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1728. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — J. — article » p. 539

Nous ne parlerons pas de sa Continuation de l’Histoire de sa Société, où la richesse de l’imagination & l’élégance de l’expression se font autant sentir, que les préjugés ultramontains qui lui attirerent la condamnation du Parlement de Paris.

1729. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » p. 398

On sent bien à quoi l’exposoit cette passion numismatique ; mais elle n’eut pas tout le mauvais succès qu’elle pouvoit avoir dans cette occasion.

1730. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Doyen » p. 102

Les amateurs disent que sa vanité le perdra ; c’est-à-dire qu’il sent leur médiocrité et qu’il méprise leurs conseils.

1731. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLVIe Entretien. Marie Stuart (reine d’Écosse) »

Ses prédilections étaient toutes pour Diane de Poitiers, qui sentait s’élever en elle une fille ou une émule future de beauté et d’empire. […] Si en quelque séjour, Soit en bois ou en prée, Soit sur l’aube du jour Ou soit sur la vesprée, Sans cesse mon cœur sent Le regret d’un absent. […] Qui ne sent dans de tels vers l’amant sous le poëte ? Mais l’amour et la poésie même, selon Brantôme, étaient impuissants à reproduire à cette période encore croissante de sa vie une beauté qui était dans la forme moins encore que dans le charme ; la jeunesse, le cœur, le génie, la passion qui couvait encore sous la sereine mélancolie des adieux ; la taille élevée et svelte, les mouvements harmonieux de la démarche, le cou arrondi et flexible, l’ovale du visage, le feu du regard, la grâce des lèvres, la blancheur germanique du teint, le blond cendré de la chevelure, la lumière qu’elle répandait partout où elle apparaissait, la nuit, le vide, le désert qu’elle laissait où elle n’était plus, l’attrait semblable au sortilége qui émanait d’elle à son insu et qui créait vers elle comme un courant des yeux, des désirs, des âmes, enfin le timbre de sa voix qui résonnait à jamais dans l’oreille une fois qu’on l’avait entendu, et ce génie naturel d’éloquence douce et de poésie rêveuse qui accomplissait avant le temps cette Cléopâtre de l’Écosse sous les traits épars des portraits que la poésie, la peinture, la sculpture, la prose sévère elle-même nous ont laissés d’elle ; tous ces portraits respirent l’amour autant que l’art ; on sent que le copiste tremble d’émotion, comme Ronsard en peignant ; un des contemporains achève tous ces portraits par un mot naïf qui exprime ce rajeunissement par l’enthousiasme qu’elle produisait sur tous ceux qui la voyaient : « Il n’y avoit point de vieillards devant elle, écrit-il : elle vivifioit jusqu’à la mort. » VI Un cortége de regrets plus que d’honneur la conduisit jusqu’au vaisseau qui allait l’emporter en Écosse. […] À son retour en France, l’ambassadeur avait amené Rizzio avec lui, à la cour de François II ; attaché à un des seigneurs français qui avait escorté Marie Stuart en Écosse, la jeune reine l’avait demandé à ce seigneur pour conserver auprès d’elle, dans ce royaume où elle se sentait moins reine qu’exilée, un souvenir vivant des arts, des loisirs et des délices de la France et de l’Italie, pays de son âme ; musicienne elle-même autant que poëte, charmant souvent ses tristesses par la composition des paroles et des airs dans lesquels elle exhalait ses soupirs, la société du musicien piémontais lui était devenue habituelle et chère.

