Ça vous connaît, rien que parce que votre berceau a posé sur cette terre qui a avalé depuis cent ans de la mitraille au quintal et bu du sang à la barrique. » C’est Jules Vallès, le grand écrivain croquemitaine, qui saluait ainsi, dans une retentissante préface, l’élégant Homme masqué du Voltaire.
Ce n’est pas autrement que Manet, dont certes le génie n’admettait nulle complaisance, nulle flagornerie pour la foule, allait chaque jour au Salon se faire une pinte de mauvais sang à écouter les drôleries débitées devant ses cadres.
Cet ouvrage en est un : il est intéressant, passionné, palpitant, comme la question qui nous prend tous, en ce moment, par le cœur ou par la pensée, par le sang ou par la fierté.
C’est le bruissement de la vie animale ou végétale, vie qui coule, qui écume, qui palpite et qui murmure en coulant avec la sève, avec le sang, avec la sensation, avec la pensée, dans ces torrents animés de la création. […] Il marchait d’un pas tantôt lent, tantôt précipité, comme si ses pas avaient involontairement suivi les rythmes tantôt suspendus, tantôt accélérés des mouvements du sang dans son cœur. […] Les notes de cet air ruisselaient comme un drapeau trempé de sang encore chaud sur un champ de bataille.
XIII Hugo, qu’il faut toujours nommer le premier dans ces nomenclatures des belles imaginations, nous dit qu’il est par la moitié de son sang Franc-Comtois ; Rouget de Lisle, qui eut le rare bonheur d’être un jour le chant héroïque de la patrie menacée, le tocsin des cœurs, le sursum corda des baïonnettes, était Franc-Comtois ; Charles Nodier, le plus aimable des hommes, le plus fantaisiste des poètes, le plus Romain et le plus Français à la fois des ennemis de la terreur démagogique et de la tyrannie soldatesque, était Franc-Comtois ; Fourier, Considérant, Proudhon, tous ces esprits spéculatifs qui écrivent leur poésie en chiffres et qui jettent leur imagination par-dessus l’ordre social, aimant mieux inventer l’impossible que de ne rien inventer du tout, sont Francs-Comtois. XIV Et moi aussi j’ai puisé la moitié de mon sang à cette source des montagnes, j’ai la moitié de mes aïeux dans ces forêts, dans ces torrents, dans ces donjons de la vallée de Saint-Claude, et jusque dans cette ville aujourd’hui si riche, si industrielle et si pastorale de Morez. […] On murmure à voix basse que la beauté, le talent, la célébrité d’une femme d’exception, qui cache son nom comme il convient aux femmes de porter un voile dans la foule, ou aux Clorindes de revêtir une armure d’homme en combattant ; on murmure, disons-nous, que l’attrait d’esprit, le nom voilé, les éclats de célébrité de cette personne, ont fasciné d’un éblouissement désintéressé les yeux et l’âme de ce Platon de la solitude ; que, semblable à ces chevaliers dont la race et le sang coulent dans ses veines, il a senti le besoin de porter dans le cloître ou dans les combats une dame de ses pensées, et qu’il lui a voué ce qu’on appelle un culte, un servage, une foi chevaleresque, épurée de tout, hors de la joie de se dévouer !
Decazes et un assassin : « Le pied lui a glissé dans le sang. » Ces mots cruels déshonorent même le pamphlet. […] C’est là la question : la première semaine après sa défaite, la presse se tait ; la seconde, elle rallie par le droit de réunion ses forces disséminées ; la troisième, elle fermente et se révèle en symptômes menaçants par des mots d’ordre et par des rassemblements sur les boulevards, au sortir des clubs ; la quatrième, elle éclate et le sang coule. […] Le premier prince du sang, tuteur naturel de son neveu, au lieu de se jeter entre le roi et le peuple, et de prendre la lieutenance générale du royaume, se cacha, se déclara chef des rebelles, puis roi des Français.
