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518. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Leur procédé consiste à ramasser soigneusement les détails, vétilles, négligences et petits défauts d’une œuvre, tout ce qui tient peu de place, tout ce qui est insignifiant, et à présenter ensuite cette petite collection comme résumant l’œuvre incriminée. […] Albalat ne tiennent pas en présence. »‌ Ici, l’aventure est comique. […] Uzanne me dit encore bien des choses folâtres dont je le tiens quitte pour ménager mes lecteurs.

519. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Alaux. La Religion progressive » pp. 391-400

tout aussi bien qu’un autre, la coquetterie de sa plaque de postillon philosophique qu’ils lui ont délivrée, à quelque École normale ou l’on tient de ces choses-là ! […] Alaux, qui sent bien que sa découverte ressemble beaucoup à cette guenille de Morale indépendante, dont on a parlé quelques jours et qui fut inventée, si je ne me trompe, par un marchand de robinets, a fait quelques points dans cette guenille pour que ses lambeaux tinssent ensemble. […] D’un autre côté, en tant qu’invention, que système religieux, — et un système religieux est loin d’être une religion encore, — la Religion progressive, — même à nos yeux, à nous, catholiques, qui, comme ce grand siècle marcheur, ne cherchons pas la vérité sur toutes les routes, parce que nous savons où elle se tient, immobile et rayonnante !

520. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VII »

Taine le père tenait une étude d’avoué. […] Les habitants de Vouziers, en allant à Paris, s’arrêtaient à Rethel : dans le bureau de la voiture publique, tenu par les tantes de Taine, ils admiraient les guéridons délicats, les vieilles poteries, certain gros vase de thériaque tout fleuri, et une foule d’arbustes rares que les dames soignaient tendrement. »‌ M.  […] Ces détails donnés à Victor Giraud par Mme Hippolyte Taine doivent être tenus pour certains.

521. (1894) La bataille littéraire. Cinquième série (1889-1890) pp. 1-349

Là se tenait une partie de la population, entassée entre les parapets, et, les plus près du phare, Guivarc’h et Mariannik. […] À quoi cela tenait-il ? […] Vingt lits avaient pu tenir dans le grand salon ! […] Avant le scrutin, on fait tant de promesses qu’on ne tient jamais ! […] J’ai tenu loyalement, jusqu’au bout, les serments prêtés aux souverains que je servis, de 1831 à 1848 ; de 1853 à 1870.

522. (1854) Nouveaux portraits littéraires. Tome I pp. 1-402

C’est de Voltaire, à mon avis, qu’il tient le goût de la clarté. […] Parce que le chant et la danse tiennent autant de place que la poésie. […] Sa part est assez belle pour qu’il s’y tienne et s’en contente. […] Hugo ne tient aucun compte de la première, nous n’avons à nous occuper que de la seconde. […] Saint-Firmin se tiendra pour récompensé au-delà de ses espérances.

523. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Je m’en tiens à histoire et à la philosophie. […] Mais je tiens Champfleury pour un mystificateur des plus profonds. […] Nous tenons de M.  […] Je tiens de M.  […] Car il lui était permis de nous tenir tous pour égaux devant lui.

524. (1905) Pour qu’on lise Platon pp. 1-398

Si l’on tient à concilier ces deux textes (y tiendrait-il lui-même ?) […] D’où les tenons-nous ? […] Il s’assimile le procédé courant et il s’y tient avec une parfaite fidélité. […] L’artiste n’est tenu qu’à réaliser son rêve dans ses écritures. […] Ils ne tiennent point de conseil en commun ; on ne rend pas chez eux la justice.

525. (1859) Moralistes des seizième et dix-septième siècles

La tradition morale tient bon dans quelques âmes, notamment dans la magistrature. […] Nous ne sommes hommes, et ne nous tenons les uns aux aultres, que par la parole. […] Qui a bonne memoire, il ne tient qu’à luy, qu’il n’est sçavant : car il en a le moyen. […] Il est difficile de dire à quoi tient cette différence. […] On ne s’en tint pas là, on l’appela aussi huguenot et même idolâtre.

526. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXXIV » pp. 337-339

Sainte-Beuve n’a pu vouloir, au reste, dans ce parallèle, que poser la limite du talent de Béranger ; il l’a apprécié et loué ailleurs, et il ne prétend rien retrancher sans doute de ses premiers jugements ; mais, cette fois, il aura tenu à faire sa restriction sur ce seul point où Béranger prête le flanc. Béranger a, dans la vie privée et dans toute sa conduite, bien du calcul et de l’arrangement ; il tient, par exemple, à amener les autres à lui, en se flattant de n’aller jamais à eux ; il croit peut-être avoir pris Chateaubriand et Lamennais, les avoir convertis et conquis, mais il oublie que de tels hommes ne se hantent pas impunément et qu’on ne saurait les voir beaucoup sans se modifier soi-même.