1732. (1834) Des destinées de la poésie pp. 4-75

Il connaît mieux la marche des globes célestes qui roulent à des millions de lieues de la portée de ses faibles sens, qu’il ne connaît les routes terrestres par lesquelles la destinée humaine le conduit à son insu ; il sent qu’il gravit vers quelque chose, mais il ne sait où va son esprit, il ne peut dire à quel point précis de son chemin il se trouve. […] Nous ne croyons que ce qui se prouve, nous ne sentons que ce qui se touche ; la poésie est morte avec le spiritualisme dont elle était née ; et ils disaient vrai ; elle était morte dans leurs âmes, morte dans leurs intelligences, morte en eux et autour d’eux. […] Mme de Staël, génie mâle dans un corps de femme : esprit tourmenté par la surabondance de sa force, remuant, passionné, audacieux, capable de généreuses et soudaines résolutions, ne pouvant respirer dans cette atmosphère de lâcheté et de servitude, demandant de l’espace et de l’air autour d’elle, attirant, comme par un instinct magnétique, tout ce qui sentait fermenter en soi un sentiment de résistance ou d’indignation concentrée, à elle seule, conspiration vivante, aussi capable d’ameuter les hautes intelligences contre cette tyrannie de la médiocrité régnante, que de mettre le poignard dans la main des conjurés ou de se frapper elle-même pour rendre à son âme la liberté qu’elle aurait voulu rendre au monde ! […] Or, le drame populaire, destiné aux classes illettrées, n’aura pas de longtemps une expression assez noble, assez élégante, assez élevée pour attirer la classe lettrée ; la classe lettrée abandonnera donc le drame ; et quand le drame populaire aura élevé son parterre jusqu’à la hauteur de la langue d’élite, cet auditoire le quittera encore et il lui faudra sans cesse redescendre pour être senti. […]   Ces poésies auxquelles la soif ardente de cette époque a prêté souvent un prix, une saveur qu’elles n’avaient pas en elles-mêmes, sont bien loin de répondre à mes désirs et d’exprimer ce que j’ai senti ; elles sont très-imparfaites, très-négligées, très-incomplètes, et je ne pense pas qu’elles vivent bien longtemps dans la mémoire de ceux dont la poésie est la langue ; je ne me repens cependant pas de les avoir publiées ; elles ont été une note au moins de ce grand et magnifique concert d’intelligence que la terre exhale de siècle en siècle vers son auteur, que le souffle du temps laisse flotter harmonieusement quelques jours sur l’humanité, et qu’il emporte ensuite où vont plus ou moins vite toutes les choses mortelles.

1733. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Rechercher la vérité par la raison, la faculté la plus générale à la fois et la plus véritablement personnelle à chaque homme ; ne rien admettre dans son esprit qui ne soit évident ; bien définir les termes pour ne point confondre les principes, pour pénétrer toutes les conséquences, pour ne jamais raisonner faussement sur des principes connus ; subordonner toutes les facultés à la raison, et l’homme qui sent à l’homme qui pense ; réduire au rôle d’auxiliaires de la raison l’imagination et la mémoire, par lesquelles nous dépendons des choses extérieures et sommes à la merci de l’autorité, de la mode, de l’imitation : les grands écrivains du dix-septième siècle ne font pas autre chose. […] « Je me sentais vivre, dit-il, — il avait alors quarante ans, — et, me tâtant avec autant de soin qu’un riche vieillard, je m’imaginais presque être plus loin de la mort que je n’avais été en ma jeunesse. » Il mourait pourtant-moins de quinze ans après, ne causant pas moins de surprise que de deuil à ses amis, qui ne pouvaient comprendre qu’il fût mort sans l’avoir prédit. […] La foule la plus entraînée éprouve un certain respect pour celui qui se tient à l’écart ; elle sent involontairement qu’elle agit plus par passion que par raison, et qu’en ne la suivant pas on fait preuve de raison. […] Ce qui ne veut pas dire, on le comprend de reste, l’homme qui raisonne ou enseigne, mais l’homme qui sent, imagine, s’émeut, se passionne dans une mesure telle, que tout lecteur se reconnaît dans ses écrits, et que nous tenons pour nôtres ses sentiments, ses passions et sa raison. […] Puis ce sont nombre de mots fins et charmants qui sentent fort leur cartésianisme : « Je vous aime trop pour que les petits esprits ne se communiquent pas de moi à vous, et de vous à moi. » Et ailleurs : « J’aimerais fort à vous parler sur certains chapitres ; mais ce plaisir n’est pas à portée d’être espéré.

