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1791. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre premier. Considérations préliminaires » pp. 17-40

Ne semble-t-il pas alors que jamais écrivain ne fut placé dans une position plus heureuse, sous le rapport de l’indépendance, puisque je ne tiens mes opinions ni des hommes, ni des choses, ni de ma position dans le monde, ni d’un sentiment personnel et intéressé qui me fasse aimer ou craindre les circonstances actuelles, chérir ou redouter les souvenirs anciens ? […] En effet, lorsque la Providence veut punir les hommes, elle semble leur enlever pour un temps la liberté dont ils abusèrent, et les placer en quelque sorte sous l’empire de la nécessité : alors paraît au milieu des peuples, ou le fléau de Dieu, ou l’homme du Destin ; mais aussitôt que cette mission redoutable est accomplie, le fléau de Dieu est brisé, l’homme du Destin reste sans pouvoir, les nations sont rendues à la liberté. […] Ainsi, lorsque la nation française vint à tourner les yeux du côté de la terre de l’exil, elle sembla proclamer la pensée généreuse, de revenir au culte si moral des aïeux, de renoncer à l’idolâtrie.

1792. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lawrence Sterne »

II Et la vie semble elle-même bouffonner autour de lui avec le même sourire et avec les mêmes larmes. […] Stapfer à la tête de son volume, il semble bien mieux qu’il ne dit. […] Enfin, dans ce livre de critique sur Sterne, Tristram Shandy voile trop, selon moi, s’il ne l’écrase pas, le Voyage sentimental, aussi vivant, aussi dramatique, aussi pénétrant, aussi piquant pour le moins que Tristram Shandy, et sans l’encadrure de plomb, sans ces pages de Tristram Shandy qui semblent des partis pris de bouffonnerie presque insolente, des mystifications au lecteur.

1793. (1936) Réflexions sur la littérature « 6. Cristallisations » pp. 60-71

Il me semble qu’au risque de paraître moins transparent et moins complet, on pourrait aussi bien suivre la méthode inverse, projeter le livre analytique et explicatif de l’amour dans l’ordre synthétique, esthétique et vivant où se plaçait Stendhal lorsqu’il écrivait le Rouge et la Chartreuse. […] Delacroix : « l’énergie est chez lui l’aspiration de l’énergie, le rêve de l’énergie, la nostalgie d’un passé historique plutôt que la puissance de construction d’un avenir. » L’image de la cristallisation qui forme le leit-motiv du livre est à la fois le produit d’une imagination musicale, une figure de la réalité amoureuse : " il me semble, dit Stendhal dans une lettre, qu’aucune des femmes que j’ai eues ne m’a donné un moment aussi doux et aussi peu acheté que celui que je dois à la phrase de musique que je viens d’entendre. " la musique, surtout telle que la goûtait Stendhal qui n’y sentait qu’un motif de rêverie, c’est le monde et l’acte mêmes de la cristallisation parfaite, de sorte que Beyle, amoureux de second plan, simple amateur en musique, se définirait peut-être comme un cristallisateur. […] Mauclair sur l’amour, une Magie de l’art, à laquelle les dernières lignes de son livre actuel semblent préparer, comme les dernières lignes de L’amour physique préparaient la magie de l’amour.

1794. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion statique »

semble d’ailleurs s’en être tenu M.  […] Ni impulsion ni attraction, semble-t-elle dire. […] Il semble que, d’après eux, cette croyance dérive de cette conception. […] L’organisation de l’homme semblait en effet le prédestiner à une vie plus modeste. […] A cette hypothèse on semble en préférer aujourd’hui une autre.

1795. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Alexis Piron »

L’Antiquité, qu’on nous vante toujours, nous trompe sans cesse ; nous ne sommes plus au temps d’Horace et de Pétrone, où ce genre de peccadille ne semblait que jeu et gentillesse. […] Piron, que le Ciel semble m’avoir envoyé pour passer le temps agréablement. […] Tout, d’ailleurs, contraste en eux, là même où ils sembleraient se rapprocher. […] Le temps et les talents, quand on en a, doivent, ce me semble, être mieux employés. […] Piron, j’ai trop tardé à le dire, a eu un malheur, il a fait en sorte qu’il est difficile, entre honnêtes gens, et qu’il semble peu honorable de parler longuement de lui.

1796. (1864) Cours familier de littérature. XVII « CIe entretien. Lettre à M. Sainte-Beuve (1re partie) » pp. 313-408

Vous aimiez la révolution de 1830, bien que vous ne l’eussiez pas préparée ; je ne l’aimais pas, elle ne me semblait pas loyale et pas complète. […] Combien doivent leur faute à leur sort rigoureux, Et combien semblent purs qui ne furent qu’heureux ! […] L’étude d’abord semble lui offrir une distraction pleine de charme et puissante avec douceur ; mais la curiosité de l’esprit, qui est le mobile de l’étude, suppose déjà le sommeil du cœur plutôt qu’elle ne le procure ; et c’est ici le cœur qu’il s’agit avant tout d’apaiser et d’assoupir. […] « Que sont devenus ces amis du même âge, ces frères en poésie, qui croissaient ensemble, unis, encore obscurs, et semblaient tous destinés à la gloire ! […] Si je vous pardonne ce lambeau de culte jeté sur votre foi de déiste, c’est qu’il me semble que c’est à quelque beauté, tendrement superstitieuse, que vous l’avez emprunté par condescendance amoureuse.

