Dans chaque siècle nous retrouverons le même antagonisme entre ceux qui veulent soumettre l’esprit aux sens et ceux qui reconnaissent la prépondérance de l’esprit. […] Seulement, si nous nous sommes interdit d’appeler réaliste un poète primitif comme Homère, nous reconnaîtrons volontiers qu’il reçoit l’impression directe de la nature. […] Jeannot, qui dans Les Bourgeoises à la mode se fait appeler M. le chevalier, rougit de reconnaître devant le monde sa mère, Mme Amelin, marchande à la toilette. […] Cependant un esprit sans prévention reconnaîtra qu’il y a dans Polyeucte par exemple et dans Nicomède des rôles qui ne seraient pas déplacés dans une comédie, celui de la confidente Stratonice, celui de Félix, celui de Prusias. […] Marivaux disait « que le style a un sexe et qu’on reconnaît les femmes à une phrase ».
Larroumet ; et sur ce point (sur ce point seulement) je n’ai pas reconnu sa précision habituelle. […] Larroumet, que je serais moi-même incapable de m’y reconnaître. […] ) le Paolo de Casimir Delavigne, nous l’avons reconnu : c’est le Torquemada de Victor Hugo. […] Il ne faut pas que la vertu réussisse ; car, si elle réussit, à quoi la reconnaîtra-t-on ? […] L’aubergiste, la bonne Mme Tringlot, reconnaît la bague et la canne de Cocart.
Après cela, libre à nous de reconnaître la grande philosophie religieuse de Bossuet dans certaines réflexions où Alberoni retombe toujours. […] C’est cela qu’il reconnaît par un acte d’intelligence, qu’il accepte par un acte de volonté : ce double acte, voilà ce qu’il appelle adorer les jugements de Dieu. […] N’y reconnaît-on pas l’ébauche des théories de la perception extérieure, de la mémoire, et de l’origine des idées, que M. […] L’essentiel est que cela vive, et cela vit ; que cela ressemble à l’humanité, et l’humanité s’y reconnaît. […] Elle est plus facile à reconnaître à l’état d’exception dans la société que lorsqu’elle a tout envahi et mêlé partout son influence.
Vous reconnaissez là leur formule habituelle. […] Il se reconnaît. Don Diègue aussi se reconnaît. Tout le monde se reconnaît. […] Rodrigue se reconnaîtra.
L’histoire est assise sur des tombes ; c’est là que Michelet la rencontra sans la reconnaître encore. […] Michelet a reconquis son rang littéraire, et, si sa valeur d’historien reste discutée, son génie d’écrivain est reconnu. […] On y reconnaît toujours la présence d’un certain nombre de vers conducteurs entre lesquels les autres s’intercalent. […] Si cet instinct ne peut pas se réaliser, il peut au moins se reconnaître ; infirme, il est clairvoyant. […] J’en connais les défauts et je les reconnais.
La valeur de Gœthe comme savant, longtemps contestée, n’est pas encore unanimement reconnue. […] Mais que cela soit une manie, il faut bien le reconnaître. […] Mais il a eu la loyauté de reconnaître sa dette. […] L’œil absorbe aussitôt le mot tout entier, et il le reconnaît non d’après ses éléments, mais d’après sa forme générale. […] — Enfin quels sont les plus sûrs moyens de reconnaître les jettateurs et de parer à leurs œillades ?
Il ôta son casque à longue crinière, et Bertoald reconnut le Roi. […] L’un d’eux se retourne, et Sainte-Beuve reconnaît Lamartine. […] qui me donnera un coin de terre où je puisse vivre ou plutôt végéter au soleil en paix et me reconnaître peu à peu ! […] Tâchons de nous y reconnaître et de résumer, avec la permission de transposer parfois. […] Hippolyte entend une voix et il reconnaît Artémis.