1734. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Chapitre IV. Le Séminaire d’Issy (1881) »

Un vivier est à l’advenüe Près la porte de ce verger, Qui, par une sente cognüe, En estang se va descharger Comme on voit les grandes rivières Se perdre au giron de la mer, Ainsi ces sources fontenières En l’estang se vont renfermer. […] Malheur à qui n’a senti ces mélancolies et ne sait pas combien de soupirs ont dû précéder les joies actuelles de nos cœurs ! […] Il sentait le don supérieur qui lui avait été départi ; puis, avec une sorte de fureur, il s’ingéniait à s’anéantir lui-même. […] On sentait une puissante individualité, que la foi s’était assujettie, mais que la règle ecclésiastique n’avait pas domptée. […] Ma conscience était tranquille ; j’arrivais même à croire que le mépris de la scolastique et de la raison, hautement professé par les mystiques, sentait l’hérésie et justement celle des hérésies que les sulpiciens orthodoxes trouvaient la plus dangereuse, je veux dire le fidéisme de M. de Lamennais.

1735. (1856) La critique et les critiques en France au XIXe siècle pp. 1-54

Diderot, dans ses Salons, sentit le souffle du génie des beaux-arts. […] Nous sentîmes avec Milton le bouillonnement tumultueux des guerres civiles et la sainte austérité de la parole biblique. […] Les grammairiens ont été souvent de petits esprits, étrangers à toute étude philosophique, incapables d’écrire et même de sentir une page éloquente. […] Aimez ce qui est bien ; sentez ce qui est grand et jugez d’après votre émotion. […] Convions donc à la critique quotidienne, à côté des auteurs connus par leurs ouvrages, ces écrivains moins entreprenants qui bornent leur ambition à étudier et à sentir les œuvres d’autrui.

1736. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Comment faire, se demande-t-il, pour être simultanément étonné de l’étrangeté du monde et s’y sentir bien chez soi ? […] Le sacrifice d’Abraham. — Raymond Lefebvreaf (Flammarion). — Que la guerre ait fait mourir des millions d’êtres qui ne justifiaient en rien cet égorgement et ne se sentaient pas poussés spécialement aux jeux de la mort la plus pouilleuse, c’est un fait navrant mais archi connu dans l’histoire. […] Vanderem éditionalise, n’a pas caché, dans le style qui lui est particulier, à certifier que l’auteur du miroir des Lettres sentait le fagot, le fagot bolcheviste, naturellement. […] La belle œuvre d’un écrivain qui sait également comprendre, sentir et aimer. […] À titre d’expérience, placez en regard de son étude sur Flaubert l’article de Sainte-Beuve sur Madame Bovary, et vous sentirez entre les deux manières l’abîme. », Fernand Vandérem, Le Miroir des lettres, 1re série (1918), Paris, Flammarion, 1919, p. 115.

1737. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Proudhon » pp. 29-79

corrompt autant que la richesse, répugnant également à tout servage et à toute fainéantise, resta un ouvrier aux mains pures comme son cœur, ne repoussant jamais sa besogne de misère comme indigne de son génie, quoiqu’il sentit pourtant bouillir en lui des facultés qui s’élançaient par-dessus le travail de ses mains ! […] Il rit même de la terreur qu’il leur inspire, et jouit comme d’une chose très comique d’être le Croquemitaine de son époque ; car il l’a été un instant, lui qui, malgré sa haine de Dieu et de la propriété, se sent, au fond, un si bon homme, et chanterait à, pleine voix, s’il pouvait chanter : Tenez ! […] Qui ne le sent pas, ne sent rien ! […] Il y a eu, de tout temps, de ces espèces de femmes, et la famille chrétienne a vécu à côté, — forte et impénétrable comme une forteresse, — sans pour cela se sentir menacée dans le cœur de sa vie intime et les racines mêmes de sa constitution.

