Je vis les fatales nécessités de la société humaine ; je me résignai à un état de la création où beaucoup de mal sert de condition à un peu de bien, où une imperceptible quantité d’arôme s’extrait d’une énorme caput mortuum de matière gâchée. […] Un œil sagace, en l’an 300 de notre ère, aurait pu voir que le christianisme ne finirait pas ; mais il aurait dû voir que le monde ne finirait pas non plus, que la société humaine adapterait le christianisme à ses besoins et, d’une croyance destructive au premier chef, ferait un calmant, une machine essentiellement conservatrice.
Mais étranger et sans crédit, il dut longtemps renfermer son mécontentement en lui-même et ne communiquer ses sentiments qu’à la société intime qui l’accompagnait. […] C’était un esprit libéral et un homme du monde, ouvert aux études profanes, formé à la tolérance par son commerce avec la haute société 624.
L’effort des hommes pour se conformer au précepte, s’il échoua sous sa forme absolue, réussit du moins à contenir la volupté dans les limites de la monogamie, resserrant les mailles de la famille, ce milieu le plus propre, dans une société organisée, à faire éclore, à faire vivre et à développer l’enfant. […] On y montrait comment l’idée chrétienne, en prêchant le renoncement à la vie immédiate, le détachement des biens terrestres, la fraternité, l’égalité entre les hommes et le mépris du savoir, en modérant par cette doctrine absolue, sans la réduire toutefois, l’énergie excessive du monde, barbare, qui sans ce frein ne fût pas parvenue à se coordonner, a rendu possible l’organisation des sociétés modernes que l’on voit fondées sur le principe de hiérarchie, qui sanctionnent le droit de propriété, qui, par l’accroissement du savoir, tendent à l’accroissement du bien-être, qui, sur tous les points et dans toutes leurs conclusions, contredisent et renient le principe chrétien, ce principe chrétien qui aida à les fonder et qui, développé avec outrance, aboutirait à les supprimer.
Il pose ainsi « une loi de dépendance mutuelle » entre une société donnée et sa littérature. […] Matthew Arnold (1822-1888) : fils du Docteur Thomas Arnold, proviseur de la Rugby School, poète, essayiste, critique littéraire, traducteur, défenseur de l’hellénisme, pédagogue, inspecteur des écoles, Arnold a notamment publié des réflexions sur la littérature classique, issues de cours donnés à Oxford (On Translating Homer, 1861), et un essai dans lequel il analyse la place des humanités dans la société victorienne (Culture and Anarchy, 1869).
C’est le grand général Sobieski, qui, avant de sauver Vienne et de monter sur le trône de Pologne, était venu à Paris, et avait été de la société de madame de la Sablière, comme, de nos jours, nous avons vu M. […] Rapports de position, convenances de société, calculs d’amour-propre, intérêt de vanité, et nombre d’autres combinaisons qui vont même jusqu’à le rendre ridicule.
Par exemple, Jean-Jacques Rousseau, dans tous ses ouvrages, maudit l’influence de la société sur l’individu et souhaite passionnément que l’individu sache s’y soustraire ; et dans un seul il sacrifie l’individu à la société et souhaite impérieusement qu’elle l’absorbe.
Un jour, un rédacteur lui envoya un travail sur les sociétés littéraires. On y parlait, au début, de Platon et des siens, et le pauvre rédacteur, épris d’antiquité, disait élégamment : « Lorsque les brises de la mer Égée parfumaient l’atmosphère de l’Attique, quelques hommes, préoccupés de l’éternel mystère, venaient, dans les jardins d’Acadème, se suspendre aux lèvres de Platon, etc. » Buloz prit peur de cette phrase comme de la plus audacieuse hardiesse, et de sa patte dictatoriale et effarée il supprima le tout et mit à sa place ; « Il y eut aussi dans la Grèce des sociétés savantes. » Une autre fois, dans une étude sur la mystique chrétienne, on disait : « L’amour de la vérité cherche celle-ci dans les solitudes intérieures de l’âme » ; mais Buloz, qui ne connaît pas les solitudes intérieures de l’âme, traduisit d’autorité : « Les esprits curieux fuient les embarras des villes », qu’il connaît !