Il descend des grands Italiens, hommes d’action de l’an 1400, aventuriers militaires, usurpateurs et fondateurs d’Etats viagers ; il a hérité, par filiation directe, de leur sang et de leur structure innée, intellectuelle et morale. […] Déjà le sang versé par la Révolution l’avait empli d’horreur, jusqu’à troubler, peu s’en faut, sa clairvoyance. […] Le jeu changeant des mêmes causes Emeut les sens différemment Le pinceau des lis et des roses N’est formé que de mouvement ; Un frisson venu de l’abîme, Ardent et splendide à la fois, Avant d’y retourner anime Les blés, le sang, les fleurs, les bois.
On croyait que, comme chef, il était dépositaire de la force de son sang, qu’il possédait éminemment les dons de sa race, et qu’il pouvait, avec sa salive et ses attouchements, la relever quand elle était affaiblie. […] C’était une belle et grande fille (tu ne l’as vue que fanée) ; elle avait de la sève de nature, un teint splendide, un sang pur et fort. […] » Elle était née droite et bonne, n’eut jamais de doute sur ses devoirs ; elle n’eut d’autre tort que d’avoir des veines et du sang.
La scène est cruelle, mais d’un brio diabolique ; les traits percent, les épigrammes font trou, les personnalités écorchent jusqu’au sang ; c’est un rude railleur que cet Olivier ; il tire les colombes de Vénus avec des balles de gros calibre. […] Il y a des larmes dans l’argent et de la sueur et du sang : il ne s’agit que de les extraire. […] En vérité, ce sont là des vertus bien lymphatiques pour un homme de trente ans qui doit avoir du sang dans les veines.
A la longue, je sens un afflux plus grand du sang dans la gencive, et même des battements. […] J’ai senti la chaleur, le battement du sang, le mouvement qui traverse de part en part comme un trait, enfin un léger élancement douloureux, à tel point que je me suis demandé si j’avais découvert un mal de dents sourd qui préexistait ou si j’avais moi-même réveillé la douleur endormie. […] Ces hypermnésies sont causées tantôt par une circulation fébrile du sang, qui donne une activité anormale à certaines portions du cerveau ou à certains systèmes de réflexes, tantôt par une régression qui, ayant détruit les souvenirs plus récents, ramène à la lumière des couches profondes et oubliées : par exemple des impressions et passions de la jeunesse, des croyances anciennes auxquelles il semble qu’on revient par une sorte de conversion.
Voyez la belle scène du Cid, où Rodrigue vient demander la mort à son amante : N’épargnez point mon sang ; goûtez sans résistance La douceur de ma perte et de votre vengeance. […] du sang de mon père, encor toute trempée ! […] Il est teint de mon sang !
Partout sont appliquées aux murs de grandes bandes de toile blanche, aux croix rouges des ambulances, que quelquefois surmonte à une fenêtre une tête de militaire, enveloppée d’un linge taché de sang. […] Et toutes sortes de voitures font défiler devant vos yeux de pâles figures, ou laissent entrevoir des pantalons rouges, où le sang fait de grandes taches noires. […] Un rassemblement d’affamés devant… C’est une fruitière dont l’étal, à moitié répandu sur le trottoir, montre, dans une mare de sang, deux grands cerfs, le cou entaillé, et les entrailles jetées dehors, comme pour une curée. […] À tout coin de rue, d’affreux tableaux : des voitures d’où l’on tire des hommes, la tête voilée d’une serviette, tachée de sang. […] permettez-moi de vous recommander le boudin ; le sang de l’éléphant, vous ne l’ignorez pas, c’est le sang le plus généreux… son cœur, savez-vous, pesait vingt-cinq livres… et il y a de l’oignon, mesdames, dans mon boudin… » Je me rabats sur deux alouettes que j’emporte pour mon déjeuner de demain.
Enfin la victoire demeura aux défenseurs de la société, douloureuse victoire remportée dans une guerre où, des deux côtés, le sang français coulait ; victoire qui coûta cher aux vainqueurs comme aux vaincus, et qui fut trempée de larmes et de sang ! […] Le vent qui soufflait de Vienne et de Berlin, comme celui qui soufflait de Rome, de Venise et de Milan, apportaient une odeur de poudre et de sang. […] Le pape est rentré à Rome, dont une armée française, conduite par le duc de Reggio, lui a rouvert les portes au prix de son sang. […] Sainte-Beuve, éprouvent le besoin « de se distribuer au public dans leur chair et dans leur sang ». […] Ainsi la Convention commit des crimes effroyables, elle versa des torrents de sang, et le tout en pure perte.
