Et d’où sortait donc ce mousquetaire de dix-neuf ans, si résolu dès le premier jour à transmettre les choses de son temps dans toutes leurs complications et leurs circonstances ? […] Il lisait sans doute aussi avec l’idée d’imiter les grands exemples qu’il voyait retracés, et de devenir quelque chose ; mais au fond son plus cher désir et son ambition étaient plutôt d’être de quelque chose afin de savoir le mieux qu’il pourrait les affaires de son temps et de les écrire. […] On a fort cherché depuis quelque temps à relever des erreurs de fait dans les Mémoires de Saint-Simon, et l’on n’a pas eu de peine à en rassembler un certain nombre. […] On a remarqué comme une chose singulière que tandis que Saint-Simon parle de tout le monde, il est assez peu question de lui dans les mémoires du temps. […] Il se livrait à toutes ses passions intellectuelles et à ses aversions morales sans scrupule, et sauf à se mettre en règle à de certains temps réguliers et à s’en purger la conscience, prêt à recommencer aussitôt après.
Elle était étonnante l’influence que les principaux médecins exerçaient dans ce temps-là en France sur leurs malades de la haute société, et surtout sur les personnes du sexe ; elles avaient pour eux une confiance tendre et soumise, et leur admiration sans bornes était accompagnée des attentions les plus recherchées. […] On peut se demander (et il le faut même pour avoir une idée précise de l’homme) quels étaient les sentiments philosophiques de Vicq d’Azyr sur la mort, sur la vie, sur Dieu, sur la Providence, toutes questions que les hommes de son temps étaient si prompts et si décisifs à trancher. […] Dans un temps où le souffle général et le cri d’alentour eussent été pour la Providence, il n’eût pas pris tant de précautions, et il n’eût pas hésité. […] Souvenez-vous que la sagesse consiste plus souvent à se taire qu’à parler ; car il est toujours temps de penser, mais il ne l’est pas toujours de dire ce qu’on pense. […] Une leçon littéraire à tirer de ceci, c’est que bien des gens, tribuns ou poètes, veulent se donner des airs féroces en temps de révolution, ils ne sont qu’ampoulés.
Il y a en effet, je ne fais que le redire, il y a dans le talent de Balzac je ne sais quel prestige qui fascine ; et à ceux qui le sentent le plus vivement il faut du temps, je le crois, pour réagir sur eux-mêmes, pour se dégager et se rendre compte de l’impression qu’ils subissent, dussent-ils la justifier et la confirmer ensuite par l’examen. Le temps a manqué, et de la foule des admirateurs (cela n’a rien d’étonnant), il n’est pas sorti du premier coup un bon juge. […] L’auteur continue d’entendre toutes ces choses comme on les entendait autrefois, du temps d’Horace, du temps de La Bruyère et de Vauvenargues. […] Heureux qui peut encore cultiver les Lettres comme du temps de nos pères, dans la retraite ou dans un demi-loisir, faisant aux affaires, aux inévitables ennuis leur part, et se réservant l’autre ; s’écriant avec le poète : Ô campagne, quand te reverrai-je !
Il fut quelque temps, avons-nous dit, commandant en chef de l’armée d’occupation en Hollande ; et il y présida à une répétition qui s’y fit, le 22 janvier 1798, du 18 fructidor. […] Fouché aurait répondu « qu’il était temps que cette démocratie sans but et sans règle fît place à l’aristocratie républicaine, ou gouvernement des sages, le seul qui pût s’établir et se consolider. » — « Oui, sans doute, reprit Sieyès, et si cela était possible, vous en seriez ; mais que nous sommes encore loin du but ! […] M. de Sémonville, que nous avons connu de tout temps si actif, si empressé à se mêler du jeu des événements publics et de leurs chances, avait enlacé Joubert par le plus sûr des liens ; une jeune personne charmante, sa belle-fille32, avait fait impression sur le cœur du général, et allait devenir sa femme. […] On raisonna beaucoup dans le temps sur cette mort ; il me semble qu’elle s’explique tout naturellement. […] Mais en un sens, et si l’on ne cherche que ce qui le distingue des autres, il est mort à temps, au moment où ce simulacre de république dont il était l’une des plus nobles colonnes, allait s’écrouler sous un choc puissant ; il est mort jeune avec ce qui devait mourir alors pour n’avoir pas à se démentir ou à se transformer.