Et c’est cette conception du pouvoir qui, en se concentrant, fit l’Empire, L’Empire n’est qu’une résultante de toute la société romaine. […] La Gaule romanisée resta l’égale de la société franke dans sa législation et dans ses mœurs.
Nous sommes les disciples des premières sociétés de l’Église… » ce qui n’est pas facile à comprendre. Je comprends qu’on soit le disciple d’un homme, mais le disciple de plusieurs sociétés n’est pas aussi aisé à admettre, et quand il ajoute, pour être plus clair et pour n’arriver qu’à être plus vague : « de la partie de ce siècle sur laquelle les Apôtres eux-mêmes ont exercé leur direction », je ne comprends plus du tout, ou plutôt je comprends que le protestant Gasparin n’est que le disciple de lui-même, et que sa foi religieuse ne relève que de sa critique, de la partie du siècle dont il se dit le disciple, et de sa propre interprétation… La personnalité protestante du comte de Gasparin est si large, si forte et si absorbante, qu’il n’admet que celle de Dieu vis-à-vis de la sienne.
Pourquoi le même malaise, le même mécontentement, le même besoin de nouveau que l’on voit en Politique, dans la société, dans les arts, au Théâtre ne se ferait-il pas sentir dans la littérature ? […] — Si un roman doit être écrit uniquement pour la société dans laquelle on vit, s’il doit se conformer à ses règles, ne blesser aucune des convenances admises, j’ai tort. […] L’antiquité égyptienne, l’antiquité romaine avaient des autels pour les divinités qui représentaient ce que vous appelez une incongruité, et, outre les ouvrages spéciaux, il existe en France cinquante sociétés diplômées de francs-p… ! […] Les phrases restent masquées comme les visages, et c’est heureux, car si chacun se découvrait à cette minute, laissait voir sa pensée du fond, quel désarroi dans l’illustre société ! […] … » Le coup se fait aussi, mais plus insinuant, plus en douceur, avec l’homme du monde, traducteur de l’Aristote, fabricant de comédies de sociétés : « Hé !
Le clergé est organisé, actif et zélé, la société indifférente, mais avide d’émotions et de quelque chose : personne ne lui offre rien.
Quelles que soient les formes sous lesquelles doive se reconstituer (nous l’espérons) l’esprit religieux et chrétien dans la société, cette vertu avancée de quelques jeunes cœurs, cette foi et cette modestie, tenues en réserve, aideront puissamment au jour de l’effusion.
Est-ce en s’accommodant au ton du monde & de la société, qui n’est que l’image des travers qui nous déshonorent, qu’on pourra frapper les esprits & changer les cœurs corrompus ?
Quoique connu dans les meilleures Sociétés, par des Chansons, des Vaudevilles, des Parodies, des Amphigouris, & d’autres Productions marquées au coin de l’agrément & de la gaieté ; néanmoins une grande modestie, beaucoup de défiance de lui-même, une juste idée des difficultés de l’Art, l’empêchoient de se produire sur le Théatre de la Nation.
Moreau, pour répandre, dans les Sociétés, qu’il favorisoit le despotisme ; nous croyons devoir en citer ici quelques morceaux, qui suffiront pour prouver l’injustice de cette imputation, & convaincre de plus en plus le Public que la calomnie est l’arme favorite des faux Apôtres de l’humanité.
D’une autre part, ils n’étaient pas enclins aux exagérations, aux espérances, aux craintes sans objets, à la mobilité des idées et des sentiments, à la perpétuelle inconstance, qui n’est qu’un dégoût constant ; dispositions que nous acquérons dans la société des femmes.
C’est un des inconvéniens de la société auquel je ne sais point de remède.
Elle le pria de faire d’une anecdote de société une pièce de rire et de larmes. […] C’est, dit-on, que le malheur s’attache à sa maison, ou la faute de la société qui ignore un tel homme. […] La vraie cause de ce malheur obstiné se découvre à nous : c’est un fond de caractère caché à tous, souvent même à l’homme qui en pâtit ; et voilà la société justifiée. […] C’est que Beaumarchais les a pris dans la nature et dans la société française. […] Mais il en est qui s’attaquent aux abus indestructibles : ceux-là ont gardé toutes leurs pointes ; ils font partie de cette morale éternelle qui tient les sociétés en défiance et les gouvernements en haleine.
