Le siècle qui portait ainsi l’empreinte des créations du génie de Descartes devait assister à d’autres créations non moins étonnantes, mais plus aimables et plus populaires. […] Voltaire, dans le roman de l’Ingénu, fait dire à son héros, à propos de l’histoire ancienne : « Je m’imagine que les nations ont été longtemps comme moi, qu’elles ne se sont instruites que fort tard, qu’elles n’ont été occupées pendant des siècles que du moment présent qui coulait, très peu du passé, et jamais de l’avenir. » Rien n’est plus vrai de notre littérature, et en particulier de notre théâtre, jusque vers le milieu du seizième siècle. […] Fontenelle, dans la Vie de Pierre Corneille, son oncle, a dit : « Pour juger de la beauté d’un ouvrage, il suffit de le considérer en lui-même ; mais pour juger du mérite d’un auteur, il faut le comparer à son siècle. » Il aurait dû ajouter : Et à ses devanciers. […] Et comme je comprends l’enthousiasme dont furent saisis nos pères, il y a un peu plus de deux siècles, quand ils virent cette aimable et pathétique image de la vie, et qu’ils entendirent cette voix des passions parlant le langage de tous les temps et de tous les pays !
L’œuvre de Richard Wagner est une rénovation artistique qui nous arrive ; la France a livré à l’Allemagne, pendant des siècles, le trésor de ses idées : l’Allemagne aujourd’hui a donné naissance à l’ouvrier miraculeux dont l’œuvre nous enrichira. […] En terminant cet aperçu, qui sans doute a paru très long et qui pourtant est fort sommaire, on peut ajouter qu’il doit y avoir eu un événement historique, vers le septième ou le huitième siècle, en Brabant, accusation injuste portée contre une princesse, litige à propos d’un royal héritage, tranché par la venue soudaine d’un prince on d’un guerrier. […] Comme la plupart des phénomènes de ce siècle, qui sont des exemples de dégénération, comme les a appelés Ray-Lankester, la mimique de nos opéras et nos opéras eux-mêmes en sont au même point qu’au dix-huitième siècle, lors de la splendeur de ce genre de spectacles, quand ce n’était qu’une série de tableaux vivants exécutés à Vienne, à Rome ou à Paris, pour un public blasé et riche. […] Nous ne pouvons, pour la même raison, étudier tous les gestes qui se trouvent dans ce drame ; nous nous bornerons à indiquer ce qui est unique dans l’histoire de l’art et ne se fait qu’à Bayreuth : nous voulons parler de cette mimique significative, qui suit, après tant de siècles, la tradition des chœurs des tragédies antiques.
Ceux qui tiennent pour les mœurs fières & sévères de l’ancienne tragédie & pour les passions les plus dignes de l’homme, se prévalent de l’exemple de Corneille, qui peint toujours en grand, qui s’est presque toujours élevé au-dessus de ce ton de galanterie à la mode dans son siècle. […] Il croyoit toujours voir le siècle de Trajan succéder à celui d’Auguste. […] Le goût de la parodie & du burlesque a été singulièrement en vogue parmi nous, au commencement du siècle dernier. […] Les philosophes du siècle n’ont pu la faire terminer en leur faveur.
À propos du clinquant qu’il avait reproché au Tasse, Boileau avait été blâmé par un traducteur du Tasse et déclaré plus poète que critique : contrairement à ces sentences du nouveau siècle, Marais tient ferme et reste dans les termes de sa première admiration : « Je dis que Despréaux était grand critique, qu’il l’a montré par ses Satires qui sont des critiques en vers, et que son Art poétique est un des plus beaux ouvrages de critique que nous ayons, aussi bien que ses Réflexions sur Longin. » Le président Bouhier, dans une dissertation savante, avait parlé un peu légèrement de Despréaux et de Bayle, les deux cultes de Marais ; celui-ci, après avoir lu la pièce manuscrite que lui avait communiquée l’auteur, le supplie (et il y revient avec instance) de modifier ce qu’il a dit d’eux et d’adoucir un peu ses expressions ; et il en donne, en définitive, une touchante et haute raison, tirée de Cicéron même, cette source de toute belle pensée et de toute littérature : « Multum parcendum est caritati hominum, ne offendas eos qui diliguntur. […] On peut dire que la lumière habituelle répandue dans l’atmosphère de chaque siècle n’est pas la même, et en chaque siècle elle varie ou variait selon les lieux et les conditions.
