en la cherchant avec frénésie dans le fond de son pauvre gosier au désespoir ! […] … Comment lui, dont les premiers chants furent des cris étouffés si poignants, et les peintures d’une réalité qui saisissait le cœur comme la vie même, comment ce Rembrandt du clair-obscur poétique qui s’annonçait alors, est-il devenu, la vie aidant, avec les expériences, ses blessures et les ombres sinistres qu’elle finit par jeter sur toutes choses, moins pénétrant, moins mordant, moins noir et or (la pointe d’or dans un fond noir), qu’en ces jeunes années où l’on est épris des roses lumières ? […] Sainte-Beuve, bravant le dégoût, et réel, comme depuis ne l’ont pas plus été les réalistes, nous la représentait ainsi : … Quand seule, au bois, votre douleur chemine, Avez-vous vu, là-bas, dans un fond, la chaumine Sous l’arbre mort ? […] Peinture enlevée avec une vigueur un peu cynique, je ne le nie pas, brutal débridement de plaie qui montre le fond, et fait honneur au carabin. […] Aujourd’hui, dans la nouvelle édition Malassis, on a ajouté aux poésies connues du Joseph Delorme d’autres poésies qui n’avaient pas encore été publiées et qui, inspirations de dates différentes et peut-être très-éloignées les unes des autres, montrent à quel point le Joseph Delorme que le poète s’était cru arracher du sein, était toujours près de revenir et de reparaître, du fond de cette organisation qui, chez les vrais poètes, a la profondeur d’un abîme.
D’abord un fond noir. […] Voici des lignes noires sur un fond blanc. […] Je comparerais à ces âmes détachées les souvenirs qui attendent au fond de l’inconscient. […] Il ne faut pas croire que les souvenirs logés au fond de la mémoire y restent inertes et indifférents. […] Un murmure confus s’élève du fond de l’auditoire.
Tout son appareil de méthode suffit-il à masquer l’incertitude du fond ? […] Après le xviiie siècle accompli, il n’y a plus de philosophie possible si mitigée et si méthodique qu’elle soit, qui au fond et en résultat ne se trouve hostile au catholicisme.
. — Tout à coup parut dans le fond de la rue une troupe à cheval, mais d’hommes et de chevaux écorchés. […] Au fond de la barque était un groupe de femmes auprès desquelles se tenait un bel enfant blond, dont je me rappelle fort bien le costumé, la figure et surtout les cheveux bouclés. — Puis je me retrouvai à cheval de l’autre côté de l’eau, te guide marchait près de moi, et je le voyais.
Le fond commun des deux sermons est que le désordre apparent des choses humaines est réglé par la main divine, que, l’ordre se rétablissant au dernier jour, les heureux de ce monde auront à trembler, et la tristesse des misérables se tournera en éternelle joie. […] Au fond, c’est Démosthène lui-même qui est visé, et sa politique.
Dès que l’idée en est venue à son dernier degré de perfection, le mot éclôt, se présente et la revêt. » Cela est vrai, mais au fond cela ne dit pas grand’chose. […] L’expression n’est au fond que l’effort suprême de l’invention.
Quand, du haut de la montagne, je t’aperçois au fond de ce vallon, tu me parais, au milieu de nos vergers, comme un bouton de rose… Quoique je te perde de vue à travers les arbres, je n’ai pas besoin de te voir pour te retrouver : quelque chose de toi que je ne puis dire, reste pour moi dans l’air où tu passes, sur l’herbe où tu t’assieds… Dis-moi par quel charme tu as pu m’enchanter. […] De même, quand l’écho me fait entendre les airs que tu joues sur ta flûte, j’en répète les paroles au fond de ce vallon… …………………………………………………………………………………………… Je prie Dieu tous les jours pour ma mère, pour la tienne, pour toi, pour nos pauvres serviteurs ; mais quand je prononce ton nom, il me semble que ma dévotion augmente.
On aperçoit seulement vers le fond quelques sommets de têtes. […] Le fond du salon est percé de niches qui font sans doute un bel effet en peinture, mais qui en font un mauvais en gravure, parce qu’on n’y distingue pas assez les statues qui les remplissent, des personnages intéressés à la scène.
