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1446. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Vicq d’Azyr. — II. (Fin.) » pp. 296-311

Il n’avait pas besoin, pour paraître affable, d’étudier ses gestes, de donner à un corps robuste des attitudes contraintes, d’adoucir l’éclat de sa voix, de réprimer la fougue de sa pensée, de cacher les impulsions d’une volonté absolue (c’était une allusion sans doute à quelque confrère moins favorisé) : la nature l’avait fait aimable ; c’est-à-dire qu’en lui donnant de la saillie, de la finesse et de la gaieté, elle y avait joint cette sensibilité, cette douceur, sans lesquelles l’esprit est presque toujours incommode pour celui qui s’en sert, et dangereux pour ceux contre lesquels il est dirigé. […] Il n’oublia jamais les avis que ce respectable vieillard lui avait donnés et qu’on ne saurait répéter trop souvent : « Empêchez, s’il se peut, lui disait Fontenelle, que vos amis ne vous louent à l’excès ; car le public traite à toute rigueur ceux que leurs partisans servent trop bien.

1447. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Ramond, le peintre des Pyrénées — II. (Suite.) » pp. 463-478

Lorsque le procès fut terminé et le cardinal absous, mais exilé à La Chaise-Dieu en Auvergne, Ramond l’y suivit, le servit encore quelque temps, puis se sépara de lui, avec trop d’éclat, disent les uns, avec tous les égards voulus, assurent les autres ; et certainement après avoir accompli au moins les devoirs essentiels que lui imposait une protection devenue vers la fin si compromettante et si ruineuse. […] Ce curieux voyage est le sujet d’un volume publié en 1789, sous le privilège, comme on disait, de l’Académie des sciences, et sous le titre d’Observations faites dans les Pyrénées, pour servir de suite à celles que l’auteur avait déjà faites sur les Alpes dix années auparavant.

1448. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — III » pp. 90-104

Ce que voulait Montluc, c’était de s’illustrer par une belle, par une incomparable défense, dont il fût à tout jamais parlé ; et comme il l’a dit du marquis de Marignan : « Il servait son maître, et moi le mien ; il m’attaquait pour son honneur, et je soutenais le mien ; il voulait acquérir de la réputation, et moi aussi. » Entre le marquis de Marignan et lui, c’était donc un pur duel d’honneur, et il s’agissait d’y engager les Siennois, qui jouaient un plus gros jeu, et de s’en faire assister jusqu’à l’extrémité moyennant toute sorte de talent et d’art ; en les séduisant, en les rassurant tour à tour, et surtout en évitant, peuple élégant et vif, de les heurter par la violence ; c’eût été feu contre feu. […] Il les harangue en son meilleur italien, et, dans cette occasion comme dans toute autre, il montre assez quelle importance il attache à savoir bien parler la langue des divers pays où il sert, et à joindre une certaine éloquence aux autres moyens solides : « Je crois que c’est une très belle partie à un capitaine que de bien dire. » Il remonte donc par ses paroles le moral ébranlé des Siennois, leur rend toute confiance, et l’on se promet, citoyens d’une part, colonels et capitaines de l’autre, de ne point séparer sa cause et de combattre jusqu’à la mort pour sauver la souveraineté, l’honneur et la liberté.

1449. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal de Dangeau. tomes III, IV et V » pp. 316-332

La mort soudaine de Louvois au sortir d’un travail avec Louis XIV (16 juillet 1691) est un des endroits de Dangeau que Saint-Simon commente le plus ; il fait de ce grand ministre un admirable portrait, où cependant, à force de vouloir tout rassembler, il a introduit peut-être quelques contradictions et des jugements inconciliables, comme lorsque après l’avoir représenté si absolu, si entier, il veut qu’il n’ait été bon qu’à servir en second et sous un maître. […] Le roi nous a dit qu’il n’avait jamais vu une si belle relation, et qu’il nous la ferait lire. » Les éditeurs ont eu l’heureuse idée de nous faire le même plaisir que Louis XIV à ses courtisans, c’est-à-dire de nous donner le texte même de la relation de M. de Luxembourg, conservée au Dépôt de la guerre, et de laquelle s’étaient amplement servis les historiens militaires du règne ; mais dans sa première forme et dans son tour direct, elle a quelque chose de vif, de spirituel, de brillant et de poli qui justifie bien l’éloge de Louis XIV, et qui en fait de tout point une page des plus françaises.