La chanson est un véritable poème héroïque, écrit avec la poudre et le sang sur le pont d’un vaisseau démâté par le canon. […] Mais, telle qu’un enfant dans ses langes qui parfois pleure et ne sait pourquoi, j’ai quelque chose, dit-elle, qui me tourmente ; cela m’ôte le voir et l’ouïr ; mon cœur en bout, mon front en rêve, et le sang de mon corps ne peut rester calme.” […] Abandonné dans le désert des champs avec les étoiles pour compagnes, là le pauvre adolescent avait passé la nuit, et l’aube humide et claire, en frappant sur ses paupières, lui avait rouvert les yeux et ranimé la vie dans ses veines froides. » Ici le poète, pour peindre le déchirement de cœur de Mireille à l’aspect de son amoureux baigné de sang, invoque toute la pléiade fraternelle des Provençaux vivants, « Roumanille le premier, Aubanel, Anselme, et toi, Tavan, qui confonds ton humble chanson avec celle des grillons bruns qui examinent ton hoyau quand il fend la glèbe ; et toi aussi, Adolphe Dumas, qui trempes ta noble lyre dans l’écume de notre Durance débordée ! […] Nul homme ne veut descendre, et tout homme veut monter : c’est la nature ; les institutions n’y font rien ; l’Américain, qui ne reconnaît pas la noblesse du sang, adore la vile noblesse de l’or et s’insurge contre l’égalité de la couleur ; sa philosophie ne s’étend pas du blanc au noir.
Elles lui avaient donné le goût du sang et des sacrifices homicides, elles l’avaient initié aux atrocités des conjurations et des magies scélérates. […] Sur le tout, tombent — la flamme et l’horrible Arès monté sur un char syrien ; — Il ruinera de superbes tours, et non pas seulement les vôtres ; — il embrasera les temples des Immortels — qui, déjà, ruissellent de sueur, secoués par la crainte. — Du faîte de leur toiture le sang qui pleut en gouttes noires, présage les calamités imminentes. — Sortez du sanctuaire, l’âme est en deuil ! […] Les Grecs étant du même sang, parlant la même langue, ayant les mêmes dieux et les mêmes temples, quelle bonté ce serait pour nous de trahir leur cause ! […] Il marchait ainsi, vaisseau vivant, sur les flots de sang des mêlées.
Il en ressort… nous nous regardons… un regard mutuel et profond, où chacun tâte l’autre… Du sang plein la figure, plein l’œil. […] Edmond, qui a des éblouissements causés par le sang, ne me dit pas ce qu’il craint : d’avoir l’œil crevé. […] Elle nous parlait de l’extrême délicatesse de la sienne, qui est en effet fine comme un papier de soie, et qui laisse apercevoir, sous un microscope, la circulation du sang : une peau si sensible que deux journées à Marseille avaient rendu la femme presque méconnaissable, une peau qui prend dans l’ombre d’une chambre ou le séjour au lit, pendant une semaine, la blancheur du lilas poussant dans une cave. […] Et il se met à nous prêcher d’écrire pour le public, de descendre nos œuvres à l’intelligence de tous, nous reprochant presque notre effort, l’ambition de notre conscience littéraire, le travail de nos livres, pour ainsi dire, sués de notre sang, enfin la passion, que nous mettons à nous satisfaire.
Le ciel, la mer, les montagnes, les fleuves, la race, la langue, les religions, les grandeurs et les revers de la destinée, le passé presque fabuleux, le présent triste, l’avenir toujours prêt à renaître, et toujours trompeur, la jeunesse éternelle de ce sang italien qui roule toutes sortes de royautés déchues dans ses veines, une noblesse de peuple-roi dans le dernier laboureur de ses plaines ou dans le dernier pasteur de ses montagnes, une rivalité de villes capitales, telles que Naples, Rome, Florence, Sienne, Pise, Bologne, Ferrare, Ravenne, Vérone, Gênes, Venise, Milan, Turin, ayant toutes et tour à tour concentré en elles l’activité, le génie, la poésie, les arts de la patrie commune, et pouvant toutes aspirer à la royauté intellectuelle d’une troisième Italie, voilà les explications de cette aristocratie indélébile de l’esprit humain au-delà des Alpes. […] De plus, il y avait dans le sang toscan, écoulement du vieux sang étrusque, une sève non encore épuisée de génie littéraire et de génie artistique. […] Il avait transfusé son sang dans l’ombre du poète toscan.