Vers la fin du siècle dernier, à la suite et à l’occasion de la découverte du texte et des scolies de l’Iliade dans la bibliothèque de Saint-Marc par Villoison, et de l’édition qu’il en donna à Venise en 1788, il s’est fait toute une révolution sur Homère, sur la manière d’envisager les poèmes homériques, leur mode de composition, leur mode de transmission longtemps oral, et aussi il s’en est suivi de graves remaniements dans la constitution du texte lui-même. […] Un grand et admirable érudit, un complet humaniste et un critique supérieur, Heyne, avait repris à temps, un siècle à peine après le Père de La Rue, toutes les questions concernant le divin poète qui n’avait cessé d’être présent et bien connu ; et précisément à la même époque où Wolf méditait ou proclamait sa révolution sur Homère, Heyne achevait de donner sa seconde, puis bientôt sa troisième édition du Virgile monumental où tout est rassemblé, éclairci, prévu en quelque sorte, et où il semble qu’il n’y ait plus que d’insignifiants détails à ajouter ou à corriger. […] Benoist (car je pense à lui) interroge l’inépuisable et bienveillante mémoire du comte Adolphe de Circourt ; elle ne lui fera pas défaut pour toutes ces illustres anecdotes de l’éloquence parlementaire anglaise depuis plus d’un siècle.
De combien d’autres en ce grand siècle le pourrait-on dire ? […] La manière d’écrire de Saint-Évremond n’est pas tout à fait celle que célèbrent et préconisent les partisans déclarés du grand siècle : elle est distinguée, elle n’est pas simple. […] Saint-Évremond, dans ses vues, est en avant de son siècle pour le drame comme pour l’histoire.
Un prêtre illustre qui est plus à nos yeux qu’un écrivain, et dont le saint caractère grandit en ce moment dans l’humilité du silence ; un philosophe méconnu , qui avait doté notre siècle de naturelles et majestueuses peintures ; puis des poëtes admirés du monde et surtout préférés de nous, comme celui que nous abordons en ce moment : ce sont là nos seuls choix jusqu’ici, et désormais nous n’en prévoyons guère d’autres. […] Ainsi les ans, Poëte, te consolent, Et tes chansons encore une fois volent, Derniers essaims ; non plus du lourd frelon Purgeant leur ruche à force d’aiguillon, Non plus épris du sein pâmé des roses, Des vins chantants dont tu savais les doses, Des trois couleurs du siècle adolescent : L’esprit d’un siècle a ses métempsycoses, Cher Béranger, la sagesse y consent.
I Les grands poëtes, les poëtes de génie, indépendamment des genres, et sans faire acception de leur nature lyrique, épique ou dramatique, peuvent se rapporter à deux familles glorieuses qui, depuis bien des siècles, s’entremêlent et se détrônent tour à tour, se disputent la prééminence en renommée, et entre lesquelles, selon les temps, l’admiration des hommes s’est inégalement répartie. […] C’est le propre des écrivains de cet ordre d’avoir pour eux la presque unanimité des suffrages, tandis que leurs illustres adversaires qui, plus hauts qu’eux en mérite, les dominent même en gloire, sont à chaque siècle remis en question par une certaine classe de critiques. […] Sans doute ses deux dernières pièces, Iphigénie et Phèdre, avaient excité contre l’auteur un redoublement d’orage : tous les auteurs siffles, les jansénistes pamphlétaires, les grands seigneurs surannés et les débris des précieuses, Boyer, Leclerc, Coras, Perrin, Pradon, j’allais dire Fontenelle, Barbier-d’Aucourt, surtout dans le cas présent le duc de Nevers, madame Des Houlières et l’Hôtel de Bouillon, s’étaient ameutés sans pudeur, et les indignes manœuvres de cette cabale avaient pu inquiéter le poëte : mais enfin ses pièces avaient triomphé ; le public s’y portait et y applaudissait avec larmes ; Boileau, qui ne flattait jamais, même en amitié, décernait au vainqueur une magnifique épître, et bénissait et proclamait fortuné le siècle qui voyait naître, ces pompeuses merveilles.