Tout invoque cette sainte autorité, tout veut remonter jusque-là et dater de là ; toutes les rêveries honnêtes sur la perfectibilité indéfinie des sociétés humaines veulent être des applications de cette morale. […] « Jamais prédicateur évangélique, écrit Mme de Sévigné, n’a prêché si hautement et si généreusement les vérités chrétiennes68. » II n’y a peut-être plus de société assez forte pour entendre impunément une telle parole. […] Par malheur, le mal qui se fait est le seul qui laisse un souvenir ; l’histoire l’enregistre et amuse la curiosité humaine de ses scandales ; le mal qui ne se fait pas n’est su que de celui qui seul connaît le nombre des bons et des méchants, et qui pèse les sociétés et les siècles. […] Notre société, notre temps, en seraient-ils arrivés là ? […] Il faudrait trembler alors, car je ne sais pas quelle force spirituelle ferait vivre et prospérer une société où l’on ne croirait plus qu’à ces deux choses : la fin de la morale chrétienne et l’impossibilité de la remplacer !
Que l’on énumère les grands écrivains, dramaturges et romanciers qui, épris de vérité, ont senti obscurément que l’homme, la société et la nature représentés et recréés tels qu’ils sont, forment les livres les plus mûrement et les plus sérieusement admirés ; que l’on rappelle Shakespeare, Balzac, le morne Flaubert, Zola, l’on pourra assimiler à ses tragédies, aux tableaux plus populeux de leurs romans, cet immense déroulement d’êtres, d’aspects, d’actes, d’événements, de houles humaines, de méditations solitaires, de batailles humides de sang, de souples et tendres caresses de jeunes filles à d’indulgentes vieilles mères, d’amours, de morts, de carrières, cet abrégé de toutes les existences que présente La Guerre et la Paix et Anna Karénine ; l’esprit le plus négateur du progrès artistique et le plus respectueux des modèles, sera frappé de l’élargissement que ces romans massifs, déduits au-delà des dimensions habituelles, donnent à la description coordonnée de l’ensemble des phénomènes sociaux intimes et publics. […] Les œuvres de Tolstoï tendent à représenter une société entière ; ils en embrassent et le contenu moyen et les extrêmes de conditions, d’événements, de caractères, de scènes, d’âge ; ils la reproduisent non de haut, de loin, vaguement, par synthèses et abstractions, mais de près, par des descriptions où le lecteur se sent comme mis face à face avec la réalité, par des personnages étrangement vivants et individuels. […] Les maisons, les champs, les rues, les jours, les nuits, le train même de la vie, de l’histoire, de la société sont là ; on y trouve des hommes dignes d’amitié ou de haine, des femmes à aimer, des êtres à qui sourire et d’autres qui déplaisent ; les personnages ont le visage familier et humain, il y a des familles cordiales, de cérémonieux salons, des gens du peuple et des soldats ; les discussions s’engagent sur les éternels problèmes et l’on peut ensuite échanger les plus vains propos ; les êtres y aspirent, s’émeuvent et pensent avec l’infinie variété de nos semblables. […] L’homme le plus près d’accomplir cet acte d’adhésion à tout le réel, qui est le principe de tout grand poète et de tout grand penseur, est aujourd’hui le plus loin de cette soumission : il n’a souci que de réformer l’homme et la société, mettant en balance nos innombrables siècles de souffrances, de leçons, de règles lentement acquises, chimériques inspirations dont s’est consolée son âme inquiète. […] Il ne lui restait donc qu’à se retirer de la société telle qu’elle existe, à proclamer que le bonheur réside dans une réforme pratique du genre de vie de chacun, dans le renoncement à cette intelligence qui le torturait, à formuler enfin du fond de sa retraite une doctrine, qui contenait les préceptes pour atteindre le bonheur et qui, crue instantanément persuasive et applicable, jetait même sur ce monde, qu’il avait délaissé, un éclat au moins imaginaire de paix et de bonté.