Il semble qu’il veuille épargner ses secrétaires : c’est dommage qu’il n’est greffier du parlement de Paris, car il gagnerait plus que Du Tillet ni tous les autres. » Ayant à entrer quelquefois dans les parlements de Toulouse et de Bordeaux, quand il était lieutenant pour le roi en Guyenne, il n’en revenait pas de voir que tant de jeunes hommes s’amusassent ainsi dans un palais, vu qu’ordinairement le sang bout à la jeunesse : « Je crois, ajoutait-il, que ce n’est que quelque accoutumance ; et le roi ne saurait mieux faire que de chasser ces gens de là, et les accoutumer aux armes. » Mais toutes ces sorties contre ce qui n’est pas gloire des armes et d’homme de guerre n’empêchent pas Montluc de sentir l’importance de ce chétif instrument, la plume : il s’en sert,-sachant bien que ce n’est que par là et moyennant cet auxiliaire qu’il est donné à une mémoire de s’immortaliser, qu’il n’en sera de votre nom dans l’avenir que selon qu’il restera marqué en blanc ou en noir par les historiens ; et son ambition dernière, à lui qui a tant agi, c’est d’être lu : « Plût à Dieu, dit-il, que nous qui portons les armes prissions cette coutume d’écrire ce que nous voyons et faisons ! […] À celle nouvelle, il éprouva une impression soudaine et qu’il a rendue bien énergiquement ; tout son sang se glaça, en écoutant le gentilhomme qui lui faisait ce récit : « S’il m’eût donné, dit-il, deux coups de dague, je crois que je n’eusse point saigné ; car le cœur me serra et fit mal d’ouïr ces nouvelles ; et demeurai plus de trois nuits en cette peur, m’éveillant sur le songe de la perte. » Il se représentait la scène du conseil, sa promesse solennelle de la victoire, la conséquence incalculable dont une défaite eût été pour la France, et dans ce prompt tableau que son imagination frappée lui développa tout d’un coup, cet homme intrépide retrouva la peur à laquelle il était fermé par tout autre côté.
Ce qui me frappe chez Ronsard poète, et poète si honorable, si laborieux et même si modeste après son accès de fougue première, c’est comme il se casse de bonne heure, comme il devient vite incapable d’autre chose que de courtes poussées, et comme il a le sentiment que la poésie ainsi que la jeunesse gît toute dans la chaleur du sang, et s’évanouit avec elle. Il a exprimé cela admirablement dans une épître à son ami Jean Galland, principal du collège de Boncourt ; il lui dit : Comme on voit en septembre aux tonneaux angevins Bouillir en écumant la jeunesse des vins, Qui, chaude en son berceau, à toute force gronde Et voudroit tout d’un coup sortir hors de sa bonde, Ardente, impatiente, et n’a point de repos De s’enfler, d’écumer, de jaillir à gros flots, Tant que le froid hiver lui ait dompté sa force6, Rembarrant sa puissance aux berceaux d’une écorce : Ainsi la poésie, en la jeune saison, Bouillonne dans nos cœurs… Mais quand vient l’âge de trente-cinq ou quarante ans (c’est la limite qu’il assigne), le sang se refroidit ; adieu la muse et les belles chansons : Nos lauriers sont séchés, et le train de nos vers Se présente à nos yeux boileux et de travers : Toujours quelque malheur en marchant les retards, Et comme par dépit la muse les regarde.
C’est en grand le chariot de Thespis, avec cette différence que les acteurs aspirent au moment où, au lieu de lie de vin, ils pourront se barbouiller de sang. […] Il a soif simplement d’être confesseur et martyr ; il voudrait vivre sous Tibère pour verser son sang.