527. (1856) Le réalisme : discussions esthétiques pp. 3-105

À quoi tient cette différence ? […] Ils tiennent à eux seuls l’instrument qui fait les réputations. […] Allégorie réelle, voilà encore un mot que, sans doute, on n’est pas tenu de comprendre, car M.  […] Si vous tenez à y faire votre partie, il faut vous résoudre à accorder un peu autrement vos violons. […] Vous tenez à l’idéalisme, à l’imagination.

528. (1914) Une année de critique

Elle y tenait, et ne cherchait rien de plus. […] Jules Renard s’en tient à l’aspect visible des choses. […] Elle tient en trente lignes, que je voudrais citer ici. […] Tenons-nous enfin le mot de l’énigme ? […] Nous, qui la redoutons, quel langage tiendrons-nous ?

529. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LONGUEVILLE » pp. 322-357

A peu de temps de là, Coligny, par suite de cette prétendue lettre, appelait le duc de Guise, qui tenait pour Mme de Montbazon ; ils se battirent sur la Place-Royale. […] Si je la puis voir en d’aussi bonnes mains, j’aurai une grande joie, je vous l’avoue ; il me semble que je serai comme ces personnes qui voient leur amie pourvue et qui n’ont plus qu’à se tenir en repos pour elles. […] On le tint quelque temps caché à Méru, dans la terre de la princesse. […] La révision du Nouveau-Testament dit de Mons s’acheva dans des conférences qui se tenaient chez elle. […] Voilà donc Mme de Longueville partie pour ce grand voyage de l’Éternité d’où l’on ne revient jamais… Des morts de cette nature des personnes qui tiennent un grand rang parmi le monde, et surtout lorsque nous y avons quelque rapport, nous frappent dans le moment ; mais l’impression s’en efface bientôt, et nous ne tâchons pas même d’ordinaire à la retenir.

530. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxviie entretien. Un intérieur ou les pèlerines de Renève »

Nous entrâmes dans un cabaret que tenait une pauvre femme. […] Tenez, voyez, continua-t-il, il paraît qu’il est à Monceau pour faire ses vendanges, car les fenêtres sont ouvertes sur sa terrasse et l’on aperçoit d’ici la rangée de tonneaux le long de ses pressoirs. […] Tenez, là, en bas du chemin où nous sommes, vous voyez bien une grande porte à deux battants réparée par morceaux et peinte en vert-jaune, eh bien, c’est la porte de Milly. […] L’hiver, sa chèvre lui tenait chaud la nuit, le père lui ramassait dans le bois des racines. […] Il y avait une petite mare d’eau pleine d’herbes et de feuilles qui la tenaient chaude pendant l’hiver.

531. (1900) Le rire. Essai sur la signification du comique « Chapitre I. Du comique en général »

Nous allons présenter d’abord trois observations que nous tenons pour fondamentales. […] Il ne lui suffit pas de vivre ; elle tient à vivre bien. […]   Ne serait-ce pas alors que le bossu fait l’effet d’un homme qui se tient mal ? […] Elle tient d’une délégation régulière, comme nous venons de le montrer, le pouvoir de faire rire. […] Maintenant, la coloration noire ou rouge a beau être inhérente à la peau : nous la tenons pour plaquée artificiellement, parce qu’elle nous surprend.

532. (1881) Le roman expérimental

Mais tout se tient dans une civilisation. […] Et c’est tout, il faut nous en tenir là. […] Aujourd’hui, ce sont les romanciers qui sont les princes littéraires du temps ; ils tiennent la langue, ils tiennent la méthode, ils marchent en avant, côte à côte avec la science. […] Quelle place tenaient-ils dans la noblesse et dans la bourgeoisie ? […] Toute l’œuvre de Virgile tient dans un mince volume.

533. (1930) Les livres du Temps. Troisième série pp. 1-288

Cela ne tient pas debout. […] C’est pourquoi il ne tint pas à signer ce petit livre. […] En un sens, Pâris ne tint en effet qu’une ombre. […] Du reste, on ne tient pas du tout à leur prendre leur Dieu. […] « Je vois la plume et celui qui la tient.

534. (1853) Propos de ville et propos de théâtre

— Tiens ! Tiens ! […] tiens ! tiens ! […] — Tiens, mon gendre !

535. (1926) La poésie de Stéphane Mallarmé. Étude littéraire

Il se tenait en garde contre ce qui eût pu froisser. […] Il lui eût suffi que tout son public littéraire tînt, le mardi, dans son salon. […] C’est à une attitude religieuse que tiennent en effet ces aspects de Mallarmé. […] En dix lignes dix images qui se tiennent, se dérobent. […] On reconnaît la boutique d’orfèvre où, pour les Parnassiens, tenait le monde.

536. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 506-508

Mais leur doux chant point ne le solatie, Tant la douleur le tient dedans ses lacs ! Pour ne les voir, les yeux tient toujours bas, Et si leur dit, laissez-moi, je vous prie ; Puis aussi-tôt revient à son, hélas !

537. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XIV. Des Livres sur le Commerce & sur ce qui y a rapport. » pp. 329-332

Quant à la maniere de tenir les livres, nous avons la Science des Négocians, par la Porte, in-8°. […] L’Art de tenir les Livres à doubles parties, in-fol. par Samuel Ricard : bon ouvrage & peu commun.

538. (1860) Cours familier de littérature. IX « XLIXe entretien. Les salons littéraires. Souvenirs de madame Récamier » pp. 6-80

Je me tins à ma place dans l’isolement. […] Un mari digne d’elle attirait autour de lui, par l’aristocratie de son rang et par le libéralisme un peu trop hostile de ses idées, tout ce qui tenait à la grande opposition en France et en Angleterre : c’était le salon des deux mondes. […] La fortune seule lui avait manqué pour tenir le premier rang parmi les salons littéraires de l’Europe ; elle avait assez de flamme pour illuminer seule dix salons ; elle donnait de l’âme à tout ce qui l’approchait. […] XXI Le salon compassé de madame Récamier offrait un peu au regard la symétrie et la froideur d’une académie qui tiendrait séance dans un monastère. […] Juliette n’était pas insensible à ces vives déclamations du cœur d’un frère du maître des armées ; elle n’acceptait de ces sentiments que le seul sentiment qu’elle pouvait rendre, l’amitié ; mais, dès l’âge de dix-huit ans, on voyait poindre dans ses réponses et dans sa réserve cet art naturel qui fut celui de sa vie : rester pure en paraissant émue, tout promettre et ne rien tenir.

539. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

Et je tiens pour merveilleux et sans précédent les dessins rehaussés de Millet, oui ! Mais en même temps je soutiens que le plus admiré de tous les croquetons de Meissonier, tout grand dessinateur incontestable qu’il est, ne pourrait tenir, à côté d’un dessin de Gabriel de Saint-Aubin, par exemple la vignette de L’Intérêt personnel, que justement je regardais chez moi ce matin. […] Bracquemond que je trouve à l’exposition et devant lequel je ne peux me tenir, me dit que les préparations de La Tour : C’est des rochers ! […] — Oui, toujours… c’est vraiment atroce la continuité de la douleur, et la perspective de cette continuité… autrefois, le lit c’était une espérance… maintenant c’est redoutable de surprises… j’ai besoin de me relever, il faut que je marche pour user ma douleur… Je souffre, voyez-vous, tout ce qu’il est possible de souffrir… tenez parfois, dans le pied, c’est comme si un train de chemin de fer me passait dessus… Ah ! […] Nous sommes à la porte du caveau provisoire, devant lequel, elle se tient la tête renversée en arrière, les yeux fermés, les lèvres murmurantes de paroles d’adoration, dans une pose d’aveugle, ayant étendues devant elle, et agitées de mouvements convulsifs, ses mains gantées de laine noire : des mains tragiques.

540. (1924) Souvenirs de la vie littéraire. Nouvelle édition augmentée d’une préface-réponse

Nous tenons l’aveu !  […] Il y tenait tant ! […] Tout se tenait chez lui. […] Il tint parole. […] Il tint parole.

541. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Léopold Robert. Sa Vie, ses Œuvres et sa Correspondance, par M. F. Feuillet de Conches. — II. (Fin.) » pp. 427-443

Mais, avant que le mal ait pris le dessus et que la manie s’en mêle, quand l’art tient encore chez lui le gouvernail, il se rend très bien compte de l’effet ; c’est un effet triste et assombri, il le veut tel ; c’est bien un jour d’hiver qu’il veut faire régner sur l’ensemble, et avec lequel il saura mettre en accord toutes les figures : J’aime bien voir là (à Venise) le caractère d’un jour d’hiver ; je ne veux pas faire de la neige, c’est trop froid ; mais je voudrais donner l’idée d’un de ces jours qui ont une poésie si je puis dire, et qui laissent dans l’âme une mélancolie profonde. […] Cependant, comme il pressent une partie des objections qu’on peut lui faire, il voudrait les réfuter et aller au-devant par un autre tableau, celui de l’automne et des Vendanges ; il a hâte de se mettre à ce dernier, aussitôt après avoir terminé l’autre : Ce à quoi je tiens beaucoup, disait-il, c’est à faire paraître mes deux tableaux en même temps, et je vous assure que pour ma réussite c’est nécessaire. […] On voit le côté par lequel Léopold Robert confine et tient à l’école des modernes rénovateurs. […] J’ai indiqué les points par lesquels Léopold Robert tient des deux écoles. […] Quand, au contraire, je suis content, je suis autant occupé, mais d’une autre manière. » Ainsi se passa, tant qu’il fut maître de lui et que sa volonté tint les rênes, cette vie laborieuse et exemplaire.

542. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « La Divine Comédie de Dante. traduite par M. Mesnard, premier vice-président du Sénat et président à la Cour de cassation. » pp. 198-214

Quoi qu’il en soit, ce dilettante brillant et incrédule dut à quelque chose de fier et de hardi qu’il avait dans l’imagination, et qui tenait sans doute à ses origines méridionales, d’être le premier chez nous à parler dignement de Dante, et même de le juger très finement sur des beautés de détail et d’exécution qui semblaient être du ressort des seuls Italiens : Il faut surtout varier ses inversions, disait-il en pensant au travail imposé aux traducteurs ; le Dante dessine quelquefois l’attitude de ses personnages par la coupe de ses phrases ; il a des brusqueries de style qui produisent de grands effets ; et souvent, dans la peinture de ses supplices, il emploie une fatigue de mots qui rend merveilleusement celle des tourmentés. — Quand il est beau, disait-il encore, rien ne lui est comparable. Son vers se tient debout par la seule force du substantif et du verbe, sans le concours d’une seule épithète. […] Dante y tient une grande place ; Ginguené l’analyse, l’explique, le loue ou le critique en toute connaissance de cause ; et, sans rompre ouvertement en visière avec la façon légère et irrévérente du xviiie  siècle, il tend à la détruire par l’exposé même des faits, et à nous transporter peu à peu et comme par une montée unie dans l’intelligence de ce difficile poète. […] Un homme plus jeune, sorti comme Ginguené de la philosophie du xviiie  siècle, et qui tenait par ses habitudes premières à la société d’Auteuil, Fauriel était destiné à opérer ce changement profond dans le goût, je ne dirai pas du public, mais de tous les littérateurs instruits et de la portion la plus éclairée de la jeunesse française. […] Mais nous autres que la philosophie du Moyen Âge intéresse moins que ce qui y perce d’imagination gracieuse et d’éternelle sensibilité humaine, ce sera toujours à un point de vue plus réel et plus ému que nous nous plairons, au milieu de toutes les difficultés et des énigmes du voyage, à noter des endroits comme ceux-ci, où le poète, guidé par Béatrix dans les cercles du ciel, et approchant de la dernière béatitude, se montre ingénument suspendu à son regard, et nous la montre, elle, dans l’attitude de la vigilance et de la plus tendre maternité : Comme l’oiseau, au-dedans de son feuillage chéri, posé sur le nid de ses doux nouveau-nés, la nuit, quand toutes choses se dérobent ; qui, pour voir l’aspect des lieux désirés, et pour trouver la nourriture qu’il y va chercher pour les siens et qui le paiera de toutes ses peines, prévient le moment sur la branche entr’ouverte, et d’une ardente affection attend le soleil, regardant fixement jusqu’à ce que l’aube paraisse : ainsi ma dame se tenait droite et attentive, tournée vers l’horizon, etc., etc.

543. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Eugénie de Guérin, Reliquiae, publié par Jules Barbey d’Aurevilly et G.-S. Trébutien, Caen, imprimerie de Hardel, 1855, 1 vol. in-18, imprimé à petit nombre ; ne se vend pas. » pp. 331-247

Quelques années s’écoulèrent : Maurice, dit encore sa sœur, était enfant imaginatif et rêveur : il passait de longs temps à considérer l’horizon, à se tenir sous les arbres. […] Morvonnais) devait écrire quelques pages sur Maurice3, elle le suppliait de ne pas omettre ce trait final essentiel, mais absent des écrits, et sur lequel la notice de la Revue des deux mondes n’avait pu que se taire : « Mais vous tous, ses amis, qui l’avez connu, faites mieux, et écartez, s’il vous plaît, de cette figure chrétienne, tout nuage philosophique et irréligieux. » Sollicitude touchante, et qui tenait aux plus profondes racines de l’âme ! […] tenons-nous là, pauvres humains, s’écriait-elle, tenons-nous à l’ancre immuable. […] Cette femme, cette berceuse qui t’a veillé et tenu un an malade sur ses genoux, m’a porté plus de douleur que n’eût fait un drap mortuaire.

544. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Correspondance de Voltaire avec la duchesse de Saxe-Golha et autres lettres de lui inédites, publiées par MM. Évariste, Bavoux et Alphonse François. Œuvres et correspondance inédites de J-J. Rousseau, publiées par M. G. Streckeisen-Moultou. — II » pp. 231-245

Ce qu’on a droit de faire observer, c’est qu’en supposant que le morceau soit terminé (et j’aime à croire qu’il l’est), rien ne vient à l’appui d’une interprétation défavorable le moins du monde à la révélation dernière, et que la fin du songe, au contraire, s’élève et atteint à un tel degré de sérénité morale et de beauté, qu’il ne tient qu’à nous d’y voir le couronnement et le perfectionnement sublime, la divine transfiguration de la philosophie simple et nue. […] On n’a jamais à craindre avec lui, même dans ses écarts, de ces contradictions qui tiennent aux sources de l’âme et qui choquent dans le lecteur ami des hommes quelque chose de plus sensible encore que le goût42. […] [NdA] Je tiens cette anecdote de mon ami M. Charles Duveyrier, qui lui-même la tenait de son père. […] Quand on se fait l’éditeur d’un grand écrivain dont chaque mot compte, on est tenu deux fois d’être exact.

545. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Partout où je les rencontre sincères et fortes, je les respecte et j’en tiens grand compte ; mais je ne me crois point tenu d’abdiquer ma raison pour les partager, ni de déserter, pour leur plaire, l’intérêt réel et permanent du pays. » Il n’a pas la vibration populaire ; le courant atmosphérique des masses ne l’atteint pas : jusque dans ses passions, il est et restera rationnel. […] Guizot et ses amis ; il fallait s’y tenir, et s’y cantonner. — C’était une phase nécessaire par où il fallait passer au moins provisoirement, pensaient d’autres moins confiants, moins absolus […] À s’en tenir à ce que dit le narrateur, l’apologiste éloquent du régime fondé en 1830, et d’après son seul exposé, quelle idée, à la distance où nous sommes, est-il naturel que l’on se forme de ce régime même ? […] Il en résulte que la politique la plus digne et la plus hautaine consistait en ce temps-là, après un déplaisir et un léger affront reçu, à le constater : « Vous m’avez fait une insulte, je tiens à vous témoigner par mon attitude que je la ressens. » Et puis après… et puis après ?

546. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Souvenirs de soixante années, par M. Etienne-Jean Delécluze »

Je passe sur bien des enfantillages romanesques du début et qui tiennent une grande place, mais une place à demi voilée pour nous, dans l’adolescence d’Étienne ; j’arrive à ce qui nous intéresse véritablement, l’atelier de David sous le Directoire, et ensuite les souvenirs littéraires proprement dits, pendant la durée de la Restauration. […] Pensif, il tenait son regard machinalement fixé sur Mme de Noailles, qu’il ne voyait que par-derrière. […] Tu ne te doutes pas de ce que c’est que le style. — Tiens, dessine et ne peins pas, tu y perdrais ton latin. » Voilà ce que David aurait pu dire, voilà le pronostic du maître ; et de tout ce qu’a fait ou tenté Étienne en ce genre, que reste-t-il en effet ? […] Les élèves de David se partageaient en divers groupes fort distincts : dans l’un, les vieux camarades restés un peu révolutionnaires ou jacobins, au langage du temps, et communs ; dans un autre, les nouveaux.venus et qui tenaient plus, ou moins à l’ancien régime par la naissance, par les opinions ou le ton, Forbin, Saint-Aignan, Granet ; plus loin et toujours ensemble, deux jeunes Lyonnais fort réservés et qu’on disait religieux, Révoil et Richard Fleury ; un beau jeune homme faisant secte à part, Maurice Quaï, un ami de Nodier, mort jeune, noble penseur, véritable type olympien ; et quelques autres encore dans l’intervalle. […] Par exemple, ayant à parler du grand prix de gravure (Journal des Débats du 21 septembre 1854), il dira : « Les élèves graveurs admis au concours sont tenus à dessiner d’abord une figure d’après l’antique, puis une académie d’après nature dont ils font la traduction avec le burin, et c’est d’après le mérite de cette triple étude que l’on apprécie leur mérite et qu’on leur décerne un prix quand ils le méritent.

547. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Sainte-Hélène, par M. Thiers »

Loin de démonter l’instrument, les chefs d’État doivent en effet chercher à le remonter plutôt et à le tenir constamment en action pour l’employer, pour le conduire. […] Après avoir souri un instant de quelques-unes de ces malices contre les personnes, il n’y tint plus et jeta le livre : « C’est un livre détestable, s’écria-t-il, avilissant pour la France, avilissant pour l’humanité ! […] Que quelques fautes inévitables dans un si vaste travail, et inséparables de la manière même adoptée par l’historien ; des redites ou ce qui semble tel, et qui tient à un besoin extrême de clarté ; quelques inexactitudes sur des points accessoires et qu’on pouvait fort bien laisser de côté, pures inadvertances, sans effet sur l’ensemble, et qui tiennent encore à l’excellente habitude de ne parler qu’avec des données positives et avec des faits, non avec des phrases ; le tout si réparable dans une seconde édition : que ces taches légères n’aillent pas obscurcir dans notre esprit, quand nous jugeons de tout le monument, la grandeur du dessin, la noblesse et l’aisance de la distribution, la lucidité des exposés, la lumière des tableaux, l’ouverture et la largeur des horizons. […] Je ne crois dans les arts qu’à ce qui est simple, et je tiens que tout effet cherché est un effet manqué.

548. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. (Suite.) » pp. 52-72

. — Bref, la fille d’Hamilcar le tient au cœur : il la veut. […] Cet Hannon est hideux à voir et grotesque ; il est couvert par tout le corps d’une lèpre pâle, d’une sorte d’éléphantiasis ; lui, son appareil et son cortège, sont décrits de point en point : sa maladie surtout tient une grande place. […] Tunis, la vieille ennemie de Carthage et plus vieille que la métropole, se tient là en face d’elle et de ses murs, « accroupie dans la fange au bord de l’eau, comme une bête venimeuse qui la regarde », et qui lui veut mal de mort. […] Il le prouve, une fois de plus, en cette circonstance ; et l’on parvient à neutraliser l’effet de la victoire d’Hamilcar qui bientôt, rencontrant réunies toutes les forces des Barbares, est réduit à se tenir enfermé dans son camp et à s’y retrancher. […] On assiste au champ de bataille où gisent les cadavres, on les compte : le chirurgien semble tenir le pinceau ; on reconnaît toutes les formes de plaies et de blessures à l’arme blanche ; on observe aussi toutes les formes et toutes les nuances de corruption, de décomposition cadavéreuse, selon les races.

549. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, — Antiquité et Moyen Âge — Par M. J. Zeller. »

Zeller n’a rien à craindre : la vérité, la justesse, le bon esprit et le bon langage tiennent toujours leur place, et le génie qui les domine, qui les surpasse, qui les menace par moments, ne saurait les écraser. […] Son sujet, dans sa simplicité même, est double : il s’agit de présenter et de fixer dans la mémoire deux suites, celle de la Religion et celle des Empires : « Et comme la Religion et le Gouvernement politique sont les deux points sur lesquels roulent les choses humaines, voir ce qui regarde ces choses renfermé dans un abrégé et en découvrir par ce moyen tout l’ordre et toute la suite, c’est comprendre dans sa pensée tout ce qu’il y a de grand parmi les hommes et tenir, pour ainsi dire, le fil de toutes les affaires de l’univers. » Jamais prétention plus haute ne fut plus magnifiquement et plus simplement exprimée : c’est celle, ni plus ni moins, d’un vicaire de Dieu dans l’histoire. […] A quoi tiennent ces veines, ces courants heureux et rapides, trop vite épuisés ? […] Et reprenant de nouveau l’histoire de la Création et des époques primitives, tous ces récits dont Moïse est censé avoir recueilli les traditions, Bossuet nous montre le grand Ouvrier à l’œuvre, tantôt bienfaisant et clément, tantôt terrible et jaloux, toujours efficace, présent, vigilant, vivant : on n’en saurait prendre nulle part une idée plus forte, celle d’un Dieu qui tient le monde à chaque instant dans sa main, qui ne lui laisse pas le temps de s’engourdir, qui est toujours prêt à recommencer la création, à la retoucher, à secouer son monde. […] Ce qu’on savait moins, c’est que de prétendues beautés qui tenaient à des leçons mal lues disparaissent et s’évanouissent (ainsi le passage où il est question d’Horace, vainqueur des Curiaces et meurtrier de sa sœur, mais absous en vue de sa gloire : Et facinus intra gloriam fuit, devient tout simple et ordinaire, si on lit infra).

550. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [I] »

Il suivait chaque bulletin sur la carte, tenait un petit journal des opérations de guerre, lisait en même temps l’histoire des campagnes du grand Frédéric et entrait avec une facilité merveilleuse dans le sens et l’intelligence de ces grandes opérations qui étonnaient et éblouissaient le monde. […] Ce premier ministre de la guerre ne tint pas et fut remplacé à Berne en arrivant ; un autre succéda, puis un autre ; Jomini resta auprès d’eux à titre provisoire d’abord, puis définitif, comme chef du secrétariat de la guerre. […] Il n’avait rien de la violence ni de la rudesse du métier ; mais il avait l’indépendance de l’esprit et le ressort du caractère, impossible à comprimer chez un homme qui pense et qui tient à ses idées. […] Le maréchal Ney, chargé d’une des opérations les plus importantes dans la combinaison de Napoléon, redoubla de confiance pour Jomini, et, depuis le passage du Rhin, il le tint près de lui pour le travail journalier de son cabinet et l’expédition des ordres ; il n’aimait pas, et pour cause, son chef d’état-major titulaire, le général Dutaillis, créature de Berthier, celui dont l’abbé de Pradt nous a tracé un portrait au naturel, et des moins flatteurs, dans son Ambassade de Varsovie. […] Cette bibliographie est un peu embrouillée, et cela tient au mode de composition et de publication successive et morcelée de l’ouvrage.

551. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. EDGAR QUINET.— Napoléon, poëme. — » pp. 307-326

Adolphe Dumas : Quand on s’est mis en tête une idée éternelle, Qu’on y tient, à son flanc, comme on tient à son aile, Cela n’est plus possible !  […] Dans les deux vases, le liquide semble le même ; c’est presque le même poids, la même quantité et la même nature de sels ; à quoi tient-il qu’ici le cristal devienne parfait et de diamant, que là au contraire la cristallisation soit confuse ? […] Un voyageur, qui est allé récemment aux confins de la Norwége la plus reculée, rapporte que, pour ces bons paysans, France et Napoléon ne font qu’un ; ils demandent à tout Français, quel que soit son âge, s’il a servi sous Napoléon ; s’il est vrai que les Anglais l’ont tenu prisonnier dans des souterrains et des cavernes assez pareilles à celles dont il est question dans l’Edda : s’il est vrai enfin que tous ses lieutenants eussent rang de roi. […] J’omets Henri IV, dont le renom populaire tenait surtout du jovial, du galant, et prêtait plus à la chanson ou à la comédie qu’à l’épopée.

552. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Racine — II »

Bientôt l’inquiétude se décide ; la faculté sans aliment s’affame, pour ainsi dire ; elle crie au dedans de nous : c’est comme un coursier généreux qui hennit dans l’étable et demande l’arène ; on n’y peut tenir, et tous les projets de retraite sont oubliés. […] si, les yeux mouillés encore, Ressaisissant son luth dormant, Il n’a pas dit, à voix sonore, Ce qu’il sentait en ce moment ; S’il n’a pas raconté, poëte, Son âme pudique et discrète, Son holocauste et ses combats, Le Maître qui tient la balance N’a compris que mieux son silence : Ô mortels, ne le blâmez pas ! […] Villemain a déjà remarqué que, dans Euripide, le vieillard qui tient la place d’Arcas n’a qu’un langage simple, non figuré, conforme à sa condition d’esclave : « Pourquoi donc sortir de votre tente, ô roi Agamemnon, lorsque autour de nous tout est assoupi dans un calme profond, lorsqu’on n’a point encore relevé la sentinelle qui veille sur les retranchements ?  […] Tout s’y tient avec art, rien n’y jure et ne sort du ton ; dans cet idéal complet de délicatesse et de grâce, Monime, en vérité, aurait bien tort de parler autrement. […] Racine a fait les Plaideurs ; et, dans cette admirable farce, il a tellement atteint du premier coup le vrai style de la comédie, qu’on peut s’étonner qu’il s’en soit tenu à cet essai.

553. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Les deux Tartuffe. » pp. 338-363

Gentilhomme, je ne sais pas bien s’il l’est en effet ; mais il faut croire à présent qu’il en a du moins les airs, puisque Dorine, son ennemie, dans le couplet où elle raille Marianne, admet elle-même qu’il tiendrait bon rang dans sa province : Vous irez par le coche en sa petite ville, etc. […] Je lui emprunte ces lignes intéressantes : « … Au siècle passé… l’emploi des premiers comiques s’appelait aussi l’emploi des valets, et la garde-robe des acteurs qui tenaient ces sortes de rôles se bornait presque à des habits de livrée. […] La Bruyère écrit, par exemple, sans s’étonner : « … Si Troïle dit d’un mets qu’il est insipide, — ceux qui commençaient à le goûter, n’osant avaler le morceau qu’ils ont à la bouche, ils le jettent à terre… » Or, tout se tient ; et j’imagine que ces gens-là étaient moins exacts que nous à se garder de certaines incongruités. […] Il n’est donc pas si bête de s’en être tenu au jargon dévot. […] » j’en tiens pour ce que j’ai dit l’autre jour.

554. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Les Maximes sont un petit livre admirable, soit par toutes celles qu’on y tient pour vraies, soit même par celles dont on conteste la vérité. […] De quelles sortes sont les vérités dans les Maximes, et laquelle tient la plus grande place. — De la pensée générale du livre. […] Tenez pour vraie toute chose qui prend ainsi possession de vous, qui fait corps avec vous ; tenez pour mal écrit tout ce que vous oubliez. […] Une pensée qui passe ainsi quatre fois sous les yeux d’un esprit supérieur, à de longs intervalles, sans que le doute ni le dégoût la lui aient fait retoucher, tenez-la pour une vérité.

555. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Le maréchal Marmont, duc de Raguse. — III. (Suite et fin.) » pp. 47-63

Il avait le culte de son père, un culte qui n’était pas seulement la tendresse d’une race civilisée, mais qui tenait de l’ardeur des peuples sauvages ; il avait du Corse en cela. […] Par le bas du visage il tenait plutôt de sa mère et de sa famille allemande. […] C’est le journal instructif d’un esprit supérieur qui prend intérêt avant tout aux choses de l’administration et de l’organisation sociale, et qui tient à les faire comprendre ; mais ces remarques positives et spéciales n’absorbent pas le voyageur, et le récit perd, en avançant, toute sécheresse. […] Certes, de tels morceaux d’observateur qui unissent à la fois la finesse et l’élévation, peuvent se citer et tiennent leur place à côté des pages les plus sévères de Volney, ou des plus brillantes de Chateaubriand. […] La maladie dont il mourut, restée assez obscure, paraît avoir tenu aux organes de la circulation et du cœur.

556. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Ducis. » pp. 456-473

Ses parents, d’ailleurs, tenaient un modeste commerce de lingerie et de poterie. […] On conviendra qu’il y a bien peu d’auteurs de théâtre qui soient habitués à tenir de la sorte leur vie en partie double ; et, chez celui dont nous parlons, il y avait harmonie et simplicité. […] Comme je me tiendrais sur mon pré auprès de mon ruisseau, car j’aurais un ruisseau alors ! […] On inaugure, au milieu de la verdure, des ruisseaux et des fleurs, les bustes d’Homère et de Jean-Jacques Rousseau ; Bernardin de Saint-Pierre et Ducis portent les couronnes que de jeunes enfants déposent ensuite sur les deux marbres : « Votre fête était simple, écrit Ducis à son hôte d’Essonne, comme les beautés de l’Iliade et d’Héloïse. » Cet Homère, que Ducis fêtait ce jour-là, et qui était aussi simple que l’Héloïse, tenait un peu, je le crains, de celui de Bitaubé. […] Je dois me tenir comme une petite fleur timide sous une cloche de verre que je suis toujours prêt à casser.

557. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Franklin. — II. (Suite.) » pp. 149-166

Je tiens pourtant à montrer le philosophe et le politique américain dans ses conditions antérieures, avec son existence déjà si remplie avant son arrivée et sa faveur en France, avant qu’il embrasse Voltaire. […] À cette époque, Franklin ne distinguait point entre ses deux patries ; il avait le sentiment des destinées croissantes et illimitées de la jeune Amérique ; il la voyait, du Saint-Laurent au Mississipi, peuplée de sujets anglais en moins d’un siècle ; mais, si le Canada restait à la France, ce développement de l’empire anglais en Amérique serait constamment tenu en échec, et les races indiennes trouveraient un puissant auxiliaire toujours prêt à les rallier en confédération et à les lancer sur les colonies. […] Sa perspicacité, d’assez bonne heure, dut l’éclairer sur l’avenir inévitable ; mais il n’en continua pas moins jusqu’au bout, et avec une patience inébranlable, de tenir pied et de tirer parti des moindres circonstances qui pouvaient procurer l’accord et donner jour à l’arrangement. […] Pour l’intérêt de sa cause, et par un procédé qui tenait plus du citoyen que du gentilhomme, il crut, un jour, devoir envoyer à ses amis de Boston des lettres confidentielles qu’on lui avait remises avec assez de mystère, et qui prouvaient que les mesures violentes adoptées par l’Angleterre étaient conseillées par quelques hommes même de l’Amérique, notamment par le gouverneur de l’État de Massachusetts Hutchinson, et par le lieutenant gouverneur Olivier. […] [NdA] Le docteur Priestley, qui tenait le fait d’un témoin, dit positivement que Franklin mit à dessein cet habit le jour où il signa à Paris le traité entre la France et l’Amérique, c’est-à-dire le 6 février 1778.

558. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface de la seconde édition »

Il faut qu’en pénétrant dans le monde social, il ait conscience qu’il pénètre dans l’inconnu ; il faut qu’il se sente en présence de faits dont les lois sont aussi insoupçonnées que pouvaient l’être celles de la vie, quand la biologie n’était pas constituée ; il faut qu’il se tienne prêt à faire des découvertes qui le surprendront et le déconcerteront. […] Si elle condamne certains modes de conduite, c’est qu’ils froissent certains de ses sentiments fondamentaux ; et ces sentiments tiennent à sa constitution, comme ceux de l’individu à son tempérament physique et à son organisation mentale. […] Les mythes, les légendes populaires, les conceptions religieuses de toute sorte, les croyances morales, etc., expriment une autre réalité que la réalité individuelle ; mais il se pourrait que la manière dont elles s’attirent ou se repoussent, s’agrègent ou se désagrègent, soit indépendante de leur contenu et tienne uniquement à leur qualité générale de représentations. […] En effet, a-t-on dit, tout milieu physique exerce une contrainte sur les êtres qui subissent son action ; car ils sont tenus, dans une certaine mesure, de s’y adapter. — Mais il y a entre ces deux modes de coercition toute la différence qui sépare un milieu physique et un milieu moral. […] Car, en même temps que les institutions s’imposent à nous, nous y tenons ; elles nous obligent et nous les aimons ; elles nous contraignent et nous trouvons notre compte à leur fonctionnement et à cette contrainte même.

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