L’antique Orient, c’est le monde immobile de l’infini ; la société gréco-romaine, c’est le développement de l’idée du fini ; la civilisation moderne, c’est l’expression du rapport entre le fini et l’infini. […] On a souvent essayé de déterminer avec quelque précision les caractères que revêtent successivement les sociétés dans l’enfance et la jeunesse, dans l’âge mûr, dans la vieillesse. […] A l’origine des sociétés, elle a plutôt pour effet d’entretenir la barbarie : l’état d’abjection dans lequel s’immobilisent certaines tribus sauvages résulte principalement des luttes incessantes qu’elles se livrent entre elles. — On a dit que chaque bataille est un gain pour la civilisation ; mais en fait la civilisation n’a-t-elle pas plutôt souffert de ces guerres interminables qui mirent l’Italie sous les pieds des conquérans espagnols, français, allemands ? […] Bouillier énumère avec une rare pénétration les dangers de toute sorte qui menacent les sociétés modernes, et, s’il jette un cri d’alarme, ce n’est pas qu’il soit pessimiste et désespère de l’avenir, c’est qu’à son avis on est trop tenté d’oublier où sont le remède et le salut. […] Ainsi la chasteté vaut mieux que la débauche, indépendamment des conséquences funestes que celle-ci peut entraîner pour l’individu ou la société.
Le cas est rare dans notre société ; mais le théâtre ne vit que de ce qui est rare. […] Celle qu’il a peinte n’était assurément pas la bonne société. […] C’est qu’une société (ou une classe de la société) se caractérise et se peint surtout par ses exceptions, j’entends par les exceptions qui lui sont propres. […] La table et le logement, tel est le souci de la société ! […] qu’y pouvait-elle, la société ?
En 1800, elles reparurent avec une Notice bien touchée de M. de Barante, qui avait recueilli quelques détails nouveaux (dont un pourtant très-hasardé, on le verra) dans la société de M. […] Cette décadence de Louis XIV, où la corruption pour éclater n’attendait que l’heure, faisait encore une société bien spirituelle, bien riche d’agréments ; cela était surtout vrai des femmes et du ton ; le goût valait mieux que les mœurs ; on sortait de Saint-Cyr, après tout, on venait de lire La Bruyère. […] Et en effet, jusqu’à la publication du fragment malencontreux, on avait cru dans la société que si M. de Ferriol avait eu à un moment quelque dessein sur elle, Mlle Aïssé avait dû à la protection des fils de Mme de Ferriol, et particulièrement à celle de d’Argental, de s’être soustraite aux persécutions de l’oncle. […] Lorsque d’Alembert publia en 1753 ses deux premiers volumes de Mélanges, Mme du Deffand consulta les diverses personnes de sa société ; elle alla, pour ainsi dire, aux voix dans son salon, et mit à part les avis divers pour que l’auteur en pût faire ensuite son profit ; c’est sans doute ce qui a procuré l’opinion du chevalier d’Aydie qu’on trouve recueillie dans les Œuvres de d’Alembert82. […] Les Lettres de Mlle Aïssé se lisent avec plaisir ; les personnes dont elle parle, les sociétés célèbres qu’elle rappelle à notre souvenir, sa sensibilité, ses malheurs causés par une passion violente et d’autant plus funeste qu’elle tue souvent ceux qui l’éprouvent sans intéresser à leur sort, tout cela, messieurs, devait sans doute exciter la curiosité de ceux qui aiment ces sortes d’ouvrages.
Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. […] C’est l’idée que chacun est intéressé au bien-être et à la santé morale de tous, et inversement ; et que si la société, dont nous ne retirons, nous autres, que bénéfices, commet des erreurs ou des oublis et fait des victimes, nous en devenons responsables, pour notre part, dès que nous nous retranchons dans notre égoïsme. […] L’esprit de votre société est excellent : il n’a rien d’étroit, rien d’administratif ni de formaliste. […] Ce que je ne puis vous dire, c’est, dans cette histoire un peu éparse et que je suis loin de vous avoir résumée tout entière, l’esprit, l’observation pénétrante, la finesse des remarques sur le train de la société actuelle (exemple : « Il y a aujourd’hui tant de déclassés qu’ils formeront bientôt une classe »), et, partout, l’admirable naturel du dialogue. […] Mais, de ces gens-là, il y en a évidemment dans toutes les classes de la société sans exception ; il y en a parmi le peuple et les ouvriers, comme parmi les gens du monde, et même parmi les littérateurs, les artistes, les esthètes et les socialistes.