1738. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Busquet, Alfred (1819-1883) »

Ce qui donne cependant une certaine unité à ces pages si diverses de ton et d’allure, c’est qu’on y sent toujours comme une senteur d’antiquité, alors même qu’elles sont à la mode du jour.

1739. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 341

Ses Noëls Bourguignons sont fort goûtés dans sa Patrie ; mais il faut être né dans ce pays-là, pour en sentir le mérite.

1740. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 273

C'est dommage que ces Discours ne soient pas tous égaux ; il y a une si grande différence entre eux, qu'on auroit peine à croire qu'ils soient de la même main, si la touche de l'Auteur ne s'y faisoit sentir par intervalles.

1741. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 413-414

Vavasseur a été le premier qui ait eu le bon esprit de sentir les travers du burlesque, & le courage de l'attaquer, dans le temps où il étoit le plus en vogue.

1742. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Le stile. » pp. 145-146

Les hommes pensent & sentent à peu près de même : mais ce qui distingue l’homme de génie, c’est la manière de démêler ses idées & de les rendre.

1743. (1927) André Gide pp. 8-126

Narcisse sent que son âme est adorable, mais voudrait en connaître la figure sensible et cherche un miroir. […] La première inquiétude vint à Rachel, lorsqu’elle sentit que Luc commençait à penser. […] Cette histoire sent un peu le fagot. […] Ce qu’il peint est plus beau que nous ne l’aurions senti par nos seuls moyens, mais non pas sans doute supérieur à ce qui est. […] Henri Massis a pu se sentir atteint.

1744. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il ne condamne point les actions de Strafford ou de Charles ; il les explique ; il montre dans Strafford le naturel impérieux, le génie dominateur qui se sent né pour commander et briser les résistances, qu’un penchant invincible révolte contre la loi ou le droit qui l’enchaîne, qui opprime par une sorte de nécessité intérieure, et qui est fait pour gouverner comme une épée pour frapper. […] On sent qu’il ne croit rien sans raison ; que, si on révoquait en doute l’un des faits qu’il avance ou l’une des vues qu’il propose, on verrait arriver à l’instant une multitude de documents authentiques et un bataillon serré d’arguments convaincants. […] Il a le souffle oratoire ; toutes ses phrases ont un accent ; on sent qu’il veut gouverner les esprits, qu’il s’irrite de la résistance, qu’il combat en dissertant. […] Plus nous lirons l’histoire des âges passés, plus nous observerons les signes de notre époque, plus nous sentirons nos cœurs se remplir et se soulever d’espérance à la pensée des futures destinées du genre humain1379. […] Par elles les événements épars se rassemblent en un événement unique ; elles les unissent parce qu’elles les produisent, et l’historien qui les recherche toutes ne peut manquer d’apercevoir ou de sentir l’unité qui est leur effet.

1745. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Béjot, Alfred »

Anonyme C’est un livre de poésie pure, c’est aussi un livre de réalité poignante, un salut en même temps qu’un adieu à la vie, puisqu’il s’agit d’un poète, atteint du mal inguérissable de la phtisie, dont il meurt, dont il se sent mourir, agonisant amoureux de la nature, des cieux de Provence, des joies des choses, des tendres caresses de la femme, de tout ce qui ravit les autres et qu’il faut quitter.

1746. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » p. 449

Son Traité des Sens, surtout, est plein d’idées neuves, profondes, & propres à faire sentir qu’il eût pu s’illustrer dans les Lettres, s’il s’y fût uniquement dévoué.

1747. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 305

On les lit encore avec fruit, quoiqu’on sente bien qu’il n’avoit pas toutes les qualités nécessaires pour être un bon Historien.