On me dira peut-être qu’Homere admet un destin, et que dans l’idée qu’il en donne, on pourroit reconnoître celle d’une divinité supérieure : mais quelque bonne intention qu’on ait, il n’est pas possible d’y trouver son compte. […] Mais, comme il y a des gens que le beau frappe, jusqu’à les mettre hors d’érat de reconnoître les fautes qui l’interrompent, il y en a d’autres aussi, qui sont tellement blessés des défauts, que le beau même qui y tient, ne les touche plus. […] Tout ce que nous pouvons faire, nous autres françois, c’est de reconnoître ces fautes, malgré les agrémens dont elles sont rachetées ; mais je suis persuadé que si notre langue mouroit, et qu’elle devînt une langue sçavante, les plus habiles alors ne sentiroient pas comme nous, ni les défauts ni les graces de ces endroits, où nous trouvons à la fois de quoi louer et de quoi reprendre. […] Ce n’est pas que quand les grecs eussent lû eux-mêmes les poëmes d’Homere, ils eussent été en état de les admirer moins ; car comme leur goût n’étoit pas encore formé par de bons ouvrages, la médiocrité leur eût toûjours tenu lieu de la perfection, et ils n’eussent pas été blessés des fautes, parcequ’ils n’avoient pas encore des principes qui leur aidassent à les reconnoître. […] C’est souvent un détour de la vanité qui loue volontiers les morts, pour se dispenser de louer les vivans ; on accorde le premier rang à ceux qui ne nous le disputent pas, pour l’ôter à ceux qui voudroient nous l’enlever, et l’on se flatte encore en secret de surpasser ceux mêmes qu’on reconnoît pour maîtres, par bienséance.
Ici je le reconnais et je le proclame, — ce que j’ai toujours reconnu du reste dans mes discussions avec Saint-Victor : — la supériorité écrasante de la sculpture grecque. […] On cite du mort des traits de bonté divine, comme d’avoir reconnu un ami dans la dèche, et s’il n’a fait toute sa vie que des cascades, c’est qu’il avait la pudeur des hautes aspirations à la littérature, si ridicules dans ce siècle, sans grands talents. […] * * * — Il n’y a que les domestiques qui savent reconnaître les gens distingués. […] Viollet-le-Duc parlait de gestes d’enfant qui dénoncent le père, le nomment presque, et il soutenait qu’un cocu philosophe, qui étudierait la question, pourrait, sans se tromper, reconnaître dans le cercle de ses amis et de ses connaissances, le père de son enfant.
Mais c’est surtout à l’occasion de la Bible que leurs systèmes, aussi nombreux qu’arbitraires, se sont heurtés les uns les autres, et qu’après avoir vainement tenté de les concilier sous la loi d’une indifférence voisine du scepticisme, ils ont dû reconnaître que leur érudition avait plutôt embrouillé ce qu’elle s’était flattée d’éclaircir. […] L’Église aussi bien ne le demande à personne ; et pourquoi le demanderait-elle, si ce n’est pas elle, mais si ce sont comme on l’a vu, les Haeckel et les Renan, qui dans le récit biblique de la création, par exemple, ont reconnu le plus pur esprit de la doctrine évolutive ? […] être pour d’autres âmes — Le calice de vaillance en quelque grande agonie, — Allumer de généreuses ardeurs, nourrir de pures amours, — Être la douce présence du bien partout diffus— Et dans sa diffusion toujours plus intense23 » ; — qui ne reconnaît là l’idée même du catholicisme ou de la catholicité, pour mieux dire, mêlée avec l’idée de la vertu du sacrifice ? […] Le protestantisme a sans doute « la raison » pour lui, mais une religion n’est pas une philosophie, et il faut reconnaître que le catholicisme a pour lui « la logique ». […] La science peut donc bien avoir aujourd’hui le droit de passer leurs idées comme au crible et de n’en retenir que ce qu’elle y reconnaît de conforme à ses propres certitudes.
Sans doute, pour être juste, il faut reconnaître qu’il se manifeste, de temps à autre, dans d’honorables conditions, des réminiscences de l’école haute, dite classique, qui sont accueillies avec estime, mais sans enthousiasme, comme appartenant à un genre démodé, fini en conséquence, incapable de conduire le mouvement littéraire actuel. […] Il est bien évident pour tout le monde, et ce n’est pas une découverte moderne, que de reconnaître qu’un organe ne vit pas par lui seul, pas plus le cerveau qu’un autre ; il est solidaire des parties qui composent l’ensemble animal et ne peut survivre à aucune d’elles. […] Nous sommes obligés de reconnaître que le sens littéraire s’est encore abaissé depuis. […] Mais nous nous contenterons de reconnaître, et l’expérience le démontre, que nos facultés ne comportent pas un développement indéfini quand elles ont atteint un summum, elles ne le dépassent pas, et l’imagination surtout. […] Mais soyons bien persuadés que Balzac, de même que Diderot s’ils vivaient tous deux, refuserait énergiquement de reconnaître comme sa descendance l’engeance naturaliste.