Dans l’autre genre de critique, que le mot de journaliste exprime assez bien, je mets cette faculté plus diverse, mobile, empressée, pratique, qui ne s’est guère développée que depuis trois siècles, qui, des correspondances des savants où elle se trouvait à la gêne, a passé vite dans les journaux, les a multipliés sans relâche, et est devenue, grâce à l’imprimerie dont elle est une conséquence, l’un des plus actifs instruments modernes. […] Chouet sur le venin des vipères et sur la pesanteur de l’air, il remarque que c’est là le génie du siècle et des philosophes modernes. […] Cette absence de Paris est sans doute cause que Bayle paraît à la fois en avance et en retard sur son siècle, en retard d’au moins cinquante ans par son langage, sa façon de parler, sinon provinciale, du moins gauloise, par plus d’une phrase longue, interminable, à la latine, à la manière du xvie siècle, à peu près impossible à bien ponctuer127 ; en avance par son dégagement d’esprit et son peu de préoccupation pour les formes régulières et les doctrines que le xviie siècle remit en honneur après la grande anarchie du xvie .
Otons ces vêtements surajoutés ; prenons l’homme en soi, le même dans toutes les conditions, dans toutes les situations, dans tous les pays, dans tous les siècles, et cherchons le genre d’association qui lui convient. […] Les estampes431 représentent dans une chaumière délabrée deux enfants, l’un de cinq ans, l’autre de trois, auprès de leur grand’mère infirme, l’un lui soulevant la tête, l’autre lui donnant à boire ; le père et la mère qui rentrent voient ce spectacle touchant, et « ces bonnes gens se trouvent alors si heureux d’avoir de tels enfants qu’ils oublient qu’ils sont pauvres » « Ô mon père432, s’écrie un jeune pâtre des Pyrénées, recevez ce chien fidèle qui m’obéit depuis sept ans ; qu’à l’avenir il vous suive et vous défende ; il ne m’aura jamais plus utilement servi. » — Il serait trop long de suivre dans la littérature de la fin du siècle, depuis Marmontel jusqu’à Bernardin de Saint-Pierre, depuis Florian jusqu’à Berquin et Bitaubé, la répétition interminable de ces douceurs et de ces fadeurs L’illusion gagne jusqu’aux hommes d’État. « Sire, dit Turgot en présentant au roi un plan d’éducation politique433, j’ose vous répondre que dans dix ans votre nation ne sera plus reconnaissable, et que, par les lumières, les bonnes mœurs, par le zèle éclairé pour votre service et pour celui de la patrie, elle sera au-dessus des autres peuples. […] C’est qu’à son endroit les philosophes du siècle se sont mépris de deux façons.
Alors naquirent les lyriques patriotes, comme Tyrtée, les lyriques philosophes, comme Orphée ou Solon, les lyriques érotiques, comme Anacréon et Sapho, les lyriques purement poétiques, comme Horace (chantant pour chanter et pour plaire) ; enfin les lyriques académiques de nos derniers siècles, comme Hafiz en Perse, Pétrarque en Italie, Dryden en Angleterre, Klopstock, Goethe, Schiller en Allemagne, Malherbe, Racine, Jean-Baptiste Rousseau, Lefranc de Pompignan et les grands chanteurs contemporains de notre pays, au sommet desquels chantait Victor Hugo, enfant, ce Benjamin de la tribu de la lyre. […] VI Telle était la langue que David allait avoir à faire chanter, prier, pleurer pour toutes les prières, pour tous les hymnes et pour tous les sanglots des siècles. […] Revenant sans cesse au prix inestimable des louanges distribuées par le poète à ses héros : « Comme le vent emporte le navigateur sur la plaine liquide, « Comme les rosées abondantes engraissent la terre et la fécondent, « Ainsi les louanges des poètes contemporains aux hommes qui veulent illustrer leurs noms par leurs vertus ou par leurs victoires, « Les hymnes plus douces que le miel, transmettent leurs exploits aux siècles à venir !