1797. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre sixième. Le roman psychologique et sociologique. »

Il semble qu’on ait tout dit lorsqu’on a qualifié le roman de scientifique. […] Il a beau se réclamer de la physiologie, Zola est un psychologue ; — ce mot, qui lui semblera peut-être une injure, est d’ailleurs pour nous un éloge. […] Leur maître actuel, comme les premiers romantiques d’ailleurs, cherche certainement à scandaliser ; néanmoins, il semble avoir une prédisposition native à se complaire dans de certains sujets, prédisposition qui, suivant ses théories mêmes, doit s’expliquer par quelque cause héréditaire, par quelque trace morbide. […] Tels romans, qui semblent faire exception aux lois de composition et de développement posées plus haut, en sont au contraire la confirmation quand on les examine plus attentivement. […] C’est d’abord l’attente douce, presque certaine, dans le rêve qui la reporte à ce bal où il lui a semblé qu’elle était aimée, puis douloureuse dans l’amour dédaigné, et enfin désespérée dans l’absence indéfinie du bien-aimé ; attente, désespoir qui doivent finir dans la certitude de la mort.

1798. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

D’autre part, il ne semble pas que détermination signifie ici nécessité, puisque le sens commun croit au libre arbitre. […] Ici la durée semble bien agir à la manière d’une cause, et l’idée de remettre les choses en place au bout d’un certain temps implique une espèce d’absurdité, puisque pareil retour en arrière ne s’est jamais effectué chez un être vivant. […] il semble que nous tenions à sauvegarder le principe du mécanisme, et à nous mettre en règle avec les lois de l’association des idées. […] Il lui semble que, si l’idée du second phénomène est déjà impliquée dans celle du premier, il faut que le second phénomène lui-même existe objectivement, sous une forme ou sous une autre, au sein du premier phénomène. […] Il ne semble pas que les savants de notre temps aient poussé l’abstraction aussi loin, sauf peut-être sir William Thomson.

1799. (1932) Les deux sources de la morale et de la religion « La religion dynamique »

Ainsi s’intercalent, comme nous le disions, des transitions et des différences apparentes de degré entre deux choses qui diffèrent radicalement de nature et qui ne sembleraient pas, d’abord, devoir s’appeler de la même manière. […] A cet élan il semble que l’âme hindoue se soit essayée par deux méthodes différentes. […] De fait, le yoga semble avoir été, selon les temps et les lieux, une forme plus populaire de la contemplation mystique ou un ensemble qui l’englobait. […] Surtout elle voit simple, et cette simplicité, qui frappe aussi bien dans ses paroles et dans sa conduite, la guide à travers des complications qu’elle semble ne pas même apercevoir. […] La survie qui semble assurée à toutes les âmes par le fait que, dès ici-bas, une bonne partie de leur activité est indépendante du corps, se confond-elle avec celle où viennent, dès ici-bas, s’insérer des âmes privilégiées ?

1800. (1903) Hommes et idées du XIXe siècle

Il semble même à M.  […] Le caractère de la critique souriante semble être ainsi de sourire sans interruption. […] Parmi les contemporains, il semble se rattacher surtout à Stuart Mill et à Spencer. […] Celui qui alors applaudissait, riait, pleurait, s’indignait, il nous semble que ce fût un autre. […] Il semble bien que ce durent être les plus médiocres aventures du monde.

1801. (1889) Ægri somnia : pensées et caractères

Pendant quelque temps, on les confond, et il semble même qu’on ait plus en gré les amis des autres âges que ceux de la jeunesse. […] — Eh bien, me dit-il, que vous semble de ma harangue ? […] Rouher assez caractéristiques, ce semble, pour que les futurs historiens du second Empire n’aient pas le droit de les négliger. […] Quand j’entre dans un salon, il me semble entrer au milieu de masques, seul en habit de ville. […] Il ne lui semble pas plus séant de se dire patriote que de se dire honnête homme.

1802. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

« Voici, dit-il dans la préface de son nouveau recueil, le complément nécessaire de mes deux ouvrages antérieurs, voici quelques pas de plus dans la route où j’ose dire être entré le premier, où plusieurs ont marché depuis et où bien d’autres s’élanceront plus tard… » Et encore : « Un critique illustre a bien voulu déclarer qu’Amour et Foi était le premier mot d’une poésie toute nouvelle, la poésie du dogme pur… » Il y a ici, ce me semble, quelque illusion dans le poète, et il y a eu de la part du critique illustre, qu’on ne nomme pas, quelque complaisance. […] Mais les pièces qui m’ont semblé caractériser avec le plus d’originalité le genre lyrique, âpre et grandiose, de cette nature sibérienne, sont celles du poète Bénédictof.