1748. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » p. 376

Il a su y réunir les meilleurs morceaux de nos Poëtes, & n’a pas craint de nuire à leur gloire, en écartant ce qui sent tant soit peu la licence.

1749. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 74-75

Il est de certains Esprits qui exigent des objets présens pour les animer & les féconder ; & tels de nos Poëtes modernes, qui ont cru se faire un nom en ne voulant rien devoir aux autres, n'ont fait que mieux sentir leur foiblesse, par la médiocrité de leurs créations.

1750. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 285

La raison & la vérité dédaignent toute parure recherchée, & le ton de la vraie Philosophie est ennemi de tout ce qui peut sentir l'emphase & la prétention.

1751. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » p. 305

On a voulu substituer aux Elégies une sorte d'Epîtres, connue sous le nom d'Héroïdes ; mais si on en excepte trois ou quatre, on conviendra que ce n'étoit pas la peine de créer un nouveau genre pour raisonner, métaphysiques, au lieu de peindre & de sentir.

1752. (1761) Salon de 1761 « Sculpture —  Challe  » pp. 161-162

Il crie ; il sent le bras qui le secourt ; il le saisit ; il le serre.

1753. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Taine, venu lui-même pour remercier le jeune homme inconnu, dont il avait senti la pensée tout imprégnée de la sienne. […] Puisse-t-elle faire sentir à vos lecteurs de quelle vénération il convient d’entourer le souvenir du grand écrivain dont je m’honore d’avoir été l’élève et l’ami ! […] S’il croit en eux lui-même, au point de vous forcer d’y croire, c’est qu’il est l’un d’eux, qu’il a leurs mœurs, leurs manières de sentir et de penser, leur origine. […] Ses disciples sentaient déjà ce point d’erreur dans la doctrine de leur maître. […] L’hypertrophie de l’Empire Germanique se fait sentir à l’Allemagne elle-même par son heurt avec les puissances qui l’entourent.

1754. (1930) Physiologie de la critique pp. 7-243

Et sa fonction est de sentir, de comprendre, d’aider à se formuler le présent, mais non de faire le tri dès maintenant ni de se placer au point de vue du passé. […] Le poète parle de ce qu’il a senti, le voyageur de ce qu’il a vu, le professeur parle généralement de ce qu’il a lu. […] Mais cette défense peut fort bien outrepasser son rôle bienfaisant, et la poussée de la génération présente doit faire sentir à cette critique que le passé n’est pas tout. […] Si nous faisons de la critique, nous tâchons, en écrivant, d’accroître nos plaisirs — plaisir de sentir, plaisir de comprendre — et de les faire éprouver par nos lecteurs. […] La première génération qui se soit sentie violemment distincte d’une autre, qui ait pris conscience d’elle-même en tant que génération, c’est la génération romantique de 1830.

1755. (1885) Le romantisme des classiques (4e éd.)

Il faut évidemment qu’on sente, qu’on retrouve, qu’on admire toujours la nature dans l’art, mais vue, interprétée et restituée d’une certaine façon par le génie particulier de l’artiste. […] Il semble, en relisant ce drame sublime, qu’on réalise la chanson des Hellènes dans la guerre de l’indépendance : « Aiglon, bois le sang des héros, tu sentiras croître ta serre ! […] Pour ranimer ce jeune héros et le relever du fond de l’abîme, son père sent qu’il n’est rien de tel qu’une nouvelle occasion de gloire. […] Rythme pour rythme : on sent les coups, on les entend. […] Alors le tour que prenaient ces disputes fit sentir au Cardinal la nécessité de les arrêter.

1756. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » p. 486

Comme il a travaillé sur la partie la plus ingrate de la Grammaire, ses Ouvrages sont peu répandus ; mais on n’en est pas moins obligé de rendre justice à ses connoissances, & au zele qu’il a eu pour les communiquer à ceux qui sont capables d’en sentir le prix.