1450. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Mémoires et journal de l’abbé Le Dieu sur la vie et les ouvrages de Bossuet, publiés pour la première fois par M. l’abbé Guettée. — II » pp. 263-279

Tout ce second ordre, au reste, reconnaissait volontiers Bossuet pour son chef et son oracle, et, pour peu qu’il eût fait un signe, lui eût servi d’armée et de cortège. […] Il écrivait le 11 décembre 1702 à Fleury, non pas à l’abbé, mais à l’évêque de Fréjus, le futur premier ministre de Louis XV, « que l’esprit d’incrédulité gagnait toujours dans le monde ; qu’il se souvenait lui en avoir souvent entendu faire la réflexion ; que c’était encore pis à présent, puisqu’on se servait même de l’Évangile pour corrompre la religion des peuples ».

1451. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Fanny. Étude, par M. Ernest Feydeau » pp. 163-178

On annonça qu’on avait servi ; j’offris à Ellénore mon bras, qu’elle ne put refuser. […] Effaré par le grincement des verres, par le cliquetis de l’argenterie, par le frottement des porcelaines ; ébloui par la réverbération des touches de lumière sur les cloches bombées qui couvraient les plats ; ahuri par le va-et-vient des valets empressés qui servaient chacun, sans mot dire, glissant sans bruit sur les tapis, comme des ombres noires gantées de blanc ; suffoqué par la chaude atmosphère de la salle empreinte (imprégnée ?)

1452. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Mémoires du duc de Luynes sur la Cour de Louis XV, publiés par MM. L. Dussieux et E. Soulié. » pp. 369-384

L’abbé Le Dieu, ancien secrétaire de Bossuet, étant allé visiter Fénelon à Cambrai en septembre 1704, fut invité à dîner et à souper avec le prélat, et il nous a laissé un détail minutieux de tout ce dont il fut témoin en ce palais où régnait la politesse : « M. l’archevêque, dit-il, prit la peine de me servir de sa main de tout ce qu’il y avait de plus délicat sur sa table ; je le remerciai chaque fois en grand respect, le chapeau à la main, et chaque fois aussi il ne manqua jamais de m’ôter son chapeau, et il me fit l’honneur de boire à ma santé. » Du temps de M. de Luynes, il paraît que l’usage ordinaire de dîner le chapeau sur la tête subsistait encore, puisqu’il remarque qu’on se découvre quand on dîne avec le roi. […] Chauvelin, il disait : « Il s’ennuyait de ce que je vivais trop longtemps ; c’est un défaut dont je n’ai pas envie de me corriger si tôt. » Rencontrant dans un de ses salons, au milieu de trente personnes, M. de Bissy, dont on lui avait apparemment rapporté quelque propos, il va droit à lui, et le regardant en face : « Monsieur, vous voyez que je me porte bien ; cependant je ne mets point de rouge pour me donner un bon visage. » M. de Puységur, qui avait quatre-vingt-quatre ans77, demandait depuis longtemps d’être chevalier de l’Ordre, et il pressait là-dessus le cardinal, qui lui répondit tout naturellement : « Monsieur, il faut un peu attendre. » L’archevêque de Paris, M. de Vintimille, fort âgé, mais un peu moins que le cardinal, sollicitait un régiment pour son neveu, et faisait remarquer au cardinal qu’il importait de l’obtenir promptement, d’autant plus que, quand lui, oncle, ne serait plus là, ce serait pour le jeune homme un grand appui de moins : « Soyez tranquille, répondait le cardinal, je m’engage à lui servir de père et de protecteur. » Sur quoi M. de Vintimille, malgré toute sa politesse, ne put s’empêcher d’éclater : « Pour moi, monseigneur, je sens bien que je suis mortel, mais je me recommande à Votre Immortalité. » Jamais on n’a mieux compris qu’en lisant les présents mémoires cette lente et coriace ténacité, ce doux et câlin acharnement au pouvoir qui caractérise l’ancien précepteur de Louis XV.