1803. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Les poètes, sous le règne d’Auguste, adoptaient presque tous dans leurs écrits le système épicurien ; il est d’abord très favorable à la poésie, et de plus, il semble qu’il donne quelque noblesse à l’insouciance, quelque philosophie à la volupté, quelque dignité même à l’esclavage. […] Ils ont emprunté des Grecs beaucoup d’inventions poétiques, que les modernes ont imitées à leur tour, et qui semblent devoir être à jamais les éléments de l’art.

1804. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Il semble alors qu’il vaudrait mieux séparer entièrement l’amitié de tout ce qui n’est pas elle ; mais son plus grand charme serait perdu, si elle ne s’unissait pas à votre existence entière : ne sachant pas, comme l’amour, vivre d’elle-même, il faut qu’elle partage tout ce qui compose vos intérêts et vos sentiments, et c’est à la découverte, à la conservation de cet autre soi, que tant d’obstacles s’opposent. […] Enfin, deux amis d’un sexe différent, qui n’ont aucun intérêt commun, aucun sentiment absolument pareil, semblent devoir se rapprocher par cette opposition même ; mais si l’amour les captive, je ne sais quel sentiment, mêlé d’amour propre et d’égoïsme, fait trouver à un homme ou à une femme liés par l’amitié, peu de plaisir à s’entendre parler de la passion qui les occupe ; ces sortes de liens ou ne se maintiennent pas, ou cessent, alors qu’on n’aime plus l’objet dont on s’entretenait, on s’aperçoit tout à coup que lui seul vous réunissait.

1805. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Voici un écrivain qui semble se détacher tout à fait du passé. […] De la poésie il nous mène à la peinture, et il tente une hardie transposition d’art : il rend avec les moyens de la littérature, avec des mots, des effets qui semblaient exiger la couleur.

1806. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Suit-on, durant quelques siècles le développement du vers français de douze syllabes ; on remarque facilement que chez les poètes de la Pléiade il est souple, libre, aisé, qu’il se permet beaucoup d’enjambements et de rejets en même temps qu’il est richement rime ; qu’à partir de Malherbe et de Boileau, surtout au xviiie  siècle, une césure presque immuable le divise en deux parties égales, tandis que la rime devient souvent pauvre et banale ; que les romantiques, en disloquant, comme ils disaient, « ce grand niais d’alexandrin », rendent à la rime une plénitude de sonorité dont elle avait perdu l’habitude ; que Musset semble, il est vrai, faire exception en lançant aux partisans de la consonne d’appui cette moqueuse profession de foi : C’est un bon clou de plus qu’on met à la pensée ; mais qu’aussi ses vers, sauf dans ses poésies de jeunesse où il s’abandonne à sa fantaisie gamine, sont restés, bien plus que ceux de Victor Hugo ou de Sainte-Beuve, fidèles à la coupe classique. […] Il songe à cette tyrannique nécessité de changement, à cette alternance régulière qui emporte les nations d’un extrême à l’autre ; il comprend que la France et l’Europe ont repris goût à la verdure des bois et des prairies et aux charmes de la solitude, précisément parce qu’elles étaient lasses et dégoûtées de spectacles et de plaisirs contraires ; il trouve enfin dans cette réaction violente contre les prédilections du siècle précédent un cas particulier de cette grande loi du rythme qui semble être une des lois de la vie universelle.

1807. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 8-23

Tous les talens du Poëte tragique semblent s’être réunis dans sa personne. […] Dépouillez devant eux l’arrogance d’Auteur ; Mais sachez de l’Ami distinguer le Flatteur : Tel vous semble applaudir, qui vous raille & vous joue.

1808. (1899) Le monde attend son évangile. À propos de « Fécondité » (La Plume) pp. 700-702

il me semble que oui. […] Mais il me semble qu’il n’a pas compris le sens du goût que nous aurions pour une belle œuvre.

1809. (1865) Du sentiment de l’admiration

Nous serons ramenés à cette époque glorieuse où de véritables écoliers qui se nommaient Amyot, Ronsard, Montaigne et de moins illustres autour d’eux semblaient ne vivre que parmi les maîtres évoqués et ne respirer à pleine poitrine que l’air natal de l’antiquité ! […] En vain l’aspect sinistre des glaciers, la rumeur des torrents, la menace des avalanches semblent se conjurer pour arrêter sa course.