1757. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » p. 63

LAMBERT, [Claude-François] Abbé, né à Dôle, mort à Paris en 1765, a composé des Romans, où le style du besoin & de la faim se fait sentir à chaque page ; & des Histoires, qu’on ne lit guere que pour les noms & les dates.

1758. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 216-217

La versification en est douce, harmonieuse & facile, le style pur, débarrassé de ces fadeurs amoureuses qu'on prodigue si maladroitement & jusqu'à la satiété sur le Théatre de l'Opéra : la pompe & le merveilleux y sont amenés par le sujet même, & sans le secours de la Mythologie, mérite qui n'a pas été assez senti, mais qui n'en fait pas moins honneur au talent du Poëte.

1759. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

Et l’on n’y sent pas l’effort. […] Et, ce rythme de la guerre, il nous le fait sentir avec une habileté impérieuse. […] Les Allemands se sentent à l’étroit chez eux. […] … Ils sentiront au moins l’odeur : quand on sent une fleur, on la voit… » Désormais Potterat n’aura plus d’hésitation : « Tout ce que j’ai dit à Bioley, je le retire ; tout, vous entendez !  […] M. de Chénier l’a bien senti, c’est un mot qui ne passe pas tout seul.

1760. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Appendice. »

Sentez donc, humez dans la Bible Judith et Esther. […] Ce que j’apprécie surtout, et ce que chacun sentira, c’est cette élévation d’esprit et de caractère qui vous a fait supporter tout naturellement mes contradictions et qui oblige envers vous à plus d’estime. […] « En un mot, les vrais poëtes de cette époque et de ces origines romantiques françaises sentaient et chantaient d’après eux-mêmes, bien plus qu’ils ne songeaient à imiter ou à étudier. […] Vers la fin, je sentais qu’il m’était difficile de ne pas lui dérober des pensées faites pour se produire d’elles-mêmes et en son nom.

1761. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Bruyère »

On apprend d’un morceau qui se trouve dans l’Esprit des Journaux (févr. 1782), et où l’auteur anonyme apprécie fort délicatement lui-même la Notice de Suard, que La Bruyère, déjà moins lu et moins recherché au dire de D’Olivet, n’avait pas été complétement mis à sa place par le XVIIIe  siècle ; Voltaire en avait parlé légèrement dans le Siècle de Louis XIV : « Le marquis de Vauvenargues, dit l’auteur anonyme (qui serait digne d’être Fontanes ou Garat), est presque le seul, de tous ceux qui ont parlé de La Bruyère, qui ait bien senti ce talent vraiment grand et original. […] , il nous dit, dans cet admirable chapitre des Ouvrages de l’Esprit, qui est son Art poétique à lui et sa Rhétorique : « Entre toutes les différentes expressions qui peuvent rendre une seule de nos pensées, il n’y en a qu’une qui soit la bonne : on ne la rencontre pas toujours en parlant ou en écrivant ; il est vrai néanmoins qu’elle existe, que tout ce qui ne l’est point est foible et ne satisfait point un homme d’esprit qui veut se faire entendre. » On sent combien la sagacité si vraie, si judicieuse encore, du second critique, enchérit pourtant sur la raison saine du premier. […] Bien des passages de Mme de Staël (De Launay) viennent à l’appui de ce qu’a dû sentir La Bruyère ; ainsi dans une lettre à Mme Du Deffand (17 septembre 1747) : « Les Grands, à force de s’étendre, deviennent si minces qu’on voit le jour au travers : c’est une belle étude de les contempler, je ne sais rien qui ramène plus à la philosophie. » Et dans le portrait de cette duchesse du Maine qui contenait en elle tout l’esprit et le caprice de cette race des Condés : « Elle, a fait dire à une personne de beaucoup d’esprit que les Princes étoient en morale ce que les monstres sont dans la physique : on voit en eux à découvert la plupart des vices qui sont imperceptibles dans les autres hommes. » 143. […] (Tout ceci et ce qui suit sent quelque peu la dénonciation.