Après avoir lu le consciencieux article qu’il a bien voulu consacrer à mon Travail du style, j’ai lieu de me féliciter que mes théories ne l’aient point tout à fait courroucé, et je suis encore en doute si, au fond, il n’y est pas pleinement converti. […] Il acquiesce, tout en me « soupçonnant d’entretenir au fond de moi-même une ironie intense », et, bien qu’il tire sur ma longe, c’est moi qui l’entraîne.
Pour le fond, j’ai essayé de vous donner quelque idée de ce qui s’y trouvait. […] Eclairs sur la toile de fond. […] Au fond, ils n’aiment pas cet enfant, dont la vue leur est désagréable. […] Au fond, l’esprit de révolte est absent de ce peuple. […] Au fond, voyez-vous, c’est un type national.
Le mot étirement est heureux, séduisant ; mais à relire telle épopée, on n’arrive pas à concevoir ce procédé, ni pour le fond ni pour la forme ; considéré de plus près, il ne répond ni à la psychologie ni à l’esthétique. […] Jusque dans Cinna et Polyeucte on trouve du pur roman ; les nombreuses tragédies de la décadence, et les comédies, montrent mieux encore le fond romanesque de l’imagination de Corneille. — Mais le sublime ? […] Ces deux forces agissent de concert contre l’ancien régime et se fondent parfois, de façon très curieuse, chez le même individu ; mais au fond elles sont ennemies, et elles aboutissent l’une à Voltaire, l’autre à Rousseau. […] On a reconstitué tous les détails de sa rupture avec Voltaire ; on retrouve aujourd’hui les détails des machinations de Grimm et de Diderot ; cela est intéressant, mais au fond, qu’importe ? […] Il faudrait jouer Musset dans le décor à la fois simple et fantaisiste d’un grand salon, en se contentant de changer une toile de fond et quelques accessoires.
Les sciences de la nature transcrivent tous les phénomènes en termes de mouvement ; mais les mouvements eux-mêmes ne sont encore qu’une langue dérivée, une algèbre propre à exprimer des rapports : le fond même de la vie, l’original de l’existence échappe à toutes ces translations mécaniques et ne se saisit qu’en termes de l’ordre mental. […] La résistance, ce conflit des mouvements ou des forces, serait donc, selon l’école anglaise, le fait qui se retrouve au fond de toutes les sensations. […] Quand nous disons qu’une sensation nous paraît une et simple, cette prétendue affirmation est au fond une négation : nous voulons dire que nous ne voyons pas les éléments de cette sensation, s’ils existent, que nous ne les pensons pas à part, que nous ne les discernons pas ; il n’en résulte nullement qu’ils n’existent point et que ce qui est indécomposé dans la sensation soit absolument indécomposable. […] On a invoqué l’expérience de Meyer sur le contraste des couleurs : ce qui paraît vert sur un fond rouge paraîtra orange sur un fond bleu ; s’ensuit-il que nous saisissions seulement des différences de couleurs, non des couleurs ? […] Aussi Wundt lui-même, dans les dernières éditions de son livre, est-il arrivé à faire de la volonté le fond de l’existence mentale.
Un appartement au quatrième, au fond d’une cour : le logement d’un petit employé. […] Au fond, ce Rollinat est un curieux produit de cette maison Callias, de cet atelier de détraquage cérébral, qui a fait tant de toqués, d’excentriques, de vrais fous. […] Un hôtel étrange, un hôtel donnant l’impression d’une localité, choisie par Poë pour un assassinat, et au fond de cet hôtel, une chambre, où parmi les meubles traînaient des vers écrits sur des feuilles à en-tête de décès, et dans cette chambre une maîtresse bizarre, et un chien rendu fou, parce qu’on le battait, quand il se conduisait en chien raisonnable, et qu’on lui donnait du sucre, quand il commettait quelque méfait, — enfin le locataire fumant une pipe Gamba, à tête de mort. […] Au fond, sous ces ironies, le directeur est préoccupé de la recette, peste contre le beau temps qui lui fait perdre 20 000 francs, ce mois, et appelle la pluie et les frimas. […] Au fond le débat est au-dessus de la pièce.
