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924. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Alfred de Vigny. »

A cela je dirai pour réponse : Comment se fait-il que la première représentation d’une œuvre dramatique trompe si souvent la prévision et l’attente de ceux qui ont assisté à une répétition générale ? […] Et dans ce qui suit, ou je me trompe fort, on peut trouver une leçon d’art et de goût oratoire, un petit supplément anecdotique à ajouter à toutes les rhétoriques connues. […] Le poète a été trompé par la femme ; il a été trahi et vendu ou du moins raillé, et il le dira ; il le dira à sa manière, sous un masque grandiose, hébraïque, impersonnel : c’est l’antique Samson qui parlera pour lui.

925. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Deuxième partie. — L’école critique » pp. 187-250

Je ne suis pas sûr que le langage humain ne se trompe pas, et que toutes les œuvres qui portent le nom de comédies, soient vraiment des comédies. […] Lysidas lui démontre clairement qu’elle se trompe. […] Par une subtilité pleine de candeur, qui était bien dans la nature de son génie, Corneille avait besoin de trouver dans les anciens des exemples et des règles pour faire autrement que les anciens, et il voulait leur rester soumis en leur désobéissant ; voici comment il justifie l’une de ses pièces d’être sans modèle dans l’antiquité : « L’amour de la nouveauté était l’humeur des Grecs dès le temps d’Eschyle, et, si je ne me trompe, c’était aussi celle des Romains, Nec minimum meruere decus, vestigia græca Ausi deserere.

926. (1858) Cours familier de littérature. V « XXXe entretien. La musique de Mozart (2e partie) » pp. 361-440

C’est ce désespoir de l’amour trompé, ce sont ces indignations et ces malédictions des victimes du sort, ce sont ces joies courtes, malignes et ironiques du vice triomphant que Mozart éprouvait le besoin d’exprimer dans un drame. […] Don Juan en sort précipitamment, l’épée à la main, tenant par les cheveux Leporello, qu’il feint de vouloir immoler pour détourner sur lui les soupçons des assistants ; mais sa ruse infernale ne trompe personne. […] Nous concevons que la foule s’y trompe et que la musique ne dise rien à ses oreilles sourdes, à moins qu’un orchestre immense ne lui fasse du bruit, que des paroles ne lui interprètent des notes, et qu’une tragédie ne lui traduise ces paroles et ces notes par ses gestes, par son accent et par sa physionomie.

927. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXVIIe entretien. La littérature des sens. La peinture. Léopold Robert (2e partie) » pp. 5-80

Telle inspiration, tel effet ; voilà le secret de l’impression qu’on produit dans tous les arts, soit avec la parole écrite, soit avec les notes, soit avec le pinceau ; car l’art, au fond, ne vous y trompez pas, ce n’est que la nature. […] L’âme et les sens ne se trompent pas, tandis que la critique se trompe et que l’envie blasphème au lieu de juger.

928. (1863) Cours familier de littérature. XV « LXXXVIIIe entretien. De la littérature de l’âme. Journal intime d’une jeune personne. Mlle de Guérin » pp. 225-319

« Ta lettre donc m’a donné une lueur de joie, je me trompe, un véritable bonheur, par les bonnes choses dont elle est remplie. […] Elle avait pour son père un amour filial plein de confiance, de pitié pour son isolement, de reconnaissance pour tous les sacrifices qu’il s’imposait en faveur de ses enfants ; pour sa sœur Mimi une affection vraiment maternelle qui aimait à se tromper soi-même, en lui persuadant que cette jeune sœur était sa fille. […] XXXVI Elle se trompait ; nous avons lu avec attention et intérêt les deux volumes d’essais et de correspondance de ce frère mort jeune, et dont ses amis ont imprimé les œuvres, sans doute par respect pour sa sœur.

929. (1863) Cours familier de littérature. XVI « XCVIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (1re partie) » pp. 413-491

J’ai pu me tromper dans ma façon de sentir, ou écrire avec trop de passion. […] Et certes je ne me trompai pas, puisque, après dix années entières, à l’heure où j’écris ces enfantillages, désormais, hélas ! […] Ses premières années de mariage à Rome ne trompèrent pas entièrement ses espérances.

930. (1890) L’avenir de la science « XVII » p. 357

Ceux qui croient que la rénovation qui avait été nécessitée par tout le travail intellectuel du XVIIIe siècle eût pu se faire pacifiquement se trompent. […] Mais je crois que le mal ne vient pas de ce que les gouvernements violentent et trompent, mais de ce qu’ils n’élèvent pas. […] Ils se trompent.

931. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « IX »

La première fut écrite en 1848 et publiée pour la première fois en 1871 (si je ne me trompe) ; la seconde fut écrite en 1852, et elle est la rédaction définitive de l’Anneau du Nibelung, tel que nous le connaissons aujourd’hui. […] Et si nous nous rappelons que le premier projet d’un drame fondé sur les fables de l’Edda, cette « Esquisse d’un drame », date de 1848, et qu’il est le résultat de longues études, nous ne nous tromperons certainement pas de beaucoup en assignant au temps écoulé entre la première idée de ce drame et sa terminaison complète, une période de trente ans, de 1844 à 1874, c’est-à-dire, de la trente-et-unième à la soixante-et-unième année de la vie du maître. […] On se tromperait si on croyait trouver à Bayreuth la manifestation parfaite de l’art qu’a rêvé le maître ; ce qu’on y trouve c’est l’indication très nette et merveilleusement éloquente de son intention.

932. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre onzième. La littérature des décadents et des déséquilibrés ; son caractère généralement insociable. Rôle moral et social de l’art. »

Sa folie, au lieu de se chercher des motifs de souffrance dont elle est à peine dupe elle-même, eût réussi à se tromper et à nous tromper en s’appuyant sur tout un système du monde et de la vie. […] Thompson et Maudsleyse sont absolument trompés en refusant le sens esthétique aux criminels.

933. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Un bourreau se trompe et tue, au lieu d’un condamné, un innocent ; Caligula sourit, et dit : Le condamné ne l’avait pas plus mérité. […] J’ai cru que c’était une ripaille, c’est une agonie ; on peut se tromper de hoquet. […] Le génie grec ne s’y trompe pas et les abhorre.

934. (1894) Textes critiques

. — En attendant l’étonnement de la trompe finale, ce mois : Sainte-Cécile et son violon : sur le ciel bleu d’arrosoir d’or et l’arche-cadre des croix ornementales, le bras : de la Sainte où le sexe hésite, peut-être main de l’ange mêlée à la sienne, union ou communion. […] Il y a deux choses qu’il siérait. — si l’on voulait descendre jusqu’au public — de lui donner, et qu’on lui donne : des personnages qui pensent comme lui (un ambassadeur siamois ou chinois, entendant l’Avare, gagea que l’avare serait trompé et la cassette prise) et dont il comprenne tout avec cette impression : « Suis-je spirituel de rire de ces mots spirituels », qui ne manque aux auditeurs de M.  […] Zeuxis a trompé des bêtes brutes, dit-on, et Titien un aubergiste.

935. (1902) Le critique mort jeune

Remy de Gourmont sut tromper cette fatigue d’une excellente manière, en exécutant un solide travail. […] Cependant personne ne s’y trompe, et il était malaisé de s’exprimer différemment. […] Il ne s’est pas trompé. […] Taine s’y est laissé tromper. […] Légiférer est pourtant une ambition qui habite, à ne s’y pas tromper, les auteurs des « Deux Vies ».

936. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Il ne manque jamais à l’appel des cymbales sacrées qui l’invitent à la prière ni au signal des trompes qui annoncent l’heure du sacrifice. […] Si je ne me trompe, M.  […] Tout trompait, tout mentait, tout faisait souffrir et pleurer. […] Ils réussissent à tromper la mort et ils la forcent à sourire, sans pour cela rendre la vie beaucoup plus dure qu’elle n’est ordinairement. […] Qu’importe, s’il nous arrive de nous tromper ?

937. (1883) Le roman naturaliste

Zola qui se trompe, ou sa sincérité, si c’est le lecteur que l’on trompe. […] J’avais raison et cependant je me trompais. […] Zola se trompe encore quand il croit qu’on lui ferait un reproche de vouloir nous intéresser aux amours de Coupeau, le zingueur, et de Gervaise, la blanchisseuse. […] et, comme dit l’autre, « qui trompe-t-on ici ?  […] Ils se tromperont, du plus au moins, selon les espèces, mais jamais autant que dans le cas de George Eliot !

938. (1902) La politique comparée de Montesquieu, Rousseau et Voltaire

Vous ignorez une chose, c’est que le souverain ne peut pas se tromper. […] Louis XIV ne s’y trompe nullement. […] Louis XIV ne s’y trompe pas. […] «  Le peuple anglais pense être libre, il se trompe fort ; il ne l’est que durant l’élection des membres du Parlement ; sitôt qu’ils sont élus, il est esclave, il n’est rien. […] Ne vous trompez point sur deux titres du Traité de la Tolérance : Extrême tolérance des Juifs (chap.

939. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance. »

J’ai vu de près, j’ai suivi dans toutes ses crises une passion presque semblable, non moins emportée, non moins malheureuse ; l’amante, de la même manière, s’obstinait à se tromper après avoir été mille fois détrompée ; elle parlait sans cesse de mourir et ne mourait point ; elle menaçait chaque jour de se tuer, et elle vit encore. » Il est hors de doute qu’il pensait à Mme de Staël en ce moment9. […] Il est très-possible qu’autrefois il ait été plus réellement amoureux qu’il ne se peint dans son livre, mais, quand je l’ai connu, il était tel qu’Adolphe ; et, avec tout aussi peu d’amour, non moins orageux, non moins amer, non moins occupé de flatter ensuite et de tromper de nouveau par un sentiment de bonté celle qu’il avait déchirée.

940. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Vaugelas. Discours de M. Maurel, Premier avocat général, à l’audience solennelle de la Cour impériale de Chambéry. (Suite et fin.) »

Ainsi, le mot Recouvrer était alors assez difficile à entendre ; beaucoup de gens se trompaient volontiers, et disaient dans ce sens-là Recouvrir, qui leur était plus familier. […] Certes nous devons, dans cette rapidité de plume qui est la condition moderne, nous tromper quelquefois et laisser échapper des fautes ; mais qu’est-ce que M. 

941. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Diderot »

Diderot la connut comme voisine, la désira éperdument, se fit agréer d’elle, et l’épousa malgré les remontrances économiques de la mère ; seulement il contracta ce mariage en secret, pour éviter l’opposition de sa propre famille, que trompaient sur son compte de faux rapports. […] Un doute s’élève alors dans son esprit : s’il s’était trompé en ne croyant pas !

942. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre II. De la rectification » pp. 33-65

. — Ici encore, la nature nous trompe pour nous instruire. […] En deux mots, elle crée des illusions et des rectifications d’illusion, des hallucinations et des répressions d’hallucination. — D’une part, avec des sensations et des images agglutinées en blocs suivant des lois que l’on verra plus tard, elle construit en nous des fantômes que nous prenons pour des objets extérieurs, le plus souvent sans nous tromper, car il y a en effet des objets extérieurs qui leur correspondent, parfois en nous trompant, car parfois les objets extérieurs correspondants font défaut : de cette façon, elle produit les perceptions extérieures, qui sont des hallucinations vraies, et les hallucinations proprement dites, qui sont des perceptions extérieures fausses. — D’autre part, en accolant à une hallucination une hallucination contradictoire plus forte, elle altère l’apparence de la première par une négation ou rectification plus ou moins radicale : par cette adjonction, elle construit des hallucinations réprimées qui, selon l’espèce et le degré de leur avortement, constituent tantôt des souvenirs, tantôt des prévisions, tantôt des conceptions et imaginations proprement dites, lesquelles, sitôt que la répression cesse, se transforment, par un développement spontané, en hallucinations complètes. — Faire des hallucinations complètes et des hallucinations réprimées, mais de telle façon que, pendant la veille et à l’état normal, ces fantômes correspondent ordinairement à des choses et à des événements réels, et constituent ainsi des connaissances, tel est le problème.

943. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Qu’est-ce que la liberté, selon ces hommes qui ne définissent jamais, afin de pouvoir tromper toujours l’esprit des peuples ? […] Rousseau et de ses émules n’existe pas ; c’est le nom d’une chose qui ne peut pas être, une fiction à l’aide de laquelle on trompe l’ignorance des peuples et on justifie la révolte de l’individu contre l’ensemble social.

944. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Quoi qu’il en soit, M. de Chateaubriand, après que Napoléon fut bien tombé, publia une brochure qu’il portait, dit-il, depuis quelques semaines sur son cœur sous son habit, et qui ne voulait pas se tromper d’heure. […] Charles X avait un décorum à garder devant ce visiteur équivoque, mais il ne s’y trompait pas, et il nourrit jusqu’à sa mort une animadversion très fondée contre M. de Chateaubriand.

945. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Et, de même, on n’est pas loin d’ignorer son pays ou de s’y tromper grossièrement, quand on a des idées vagues ou inexactes sur l’esprit qu’il a manifesté dans les lettres. […] Or de quel intérêt n’est-il pas de ne se point tromper sur l’esprit de son pays, et, par exemple, pour caresser un de ses défauts passagers, de ne pas risquer de soulever quelque jour contre soi ses qualités qu’on aura un moment surprises ?

946. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur de Latouche. » pp. 474-502

M. de Latouche ne s’est jamais plus trompé que lorsqu’il a cru que le public assemblé supporterait durant cinq actes une donnée érotique, servant de véhicule à une intention politique hostile. […] Il n’a fait en cela, au reste, que trahir une fois de plus ce grain de taquinerie et de caprice qui se mêlait en lui à tant de belles et bonnes qualités. — Quand je dis qu’on ne sait pourquoi Béranger avait une légère dent contre André Chénier, je me trompe ; c’est sans doute à cause de ces abeilles de l’Hymette : J’ai sur l’Hymette éveillé les abeilles.

947. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre troisième. La reconnaissance des souvenirs. Son rapport à l’appétit et au mouvement. »

Quand je parcours un champ de neige, l’image affaiblie de ce que je viens de voir, l’image mnémonique persiste à côté de chaque sensation actuelle ; de plus, entre l’image mnémonique et la sensation, il y a une réciprocité d’adaptation telle que mon attente n’est jamais trompée. […] « Notre mémoire psychologique ignore le nombre des marches, notre mémoire organique le connaît à sa manière, ainsi que la division en étages, la distribution des paliers et d’autres détails : elle ne s’y trompe pas. » Pour la mémoire organique, ces séries bien définies sont « les analogues d’une phrase, d’un couplet de vers, d’un air musical pour la mémoire psychologique ».

948. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1877 » pp. 308-348

Burty est l’ambassadeur, et le commissionnaire chargé d’appuyer tout ce que contiennent les babillets… Enfin l’homme illustre a bien voulu se promettre, et aujourd’hui le ménage Charpentier l’attend sous les armes, la maîtresse de maison, moite d’une petite sueur d’émotion, dans l’angoisse que le dieu se soit trompé d’invitation, et aussi dans la terreur que le dîner soit trop cuit. […] Là-dessus Cherbuliez m’apprend qu’on se trompe, qu’il y a chez les Teutons, un quart d’heure pour les concessions : c’est le quart d’heure qui s’écoule entre le dessert du dîner et la dixième bouffée d’un cigare.

949. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre septième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie. »

… Dans la pauvre âme humaine, La meilleure pensée est toujours incertaine, Mais une larme coule et ne se trompe pas. […] — C’est que tout en est vrai, — c’est qu’on trompe et qu’on aime ; C’est qu’on pleure en riant ; — c’est qu’on est innocent Et coupable à la fois ; — c’est qu’on se croit parjure Lorsqu’on n’est qu’abusé ; c’est qu’on verse le sang Avec des mains sans tache, et que notre nature A de mal et de bien pétri sa créature.

950. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Sainte-Beuve » pp. 43-79

Mais il n’était rien de plus, et quoique cela fût, cela n’était pas le critique, car le critique conclut d’après une idée supérieure à ce qu’il vient de décrire, d’analyser, de disséquer… Et puis, je l’ai dit déjà, le critique est le Stator suprême… S’il revient sur son jugement, ce n’est plus un juge : c’est un pauvre homme qui s’est trompé. […] Nous, nous pouvons dire de simple intuition et par le fait de notre connaissance présumée du genre d’esprit de Sainte-Beuve, de cet esprit si travaillé, si tortillé, à trompe déliée d’insecte, mais d’insecte empâté souvent dans des viscosités sucrées, qu’un tel esprit n’était pas troussé lui-même pour trousser une lettre.

951. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XIX. M. Cousin » pp. 427-462

qu’elle a aimés, mais il est aussi vrai de dire que ceux qui l’ont aimée l’ont précipitée, à leur suite, dans des entreprises insensées. » Ainsi, ne nous y trompons pas ! […] Tête de linotte qui se trompa sur tout, sur les événements et les hommes, elle se mettait cyniquement à l’enjeu, et, malgré cette beauté qui a donné de si étrange sorte dans la vue de M. 

952. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

Mais le plus à fond n’arrive pas, et il n’y a jamais, du reste, avec Feuillet, de coup à porter… Cependant, ne vous y trompez pas ! […] Il se croit probablement bien moins fort comme romancier que comme auteur dramatique, et peut-être ne se trompe-t-il pas… Il tient mieux dans cette case du théâtre, sur cette feuille de parquet où l’on ne se meut qu’en se ramassant, il y tient mieux que dans ce large espace du roman où il faut être le poète, le peintre et le philosophe à la fois.

953. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

En un mot, elles n’y vont pas tout droit, et c’est parce qu’elles se sont heurtées à quelque obstacle de la vie qu’elles tournent vers Dieu des regards d’amoureuses éconduites ou trompées. […] Elle ne se trompe pas, bien qu’elle n’hésite jamais, et si vous me demandez quelle est cette puissance qui agit si librement et si vite, je vous dirai que c’est simplement la vérité que l’écrivain veut souligner, la situation qu’il veut exposer.

954. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « BRIZEUX et AUGUSTE BARBIER, Marie. — Iambes. » pp. 222-234

Et l’autre sœur, qui, plus brave et aventurière, émancipée de bonne heure, s’est ruée dans les hasards du monde, dans le tourbillon et la fange des capitales, qui n’a eu peur ni des goujats des camps, ni des théâtres obscènes, ni des rues dépavées, et qui, le front débarrassé de vergogne et la grosse parole à la bouche, s’est faite honnête homme cynique, n’espérant plus redevenir une vierge accomplie, ne la prenez pas trop au mot non plus, je vous conseille ; ne croyez pas trop qu’elle se plaise à cette corruption dont elle nous fait honte, à cette nausée éructante qu’elle nous jette à la face pour provoquer la pareille en nous, à cette lie de vin bleu dont elle barbouille exprès son vers pour qu’il nous tienne lieu de l’ilote ivre et qu’il nous épouvante ; osez regarder derrière l’hyperbole étalée et échevelée par laquelle, égalant la luxure latine, elle divulgue sans relâche et le plus effrontément la plaie secrète de ce siècle menteur, tout plein en effet de prostitutions et d’adultères ; osez percer au delà de cette monstrueuse orgie qu’elle déchaîne en mille postures devant nous, — et vous sentirez dans l’âme de cette muse une intention scrupuleuse, un effort austère, un excès de dégoût né d’une pudeur trompée, une délicatesse dédaigneuse qui, violée une fois, s’est tournée en satirique invective, une nature de finesse et d’élégance, que l’idéal ravirait aisément et qui ne ferait volontiers qu’un pas de la Curée au monde des anges.

955. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

En ne songeant qu’à pousser au hasard les heures et à tromper éperdument les ennuis, il amassait le butin pour les années apaisées, pour la saison tardive du sage.

956. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

Ils se trompaient ; mais leur erreur, honorable dans son principe, ne resta pas stérile dans ses résultats.

957. (1874) Premiers lundis. Tome II « Alexis de Tocqueville. De la démocratie en Amérique. »

Les suffrages des Chateaubriand, des Royer-Collard, des Lamartine, ont été exprimés assez hautement pour qu’on puisse les consigner, sans crainte de se laisser tromper à des apparences complaisantes.

958. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

peu de chose : Des couples de pioupious qui s’en vont par les champs, Côte à côte épluchant l’écorce des baguettes ; l’éléphant du Jardin des Plantes tendant sa trompe pour « engloutir les nombreux pains de seigle » ; une classe d’école où l’on voit tous les yeux épier Un hanneton captif marchant sur du papier.

959. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXII » pp. 222-236

ne laissait passer, sans un éclatant tribut de son zèle et de son talent, aucune occasion de divertir et de flatter le roi, et qui enfin avait cela de particulier, qu’amant malheureux, mari trompé, il était poète sans pitié pour les victimes d’un désordre qui faisait son tourment.

960. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre neuvième. »

Le mal moral du mensonge réside dans le dessein de flatter, d’affliger, de tromper ou de nuire.

961. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 22, que le public juge bien des poëmes et des tableaux en general. Du sentiment que nous avons pour connoître le mérite de ces ouvrages » pp. 323-340

Mais, comme je l’ai déja dit, je ne crains pas que mon lecteur se trompe sur l’extention qu’il conviendra de donner à la signification du mot de public, suivant les occasions où je l’emploïerai.

962. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Mme de Staël, cette flamme de Mme de Staël, cette flamme dans l’orage perpétuel, cette tête de femme à idées, cet être, qui était la vie, a pu écrire des lettres bêtes comme des révérences et vides de tout, excepté des chinoiseries de politesse officielle et de bienveillance banale dont le monde se paye, sans se tromper !

963. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Malgré ce titre qui nous prévient et auquel l’auteur a ajouté ces mots : Épisode de l’Histoire du Hanovre, pour qu’on ne pût pas s’y tromper, est-ce vraiment de l’histoire dans sa notion pure et respectée que ce livre sans gravité, sans profondeur, sans vue morale ?

964. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Aveuglé par la question présente, esclave d’une opinion politique en harmonie avec la portée de son esprit, — car, il ne faut pas s’y tromper, l’opinion politique de la plupart des hommes est une affaire de naissance ou de facultés, c’est-à-dire de naissance encore, — l’auteur de Royalistes et Républicains n’a pas su conclure, dans son livre, contre l’opinion que les faits et les observations de son livre auraient dû renverser.

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