1810. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Casanove » pp. 192-197

Ils sont prolongés de la droite vers la gauche, et semblent diviser le paysage en deux ; des eaux en baignent le pied. à droite, sur la rive de ces eaux, on voit deux pâtres sur leurs chevaux ; plus sur le devant, entre eux, une chèvre. […] Il me semble qu’un littérateur serait assez content de lui-même, s’il avait composé une page qu’on prît pour une citation d’Horace, de Virgile, d’Homère, de Cicéron ou de Démosthène, une vingtaine de vers qu’on fût tenté de restituer à Racine ou à Voltaire.

1811. (1925) Comment on devient écrivain

Trente ans de labeur et de lectures me semblent une expérience suffisante pour guider et conseiller ceux qui sont aux prises avec la difficulté d’écrire. […] Il semblerait. […] Le roman d’aventures semble avoir reconquis la faveur publique. […] Le talent poétique consistant surtout dans l’expression, plus un poète est original, plus il semble difficile à traduire. […] A première vue, la plupart des articles de journaux semblent parfaitement bien écrits.

1812. (1896) Psychologie de l’attention (3e éd.)

À en croire la plupart des psychologues, il semble que l’attention volontaire — la seule qui compte pour eux, quoiqu’elle ne soit qu’une forme dérivée et acquise — s’installe d’emblée. « Elle est soumise à l’autorité supérieure du moi. […] Il est donc possible, quoique cela semble d’abord un paradoxe, que ce soit par les femmes que l’attention volontaire ait fait son entrée dans le monde. […] 2° « Il ne semble pas évident à première vue, écrivait Bain dès 1855, que la rétention d’une idée [image] dans l’esprit soit l’œuvre des muscles volontaires. […] Il me semble que Fechner est le premier (1860) qui ait essayé une localisation précise des diverses formes de l’attention, en les rapportant à des parties déterminées de l’organisme. […] Il semble que le témoignage de quelques mystiques permet une réponse affirmative.

1813. (1864) Histoire anecdotique de l’ancien théâtre en France. Tome I pp. 3-343

Elles semblent l’aurore d’un nouveau jour pour la littérature dramatique. […] Ce dernier vers semble la morale de la pièce. […] Longtemps cet excellent acteur refusa de condescendre à ce qui lui semblait être une véritable platitude. […] Ce fut une des dernières fois qu’on sacrifia à ce singulier usage, introduit par Louis XIV, et qui nous semblerait aujourd’hui une monstruosité. […] Enfin, il semble affecter de s’éloigner du langage adopté par les autres grands poëtes.

1814. (1894) Dégénérescence. Fin de siècle, le mysticisme. L’égotisme, le réalisme, le vingtième siècle

Des livres qui traitent simplement des rapports de l’homme et de la femme, même sans aucun voile, semblent absolument d’une moralité fade. […] Mais celui-ci les regarde comme une mode, et rien de plus, et les mots courants : caprice, excentricité, affectation du nouveau, instinct d’imitation, lui semblent une explication suffisante. […] Or, ce sont eux qui se hâtent de fournir l’escorte à chaque nouvelle tendance qui semble devenir à la mode. […] La fille du roi semble donc très heureuse et enviable par rapport à ses neuf sœurs. […] Le fait même que cette œuvre soit encore inconnue… semblerait interdire d’adjoindre le nom de M. 

1815. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome II pp. 5-461

Il me semble qu’on en use de notre temps comme du sien, puisque je suis forcé de prendre les mêmes précautions que lui. […] Vous semble-t-il étrange que pour figurer la vigueur et la sublimité de l’esprit, on crée un cheval volant ? […] Ce qui lui semble faux et outré dans les peintures de Molière, n’y est qu’original et vigoureusement tracé. […] « Il semble à trois gredins. […] Encore un Sganarelle ; car ce nom, adopté par l’auteur, semble chez lui le synonyme décent de l’épithète redoutée des maris.

1816. (1856) Réalisme, numéros 1-2 pp. 1-32

Quand on veut faire l’éloge de la poésie, on s’écrie : il semble qu’ou entende de la prose. […] Cette remarque est moins puérile, qu’il ne semble. […] (Ce ne l’est pas qui veut me semble une belle bouffonnerie.) […] On arrive à la placer si haut, qu’il semble que la nature n’ait rien de mieux à faire qu’à s’avouer vaincue et à demander des leçons aux artistes. […] C’est un journaliste de quarante ans et un peu dévasté qui semble le présager.

1817. (1902) Le critique mort jeune

Faguet aime à citer, semble revivre en lui. […] Dans son petit livre sur Flaubert, il semble d’abord assez mal à l’aise. […] N’ayant pas assuré cette condition au sien, il semble que M.  […] Nous signalons ces nuances parce qu’il semble qu’elles pourraient faire tort aux doctrines que sert M.  […] Il semble que sa prévision commence à se réaliser.