Bons catholiques ou non, nous n’avons pas le goût protestant en littérature : quoi qu’il en soit, il convient, au moins à quelques-uns, de bien connaître ce monde à part, cette province littéraire non soumise qui a son fond et sa forme d’indépendance et d’originalité. […] Regardez-y bien : tous ces Génevois de la vieille souche ont finesse, modération, une certaine tempérance, l’analyse exacte, patiente, plus de savoir que d’effet, plus de fond que d’étalage ; et quand ils se produisent, ils ont du dessin plutôt que de la couleur, le trait du poinçon plus que du pinceau ; ils excellent à observer, à décrire les mécanismes organiques, physiques, psychologiques, dans un parfait détail ; ils regardent chaque pièce à la loupe et longtemps ; ils poussent la patience jusqu’à la monotonie ; ils sont ingénieux, mais sans une grande portée. […] Les jugements de M. de Muralt, qui atteignent l’Angleterre dans toute sa crudité sous Guillaume et avant qu’elle ait eu le temps de se polir sous la reine Anne, grâce aux Pope et aux Addison, demeurent d’une singulière et parfaite justesse, et vont au fond du caractère de la nation. […] M. de Muralt est tout occupé de n’en pas être dupe, et de juger du fond.
Quoique son talent soit toujours le même au fond, sa faveur est déjà sur le retour. […] Mais, sans chicaner pour un titre, et en allant au fond des choses, je demanderai au poëte laquelle des sept pièces lui a été inspirée par une idée haute et grande ? […] A la scène, cela romprait à temps cette nuance estimable d’Odilon Barrot qui tient trop de place au fond de la pièce. […] Mais, je le répète, ce n’est là que la formalité de clôture, en quelque sorte, dans un thème donné : l’essentiel et le fond, c’est cet ensemble de réflexions morales provoquées chemin faisant, c’est le sentiment judicieux, généreux, sincère, qui ressort de tout l’ouvrage, qui déclare l’honneur supérieur à toutes les opinions de parti, qui le fait voir toujours possible au sein même de ces opinions contraires, comme dans la belle scène finale entre sir Gilbert et Mortins qui mouille les yeux de larmes.
Au fond, je crois sentir en lui certaines directions d’esprit très précises, certaines tendances morales très nettes : c’est un Français, et un Beauceron, de ferme sens, amoureux de clarté, de vérité, défiant de tout ce qui est trouble, lointain, hors de prise et de portée, de l’exotisme et du symbolisme, très positif, en somme, en même temps que très artiste. […] Depuis tantôt trente ans, il défend dans le même journal sa vérité : et cette vérité, au fond, c’est la doctrine de l’art pour l’art. […] Il y a un fond de vérité dans cette doctrine : c’est la valeur de la technique, et de la technique spéciale à chaque art comme à chaque genre en tous les arts. […] Rod970, néo-chrétien, et critique, moral comme un protestant, cosmopolite comme un Genevois, fait de vigoureux romans, un peu lourds, un peu ternes, nets du moins, solides, intéressants, où il sait faire apparaître en des effets pathétiques le fond des âmes contemporaines et la nature des problèmes les plus troublants.
J’aurais grand besoin cette fois qu’un moraliste fin, discret, adroit et prudent, un Addison, me prêtât son pinceau sans mollesse et sans amertume : car c’est d’un mal moral que je voudrais traiter, et d’un mal présent ; j’ai en vue de décrire la maladie d’une partie notable de la société française (de la fleur et non pas du fond de cette société), et, en la décrivant au naturel, de faire sentir à de belles et fines intelligences qu’elles ont tort de loger et d’entretenir si soigneusement en elles un hôte malin qui, à la longue, est de nature à porter atteinte à la santé même de l’esprit. […] Dans ce moment, même, qu’ils daignent, je les en prie, ne pas prendre ou donner le change sur ma pensée : je ne viens pas ici conseiller d’épouser le pouvoir, mais simplement de ne pas le nier avec obstination, de ne pas bouder la société qui l’a ratifié, le fond et le vrai de la société de notre temps. […] Le danger, aujourd’hui, pour quantité d’esprits distingués, atteints dans leurs habitudes, dans leur symbole politique, et qui ont à se plaindre des choses, serait de se fixer dans une disposition habituelle de rancune, d’hostilité sans grandeur, de jugement ironique et satirique : il en résulterait une altération, à la longue, dans le fond même de leur esprit et de leur jugement. […] Le voilà au fond de sa terre, le seul endroit où il pourrait être heureux, et celui où il le sera le moins ; mais laissons-l’y vivre en paix.