1453. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — III » pp. 174-189

Joubert, d’ailleurs, apporta dans les conséquences de ce coup d’État, contrecoup du nôtre, la modération qui était dans son caractère et qui servait utilement de correctif à la chaleur de ses opinions. […] Il était chargé, dans cette première distribution des rôles, il était mis en demeure, de gagner avant tout un appoint d’illustration qui lui permît de servir ensuite d’instrument à de moins scrupuleux et à de plus habiles.

1454. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Serve de la pensée, La phrase saine et souple, en son ordre placée, Vit, commande déjà : le poète aux abois Poursuit encor la rime à travers champs et bois. […] Il s’accommode de ce qu’on lui sert à table en voyage ; il s’accommode de toutes les personnes qu’il rencontre, pourvu que ce soient d’honnêtes gens, socialement parlant.

1455. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Campagnes de la Révolution Française. Dans les Pyrénées-Orientales (1793-1795) »

Le général de Flers, nommé ensuite général en chef, était un homme de trente-six ans, de naissance noble, qui avait servi sous Dumouriez, et que recommandait l’honorable capitulation de Bréda ; ami de la Révolution, mais froid, renfermé en lui-même, et déjà débordé, il n’eut que le temps de rendre à l’armée qui s’essayait un éminent service ; puis, destitué, dénoncé comme traître, il alla périr à Paris sur l’échafaud. […] Il y avait eu fuite et déroute ; un bataillon de volontaires, dans sa panique, avait déclaré « qu’il ne voulait plus servir contre les Espagnols.

1456. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

C’est là le plus grand malheur qui puisse arriver au talent ; mais cependant la littérature dans son ensemble y gagnera… » Le bon Eckermann avait quelque peine pourtant à se figurer comment ce qui nuisait à chaque talent, considéré en particulier, pouvait servir à la littérature en général, et il demandait des explications. […] D’ailleurs nous ne pouvons pas tous servir notre pays de la même façon ; chacun fait de son mieux, suivant ce que Dieu lui a réparti.

1457. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Entretiens sur l’histoire, par M. J. Zeller. Et, à ce propos, du discours sur l’histoire universelle. (suite.) »

Si l’on ne voit pas, dit-il, « que tous les temps sont unis ensemble, que la tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font qu’une seule et même suite, que les Écritures des deux Testaments ne font qu’un même corps et un même livre » ; si on n’y découvre pas « un dessein éternel toujours soutenu et toujours suivi » ; si on n’y voit pas « un même ordre des conseils de Dieu qui prépare dès l’origine du monde ce qu’il achève à la fin des temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue aux yeux de tout l’univers la sainte Société où il veut être servi, on mérite de ne rien voir et d’être livré à son propre endurcissement comme au plus juste et au plus rigoureux de tous les supplices. » A un moment l’orateur impatient, le prédicateur se lève : « Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ? […] S’il attaque l’Hérésie par tant de moyens et plus encore que n’ont jamais fait ses prédécesseurs, ce n’est pas qu’il craigne pour son trône ; tout est tranquille à ses pieds, et ses armes sont redoutées par toute la terre : mais c’est qu’il aime ses peuples, et que, se voyant élevé par la main de Dieu à une puissance que rien ne peut égaler dans l’univers, il n’en connaît point de plus bel usage que de la faire servir à guérir les plaies de l’Église. » Erreur, abus de la parole et de l’éloquence !

1458. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Ceux qui ne l’aimaient pas, ceux qui prétendaient qu’il avait tourné trop tôt casaque au régime qu’il avait servi, et qu’il faisait trop aisément bon marché de cette sorte de pusillanimité plus en vue chez lui que chez d’autres, allaient jusqu’à dire que « c’était l’âme d’Arlequin dans le corps d’Alcide (ou d’Achille). » Je remarquerai simplement que M.  […] Beugnot n’eut guère à se louer après ce commun exil, et qui, de retour en France, sacrifia sans beaucoup de cérémonie l’homme utile et distingué dont il s’était servi d’abord.