Ce n’est plus cette fois, ni un Saint-Simon qui nous fait assister à tous les ressorts cachés, à tous les dessous de cartes, dans cet immense jeu d’une Cour à laquelle il laisse du moins, au milieu d’un fouillis sans pareil, son mouvement imposant et sa grandeur ; ce n’est plus un Dangeau nous annotant jour par jour les allées et venues, les entrées et les sorties, les mille détails et incidents du cérémonial ; ce n’est plus une princesse Palatine, duchesse d’Orléans, nous écrivant de Versailles des crudités à faire frémir, sur les princesses du sang qui boivent et fument dans les corps de garde, sur les gênes, les cuissons et les tortures intestines de l’étiquette, et nous donnant le gros menu d’un dîner du Roi ; ce n’est plus même un homme de l’art racontant les détails de la grande opération faite à Sa Majesté en 1686 : ceci est un Journal de la santé, des maladies et des incommodités de Louis XIV, dressé dès son enfance et allant jusqu’en 1711, c’est-à-dire quatre ans avant sa mort. […] Était-ce mouvement du sang à la tête et menace de congestion, d’apoplexie ?
Considérez notre littérature depuis le Moyen-Age, rappelez-vous l’esprit et la licence des fabliaux, l’audace satirique et cynique du Roman de Renart, du Roman de la Rose dans sa seconde partie, la poésie si mêlée de cet enfant des ruisseaux de Paris, Villon, la farce friponne de Patelin, les gausseries de Louis XI, les saletés splendides de Rabelais, les aveux effrontément naïfs de Régnier ; écoutez dans le déshabillé Henri IV, ce roi si français (et vous aurez bientôt un Journal de médecin domestique, qui vous le rendra tout entier, ce diable à quatre, dans son libertinage habituel) ; lisez La Fontaine dans une moitié de son œuvre ; à tout cela je dis qu’il a fallu pour pendant et contrepoids, pour former au complet la langue, le génie et la littérature que nous savons, l’héroïsme trop tôt perdu de certains grands poëmes chevaleresques, Villehardouin, le premier historien épique, la veine et l’orgueil du sang français qui court et se transmet en vaillants récits de Roland à Du Guesclin, la grandeur de cœur qui a inspiré le Combat des Trente ; il a fallu bien plus tard que Malherbe contrebalançât par la noblesse et la fierté de ses odes sa propre gaudriole à lui-même et le grivois de ses propos journaliers, que Corneille nous apprît la magnanimité romaine et l’emphase espagnole et les naturalisât dans son siècle, que Bossuet nous donnât dans son œuvre épiscopale majestueuse, et pourtant si française, la contrepartie de La Fontaine ; et si nous descendons le fleuve au siècle suivant, le même parallélisme, le même antagonisme nécessaire s’y dessine dans toute la longueur de son cours : nous opposons, nous avons besoin d’opposer à Chaulieu Montesquieu, à Piron Buffon, à Voltaire Jean-Jacques ; si nous osions fouiller jusque dans la Terreur, nous aurions en face de Camille Desmoulins, qui badine et gambade jusque sous la lanterne et sous le couteau, Saint-Just, lui, qui ne rit jamais ; nous avons contre Béranger Lamartine et Royer-Collard, deux contre un ; et croyez que ce n’est pas trop, à tout instant, de tous ces contrepoids pour corriger en France et pour tempérer l’esprit gaulois dont tout le monde est si aisément complice ; sans quoi nous verserions, nous abonderions dans un seul sens, nous nous abandonnerions à cœur-joie, nous nous gaudirions ; nous serions, selon les temps et les moments, selon les degrés et les qualités des esprits (car il y a des degrés), nous serions tour à tour — et ne l’avons-nous pas été en effet ? […] les mots les plus secrets de son cœur, les notes qui donnent la clef de sa nature morale, lui sont échappés dans cette page mouillée d’une larme : « Nous autres Bretons, ceux surtout d’entre nous qui tiennent de près à la terre et ne sont éloignés de la vie cachée en la nature que d’une ou deux générations, nous croyons que l’homme doit plus à son sang qu’à lui-même, et notre premier culte est pour nos pères.