1818. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Notes et pensées » pp. 441-535

Voilà ce qu’il faut aux grands hommes avides ; l’épigramme libertine qu’un poète adresse aux belles dames de son temps semble faite pour eux. […] Nul ne l’aime mieux que moi en certaines choses ; mais trop souvent il vole (vous le savez) ; le plus souvent il me semble être le poète des lorettes et faire la poésie de Gavarni. […] c’est un peu fort, dit Mme de Staël ; j’y étais, et je trouve qu’elle n’a pas bien joué du tout. » — « Mais, reprit M. de Chastellux, elle me semble s’être très bien tirée de telle et telle scène », et il essayait de les indiquer. […] » — Précédemment et dans les premiers temps où Lamartine commençait à se produire en dehors de la poésie et à se lancer dans la politique, après son retour d’Orient, mais quand il ne semblait encore viser qu’au Grandisson, Royer-Collard définissait ainsi son air, sa façon noblement cavalière d’entrer en tous sujets : « M. de Lamartine semble toujours dire : Voyez ! […] De nos jours, même quand les résultats semblent grands, ils ne se produisent que dans une vue d’intérêt, et ils se rattachent à une spéculation.

1819. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Les idées, changées en hallucinations, perdent leur solidité ; les êtres semblent des rêves ; le monde apparaissant dans un cauchemar ne semble plus qu’un cauchemar ; l’attestation des sens corporels perd son autorité devant des visions intérieures aussi lucides qu’elle-même. […] Par elle, ils ont vivifié des études sèches qui ne semblaient bonnes que pour occuper des pédants d’académie ou de séminaire. […] L’esprit positif semble en devoir exclure toutes les idées allemandes ; et cependant c’est l’esprit positif qui les introduit. […] » Montons plus haut encore et regardons le Temps et l’Espace, ces deux abîmes que rien ne semble pouvoir combler ni détruire, et sur lesquels flottent notre vie et notre univers. « Ils ne sont que les formes de notre pensée… Il n’y a ni temps ni espace, ce ne sont que de grandes apparences », enveloppes de notre pensée et de notre monde1429. […] Carlyle parle avec une indifférence méprisante1448 du dilettantisme moderne, semble mépriser les peintres, n’admet pas la beauté sensible.

1820. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

S’il traite des cosmétiques118, il en étale toute une boutique ; on ferait avec ses pièces un dictionnaire des jurons et des habits des courtisans ; il semble spécial en tout genre. […] Les Pères entrent inquiets dans le temple d’Apollon ; depuis quelques jours, Tibère semble prendre à tâche de se démentir lui-même ; il élève les amis de son favori et le lendemain il met ses ennemis aux premiers postes. […] Pareillement, les idées, une fois qu’elles sont dans la tête humaine, tirent chacune de leur côté à l’aveugle, et leur équilibre imparfait semble à chaque minute sur le point de se renverser. […] Mais il n’y a là qu’une apparence, et les dangereuses forces primitives subsistent indomptées et indépendantes sous l’ordre qui semble les contenir ; qu’un grand danger se montre, qu’une révolution éclate, elles feront éruption et explosion, presque aussi terriblement qu’aux premiers jours. […] Petit mot qui semble vulgaire et vide ; regardons-le de près pour savoir ce qu’il contient.

1821. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre I. Des poëtes anciens. » pp. 2-93

C’est celle au moins qui plaît & qui fait le mieux connoître le Poëte Grec avec toutes ses grandes qualités, comme avec ses défauts, quoique ceux-ci y soient quelquefois déguisés ou adoucis autant que l’exactitude d’une traduction qui n’a rien de servile a pu le permettre, & que le génie de notre langue semble l’avoir exigé. […] Il semble même que dans la crainte de ne pouvoir former trois volumes in-4°. il n’a pas craint d’être diffus & de se répéter. […] Il me semble, dit l’Abbé Goujet, que tout le monde s’accorde à en louer la pureté, l’élégance, l’exactitude & la fidélité. […] Il semble avoir ignoré qu’un ouvrage n’est jamais plus parfait, que quand on ne peut rien y retrancher, sans en altérer la perfection. […] “Si les calamités de Rome sont annoncées par des prodiges, il les accumule avec une telle profusion, qu’il semble avoir compilé tous les écrits des augures.

1822. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Saint-Arnaud. Ses lettres publiées par sa famille, et autres lettres inédites » pp. 412-452

Il entreprend toutes choses, et sa santé, bien que si atteinte, semble d’abord suffire à tout : « Comme tous les nerfs de mon imagination sont tendus, les autres sont au repos par force. » Un bonheur lui arrive : un marabout se disant chérif, c’est-à-dire de la famille du Prophète, a travaillé les tribus arabes ; il a prêché la guerre sainte et a levé l’étendard. « Cher frère, la guerre, voici la guerre ! […] La puissance française s’est fait reconnaître et craindre en des contrées jusque-là hors d’atteinte, et où elle semblait ne pouvoir pénétrer. […] ) Ce qui est certain, c’est que cette force morale nouvelle qui lui vint par la religion servit puissamment à le rendre capable des derniers efforts auxquels sa constitution physique semblait par elle-même se refuser. […] Ce premier mouvement, qui semblait naturellement indiqué, n’était pourtant pas aussi facile, les Russes même y consentant, qu’il le semblait à Paris aux promeneurs du boulevard ; l’armée n’avait au plus de biscuits que pour dix jours : De Varna à Silistrie, disait le maréchal (24 juin 1854), sur toutes les routes, peu ou point d’eau… quelques puits sans cordes et sans seaux. […] C’est un porc-épic, et les piquants sont toujours en arrêt. » La campagne semblait manquée ; elle l’était dans sa première partie.