Le Consulat, dès le premier jour, en fut reconnu et salué. […] C’est là, on le conçoit, un bien joli cadre : deux âmes sœurs, séparées par une cloison, par un voile, et qui se sont devinées du premier jour, sans jamais devoir se reconnaître en face. […] Comment ne pas reconnaître son début enthousiaste de 1802, lorsque don Alphonse, après un mot flatteur du souverain, s’écrie : « Ah !
Prenons les plus beaux rameaux de notre poésie classique depuis Malherbe ; rien, absolument rien n’y est passé, rien ne s’y reconnaît de cette verte sève qui tenait aux racines mêmes de la vieille France. […] Ce serait être injuste cependant que de ne pas reconnaître dans le règne de Louis XII une saison propice de malice gauloise enhardie et de satire politique assez piquante. […] Pellisson, qui s’était mis un jour à relire, disait qu’il ne s’en était point repenti, et « y ayant trouvé, ajoutait-il, une infinité de choses qui valent bien mieux, à mon avis, que la politesse stérile et rampante de ceux qui sont venus depuis. » Ronsard et ses amis ont droit en particulier à notre reconnaissance, à nous qui avons tenté une œuvre qui n’était pas sans quelque rapport avec la leur, et on ne dépassera pas d’un mot la stricte vérité lorsqu’on dira : « En échouant manifestement sur bien des points, ils avaient réussi sur d’autres, beaucoup plus qu’on n’a daigné s’en souvenir et le reconnaître depuis.
Il y a là une force distincte, si distincte qu’à travers les énormes déviations que les deux autres moteurs lui impriment, on la reconnaît encore, et qu’une race, comme l’ancien peuple aryen, éparse depuis le Gange jusqu’aux Hébrides, établie sous tous les climats, échelonnée à tous les degrés de la civilisation, transformée par trente siècles de révolutions, manifeste pourtant dans ses langues, dans ses religions, dans ses littératures et dans ses philosophies, la communauté de sang et d’esprit qui relie encore aujourd’hui tous ses rejetons. […] Si l’homme est naturellement propre aux plus larges conceptions universelles, en même temps qu’enclin à les troubler par la délicatesse nerveuse de son organisation surexcitée, on verra, comme dans l’Inde, une abondance étonnante de gigantesques créations religieuses, une floraison splendide d’épopées démesurées et transparentes, un enchevêtrement étrange de philosophies subtiles et imaginatives, toutes si bien liées entre elles et tellement pénétrées d’une séve commune, qu’à leur ampleur, à leur couleur à leur désordre, on les reconnaîtra à l’instant comme les productions du même climat et du même esprit. […] Si par exemple on admettait qu’une religion est un poëme métaphysique accompagné de croyance ; si on remarquait en outre qu’il y a certains moments, certaines races et certains milieux, où la croyance, la faculté poétique et la faculté métaphysique se déploient ensemble avec une vigueur inusitée ; si on considérait que le christianisme et le bouddhisme sont éclos à des époques de synthèses grandioses et parmi des misères semblables à l’oppression qui souleva les exaltés des Cévennes ; si d’autre part on reconnaissait que les religions primitives sont nées à l’éveil de la raison humaine, pendant la plus riche floraison de l’imagination humaine, au temps de la plus belle naïveté et de la plus grande crédulité ; si on considérait encore que le mahométisme apparut avec l’avènement de la prose poétique et la conception de l’unité nationale, chez un peuple dépourvu de science, au moment d’un soudain développement de l’esprit ; on pourrait conclure qu’une religion naît, décline, se reforme et se transforme selon que les circonstances fortifient et assemblent avec plus ou moins de justesse et d’énergie ses trois instincts générateurs, et l’on comprendrait pourquoi elle est endémique dans l’Inde, parmi des cervelles imaginatives, philosophiques, exaltées par excellence ; pourquoi elle s’épanouit si étrangement et si grandement au moyen âge, dans une société oppressive, parmi des langues et des littératures neuves ; pourquoi elle se releva au seizième siècle avec un caractère nouveau et un enthousiasme héroïque, au moment de la renaissance universelle, et à l’éveil des races germaniques ; pourquoi elle pullule en sectes bizarres dans la grossière démocratie américaine, et sous le despotisme bureaucratique de la Russie ; pourquoi enfin elle se trouve aujourd’hui répandue en Europe avec des proportions et des particularités si différentes selon les différences des races et des civilisations.
« L’Assemblée nationale, dit-on, n’en avait pas le droit : elle avait juré la monarchie et reconnu Louis XVI ; elle ne pouvait le détrôner sans crime ! […] Si elle se reconnaissait le pouvoir de le proclamer roi, elle se reconnaissait par là même le droit de le proclamer simple citoyen.