Il s’en tenait aux analogies mondaines et de surface, et, si j’ose dire, aux ressemblances parisiennes qu’amenaient ces noms d’Aspasie ou d’Alcibiade, et il n’entamait pas les comparaisons du fond. […] Toute la nature était dans le silence, dans l’attente, dans un état d’inquiétude qui se communiquait jusqu’au fond de nos âmes. […] Et après quelque retour de pensée sur la manière dont le christianisme, lui aussi, savait placer et asseoir ses vrais monuments, ses antiques abbayes, au fond des bois ou sur la cime des montagnes : Je faisais ces réflexions à la vue des débris du temple de Sunium… Je découvrais au loin la mer de l’Archipel avec toutes ses îles ; le soleil couchant rougissait les côtes de Zéa et les quatorze belles colonnes de marbre blanc au pied desquelles je m’étais assis. […] » L’abbé Barthélemy devait avoir, au fond du cœur, moins de facilité à bien augurer de l’avenir : c’est lui qui avait écrit dans une lettre de Callimédon à Anacharsis, en parlant des préjugés et des superstitions populaires : « Mon cher Anacharsis, quand on dit qu’un siècle est éclairé, cela signifie qu’on trouve plus de lumières dans certaines villes que dans d’autres, et que, dans les premières, la principale classe des citoyens est plus instruite qu’elle ne l’était autrefois. » Quant à la multitude, sans excepter, disait-il, celle d’Athènes, il la croyait peu corrigible et peu perfectible, et il ajoutait avec découragement : « N’en doutez pas, les hommes ont deux passions favorites que la philosophie ne détruira jamais : celle de l’erreur et celle de l’esclavage. » Tout en pensant ainsi, il n’avait nulle misanthropie d’ailleurs, et n’était point porté à se noircir la nature humaine : « En général, disait-il, les hommes ont moins de méchanceté que de faiblesse et d’inconstance. » Les événements de la Révolution vinrent coup sur coup contrister son cœur, et détruire l’édifice si bien assis de sa fortune.
Notre règle n’implique donc aucune conception métaphysique, aucune spéculation sur le fond des êtres. […] Au contraire, les croyances et les pratiques sociales agissent sur nous du dehors : aussi l’ascendant exercé par les unes et par les autres est-il, au fond, très différent. […] Et, au fond, c’est là ce qu’il y a de plus essentiel dans la notion de la contrainte sociale. […] Et nous sommes assuré qu’en lui attribuant une telle prépondérance nous restons fidèle à la tradition sociologique ; car, au fond, c’est de cette conception que la sociologie tout entière est sortie.
C’est bien autre chose si de ses vers on passe à sa prose, à ses romans ; la forme y va encore plus indépendante du fond, encore plus exorbitante par rapport au sentiment ; et il résulte de cette lecture prolongée que l’affecté de l’ensemble reflète sur le sincère même et en compromet l’effet. […] On n’est pas gagné à sa forme ; on ne sait plus s’il y a lieu le moins du monde d’être touché du fond. […] C’est bien en lisant ce volume qu’on sent à nu l’inconvénient d’un système dans lequel le but et le sentiment sont si disproportionnés à l’expression, d’un art exagéré chez qui la forme surmonte, écrase si étrangement le fond, et qui, en ses jours de débauche, édifierait volontiers une église de Brou comme catafalque au moineau lascif de Lesbie.
J’avais donc relu les pièces qu’on va représenter après mon départ, et, me souvenant du sang-froid, aussi de l’ardeur communicative, avec lesquels notre respecté doyen excelle à démontrer qu’au fond et malgré des différences intéressantes Athalie et Girodot, c’est toujours la même chose, vue là sous l’angle dramatique, ici sous le comique, que c’est une lutte semblable pour la puissance figurée là par le trône d’Israël, ici par la fortune d’un rentier, j’avais entrepris de vous transmettre des assurances analogues. […] C’est au fond, ici et là, semblable curiosité, et la même lorgnette se braque sur M. […] Ils parlaient pour la gloire plus grande d’un dogme religieux, politique ou littéraire, ils parlaient pour dire quelque chose et le fond de leur pensée leur importait plus que la forme, ils parlaient pour le plus grand nombre possible d’auditeurs à instruire, à entraîner ou à convertir.