1823. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque (1re partie) » pp. 145-224

VII Ces dialogues ont cependant de grands défauts, qui semblent tenir au génie un peu verbeux de la Grèce, et au génie un peu sophistique de Platon, plus qu’à l’âme naturellement ouverte, simple, sincère et courageuse de Socrate. […] Le maître, au lieu de simplifier les questions par la simplicité et par la sincérité de l’argumentation, semble se complaire, pour faire preuve d’ingéniosité, de fécondité et de dialectique, à les compliquer de cinquante questions préalables ou secondaires, et à les embrouiller dans un tel écheveau d’arguments que lui seul puisse à la fin en retrouver le fil et dénouer le nœud gordien qu’il a formé. […] « Il espère fortement, ajoute-t-il, une destinée réservée aux hommes après la mort ; destinée qui, selon la foi antique et universelle du genre humain, doit être meilleure pour les bons que pour les méchants. » Au moment où il va développer pour ses amis les fondements de cette espérance, Criton lui semble vouloir l’interrompre ; il l’interroge sur ce qu’il paraît avoir besoin de dire. […] Reprenons le drame : XXIV « Voilà pourquoi, mes chers amis, dit Socrate après un moment de recueillement, le vrai philosophe s’exerce à la force et à la tempérance, et nullement par toutes les raisons que s’imagine le peuple. » Les disciples, à ces mots, s’entreregardent en silence et semblent craindre de proposer à Socrate un doute qui lui rappelle sa tragique situation et le peu d’heures qui lui restent à vivre. […] « Pour moi, la destinée m’appelle aujourd’hui, comme dirait un poète tragique, et il il est temps que j’aille au bain, car il me semble qu’il est mieux de ne boire le poison qu’après m’être baigné et d’épargner aux femmes la peine de laver un cadavre. » Puis, souriant : « Je ne saurais pourtant persuader à Criton que je suis bien le Socrate qui s’entretient ainsi avec vous, et qui ordonne avec sang-froid toutes les parties de son discours ; il s’imagine toujours que je suis déjà celui qu’il va voir mort tout à l’heure, et il me demande comment il doit m’ensevelir.

1824. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Princes et princesses descendent de leur piédestal et semblent prendre à tâche de dissiper eux-mêmes le prestige qui les environne. […] Autre scène qui semble détachée, par avance, du Lutrin de Boileau. […] Mais on dirait qu’il le fait exprès ; il semble un chef de troupe, un entrepreneur de représentations théâtrales qui fait concurrence à Tabarin. […] C’est alors que brillent ces glorieux âges d’or, après lesquels il semble souvent qu’il y ait une décadence irrémédiable, quoique ce soit seulement un acheminement vers un autre moment d’harmonie sociale et de perfection relative correspondante. […] En ces cas-là, elle peut créer des poètes et des orateurs comme des héros ; elle peut, dans un accès de fièvre et d’enthousiasme, faire jaillir du cœur d’un poète de rencontre un de ces chants vibrants où frémit l’âme d’un peuple prêt aux derniers sacrifices ; elle peut inspirer à un capitaine quelqu’une de ces harangues ou proclamations qui semblent sonner la charge.

1825. (1856) Cours familier de littérature. I « IIIe entretien. Philosophie et littérature de l’Inde primitive » pp. 161-239

Toute sa nature semble en contradiction avec la bonté de ce Créateur qu’il est forcé par sa raison de croire infiniment bon. […] On y respire je ne sais quel souffle à la fois saint, tendre et triste, qui semble avoir traversé plus récemment un Éden refermé sur l’homme. […] Je n’oublierai jamais ce regard auquel l’étonnement, la douleur, la mort inattendue semblaient donner des profondeurs humaines de sentiment, aussi intelligibles que des paroles ; car l’œil a son langage, surtout quand il s’éteint. […] “Achève-moi”, semblait-il me dire encore par la plainte de ses yeux et par les inutiles frémissements de ses membres. […] Telle me semble la vie des hommes sur cette terre, et sa durée d’un moment, comparée à la longueur du temps qui la précède et qui la suit : de l’hiver il repasse dans l’hiver. » L’air extérieur, la pluie, la neige, le vent, les frimas, c’est la condition de l’homme ; la salle chaude et abritée, c’est le progrès ; l’oiseau, c’est la civilisation qui traverse un moment cette douce température, mais qui, hélas !