Ils reconnurent le mystère, mais ils ne le comprirent pas ; et les ténèbres renaquirent où les premières races de cette humanité mystérieuse avaient vu le jour du ciel dans la sainteté des fils aînés de Dieu. […] Je ne cherche en ce moment ni par qui, ni par quoi, ni comment ; je saisis au passage le fait irrécusable de la dualité, là où était la simplicité ; je constate le flagrant délit des vertus au sein même de l’incapacité de toute vertu ; par conséquent, l’intervention d’un supérieur dans le sein même de l’inférieur, et je dis, avec l’autorité de l’évidence : Les propriétés ultérieures de la matière sur lesquelles vous vous appuyez pour repousser tout principe étranger à la matière, sont la chose même que vous niez, sont les manifestations logiques de ce principe même que vous essayez vainement de dissimuler, d’absorber dans la matière, croyant par là vous éviter de le reconnaître. […] Ce principe, ce demi-dieu créateur de nos pensées et de nos actes, dont mon corps est le temple, dont ma conscience est le sanctuaire, je ne l’aperçois pas seulement en conclusion logique, je le sens en moi de si près et dans une intimité si absolue avec moi-même, que je le reconnais pour être ce moi lui-même qui sent, qui comprend, qui veut et qui parle en ce moment.
Hyeronimo reconnut la ressemblance de ce messager avec Bartholomeo del Calamayo, l’ami du capitaine des sbires, de l’année précédente, mais il ne fit pas semblant, et l’enfant garda sa pensée en lui-même. […] XCI Dès qu’il fit jour, nous sortîmes tous ensemble, y compris les bêtes et le chien ; nous allâmes reconnaître de l’œil, aux beaux premiers rayons du soleil d’été rasant les montagnes, dont il semblait balayer les longues ombres et sécher la rosée, le dommage que la journée de la veille nous avait fait. […] — Vous allez le savoir, mon ami, me répondit une voix qu’il me sembla reconnaître à son accent de méchanceté hypocrite (ma belle-sœur, qui était accourue à son tour avec Fior d’Aliza, me dit vite que c’était celle du scribe Nicolas del Calamayo) ; vous allez le savoir à vos dépens.
Seulement, il faut reconnaître que la prédilection pour Corneille est plus fréquemment avouée. […] Il faut bien reconnaître qu’au temps de Racine on n’avait pas, au même degré qu’aujourd’hui, l’intelligence du passé, le sentiment et le goût de l’exotique, la notion de la variété profonde des types humains. […] Si c’est une convention, reconnaissons d’abord qu’elle vaut largement ce qu’elle coûte.
Car, non seulement l’Éducation sentimentale est l’histoire de deux jeunes gens, très particuliers comme individus et très généraux comme types, puisqu’ils représentent, l’un, le jeune homme romantique, et l’autre, le jeune homme positiviste, et cela juste à l’heure où la période du positivisme va succéder chez nous à celle du romantisme ; et non seulement cette histoire se combine avec une étude des idées et des mœurs dans les dernières années du règne de Louis-Philippe : l’Éducation sentimentale est quelque chose de plus : l’histoire pittoresque et morale, sociale et politique, de la Révolution de 1848 ; elle nous dit, et avec profondeur, les barricades et les clubs, la rue et les salons, et elle nous montre cette chose extraordinaire : la confrontation effarée des bourgeois avec la Révolution, cette Révolution que leurs pères ont faite soixante ans auparavant, mais qu’ils croient terminée, puisqu’elle les a enrichis, qu’ils s’indignent de voir recommencer ou plutôt qu’ils ne reconnaissent plus quand c’est eux à leur tour qu’elle menace, et qu’ils renient alors avec épouvante et colère. […] Mais cet enthousiasme même, avec lequel nous avons chéri et célébré l’humanité miséricordieuse du roman russe et du drame norvégien, ne montre-t-il pas que nous la portions en nous et que nous l’avons seulement reconnue ? […] et n’y reconnaissons-nous pas à la fois l’enthousiasme de la science et l’enthousiasme de la beauté morale et, déjà, comment ces deux religions se tiennent et s’engendrent ?
À mesure qu’il souffre davantage et que la mort approche, il se détache de la jolie « apparition », et en reconnaît mieux l’inutilité. […] Il a reconnu, en Bernadette Soubirous, une Césette plus sainte, mais non plus compliquée ou plus savante. […] » Qu’importe, si l’âme croyante reconnaît à son Dieu, et à Celle qui lui porte nos prières, le droit de paraître agir arbitrairement ?