Venez donc, et ne manquez pas d’apporter avec vous la lyre d’Orphée. » Quels que fussent les progrès de Côme dans la doctrine de son philosophe favori, il y a lieu de croire qu’il appliquait à la vie active et réelle les préceptes et les principes qui étaient pour les subtils dialecticiens de son siècle une source si abondante de disputes interminables. […] On pourrait excuser sur les mœurs de ce siècle une circonstance qui paraît démentir la gravité du caractère de Côme de Médicis : mais lui-même dédaigna une pareille apologie, et, reconnaissant les erreurs de sa jeunesse, il voulut réparer auprès de la société l’atteinte qu’il avait portée à des règlements salutaires, en s’occupant avec intérêt de donner à son fils illégitime des principes de vertu et une existence honorable. […] Cette institution, qui dura plusieurs années, soutint le crédit de la philosophie platonicienne, et lui donna même un éclat tel, que ceux qui la professaient furent considérés comme les hommes les plus respectables et les plus éclairés de leur siècle.
Lais brefs et sans lien, romans de Tristan, romans de la Table ronde, romans du Saint Graal, tout cela fit en un peu moins d’un siècle une masse vraiment prodigieuse de littérature, à peu près achevée vers 125053. […] Il faut lui tenir compte aussi d’avoir enchanté son siècle, dont il réalisait toutes les aspirations, et caressait tous les goûts. […] Peut-être amusèrent-ils le public plus qu’ils ne l’édifièrent, et y regarda-t-on les aventures plutôt que la morale : cette proscription de l’amour n’avait aucune chance de succès, et il faut peut-être venir à notre siècle incrédule et curieux pour que cette conception mystique soit pleinement comprise en son étrange et déraisonnable beauté.
Nos romanciers avaient donc pu nous tracer des silhouettes ecclésiastiques assez exactes, nous peindre parfois avec assez de bonheur les diverses allures des prêtres dans leurs relations avec le siècle et nous montrer des abbés Bournisien (Madame Bovary) et des abbés Blampoix (Renée Mauperin) ; mais le prêtre chez lui et dans son for intime, le prêtre à l’église et dans la vie ecclésiastique, le prêtre dans ses rapports avec ses confrères et avec ses supérieurs, voilà ce qu’on ne nous avait point fait voir encore, parce qu’en effet cela est très difficile à connaître. […] Il est absolument nécessaire, pour concevoir nettement et pour définir l’esprit ecclésiastique, de connaître aussi et même d’avoir l’autre, l’esprit laïque, l’esprit du siècle. […] Nulle communication avec le dehors ; les livres du siècle ne vous parviennent qu’en petit nombre, résumés et réfutés.
En peu de temps, Genève fut faite à l’image de cet homme, dont la vie ne devait être désormais qu’un jeûne et une insomnie, dur aux autres comme il l’était à lui-même, et qui travailla plus qu’homme vivant, même dans ce siècle des travaux prodigieux et des vies consumées par la fièvre du savoir. […] Je ne vois pas sans admiration, à l’entrée même des trois grands siècles de notre littérature, deux hommes si profondément divers, et toutefois si Français, Rabelais et Calvin. […] Mais que pourrais-je dire de la langue de Calvin qui ne dût être froid, après le bel éloge qu’en a fait Bossuet, lequel lui donne, outre la gloire d’avoir aussi bien écrit en latin qu’homme de son siècle, celle d’avoir excellé à parler la langue de son pays73 ?
Le mal pourtant ne disparut pas, il est inhérent à la nature humaine ; sous les formes les plus diverses, il reparaît à travers les siècles. […] Elle a reparu de nos jours, et marqué de son signe les premières générations de ce siècle. […] « Laffemas, dit-il, a passé pour un grand bourreau ; mais il faut dire aussi qu’il est venu en un siècle où l’on ne savait ce que c’était que de faire mourir un gentilhomme, et le cardinal de Richelieu se servit de lui, pour faire ses premiers exemples. » Et plus loin : « Laffemas n’a pas passé pour voleur dans ses intendances ; je crois qu’il avait les mains nettes ; il était effectivement bon homme. » Cependant Diane et M. de Pienne luttent de sang-froid et de fermeté contre les ruses et les soupçons du sbire.