… Robert Emmet est publié depuis 1858, et cela n’a guère fait plus de bruit que si cela avait été publié dans le fond d’une cave. […] Au fond, une triste page de l’histoire d’Irlande ! […] Mais quand c’est pour les femmes surtout que les Lettres sont une république, quand rien ou presque rien ne les distingue entre elles, quand elles ont l’égalité devant la loi de leur sexe, qui est d’imiter toujours quelqu’un, lorsqu’elles écrivent ; de refléter la lumière d’un autre, d’ajouter enfin aux bavardages connus, cette boule de neige qui s’entasse si vite et se fond si lentement dans toutes les littératures ; il ne serait pas permis de signalera lumière empruntée de tous ces caméléons et de couper un peu le sifflet à quelques-uns de ces perroquets !
L’auteur du Sixte-Quint et Henri IV, qui fait de la critique ici plus qu’il n’écrit l’histoire, ou, pour parler avec plus de précision, qui fait de l’histoire contre de l’histoire et répond personnellement à Poirson et à Michel ; l’auteur du Sixte-Quint, ancien rédacteur de l’Univers, n’a dans son livre ni flammes, ni dureté, ni morsure, ni amertume ulcérée… Il est doux comme un condamné à mort ; car il en est un au fond de sa pensée. […] qu’il n’y en ait pas mis une autre… Henri IV a donc commis là bien évidemment une des plus grandes fautes que souverain pût commettre, même la question religieuse écartée, que l’Histoire cependant n’écartera pas, car, je le dis, en regardant bien en face les révolutions futures, ou du moins le chemin par lequel elles peuvent venir, les gouvernements doivent toujours venir à bout, quand ils le voudront, eux qui sont la force organisée, de la force qui ne l’est pas… Segretain a par des exemples nombreux et frappants fait toucher du doigt dans son histoire la bévue des gouvernements du xvie siècle qui précédèrent celui de Henri IV, lequel paracheva et fixa les conséquences de cette énorme faute, en la commettant à son tour ; et on se demande vraiment pourquoi, en lisant Segretain, qui nous met en lumière une chose qu’avant lui on n’avait pas assez vue, ce qui prouve son extrême bonne foi et son désir de justice : c’est qu’à toutes les époques de sa vie Henri IV, quelles qu’aient été ses apostasies, avait toujours été au fond de sa pensée plus catholique que protestant ! […] Au milieu des raisonnements politiques, appuyés de faits, qui sont le fond de cet ouvrage, évidemment écrit pour des lettrés qui savent ou doivent savoir l’histoire, et où il n’y a jamais le terre-à-terre d’une narration, se dressent, peintes, deux à trois figures, auxquelles l’auteur attache l’éclair qu’il a mis à la figure de Henri IV, ce sensé, qui n’eut jamais, en faisant le huguenot, une seule des passions huguenotes, qui voyait clair en se cachant, et honora toujours l’Église, même quand il l’insultait !
Cela n’est pas, comme vous voyez, très saisissant ni très original, mais, en revanche, c’est un peu grossier, non pas dans les mots, mais dans le fond des choses ; car la science, encore plus que le latin, brave l’honnêteté et s’en croit le droit. […] Matérialiste autant qu’il puisse l’être de doctrine et d’inspiration première, Weill, qui n’est pas un philosophe à une philosophie, mais un philosophe à plusieurs, n’est pas seulement matérialiste par le fond réel de son livre ; il prétend être encore spiritualiste par l’intention et par le détail. […] Et d’ailleurs, sentimental, attendri, cordial, aimant la famille, un naïf au fond, une bonne pâte d’homme, que la Fantaisie, cette boulangère ravissante, qui a des écus intellectuels et des trésors de sensation, roulera jusqu’au dernier moment dans sa fleur de farine, sous ses roses mains potelées, l’auteur de Si j’avais une fille à marier !