Mais il vaut mieux encore revenir à la vérité et ne reconnaître d’autre majesté que celle de la nation et de l’idéal. […] Je puis même me dire chrétien, en ce sens que je reconnais devoir au christianisme la plupart des éléments de ma foi, à peu près comme M. […] On a beaucoup parlé depuis quelques années de retour religieux, et je reconnais volontiers que ce retour s’est généralement traduit sous forme de retour au catholicisme.
Carbon m’adopta tout d’abord ; il reconnut que le fond de mon caractère est la gaieté et l’acceptation résignée du sort. « Je vois que nous ferons bon ménage ensemble », me dit-il avec son excellent sourire. […] Puis le reconnaissais qu’il n’y a que les catholiques qui soient conséquents. […] En fait de contradictions, par exemple, il n’y a pas d’esprit dégagé de préoccupations théologiques qui ne soit forcé de reconnaître des divergences inconciliables entre les synoptiques et le quatrième Évangile, et entre les synoptiques comparés les uns avec les autres.
J’espère que cette digression sera pardonnée au besoin de prouver une des puissances de la conversation et de revendiquer pour elle un droit qui n’a été reconnu qu’aux lettres. […] Mais comme c’est une vérité de l’art littéraire ou poétique observée par Voltaire, que ce qui fait rire au théâtre, ce sont les méprises des personnages, et que c’est une autre vérité recueillie par l’observation, que la méprise la plus risible et la plus ridicule consiste essentiellement dans la prétention manquée, il faut avoir plus d’esprit qu’il ne m’en appartient, pour reconnaître que Molière, ce grand maître de l’art dramatique, cet observateur profond, n’a exprimé ou sous-entendu ces vérités dans la préface des Précieuses que pour masquer un gros et plat mensonge sur ses intentions relativement à l’hôtel de Rambouillet. […] Il reconnaît que la multiplication des auteurs grecs et latins par l’imprimerie alors récente, et les études des hommes de lettres, nous ont donné beaucoup de mots nouveaux et nécessaires.
L’Architecture reconnaît en elle sa patronne : comme les Vierges de nos vieux tableaux, elle pourrait porter le Parthénon, sa cathédrale, sur la paume de sa main tendue. […] Sans doute aussi, elle avait reconnu, dans l’auguste Vierge, le type transfiguré de sa race, la providence de sa destinée. […] C’est Athènes — Athéné — qui les désarme et les adoucit, c’est au tribunal d’une cité terrestre qu’elles cèdent le droit immémorial dont elles reconnaissent avoir fait abus.
C’est ici qu’il faut reconnaître le grand art où excellait l’auteur, de saisir toutes les nuances qui rendent la passion si différente d’elle-même. […] Qu’on y reconnaît le vieux guerrier, qui voudrait, s’il était possible, n’employer que les armes pour la révolution qu’il médite, mais qui, réduit à descendre jusqu’à l’intrigue, se sert habilement des passions mêmes qu’il méprise ! […] , on ne peut lui reprocher aucun mot satirique contre le mérite reconnu, éloge que l’on voudrait pouvoir faire de Despréaux.
Je reconnais que la colonne contre serait un peu plus longue que la colonne pour. […] La Fontaine est cela, je l’ai reconnu assez loyalement et assez complaisamment devant vous, mais il est bien autre chose, et La Fontaine considéré comme poète, je ne dirai pas n’est pas traité dans le livre de Taine, non certes ; mais il y est insuffisamment traité. […] Il y a encore une raison : c’est que Lessing faisait tous ses efforts et, il faut le reconnaître, il avait raison, pour déshabituer les Allemands de l’idolâtrie de la littérature française, et, fondant la littérature allemande, il disait que, dans tout pays, il faut vouloir être soi-même et donner sa mesure, et ne jamais imiter personne, surtout ne jamais être engoué de personne.
Je dis qu’on le fasse entrer : je vois un homme grand, assez bien mis, qui me demande si je ne le reconnais pas : — Est-ce que vous ne vous souvenez pas. […] Caritat de Condorcet, ne saurait se reconnaître sous la dénomination bizarre de Cazitan de Conclaret (tome ii, page 147).