Robert de Bonnières est assez connu du public comme romancier et comme essayiste, comme peintre mordant et aigu, de la société contemporaine.
Il aura l’approbation, l’applaudissement et, ce qui vaut mieux, la sympathie de tous ceux qui croient qu’une société, même démocratique, ne peut pas vivre sans idéal.
Villemain reçoit les feuilles savantes à mesure qu’elles sont imprimées, et en donne cette traduction où l’on trouve revêtues du plus beau style les plus profondes idées qu’on ait jamais émises sur la constitution de la société civile.
Recherché, chéri, révéré de tous ceux qui le connoissent ; bienfaisant sans ostentation, religieux sans fanatisme, indulgent pour les opinions d’autrui, zélé pour ses amis, affable pour tout le monde, inviolablement attaché à tous ses devoirs ; on peut dire que ses titres Littéraires ne sont, aux yeux de ceux qui jouissent de sa société, que la plus foible partie de son mérite.
Par son secours, il se trouvoit en état de citer à tout propos & sur toutes sortes de sujets, des morceaux Grecs, Latins, Italiens, François, quantité d’Historiettes & de Bons Mots qu’il avoit appris, soit dans les livres, soit dans les sociétés.
Un ambitieux les eût saisies comme un don imprévu de la fortune ; l’homme foible & facile à se laisser éblouir, se seroit trompé lui-même : l’homme de société, mais de bonne foi, ne vit dans ces honneurs, que la gravité d’un ministere capable d’alarmer par l’étendue des devoirs qu’il impose ; & ce qui pouvoit peut-être l’en rapprocher, c’est qu’il fut très - éloigné de s’en trouver digne.
Guizot ; et tout en signalant ce qui nous paraissait inacceptable dans l’ancienne orthodoxie, nous nous sommes demandé si le Christianisme transformé ne pourrait pas être l’issue de la crise religieuse dont souffre la société contemporaine.
Un corps vivant, plante ou animal, est une société d’organes ; or, chacun de ces organes est assez gros pour être saisi par nos sens, mesuré par nos instruments, détaillé par nos descriptions, figuré par nos dessins. […] Pareillement, dans ces sociétés humaines dont les caractères fixes ou changeants sont l’objet de l’histoire, les éléments, aisément saisis, nous font comprendre l’ensemble. Car ces éléments sont les individus humains dont une société à une époque donnée n’est que la collection, et nous n’avons point de peine à démêler leurs traits communs. […] Posez que, dans ces sociétés de molécules qu’on nomme corps, les habitants et les matériaux sont une seule et même chose : la comparaison s’appliquera très exactement. […] Par exemple, il s’agit pour l’astronome de chercher comment se sont formées les diverses planètes, pour le géologue de montrer comment se sont formées les couches étagées de l’écorce terrestre, pour le minéralogiste de découvrir comment se sont formées les différentes roches, pour le naturaliste de savoir comment se sont formées nos espèces végétales et animales, pour l’historien de démêler comment se sont formées les époques successives d’une même société humaine et les différents traits d’un caractère national.
Elle voyait dans la trahison de son mari avec une femme de la société, moins de scandale, moins de casse, et moins de dépense, qu’avec une cocotte. […] Puis bientôt des femmes s’adjoignaient aux hommes, et Bartet pariait un jour, qu’il ferait voir son nombril à la société, et ma foi relevant sa blouse, sous laquelle il était nu, il le faisait voir son nombril, et peut-être mieux que son nombril : — malheureusement, au moment où Mme Dinochau avait ses yeux « de tampons de locomotive » à la porte. […] C’était un très grand acteur, engagé à jouer pour une société, une société seule. […] Eh bien, ce serait une société dans deux maringotes, s’arrêtant, chaque soir, dans un coin de nature… et là, une causerie sur les plus grands sujets… cela me permettrait d’éjaculer un tas de choses, que j’ai en moi, et que je ne serais pas fâché de voir sortir… Tenez, jeudi, je me suis laissé aller à émettre devant des jeunes, deux ou trois idées, qu’il serait vraiment dommage de laisser perdre. […] À ce qu’il paraît, Jacques Blanche aurait entendu dans les sociétés qu’il fréquente, que la première serait houleuse.