1459. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires de madame de Staal-Delaunay publiés par M. Barrière »

Enfin j’avois acquis, quoique infiniment petite, tous les défauts des grands : cela m’a servi depuis à les excuser en eux. » Ainsi élevée, ainsi traitée jusqu’à l’âge de vingt-six ans sur le pied d’une perfection et d’une merveille, lorsqu’elle tomba plus tard en servitude, ce fut comme une petite Reine déchue, et elle en garda les sentiments, « persuadée qu’il n’y a que nos propres actions qui puissent nous dégrader », dit-elle ; aucun fait de sa vie n’a démenti cette généreuse parole. […] Je sentois cependant que chaque instant l’éloignoit de moi, et ma peine prenoit le même accroissement que la distance qui nous séparait. » Nous surprenons ici le défaut ; cette peine qui croît en raison directe de la distance, c’est plus que du philosophe, c’est bien du géomètre ; et nous concevons que M. de Silly ait pu dire à sa jeune amie dans une lettre qu’elle nous transcrit : « Servez-vous, je vous « prie, des expressions les plus simples, et surtout ne faites « aucun usage de celles qui sont propres aux sciences. » En homme du monde, et plein de tact, il avait mis d’abord le doigt sur le léger travers.

1460. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVII. De la littérature allemande » pp. 339-365

Se peut-il que, sur cette terre, on veuille du don de la vie, lorsqu’elle ne sert qu’à former des liens que doit briser la mort, qu’à aimer ce qu’il faut perdre, qu’à recueillir dans son cœur une image dont l’objet peut disparaître du monde où l’on reste encore après lui !  […] L’on ne peut juger jusqu’à quel point les ménagements employés par Wieland sont politiquement nécessaires ; mais je répéterai59 que, sous le rapport du mérite littéraire, l’on se tromperait en croyant donner plus de piquant aux vérités philosophiques par le mélange des personnages et des aventures qui servent de prétexte aux raisonnements.

1461. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Ils préparent les matériaux qui servent à écrire les beaux livres. […] Ce travail est un de ceux qui nous montrent le mieux comment l’examen d’une question très particulière peut servir à l’éclaircissement de questions essentielles et très générales, et quel rapport il peut y avoir entre l’effort obscur d’un vieil archiviste acharné sur quelque manuscrit poudreux et l’œuvre glorieuse d’un Mommsen ou d’un Renan.

1462. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIV. La commedia dell’arte au temps de Molière (à partir de 1662) » pp. 265-292

Le rôtisseur part de là pour lui demander sa pratique et surtout le payement du repas qu’il a fait servir chez lui à douze francs par tête. […] « Rien, madame, répond-il, vous trépaner seulement, pour vous désennuyer en attendant que le Docteur vienne. » Et comme, en s’en allant, elle le traite de fou : « Vous en avez besoin, lui crie-t-il, servez-vous de l’occasion, vous ne la trouverez pas toujours si commode. » Ces traits sont pris parmi les meilleurs que l’on puisse glaner dans le recueil.

1463. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

. — Il ne servirait à rien de dire que, si le goût littéraire varie, c’est que l’état social en se modifiant modifie l’état mental. […] Enfin, comme toujours, des êtres amphibies, appartenant par moitié à l’école détrônée et à celle qui la remplace, servent de liens entre les deux groupes.

1464. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Raphaël, pages de la vingtième année, par M. de Lamartine. » pp. 63-78

Ces pages, qui n’ont servi encore à aucune autre génération précédente, et qui semblent avoir été faites chaque matin tout exprès pour nous, nous deviennent aussitôt comme propres et intimes. […] Une riche nature sans doute les sert mieux et les enchante ; la grande nature admirée ensemble est le plus bel accompagnement d’un noble amour.