On reconnaît tout cela, et l’on n’y contredit en rien. […] Cet état de langueur a bien des charmes, et ce mélange de verdure et de débris, de fleurs qui s’ouvrent sur des fleurs tombées, d’oiseaux qui chantent et de petits torrents qui coulent, cet air d’orage et cet air de mai font quelque chose de chiffonné, de triste, de riant, que j’aime… » Ne reconnaissez-vous pas le paysagiste d’instinct, qui se joue et qui s’essaye, sans maître, et auquel il faudrait bien peu de chose, — seulement un cadre, plus grand, — pour devenir, un maître en son genre, et lutter peut-être avec notre grand paysagiste du Berry ?
« On peut donner une façon matérielle de reconnaître les tableaux des Le Nain, à l’entassement de chaudrons, écuelles, légumes, qui se trouvent souvent sur le premier plan… « Ce sont des peintres de pauvres gens. » Théorie vraie, mais un peu absolue toutefois ; car, sans compter les tableaux de sainteté qui, par leur nature, sortent du programme, il faut toujours faire exception pour celui des trois frères qu’on appelait le chevalier Le Nain, le gros monsieur et le grand seigneur de la famille, celui qui peignait Cinq-Mars et Anne d’Autriche. […] je laisse maintenant ces trouvailles à d’autres ; mais ce qui ne sera jamais démenti, c’est qu’ils étaient pleins de compassion pour les pauvres, qu’ils aimaient mieux les peindre que les puissants, qu’ils avaient pour les champs et les campagnards les aspirations de La Bruyère, qu’ils croyaient en leur art, qu’ils l’ont pratiqué avec conviction, qu’ils n’ont pas craint la bassesse du sujet, qu’ils ont trouvé l’homme en guenilles plus intéressant que les gens de cour avec leurs broderies, qu’ils ont obéi au sentiment intérieur qui les poussait, qu’ils ont fui l’enseignement académique pour mieux faire passer sur la toile leurs sensations : enfin, parce qu’ils ont été simples et naturels, après deux siècles ils sont restés et seront toujours trois grands peintres, les frères Le Nain. » J’honore le critique qui trouve de tels accents, et quand il aurait excédé un peu, comme c’est ici le cas, dans ses conjectures ou dans son admiration pour les trois frères indistinctement, il n’aurait fait que réparer envers ces bons et dignes peintres un long arriéré d’oubli et d’injustice, leur rendre avec usure ce que près de deux siècles leur avaient ôté ; il n’aurait pas fait d’eux un portrait faux, car il reconnaît et relève en toute rencontre leurs inégalités et leurs défectuosités originaires, il n’aurait donné en définitive qu’un portrait un peu idéal, ou du moins un portrait un peu plus grand que nature, un peu plus accusé et accentué de physionomie, mais toujours dans les lignes de la ressemblance et de l’individualité.
Pie VII, de douce et bénigne figure, ne compromettait point la cause romaine en paraissant au milieu de nous ; Rome eût gagné à n’être que lui seul, et ce mot du Pontife à un jeune homme qui, dans une rue de Paris, se dérobait par la fuite à sa bénédiction, est le mot de la situation même : « Jeune homme, la bénédiction d’un vieillard ne fait jamais de mal. » C’était l’impression la plus générale de la France à ce moment ; on était dans une période de sentiment, de pitié et de justice, en même temps qu’à une ère recommençante de grande politique, et la politique véritable consistait précisément à respecter et à reconnaître toutes ces dispositions publiques, à se donner faveur et force en y satisfaisant. […] Etait-il possible en 1801, comme l’abbé de Pradt l’expose, comme Napoléon lui-même semble depuis l’avoir reconnu, d’adopter un autre mode que celui du Concordat, une manière moins solennelle, moins éclatante, mais plus neuve, plus hardie dans sa simplicité, rentrant moins dans les anciennes ornières, constituant « une liberté protectrice et non directrice », et qui aurait suffi à donner pleine satisfaction alors à la religion et à la majeure partie de la société, sans être grosse des périls et des conflits qui succédèrent ?
Non, l’astronome qui a prédit par son calcul une planète, que la lunette ensuite va reconnaître et vérifier dans l’espace, n’est pas plus heureux et glorieux… sublimi feriam sidera vertice. […] Aimer Molière, c’est n’être disposé à aimer ni le faux bel esprit ni la science pédante ; c’est savoir reconnaître à première vue nos Trissotins et nos Vadius jusque sous leurs airs galants et rajeunis ; c’est ne pas se laisser prendre aujourd’hui plus qu’autrefois à l’éternelle Philaminte, cette précieuse de tous les temps, dont la forme seulement change et dont le plumage se renouvelle sans cesse ; c’est aimer la santé et le droit sens de l’esprit chez les autres comme pour soi. — Je ne fais que donner la note et le motif ; on peut continuer et varier sur ce ton.