On dira bien qu’un signe n’est pas tel par sa nature, par ses qualités positives ou négatives, mais par sa fonction, qu’un signe est un intermédiaire entre plusieurs apparitions d’une même idée, un instrument de société entre les idées d’un même homme263 ou entre des esprits logés en des corps distincts, que la signification est un rôle auquel toute image est propre, à la seule condition d’être matériellement réalisable par les organes ; pourvu que la fonction soit bien remplie, peu importe l’agent, semble-t-il. […] Si nous voulons représenter au dehors notre pensée, c’est lui que nous chercherons tout d’abord à imiter, et, si nous y parvenons, le signe intérieur, tout personnel, deviendra un signe extérieur, un instrument de société. […] Le mouvement est toujours possible si l’on est en fonds d’énergie morale et de sagesse pratique, et les matériaux pour de nouvelles habitudes ne font jamais défaut. — Pareille difficulté n’existe pas pour un homme privé de l’ouïe dès sa naissance ; si l’absence d’éducation et de société ne le placent pas dans des conditions défavorables, il aura bientôt comme nous un langage intérieur, composé il est vrai d’images visuelles et non sonores, d’ailleurs identique au nôtre, et les progrès de ce langage suivront ceux de son intelligence283. […] Souvent, dans la société, un bon mot éveille un rire général ; un des assistants reste impassible ; le silence rétabli, il se met à rire à son tour ; on se moque de lui ; « J’étais distrait, répond-il ; mon esprit était ailleurs. » La succession de faits que nous venons de décrire s’est produite dans son esprit ; le rire de ses compagnons l’a invité à se remémorer la phrase qu’il avait entendue sans l’écouter, et alors seulement il l’a comprise [ch. […] Dans toutes les sociétés, ces qualités sont naturellement peu répandues [§ 9], et surtout elles sont inégalement encouragées dans leur développement par les institutions et par l’opinion ; trop souvent, le sens commun, inquiet pour le sort du bon sens, se défend par la force et maintient les préjugés contre les entreprises de la réflexion.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
C’est ce qu’a fait madame Allart, et cela sans prodiguer les contrastes déclamatoires, sans s’arrêter à chaque instant pour s’étonner et faire remarquer, mais par le simple exposé, trop simple même et trop écourté souvent, de cette société qu’elle a observée à loisir.
. — Histoire des sociétés secrètes de l’armée (1815). — Jean Sbogar (1818). — Thérèse Aubert (1819). — Adèle (1820). — Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France (1820). — Smana ou les Démons de la nuit (1821). — Bertram ou le Château de Saint — Aldobrand (1821). — Trilby ou le Lutin d’Argail (1822). — Mélanges tirés d’une petite bibliothèque (1829). — Histoire du roi de Bohême et de ses sept châteaux (1830). — La Fée aux miettes, roman imaginaire (1832). — Mademoiselle de Marsan (1832). — Souvenirs de jeunesse (1839). — La Neuvaine de la Chandeleur ; Lydie (1839). — Trésor des fèves et fleur des pois ; le Génie bonhomme ; Histoire du chien de Brisquet (1844).
On peut en juger par l’Ouvrage immortel de la perpétuité de la Foi, fait en société avec Nicole ; par celui de l’Art de penser, non moins admirable dans son genre, & auquel il eut plus de part que ce dernier : la Grammaire générale & raisonnée qu’il composa avec Lancelot, est également digne du succès dont elle jouit.
Ses Contes ont été concentrés dans son porte-feuille par l'autorité du Gouvernement, & n'ont pas été répandus au delà des Sociétés libertines où il les débitoit.
On se défie, au contraire, de l’historien sophiste ; car, représentant presque toujours la société sous un jour odieux, on est incliné à le regarder lui-même comme un méchant et un trompeur.
Ces trois cours d’études achevés, le petit nombre des élèves qui les auront suivis jusqu’à la fin, se trouveront sur le seuil des trois grandes facultés, la faculté de médecine, la faculté de droit, la faculté de théologie, et ils s’y trouveront pourvus des connaissances que j’ai appelées primitives, ou propres à toutes les conditions de la société, à l’homme bien élevé, au sujet fidèle, au bon citoyen, toutes préliminaires, et quelques-unes d’entre elles communes aux études des trois facultés dans lesquelles ils voudront entrer91.