1826. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — I. Faculté des arts. Premier cours d’études. » pp. 453-488

Newton disait que le socinianisme ou la doctrine des unitaires lui semblait plus géométrique. […] Si l’étude des anciens auteurs était réservée pour un temps où la tête fût mûre, et les élèves avancés dans la connaissance de l’histoire, il me semble qu’ils y rencontreraient moins de difficultés, et qu’ils y prendraient plus de goût, les faits et les personnages dont Thucydide, Xénophon, Tite-Live, Tacite, Virgile les entretiendraient, leur étant déjà connus. […] La langue de la poésie semble être la langue naturelle d’Homère. […] Ceci semble démontrer que Diderot écrivait en 1774-75. […] Il me semble qu’on pourrait retourner ainsi la proposition de Diderot : Faire un thème, c’est chercher dans la langue qu’on ignore les moyens de rendre les paroles de la langue qu’on sait ; faire une version, c’est employer la langue qu’on sait à s’expliquer celle qu’on ignore.

1827. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

Curiosité pure ; le besoin physique, la gourmandise n’y est pour rien ; il semble que déjà, dans son petit cerveau, chaque groupe de perceptions tende à se compléter, comme dans le cerveau d’un enfant qui se sert du langage. […] Mais il me semble plutôt que c’est un mot créé par elle et spontanément forgé, une articulation sympathique, qui d’elle-même s’est trouvée d’accord avec toute intention arrêtée et distincte, et qui, par suite, s’est associée à ses principales intentions arrêtées et distinctes, lesquelles sont aujourd’hui des envies de prendre, d’avoir, de faire prendre, de fixer son regard ou le regard d’autrui. […] Un jet d’eau qu’elle a vu pendant trois mois sous ses fenêtres la mettait tous les jours dans un transport de joie toujours nouvelle ; de même la rivière au-dessous d’un pont ; il était visible que l’eau luisante et mouvante lui semblait d’une beauté extraordinaire : « L’eau, l’eau !  […] Tous les soirs, elle voulait la voir ; quand elle l’apercevait à travers les vitres, c’étaient des cris de plaisir ; quand elle marchait, il lui semblait que la lune marchait aussi, et, pour elle, cette découverte était charmante ; Comme la lune apparaissait selon les heures à divers endroits, tantôt devant la maison, tantôt par derrière, elle criait : « Encore une lune, une autre lune !  […] Il faut bien du temps et bien des pas à un enfant pour arriver à des idées qui nous semblent simples.

1828. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

C’est le coup sourd des vagues qui s’amoncellent et qui viennent de minute en minute heurter les flancs du vaisseau ; ce sont les plaintes des madriers et des solives qui, dans cet immense chantier flottant, tendent à se détacher les uns des autres pour reprendre leur liberté ; ce sont les sifflements des ailes du vent à travers les voilures, dont cinq cents matelots intrépides prennent les ris ; le tumulte des hommes sur le pont tremblant, la voix et le sifflet du commandant, les voiles qui se déchirent et qui emportent dans les airs la force échappée de leurs plis, les mâts surchargés qui se rompent et qui tombent avec leurs vergues et leurs cordages sur les bastingages, le pas précipité des matelots courant où le signal les appelle, les coups de haches qui précipitent à la mer ces débris pour que leur poids ajouté au roulis du navire ne l’entraîne pas dans l’abîme ; le tangage colossal de ces débris mesuré par six cents pieds de quille, tantôt semble gravir jusqu’aux nuages la lame écumeuse et la diriger en plein firmament, tantôt, arrivé au sommet de la vague, se précipiter la tête la première, les bras des vergues tendus en avant dans l’abîme où il glisse, le gouvernail touchant au fond de l’océan ; les matelots suspendus aux câbles décrivent des oscillations gigantesques sur l’arc des cieux ; les canons détachés de leurs embouchures roulent çà et là sur les trois ponts avec des éclats de foudre ; à chaque effondrement du vaisseau entre des montagnes d’écumes qui semblent l’engloutir, un cri perçant monte de la prison des condamnés, puis des voix de femmes et d’enfants qui croient toucher à leur dernière heure. […] IX Mais les lames retentissantes semblent enfin se fatiguer de leur fureur, les tangages et les roulis laissent respirer les ponts, les ruisseaux d’écume coulent à la mer sur ses flancs, les mâts rajustés se relèvent avec quelques lambeaux de voiles, le gouvernail réparé plonge dans l’élément liquide et imprime une direction au vaisseau désemparé. […] L’horizon de Rome avec sa mer, ses montagnes, ses lacs, ses forêts, ses déserts, tremble sous vos pieds ; le moindre souffle du vent de mer, en se résumant de cette élévation et en heurtant ses ailes contre cet écueil isolé des cieux, résonne comme un tonnerre et semble prêt à enlever comme une feuille morte le dôme colossal qui tremble sous vos pieds. […] « Il ne s’agit donc pas ici d’une simple dispute de mots, comme il semble à quelques esprits aveugles ou distraits ; sous le voile des mots, la question est posée sur des substances : ici, substance matérielle, qu’admettent également les deux doctrines ; là, substance d’une autre nature, et d’une nature supérieure, dont la matière n’est que le support.