Le ci-devant Roi des halles, chef des importants et des frondeurs, le prince du sang, victorieux et altier, sans mesure et sans scrupule, qui avait songé à détrôner le jeune roi, tout cela redevenu domestique et respectueux et humble, c’était à faire louer Dieu de la paix présente, ajoute la sage Mme de Motteville. […] Mais il en sortit et il surnagea, au milieu de ce flot de passions, j’allais dire de ce fleuve de sang, une plus grande connaissance des garanties, des forces et puissances sociales, et une idée, malgré tout persistante, d’espérance et de progrès pour l’espèce.
On peut tout dire, on ne peut exagérer les sentiments de fureur et de frénésie qui transportèrent les hautes classes de la société blanche à l’occasion des procès de La Bédoyère, de Ney, de celui de M. de Lavalette avant et après son évasion ; on n’a pas exagéré non plus les horreurs qui sillonnèrent le Midi et qui y firent comme un long cordon d’assassinats depuis Avignon, Nîmes, Uzès, Montpellier, Toulouse, toutes villes en proie à l’émeute et où l’on suit à la trace le sang de Brune, des généraux La Garde, Ramel, et de tant d’autres, jusqu’à Bordeaux où l’on immolait les frères Faucher. […] Sur quantité de points de ces contrées, les mêmes événements se reproduisirent ; il était peu d’endroits où l’on ne pût citer, il y a quelques années encore, quelque individu noté, quelque Trestaillons du lieu, qui avait figuré comme assassin dans ces temps funestes et qui, avec sa tache de sang au front, vivait et vieillissait impuni.
Si mon sang doit couler, la République en sera déshonorée ; j’en suis fâché pour elle plus que pour moi. […] Cabarrus ; à huit heures sonnantes, je sortirai seul avec lui. » On insista ; on craignait un malheur qui aurait souillé la Révolution, pure jusque-là de toute effusion de sang.
Un bel usage d’Angleterre interdit aux hommes que leur profession oblige à verser le sang des animaux, la faculté d’exercer des fonctions judiciaires. […] Les paroles tout à la fois vulgaires et féroces produisent, à quelques égards, le même effet que la vue du sang : lorsqu’on s’habitue à les prononcer, les idées qu’elles retracent deviennent plus familières.
À travers ce sang et cette boue, il a jeté des restes de voie lactée et d’arc-en-ciel. […] Une teinte de bile mêlée au sang jaunissait la peau, et donnait de loin comme un vernis d’or pâle au visage.
Depuis le 13 Vendémiaire (jour de la victoire de la Convention par le canon de Bonaparte), le découragement est général : ce qui n’empêche pas le beau monde d’aller à la Comédie en passant sur les pavés encore teints du sang de leurs parents ou voisins tués par la mitraille de Barras. […] Je vous dirais des choses exécrables sur ce sujet, tout mon sang en est soulevé.
Il eut cela de particulier entre tant d’autres hommes éminents qui concoururent vers ce temps à la même œuvre, c’est qu’il était resté pur, qu’il avait traversé la Révolution sans aucune tache (et parmi ses plus recommandables et ses plus savants collègues, quelques-uns, égarés autrefois ou faibles, avaient leur tache de sang). […] Il insiste sur le grand point à ce moment, sur ce qui va indiquer tout d’abord de quelle qualité est la politique nouvelle qu’on va inaugurer : Tout ne se borne pas dans le moment à réparer des désastres, il faut encore former l’esprit public ; il faut rétablir la morale dans le gouvernement… L’iniquité est aussi mauvaise ménagère du crédit que de la puissance… Nos finances ne doivent point être arrosées du sang innocent.
Enfin, rappelez-vous la Laurette de Grandeur et servitude militaires, et vous aurez, à coup sûr, la plus blanche de ces plumes divines que nous comptons ; car il y a plus que de la lumière, il y a le sang de l’innocent sur celle-là ! […] Et, malgré le stoïcisme qu’il opposait à la fatalité des choses, on sentait que le poète, en ces Destinées, saignait sous l’acier poli de ses armes, qu’il buvait son sang dans son casque fermé, comme Beaumanoir, au combat des Trente, et qu’il le trouvait amer..