Les caractères sont ceux du xviie siècle ; l’œil de l’enfant et l’œil du vieillard s’en accommodent également bien et s’y reposent ; rien d’aigu, rien de pressé et d’entassé ; il y a de l’espace et un espace égal entre les mots, l’air circule à travers avec une sorte d’aisance, la prunelle a le temps de respirer en lisant ; en un mot, c’est un caractère ami des yeux. […] Rappelons-nous ce qu’étaient en leur temps Perrault et Boileau ; ces deux rivaux, ces deux représentants de deux races d’esprits si différentes, et, l’on peut dire, ces deux ennemis ; car leur réconciliation ne se fit jamais qu’à la surface et par le dehors. […] Très inférieur par cet endroit à Boileau et superficiel de goût sur un point, bien mieux que son antagoniste, d’ailleurs, il comprenait que les Modernes ont aussi leur poésie, leur source d’inspiration propre, qu’ils l’ont dans le christianisme plutôt que dans ces vieilles images rapiécées de Mars, de Bellone au front d’airain, du Temps qui s’enfuit une horloge à la main, etc. ; mais, victorieux en théorie, il reperdait à l’instant tout l’avantage dès qu’il prétendait mettre en avant comme preuve son poëme de Saint Paulin. […] Occupé, avons-nous dit, de l’éducation de ses enfants, il les voulut amuser, et, pendant quelque hiver, il s’avisa de conter et de faire raconter devant eux les vieux récits qui couraient le monde et que, de temps immémorial ; les nourrices s’étaient transmis. […] Le raisonner tristement s’accrédite , disait Voltaire en son temps : pour moi, je ne m’en attriste pas plus qu’il ne faut, pas plus que ne s’en attristait, je le pense, Voltaire lui-même.
Cet écrivain si distingué, le premier des critiques de guerre proprement dits, qui avait produit son ouvrage de génie à vingt-six ans, et que la nature fit naître par une singulière rencontre dans le temps où elle venait d’enfanter le plus merveilleux des guerriers (comme si elle avait voulu cette fois qu’Aristarque fût le contemporain et le témoin de l’Iliade), Jomini a éclairé, en fait de guerre, tout ce qu’il a traité ; mais il n’en est pas moins vrai que la narration précise, détaillée, de ces trois campagnes pyrénéennes, l’histoire et la description de chacune des opérations qui les composent, écrite d’après les pièces et documents originaux, et vérifiée point par point sur les lieux, restait à faire, et M. […] Le général de Flers, nommé ensuite général en chef, était un homme de trente-six ans, de naissance noble, qui avait servi sous Dumouriez, et que recommandait l’honorable capitulation de Bréda ; ami de la Révolution, mais froid, renfermé en lui-même, et déjà débordé, il n’eut que le temps de rendre à l’armée qui s’essayait un éminent service ; puis, destitué, dénoncé comme traître, il alla périr à Paris sur l’échafaud. […] Elle donna presque une entière satisfaction au vieux général qui, dans une saillie d’orgueil peu ordinaire aux accusés, osait réclamer d’elle, non seulement réintégration, mais récompense, et qui lui demandait dans le style emphatique, mais sincère, du temps, « de le tirer du séjour des Mânes, en déclarant qu’il avait bien mérité de la patrie. […] Animé d’une plus belle ardeur que jamais, heureux, comme peu d’hommes de son âge le sont, d’avoir trouvé une occasion tardive de déployer ses talents et de consacrer à son pays ses vertus guerrières, il s’apprêtait à frapper quelque coup au centre ou au revers des montagnes, qui eût fait une diversion puissante et opportune aux opérations principales que concertait en ce même temps le brave et habile Dugommier. […] Que le Dugommier vif et franc, brave et simple autant qu’habile, et dont les talents n’éclatèrent également qu’à la fin de la carrière, paraît donc supérieur à ce Dumouriez, qui fut un libérateur aussi à son heure, mais qui ternit sa gloire, de tout temps un peu équivoque, par les intrigues manifestes et les manigances prolongées de sa dernière vie !
Je suis dans ce cas depuis quelque temps. […] Mesnard concernant le caractère de Racine et sa position à la Cour, je citerai le passage suivant des Mémoires de Spanheim, lequel était en ce temps-là l’envoyé de l’électeur de Brandebourg et son chargé d’affaires à Paris. […] Mais comme le His tribus noctibus Deo jungimur (Ces trois premières nuits n’appartiennent qu’à Dieu)… dépend de la seule inspiration de l’Esprit du Seigneur et d’une grâce aussi rare que précieuse, même pour un temps, et que l’exhortation à une pratique si respectable convenait au pasteur conjoignant, et n’était nullement du ressort ni de l’entremise du médiateur de l’alliance, ç’a été lettres closes pour lui. […] On peut méditer sur la différence des temps. […] On se perd dans ces infiniment petits de la flatterie courtisanesque, et c’est bien le cas de dire avec un annotateur du temps, dont j’ai le manuscrit sous les yeux : « Fadeur et impertinence de tout côté !
Nous avons noté, dans la société du temps, des indices d’exaltation passionnelle, et de dépression mélancolique ; nous y avons vu se faire la liaison des images du monde extérieur et des dispositions intimes de l’âme. […] Le romantisme, à ses débuts, fut tout monarchique et chrétien : Chateaubriand avait établi entre l’idéal artistique et les principes pratiques une confusion qui égara les premiers romantiques : épris du moyen âge chrétien et féodal, ils s’estimèrent obligés d’être en leur temps, réellement, catholiques et monarchistes. […] Étrange confusion des temps, qui fait de ce bonapartiste, fidèle disciple des sensualistes et des analyseurs du xviiie siècle, le premier porte-drapeau du romantisme, dont tout semblait plutôt l’éloigner ! […] Cf. l’article : la Guerre en temps de paix, t. […] Muse française : Sur les romances du Cid (1823) ; la Guerre en temps de paix (1824).