1465. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Marie-Antoinette. (Notice du comte de La Marck.) » pp. 330-346

Et encore (10 octobre 1791) : « La reine, avec de l’esprit et un courage éprouvé, laisse cependant échapper toutes les occasions qui se présentent de s’emparer des rênes du gouvernement, et d’entourer le roi de gens fidèles, dévoués à la servir et à sauver l’État avec elle et par elle. » En effet, on ne revient pas d’une si longue et si habituelle légèreté en un jour ; ce n’eût pas été trop du génie d’une Catherine de Russie pour lutter contre les dangers si imprévus à celle qui n’avait jamais ouvert un livre d’histoire en sa vie, et qui avait rêvé une royauté de loisir et de village à Trianon : c’est assez que cette frivolité passée n’ait en rien entamé ni abaissé le cœur, et qu’il se soit trouvé dans l’épreuve aussi généreux, aussi fier, aussi royal et aussi pleinement doué qu’il pouvait l’être en sortant des mains de la nature. […] Son indignation ne se contenait point contre ceux-ci : « Les lâches, après nous avoir abandonnés, s’écriait-elle, veulent exiger que seuls nous nous exposions et seuls nous servions tous leurs intérêts ».

1466. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

James Ward remarque avec raison que ce résultat suspensif produit par la peine sert à ce qu’on pourrait appeler l’éducation intérieure de l’animal, mais qu’il ne lui apprend encore que fort peu de chose sur le dehors et qu’il sert peu à étendre les relations de l’individu avec son milieu.

1467. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Des faits encore, déguisés sous une conversation, jetés en parenthèse, arrivant comme par hasard au bout d’une phrase, servent à caractériser ces personnages fugitifs qui ne traversent qu’une page, à décrire un lieu, à spécifier une sensation par une comparaison, à montrer en raccourci l’aspect et les êtres d’un salon, à noter le paroxysme d’une maladie ou l’affolement d’une passion, à marquer les réalités d’une répétition, la physionomie d’un souteneur, l’aspect particulier d’un public de cirque à Paris, le débraillé d’un cabotin, la colère d’une atrice ou d’une petite fille ; et, dans cette profusion de notes, d’anecdotes, d’incidents, de gestes et de mines, il en est que l’auteur nous donne par surcroît, sans nécessité pour le roman, comme une bonne partie des premiers chapitres de la Faustin, comme ce souriant récit où Mascaro, le fantastique et vague serviteur du maréchal Handancourt, emmène Chérie dans la forêt « voir des bêtes », et sous les grands arbres précède la petite fille émerveillée, faisant chut de la main sur la basque de son habit noir. […] Mais où le sens du joli éclate, c’est dans son nouveau livre, dans cette charmante étude de l’éclosion féminine qui forme la première moitié de Chérie, dans le geste mutin d’une petite fille perchée sur sa chaise et éventant sa soupe de son éventail ; dans la gaie répartie du maréchal consolant Chérie de s’apitoyer sur la douleur des parents des perdreaux servis à table ; dans la scène du baptême de la poupée ; dans l’inquiet effarement d’une troupe d’enfants enfermés dans les combles ; dans la bienveillante et aimable idée qu’a la maréchale de greffer sur les églantiers de de la forêt de Saiut-Cloud les roses du jardin impérial.

1468. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Quant aux faits positifs et matériels, il est facile de démontrer combien la certitude peut en être affaiblie par l’examen même qui devrait servir à les constater. […] Ce qui sert à développer l’intelligence humaine n’est point à dédaigner.

1469. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

Paul Stapfer nous a servi dans un livre que je comparerai pour la simplicité et la limpidité du style à quelque blanche et transparente assiette de porcelaine de Saxe, après l’avoir coupé et nettoyé de ses parties mauvaises au fil d’une critique qui ressemble aussi, pour la pureté de son tranchant, à la lame d’argent de quelque couteau de dessert. […] Seulement, comme les femmes les plus belles, qui font de leur beauté leur première esclave, n’ont pas éternellement à leurs ordres tout leur regard ou toute leur voix pour s’en servir à point nommé, les grands artistes, ces femmes de la Pensée, n’ont pas non plus toujours à commandement l’inspiration qui les fait eux-mêmes… Mais alors, ce ne sont plus eux !

1470. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Mais ces quelques instants ont aussi une valeur pour la société, puisqu’ils servent précisément à la perpétuer, et que la perpétuité sociale est embranchée sur cette discontinuité de l’acte sexuel. […] Camille Mauclair (qui servent encore à nous montrer la pénétration de sa Magie de l’amour et d’une magie de l’art ) : " la caste des artistes est au monde la plus isolée avec celle des amants, et presque pour les mêmes raisons : désaveu universel, faculté de se priver du consentement universel, vaste aspiration vers la solitude, possession de secrets transfigurateurs.