1762. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre premier »

Au contraire, parmi les écrivains, plus on descend, plus l’imperfection se fait voir, jusqu’à ce qu’on en rencontre qui n’ont fait que sentir par la mémoire et écrire par l’imitation, et dont la connaissance, inutile aux esprits bien faits, pourrait être un piège pour ceux qui ne sont pas formés. […] Qui ne sent à première vue combien l’espèce de relâchement dans lequel nous vivons, par des causes qui ne sont pas toutes mauvaises, rend nécessaire une ferme croyance sur ce point ? […] Ils sentent la difficulté, et ils craignent la fatigue, que ne paye pas toujours le succès. […] Quant à la liaison, à cette suite et à cette jointure des idées, dont Horace a admiré la puissance en homme qui en avait senti la difficulté, que d’efforts d’attention n’y faut-il pas ?

1763. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

C’est Hobbes, dit-il213, et non pas Locke qui est le précurseur de cette psychologie du xviiie  siècle, qui a abouti à la formule célèbre « penser c’est sentir. » On doit lui reprocher aussi son matérialisme214. […] Supposons que l’oxygène ait une conscience, c’est-à-dire qu’il sente les changements. […] Si deux sons identiques se succèdent à un intervalle appréciable, on entendra deux sons ; si l’intervalle est inappréciable, aucune distinction ne sera sentie : on n’entendra qu’un son. […] Ces explications naïves supposaient une sorte d’imagination autocrate, sans sentir aucunement le besoin de découvrir un mécanisme particulier pour la production des résultats.

1764. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 457-512

Les Personnages de la Discorde, du Fanatisme, & de la Politique, sont sans doute puisés dans le systême du merveilleux ; mais on sent au premier coup d'œil, qu'ils ont une maniere d'exister & d'agir, dans son Poëme, absolument contraire à toute vraisemblance. […] Qui ne sentira que ce raisonnement est à peu près de la même force que celui de Scudéry, qui prétendoit également prouver la supériorité de sa Tragédie de l'Amour tyrannique, sur celle du Cid, parce qu'il y avoit plus de Suisses tués, à sa Piece, qu'à celle de Corneille ? […] L’attention de répéter sans cesse que le Czar est un grand Homme, annonce tout au plus un Ouvrage de commande, & ne persuaderoit pas la supériorité du Héros, s’il n’avoit pas lui-même d’autres titres pour la faire sentir. […] Qu'on rapproche ce qu'il dit dans de certaines occasions, de ce qu'il débite dans d'autres ; qu'on rapproche ses sentimens d'humanité, du mépris qu'il témoigne pour l'humanité en général ; ses déclamations contre les vices, des peintures séduisantes qu'il en fait ; son enthousiasme pour les vertus, du ridicule qu'il leur donne ; ses élans affectueux pour la tolérance, de ses rigueurs impitoyables contre les abus : & on sera à portée de juger, que s'il a été quelquefois réellement pénétré des belles maximes qu'il énonce, il ne l'a pas moins été des maximes qui leur sont contraires, puisque celles-ci paroissent aussi senties, aussi vives, & qu'elles sont aussi fortement énoncées & plus souvent répétées que les autres.