Remarquez comme, dans la littérature de notre temps, tous nos sentiments, toutes nos façons d’être, toutes nos attitudes intellectuelles et morales se sont tendues et exaspérées. […] Mais songez que c’est tout le temps comme cela tout le temps, M. […] Quand un homme passe son temps à attiser les haines des souffrants, à provoquer la révolution sociale, à faire tout, sous prétexte que le monde va mal, pour qu’il aille plus mal encore, il faut qu’il soit bien persuadé de la justice de son œuvre, et cette foi ne suppose pas un très grand fond de gaieté ni surtout une humeur de plaisantin. […] Rochefort il est beaucoup plus simple d’avoir la foi sauf à l’exagérer quand on la proclame, et à l’oublier le reste du temps.
« En prétendant négliger les accidents de temps et d’espace pour ne nous montrer que des vérités éternelles, vous méconnaissez une loi de la vie, qui est de réaliser l’universel, mais seulement dans les individus. » C’est au plus un reproche imputable aux romantiques, et plus exactement aux derniers classiques. […] France (j’ai conservé les numéros du Temps) accusa successivement ces deux artistes d’être mal intelligibles. […] C’est un mauvais temps, un temps ambigu, à passer. […] Mon vieux maître de rhétorique Eugène Réaume, l’éditeur d’Agrippa d’Aubigné, disait en ses matins de découragement : « Messieurs, il serait temps qu’on organisât une classe de Lettres spéciales — comme on fait pour les jeunes gens aptes aux études scientifiques, — un cours aussi fermé et aussi sérieux que les Mathématiques spéciales. » Les décadences générales coïncident toujours avec quelques exceptions de culture intensive.
Pendant ce temps un procès était engagé entre M. […] Lamoureux n’aurait naturellement pas eu le temps de préparer en quatre mois, bien que l’ouvrage n’ait pas de chœurs, la représentation de la Walkure pour sa saison théâtrale de 1387 ; mais, si les directeurs de la Monnaie n’obtiennent pas l’autorisation demandée, il y a tout lieu de croire, à moins d’un premier échec, que l’éminent chef d’orchestre ne s’en tiendra pas à Lohengrin 101. […] Un concert doit avoir lieu d’ici peu de jours, un « concert Franck », où des œuvres seront exécutées, qui comptent parmi les plus hautes de ce temps. […] Franck, dont plusieurs sont déjà très connus, et qui mettent savamment à profit ses enseignements et ses conseils, mais peut-être, dans quelque temps d’ici, pourrai-je revenir sur ce sujet et parler à loisir de leur vaillante phalange. […] Il est l’auteur de Richard Wagner, les étapes de sa vie, de sa pensée et de son temps, paru de façon posthume (Paris, Hachette, 1923).
Après l’idéalisme de Malebranche, de Berkeley et de Spinoza, après les discussions de Clarke et de Newton sur l’espace et le temps, Kant arrache aux ténèbres extérieures pour les rendre à notre esprit le temps et l’espace. […] Maeterlinck mérite peut-être qu’on parodie à son occasion le mot magnifique de Cicéron sur Socrate et qu’on dise, en souriant à peine : « Il a fait remonter de l’enfer sur la terre la philosophie de l’Inconscient. » [Remy de Gourmont] Notre temps adore les fantômes et n’aperçoit même pas les véritables puissances. […] Et, comme tout le monde depuis quelque temps, Remy de Gourmont emploie indifféremment l’un ou l’autre des deux mots, en fait des synonymes équivalents. […] Les grands créateurs négligent souvent l’écriture et c’est pourquoi les petits exigeants de leur temps leur reprochent de manquer de style.
Ce qui me paraît plus sûr et plus souhaitable pour cette touchante mémoire de Marie-Antoinette, c’est qu’il puisse se dégager, de la multitude d’écrits et de témoignages dont elle a été l’objet, une figure belle, noble, gracieuse, avec ses faiblesses, ses frivolités, ses fragilités peut-être, mais avec les qualités essentielles, conservées et retrouvées dans leur intégrité, de femme, de mère et par instants de reine, avec la bonté de tout temps généreuse, et finalement avec les mérites de résignation, de courage et de douceur qui couronnent les grandes infortunes. […] Le prince de Ligne en ce temps-là venait souvent en France, et c’était un de ces étrangers tout français et tout aimables avec lesquels se plaisait particulièrement la reine. […] Je ferai toutefois remarquer qu’il n’était nullement probable que Lauzun agît pour le compte de la cabale Choiseul, avec qui il était assez mal de tout temps ; mais les alentours de la reine avaient eu intérêt à le présenter sous ce jour pour le perdre définitivement. […] Ces deux personnes qu’elle a particulièrement distinguées en des temps différents, paraissent avoir été le duc de Coigny d’abord, homme prudent et déjà mûr, et en dernier lieu M. de Fersen, celui-ci colonel du régiment Royal-Suédois au service de France, caractère élevé, chevaleresque, et qui, aux jours du malheur, ne s’est trahi que par son dévouement absolu. […] Si Louis XVI avait été autre, et s’il avait offert quelque prise à une impulsion active énergique, il n’y a nul doute qu’à un moment ou à un autre, sous l’inspiration de la reine, il ne se fût tenté quelque entreprise qui aurait bien pu être un coup de tête, mais qui peut-être aussi aurait rétabli pour quelque temps l’ordre monarchique ébranlé.