1471. (1925) Feux tournants. Nouveaux portraits contemporains

Il n’est pas davantage le maître de sa nuit : « Vous devez travailler pour moi, et dormir pour moi, afin de mieux me servir à l’aube », lui jette son patron. […] On se jeta sur des écrivains qui n’étaient pas encore en possession de tous leurs moyens, les confondant ou les préférant parfois à ceux qui leur avaient servi de modèles. […] Dans quelle mesure l’œuvre exprime-t-elle le temps, le pays ; à quoi sert-elle ? […] il ne s’est point servi bien longtemps. […] il aimait passionnément faire valoir le droit qui devait ne pas lui servir.

1472. (1891) Lettres de Marie Bashkirtseff

Et cependant je me reproche d’y penser… puisqu’il ne me sert à rien. […] Que faire, j’ai fait afficher 200 francs de récompense et cela n’a servi à rien. […] Paul, Sacha et Dina sont aux petits soins auprès de moi ; Vassili fait très bien la cuisine, Rosalie sert avec entrain ; le soleil chauffe. […] Il fait encore assez beau et un lunch, servi en pleine forêt, à deux heures de toute habitation, est quelque chose de très chic. […] La table à thé est apportée toute servie comme au théâtre et il y a un moment où nous sommes toutes les six à le regarder boire son thé.

1473. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Les camarades ne voyaient alors en lui qu’un poète futur ou qu’un preux chevalier, je dirais presque un jeune et beau Danois, pour me servir du langage de l’époque.

1474. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

L’esprit, à les vouloir servir, perdrait ses peines ; ils ont des côtés fermés ; ils sont sourds à tout ce qui n’est pas eux et l’écho de leur propre pensée.

1475. (1875) Premiers lundis. Tome III « Maurice de Guérin. Lettre d’un vieux ami de province »

Sainte-Beuve dans la note qui sert de Préface à ces Mélanges, nous extrayons cette lettre de la belle Étude de George Sand sur l’auteur du Centaure (voir le volume intitulé Autour de la table, publié par Michel Lévy.

1476. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Objections d’un moraliste contre l’exposition de 1900. » pp. 162-167

De cette danse dérivent les levers, couchers et bains de filles qu’on nous a servis dans les cafés-concerts.

1477. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bataille, Henry (1872-1922) »

Dans cette pépinière, on connaît la formule dite décadente, cette fumisterie inventée par Tailhade et perfectionnée par M. de Montesquiou ; on se sert sans aucune vergogne du néant aromal, de la lampe des rêves que l’on accroche à l’urne des désespoirs (à moins que ce soit le contraire !) 

1478. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béranger, Pierre-Jean de (1780-1857) »

Louis Veuillot Il a, pour servir ses passions, dégradé la langue comme l’âme du peuple… Il a parodié les paroles de la prière pour outrager les sentiments chrétiens ; il a tourné en ridicule la foi, les sacrements, la pudeur et la mort… [Mélanges, tome III, 2e série.]

1479. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

Charles Morice À celui-ci exceptionnellement soyons sévère, car il a fait tout ce qui était en lui pour compromettre l’art qu’il croyait servir.

1480. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Vicaire, Gabriel (1848-1900) »

Continuer, après de tels livres, à ne voir dans Gabriel Vicaire qu’une façon de « poète du clocher », ce serait vraiment tenir à trop peu de prix les qualités de finesse, d’abandon, de bonhomie délicate, de verve gracieuse et franche, répandues d’un bout à l’autre de son œuvre ; ce serait oublier surtout qu’elles ont passé jusqu’ici « pour le fonds même des poètes de bonne race gauloise », qu’elles ont servi à distinguer tour à tour nos vieux « fableors » anonymes du moyen âge et leurs héritiers directs :

1481. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « De la peinture. A propos d’une lettre de M. J.-F. Raffaëlli » pp. 230-235

Raffaëlli, qui, comme on le sait par sa préface du catalogue de son exposition en 1884, est un théoricien de son art, parurent extrêmement intéressantes, et grâce à la personne qui servait de truchement, il fut possible d’en obtenir un exposé par écrit.