Élevé chez les Jésuites de qui il ne prit que le goût des lettres, initié à la jurisprudence auprès du célèbre conseiller janséniste l’abbé Pucelle de qui il ne prit que l’intégrité et la doctrine, il fut de bonne heure de son siècle par une certaine liberté d’esprit que ne connaissait point l’âge précédent, ou qui du moins n’y était point de droit commun. […] Je ne sais pas si j’aurais la vertu de cet état, mais heureusement ce n’est pas le mien ; je suis chargé d’une police qui concerne les gens de lettres, les savants, les auteurs de toute espèce, c’est-à-dire des gens que j’aime et que j’estime, avec qui j’ai toujours désiré de passer ma vie, qui font honneur à leur siècle et à leur patrie. […] Mais ce qu’était surtout M. de Malesherbes, c’était un homme des anciens jours, se développant et se réjouissant un peu plus que de raison aux lumières de son siècle.
Isolé par goût, sans autre ambition que celle des lettres, des « saintes lettres », comme il les appelle, n’aspirant à rien tant qu’à les voir se retremper aux grandes sources et se régénérer, ne désespérant point d’y aider pour sa part en un siècle dont il appréciait les germes de vie et aussi la corruption et la décadence, il n’entra jamais dans la politique qu’à la façon d’un particulier généreux qui vient remplir son devoir envers la cause commune, dire tout haut ce qu’il pense, applaudir ou s’indigner énergiquement. […] André Chénier partageait à beaucoup d’égards les idées de son siècle, ses espérances, ses illusions même. […] … élevez donc la voix, montrez-vous… Ce moment est le seul qui nous reste : c’est le moment précis où nous allons décider de notre avenir… La perte d’un poste est peu de chose, mais l’honneur de la France a été plus compromis par de détestables actions qu’il ne l’avait été depuis des siècles.
Pourtant d’autres hommes très corrompus du siècle ne furent point cruels quand l’heure sanglante fut venue ; il y en eut même, comme Louvet, qui eurent de beaux élans d’humanité. […] Je me sens de quoi surnager dans le siècle. […] Certes, c’est quitter peu de chose qu’une vie malheureuse, dans laquelle on est condamné à végéter, le complice ou le témoin impuissant du crime… Je méprise la poussière qui me compose et qui vous parle ; on pourra la persécuter et la faire mourir, cette poussière ; mais je défie qu’on m’arrache cette vie indépendante que je me suis donnée dans les siècles et dans les cieux !
C’est avec joie qu’il vient à son tour, lui chétif, donner son coup de cognée, et élargir de son mieux l’entaille que Beccaria a faite, il y a soixante-six ans, au vieux gibet dressé depuis tant de siècles sur la chrétienté. […] Que les criminalistes les plus entêtés y fassent attention, depuis un siècle la peine de mort va s’amoindrissant. […] Elle qui s’était prostituée depuis trois siècles à tous les échafauds, la pudeur la prend.
Si le siècle lui paraissait infect, tout cloître, en revanche, était, à ses yeux, pur, céleste, innocent et sublime : autre manière d’illusion ! […] On dirait qu’il s’est passé des siècles entre les deux descriptions, tant le même objet y est présenté sous un jour différent et contraire.
Ce qui est sublime dans quelques discours anciens, ce sont les mots que l’on ne peut ni prévoir, ni oublier, et qui laissent trace dans les siècles, comme de belles actions. […] Ce sentiment de mélancolie que chaque siècle doit développer de plus en plus dans le cœur humain, peut donner à l’éloquence un très grand caractère.
Il est sans s’en douter le plus hardi frondeur du siècle. […] Ses yeux ont assisté à la comédie du siècle, son coeur n’y a point pris part.
Il a traversé son siècle, constamment dans la fièvre, emballé, débordant, jamais las, grisé de l’incessante fermentation de son cerveau ; et plus il disait, plus il avait à dire. […] Dès le milieu du siècle, il annonce, bien témérairement, que le règne des mathématiques est fini : mais il annonce, par une sûre divination, que le règne des sciences naturelles va commencer.
supposez un moment qu’après tout à l’heure deux siècles, d’Hacqueville soit revenu au monde, qu’il se mette à se ressouvenir de ce temps-là, à nous entretenir de Mme de Sévigné et de ses amis, à vouloir tout nous dire et ne rien oublier ; imaginez le récit intime, abondant, interminable, que cela ferait, un récit doublé et redoublé de circuits sans nombre et de toutes sortes de parenthèses ; ou, mieux encore, imaginez une promenade que nous ferions à Saint-Germain ou à Versailles en pleine cour de Louis XIV, avec d’Hacqueville pour maître des cérémonies et pour guide : il donne le bras à Mme de Sévigné, mais il s’arrête à chaque pas, avec chaque personne qu’il rencontre, car il connaît tous les masques, il les accoste un à un, il les questionne pour mieux nous informer ; il revient à Mme de Sévigné toujours, et elle lui dirait : « Mais, les d’Hacqueville, à ce train-là, nous n’en sortirons jamais. » C’est tout à fait l’idée qu’on peut prendre du livre de M. […] un parallèle suivi qui serait curieux pour l’histoire des mœurs du Grand Siècle.