Despréaux, avec le plus grand nombre des écrivains de son temps. […] Il fatigua, tout ce temps-là, Louis XIV, par des lettres fréquentes qui décélent, si ce n’est une ame fausse, une ame au moins petite & foible : mais le roi fut inflexible. […] Dans le temps que parut l’Astrate, ils étoient jeunes tous deux & rivaux, quoiqu’ils allassent à la gloire par des voies différentes. […] Le patissier, en très-peu de temps, acquit une si grande réputation qu’elle fit sa fortune. […] Tous ces combats d’esprit & de méchanceté ne cessèrent, pendant quelque temps, que pour reprendre avec plus de chaleur.
Le capitaine d’Arpentigny, l’auteur d’un livre charmant sur la physionomie de la Main, et dans son temps, la plus élégante cravache des Gardes du Corps, oublia qu’il en avait une, ce jour-là, et couvrit du mépris le plus miséricordieux et le plus gai cette Furie… C’est à travers ces attitudes — légendaires déjà — qu’on verra toujours Mme Colet, quand on s’avisera de la regarder. […] Ce fut une Théroigne épargnée… Et de l’être dut certainement redoubler par un dépit humilié, le courroux et le ressentiment de ce violent bas-bleu contre le sexe fort, qu’elle repoussait et détestait en masse, mais qu’elle admettait très bien et qu’elle ne haïssait pas en détail… Le sexe fort de ce temps-là se contentait de rire de ses airs terribles de Méduse, trouvant drôle cette union, pittoresquement claudicante, d’une Gorgone et d’une madame Trissotin ! […] C’était le bas-bleu à outrance, fastueusement impie et jacobin, insulteur, vésuvien, (un mot de son temps), le bas-bleu rouge — hardiment écarlate, parmi les bas-bleus ! […] Le temps n’était pas héroïque. […] Corinne sans Oswald ; le temps des Oswald était passé.
.) — Joignez-y même (vous ne serez pas au bout, mais vous atteindrez au moins un chiffre consacré) comme une septième lignée la plus ancienne, la plus obscure, la moins écrite, et, dans les temps modernes, la source vraie des autres : tout l’ordre religieux qui cristallise dans l’église catholique autour de la confession auriculaire et qui pousse encore au XIXe siècle, de Lamennais à l’abbé Bremond, de vigoureux rameaux. […] Mauclair transfigure l’idée de cristallisation en la transportant dans l’ordre du temps. " le spasme est une incursion momentanée dans la mort, un essai de mort permis à l’être vivant par la nature. […] Le but essentiel de ceux qui s’aiment est de créer et de connaître ensemble, par la conjonction physique et charnelle, l’élan vers la mort, vers la dépersonnalisation intense : et comme leurs forces physiques leur défendent la constance de cet élan vers lequel ils tendent sans cesse, leurs existences ne sont que des conversations reliant quelques instants de vertige suprême. " le caractère tragique de Don Juan implique une grande puissance de cristallisation instantanée jointe à une impuissance à cristalliser dans le temps. Ses conversations ne peuvent que préparer des instants et jamais les relier. « Il est l’image parfaite de l’inanité de posséder. » Cette cristallisation amoureuse dans le temps ne nous révèle-t-elle pas un parallélisme avec la cristallisation artistique ? […] Il y a dans les contemplations une admirable pièce, Cerigo, où Victor Hugo rend sensible comme une palme d’étoiles cette cristallisation de l’amour dans le temps.
Ajoutez le panégyrique du roi, commencé par Bussy-Rabutin, dans le temps même où il était, par ordre du roi, à la Bastille ; ouvrage où, avec toute la sincérité d’un homme disgracié qui veut plaire, Bussy parle à chaque ligne et de sa tendresse passionnée, et de sa profonde admiration pour le plus grand des princes, qui n’en voulut jamais rien croire. […] Je ne parle pas de celles qui ne furent que projetées, mais qui marquent toujours l’esprit du temps, telles que l’incroyable passage du Rhin, la merveilleuse prise de Valenciennes, etc. […] Ce contraste de malheur et de gloire, cette brillante administration pendant un temps, cette administration pénible et forcée pendant l’autre, naquit des mêmes principes ; tout fut enchaîné. […] Je voudrais donc que lorsque les monuments qui ont été élevés à ce roi célèbre, seront détruits par le temps, et que ces statues et ces marbres menaceront de s’écrouler, on lui élevât alors un autre monument. Je voudrais qu’on le représentât debout et désarmé, tel qu’il était dans sa vieillesse et peu de temps avant de mourir, foulant à ses pieds toutes les médailles de ses conquêtes : lui-même, au lieu d’esclaves, serait entouré de la plupart des grands hommes qui ont illustré son règne.