Villars de son lit de souffrance, envoyant au roi des drapeaux pris sur l’ennemi, put écrire sans trop de fanfaronnade : « Si Dieu nous fait la grâce de perdre encore une pareille bataille, Votre Majesté peut compter que ses ennemis sont détruits. » Ce qui reste vrai et ce qui est reconnu pour exact par les historiens militaires et les gens du métier les plus compétents, c’est que Villars, avec une armée inégale, recevant d’une telle vigueur le choc de ces énormes forces combinées des généraux alliés, et leur mettant plus de trente mille hommes hors de combat, garantit cette année-là nos frontières et obligea la Coalition à de nouveaux efforts qui demandaient du temps. […] En conséquence, rien ne fut négligé, dans la journée du 23 juillet, de ce qui pouvait donner le change au prince Eugène pour lui faire croire à une bataille le lendemain devant Landrecies ; on travaillait à jeter des ponts sur la Sambre comme si toute l’armée devait y passer ; on fit un gros détachement comme pour reconnaître le terrain où l’on devait combattre.
Cinquante-sept ans après, en 1704, l’Académie le faisait réimprimer, le considérant comme « un ouvrage né dans son sein, et dont la beauté a été si bien reconnue. » Elle y ajoutait un petit nombre d’Observations pour marquer en peu de mots les changements survenus pendant un demi-siècle et rendre compte de l’usage présent, « règle plus forte que tous les raisonnements de grammaire, et la seule qu’il faut suivre pour bien parler. » L’Académie était encore fidèle en cela à la loi reconnue par Vaugelas, et qui n’est autre que celle d’Horace lui-même : …………………………………………… Si volet usus, Quem penes arbitrium est, et jus, et norma loquendi.
Émile est fils naturel ; il est pis que cela, il est fils adultérin, et en naissant il n’a pas été reconnu par sa mère pas plus qu’il n’est accepté par son vrai père. […] Ayant vu, quelques années après, tomber également dans un duel mortel son collaborateur de La Presse, Dujarier, il prononça sur sa tombe, le 14 mars 1845, des paroles qui méritent d’être rappelées et qui témoignent d’un sentiment profond : « Si j’élève ici la voix, disait-il, ce n’est pas seulement pour exprimer de vains regrets et rendre un pieux hommage aux rares qualités que m’avaient fait reconnaître et honorer en lui des relations dont chacune était une épreuve journalière et décisive… Mais, placé entre la tombe qui est sous mes yeux et celle qui demeure ouverte et cachée dans mon cœur, je sens que j’ai un devoir impérieux à remplir, devoir trop douloureux pour n’être pas solennel !
Flammarion a rendu justice sur ce point à son illustre devancier, bien qu’il n’ait pas choisi les meilleurs témoins littéraires à son sujet, et qu’il n’ait pas assez reconnu en lui sous les défauts saillants les qualités rares. […] Il consent à reconnaître que « les hommes des autres mondes diffèrent de nous tant dans leur organisation intime que dans leur type physique extérieur » ; mais ce n’est là qu’une manière de concession : il croit pouvoir, d’ailleurs, assigner à ces types humains, certaines règles, certaines lois intellectuelles et morales qui leur sont communes avec nous.
On aime peu à voir cette décadence de la nation, avouée et reconnue d’un roi jeune, et qui devrait protester contre, ne fût-ce que par son exemple. […] Louis XV, en effet, n’a pas une langue en rapport avec celle des grands écrivains qui l’entourent : il est comme puni par là de ne les avoir pas assez appréciés, et de n’avoir pas vu ni reconnu le génie de son siècle dans les parties véritablement supérieures où il se rencontrait en effet.
On s’ennuie du beau reconnu de tous ; on veut du fin, de l’exquis, du neuf, quelque chose d’en deçà ou d’au-delà. […] Et cependant, c’est grâce à cette méthode, à ce genre de procédé, il faut bien le reconnaître, que j’obtiens en littérature des tableaux et des paysages comme on n’en avait pas auparavant : ainsi, sans sortir de ce volume, cette exacte, rebutante et saisissante description des Petits-Ménages, rue de Sèvres ; — ainsi la vue, l’impression, l’odeur même d’une salle d’hôpital, dans Sœur Philomène ; — ainsi, dans Renée Maupérin, le frais rivage de la Seine à l’île Saint-Ouen, et, dans Germinie Lacerteux, le coucher du soleil à la chaussée de Clignancourt : ce sont des Études sur place, d’après nature, d’un rendu qui défie la réalité.