Il demande au christianisme d’accepter les conditions nouvelles dans lesquelles la société est entrée depuis trois siècles, et qui sont la science libre, la conscience libre, la pensée libre. […] Guizot, par ce fait capital que le monde n’a pas toujours été tel qu’il est ; la vie a commencé sur la surface du globe ; les espèces animales ont aussi commencé ; l’homme a commencé également, Or, à moins d’admettre que la vie est le résultat des forces de la matière, et que l’homme, comme toute espèce animale, est le produit d’une lente élaboration des siècles, on est obligé d’avoir recours à la puissance surnaturelle du Créateur ; mais d’une part la doctrine de la génération spontanée, de l’autre la doctrine de la transformation des espèces, sont des hypothèses arbitraires, repoussées par la science.
Sans parler des équipées des nièces de Mazarin, qui gardèrent toujours un peu l’air aventurier de monsieur leur oncle, il y a telle anecdote dans cette piquante histoire qui donne une idée singulière du ton et du goût du grand siècle dans sa jeunesse. […] Tous ceux qui voudront ajouter à leurs notions sur le grand siècle devront consulter cet ouvrage, où l’érudition brille et fourmille sous les douces lueurs d’un esprit qui a les grâces que donne la vie, et qui est, comme toutes les supériorités expérimentées, tout à la fois désabusé et charmant.
La société qu’elle a fait vivre, qu’elle a animée, qu’elle a consolée, qu’elle a écoutée, cette société qui fut toute l’Europe pendant une moitié de siècle, n’est pas là davantage. […] En plus de la moitié d’un siècle et à tous tant qu’ils sont, — et ils sont nombreux, — ils ne disent pas un seul mot profond, piquant ou inattendu, sur quelqu’un ou sur quelque chose.
Les dons d’esprit de l’auteur de l’Orpheline ne sont, en effet, ni de cette société ni de ce siècle, quoique madame de Molènes comprenne mieux que personne et ce siècle et cette société.
Ainsi, dans notre siècle, les méthodes de construction et les hypothèses des métaphysiciens d’Allemagne ont précipité toutes les sciences particulières dans des voies nouvelles et leur ont ouvert des horizons inconnus. Nos Français du siècle dernier ont eu la même puissance, et méritent le même respect.
Il faut convenir pourtant que ceux même qui rient ne se corrigent pas ; un de mes voisins qui applaudissait le plus, avait le journal le Siècle dans son chapeau.
Introduction L’école du « document humain » Vers le milieu du siècle, il souffla comme un grand désir de vérité, car la science — dont l’objet est le vrai — étant restée jusque là spéculative, devenait d’utilité palpable, industrielle et efficace.
Il lui fit l’aumône d’un second plan dans sa notoriété ; les maîtres traînent à travers les siècles une suite de comparses qui encombrent la littérature ; rien d’odieux comme le pyladisme envahissant de ces gens, qui nécessitera bientôt une chambre de justice des réputations.
[Portraits du prochain siècle (1894).]
[Portraits du prochain siècle (1894).]
Pensez au nombre de livres que chaque siècle ajoute à la masse des livres déjà imprimés !
Une littérature, dont le développement s’étend sur plusieurs siècles, peut être assimilée à un puissant cours d’eau qui roule intarissable, reçoit sur la route de nombreux affluents et traverse beaucoup de pays divers.
Pour les écrivains morts depuis plusieurs siècles avons-nous des documents suffisants ?
Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste.
Rappelons-nous que les écrivains des beaux siècles littéraires ont ignoré cette concision affectée d’idées et de langage.
Au reste, c’est la religion qui, dans tous les siècles et dans tous les pays, a été la source de l’éloquence.