En suivant l’histoire des éloges, et cette branche de la littérature, depuis les Égyptiens et les Grecs jusqu’à nous, on a pu remarquer les changements que ce genre a éprouvés, les temps où il était le plus commun, l’usage ou l’abus qu’on en a fait, et les différentes formes que la politique, ou la morale, ou la bassesse, ou le génie lui ont données. […] Mais la même raison qui a dû faire tomber tous ces genres d’éloges déclames ou chantés, écrits ou parlés, ou ridicules ou ennuyeux, ou vils ou du moins très inutiles à tout le monde, excepté à celui à qui on les paie, a dû au contraire accréditer les panégyriques des grands hommes qu’on peut louer sans honte, parce qu’on les loue sans intérêt, et qui, dans des temps plus heureux, ayant servi l’humanité et l’État, offrent de grandes vertus à nos mœurs, ou de grands talents à notre faiblesse. […] Cette connaissance, cette méditation profonde, vous donnera le plan et le dessein de votre ouvrage ; alors il en est temps, prenez la plume. […] Qu’il ne consulte ni un particulier ni une ville, ni même une nation et un siècle, dont les mœurs et les idées changent, mais la nature de tous les pays et de tous les temps, qui ne change pas. […] Osez mêler un ton mâle aux chansons de votre siècle ; mais surtout ne vous abaissez point à d’indignes panégyriques : il est temps de respecter la vérité ; il y a deux mille ans que l’on écrit, et deux mille ans que l’on flatte ; poètes, orateurs, historiens, tout a été complice de ce crime ; il y a peu d’écrivains pour qui l’on n’ait à rougir : il n’y a presque pas un livre où il n’y ait des mensonges à effacer.
Varron, à l’appui de ce témoignage, ajoutait que, chez les Romains du temps des rois, cette déesse n’était connue, ni sous le nom grec, ni sous l’appellation latine qu’elle reçut plus tard. […] Ce qu’à cet égard nous supposons avec certitude pour les premiers temps de Rome, est confirmé par un témoignage précis, pour l’époque même de sa grandeur et de son luxe. […] À ces contrastes de guerre et de douceur domestique, à cette harmonie de voix virginales célébrant une reine, Ennius, pour ses spectateurs romains, laboureurs et soldats, substituait, non pas un chœur, mais un dialogue de soldats grecs ennuyés de leur station en Aulide, et répétant avec ce cliquetis de mots qu’affecte le rhythme grossier des premiers temps : « Qui ne sait user du loisir162 a dans le repos plus d’affaires que l’homme affairé à son affaire. […] Quant à ses successeurs, Horace même, si dédaigneux pour ces vieux temps, a cité l’art savant de Pacuvius et l’élévation d’Accius. […] Quant à Pollion, que Virgile comparait à Sophocle, nous ne connaissons de ses drames que le conseil d’Horace lui disant : « Laisse quelque temps la Muse sévère de la tragédie manquer au théâtre171. » Et rien, dans les monuments trop rares de cette époque, ne nous apprend que cette interruption ait cessé.
Il passoit son temps à défricher les Inscriptions, qu’il cherchoit sur les marbres brisés des ruines les plus anciennes, & les expliquoit mieux que personne. […] Il étoit d’une figure avantageuse ; sévere observateur des Loix, moyen dont il se servoit pour gagner la bienveillance du Peuple ; fourbe, imposteur, hypocrite, faisant servir la Religion à ses desseins, mettant en œuvre les révélations & les visions, pour s’autoriser, effronté jusqu’à se vanter d’affermir l’autorité du Pape, dans le même temps qu’il la sapoit par les fondemens ; fier dans la prospérité, prompt à s’abattre dans l’adversité, étonné des moindres revers ; mais, avec la réflexion, capable de se servir des moyens les plus hardis pour se relever ».
Je vous ai bien de l'obligation, disoit-il un jour à un plat Ecrivain de son temps, sans vous je serois le dernier des Auteurs. […] Du temps de la Serre, on ne s'étoit pas sans doute aussi fort perfectionné qu'aujourd'hui dans les combinaisons typographiques.
Si je choisis celui-ci : « De mon temps, Monsieur, on n’avait pas de goût », c’est parce qu’il porte la marque du meilleur ascétisme français. […] Qui était premier ministre d’Angleterre du temps de Malherbe ? […] … Qu’ils sont habiles, qu’ils sont vifs, ces purs ouvriers des délices du temps perdu ! […] Plus il a été libre tout le temps où il concevait, moins le romancier doit l’être dès l’instant qu’il exécute. […] En ce sens l’achèvement d’À la recherche du temps perdu ne saurait modifier en rien l’irréparable de sa disparition.