1829. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

La petite bête semblait comprendre qu’il y avait un mystère dans tout cela, et, couché sur les pieds de son maître ou sur le tablier de ma tante, il les regardait avec étonnement et il avait cessé d’aboyer, comme il avait l’habitude de faire à notre porte, au passage des pèlerins. […] C’est ainsi que nous entrâmes, tout tremblants de peur et de désir à la fois, dans la grande cour vide de la prison, où roucoulaient les colombes, qui semblaient pleurer comme nous et se parler d’amour comme nos deux enfants. […] Comme le cloître était bien long et que le frère Hilario marchait pesamment, à cause de son âge, nous causions, Hyeronimo, mon frère et moi, pendant la distance d’un bout du cloître à l’autre bout ; le chien même semblait s’en mêler, monsieur, et ses yeux semblaient véritablement pleurer autant que les miens, quand je regardais Fior d’Aliza ou Hyeronimo. […] Il nous bénit mille et mille fois de notre condescendance à son amour, et il nous répéta tout ce que le père Hilario lui avait appris de la condescendance de l’évêque ; outre le souci qu’il avait de nous, en nous laissant dans la misère par son supplice, dans ce supplice il ne semblait redouter qu’une chose, c’est que sa mort ne fût avancée par quelque événement avant que le prêtre eût accompli sa promesse, en bénissant cette union secrète et en consacrant sa passion devant l’autel.

1830. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre I. Polémistes et orateurs, 1815-1851 »

De tant d’hommes qui essayèrent par le journal ou le livre de combattre ou de développer les conséquences de la Révolution, quatre surtout, me semble-t-il, se distinguent par des dons originaux d’écrivains : Joseph de Maistre, Paul-Louis Courier, Lamennais et Proudhon. […] Et ce légitimiste renforcé, en fait, était assez libéral, à la façon de nos anciens magistrats du Parlement : il haïssait, ou méprisait les émigrés ; il tenait la Révolution pour un fait providentiel, comme tous les autres673, et, ce qui est plus méritoire, comme un fait historique, qui devait changer les maximes du gouvernement royal ; il lui semblait absurde qu’on pût prétendre à biffer tout bonnement vingt ans d’histoire, et quelles années ! […] Quand il s’aperçut que l’ultramontanisme aussi se mettait au service du pouvoir, que le pape agissait en souverain temporel et liait sa cause à celle des rois, quand il vit par toute l’Europe le clergé se faire le gardien des principes légitimistes plutôt que des principes évangéliques, Lamennais rompit d’abord avec la légitimité ; il devint libéral ; il lui sembla que le règne de Dieu par l’autorité était actuellement impossible ; il tâcha d’y revenir par la liberté680, il chercha dans le développement complet de la liberté des garanties contre le despotisme et l’anarchie, et les conditions de l’ordre et de la vie sociale. Il conçut l’idée hardie et féconde d’un catholicisme démocratique681 ; il voyait dans les idées libérales et égalitaires un fruit lointain de l’Évangile, et si l’Eglise semblait actuellement tourner le dos à la société moderne, il croyait pouvoir l’en rapprocher par une originale conception de l’évolution du dogme682, toujours immuable en son essence et en ses formules, mais susceptible de divers sens et d’applications diverses, selon les époques et les esprits. […] Il subit plus profondément l’influence de Rousseau et, semble-t-il, celle de Hegel.

1831. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Le grand sens scientifique et religieux ne renaîtra que quand on reviendra à une conception de la vie aussi vraie et aussi peu mêlée de factice que celle qu’on doit se faire, ce me semble, seul au milieu des forêts de l’Amérique, ou que celle du brahmane, quand, trouvant qu’il a assez vécu, il se dispose au grand départ, jette son pagne, remonte le Gange et va mourir sur les sommets de l’Himalaya. […] Les philosophes se plaçaient sans le savoir au point de vue de leurs adversaires et, sous l’empire d’associations d’idées opiniâtres, semblaient supposer que la sécularisation de la vie entraînait l’élimination de toute habitude religieuse. […] Une religion qui a un Dieu pour les voleurs, un autre pour les ivrognes, nous semble le comble de l’absurde. […] Il me semble bien en ce moment que je mourrais content dans la communion de l’humanité et dans la religion de l’avenir. […] Quel charme de voir dans des chaumières ou dans des maisons vulgaires, où tout semble écrasé sous la préoccupation de l’utile, des images ne représentant rien de réel, des saints, des anges !

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