1482. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Préface »

Il arrive sans cesse qu’une chose, tout en étant nuisible par certaines de ses conséquences, soit, par d’autres, utile ou même nécessaire à la vie ; or, si les mauvais effets qu’elle a sont régulièrement neutralisés par une influence contraire, il se trouve en fait qu’elle sert sans nuire, et cependant elle est toujours haïssable, car elle ne laisse pas de constituer par elle-même un danger éventuel qui n’est conjuré que par l’action d’une force antagoniste.

1483. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

Mais, à côté de ces philosophes qui ont l’épouvantante netteté de l’erreur complète, il y en a d’autres, à lumières équivoques et troublantes, sur les lèvres de qui, par exemple, le respect du christianisme n’est pas effacé et qui se servent de la vérité même pour détruire la vérité.

1484. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre IV. Des éloges funèbres chez les Égyptiens. »

Alors on célébrait l’homme juste ; à l’aspect de sa cendre, on rappelait les lieux, les moments et les jours oh il avait fait des actions vertueuses ; on le remerciait de ce qu’il avait servi la patrie et les hommes ; on proposait son exemple à ceux qui avaient encore à vivre et à mourir.

1485. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre V. La Renaissance chrétienne. » pp. 282-410

Redoutable Dieu, qui ne ressemble guère à la calme intelligence qui sert aux philosophes pour expliquer l’ordre des choses, ni à ce Dieu tolérant, sorte de roi constitutionnel que Voltaire atteint au bout d’un raisonnement, que Béranger chante en camarade et qu’il salue « sans lui demander rien. » C’est le juste Juge impeccable et rigide, qui exige de l’homme un compte exact de sa conduite visible et de tous ses sentiments invisibles, qui ne tolère pas un oubli, un abandon, une défaillance, devant qui tout commencement de faiblesse ou de faute est un attentat et une trahison. […] Pareillement pour l’Hébreu, la nature et les hommes ne sont rien par eux-mêmes ; ils servent à Dieu ; ils n’ont point d’autre raison d’exister ni d’autre usage ; ils s’effacent à côté de l’Être solitaire et énorme qui, étalé et dressé comme une montagne devant la pensée humaine, occupe et couvre à lui seul tout l’horizon. […] Peu à peu la nature, le hasard ou le vice viennent nous prendre notre corps par morceaux, affaiblissant une portion, en relâchant une autre, en sorte que nous goûtons d’avance le tombeau et les solennités de nos propres funérailles, d’abord, dans les organes qui ont été les ministres du vice, puis dans ceux qui nous servaient pour l’ornement ; et au bout d’un peu de temps, même ceux qui ne servaient qu’à nos nécessités se trouvent hors d’usage et s’embarrassent comme les roues d’une horloge détraquée. […] Ceci est un temps qui servira d’exemple aux temps à venir393. » Cromwell trouve dans la Bible des prédictions, des conseils pour le temps présent, des justifications positives de sa politique. « Je crois vraiment que le Seigneur a dessein de délivrer son peuple de tout fardeau, et qu’il est près d’accomplir tout ce qui a été prédit au psaume 113. […] La grandeur des émotions élève aux mêmes sommets le paysan et le poëte, et ici l’allégorie sert encore le paysan.

1486. (1898) La poésie lyrique en France au XIXe siècle

Je ne lui reproche pas du tout de s’être servi de ce procédé ; au contraire, je le félicite de s’en être si bien servi. […] Eh bien, dit Alfred de Musset, tels sont aussi les festins que les poètes servent au public : Poète, c’est ainsi que font les grands poètes. […] Alfred de Vigny s’est servi de ce procédé pour mettre en vers, dans une série de pièces composant le recueil des Destinées, une philosophie qui lui est particulière. […] Il disait : « Rien ne sert à rien, et d’abord, il n’y a rien ; cependant tout arrive, mais cela est bien indifférent. » Être indifférent à toute chose, être indifférent à la vie politique, indifférent à la morale, indifférent au progrès, indifférent à tout ce qui préoccupe les autres hommes, et être sensible seulement à son art, aux choses de son art. […] Et c’est ce terme dont on s’est servi maintes fois contre Leconte de Lisle et son école.

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