1765. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XII, les sept chefs devant Thèbes. »

Au nom de Polynice, Étéocle, jusque-là si calme, a tressailli comme le démoniaque qui sent l’Esprit du mal rentrer dans son être. […] Elle est là qui me presse les yeux secs de larmes ; elle me dit : la victoire d’abord et le reste après. » Les femmes insistent encore, attestant les Dieux qu’un sacrifice suppliant fléchira peut-être ; mais le fils maudit se sent condamné, et il accepte désespérément sa réprobation. — « Les Dieux depuis longtemps nous ont rejetés, ils ne demandent que notre mort. […] Mais à la façon dont il le contourne, sous la pluie de feu, comme un colosse de Michel-Ange, — dispettoso e torto, — on sent qu’il l’admire à l’égal de Farinata degli Uberti « ce magnanime », — quel magnanimo — qu’il rencontrait au cercle d’avant, dressé hors de sa fosse ardente « comme s’il avait l’Enfer en grand mépris ». […] C’est un orage qui va éclater, soufflé par les Esprits funéraires : les femmes le sentent gronder dans leur âme ; elles l’annoncent par des gestes qui battent leurs fronts en cadence, pareils à ceux des matelots fendant les vagues d’une mer émue : — « Amies !

1766. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre III. Des Livres nécessaires pour l’étude de l’Histoire sacrée & ecclésiastique. » pp. 32-86

Ce savant avoit fait une étude profonde de l’Ecriture-sainte ; & son érudition se fait sentir dans tout l’ouvrage. […] L’auteur seroit un des plus agréables historiens de la nation, s’il étoit moins diffus, plus circonspect dans ses termes ; s’il avoit moins employé d’expressions qu’il croyoit naturelles, & dont l’usage du monde lui auroit fait sentir l’indécence ; s’il eût moins recherché l’esprit & les agrémens ; si son coloris eût toujours répondu à la dignité de la matiere. […] Son livre n’est proprement qu’un abrégé de celui de Dom Ceillier ; mais on sent qu’il a été dirigé par un homme plein de l’esprit de la Religion, & qui avoit de l’ordre dans ses idées. […] Le même caractère de modération se fait sentir dans la Vie du Pape Sixte V. traduite de l’italien de Gregorio Leti en françois, in-12.

1767. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « II. M. Capefigue » pp. 9-45

Drames, romans, nouvelles, beaux-arts et jusqu’aux modes, tout, depuis trente ans, a porté, plus ou moins, l’empreinte de ce règne dont l’abbé Galiani disait avec son filet de voix claire : « Il y a des empires qui ne sont jolis que dans leur décadence », et pour lequel les Austères révolutionnaires de l’histoire, séduits comme des bourgeois par des duchesses, se sont parfois senti une indulgence, — que l’on comprend très bien, du reste, quand on regarde ce règne et ce temps, entre leurs trois grandes cariatides, Rousseau, Montesquieu et Voltaire. […] Capefigue que d’un parti qui semble lui avoir donné ses manières de sentir et de voir les choses. […] VI Quoique Louis XV ne fût ni un Louis XIV, ni un Henri IV, sinon par les vices de tous les deux, qu’il multiplia les uns par les autres, et qui furent les siens, cependant il eut aussi son rayon de gloire, cette rose d’honneur militaire, cette enivrante rose qui sent la poudre et que la Postérité n’oubliera pas sur sa poitrine, à côté de son cordon bleu. […] Or, qui parlemente se sent vaincu.

1768. (1898) Les personnages de roman pp. 39-76

Est-il possible de ne pas sentir que la minutieuse exactitude des détails humains ne suffit pas pour exprimer un rôle et une vie qui n’ont de sens qu’autant qu’ils sont, par un certain côté, divins ? […] Je ne suis jamais couchée avant minuit, ce qui est tard, quand on a une journée de travail derrière soi et une autre devant. » Une autre m’a dit : « Savez-vous ce qu’on souffre, quand on se sent impuissante devant un travail qui est un gagne-pain ? […] Supposez un taillis de jeunes chênes qui auraient conscience du développement graduel et de l’épanouissement de leurs bourgeons ; qui sentiraient grandir en eux la feuille, la branche, l’arbre que personne n’aperçoit, et qui penseraient : « Ah ! […] Simples figures d’abord, ébauches où dort une âme frêle, ils se développent, ils parlent, ils prennent une fermeté de traits où l’on sent que l’heure est proche de la vie agissante.

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