On a cité des exemples naïfs de sa crédulité, et qui montrent qu’en fait de critique il n’est pas supérieur aux gens d’esprit de son temps. […] L’art du narrateur a été, dans ce vaste récit, tout en ne sacrifiant rien de l’action principale, de maintenir la part singulière de ces figures héroïques et de les détacher, de les ramener à temps ; il y a là un grand talent de composition sans qu’il y paraisse. […] Le prince, en effet, rencontre là des gens de ce cardinal rangés du côté des Français et qui prennent part à la bataille : il croit, dans le premier moment, que c’est l’effet d’une fourberie du prélat pacificateur, et veut leur faire trancher la tête : Jean Chandos l’arrête à temps. […] Cette idée de transfuge n’entraînait pas toujours déshonneur dans les idées du temps, et le chevalier de Morbecque, de Saint-Omer, racontant son histoire au roi Jean et comme quoi il a dû quitter le royaume de France par suite d’un homicide qu’il a eu le malheur de commettre dans sa jeunesse, ressemble à ces héros d’Homère qui racontent sans embarras comment ils ont été obligés de quitter leur pays pour avoir tué un homme par imprudence. […] La réflexion qui termine et que l’auteur ne fait pas en son nom, mais qu’il place dans la bouche des chevaliers présents, ce pronostic tout flatteur et favorable sur l’avenir du prince-roi, s’il lui est donné de vivre pour y atteindre, rappelle dans une perspective éloignée l’instabilité des choses humaines et les compensations du sort, qui ne permet pas aux plus heureux d’accomplir tout leur bonheur :-ce prince si brillant, et à qui tous souhaitent vie, ne régnera pas en effet, et mourra plein de gloire, mais avant le temps.
Ce sont quelques-unes des siennes, écrites précisément en ce temps-là. […] Je tiens ce détail d’un homme de ce temps-là et du nôtre, plein de littérature et de bons souvenirs, M. […] Il n’aimait la campagne que comme temps de repos, pour se remettre en vivacité et comme en appétit de société : Un homme qui a de l’esprit, disait-il, est plus aimable à la campagne qu’ailleurs ; on lui trouve la tête débarrassée des affaires et des intrigues du monde ; il est affamé de conversation, et son esprit, qui est reposé et rempli de mille réflexions qu’il a faites, est plus vif qu’à l’ordinaire. […] [NdA] Ce n’était pas la première fois que Chaulieu se trouvait en concurrence avec un rival du nom de Lassay : il avait été quelque temps auparavant supplanté auprès de Mme d’Aligre par un Lassay ; mais ce n’était pas le nôtre (quoi qu’en ait dit M. […] Mais les malignités et les traits satiriques des écrits du temps, qu’on peut voir dans le curieux article de M.
Il est « persuadé qu’à la guerre tout dépend d’imposer à son ennemi, et, dès qu’on a gagné ce point, ne lui plus donner le temps de reprendre cœur. » — Villars, chargé d’abord d’un détachement sur la Sarre et sous les ordres de Catinat, n’approuve point les idées craintives de ce maréchal. […] Sa Majesté connaît mieux que personne quel temps il faut pour de pareils amas ; je n’y vois pas la moindre apparence. […] Je me suis permis d’exposer ce détail qui laisse voir en une sorte de conflit deux noms célèbres, ou du moins j’ai voulu l’indiquer en renvoyant aux vraies sources, aux Mémoires de la guerre de la succession, pour qu’on ne dise pas en deux mots que Villars a miné et supplanté Catinat à l’armée du Rhin, tandis que réellement Catinat, quelque respect que l’on doive à son caractère, s’y mina lui-même par une inaction et une circonspection excessive qu’il n’avait sans doute pas toujours eue à ce degré, mais qui s’était accrue avec l’âge, au point de devenir elle-même un danger. « Il y a des temps où les Fabius sont de bon usage, et des temps où les Marcellus sont nécessaires. » Le mot est de M. des Alleurs, un des amis de Villars, lequel l’accepte volontiers et s’en décore. […] Tout cela fut réparé ; les ennemis perdirent plus de quarante drapeaux et étendards, et l’armée du roi n’en laissa pas un des siens ; seulement, le temps qu’il fallut pour remettre quelque ordre dans l’infanterie sauva celle des impériaux et nuisit à la poursuite. […] Ce temps de repos de Villars déplut à Versailles, et Louis XIV même ne l’approuva point.
La question du Cid a pu paraître, à un moment, aussi embrouillée que l’était pour nous dans ces derniers temps la question du Schleswig-Holstein ; mais, grâce à Dieu et à de savants critiques et défricheurs, elle est maintenant éclairée et à jour. […] Le héros de son choix, et qu’elle a une fois épousé, acquiert ainsi, à chaque génération, une vertu nouvelle, la vertu régnante et à la mode dans chaque temps. […] Ce dernier enlèvement paraît ce qu’il y a de plus grave et de plus déshonorant dans les idées de l’époque, comme cela eût pu l’être du temps de Nausicaa. […] Je vous montrerai à maintenir en paix la Castille et les autres royaumes pareillement : donnez-moi pour mari Rodrigue, celui qui a tué mon père. » Dans cette pensée de Chimène, il n’y a qu’une idée bien digne de ces temps de force et de violence. […] Si je vis encore quelque temps, il vous seront doublés.