Car ç’a été le caractère manifeste du public en ses derniers retours, après tant d’épreuves éclatantes et contradictoires, de se montrer ouvert, accueillant, de puiser l’émotion où il la trouve, de reconnaître la beauté si elle se rencontre, et de subordonner en tout les questions des genres à celle du talent. […] bienveillant par nature, exempt de toute envie, il ne put jamais admettre ce qu’il considérait comme des infractions extrêmes à ce point de vue primitif auquel lui-même n’était plus que médiocrement fidèle ; il croyait surtout que l’ancienne langue, celle de Racine, par exemple, suffit ; il reconnaissait pourtant qu’on lui avait rendu service en faisant accepter au théâtre certaines libertés de style, qu’il se fût moins permises auparavant, et dont la trace se retrouve évidente chez lui à dater de son Louis XI.
MADAME DE SÉVIGNÉ Les critiques, et particulièrement les étrangers, qui, dans ces derniers temps, ont jugé avec le plus de sévérité nos deux siècles littéraires, se sont accordés à reconnaître que ce qui y dominait, ce qui s’y réfléchissait en mille façons, ce qui leur donnait le plus d’éclat et d’ornement, c’était l’esprit de conversation et de société, l’entente du monde et des hommes, l’intelligence vive et déliée des convenances et des ridicules, l’ingénieuse délicatesse des sentiments, la grâce, le piquant, la politesse achevée du langage. […] Et d’abord, dès les premières pages de cette correspondance, nous nous trouvons dans un tout autre monde que celui de la Fronde et de la Régence ; nous reconnaissons que ce qu’on appelle la société française est enfin constitué.
Marie-Joseph Chénier a écrit sur Mme de Souza, avec la précision élégante qui le caractérise, quelques lignes d’éloges applicables particulièrement à Eugène : « Ces jolis romans, dit-il, n’offrent pas, il est vrai, le développement des grandes passions ; on n’y doit pas chercher non plus l’étude approfondie des travers de l’espèce humaine ; on est sûr au moins d’y trouver partout des aperçus très-fins sur la société, des tableaux vrais et bien terminés, un style orné avec mesure, la correction d’un bon livre et l’aisance d’une conversation fleurie…, l’esprit qui ne dit rien de vulgaire, et le goût qui ne dit rien de trop. » Mais indépendamment de ces louanges générales, qui appartiennent à toute une classe de maîtres, il faut dire d’Eugène de Rothelin qu’il peint le côté d’un siècle, un côté brillant, chaste, poétique, qu’on n’était guère habitué à y reconnaître. […] — Une épigraphe d’un style injurieux lui ayant été attribuée par mégarde dans un ouvrage assez récent, Mme de Souza écrivit ce modèle de rectification où l’on reconnaît tout son caractère : « M...
On pardonne pour être pardonné ; on pardonne parce qu’on se reconnaît digne de souffrir, c’est le pardon de l’humilité ; on pardonne pour obéir au précepte de rendre le bien pour le mal : mais aucun de ces pardons ne comprend l’excuse des peines qu’on nous a faites. […] Mais ces différents degrés dans le pardon chrétien, ce premier degré où l’on pardonne pour être pardonné, c’est-à-dire par crainte ou par espoir, cet autre degré où l’on pardonne parce qu’on se reconnaît digne de souffrir, c’est-à-dire par humilité, celui enfin où l’on pardonne par égard au précepte de rendre le bien pour le mal, c’est-à-dire par obéissance, ces trois manières, qui ne sont pas encore le pardon tout-à-fait supérieur et désintéressé, m’ont remis en mémoire ce qu’on lit dans l’un des Pères du désert, traduit par Arnauld d’Andilly : « J’ai vu une fois, dit un saint abbé du Sinaï, trois solitaires qui avoient reçu ensemble une même injure, et dont le premier s’étoit senti piqué et troublé, mais néanmoins, parce qu’il craignoit la justice divine, s’étoit retenu dans le silence ; le second s’étoit réjoui pour soi du mauvais traitement qu’il avoit reçu, parce qu’il en espéroit être récompensé, mais s’en étoit affligé pour celui qui lui avoit fait cet outrage ; et le troisième, se représentant seulement la faute de son prochain, en étoit si fort touché, parce qu’il l’aimoit véritablement, qu’il pleuroit à chaudes larmes.