Plus vrai qu’Edgar Poe, le chasseur américain au succès21, dont le but caché est de terrasser l’imagination de son temps à l’aide de combinaisons enragées et d’excentricités réfléchies, Hoffmann n’a pas cette puissance terrible qu’avait Edgar Poe, et que du fond de ses ivresses il pensait encore à exercer ; Hoffmann, lui, perdait de vue son public comme on perd de vue les convives lorsque l’on glisse sous la table. […] c’est justement le vague qui fait le fond de la pensée du conteur allemand, soit qu’il raconte des faits merveilleux et extra-terrestres, soit qu’il se perde dans des appréciations d’art plus fantastiques que ces Contes eux-mêmes, c’est ce vague que Champfleury nous donne comme une puissance : « Hoffmann est — dit-il — de tous les artistes celui qui a le plus naïvement greffé — (pourquoi naïvement ?) […] Pour nous, nous les avons relues dernièrement, ces œuvres, et nous assurons, au rebours de l’éditeur de ces tronçons et de ces miettes, qu’elle ne dureront dans l’imagination des hommes qu’à la condition qu’on respectera au fond de soi les lointaines impressions qu’elle nous ont laissées, et qu’on ne reviendra pas sur leurs débris.
Au lieu d’une histoire qui se tienne, comme une fresque, dans une unité brillante ou profonde, nous aurons une histoire, morcelée en panneaux étroits, avec un semis de petits médaillons, grands comme le fond de la main, et uniformément petits, quoique déjà il y ait, parmi tous ces moines oubliés de l’histoire, parmi toute cette masse immense de violettes de sainteté humble qui trouvent, elles ! […] Mais, le fond orthodoxe du livre mis de côté, il reste aux yeux de la Critique littéraire… tout le livre, et le livre ne satisfait ni le critique ni même le chrétien, qui sait ce que peut être la prédication d’un livre bien fait. […] Prenez-les tous, si vous voulez, et cherchez s’ils n’avaient pas tous cette force dans la vulgarité qui est leur fond même !
Il n’est point pédant comme les philosophes qu’il combat, et dont quelquefois il se moque avec une bonhomie meurtrière… Du fond de sa province, où il est peut-être resté toute sa vie, — comme Rocaché, le grand médecin des Landes, cet immense praticien, plus haut que la fortune et que la gloire, inconnu à Paris, mais regardé comme un dieu de Bordeaux à Barcelone, où il régna cinquante ans sur la santé et sur la maladie, — le Dr Athanase Renard, dont j’ignore la valeur comme médecin, apparaît dans son livre comme un robuste penseur solitaire, et ce qui étonne davantage, comme un homme de la compétence la plus éclairée sur toutes les questions d’enseignement, de méthodes et de classifications de ce temps, et comme s’il avait vécu dans le milieu philosophique où ces questions s’agitent le plus… Par ce côté, il ressemble encore à Saint-Bonnet, le grand esprit métaphysique dont le rayonnement finira un jour par tout percer, et qui aussi vivait au loin de ce que les flatteurs ou les fats de Paris appellent insolemment la Ville-lumière. […] Elles ont été vaincues, ces misérables philosophies, par le Matérialisme, qui a voulu faire aussi des systèmes et qui n’en avait pas besoin, tant il a pénétré dans le fin fond corrompu de la pensée et de la vie modernes ! […] » Il faut bien le reconnaître, malgré la tradition badaude des Écoles, malgré les phrases des pédants, dupes de celles qu’ils écrivent, malgré la popularité facile des idées abjectes, qui réussissent toujours, au fond, ce sont de pauvres hommes intellectuels dans l’ordre philosophique que Bacon, — grand de loin, petit quand on s’approche, — Locke, Condillac, Destutt de Tracy, Laromiguière, Cabanis lui-même et Broussais, — tombé de son propre matérialisme à lui dans le matérialisme fantoche de Gall et de ses bosses !
Là, il vécut préoccupé des soins de son canonicat et d’études dont le fond n’a jamais peut-être été touché que par lui seul. […] Là, enfin il s’enveloppa dans sa fonction de simple chanoine, vivant entre sa maison studieuse et sa cathédrale, embrassant tous les soirs sa sœur et la quittant pour s’en aller à matines ; et cette vie régulière et cachée, racontée pour la première fois par Floquet, cette vie devenue de l’inconnu par l’éloignement et par le temps, cette pénombre au fond de la gloire, cette brune draperie tirée contre le jour, qui tombe toujours plus fort par la fenêtre de cette cellule, tout cela nous prend au cœur et nous fait entrevoir un Bossuet inattendu et touchant. […] Destiné à un bonheur immuable, aux pompes triomphantes et joyeuses de Versailles et de Saint-Germain, Bossuet, cet homme à la vertu robuste, qui ne devait connaître ni nos passions ni nos douleurs, ce cœur vierge qui n’avait soif et convoitise que du salut des âmes, ce front pur à force de hauteur, cet œil d’aigle qui ne voyait que Dieu dans les choses humaines, s’accomplissait alors jusque dans le fond le plus intime de son génie.