Si tous faisaient ainsi, ils s’arrêteraient presque toujours avant la demi-douzaine, et ce serait un grand profit pour le lecteur et une grande économie de temps pour le critique. […] On n’a déjà plus le temps de lire Balzac ni George Sand. […] Et il serait presque indispensable d’avoir continué ses études, dans un collège ecclésiastique et même d’avoir passé quelques mois au grand séminaire ou tout au moins d’y être allé voir pendant quelque temps ses anciens compagnons. […] Mais il a passé son enfance chez un curé de campagne et il a dû continuer un certain temps à voir des prêtres : on sent qu’il connaît ce monde à fond et qu’il l’a observé de près et à loisir. […] L’abus qu’il fait de ce temps, qui est, à Paris et dans tout le centre, un temps littéraire, contribue encore à donner aux discours de ses prêtres quelque chose de solennel et de tendu.
Je ne puis comprendre non plus qu’on dise que l’idée de temps est postérieure logiquement à l’espace, parce que nous ne pouvons nous le représenter que sous la forme d’une droite ; autant dire que le temps est postérieur logiquement à la culture des prairies, parce qu’on se le représente généralement armé d’une faux. Qu’on ne puisse pas se représenter simultanément les diverses parties du temps, cela va de soi, puisque le caractère essentiel de ces parties est précisément de n’être pas simultanées. Cela ne veut pas dire que l’on n’ait pas l’intuition du temps. […] Ce que nous nous représentons sous le nom de droite est une image grossière qui ressemble aussi mal à la droite géométrique qu’au temps lui-même. […] Ainsi c’est la répétition qui a donné à l’espace ses caractères essentiels ; or, la répétition suppose le temps ; c’est assez dire que le temps est antérieur logiquement à l’espace.
Moi, je suis vilipendé, honni, injurié comme un débutant, et j’ai lieu de croire que la critique s’adressant à un homme ayant mon âge et ma situation dans les lettres, est un fait unique dans la littérature de tous les temps et de tous les pays. […] Par là-dessus, ledit Antoine est de très mauvaise humeur, et maltraite de paroles tout le monde, et même un peu moi-même, à propos d’une marche de Barny, appuyée sur une béquille, marche qui la force à scander par des temps ce qu’elle dit. […] certes, ce n’est pas la composition de la Comédie-Française, et ce n’est pas, comme nous l’avions espéré dans le temps jadis, Dressant jouant le comte de Valjuzon, Delaunay jouant Perrin… mais telle que la pièce est jouée, elle a l’air de mordre les nerfs du public. […] J’ai touché ces temps-ci 12 000 francs, pour droits théâtraux de Germinie Lacerteux, et je me suis souvenu que l’œuvre de ton père de Maherault, avait été acheté en vente publique par Roederer, 12 000 francs. […] Oui, vraiment la peinture contemporaine tient trop de place dans ce temps.
Cet agréable livre rafraîchira la réputation de Fléchier et l’Oraison funèbre de Turenne ne sera plus que sur le second plan : ainsi vont les temps et les vogues diverses. […] Ce sont là de bons travaux, et auxquels excelle l’esprit de notre temps.
Pour établir que la perception extérieure, même véridique, est une hallucination, il suffit de remarquer que son premier temps est une sensation. — En effet, par sa seule présence, une sensation, notamment une sensation tactile ou visuelle, engendre un fantôme intérieur qui paraît objet extérieur. […] « Un mouvement lent pendant un temps long est la même chose qu’un mouvement plus rapide pendant un temps moins long ; nous nous en convainquons aisément en remarquant qu’ils produisent tous les deux le même effet, puisqu’ils épuisent tous les deux toute l’amplitude de parcours dont le membre est capable. […] Dans un parcours, il y a trois termes, la grandeur de la force motrice, la longueur du temps employé, l’étendue de l’espace parcouru, et chacun d’eux est déterminé par les deux autres. […] — Pour lever cette difficulté, considérons l’un après l’autre les principaux caractères de ces possibilités et de ces nécessités, et nous verrons qu’elles ont tous ceux de la substance. — Elles sont permanentes ; en effet, la proposition par laquelle j’affirme la possibilité et la nécessité de telle sensation à telles conditions est générale et vaut pour tous les moments du temps. […] Dans ce groupe d’images évoqué par la sensation, il faut distinguer deux choses, les images elles-mêmes, et la réflexion par laquelle je remarque la possibilité permanente, en tout temps et pour tout être sensible ; des sensations qu’elles représentent.