Il n’est point du tout poëte : très-froid et très-lucide, ses nerfs s’animent sans que son sang s’échauffe ; la verve multiplie ses idées sans les colorer. […] Selon eux, il y a une force qui réside dans le germe, le développe, l’organise, maintient l’ordre des parties, rend l’estomac capable de digérer, le cœur de se contracter, le foie de sécréter la bile, le poumon d’amener le sang au contact de l’air, les nerfs de remuer les muscles, les muscles de se bander en tirant les tendons et les os.
L’oxygène extérieur, substance décomposante, se mêle au sang dans le poumon, organe construit avec un artifice infini ; il est charrié dans tout le corps vivant par un système compliqué d’artères, et va décomposer les tissus à travers les capillaires perméables. […] Le sang circule par des vaisseaux chez les vertébrés, par des lacunes chez les insectes, ici par un cœur simple, double ou triple, muni ou privé de valvules, là par les parois contractiles des vaisseaux.
S’il avait eu un de ces éclairs d’indignation comme en avait à ses côtés sa généreuse compagne, si le sang lui avait monté au visage, s’il s’était souvenu qu’il était le dernier roi d’une race militaire, s’il avait résisté à la force par la force, l’épée à la main, avec ses dévoués serviteurs qui y comptaient ; si, dans le conflit, il s’était seulement fait tuer en gentilhomme sur les marches de son palais, l’histoire de la Révolution eût changé ; il n’y aurait pas eu cette tache juridique sanglante qui s’appelle le procès de Louis XVI, et qui fut la plaie livide et toujours ouverte pendant de longues années.
Certes elle n’est pas chaste, et toute la fureur d’un sang chauffé par le soleil y éclate brutalement.
Nos souvenirs, notre éducation classique, une communauté de sang, les principes les plus chers de la Révolution et toute notre tradition nationale nous y poussaient.
C’est un meurtre, oui, toujours ; mais ne semble-t-il pas plus excusable en somme que tel meurtre lâchement « passionnel », avec guet-apens, sang versé, agonie de la victime, victime adulte, qui peut laisser après soi des êtres chers et qui vivaient d’elle : toutes choses qui n’empêcheront point le Code d’absoudre publiquement l’assassin ?
Ce n’est pas assez de l’ironie émoussée exprès et dont les amours-propres sont à peine contusionnés ; vous démouchetez votre critique, il vous faut l’épée qui entre et fait jaillir le sang, tout le sang ! […] Il nous glace, et devant tout ce sang et tous ces cœurs répandus, nous disons froidement : Mon Dieu ! […] Sous cette opulente carnation où doivent, ce semble, courir tous les frissons de la volupté, croupit un sang glacé que ne fondra pas l’amour. […] Et les hommes de Blanchelande disent déjà que maîtresse Le Hardouey a « le sang tourné ». […] contient une encre couleur de sang qui donne à toutes choses un aspect de carnage.
La plante ne porte jamais de fruits avant d’avoir fleuri, ni la femme avant d’avoir versé son sang. […] On mêle au lait des jeunes chiens du sang de fauve pour les rendre meilleurs chasseurs. […] Pour les hydropiques, c’est le sang d’un bouc nourri de lentisque qui sera favorable ; pour les malades du foie, le sang d’une chèvre nourrie de lierre. […] Le sang des femmes fait des taches que : leur urine seule peut effacer. […] Les rouges augmentent le sang ou le tonifient.
mon sang !
… Il y avait une pauvre femme renversée, la tête très basse, le ventre ouvert ; elle râlait continuellement… un moment elle est devenue toute bleue… tous les linges étaient couverts de sang… il en avait sauté sur le front des aides… on lui a enlevé un énorme morceau de chair. » Le chirurgien, au contraire, dirait plus techniquement : « Je viens d’opérer un fibrome qui m’a donné pas mal de tracas.
C’est mon sang qui coula dans la première aurore… De même, l’idée de l’univers sera toujours présente au poète bouddhiste quand il lui arrivera d’aimer une femme.