Renoncement réfléchi, volonté de n’être que sévère dans un sujet où le cœur se fond d’admiration et d’attendrissement. […] d’un Pontmartin ecclésiastique, plus fort que Pontmartin, sinon dans la forme, au moins dans le fond, parce que, à force égale de talent ou d’esprit, l’homme qui a mis son front dans un livre de théologie vaudra toujours mieux qu’un littérateur, fût-ce un littérateur tout à fait, et non pas, comme Pontmartin, un littérateur de salon. […] Langue sans nom d’humilité volontaire, que Vincent, ce grand artiste en abaissements, s’était faite, et dont il nous a donné toute la rhétorique dans un seul précepte ravissant : « Entre deux expressions, — disait-il, — retenez toujours la plus brillante pour en faire un sacrifice à Dieu dans le fond de votre cœur, et n’employez que celle-là qui, moins belle, ne plaît pas tant, mais édifie. » L’humilité est, je crois, en effet, le caractère de sainteté de Vincent de Paul encore plus que l’amour ; personne, même parmi les saints, n’a eu cette soif de bassesse ; personne n’a dit comme cet homme : « Donnez-moi encore ce verre de mépris !
de plus vain, de plus inutile, de plus sans raison d’être, — voilà pour le fond ! […] Sépulcre (au fond) de scepticisme, blanchi et recrépi de protestantisme à la surface, c’est le Guizot de toute sa vie que nous retrouvons dans ce livre, mais avec des changements profonds et des modifications singulières. […] De grisâtre qu’il était autrefois quand il éclatait le plus, le style de Guizot a passé au blanchâtre, et la dure austérité de la forme qui semblait impliquer l’austérité du fond, et qui était la prétention de Guizot, s’est fondue dans je ne sais quel ramollissement sentimental.
Ils sont comme les saints les plus aimés de Dieu, que l’on trouve, au fond de leurs tombes, avec des grâces de sommeil incomparables, tout vermeils et déjà parfumés du ciel. […] Mais ce n’est pas le fond de cette profonde coupe de rêveries, dans laquelle, si on la vidait, on regarderait peut-être encore, comme ce vieux enivré de roi de Thulé regardait au fond de la sienne, en l’emplissant de ses longues larmes avant de la jeter dans la mer !
… Fatalement, l’atmosphère du temps saturée de poésie byronienne dut pénétrer jusqu’au fond de cette jeune poitrine. […] Le caractère du génie de Musset, c’est, au contraire, la tendresse, — la tendresse jusqu’au fond de la passion la plus ardente et plus forte qu’elle ; car elle la fond toujours, cette passion, dans une dernière larme52… Et il l’avait tellement, cette tendresse, qu’il en oublia le plus souvent, dans les bras de celles qui l’aimèrent (et même pour cela il n’était pas toujours besoin de leurs bras !)
… Dans un des plus longs poèmes du recueil de Laurent Pichat, intitulé : Saint-Marc (le Saint-Marc de Venise), où se trouve, plus que partout ailleurs, cette idée qui, au fond, est la seule du livre : c’est que le monde entier, l’Antiquité, le Christianisme, le Moyen Age, toutes les religions, toute l’Histoire enfin, jusqu’à ce moment, ne sont plus qu’une pincée de poussière, un songe évanoui, évaporé, perdu, et qu’il n’en subsiste ni un sentiment, ni une croyance, ni une vérité, tandis que le xixe siècle seul est la vie ! […] Laurent Pichat vient, parmi eux, de gagner sa place,· — mais, il faut en convenir, Baudelaire, la mâle Ackermann, et, plus près de nous, Jean Richepin, l’auteur de La Chanson des Gueux, — qui couvait son volume des Blasphèmes, — Richepin le toréador, qui prétend traiter Dieu comme le vil taureau auquel on passe une épée à travers le ventre, Richepin qui rirait bien de Pichat avec sa religion du progrès, qui n’est que du Christianisme déplacé, sont des blasphémateurs d’un autre poing montré au ciel et d’un autre calibre de passion impie que Pichat, l’égorgeur de songes, comme il s’appelle, et le pleureur sur les légendes religieuses auxquelles il a cru, et que, du fond de sa stérile et vide raison, il a l’air de regretter encore. […] Respectons le morne secret ; Toute illusion fond en prose.