Mais voici le contraste : c’est vers ce temps qu’il dépose les enfants de Thérèse Levasseur, malgré elle, aux Enfants-Trouvés. […] Rousseau s’adaptait donc à son temps, et en ramassait les tendances éparses. […] Rousseau est de notre temps ; et il est probable que bien des générations encore auront de lui le même sentiment. […] Et le temps lui a donné raison : car il a vu bien au-delà de notre bourgeoise révolution, qui, à cet égard, n’a été qu’une consolidation de la propriété. […] Il nous prend par toutes nos facultés : en politique, en morale, dans la poésie, dans le roman, on le trouve partout, à l’entrée de toutes les avenues du temps présent.
c’est perdre son temps que de se tourmenter sur ces problèmes. […] En temps de calme, on ne peut se résoudre à frapper, lors même que ce qu’on frappe n’a plus de raison d’être. […] La morale aurait dû le prescrire, en tout temps ; la politique le prescrit plus impérieusement que jamais, depuis que le peuple a été admis à la participation aux droits politiques. […] C’est pour cela qu’il faut juger tout autrement les persécutions de l’Église au Moyen Âge et dans les temps modernes. […] Le gouvernement légitime est celui qui se fonde sur la raison du temps ; le gouvernement illégitime est celui qui emploie la force ou la corruption pour se maintenir malgré les faits.
« 4º Le cochon connaît le temps. Il doit mettre le nez au vent pour regarder quelle sorte de temps va venir. […] Ajoutez un degré à votre imagination et à votre enthousiasme, vous direz que cet esprit, situé hors du temps et de l’espace, se manifeste par le temps et par l’espace, qu’il subsiste en toute chose, qu’il anime toute chose, que nous avons en lui le mouvement, l’être et la vie. […] Est-ce que Néron de Rome, l’esprit joyeux, ne passait pas le meilleur de son temps à jouer de la lyre ? […] Il a senti comme eux qu’une civilisation, si vaste et si dispersée qu’elle soit à travers le temps et l’espace, forme un tout indivisible.
— Il vient de paraître des Mémoires du maréchal de La Force du temps de la Ligue, de Henri IV et de Louis XIII, qui contiennent, dit-on, beaucoup de choses inédites, lettres de Henri IV et autres ; enfin c’est un supplément utile aux Mémoires de ce temps.
Comme tous les élégiaques du temps, il est placé au point de vue purement individuel : ce sont des souvenirs d’enfance, des regrets du premier amour, des plaintes sans amertume sur une condition obscure et gênée, des vers harmonieux aux châteaux, aux bois, aux amis qu’il aime ; des vœux de loisir et de rêverie, des confidences de ses goûts qui révèlent une nature aimante et mélancolique. […] Au lieu d’envier le sort et de flatter par ses désirs la molle existence des oisifs, ne serait-il pas temps pour le poète de tourner la tête vers l’avenir, et de regarder, au sein de l’ardeur et des mouvements du siècle, l’enfantement merveilleux de ce qui va devenir l’espérance, la foi et l’amour du monde ?
On a pu regarder pendant quelque temps Lamotte & Henri Richer, comme les imitateurs de la Fontaine, en laissant toujours une distance très-grande entre le Maître & les Disciples. […] Pendant tout le temps que M. l’Abbé Aubert a été chargé de la continuation du Journal de Trévoux, il a eu le courage de parler avec impartialité de tous les Ouvrages, &, ce qui est plus courageux encore, de tous les Auteurs.
Quoiqu’il ait fait plusieurs Ouvrages estimables, on ne connoît à présent que sa Pharsale, dont on a dit, dans tous les temps, beaucoup de bien & beaucoup de mal, & qui fournit également matiere à la louange & à la critique. […] S’il est défectueux en beaucoup d’endroits, ce n’est que pour s’être trop asservi au devoir rigoureux du Traducteur ; on ne connoissoit pas de son temps les Traductions libres, mises depuis si utilement en usage.
Si le mauvais goût, qui va toujours en croissant, devient assez général pour ramener la barbarie parmi nous, ses Ouvrages subsisteront dans la Postérité, pour déposer contre son Siecle, & on le regardera comme ces monumens rares, élevés dans des temps de décadence, qui néanmoins sont les restes précieux & les images augustes des temps de perfection qui les avoient précédés.
Il y a des choses curieuses dans les Œuvres Morales de cet Auteur fanatique : entre autres choses, on y apprend un usage singulier parmi les femmes de son temps, la coutume de porter des miroirs attachés à leur ceinture. […] Qu’on lise toutes les Histoires divines, humaines & profanes, il ne se trouvera point que les impudiques & les mérétrices les aient jamais portés en public, jusques à cejourd’hui que le Diable est déchaîné par la France ; ce qui est encore plus détestable devant Dieu & devant les hommes, que toutes les autres abominations ; & bien qu’il n’y ait que les Courtisannes (ou Dames de Cour) & Demoiselles qui en usent, si est-ce qu’avec le temps n’y trouvera Bourgeoise ni Chambriere qui par accoutumance n’en veuille porter ».
Pour recueillir les hymnes populaires que les poètes d’Italie composaient vers le même temps, il faudrait des volumes entiers. […] On se contentait de les décrire au temps du pseudo-classicisme, et même on les décrivait sans les voir. […] Jamais, plus qu’en ce temps-là, la poésie ne sembla près de mourir. […] C’était, à un moment donné et pour un temps donné, la Poésie. […] Cette science, à mesure que le temps évolue, devient matérialiste.