Depuis que le tzar Pierre s’était imaginé que la perruque à la Louis XIV était une pièce essentielle de la civilisation européenne, la cour avait adopté l’étiquette et les modes françaises ; elle rougissait des mœurs du peuple, desquelles les siennes au fond se rapprochaient beaucoup. […] Grâce à lui donc, en toute hâte et pour quelques heures seulement, une première couche de civilisation fut donnée, à droite et à gauche du chemin, sur la barbarie des Moscovites, des Cosaques, des Tartares ; et chaque voyageur, du fond de sa voiture, se prêta à l’illusion d’aussi bonne volonté qu’on s’y prête à l’Opéra.
Une sociologie mythique ou mystique est ainsi le fond de toutes les religions. […] Loin d’être, comme le croit l’école de Spencer, un simple « jeu de nos facultés « représentative », l’art est la prise au sérieux de nos facultés sympathiques et actives, et il ne se sert de la « représentation », encore une fois, que pour assurer l’exercice plus facile et plus intense de ces facultés qui sont le fond même de la vie individuelle et sociale.
Bathild Bouniol7 C’est sous ce ciel-là, retrouvé enfin par la muse de l’auteur des Chants du Passé, que se tient la muse de notre autre poète, Bathild Bouniol, mais elle a les pieds sur la terre, et son œil, plus attentif qu’inspiré, est fixé sur les hommes, qu’elle regarde jusqu’au fond du cœur. […] Ce lyrisme faux ou vrai, mais qui est l’accent, le fond de la voix de la littérature du xixe siècle, ne résonne jamais dans son expression pour en doubler l’éclat ou la portée.
Qui n’a pas, au lointain de son âme, un porche d’église illuminée au fond d’un village sur lequel tombe la neige ? […] L…, aumônier de division coloniale, raconte comment il officia au fond d’une étable, à côté de deux vaches somnolentes : « Les assistants devaient se battre au sortir de la messe, dans des conditions telles que la plupart y resteraient.
Japonais flambant le fond d’un bateau qu’il vient de construire. […] C’est, pour ainsi dire, un instantané dont le cliché a été gardé au fond d’une mémoire. […] Amida-ga-taki (cascade de Bouddha) au fond de la montagne de Kiso. […] Au fond la réalité c’est le néant, et le néant c’est la réalité. […] La tête et le fond, comme éclairés par une lumière lunaire, où il tomberait de la neige.
Il bondit, il roula jusqu’au fond de l’abîme, Et de ses pins, dans l’onde, il vint briser la cime. […] « — Turpin, n’as-tu rien vu dans le fond du torrent ? […] que le son du cor est triste au fond des bois ! […] On remonte à la cause, on trouve au fond l’orgueil d’un grand homme dans l’âme d’un misérable. […] Il fond en larmes sur la tabatière où est le portrait.
Au fond, je me demande, si ça me fait un très véritable plaisir, et je n’en sais vraiment rien. […] Diable, voilà un banquet qui joue de malheur, et je trouve au fond la remise faite sur des exigences, vraiment exagérées. […] Et il est dans le bonheur d’épouser une femme, qui ne le forcera pas à mettre, tous les soirs, son habit noir, pour aller dans le monde, et lui permettra de travailler : ce qui est au fond, ce qu’il aime le mieux dans l’existence. […] D’épais sourcils, de ces arcades sourcilières profondes, comme il y en a dans les bustes antiques, avec au fond, des yeux d’un gris d’aigle : les beaux traits d’un prélat romain. […] » ajoutant, que c’est au fond la fin d’un pays.
c’est au fond la même chose. […] J’ai foi en ce qui gît au fond de vous, Krogstad. […] Leur parole vient de loin, du fond du steppe d’abord, puis du fond de leur pensée naïve et de leur cœur. […] C’est là ce que pensent, au fond de leur âme, M. […] Donc Charmeretz se retire, flatté au fond.
Leur lutte constante est le fond même de l’histoire. […] Mais la raison humaine, c’est le fond même de la philosophie. […] Ce n’est rien moins que le fond même du christianisme. […] Quel est le fond de tout cela ? […] Je les connais, mais une tendresse invincible est pour cet homme au fond de mon cœur.